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Date : 20190114


Dossier : IMM‑5450‑17

Référence : 2019 CF 42

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 janvier 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

LLANA MAGNOLA POMPEY

demanderesse

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Llana Magnola Pompey, est une citoyenne de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Elle sollicite le contrôle judiciaire de la décision (la décision) par laquelle un agent principal de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agent) a rejeté sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). La présente demande de contrôle judiciaire est introduite au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, la demande est rejetée.

I.  Le contexte

[3]  La demanderesse, qui est arrivée au Canada le 23 octobre 2010, a été autorisée à demeurer au Canada pendant six mois à titre de visiteuse. Depuis, elle demeure au Canada sans statut juridique.

[4]  La demanderesse a quitté Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines pour échapper aux mauvais traitements répétés des mains de son époux, M. King. Avant de partir de l’île, la demanderesse est allée voir la police à une occasion pour dénoncer les mauvais traitements. Toutefois, le poste de police le plus près était dirigé par le cousin de M. King. La demanderesse affirme qu’elle a été battue par son mari à son retour du poste de police. Elle estimait donc qu’elle ne pouvait plus demander l’assistance de la police. Avec l’aide de sa sœur, Mme Rolle, la demanderesse a fui Saint‑Vincent en laissant ses deux enfants aux soins de son père.

[5]  Le 8 juin 2015, la demanderesse a été mise en état d’arrestation à son travail par l’Agence des services frontaliers du Canada. Une mesure d’exclusion a été prise contre elle le 9 juin 2015, et la demanderesse s’est adressée à la Cour pour demander le contrôle judiciaire de la mesure d’exclusion. Le juge Russell a rejeté sa demande le 22 juillet 2016.

[6]  La demanderesse a ensuite sollicité le report de son renvoi jusqu’à ce qu’elle présente une demande d’ERAR. Sa demande de report a été rejetée. La demanderesse a demandé le contrôle judiciaire du rejet. Le 29 septembre 2016, le juge Harrington a accordé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise à l’encontre de la demanderesse. La demanderesse s’est par la suite désistée de sa demande de contrôle judiciaire visant le rejet du report.

[7]  En septembre 2016, la demanderesse a présenté une demande d’ERAR. La demande d’ERAR était fondée sur le fait que M. King avait toujours l’intention de faire du mal à la demanderesse si elle retournait à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Sa demande a été rejetée le 30 novembre 2016 (la première décision sur l’ERAR). La demanderesse a contesté la décision devant la Cour. Le 11 août 2017, le juge Southcott a annulé la première décision sur l’ERAR et a renvoyé la cause de la demanderesse pour nouvelle décision (la décision d’août 2017). Le juge Southcott a accueilli la demande de contrôle judiciaire pour les motifs suivants :

a) [L]’agent a commis une erreur en n’accordant que peu de poids à la preuve produite par la famille de la demanderesse, en particulier à celle produite par sa fille, relativement au risque prospectif de la demanderesse, au motif que ces personnes n’étaient pas des sources impartiales et objectives quant à l’issue de la demande, et b) la demanderesse a subi un préjudice en raison du fait que son ancien conseil a omis par inadvertance de transmettre à l’agent la preuve par affidavit qui fournissait des détails sur les sévices dont elle avait été victime et les efforts qu’elle avait déployés pour obtenir la protection de l’État.

[8]  Dans le cadre de la nouvelle décision, l’agent a pris en considération toute la preuve par affidavit de la demanderesse, mais il a rejeté sa demande d’ERAR. C’est ce refus qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[9]  En février 2018, la demanderesse a demandé de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada jusqu’à ce que sa demande de contrôle judiciaire ait été décidée. Sa requête a été rejetée par le juge Mosley le 9 février 2018. La demanderesse a omis de se présenter en vue de son renvoi et elle est entrée dans la clandestinité.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[10]  La décision est datée du 3 novembre 2017. L’agent a conclu que la demanderesse n’était exposée à rien de plus qu’une simple possibilité de persécution à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines et qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 96 de la LIPR. L’agent a également statué qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve convaincants au dossier pour conclure que la demanderesse serait personnellement exposée à la torture ou à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des traitements ou des peines cruels et inusités à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Elle ne satisfaisait donc pas aux exigences du paragraphe 97(1) de la LIPR.

[11]  L’agent a passé en revue les éléments de preuve suivants que lui avait présentés la demanderesse : les observations de la demanderesse relatives à l’ERAR, datées du 15 septembre 2017; l’affidavit de la demanderesse daté de novembre 2015; un affidavit de Mme Rolle, sœur de la demanderesse, daté du 14 septembre 2015; trois affidavits de la fille de la demanderesse, Omishca, faits en 2015, 2016 et 2017; de la documentation sur la situation dans le pays de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines; la décision d’août 2017 du juge Southcott renvoyant la première demande d’ERAR de la demanderesse pour nouvelle décision. L’agent a pris en considération deux questions : celle de savoir si la demanderesse continuait d’être exposée à un risque de la part de M. King et celle de savoir si la demanderesse obtiendrait une protection adéquate de l’État à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines si elle en avait besoin.

[12]  En ce qui concerne la question du risque auquel la demanderesse pouvait continuer d’être exposée, l’agent a conclu ce qui suit :

[traduction]

Compte tenu de l’ensemble des renseignements dont je dispose, j’accepte le fait que la demanderesse a vécu une relation de violence pendant quatorze ans avec son ex‑conjoint de fait. De plus, j’accepte le fait que la demanderesse s’est présentée à un moment donné dans un poste de police pour dénoncer une agression, que, étant donné que le cousin de son conjoint dirigeait ce poste de police, il a avisé son conjoint, et elle a été battue par celui‑ci quand elle est rentrée à la maison. Toutefois, compte tenu de l’ensemble de la preuve dont je dispose, je ne peux pas conclure que la demanderesse a produit une preuve objective suffisante pour me convaincre que son ex‑conjoint de fait souhaite encore lui infliger des sévices à son retour à Saint‑Vincent. Je reconnais que la demanderesse s’inquiète au sujet des motifs pour lesquels son ex‑conjoint de fait s’informe à son sujet auprès de sa fille, mais je ne peux pas conclure qu’il existe une preuve suffisante permettant de croire que l’interprétation que sa fille fait des déclarations de l’ex‑conjoint indique qu’il a l’intention de faire du mal à la demanderesse à son retour à Saint‑Vincent. Je conclus donc que, dans l’ensemble, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve ayant une valeur probante pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’ex‑conjoint de fait de la demanderesse agirait de manière à l’exposer à un risque de persécution ou de torture, à un risque pour sa vie ou à un risque de traitements ou de peines cruels et inusités si elle retournait à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines.

[13]  L’agent s’est ensuite penché sur la question de la protection adéquate de l’État pour la demanderesse si elle devait retourner à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines et celle de savoir si M. King tenterait de lui faire subir des sévices. L’agent a cité de longs passages des 2016 Country Reports on Human Rights Practices – Saint Vincent and the Grenadines [Rapports de 2016 sur les pratiques du pays en matière de droits de la personne sur Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines] du Département d’État des États‑Unis (le rapport des États‑Unis). Ce rapport signalait que les autorités civiles exerçaient un contrôle réel sur les forces de sécurité du pays et qu’il y existait un service de police opérationnel ainsi qu’une magistrature indépendante qui était généralement respectée par le gouvernement.

[14]  Selon le rapport des États‑Unis, les problèmes les plus graves en matière de droits de la personne à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines étaient la violence fondée sur le sexe, la censure et le recours isolé à la force excessive par la police. Le rapport a conclu que le viol, y compris le viol conjugal, était illégal. Les autorités signalaient les allégations de viol et de mauvais traitement envers les femmes à la police, et celle‑ci était généralement réceptive aux allégations de cette nature. Toutefois, certains signalements donnaient à penser que le viol et la violence envers les femmes demeuraient des problèmes graves sur l’île et que la police était réticente à donner suite aux affaires de violence familiale. Cette conclusion était corroborée par l’évaluation de la place réservée aux femmes à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines réalisée par la Banque de développement des Caraïbes en juillet 2015 (le rapport de la BDC), que cite également l’agent. Le rapport de la BDC portait sur l’engagement du gouvernement de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines à agir contre la violence fondée sur le sexe ainsi que sur les changements qu’il avait apportés à cet égard.

[15]  L’agent a conclu que le gouvernement de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines était en mesure d’offrir une protection adéquate à la demanderesse en cas de besoin. L’agent n’a pas remis en question le fait que Saint‑Vincent continuait d’avoir de graves préoccupations en ce qui concerne la violence envers les femmes, mais il a conclu que les structures et les institutions en place dans l’État faisaient en sorte que le gouvernement était en mesure de protéger ses citoyens. L’agent était convaincu que la demanderesse disposerait de voies de recours si elle subissait des actes de violence de la part de M. King. Le fait qu’elle s’était adressée à la police à une occasion pour dénoncer les mauvais traitements qu’il lui infligeait et qu’elle avait subi des représailles en raison de son lien familial avec l’agent de police local ne constituait pas une preuve claire et convaincante que l’État de Saint‑Vincent n’aurait pas la volonté ou la capacité de la protéger.

III.  Les questions en litige

[16]  Je vais d’abord me pencher sur la question préliminaire de savoir si la présente demande devrait être rejetée en raison du fait que la demanderesse ne s’est pas présentée devant la Cour avec une conduite irréprochable.

[17]  Si je tranche la question préliminaire en faveur de la demanderesse, la question dont je serai saisie consistera à savoir si la décision est raisonnable. Cette question comporte deux volets. La demanderesse fait valoir que (1) l’agent a déraisonnablement conclu que la preuve était insuffisante pour établir l’intention continue de M. King de lui faire du mal; (2) la conclusion de l’agent sur la protection de l’État était déraisonnable.

IV.  La question préliminaire : la présente demande devrait‑elle être rejetée du fait que la demanderesse ne s’est pas présentée devant la Cour avec une conduite irréprochable?

[18]  Les principes applicables à ma décision sur la question de savoir si la présente demande devrait être rejetée sans une appréciation au fond, en raison du fait que la demanderesse ne s’est pas présentée devant la Cour avec une conduite irréprochable, ne sont pas contestés. Les parties s’entendent sur le fait que ces principes ont été énoncés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2006 CAF 14 (Thanabalasingham), et qu’ils ont récemment été étudiés et confirmés dans la décision Debnath c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 332 (Debnath), une affaire d’ERAR sur laquelle s’est prononcée la juge Strickland de la Cour. Les parties divergent d’opinion quant à leur appréciation des principes de l’arrêt Thanabalasingham, à la lumière de la conduite et de la situation de la demanderesse.

[19]  Voici comment la juge Strickland s’est exprimée dans la décision Debnath (Debnath, aux paragraphes 21 et 22) :

[21] La décision de principe sur l’application de la théorie de la conduite irréprochable est l’arrêt dans Thanabalasingham. En l’espèce, la Cour d’appel fédérale a examiné une question certifiée étant, lorsqu’un demandeur se présente devant la Cour sans une conduite irréprochable sur une demande de contrôle judiciaire, si la Cour devait, au moment de décider si le fond d’une demande devrait être examiné, tenir compte des conséquences que pourrait subir le demandeur si la demande n’est pas examinée sur le fond. La Cour d’appel fédérale n’était pas d’accord avec l’affirmation du défendeur dans ce cas, selon laquelle, s’il était établi qu’un demandeur ne s’est pas présenté devant la Cour ayant une conduite irréprochable, la Cour doit par conséquent refuser d’entendre ou d’accorder la demande sur le fond. La Cour d’appel fédérale a plutôt conclu que la jurisprudence suggérait, s’il est convaincu qu’un demandeur avait menti ou qu’il était autrement coupable d’inconduite, alors la cour de révision peut rejeter la requête sans instance pour déterminer le fond ou, même si une erreur susceptible de contrôle a été trouvée, refuser d’accorder une réparation. De plus :

[10]  Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit s’efforcer de mettre en balance d’une part l’impératif de préserver l’intégrité de la procédure judiciaire et administrative et d’empêcher les abus de procédure, et d’autre part l’intérêt public dans la légalité des actes de l’administration et dans la protection des droits fondamentaux de la personne. Les facteurs à prendre en compte dans cet exercice sont les suivants : la gravité de l’inconduite du demandeur et la mesure dans laquelle cette inconduite menace la procédure en cause, la nécessité d’une dissuasion à l’égard d’une conduite semblable, la nature de l’acte prétendument illégal de l’administration et de la solidité apparente du dossier, l’importance des droits individuels concernés, enfin les conséquences probables pour le demandeur si la validité de l’acte administratif contesté est confirmée.

[22] Les facteurs ne sont pas exhaustifs et ne sont pas nécessairement pertinents dans tous les cas.

[20]  La demanderesse admet qu’elle ne se présente pas devant la Cour avec une conduite irréprochable, car elle a fait fi d’une mesure valide de renvoi du Canada. Toutefois, elle allègue que je devrais néanmoins examiner sur le fond sa demande de contrôle judiciaire de la décision, étant donné que quatre des six facteurs de l’arrêt Thanabalasingham sont favorables à sa position. La demanderesse fait valoir que la gravité de sa conduite est atténuée par le fait que sa requête en sursis a été rejetée la veille de son renvoi prévu du Canada. Elle déclare que le rejet de sa requête est inexplicable et peut avoir été influencé par la partialité. La demanderesse fait également valoir que l’agent a commis une ou plusieurs erreurs graves susceptibles de contrôle et qu’elle a une cause solide dans le cadre de la présente demande. En dernier lieu, la demanderesse soutient que l’importance de ses droits ne peut être sous‑estimée, étant donné le fait qu’elle serait exposée à une situation de vie ou de mort à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines où, dit‑elle, il est probable qu’elle sera assassinée ou mutilée, ou qu’elle subira un préjudice grave.

[21]  Le défendeur soutient que la conduite de la demanderesse, en omettant de se présenter à son renvoi, était très grave, qu’elle se poursuit et qu’il est nécessaire de dissuader d’autres personnes d’avoir une conduite semblable. Le défendeur fait valoir que la cause de la demanderesse est mal fondée, étant donné que l’agent a tenu compte de l’ensemble de la preuve et qu’il n’était pas convaincu que l’ex‑conjoint de la demanderesse souhaitait toujours lui infliger des sévices.

[22]  À mon avis, il est évident que la demanderesse se présente devant la Cour avec une conduite reprochable. En dépit d’une mesure valide d’expulsion et du rejet de sa requête en sursis, la demanderesse ne s’est pas présentée à son renvoi et est entrée dans la clandestinité. L’inconduite de la demanderesse est très grave et a porté atteinte à un processus valide de renvoi. Il faut manifestement dissuader d’autres personnes d’adopter une conduite similaire. Mais le fait que les mauvais traitements subis par la demanderesse aux mains de M. King à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines ne sont pas contestés contrebalance ces conclusions. En outre, en faisant droit à la demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse à l’encontre du rejet de sa première demande d’ERAR, le juge Southcott a statué que la preuve produite par la demanderesse devait être examinée à nouveau, sur le fond, et ne devait pas être écartée en raison du fait qu’elle avait été fournie par des membres de sa famille. L’agent a achevé ce nouvel examen, et la demanderesse a encore une fois demandé que le rejet de sa demande d’ERAR fasse l’objet d’un contrôle. Compte tenu de sa situation singulière et dans l’intérêt de maintenir le caractère définitif des décisions, je vais exercer mon pouvoir discrétionnaire et je vais étudier la demande au fond.

V.  La norme de contrôle

[23]  La décision d’un agent d’ERAR est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Yang c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 496, au paragraphe 14; Lakatos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 367, au paragraphe 13 (Lakatos); Korkmaz c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1124, au paragraphe 9). Cela comprend toute analyse relative à la protection de l’État, étant donné que la question de la protection adéquate de l’État est une question mixte de fait et de droit (Lakatos, au paragraphe 13; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Neubauer, 2015 CF 260, au paragraphe 11). La Cour n’interviendra que lorsque la décision est dépourvue de justification, de transparence et d’intelligibilité ou qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits particuliers à l’affaire du demandeur et au regard du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

VI.  Analyse

1.  La conclusion de l’agent selon laquelle la preuve était insuffisante pour établir l’intention continue de M. King de faire du mal à la demanderesse était‑elle déraisonnable?

[24]  L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour établir que M. King présenterait une menace constante pour sa sécurité si elle retournait à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Autrement dit, la demanderesse n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle serait exposée à un risque de persécution ou de violence à son retour. Cette conclusion était fondamentale quant au rejet par l’agent de la demande d’ERAR de la demanderesse. Les arguments formulés par la demanderesse pour contester la conclusion de l’agent reposent sur la distinction entre une opinion et une preuve factuelle.

[25]  La demanderesse soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle la preuve était insuffisante pour établir l’intention continue de M. King de lui infliger des sévices était abusive et arbitraire. Elle invoque les trois affidavits souscrits par sa fille, Omishca, qui vit toujours à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. La demanderesse fait valoir que l’agent a fait abstraction du témoignage cohérent d’Omishca et du fait qu’Omishca était la personne qui connaissait le mieux son père, et elle ajoute que l’agent ne devrait pas lui prêter des intentions. La demanderesse soutient également que la conclusion de l’agent n’était pas fondée sur l’insuffisance de la preuve produite. Il s’agissait plutôt d’une conclusion en termes voilés sur la crédibilité. Elle s’interroge sur la mention de [traduction] l’« interprétation » par Omishca des demandes de renseignements de son père. Étant donné que cette conclusion est fondamentale pour sa cause, la demanderesse fait valoir qu’une audience aurait dû être tenue et que l’omission par l’agent de le faire portait atteinte à son droit à l’équité procédurale.

[26]  Voici ce que l’agent a conclu au sujet de la preuve d’Omishca :

[traduction]

Toutefois, compte tenu de l’ensemble de la preuve dont je dispose, je ne peux pas conclure que la demanderesse a produit une preuve objective suffisante pour me convaincre que son ex‑conjoint de fait souhaite encore lui infliger des sévices à son retour à Saint‑Vincent. Je reconnais que la demanderesse s’inquiète au sujet des motifs pour lesquels son ex‑conjoint de fait s’informe à son sujet auprès de sa fille, mais je ne peux pas conclure qu’il existe une preuve suffisante permettant de croire que l’interprétation que sa fille fait des déclarations de l’ex‑conjoint indique qu’il a l’intention de faire du mal à la demanderesse à son retour à Saint‑Vincent.

[27]  Pour apprécier la conclusion de l’agent, j’ai passé en revue les trois affidavits souscrits par Omishca. Voici les paragraphes déterminants de chaque affidavit :

  1. L’affidavit d’Omishca King – août 2015 :

[traduction]

8.  Cela a été une journée mémorable dans un sens très négatif quand mon père s’est aperçu que ma mère était partie. Il m’a vue pleurer et il a appris que ma mère était partie. Je ne me souviens pas si je le lui ai dit moi‑même, parce qu’il est devenu fou furieux ce jour‑là. Il est entré dans sa chambre et il a presque détruit ce qu’elle y avait laissé. Elle était partie avec seulement un peu de vêtements pour donner l’impression qu’elle était sortie quelques minutes et qu’elle allait revenir.

9.  Mon père a juré que, s’il posait jamais le regard sur ma mère, elle allait mourir. À vrai dire, je le crois.

10.  Mon père me demande si j’ai des nouvelles de ma mère et je dédramatise toujours la situation en lui répondant que je ne lui parle pas. Il s’éloigne alors en marmonnant. Je sais que l’ego de mon père a été très atteint par ce que ma mère a fait et je sais qu’il va la blesser, sinon la tuer, s’il pose jamais à nouveau le regard sur elle.

11.  Mon frère et moi habitons maintenant chez notre grand‑père à Saint‑Vincent, et mon père vient nous rendre visite de temps à autre. Il est toujours tellement amer. En fait, je dirais qu’il est possédé quand il s’agit de ma mère et de ce qu’elle lui a fait. Jusqu’à samedi dernier, il est venu et, comme d’habitude, il m’a demandé si j’avais des nouvelles de ma mère. Je lui ai menti et je lui ai dit que je n’en avais pas eu. Il a dit : [traduction] « elle va payer ». Pour moi, cela signifie qu’il va la blesser ou la tuer si elle revient un jour à la maison.

14.  Bref, je crois sincèrement que ma mère n’est pas en sécurité ici. Aussi longtemps que mon père sera vivant, elle sera à risque.

B.  L’affidavit d’Omishca King – septembre 2016

[traduction]

3.  Le fait est que mon père est toujours ici, sur l’île de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Il vit encore au village, et je le vois souvent. Je crois sincèrement qu’à moins que mon père meure ou quitte l’île en permanence, la vie de ma mère sera toujours menacée.

4.  Mon père continue de me demander des nouvelles de ma mère. J’ai refusé de lui donner des nouvelles d’elle. Toutefois, chaque fois qu’il parle d’elle, son comportement et sa voix changent, alors qu’il me dit des choses comme [traduction] « prie le Bon Dieu qu’elle ne revienne jamais ici », c’est‑à‑dire Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines.

5.  Je pense que cela signifie que mon père n’hésitera pas à faire du mal à ma mère s’il en a l’occasion. Je sais avec certitude qu’il a été humilié quand ma mère, avec l’aide de ma tante Cindy au Canada, a fui secrètement Saint‑Vincent pour échapper à sa violence.

9.  Je prie au nom de ma mère, Llana Pompey, que le Canada lui offre une protection contre un homme qui, je suis convaincue, cherchera à se venger d’elle aussi longtemps qu’il vivra sur l’île pour ce qu’il pense être une insulte à sa masculinité et au respect qu’il inspire dans le village. Il attend le retour de ma mère avec colère.

  1. L’affidavit d’Omishca King – septembre 2017

[traduction]

3.  Depuis cet affidavit [de septembre 2016], rien n’a changé. Mon père vit toujours ici, sur l’île, et quand je le vois de temps en temps, il me demande des nouvelles de ma mère, mais chaque fois, sur un ton qui ne donne pas à penser qu’il veut son bien. Il s’informe toujours sur un ton arrogant.

4.  Après avoir entendu mon père répéter sans cesse à quel point il avait été embarrassé par ma mère quand elle s’est enfuie à son insu et sachant la réputation qu’il avait auprès des villageois après cet événement, comme je l’ai déclaré dans les deux affidavits, je n’ai aucun doute que ma mère sera à risque aussi longtemps que mon père vivra sur l’île de Saint‑Vincent. Elle ne sera jamais en sécurité.

[28]  J’ai également étudié l’affidavit de septembre 2016 de Mme Rolle, la sœur de la demanderesse. L’affidavit de Mme Rolle est centré sur le départ de la demanderesse de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines en 2010 et sur la raison pour laquelle la demanderesse n’a pas présenté de demande d’asile à son arrivée au Canada. Mme Rolle déclare que sa sœur continue de craindre M. King, selon les communications qu’elle reçoit d’Omishca. Toutefois, Mme Rolle n’a pas personnellement connaissance de la conduite de M. King depuis 2010.

[29]  Comme on l’a vu ci‑dessus, la demanderesse qualifie d’abusive et d’arbitraire la conclusion de l’agent concernant l’insuffisance du témoignage d’Omishca. Ce faisant, la demanderesse se fie à l’opinion d’Omishca selon laquelle les demandes de renseignements de M. King au sujet de sa mère et sa réaction au départ de celle‑ci en 2010 donnent à penser qu’il va probablement faire du mal à sa mère s’il en a l’occasion.

[30]  En termes de preuve factuelle, les trois affidavits d’Omishca établissent ce qui suit :

1.  En 2010, quand il a appris qu’elle avait quitté Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines, M. King s’est mis en colère et a détruit les biens de la demanderesse qui restaient dans la maison familiale. Il a juré que s’il voyait à nouveau la demanderesse, elle mourrait.

2.  En 2015, M. King a demandé à Omishca si elle avait des nouvelles de sa mère. Il lui a dit que la demanderesse allait payer.

3.  M. King demeure sur l’île de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines et continue de s’informer au sujet de la demanderesse. De plus, en 2016, il a déclaré qu’il espérait qu’elle ne revienne pas sur l’île.

[31]  Le reste des déclarations d’Omishca exprime des opinions ou des interprétations au sujet de la conduite de son père. Il n’y a pas de doute qu’elle s’inquiète du retour possible de sa mère à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Elle est inébranlable à cet égard. Toutefois, en ce qui concerne la conduite réelle de M. King, les affidavits établissent seulement que, depuis 2010, M. King a déclaré en 2015 que la demanderesse allait payer pour ses actes et qu’il continue généralement de demander à Omishca des nouvelles de sa mère.

[32]  L’agent a conclu que la preuve d’Omishca n’était pas suffisante pour établir que M. King continuait de représenter une menace pour la demanderesse. À mon avis, la conclusion de l’agent était raisonnable. Même si son raisonnement est bref, il est clair que l’agent a fait la distinction entre la preuve factuelle énoncée dans les affidavits et l’interprétation par Omishca de la conduite de son père ainsi que son opinion sur ses conséquences futures. L’agent n’a pas commis d’erreur en agissant ainsi. L’agent était tenu d’apprécier toute la preuve relative à la conduite de M. King et de tirer des conclusions au sujet de son contenu et de sa force probante pour statuer sur la question dont il était saisi. Dans le cadre de cette appréciation, l’agent avait pour rôle de tirer sa propre conclusion sur les conséquences de la conduite de M. King en cas de retour de la demanderesse dans l’île.

[33]  La demanderesse fait valoir que la façon dont l’agent a traité les affidavits d’Omishca découlait d’une conclusion en termes voilés sur la crédibilité, laquelle nécessite une audience aux termes de l’alinéa 113b) de la LIPR et de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). Pour sa part, le défendeur soutient que l’agent n’a pas tiré de conclusion quant à la crédibilité dans la décision et qu’il n’a pas commis d’erreur en appréciant la force probante et le caractère suffisant de la preuve de la demanderesse avant de se pencher sur la crédibilité de la preuve (Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067, aux paragraphes 26 et 27).

[34]  J’arrive à la conclusion que l’agent n’a pas remis en question la crédibilité de la demanderesse ni celle d’Omishca. L’agent a accepté la preuve de la demanderesse au sujet du traitement qu’elle avait subi aux mains de M. King à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines avant 2010. Le rejet de sa demande d’ERAR reposait sur un préjudice potentiel. L’agent n’a pas remis en question la véracité du contenu des affidavits d’Omishca. L’agent n’a pas laissé entendre que les affidavits auraient eu plus de poids si la preuve qu’ils contenaient avait été corroborée par d’autres sources plus fiables. La décision en l’espèce peut être distinguée de celle dans Abusaninah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 234, aux paragraphes 31 à 38, dans laquelle l’agent avait fait abstraction du poids accordé aux affidavits produits par des membres de la famille du demandeur, pour le motif qu’ils étaient intéressés dans l’affaire du demandeur. La conclusion critique dans la décision dont je suis saisie était le fait que les affidavits d’Omishca ne contenaient pas suffisamment d’éléments de preuve relativement à l’intention continue de M. King de faire du mal à la demanderesse.

[35]  Il est utile de mettre en opposition la façon dont l’agent a traité les affidavits d’Omishca et le raisonnement de l’agent d’ERAR dans la décision dont le juge Southcott était saisi. Dans la première décision sur l’ERAR, l’agent a accordé un poids minimal aux affidavits de Mme Rolle et d’Omishca qui étaient devant lui, parce que les deux femmes n’étaient pas des sources impartiales et que les affidavits n’étaient étayés par aucune autre preuve corroborante. Le juge Southcott a conclu que l’absence de preuve corroborante n’était pas un fondement légitime sur lequel faire reposer des conclusions défavorables sur la crédibilité de la part de l’agent.

[36]  Par contre, dans la décision, l’agent n’a tiré aucune conclusion en termes clairs ou voilés sur la crédibilité. L’agent a conclu que la preuve était insuffisante pour trancher la question déterminante en l’espèce. La crédibilité de la preuve repose sur sa véracité et sa fiabilité. Si la preuve est crédible, comme c’est le cas dans la présente affaire, elle peut être suffisante pour trancher une question en litige, selon sa valeur probante. La valeur probante de la preuve dépend du degré auquel elle établit les faits en cause. L’agent a estimé que la preuve factuelle (présumée être vraie et fiable) dans les affidavits d’Omishca était insuffisante pour lui permettre de conclure que M. King avait toujours l’intention de faire du mal à la demanderesse. La conclusion de l’agent reposait sur la valeur probante; de l’avis de l’agent, les faits énoncés dans les affidavits d’Omishca ne permettaient pas de trancher la question dont il est saisi. Étant donné que la crédibilité n’était pas remise en question, aucune audience n’était requise au titre de l’alinéa 113b) de la LIPR et de l’article 167 du Règlement.

[37]  En résumé, je conclus que la conclusion de l’agent, selon laquelle la demanderesse ne serait pas à risque si elle retournait à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines, n’était pas abusive ni arbitraire. Au cours de la période de huit ans qui s’est écoulée depuis que la demanderesse a quitté l’île, la preuve a permis d’établir un cas où M. King a fait une remarque menaçante à sa fille au sujet de la demanderesse. Je suis consciente que je dois faire preuve de retenue envers l’appréciation de la preuve faite par l’agent. Après avoir étudié attentivement les affidavits d’Omishca, je juge que la conclusion de l’agent selon laquelle la preuve de la demanderesse était insuffisante pour établir l’existence de menaces continues de violence était raisonnable et intelligible, et que le rejet de la demande d’ERAR de la demanderesse appartenait aux issues possibles pour sa cause. La Cour n’a aucune raison d’intervenir et d’annuler la décision au titre de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1983, c F‑7.

2.  La conclusion de l’agent relative à la protection de l’État était‑elle raisonnable?

[38]  Ma conclusion selon laquelle l’agent n’a pas commis d’erreur dans l’examen de la preuve de la demanderesse ou en concluant que la demanderesse n’avait pas établi l’existence d’un risque prospectif de violence à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines est déterminante pour la présente demande. Toutefois, l’agent a examiné en long et en large la question de la protection adéquate de l’État dans la décision, et je vais brièvement me pencher sur l’un des aspects principaux des observations de la demanderesse à ce sujet.

[39]  La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’il a passé sous silence le contenu du Shadow report on the State Party : St. Vincent and the Grenadines, Violences against Women and Girls [rapport parallèle sur la violence envers les femmes et les filles dans l’État partie – Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines], daté de novembre 2014 (le rapport parallèle). Elle affirme que le rapport parallèle prouve que Saint‑Vincent n’a pas la capacité ou la volonté d’offrir une protection adéquate aux victimes de violence familiale. La demanderesse soutient également que la conclusion de l’agent, selon laquelle une protection adéquate de l’État serait à sa disposition à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines, était déraisonnable, étant donné que M. King attendrait son arrivée et qu’elle serait immédiatement exposée à la violence. Je ne vais pas examiner cette dernière observation, compte tenu de la conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse n’avait pas fait la preuve de l’intention continue de M. King de lui faire du mal.

[40]  Le rapport parallèle fait état de préoccupations graves en ce qui concerne la protection des victimes féminines de violence familiale à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Dans la décision, l’agent a cité abondamment plusieurs sources au sujet des enjeux auxquels faisaient face les victimes de violence familiale à Saint‑Vincent : le rapport des États‑Unis, le rapport de la BDC et les réponses aux demandes d’information (RDI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR). Selon le rapport des États‑Unis, la violence fondée sur le sexe est l’un des plus graves problèmes en matière de droits de la personne à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Le même rapport indique que des groupes de la société civile ont signalé que la violence envers les femmes demeurait un problème grave et répandu. Le rapport de la BDC faisait mention des mêmes enjeux.

[41]  La preuve documentaire sur laquelle l’agent s’est fondé décrit un pays qui a du mal à régler d’importants problèmes de violence fondée sur le sexe et de violence familiale. Le rapport parallèle traite des mêmes questions. Je conclus que l’agent n’était pas tenu de faire mention du rapport parallèle dans la décision, étant donné que les rapports qu’il a cités reprennent l’information que contient le rapport parallèle. Les divers rapports, y compris le rapport parallèle, mettent l’accent sur différents aspects de la capacité de l’État à lutter contre la violence fondée sur le sexe et à protéger ses citoyens, mais ils ne sont pas contradictoires.

VII.  Conclusion

[42]  La demande est rejetée.

[43]  Les parties n’ont proposé aucune question pour la certification, et il ne s’en pose aucune en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier no IMM‑5450‑17

LA COUR STATUE :

  1. que la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. qu’aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 1er jour de mars 2019

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5450‑17

 

INTITULÉ :

LLANA MAGNOLA POMPEY c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 septembrE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 14 JANVIER 2019

 

COMPARUTIONS :

Osborne G. Barnwell

 

POUR LA demanderesse

Neeta Logsetty

 

POUR Le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osborne G. Barnwell

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

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