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Date : 20190116


Dossier : IMM-3254-18

Référence : 2019 CF 62

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 16 janvier 2019

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

FATIH BEYCAN SABUNCU

HARIYE OZTEKIN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Monsieur Faith Beycan Sabuncu (le demandeur principal) et sa femme, Mme Hariye Oztekin, (collectivement appelés les demandeurs) demandent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a autorisé la demande du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) présentée en vertu de l’article 108 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Le défendeur a demandé l’annulation du statut de réfugié accordé aux demandeurs.

[2]  L’alinéa 108(1)a), le paragraphe 108(2) et le paragraphe 108(3) s’appliquent à la demande et prévoient ce qui suit :

Perte de l’asile

Cessation of Refugee Protection

Rejet

Rejection

108 (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

108 (1) A claim for refugee protection shall be rejected, and a person is not a Convention refugee or a person in need of protection, in any of the following circumstances:

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

(a) the person has voluntarily reavailed themself of the protection of their country of nationality;

Perte de l’asile

Cessation of refugee protection

(2) L’asile visé au paragraphe 95(1) est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1).

(2) On application by the Minister, the Refugee Protection Division may determine that refugee protection referred to in subsection 95(1) has ceased for any of the reasons described in subsection (1).

Effet de la décision

Effect of decision

(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected.

[3]  Les demandeurs sont citoyens de la Turquie. En juillet 2010, ils ont obtenu le statut de réfugié au Canada au sens de la Convention, à la suite d’une audience devant la SPR. Ils ont demandé l’asile, car ils craignaient la persécution par la famille de Mme Oztekin, qui s’opposait à la relation des demandeurs pour des motifs religieux. Le demandeur principal a également affirmé qu’il était un objecteur de conscience au service militaire obligatoire et qu’il craignait la conscription.

[4]  Les demandeurs sont retournés en Turquie à trois occasions entre janvier 2012 et octobre 2014. Ils ont effectué ces voyages dans le but de recevoir des traitements de fertilité dans un hôpital d’Istanbul.

[5]  Les demandeurs se sont rendus en Turquie séparément. Mme Oztekin s’y est d’abord rendue en janvier 2012 pour subir des tests de fertilité; elle y est restée jusqu’en avril 2012.  Elle y est retournée pour recevoir un traitement de fertilité de novembre 2012 à mars 2013. Elle est retournée en Turquie en août 2014 afin de se voir implanter un embryon.

[6]  Le demandeur principal s’est rendu en Turquie en mars 2012 pour se soumettre à des tests de fertilité; il y est resté jusqu’en avril 2012. Il s’est rendu de nouveau en Turquie en décembre 2012 pour recevoir d’autres traitements de fertilité, puis il est revenu au Canada plus tard ce mois-là. Le demandeur principal s’est rendu en Turquie pour la dernière fois en octobre 2014 en vue d’une implantation d’embryon. Le fils des demandeurs est né le 18 août 2013, à Edmonton, en Alberta.

[7]  Dans sa décision, la Commission a reconnu que les demandeurs avaient demandé et obtenu des passeports turcs. Elle a constaté que les demandeurs avaient déjà entrepris des traitements de fertilité au Canada, mais sans succès, et qu’ils ne pouvaient pas se permettre de suivre un autre traitement de ce genre au Canada.

[8]  La Commission a conclu que, même si les demandeurs savaient que des traitements de fertilité étaient offerts au Mexique, en Thaïlande et en Allemagne, ils ont écarté la possibilité d’aller dans ces pays en raison des coûts connexes et des difficultés d’ordre linguistique.

[9]  La Commission a souligné que les demandeurs ont séjourné à Istanbul, dans un lieu d’hébergement que l’hôpital fournissait. Ils y ont entrepris le traitement et ils ne se sont pas éloignés de plus de quelques kilomètres de l’hôtel.

[10]  La Commission a reconnu que les demandeurs croyaient être en sécurité en Turquie, puisqu’ils n’y résidaient pas et qu’ils n’y étaient pas inscrits. De plus, leur sentiment de sécurité était renforcé par le fait qu’Istanbul est situé à plus de 1 000 kilomètres de la ville où vivent les agents de persécution, soit la famille de l’épouse du demandeur principal.

[11]  La décision de la SPR soulève une question mixte de fait et de droit qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir la décision dans Yuan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2015), 37 Imm. L.R. (4th) 253. Dans les instances de contrôle judiciaire, la norme de la raisonnabilité exige que la décision soit justifiable, transparente et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables; voir la décision rendue dans l’affaire Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47.

[12]  La Commission a examiné les trois éléments de la réclamation décrits dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, nécessaires pour faire la démonstration d’une réclamation. Il faut notamment répondre à ces critères : le réfugié doit retourner volontairement dans le pays dont il a la nationalité; le réfugié doit démontrer son intention de réclamation et le réfugié doit s’être effectivement réclamé de la protection du pays dont il a la nationalité. Je me reporte également à la décision Balouch c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 765.

[13]  La Commission a déclaré que les demandeurs, par leurs actions, ont démontré que leur retour en Turquie était volontaire.

[14]  La Commission a conclu que les mesures prises par les demandeurs pour obtenir des passeports, et le fait qu’ils les ont utilisés pour aller en Turquie, non pas une fois, mais bien six fois en plusieurs mois, démontrent leur l’intention de réclamation.

[15]  La Commission a conclu que les contacts des demandeurs avec les autorités turques n’étaient pas fortuits.

[16]  Bien que la Commission ait reconnu que le désir des demandeurs de fonder une famille était raisonnable, et qu’ils avaient le droit de suivre des traitements de fertilité à l’extérieur du Canada, elle n’a pas accepté leur explication selon laquelle leur retour en Turquie pour des traitements de fertilité était raisonnable.

[17]  La Commission a conclu que, contrairement à la situation d’un réfugié qui retourne dans son pays d’origine pour rendre visite à un parent mourant, les traitements de fertilité ne sont pas exclusifs à la Turquie. Au paragraphe 19 de la décision, la Commission a déclaré que les demandeurs n’avaient pas réussi à [traduction] « établir à l’aide d’éléments de preuve que la Turquie était la seule option dans le monde ». Elle a ajouté que le [traduction] « coût et la langue ne justifient pas le risque de se réclamer de nouveau de la protection de l’État ».

[18]  Je suis d’avis que la décision en l’espèce satisfait à la norme de la décision raisonnable. Les conclusions de la Commission sont étayées par les éléments de preuve, y compris par le témoignage de vive voix par les demandeurs. Les conclusions de la Commission satisfont à la norme de la décision raisonnable précitée. L’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

[19]  Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3254-18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 15e jour de février 2019.

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3254-18

 

INTITULÉ :

FATIH BEYCAN SABUNCU, HARIYE OZTEKIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 DÉCEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 JANVIER 2019

 

COMPARUTIONS :

Me Shane Molyneaux

POUR LES DEMANDEURS

Me Brett Nash

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shane Molyneaux Law Office

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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