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Date : 20181219


Dossiers : T‑1725‑18

T‑1726‑18

Référence : 2018 CF 1284

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2018

En présence de madame la juge Strickland

Dossier : T‑1725‑18

ENTRE :

KODY JOHN WILLIAM SOLOMON ET PATRICIA KELLY SOLOMON

demandeurs

et

PREMIÈRE NATION DE GARDEN RIVER

défenderesse

Dossier : T‑1726‑18

ET ENTRE :

JUSTIN RALPH ROMANO ET

PATRICIA KELLY SOLOMON

demandeurs

et

PREMIÈRE NATION DE GARDEN RIVER

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Dans chacune de ces affaires, les demandeurs respectifs ont présenté une requête, aux termes des articles 50 et 359 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les « Règles »), pour solliciter un sursis à l’exécution de deux résolutions du conseil de bande (les « RCB ») de la Première Nation de Garden River (la « PNGR ») jusqu’à l’issue des demandes de contrôle judiciaire sous‑jacentes. Les RCB visent à bannir du territoire de la PNGR deux des demandeurs qui ont été accusés de trafic et de possession de drogues.

Le contexte

[2]  Kody William John Solomon (« Kody Solomon ») est membre de la PNGR. Il est âgé de trente ans et il réside dans la réserve de la PNGR, au domicile de sa mère, Patricia Kelly Solomon (« Kelly Solomon »), qui est également membre de la PNGR et qui, comme Kody Solomon, a vécu toute sa vie dans la réserve. Vivent aussi dans la maison familiale, le conjoint de fait de Kelly Solomon depuis 19 ans, Ralph Justin Romano (« Ralph Romano »), qui n’est pas membre de la PNGR, et leur fille âgée de quinze ans, Kiarra Solomon.

[3]  La réserve principale de la PNGR regroupe environ 1 500 de ses 3 000 membres. La réserve a une frontière commune avec la ville de Sault Ste. Marie, et la majorité des résidences dans la réserve sont éloignées de 10 à 15 km de Sault Ste. Marie.

[4]  Le 23 août 2018, Kody Solomon a été mis en état d’arrestation dans la Première Nation des Batchewanas. Plus tard le même jour, un mandat de perquisition a été exécuté au domicile de Kelly Solomon. Selon le communiqué de presse de la Police provinciale de l’Ontario qui a été publié sur le site sootoday.com, Kody Solomon a été accusé de douze infractions. Celles‑ci concernent le trafic, la possession en vue de faire le trafic, la possession de drogues, la possession de biens criminellement obtenus et la violation de la réglementation sur les armes à feu. Les drogues en cause comprenaient de la méthamphétamine (en cristaux), de la cocaïne, de l’héroïne et d’autres opioïdes. Quatre accusations ont été portées contre Ralph Romano pour possession d’un opioïde (autre que l’héroïne) en vue d’en faire le trafic, possession de cocaïne, possession de biens criminellement obtenus et entrave à un agent de la paix.

[5]  Le 27 août 2018, Kelly Solomon a été avisée qu’elle était suspendue avec solde de son emploi de surveillante au pavillon de ressourcement Dan Pine dans la PNGR, qu’elle occupait depuis dix‑neuf ans, pendant la tenue d’une enquête interne. Elle allègue qu’elle n’a pas été avisée de la nature de cette enquête.

[6]  Le 27 août 2018, le conseil de bande de la PNGR a adopté la RCB 2017‑2018‑46 (« RCB Solomon »), dont voici le libellé :

[traduction]

PREMIÈRE NATION DE GARDEN RIVER

BANNISSEMENT DE KODY SOLOMON

ATTENDU QUE le conseil de la Première Nation est chargé d’assurer la santé et la sécurité de ses citoyens;

ATTENDU QU’il existe une situation impliquant Kody Solomon et mettant en cause la santé et la sécurité;

ATTENDU QUE Kody Solomon est un membre de la Première Nation de Garden River qui a été accusé de trafic et de possession de drogues;

IL EST PAR LES PRÉSENTES RÉSOLU que le chef et le conseil de la Première Nation de Garden River BANNISSENT Kody Solomon du territoire de la Première Nation de Garden River à compter de ce jour;

EN DERNIER LIEU, IL EST RÉSOLU que la présente résolution soit présentée au Service de police anishinabek de la Première Nation de Garden River afin qu’elle soit mise à exécution.

[7]  Le même jour, le conseil de bande de la PNGR a adopté la RCB 2017‑2018‑46 (« RCB Romano »), dont voici le libellé :

[traduction]

PREMIÈRE NATION DE GARDEN RIVER

BANNISSEMENT DE RALPH JUSTIN ROMANO

ATTENDU QUE le conseil de la Première Nation est chargé d’assurer la santé et la sécurité de ses citoyens;

ATTENDU QU’il existe une situation impliquant Ralph Justin Romano et mettant en cause la santé et la sécurité;

ATTENDU QUE Ralph Justin Romano est un non‑membre de la Première Nation de Garden River qui a été accusé de trafic et de possession de drogues;

IL EST PAR LES PRÉSENTES RÉSOLU que le chef et le conseil de la Première Nation de Garden River BANNISSENT Ralph Justin Romano du territoire de la Première Nation de Garden River à compter de ce jour.

IL EST ÉGALEMENT RÉSOLU qu’il soit aussi interdit à l’entreprise connue sous la raison sociale de D&R Plumbing, dont Ralph Justine Romano est l’un des associés, d’exercer des activités sur le territoire de la Première Nation de Garden River;

EN DERNIER LIEU, IL EST RÉSOLU que la présente résolution soit présentée au Service de police anishinabek de la Première Nation de Garden River afin qu’elle soit mise à exécution.

[8]  Dix membres du conseil de bande ont signé les RCB, comme l’a fait le chef Paul Syrette.

[9]  Le ou vers le 29 août 2018, Kody Solomon et Ralph Romano ont tous deux reçu signification des RCB et ils ont quitté le domicile familial ainsi que la réserve.

[10]  Le 26 septembre 2018, Kody Solomon et Kelly Solomon ont déposé une demande de contrôle judiciaire (dossier T‑1715‑18) dans le but de faire déclarer inopérante la RCB Solomon, au titre de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c 11 (R‑U) (la « Loi constitutionnelle de 1982 »); subsidiairement, ils sollicitent une ordonnance de suspension permanente ou l’annulation de la RCB Solomon au titre du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (la « Charte »); subsidiairement encore, ils sollicitent une ordonnance déclarant la RCB Solomon nulle, ultra vires et/ou illégale, aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. Le même jour, Ralph Romano et Kelly Solomon ont déposé une demande de contrôle judiciaire similaire dans le dossier T‑1726‑18.

[11]  Ces deux requêtes demandant de suspendre les RCB ont été instruites ensemble le 13 décembre 2018.

Les questions en litige

[12]  L’unique question en litige dont je suis saisie consiste à décider, dans chaque affaire, s’il a été satisfait au critère donnant ouverture à la mesure injonctive. Le critère à cet égard est bien établi, et les parties conviennent qu’il a été énoncé dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 (« RJR‑MacDonald »).

[13]  En voici la teneur :

  • 1) Existe‑t‑il une question sérieuse à juger?

  • 2) La personne sollicitant la mesure subirait‑elle un préjudice irréparable si elle n’était pas accordée?

  • 3) La prépondérance des inconvénients favorise‑t‑elle l’octroi ou le refus de la mesure demandée?

[14]  Le critère est conjonctif, et la personne qui demande la mesure interlocutoire doit satisfaire aux trois volets pour obtenir la mesure interlocutoire. Il incombe à la partie qui présente la requête d’établir qu’il a été satisfait au critère (RJR‑MacDonald, aux pages 314 et 315). Dans tous les cas, la question fondamentale consiste à savoir si l’octroi d’une injonction est juste et équitable eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire (Google Inc c Equustek Solutions Inc, 2017 CSC 34, au paragraphe 25).

[15]  La Cour suprême du Canada a récemment confirmé à nouveau le critère dans l’arrêt R c Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5 (« Radio‑Canada ») :

[12]  Dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., et plus tard dans l’arrêt RJR‑MacDonald, la Cour a affirmé que les demandes d’injonction interlocutoire devaient respecter chacun des trois volets du test qui tire son origine de la décision de la Chambre des Lords dans American Cyanamid Co. c. Ethicon Ltd. À la première étape, le juge de première instance doit procéder à un examen préliminaire du bien‑fondé de l’affaire pour décider si le demandeur a fait la preuve de l’existence d’une « question sérieuse à juger », c’est‑à‑dire que la demande n’est ni futile ni vexatoire. À la deuxième étape, le demandeur doit convaincre la cour qu’il subira un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée. Enfin, à la troisième étape, il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée.

[Renvois omis.]

La question sérieuse à juger

[16]  Le témoignage du chef Syrette, lorsqu’il a été contre‑interrogé sur son affidavit qui a été souscrit le 19 novembre 2018 et qui a été déposé à l’appui de l’opposition de la défenderesse aux présentes requêtes demandant une mesure injonctive, confirme que ni Kody Solomon ni Ralph Romano n’ont reçu d’avis de l’intention qu’avait le conseil de bande d’édicter les RCB. On ne leur a pas offert la possibilité d’être entendus en audience ou de présenter des observations, et aucun motif ne leur a été communiqué, sauf les RCB mêmes. En fait, la réunion du conseil de bande s’est déroulée à huis clos, aucune note n’a été prise, la réunion n’a pas été enregistrée sur bande magnétoscopique et il n’existe aucun procès‑verbal dans lequel auraient été consignés les discussions, l’information ou les facteurs pris en considération qui ont mené aux décisions d’émettre des RCB.

[17]  La défenderesse admet que les motifs relatifs à l’équité procédurale et à la justice naturelle qui sont énoncés dans les demandes de contrôle judiciaire sous‑jacentes soulèvent une question sérieuse. À mon avis, il s’agit d’une admission sage, et je conviens que ces circonstances soulèvent une question sérieuse qui satisfait au premier volet du critère tripartite.

[18]  Toutefois, les demandeurs soutiennent également que s’ils sont aussi en mesure d’établir que la question sérieuse atteint le niveau d’une preuve prima facie suffisante, les chances de succès de leur requête pencheront fortement en leur faveur (Edgar c Conseil de bande des Kitasoo, 2003 CFPI 166 [« Edgar »], au paragraphe 31). En outre, ce qui constitue une preuve prima facie suffisante [ou une forte apparence de droit] a été récemment défini par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Radio‑Canada : une cause dans laquelle le tribunal doit être convaincu qu’il y a une forte chance au regard du droit et de la preuve présentée que, au procès, le demandeur réussira ultimement à prouver les allégations énoncées dans l’acte introductif d’instance (Radio‑Canada, au paragraphe 17).

[19]  Les demandeurs font valoir qu’il existe en l’espèce des arguments solides et manifestes pour soutenir que la défenderesse a manqué à son obligation en matière d’équité procédurale. Il existe également des arguments solides et manifestes pour démontrer que les RCB ont été adoptées sans autorité habilitante et qu’elles sont ultra vires, en raison du fait qu’il n’y a aucun règlement conférant au conseil de bande le pouvoir d’édicter de telles RCB. Selon le témoignage du chef Syrette, en contre‑interrogatoire, les RCB ont été adoptées en vertu du règlement no 13 sur l’expulsion des intrus. Les demandeurs soulignent que ce règlement a été à l’origine pris sous le régime de la Loi sur les Indiens en 1976 et que sa version actuelle a été promulguée en 1996. Ils font valoir que le règlement no 13 ne s’applique pas aux membres de la bande ni aux personnes qui résident légalement dans la réserve. Il ne s’appliquerait donc pas à Kody Solomon ni à Ralph Romano. En outre, un mois après que les RCB ont été adoptées, le conseil de bande a pris le règlement no 20 concernant les actes d’intrusion dans la réserve, dans le but d’autoriser le conseil de bande à prendre des mesures de cette nature à compter de son entrée en vigueur. Les demandeurs soutiennent que ce fait établit clairement que les RCB contestées sont ultra vires. Et bien que la défenderesse prétende maintenant que les RCB ont été adoptées sous le régime du droit anishinaabe, et non des règlements administratifs de la bande, cela est contredit par le témoignage en contre‑interrogatoire du chef Syrette, lequel a reconnu que les RCB contestées avaient été adoptées sous le régime du règlement no 13. Cette prétention est également contredite par une résolution adoptée par le conseil de bande le 9 octobre 2018, laquelle énonce que des avis d’intrusion ont été délivrés à Kody Solomon et Ralph Romano au titre du règlement no 13 qui a subséquemment été remplacé par le règlement no 20.

[20]  Les demandeurs font également valoir que les présentes demandes soulèvent d’importantes questions en matière de droit constitutionnel en ce qui concerne l’interaction entre les droits des membres individuels et les intérêts globaux des collectivités des Premières Nations. Plus particulièrement, il s’agit d’établir si une Première Nation peut bannir en permanence un membre ou le conjoint d’un membre de la réserve et si cette décision violerait l’article 7 de la Charte. L’affaire soulève aussi de nouvelles questions sous le régime des articles 6 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, à savoir si l’article 6 protège le droit d’une personne autochtone ou d’une personne qui vit dans une relation conjugale avec une personne autochtone de s’installer dans la réserve ou hors de celle‑ci dans une province. En ce qui concerne l’article 35, il s’agit de déterminer si un membre de la bande, comme Kody Solomon, jouit de droits issus de traités qui l’autorisent à chasser et à pêcher sur ses terres ancestrales, auxquels il serait porté atteinte du fait d’un bannissement permanent. Dans le même ordre d’idées, il s’agit de savoir si une personne autochtone dont le conjoint n’est pas Autochtone peut être forcée de choisir entre son droit de résider dans la réserve et son droit de résider avec son conjoint.

[21]  La défenderesse fait valoir que les demandeurs tentent en fait de réécrire le critère de l’arrêt RJR‑MacDonald. En outre, quand un demandeur conteste la constitutionnalité d’une loi, la Cour n’accordera une suspension de l’application de la loi seulement dans des cas évidents (Harper c Canada (Procureur général), 2000 CSC 57 [« Harper »], au paragraphe 9). L’intérêt public est un facteur spécial dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients quand la constitutionnalité d’une loi est remise en question (RJR‑MacDonald, à la page 337) et, dans de tels cas, l’intérêt public s’exprime par le besoin de stabilité et de préservation de la loi jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa légalité (RJR‑MacDonald, aux pages 348 et 349). Lorsqu’un demandeur formule des allégations portant sur l’inconstitutionnalité de la loi étudiée, la Cour peut examiner attentivement le fond de la demande sous‑jacente dans le cadre du volet du critère qui traite de la question sérieuse (RJR‑MacDonald, aux pages 334, 338 et 339). En l’espèce, les allégations d’inconstitutionnalité des demandeurs pourraient ne pas survivre à un examen attentif de cette nature. Ils admettent que la question de la constitutionnalité des RCB est nouvelle, mais une cause ne peut pas à la fois être nouvelle et être solide au fond. Une simple allégation de constitutionnalité ne satisfait pas à l’obligation de présenter une cause solide (International Longshore and Warehouse Union, Canada c Canada (Procureur général), 2008 CAF 3, au paragraphe 26).

Analyse

[22]  Dans le contexte d’une injonction mandatoire, qui n’est pas demandée en l’espèce, la Cour suprême du Canada a statué, dans l’arrêt Radio‑Canada, que le critère approprié pour apprécier la solidité de la cause d’un demandeur à la première étape du critère de l’arrêt RJR‑MacDonald ne consiste pas à déterminer s’il existe une question sérieuse à juger, mais plutôt si le demandeur a établi une forte apparence de droit. Cela signifie qu’après un examen préliminaire de la cause, le juge saisi de la requête doit être convaincu qu’il existe une forte probabilité, compte tenu du droit et de la preuve présentée, qu’au procès ou, en l’espèce, qu’au contrôle judiciaire, le demandeur réussira en fin de compte à prouver les allégations énoncées dans l’avis introductif.

[23]  Toutefois, la Cour suprême du Canada n’est pas allée aussi loin que laisser entendre que le critère de l’arrêt RJR‑MacDonald était modifié au‑delà des circonstances d’une injonction mandatoire. En fait, elle a fait le contraire et elle a confirmé que le critère tripartite classique de l’arrêt RJR‑MacDonald pouvait toujours s’appliquer dans d’autres circonstances.

[24]  Quoi qu’il en soit, les demandeurs font valoir que la définition d’une apparence de droit qu’a formulée la Cour suprême du Canada peut s’appliquer dans la présente affaire et qu’une conclusion d’apparence de droit influe sur l’appréciation des deux autres volets du critère. On trouve cette observation en partie dans la décision Edgar de la présente cour qui, selon les demandeurs, présente des similarités factuelles avec la présente affaire. Dans la décision Edgar, comme en l’espèce, une question sérieuse avait été admise. Le juge Shore a déclaré qu’à son avis, la demanderesse dans cette affaire faisait valoir des arguments très solides pour démontrer qu’un manquement à l’équité procédurale invalidait la résolution, du conseil de bande en cause, de la bannir. Le juge Shore a ajouté ce qui suit :

31. Le juge Sharpe, dans son ouvrage intitulé Injunctions and Specific Performance, 3e édition (Canada Law Book, 2000), aux pages 2 à 10, souligne que [traduction] « si le demandeur démontre bel et bien une preuve prima facie suffisante, les chances de succès absolu pencheront fortement en faveur d’une injonction ».

[25]  Le juge Shore n’a pas approfondi cette question, et il est passé à l’appréciation du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients, après quoi il a accordé l’injonction interlocutoire.

[26]  Les demandeurs ont invoqué la décision Dreaver c Pankiw, 2006 CF 601 (« Dreaver »); dans cette affaire, le juge Shore a cité l’arrêt Turbo Resources Ltd, [1989] 2 CF 451 (CA), qui faisait également référence au texte du juge Sharpe, texte qui donnait à penser que les trois volets du critère tripartite ne devaient pas être considérés « comme des catégories distinctes et étanches » et qu’ils « entret[enaient] des rapports les uns avec les autres, de sorte que la force constatée à l’égard d’un des aspects du critère [devait] pouvoir compenser les faiblesses souffertes par ailleurs ». Je constate que la décision Dreaver est antérieure à l’arrêt RJR‑MacDonald et que le juge Shore affirme simplement que les trois volets du critère se chevauchent souvent quand la question juridique à l’étude exige que les tribunaux étudient et mettent en équilibre des intérêts publics opposés. La Cour a également statué que, bien que les trois volets du critère ne soient pas des catégories distinctes et étanches, la partie qui demande le redressement doit néanmoins avancer de solides arguments relativement à chacun des trois facteurs (Voltige Inc c Cirque X Inc, 2006 CF 700, au paragraphe 20).

[27]  Le demandeur invoque en outre l’arrêt Toronto (City) c Ontario (Attorney Général), 2018 ONCA 761 (« City of Toronto »). Dans cette affaire, il s’agissait de savoir s’il convenait d’accueillir la requête en suspension du procureur général en attente d’un appel à la Cour d’appel de l’Ontario d’une ordonnance de la Cour supérieure de justice selon laquelle des dispositions du projet de loi 5, la Loi de 2018 sur l’amélioration des administrations locales, LO 2018, c 11, violaient l’alinéa 2b) de la Charte étaient par conséquent inopérantes. Dans cette affaire, la période des élections municipales de 2018 de la ville de Toronto, selon les règlements de la ville qui prévoyaient une structure composée de 47 quartiers, débutait le 1er mai 2018. Le projet de loi 5, qui a été déposé le 30 juillet 2018 et qui a reçu la sanction royale le 14 août 2018, modifiait le déroulement des élections en imposant une structure constituée de 25 quartiers. Des poursuites ont vite été intentées pour contester la constitutionnalité du projet de loi 5.

[28]  Quand elle s’est penchée sur le volet du critère relatif à la question sérieuse, la Cour d’appel de l’Ontario a fait remarquer que, dans l’arrêt RJR‑MacDonald, la Cour suprême du Canada avait reconnu que, dans les cas où, en pratique, les droits des parties seront établis par l’issue des requêtes en suspension, la cour peut accorder beaucoup plus de poids à la solidité de l’appel.

[29]  Cet énoncé a été fait en fonction de la première de deux exceptions à la règle générale qui empêche un juge saisi de la requête de se livrer à un examen approfondi au fond quand il décide si une question sérieuse a été établie, comme l’a prescrit la Cour suprême du Canada dans RJR‑MacDonald. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a statué que la première exception se présente dans le cas où le résultat de la demande interlocutoire permettra en fait de régler définitivement l’action. Ce sera le cas, d’une part, si le droit que le requérant cherche à protéger est un droit qui ne peut être exercé qu’immédiatement ou pas du tout, ou, d’autre part, si le résultat de la demande aura pour effet d’imposer à une partie un tel préjudice qu’il n’existe plus d’avantage possible à tirer d’un procès (page 338). La Cour suprême du Canada a ensuite précisé que les circonstances dans lesquelles la première exception s’applique sont rares et « [l]orsqu’elle s’applique, le tribunal doit procéder à un examen plus approfondi du fond de l’affaire. Puis, au moment de l’application des deuxième et troisième étapes de l’analyse, il doit tenir compte des résultats prévus quant au fond » (page 339).

[30]  La Cour d’appel de l’Ontario a statué que City of Toronto était une affaire de cette nature, parce qu’une décision immédiate était nécessaire pour permettre la tenue des élections le 22 octobre 2018 et que la décision allait déterminer si le scrutin se déroulerait selon la structure de 25 quartiers ou celle de 47 quartiers. La Cour a déclaré que [traduction« [d]ans ces circonstances, on doit porter une plus grande attention au fond de la demande de nature constitutionnelle et, comme l’enseigne l’arrêt RJR‑MacDonald, on doit se demander s’il existe une probabilité solide que l’appel réussisse » (page 339).

[31]  C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré ce qui suit :

[traduction]

[20] Nous avons conclu à l’existence d’une forte apparence de droit en appel, en nous fondant sur l’analyse des deuxième et troisième volets du cadre de RJR‑MacDonald : voir RJR‑MacDonald, à la page 339. Nous reconnaissons qu’en l’espèce, l’Ontario n’a pas le monopole de l’intérêt public et que la Ville protège aussi l’intérêt public. Toutefois, ayant fait droit à l’argument des intimés selon lequel la norme plus rigoureuse de la [traduction] « forte chance de succès » devrait être appliquée et, ayant conclu que le jugement porté en appel était probablement erroné, nous n’avons aucun doute que la partie requérante subirait un préjudice irréparable si une suspension n’était pas accordé. Il n’est pas dans l’intérêt public de permettre que le scrutin à venir se tienne sur le fondement d’une décision douteuse qui invalide des mesures législatives dûment adoptées par la législature. Nous n’acceptons pas l’observation des intimés selon laquelle l’Ontario n’a pas une attitude irréprochable, parce qu’elle a exercé son pouvoir législatif d’adopter le projet de loi 5 et qu’elle ne devrait pas avoir droit à la réparation en equity d’une suspension de la part de la cour.

[21] Dans le même ordre d’idées, la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’une suspension. Comme l’a établi la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Harper c Canada (Procureur général), 2000 CSC 57, [2000] 2 RCS 764, au paragraphe 9, « [l]es tribunaux n’ordonneront pas à la légère que les lois que le Parlement ou une législature a dûment adoptées pour le bien du public soient inopérantes avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet qui se révèle toujours complexe et difficile ». La cour a ensuite précisé que les suspensions empêchant « l’application d’une mesure législative dont on conteste la constitutionnalité ne seront délivrées que dans les cas manifestes ». Compte tenu de notre conclusion préliminaire selon laquelle le projet de loi 5 n’est pas atteint de nullité constitutionnelle, nous n’hésitons pas à conclure que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’une suspension.

[32]  À mon avis, l’affaire City of Toronto peut être distinguée de la présente espèce, étant donné que les deux demandes de contrôle judiciaire dont je suis saisie ne sont pas des affaires qui sont visées par l’une ou l’autre des deux exceptions énoncées dans l’arrêt RJR‑MacDonald. Par conséquent, la Cour n’a pas besoin de se livrer à autre chose qu’une appréciation préliminaire du fond; en fait, la question sérieuse a été admise sur le fondement de l’allégation d’omission d’avoir assuré l’équité procédurale. Étant donné qu’aucun examen exhaustif du fond ne sera réalisé, le résultat prévu au fond n’est pas un facteur qui doit être pris en considération au titre des deuxième et troisième volets du critère.

[33]  Et, bien que je convienne que les questions constitutionnelles soulevées par les demandeurs dans le contexte du bannissement par une Première Nation d’un membre de la bande, ou du conjoint d’un membre de la bande, sont des questions sérieuses et importantes, elles sont d’actualité, non résolues et en grande partie nouvelles. En outre, dans l’arrêt RJR‑MacDonald, la Cour suprême du Canada a statué que la deuxième des deux exceptions à la règle générale, selon laquelle un juge saisi d’une requête ne doit pas se livrer à une étude exhaustive au fond quand il décide si une question sérieuse a été établie, est applicable quand la question de la constitutionnalité se présente comme une simple question de droit isolée. La Cour suprême a statué qu’il pouvait exister de rares cas dans lesquels la question de la constitutionnalité se présentait comme une simple question de droit isolée que le juge saisi de la requête pouvait trancher définitivement; dans ces cas, il n’est pas nécessaire d’examiner les deuxième et troisième volets du critère, parce qu’ils ne sont pas pertinents, dans la mesure où la question constitutionnelle est définitivement tranchée, rendant ainsi la suspension superflue.

[34]  Ce n’est pas le cas en l’espèce. Et, quoi qu’il en soit, aucun argument au fond sur les questions constitutionnelles n’ayant été présenté, aucune appréciation de la valeur de ces questions ne peut donc être effectuée, et ces questions ne peuvent pas être réglées dans le cadre de la présente requête interlocutoire en mesure injonctive.

Le préjudice irréparable

[35]  « Irréparable » qualifie la nature du préjudice subi plutôt que son ampleur; il s’agit d’un préjudice qui ne peut pas être quantifié en termes monétaires ou auquel il est impossible de remédier, habituellement parce qu’une partie ne peut pas récupérer de dommages-intérêts de l’autre partie (RJR‑MacDonald, à la page 341). Le demandeur doit présenter une preuve claire qui ne repose pas sur des conjectures et qui démontre qu’un préjudice irréparable sera subi si la requête en mesure interlocutoire n’est pas accueillie (United States Steel Corporation c Canada (Procureur général), 2010 CAF 200 [« US Steel »], au paragraphe 7). Il ne suffit pas de démontrer qu’un préjudice irréparable pourrait se produire. Le préjudice irréparable invoqué ne peut non plus se fonder sur de simples affirmations (US Steel, au paragraphe 7).

[36]  Selon la Cour d’appel fédérale, « il faut produire des éléments de preuve suffisamment probants, dont il ressort une forte probabilité que, faute de sursis, un préjudice irréparable sera inévitablement causé. Les hypothèses, les conjectures et les affirmations discutables non étayées par les preuves n’ont aucune valeur probante » (Glooscap Heritage Society c Canada (Revenu national), 2012 CAF 255 [« Glooscap »], au paragraphe 31).

[37]  Les demandeurs soutiennent que, dans l’arrêt RJR‑MacDonald, la Cour suprême du Canada a statué que, dans les affaires mettant en cause les droits garantis par la Charte, tout dommage financier subi en raison d’une loi prétendument inconstitutionnelle est généralement réputé être un préjudice irréparable. Cependant, voici comment la Cour s’est réellement exprimée dans cette affaire :

À plusieurs reprises, notre Cour a accepté le principe que des dommages-intérêts peuvent être accordés relativement à une violation des droits garantis par la Charte : (voir par exemple Mills c. La Reine, 1986 CanLII 17 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 863, aux pp. 883, 886, 943 et 971; Nelles c. Ontario, 1989 CanLII 77 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 170, à la p. 196). Toutefois, il n’existe pas encore de théorie juridique relative aux principes susceptibles de régir l’octroi de dommages-intérêts en vertu du par. 24(1) de la Charte. Compte tenu de l’incertitude du droit quant à la condamnation à des dommages-intérêts en cas de violation de la Charte, il sera dans la plupart des cas impossible pour un juge saisi d’une demande interlocutoire de déterminer si un dédommagement adéquat pourrait être obtenu au procès. En conséquence, jusqu’à ce que le droit soit clarifié en cette matière, on peut supposer que le préjudice financier, même quantifiable, qu’un refus de redressement causera au requérant constitue un préjudice irréparable.

[38]  En outre, le même argument que les demandeurs ont formulé a été récemment mis de l’avant, et rejeté, dans la décision Right to Life Association of Toronto and Area c Canada (Emploi, Développement de la main‑d’œuvre et Travail), 2018 CF 102. Voici ce qu’a conclu la juge St‑Louis :

[60] La Cour d’appel fédérale a depuis ce jugement établi une jurisprudence qui vient s’opposer aux arguments des défendeurs selon lesquels le seuil du préjudice irréparable est peu élevé pour les cas relevant de la Charte, ou que le préjudice irréparable peut découler d’une allégation d’une violation de la Charte. Dans Canada (Procureur général) c United States Steel Corp, 2010 CAF 200 [US Steel], où l’appelant avait allégué que les lois qui étaient en cause contrevenaient à l’article 11 de la Charte, la Cour avait déclaré que « [s]elon la jurisprudence de notre Cour, la partie qui cherche à obtenir la suspension doit présenter une preuve claire qui ne repose pas sur des conjectures démontrant qu’un préjudice irréparable sera subi si la requête en suspension n’est pas accordée. Il ne suffit pas de démontrer qu’un préjudice irréparable “pourrait se produire”. Le préjudice irréparable invoqué ne peut se fonder sur de simples affirmations » (au paragraphe 7, soulignement ajouté).

[61] La juge Kane a examiné la jurisprudence dans le cadre d’une affaire liée à l’article 8 de la Charte dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c Canada (Procureur général), 2015 CF 1101 [Institut professionnel de la fonction publique du Canada]. Vu l’urgence de la présente question et par économie de temps, je renvoie à sa conclusion selon laquelle la Cour d’appel fédérale a conclu que « l’existence d’un préjudice irréparable doit être établie indépendamment des arguments sur la constitutionnalité des procédures en cause – elle ne peut être inférée d’une violation possible de la Charte avant même qu’elle soit avérée » (Institut professionnel de la fonction publique du Canada, au paragraphe 154; Groupe Archambault Inc. c Cmrra/Sodrac Inc., 2005 CAF 330, au paragraphe 16; International Longshore and Warehouse Union, Canada c Canada (Procureur général), 2008 CAF 3).

[39]  En l’espèce, ni Kody Solomon ni Ralph Romano n’ont déposé d’affidavits. Ces deux demandeurs n’ont donc pas présenté la preuve d’un préjudice irréparable. Quand cette question a été soulevée par la Cour à l’audience, les avocats des demandeurs ont déclaré que cette situation s’expliquait par le fait que ces parties avaient été accusées d’infractions criminelles et s’inquiétaient d’être contre‑interrogées à propos des accusations en matière de drogues. Les avocats de la défenderesse ont souligné que les demandeurs pouvaient seulement être contre‑interrogés sur le contenu de leurs affidavits, dans lesquels il n’était pas nécessaire d’aborder la question des accusations criminelles. Je suis d’accord avec la défenderesse quant au fait que Kody Solomon et Ralph Romano auraient pu limiter leur preuve par affidavit à la question du préjudice irréparable, sans aborder nécessairement quelque aspect des accusations en instance. Je suis également d’avis que l’absence de toute preuve de la part de ces demandeurs affaiblit considérablement leur allégation de préjudice irréparable.

[40]  La seule preuve à cet égard est celle de Kelly Solomon. Dans les deux demandes, Mme Solomon a souscrit un affidavit daté du 2 octobre 2018, dans lequel elle décrit le préjudice qu’elle et sa famille auraient subi, d’après elle. En ce qui concerne les conséquences pour sa famille, Mme Solomon déclare qu’elle élève seule Kiarra depuis que son fils et son conjoint sont partis. Elle affirme que Kody Solomon et Ralph Romano étaient très présents dans la vie de Kiarra, qu’ils la conduisaient à l’école, qu’ils l’amenaient à la chasse et à la pêche, qu’ils célébraient les occasions spéciales et qu’ils participaient à des repas hebdomadaires. Ils représentent des figures parentales pour Kiarra, et elle comptait sur eux pour avoir des conseils et du soutien. Kiarra s’est dite frustrée et désemparée du fait que son frère et son père n’étaient pas autorisés à rentrer à la maison et qu’elle avait été intimidée par des camarades qui étaient [traduction« au courant des allégations ». Mme Solomon dit qu’elle ne se sent pas en sécurité du fait de vivre seule, qu’elle ne peut pas préparer seule sa maison pour l’hiver, que sa famille élargie vit dans la PNGR et que son fils ainsi que son conjoint ont participé entièrement à l’aide offerte à son père, qui vit seul, à l’entretien de ses biens et à l’exécution de travaux ménagers.

[41]  En ce qui concerne l’impact culturel, Mme Solomon affirme que le bannissement a privé Kody Solomon de sa capacité de jouir de ses droits de chasse, de cueillette et de pêche, et il ne pouvait pas avoir accès à son bateau et à son matériel de pêche ainsi qu’à un espace pour nettoyer et préparer le poisson qu’il vend. Mme Solomon affirme qu’elle éprouve un sentiment de plus en plus grand d’aliénation dans la réserve qui les empêche, elle et Kiarra, de participer aux affaires traditionnelles et communautaires, en raison de la honte associée au bannissement.

[42]  Pour ce qui est des répercussions financières, Mme Solomon n’a produit aucune documentation à l’appui et n’a pas indiqué que Kody Solomon avait subi des conséquences sur le plan financier. Elle affirme que son conjoint a perdu environ la moitié de ses activités commerciales à cause du bannissement de son entreprise et de la publicité défavorable qui en a découlé. Son conjoint et elle contribuent à parts égales aux finances de la famille, mais il n’est plus en mesure de participer à l’entretien du ménage – que Mme Solomon affirme devoir maintenant prendre à sa seule charge – en raison du fait qu’il a été forcé de vivre ailleurs et qu’il a assumé des coûts en conséquence. Elle affirme également qu’elle s’est endettée pour payer les frais de justice découlant des faits qui ont mené au bannissement de son fils ainsi que de son conjoint, et des faits qui ont suivi.

[43]  En outre, le bannissement de son fils et de son conjoint lui a occasionné considérablement de stress et d’anxiété. Depuis le bannissement, elle élève seule sa fille, elle est suspendue de son emploi, elle fait l’objet d’une enquête interne et elle est ébranlée par la perte de sa réputation dans sa petite collectivité; elle n’a pas été en mesure de voir la fille de Kody et elle est incapable de passer beaucoup de temps avec son fils ainsi que son conjoint.

[44]  Dans un affidavit en réplique souscrit le 19 novembre 2018, Mme Solomon ajoute qu’elle est incapable de partager le domicile familial avec son conjoint ou son fils depuis le 27 août 2018, comme elle l’avait fait au cours des dix‑neuf années précédentes. Dans cet affidavit, elle déclare qu’elle est suspendue sans solde depuis le 27 août 2018, bien que je constate qu’elle a déclaré dans son affidavit précédent qu’elle avait été suspendue avec solde. Mme Solomon déclare également que Kody Solomon exerçait systématiquement ses droits issus de traités en chassant, en pêchant et en nettoyant ses prises dans le garage de la maison. Cet automne, il a abattu un orignal qu’il a donné à son grand‑père, mais il n’a pas pu l’apprêter au domicile familial, et la PNGR a rejeté sa demande d’y continuer de mettre en pratique ses méthodes de récolte traditionnelles. Son bateau de pêche demeure au quai. Kody vit maintenant à Sault Ste. Marie. Son conjoint habite parfois chez un membre de la famille et parfois chez un ami à Sault Ste. Marie; si elle désire le voir, Mme Solomon doit s’y rendre. À Noël, Kiarra et elle seront forcées de décider entre passer le congé avec son fils et son conjoint, ou avec sa famille élargie dans la PNGR.

[45]  À mon avis, cette preuve n’établit pas un préjudice irréparable.

[46]  Et je n’accepte pas l’observation de la demanderesse selon laquelle la Cour peut présumer que le préjudice subi par Kody Solomon et Ralph Romano est irréparable, parce qu’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui ne donne pas ouverture à l’octroi de dommages‑intérêts. De plus, rien dans la preuve ne démontre que les demandeurs ne pourraient autrement réclamer une perte financière quantifiable s’ils avaient gain de cause à la suite de leur demande de contrôle judiciaire. Plus important, aucune preuve documentaire à l’appui n’a été produite pour établir les dommages financiers ou les pertes de revenus subis par Kody Solomon ou Ralph Romano en raison du fait qu’ils ont été forcés de vivre hors réserve.

[47]  Les demandeurs invoquent également l’arrêt Toth c Canada (Citoyenneté et Immigration) (1988), 6 IMM LR (2d) 123, à l’appui de la proposition selon laquelle tout élément de preuve qui établit un préjudice éventuel pour l’unité familiale par suite de l’ordonnance contestée fait en sorte que ce préjudice est considéré comme un préjudice irréparable. Je ne crois pas que ce soit la conclusion à laquelle la Cour d’appel fédérale est arrivée dans Toth. Dans cet arrêt, la Cour d’appel a statué qu’à la lumière de la preuve dont elle disposait, qui n’était pas contredite à cette étape, le demandeur avait satisfait au critère du préjudice irréparable, étant donné que, s’il était expulsé du pays, il existait une probabilité raisonnable que l’entreprise familiale soit acculée à la faillite, que sa famille, qui dépendait de l’entreprise familiale pour assurer sa subsistance, en souffre et qu’une partie de ce préjudice éventuel ne soit pas récupérable au moyen de dommages‑intérêts. Quand elle s’est penchée sur la prépondérance des inconvénients, la Cour a ajouté que l’octroi d’un sursis dans cette affaire‑là n’avait pas une grande valeur à titre de précédent, étant donné qu’un tel sursis était accordé seulement après un examen minutieux de toutes les circonstances de l’affaire.

[48]  En l’espèce, il n’existe aucune preuve que Kody Solomon a contribué aux finances de la famille. Aucun élément de preuve n’a été produit non plus quant aux conséquences financières du bannissement pour l’entreprise de Ralph Romano, bien qu’il y ait des éléments de preuve démontrant qu’il travaille aussi hors réserve avec son associé. Et, Mme Solomon fait mention de la publicité défavorable dont le bannissement a fait l’objet, il n’existe aucun élément de preuve de cette publicité; de plus, en contre‑interrogatoire, elle a admis que toute perte d’achalandage pouvait aussi être attribuable aux graves allégations de criminalité visant M. Romano qui ont été publiées. Dans le même ordre d’idées, il n’y a pas de preuve relative aux coûts additionnels que M. Romano assume en vivant hors réserve ni du fait qu’ils compensent entièrement la contribution qui aurait par ailleurs été la sienne pour la tenue du domicile familial. Quoi qu’il en soit, les pertes de cette nature sont quantifiables.

[49]  En ce qui concerne le fait que Mme Solomon allègue avoir subi un préjudice à sa réputation, elle a confirmé en contre‑interrogatoire que sa honte et sa réticence à participer aux affaires de la collectivité ne sont pas uniquement imputables au bannissement, mais qu’elles s’expliquent aussi par les accusations de trafic de drogues qui ont été portées contre son fils et son conjoint et qui en sont l’origine. En outre, elle a mentionné que la situation se calmait un peu avec le temps. Sa preuve quant au stress et à l’anxiété est compréhensible dans les circonstances, mais elle n’établit pas un préjudice irréparable. En contre‑interrogatoire, elle a reconnu que l’intimidation dont était victime Kiarra était probablement exacerbée par les accusations criminelles. Il n’y a aucune preuve non plus que l’enquête interne à son travail était liée aux RCB et, en conséquence, un préjudice à la réputation de Mme Solomon. Et, bien que Mme Solomon déclare qu’elle n’a pas été capable de voir sa petite‑fille depuis le bannissement, elle n’en a pas donné la raison.

[50]  Les demandeurs prétendent également que Kody Solomon est incapable d’exercer ses droits issus de traités à ses endroits préférés, ou même totalement, et que les tribunaux ont statué que les effets négatifs sur les droits des Autochtones et les droits issus de traités ainsi que les restrictions imposées quant à leur capacité de les exercer dans leurs lieux préférés constituaient un préjudice. À l’appui de leur allégation, ils citent la décision Wahgoshig First Nation c Her Majesty the Queen in Right of Ontario, 2011 ONSC 7708 (« Wahgoshig »). Toutefois, cette affaire mettait en cause l’obligation de consulter. La Première Nation de Wahgoshig avait demandé une injonction interlocutoire interdisant à une société minière de se livrer à des activités d’exploration minière dans son territoire traditionnel. La Cour a statué que la preuve démontrait qu’il existait un risque important de préjudice pour les droits autochtones et les droits issus de traités de la Première Nation en l’absence de mesures de consultation et d’accommodement utiles, préjudice que des dommages‑intérêts ne suffiraient pas à compenser. À mon avis, les demandes dont je suis saisie ne révèlent pas de circonstances présentant un risque de préjudice irréparable pour les droits découlant de traités ou les droits autochtones particuliers dont Kody Solomon serait titulaire d’ici à ce que la demande de contrôle judiciaire soit instruite. Plus précisément, il ne s’agit pas d’un cas où la terre ou la ressource pourrait subir un préjudice irréparable. En outre, bien que les observations écrites déposées au nom des demandeurs mentionnent que Kody Solomon est un pêcheur commercial, qu’il n’a pas d’endroit pour remiser son bateau et son matériel à Sault Ste. Marie et qu’il subvient aux besoins de toute sa famille élargie, le témoignage de Mme Solomon ne corrobore pas cela. On ne voit pas bien non plus pourquoi il peut seulement préparer son poisson ou son gibier dans le garage familial, si ce n’est à cause de l’obligation d’assumer d’autres coûts pour utiliser un autre espace, ni pourquoi aucune disposition n’a été prise pour lui rapporter son bateau, qui se trouve sur une remorque, pour qu’il puisse s’en servir pour pêcher hors réserve.

[51]  Examiné dans leur ensemble, la preuve par affidavit et le contre‑interrogatoire de Mme Solomon ne me convainquent pas que l’un ou l’autre des demandeurs subirait un préjudice irréparable si les injonctions n’étaient pas accordées. Et, bien que la décision Edgar soit semblable sur le plan factuel, c’est la preuve dans chaque affaire qui est déterminante. Dans cette affaire, la demanderesse était une femme âgée de trente‑cinq ans qui avait été accusée de trafic de marijuana et dont la famille, y compris ses enfants, vivaient dans son village isolé d’environ 400 habitants qui était accessible uniquement par la voie des airs. Je fais remarquer que la preuve dans cette affaire comprenait un affidavit de la demanderesse ainsi que d’autres qui avaient été souscrits par son père, sa grand‑mère et son conjoint au sujet du préjudice irréparable. En l’espèce, comme je l’ai mentionné ci‑dessus, ni Kody Solomon ni Ralph Romano n’ont produit de preuve à l’appui de ces requêtes. Ils ont également été accusés de trafic d’opioïdes et la PNGR se trouve à 20 minutes de route de Sault Ste. Marie.

La prépondérance des inconvénients

[52]  Pour établir la prépondérance des inconvénients, il s’agit de déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond (RJR‑MacDonald, à la page 334). Les facteurs qui doivent être pris en considération pour établir la prépondérance des inconvénients varient selon les circonstances de chaque espèce, mais, dans toutes les affaires constitutionnelles, l’intérêt public est un élément particulier à considérer dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients, et il faut lui donner l’importance qu’il mérite (RJR‑MacDonald, aux pages 342 et 343). Lorsqu’un particulier soutient qu’un préjudice est causé à l’intérêt public, ce préjudice doit être prouvé (RJR‑MacDonald, à la page 344) et :

À notre avis, le concept d’inconvénient doit recevoir une interprétation large dans les cas relevant de la Charte. Dans le cas d’un organisme public, le fardeau d’établir le préjudice irréparable à l’intérêt public est moins exigeant que pour un particulier en raison, en partie, de la nature même de l’organisme public et, en partie, de l’action qu’on veut faire interdire. On pourra presque toujours satisfaire au critère en établissant simplement que l’organisme a le devoir de favoriser ou de protéger l’intérêt public et en indiquant que c’est dans cette sphère de responsabilité que se situent le texte législatif, le règlement ou l’activité contestés. Si l’on a satisfait à ces exigences minimales, le tribunal devrait, dans la plupart des cas, supposer que l’interdiction de l’action causera un préjudice irréparable à l’intérêt public.

En règle générale, un tribunal ne devrait pas tenter de déterminer si l’interdiction demandée entraînerait un préjudice réel. Le faire amènerait en réalité le tribunal à examiner si le gouvernement gouverne bien, puisque l’on se trouverait implicitement à laisser entendre que l’action gouvernementale n’a pas pour effet de favoriser l’intérêt public et que l’interdiction ne causerait donc aucun préjudice à l’intérêt public. La Charte autorise les tribunaux non pas à évaluer l’efficacité des mesures prises par le gouvernement, mais seulement à empêcher celui‑ci d’empiéter sur les garanties fondamentales.

[53]  Là encore, les demandeurs invoquent l’arrêt City of Toronto pour laisser entendre que la prépondérance des inconvénients doit pencher en faveur du demandeur quand le fond de la demande constitutionnelle est solide. Pour les motifs déjà énoncés, je ne suis pas d’avis que l’arrêt City of Toronto est d’une aide quelconque pour les demandeurs dans les présentes circonstances.

[54]  Les demandeurs soutiennent également que la présente affaire est analogue à un sursis à l’exécution d’une mesure d’expulsion dans les affaires d’immigration et ils affirment que, dans les affaires d’immigration, la Cour statue régulièrement que la prépondérance des inconvénients favorise la partie requérante une fois qu’il a été satisfait aux deux premiers volets du critère de RJR‑MacDonald. À mon avis, un tel résultat est fondé sur les faits et la preuve dans chaque cause. Et, quoi qu’il en soit, en l’espèce, les demandeurs n’ont pas réussi à faire la preuve d’un préjudice irréparable.

[55]  Dans son affidavit, le chef Paul Syrette déclare que, une fois élus, le chef et les conseillers de la PNGR sont chargés par la collectivité d’agir dans les intérêts de la Première Nation, qu’ils doivent promouvoir et protéger l’intérêt public, et qu’ils prennent au sérieux leur obligation fiduciaire. En outre, la protection et la promotion de l’intérêt public de la Première Nation dans son ensemble signifient parfois que les besoins de la majorité l’emportent sur ceux de la minorité ou d’un particulier. Dans le droit anishinaabe de la PNGR, les droits ont toujours été liés à des responsabilités, et le fait de ne pas s’acquitter de ses responsabilités entraîne une perte de droits connexes. Le chef Syrette déclare que la PNGR et de nombreuses autres collectivités du Nord de l’Ontario ont été dévastées par une crise de la drogue. En particulier, une épidémie de consommation de drogues illégales comme les opiacés, la méthamphétamine en cristaux, la cocaïne et l’héroïne a envahi les collectivités des Premières Nations en dépit de tous les efforts déployés par la police pour l’endiguer. Les drogues illégales qui sont apparues dans la PNGR empoisonnent la population de la PNGR, elles créent une pression sur la collectivité et les familles, elles présentent un risque grave pour la santé et la sécurité de la collectivité et elles mettent à l’épreuve la police ainsi que les travailleurs de la santé de la PNGR.

[56]  Au paragraphe 21 de son affidavit, le chef Syrette déclare que les préjudices causés par l’épidémie de drogues dans la PNGR sont si graves que le préjudice pour la population de la PNGR qui découlerait de la présence de Ralph Romano et Kody Solomon dans la collectivité serait de beaucoup supérieur au préjudice que peuvent subir les demandeurs du fait de leur expulsion de la communauté, même s’ils ne sont pas déclarés coupables des accusations qui pèsent contre eux.

[57]  Les demandeurs soutiennent que le paragraphe 21 est inadmissible, puisqu’il s’agit d’un témoignage d’opinion inapproprié, que la Cour ne devrait pas en tenir compte et que, par ailleurs, le chef Syrette n’a relevé aucun préjudice que subirait la PNGR si les demandeurs étaient autorisés à retourner dans la réserve. À mon avis, les effets de la crise des opioïdes dans les villes et les collectivités partout au Canada – autochtones et non autochtones – sont bien connus. Et, bien que la preuve par affidavit du chef Syrette contienne certaines erreurs, je ne considère pas que sa preuve, dans l’ensemble, n’est pas fiable, comme les demandeurs m’incitent à le faire. La preuve par affidavit de Mme Solomon comporte des faiblesses similaires.

[58]  Il est vrai que Kody Solomon et Ralph Romano sont assujettis à des conditions de remise en liberté et qu’ils seront de nouveau mis en état d’arrestation s’ils sont surpris à se livrer au trafic. Le chef Syrette a également reconnu en contre‑interrogatoire que la PNGR est une petite collectivité et qu’il serait juste de dire que tous les regards seraient tournés vers eux s’ils y retournaient. Toutefois, à mon avis, la possibilité d’une nouvelle arrestation n’efface pas le préjudice éventuel pour l’intérêt public si Kody Solomon et Ralph Romano devaient à nouveau se livrer au trafic de drogues dans la réserve de la PNGR.

[59]  Cela étant dit, je reconnais que, dans la décision Edgar, la Cour a statué que le préjudice du bannissement était supérieur à celui du retour dans la collectivité et que le risque de trafic après le retour était conjectural. En outre, si cela se produisait, la demanderesse serait mise en état d’arrestation et serait expulsée de la collectivité. En l’espèce, cependant, et contrairement à l’affaire Edgar, les demandeurs n’ont pas fait la preuve d’un préjudice irréparable. En outre, ce ne serait que si les demandeurs étaient surpris à se livrer à nouveau au trafic qu’ils seraient remis en état d’arrestation; de plus, les drogues en cause en l’espèce sont beaucoup plus dangereuses que la marijuana.

[60]  Dans l’arrêt Harper, la Cour suprême du Canada a statué que le juge saisi de la requête doit tenir pour acquis que la mesure législative a été adoptée pour le bien du public et qu’elle sert un objectif d’intérêt général valable. La présomption que l’intérêt public demande l’application de la loi joue un grand rôle :

5  Les demandes d’injonction interlocutoire interdisant l’application d’une mesure législative toujours valide dont la constitutionnalité est contestée font intervenir des considérations particulières lorsqu’il s’agit d’évaluer la prépondérance des inconvénients. D’une part, il y a le bénéfice qui découle de la loi. D’autre part, il y a les droits auxquels, allègue‑t‑on, la loi porte atteinte. Une injonction interlocutoire peut avoir pour effet d’empêcher le public de bénéficier d’une loi dûment adoptée qui peut être jugée valide en définitive, et de donner gain de cause dans les faits au requérant avant même que l’affaire soit tranchée par les tribunaux. Par ailleurs, refuser l’injonction ou surseoir à son exécution peut priver des demandeurs de certains droits constitutionnels simplement parce que les tribunaux ne sont pas en mesure d’agir assez rapidement : R. J. Sharpe, Injunctions and Specific Performance (éd. feuilles mobiles), au par. 3.1220.

[…]

9  Un autre principe énoncé dans la jurisprudence veut que, en décidant de l’opportunité d’accorder une injonction interlocutoire suspendant l’application d’une mesure législative adoptée validement mais contestée, il n’y ait pas lieu d’exiger la preuve que cette mesure législative sera à l’avantage du public. À ce stade des procédures, elle est présumée l’être. Comme les juges Sopinka et Cory l’ont affirmé dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 311, aux pp. 348 et 349 :

Si la nature et l’objet affirmé de la loi sont de promouvoir l’intérêt public, le tribunal des requêtes ne devrait pas se demander si la loi a réellement cet effet. Il faut supposer que tel est le cas. Pour arriver à contrer le supposé avantage de l’application continue de la loi que commande l’intérêt public, le requérant qui invoque l’intérêt public doit établir que la suspension de l’application de la loi serait elle‑même à l’avantage du public.

Il s’ensuit qu’en évaluant la prépondérance des inconvénients le juge saisi de la requête doit tenir pour acquis que la mesure législative – en l’espèce, le plafond des dépenses imposé par l’art. 350 de la Loi – a été adoptée pour le bien du public et qu’elle sert un objectif d’intérêt général valable. Cela s’applique aux violations du droit à la liberté d’expression garanti par l’al. 2b); d’ailleurs, il était question d’une violation de l’al. 2b) dans l’arrêt RJR‑MacDonald. La présomption que l’intérêt public demande l’application de la loi joue un grand rôle. Les tribunaux n’ordonneront pas à la légère que les lois que le Parlement ou une législature a dûment adoptées pour le bien du public soient inopérantes avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet qui se révèle toujours complexe et difficile. Il s’ensuit que les injonctions interlocutoires interdisant l’application d’une mesure législative dont on conteste la constitutionnalité ne seront délivrées que dans les cas manifestes.

[61]  En l’espèce, les RCB pourraient en fin de compte être annulées pour des motifs relatifs à l’équité procédurale, elles pourraient être maintenues sur le fondement de l’application du droit anishinaabe, ou l’affaire pourrait se régler d’une façon ou d’une autre pour des motifs constitutionnels ou autres. Cependant, je dispose d’une preuve suffisante pour conclure que les RCB ont été adoptées de bonne foi et pour le bien du public. Je suis très préoccupée par la légalité du bannissement, dans l’ensemble, mais je conclus que la prépondérance des inconvénients favorise l’intérêt public et la défenderesse dans les présentes circonstances.

[62]  En terminant, les demandeurs n’ont pas établi qu’ils satisfaisaient aux deux autres volets du critère tripartite; par conséquent, la mesure injonctive ne sera pas accordée. Les demandeurs peuvent toutefois demander que les demandes de contrôle judiciaire sous‑jacentes soient instruites de manière accélérée.


ORDONNANCE DANS LES DOSSIERS T‑1725‑18 ET T‑1726‑18

LA COUR STATUE que :

  1. les requêtes sont rejetées;

  2. les demandeurs peuvent demander que les demandes de contrôle judiciaire sous‑jacentes soient instruites de manière accélérée;

  3. les dépens suivront l’issue de la cause.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 15e jour de mars 2019

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T‑1725‑18

t‑1726‑18

INTITULÉ :

KODY JOHN WILLIAM SOLOMON ET PATRICIA KELLY SOLOMON c PREMIÈRE NATION DE GARDEN RIVER

JUSTIN RALPH ROMANO ET

PATRICIA KELLY SOLOMON c PREMIÈRE NATION DE GARDEN RIVER

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 DÉCEMBRE 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 19 DÉCEMBRE 2018

COMPARUTIONS :

Louis P. Strezos

Michelle Biddulph

POUR LES demandeurS

Maggie Wente

Corey Shefman

POUR LA défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Strezos and Associate

Toronto (Ontario)

Greenspan Humphrey Weinstein

Toronto (Ontario)

 

POUR LES demandeurS

Olthuis Kleer Townshend LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA défenderesse

 

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