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Date : 20190111


Dossier : T‑237‑17

Référence : 2019 CF 35

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2019

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

demandeur

et

DR. JIM HALVORSON MEDICAL SERVICES LTD. ET Dr JIM HALVORSON

défendeurs

et

FRED ADAMS

mis en cause

 


JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le 27 septembre 2014, une barge appelée Crown Forest 84‑6 a coulé au large de la côte ouest de l’île de Vancouver, près du village de Zeballos. En coulant, elle a déversé du carburant et d’autres contaminants dans les eaux environnantes. La question à trancher dans le présent procès sommaire est de savoir qui est responsable des coûts liés au nettoyage : la société professionnelle médicale qui est la propriétaire inscrite du bâtiment, le principal actionnaire de la société ou la personne qui aurait acheté le bâtiment de la société avant qu’il coule?

[2]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la société défenderesse n’était pas la propriétaire légale du bâtiment lorsqu’il a coulé le 27 septembre 2014 et n’est donc pas responsable des coûts de nettoyage associés au déversement de pétrole. Par conséquent, l’action est rejetée.

I.  Les parties

[3]  Le demandeur est l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires. Établie sous le régime de la partie 7 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6, la Caisse a été créée afin de régler les demandes d’indemnisation en cas de dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux canadiennes.

[4]  Les propriétaires de navire sont principalement responsables des coûts liés à la réparation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par leurs bâtiments. Toutefois, la Caisse rembourse à d’autres personnes les frais qu’elles pourraient avoir engagés pour le nettoyage de la pollution causée par les hydrocarbures. Dans ce cas, comme en l’espèce, la Caisse cherche alors à recouvrer les coûts de nettoyage auprès du propriétaire du bâtiment en question au moyen d’une demande en subrogation.

[5]  La société défenderesse, Dr. Jim Halvorson Medical Services Ltd., est une société professionnelle médicale (« la société professionnelle médicale ») constituée en personne morale sous le régime des lois de la Colombie‑Britannique. Il s’agit de la propriétaire inscrite du bâtiment. Le particulier défendeur, le Dr Jim Halvorson, est l’unique administrateur et dirigeant de la société professionnelle médicale.

[6]  En plus de présenter une défense dans l’action intentée par l’administrateur, les défendeurs ont déposé une mise en cause contre un ancien chef de la Première Nation Ehattesaht, Fred Adams. M. Adams aurait acheté le bâtiment de la société professionnelle médicale en septembre 2012. Bien que la mise en cause lui ait été signifiée, M. Adams n’y a pas répondu, et il semble qu’il est maintenant décédé.

II.  Le contexte

[7]  Voici les faits non contredits qui ont donné lieu à la présente action.

[8]  La société professionnelle médicale a acheté le Crown Forest en décembre 2011 ou en janvier 2012. Le vendeur était le syndic de faillite d’une société forestière qui avait utilisé la barge en guise de camp de bûcherons. Le Dr Halvorson a reçu un acte de vente de la part du vendeur, et le vendeur a immatriculé le navire au nom de la société professionnelle médicale dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments établi sous le régime de la partie 2 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, L.C. 2001, ch. 26.

[9]  Même si un rapport d’évaluation examiné par le Dr Halvorson avant l’achat décrivait le bâtiment comme étant en [traduction] « bon état », le bâtiment donnait souvent de la gîte, ce qui explique pourquoi il était connu localement sous le nom de « Tiltin’ Hilton » [le Hilton incliné]. Il y avait un grand réservoir de carburant sur le pont de la barge, ainsi que huit remorques Atco, un certain nombre de réservoirs de propane, deux moteurs diesel Cummins de 5,9 litres et des réservoirs de carburant internes.

[10]  Au moment où la société professionnelle médicale a acquis le bâtiment, celui‑ci était amarré à Zeballos, sur un lot de grève faisant l’objet d’un bail au profit de Western Forest Products Ltd. Après l’achat, Western Forest Products a écrit au Dr Halvorson pour demander que le bâtiment soit déplacé. La Première Nation Ehattesaht souhaitait également que le bâtiment soit déplacé, puisqu’il posait à son avis un risque environnemental.

[11]  Au départ, le Dr Halvorson avait l’intention de déplacer le bâtiment vers sa propriété située à Queen’s Cove, qui se trouve également sur le territoire de la Première Nation. Peu après avoir acquis le bâtiment, il a pris des dispositions pour que celui‑ci soit remorqué. Toutefois, la tentative a été avortée le matin où le remorquage devait avoir lieu, puisque la présence de glace dans le port rendait l’opération impossible.

[12]  Le Dr Halvorson a par la suite été avisé par le ministère provincial de l’Environnement et la Première Nation Ehattesaht du fait que le navire ne pouvait pas être déplacé vers Queen’s Cove en raison de préoccupations environnementales. Par conséquent, il a décidé de vendre le navire.

[13]  Le Dr Halvorson a entamé des pourparlers avec M. Adams, qui souhaitait acheter le bâtiment dans le but de l’utiliser comme centre de bien‑être ou de jeunesse au profit de la collectivité locale. Après avoir pris connaissance de l’intention de M. Adams, le Dr Halvorson a accepté, au nom de la société professionnelle médicale, de céder le navire à M. Adams pour la somme de 1 $. La question de savoir si la transaction se voulait un don ou une vente a suscité un débat, mais aucune des parties n’a laissé entendre que la question de la caractérisation de la transaction était déterminante.

[14]  Le Dr Halvorson a ensuite rédigé un document daté du 20 septembre 2012, dont le titre original était [traduction] « Acte de vente ». Après que M. Adams a avisé le Dr Halvorson du fait qu’il avait besoin de temps pour y penser, le Dr Halvorson a rayé le titre du document et l’a remplacé par [traduction] « Intention d’achat ». Une copie du document préparé par le Dr Halvorson est annexée aux présents motifs.

[15]  Dans sa version initiale, le document prévoyait que M. Adams ferait l’acquisition du bâtiment avec un deuxième acheteur. Toutefois, M. Adams a par la suite décidé de l’acquérir seul. Par conséquent, le nom du deuxième acheteur a été rayé, et celui‑ci n’a plus participé à la présente affaire.

[16]  Le document prévoit notamment que la société professionnelle médicale du Dr Halvorson [traduction] « vend et transfère » le bâtiment à l’acheteur pour la somme de 1 $. Il est ensuite indiqué ceci : [traduction] « Dès le paiement du prix d’achat, les acheteurs prendront possession de l’actif et en auront la responsabilité légale. » Après avoir précisé que le navire est vendu [traduction] « sur place et dans l’état », le document signale que [traduction] « les acheteurs reconnaissent que les actifs se trouvent actuellement à Zeballos, dans une partie de la zone intertidale qui fait l’objet d’un bail au profit de Western Forest Products, et qu’ils doivent être déplacés sans délai ». Il est ensuite précisé que le prix d’achat ne comprend pas la rampe ni le quai attachés au bâtiment. Enfin, une entrée manuscrite au bas du document prévoit ceci : [traduction] « L’acheteur doit remplir les conditions énoncées plus haut d’ici le 26 septembre 2012. »

[17]  M. Adams a par la suite confirmé qu’il souhaitait effectuer la transaction. Dans un courriel envoyé au Dr Halvorson daté du 25 septembre 2012, il a affirmé : [traduction] « J’accepte les responsabilités liées à la barge. » Il a ensuite avisé le Dr Halvorson qu’il chercherait à souscrire une assurance et à faire remorquer la barge. Le Dr Halvorson a envoyé à M. Adams la réponse suivante : [traduction] « Je prends acte de votre déclaration d’aujourd’hui selon laquelle vous avez donné suite à votre contrat d’intention d’achat (sic) du 20 septembre 2012 ». Le Dr Halvorson a ajouté : [traduction] « Je reconnais avoir accepté votre offre et reçu le prix d’achat de 1 $ pour la barge de campement Crown Forest 84.6 construite en 1944. » Pour conclure, le Dr Halvorson a donné à M. Adams le nom d’une personne qui pourrait remorquer la barge vers un nouvel emplacement à la fin de la semaine.

[18]  Le même jour, le Dr Halvorson a informé une représentante du ministère de l’Environnement de la Colombie‑Britannique que M. Adams avait acheté la barge, confirmant que celui‑ci était au courant du [traduction] « besoin pressant de la déplacer ». La représentante du ministère de l’Environnement a demandé au Dr Halvorson de lui fournir une copie de la convention d’achat pour les dossiers du ministère, et le Dr Halvorson a ensuite fourni au ministère une copie du document intitulé [traduction] « Intention d’achat », ainsi que le courriel de M. Adams daté du 25 septembre 2012.

[19]  Le Dr Halvorson a affirmé qu’il ne savait pas que d’autres mesures devaient être prises pour transférer le titre de propriété du navire, et ni M. Adams ni le Dr Halvorson n’ont immatriculé la barge au nom de M. Adams dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments. Le navire est donc demeuré inscrit au nom de la société professionnelle médicale du Dr Halvorson.

[20]  M. Adams n’a jamais fait remorquer le navire dans un autre lieu, et, le 27 septembre 2014, celui‑ci a coulé, déversant du carburant et d’autres contaminants dans les eaux situées près de Zeballos. Cet incident a été source de grandes préoccupations, puisque la région de Zeballos est une zone humide très sensible – où le hareng et le saumon fraient et où les membres de la Première Nation Ehattesaht pêchent les mollusques et les crustacés vivant dans la zone intertidale.

[21]  Le Dr Halvorson s’est renseigné afin de savoir quelles mesures pourraient être prises pour améliorer la situation, et il a assisté à une réunion du conseil municipal où on a abordé la question du naufrage du bâtiment. Toutefois, ni le Dr Halvorson ni M. Adams n’ont fait quoi que ce soit pour nettoyer le déversement. Par conséquent, afin de réduire au minimum les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, des représentants de la Garde côtière canadienne ont pris des mesures pour remédier au déversement.

[22]  La Garde côtière a placé un barrage flottant autour du bâtiment afin d’empêcher que les polluants se répandent, utilisant des matelas absorbants pour absorber la fuite de pétrole. Elle a également retiré certains des polluants libres qui ont été retrouvés dans des bidons et des barils à bord de la barge et pompé quelque 600 litres d’hydrocarbures retrouvés dans un réservoir sur le pont du bâtiment. Le coût total du nettoyage s’est élevé à 67 348,81 $.

[23]  Le 14 septembre 2016, conformément aux articles 101 et 103 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, la Garde côtière a présenté à l’administrateur sa demande de remboursement des frais liés à la dépollution. La demande a été examinée et évaluée, et l’administrateur a accepté de rembourser à la Garde côtière la totalité du montant demandé, soit 67 348,81 $. Un total de 71 698,27 $ a été versé à la Garde côtière par l’administrateur le 3 janvier 2017. En application de l’article 116 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, cette somme comprenait des intérêts calculés au taux de 4 % par année.

[24]  Conformément à l’alinéa 106(3)b) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, l’administrateur est subrogé dans tous les droits détenus par la Garde côtière et est tenu par la loi de recouvrer auprès des propriétaires du bâtiment polluant la somme qu’il a versée pour l’atténuation de la pollution par les hydrocarbures.

[25]  La demande envoyée à la société professionnelle médicale pour qu’elle verse la somme de 71 698,27 $ plus des intérêts n’a pas porté fruit. En conséquence, l’administrateur a intenté la présente action contre la société professionnelle médicale en sa qualité de propriétaire inscrite du bâtiment. Le Dr Halvorson a aussi été nommé défendeur à titre personnel, puisque l’administrateur cherche à [traduction] « lever le voile corporatif » et à faire reconnaître le Dr Halvorson comme personnellement responsable des frais engagés pour le nettoyage du déversement d’hydrocarbures. Comme je l’ai déjà mentionné, les défendeurs ont ensuite déposé une mise en cause contre M. Adams, à laquelle M. Adams n’a pas donné suite.

[26]  L’administrateur a présenté une requête dans laquelle il a demandé que l’action soit tranchée par voie de procès sommaire. La première question qui se pose est donc celle de savoir s’il convient de trancher la présente affaire par voie de procès sommaire.

III.  L’affaire convient‑elle à un procès sommaire?

[27]  Je suis d’accord avec les parties pour dire qu’il convient de trancher la présente affaire par voie de procès sommaire. Il n’y a pas de faits importants en litige ni de questions de crédibilité qui doivent être réglées sur le fondement de témoignages de vive voix.

[28]  Le litige porte en l’espèce sur les conséquences juridiques qui découlent des faits non contestés. Même si elles sont relativement nouvelles, ces questions peuvent être réglées aussi facilement dans le cadre d’un procès sommaire que d’un procès complet : 0871768 BC Ltd c Aestival (Navire), 2014 CF 1047, au paragraphe 58, [2014] A.C.F. no 1155. Je suis en outre convaincue de pouvoir trouver les faits nécessaires pour régler les questions en litige en l’espèce dans le dossier qui m’a été présenté.

[29]  De plus, le procès sommaire est un processus proportionnel en l’espèce compte tenu du montant en question et du coût éventuel d’un procès complet : Premium Sports Broadcasting Inc. c 9005‑5906 Québec Inc. (Resto‑bar Mirabel), 2017 CF 590, au paragraphe 53, [2017] A.C.F. no 672.

IV.  Les questions en litige

[30]  Même si elles formulent les questions en litige de façon quelque peu différente, je comprends que les parties s’entendent pour dire que les questions suivantes doivent être tranchées en l’espèce :

  1. Le titre du bâtiment a‑t‑il été transféré de la société professionnelle médicale à M. Adams avant que ne se produisent les dommages dus à la pollution, ou est‑ce que la société professionnelle médicale est responsable des coûts du nettoyage en tant que propriétaire inscrite du navire?

  2. Si la société professionnelle médicale est redevable envers l’administrateur des frais liés à la dépollution, le Dr Halvorson est‑il aussi redevable en son nom personnel des frais liés à la dépollution?

  3. Selon les réponses fournies aux questions ci‑dessus, la question de la responsabilité de M. Adams pourrait aussi devoir être abordée.

V.  Le titre du Crown Forest a‑t‑il été transféré à M. Adams avant que ne se produisent les dommages dus à la pollution, ou est‑ce que la société professionnelle médicale est responsable des coûts du nettoyage en tant que propriétaire inscrite du navire?

[31]  Les défendeurs affirment que la société professionnelle médicale n’est pas redevable envers l’administrateur des frais liés à la dépollution engagés relativement au Crown Forest, puisqu’elle n’était pas la propriétaire du bâtiment le 27 septembre 2014, date du naufrage ayant causé les dommages dus à la pollution. Les défendeurs font valoir que le titre de propriété du bâtiment avait été transféré à M. Adams quelque deux ans plus tôt et que c’est par conséquent M. Adams (ou, vraisemblablement, sa succession) qui est redevable envers l’administrateur des frais liés à la dépollution, et non la société professionnelle médicale ou le Dr Halvorson.

[32]  Le demandeur fait valoir que, en tant que propriétaire inscrite du Crown Forest, la société professionnelle médicale est strictement responsable des frais engagés pour atténuer les problèmes de pollution causés par le bâtiment.

A.  Le régime législatif

[33]  La partie 6 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime traite de la responsabilité et de l’indemnisation en cas de pertes ou de dommages causés par la contamination découlant du rejet de polluants par des navires.

[34]  Comme l’a fait observer la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, l’objectif du législateur lorsqu’il a adopté la Loi sur la responsabilité en matière maritime était d’imposer la responsabilité aux personnes qui ont le droit de posséder et d’utiliser un navire : British Columbia c The Administrator of the Ship‑source Oil Pollution Fund, 2018 BCSC 793, au paragraphe 43, 292 A.C.W.S. (3d) 311.

[35]  La partie 6 comporte deux sections. Les parties conviennent que la section 1, qui s’applique aux pétroliers, ne s’applique pas ici, et que la présente affaire est régie par la section 2 de la partie 6 de la Loi.

[36]  L’article 77 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime prévoit que le propriétaire d’un navire est responsable des frais engagés pour réparer les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par le navire. Le paragraphe 77(3) précise que la responsabilité du propriétaire prévue à l’article 77 de la Loi « n’est pas subordonnée à la preuve d’une faute ou d’une négligence », de sorte que les propriétaires sont strictement responsables des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par leurs bâtiments.

[37]  La question est donc de savoir qui était le « propriétaire » du Crown Forest le 27 septembre 2014 – la société professionnelle médicale ou M. Adams?

[38]  L’article 75 énonce les définitions qui s’appliquent à la section 2 de la partie 6 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Il définit le terme « propriétaire » comme suit : « S’entend de la personne qui a, au moment considéré, en vertu de la loi ou d’un contrat, les droits du propriétaire du navire en ce qui a trait à la possession et à l’usage de celui‑ci. »

[39]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que M. Adams et non la société professionnelle médicale était le « propriétaire » du Crown Forest le 27 septembre 2014, aux fins de l’application de la section 2 de la partie 6 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Par conséquent, la société professionnelle médicale n’est pas responsable des frais liés à la dépollution engagés par l’administrateur.

[40]  En arrivant à cette conclusion, j’aimerais d’abord faire observer que rien à l’article 75 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime ne rattache la propriété d’un bâtiment à l’immatriculation du titre du bâtiment dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments faite conformément aux dispositions de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada.

[41]  Le système d’immatriculation des bâtiments est établi au titre de l’article 43, qui se trouve dans la partie 2 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Selon le paragraphe 46(1) de la Loi, exception faite du bâtiment faisant l’objet d’une dispense accordée en vertu des règlements, doit être immatriculé sous le régime de la partie 2 de la Loi tout bâtiment qui, à la fois, n’est pas une embarcation de plaisance, appartient uniquement à des personnes qualifiées, et n’est pas immatriculé, enregistré ou autrement inscrit dans un État étranger.

[42]  Le paragraphe 46(2) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada impose au propriétaire d’un bâtiment l’obligation de veiller à ce que celui‑ci soit immatriculé. Je crois comprendre que les parties s’entendent pour dire que l’article 46 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada s’appliquait au Crown Forest et que le changement quant à la propriété du bâtiment (de la société professionnelle médicale à M. Adams) aurait dû être enregistré dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments.

[43]  Aux termes de l’alinéa 58(1)b) de la Loi, au plus tard 30 jours après qu’un changement est apporté quant à la propriété du bâtiment, le représentant autorisé d’un bâtiment canadien est tenu d’en aviser le registraire en chef. Sous réserve de certaines exceptions qui ne s’appliquent pas en l’espèce, le « représentant autorisé » d’un bâtiment canadien est généralement le propriétaire du bâtiment : paragraphe 14(1) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada.

[44]  Le paragraphe 51(1) de la Loi prévoit que la demande d’immatriculation d’un bâtiment doit être présentée selon les modalités que fixe le registraire en chef, notamment quant aux renseignements qu’elle doit comprendre et à la documentation qui doit l’accompagner. Toutefois, la loi n’énonce aucune formalité à respecter pour que le titre de propriété d’un bâtiment soit transféré à un nouveau propriétaire.

[45]  Le demandeur admet que les droits sur un bâtiment peuvent être transférés par contrat, que la transaction ait été enregistrée dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments ou non. Toutefois, le demandeur affirme que, pour que le titre complet soit transféré d’un ancien propriétaire à un nouveau propriétaire, le changement quant à la propriété doit être enregistré dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments. Étant donné qu’aucun acte de vente officiel n’a été remis à M. Adams, le demandeur fait valoir que la société professionnelle médicale demeure la propriétaire légale du bâtiment et qu’elle est donc responsable des coûts liés au nettoyage.

[46]  À l’appui de cette prétention, le demandeur invoque le « Formulaire 6 » publié par Transports Canada au titre de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Ce document est un modèle d’« Acte de vente » qui doit manifestement être utilisé pour enregistrer les transferts de propriété des bâtiments. En plus d’exiger la fourniture de certains renseignements, le document contient une « Note à l’acheteur/aux acheteurs » : « L’acheteur/les acheteurs d’un bâtiment immatriculé n’obtient/n’obtiennent pas le titre complet jusqu’à ce que l’acte de vente n’ait été enregistré dans le Registre Canadien des bâtiments par un Registraire ».

[47]  On a demandé à l’avocat du demandeur de préciser quelles dispositions législatives prévoyaient que le titre légal d’un bâtiment ne pouvait être entièrement dévolu au nouveau propriétaire avant que le transfert soit enregistré dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments. Il a été incapable de répondre. Toutefois, il a invoqué deux sources à l’appui de son argument : la décision de la Cour de l’Échiquier Robillard c St. Roch (The), 21 Ex. C.R. 132, 62 D.L.R. 145, et un extrait de l’ouvrage Canadian Maritime Law, 2e éd., Aldo Chircop et al., (Toronto : Irwin Law Inc., 2016), aux pages 315‑321).

[48]  En ce qui concerne l’extrait de l’ouvrage Canadian Maritime Law, les auteurs signalent que la vente de navires est considérée comme la vente de biens meubles. Par conséquent, elle est assujettie aux principes généraux du droit des contrats, y compris aux lois provinciales relatives à la vente d’objets, ainsi qu’aux exigences du droit maritime concernant un acte de vente (à la page 306). L’application des principes du droit des contrats aux faits de l’espèce sera abordée plus loin dans les présents motifs.

[49]  À mon avis, l’affaire Robillard se distingue clairement de la présente affaire, puisque la législation en vigueur au moment où l’affaire a été tranchée était différente du régime législatif qui s’applique en l’espèce.

[50]  Les dispositions législatives applicables au transfert d’un navire immatriculé qui étaient en vigueur au moment où l’affaire Robillard a été tranchée se trouvaient dans la Merchant Shipping Act, 1894 (R.‑U.) 57 & 58 Vict. 60. L’article 24 de la Loi énonçait certaines formalités qui devaient être respectées pour que le titre de propriété d’un bâtiment soit transféré d’un propriétaire à un nouvel acheteur. Notamment, le navire immatriculé devait être transféré au moyen d’un acte de vente en la forme prescrite par la loi : Robillard, précitée, au paragraphe 18. Le document devait également être signé par le cédant en présence d’un ou de plusieurs témoins, et le ou les témoins devaient signer une attestation : Robillard, précitée, au paragraphe 14.

[51]  La Cour de l’Échiquier a indiqué qu’il était [traduction] « bien établi en droit » qu’un bâtiment ne pouvait être transféré que [traduction] « de la manière prévue par la Loi et d’aucune autre façon » : Robillard, précitée, au paragraphe 20.

[52]  Dans l’affaire Robillard, la Cour a conclu que les formalités législatives n’avaient pas été respectées dans la transaction en cause. Entre autres, il n’y avait aucun témoin de la signature de l’acte de vente par un des vendeurs et aucune attestation à cet égard, et aucun élément de preuve n’avait été fourni pour prouver la signature de l’acte de vente (au paragraphe 18).

[53]  Comme l’acte de vente dans l’affaire Robillard n’avait pas été signé de la manière prescrite par la Merchant Shipping Act, 1894, il s’est ensuivi que le titre du navire en cause n’avait pas été transféré dans le cadre de la transaction.

[54]  Comme je l’ai déjà mentionné, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada n’énonce aucune formalité à respecter pour que le titre de propriété d’un bâtiment soit transféré d’un propriétaire à un nouvel acheteur. Tout ce que dit la Loi, c’est que les demandes d’immatriculation d’un bâtiment doivent être présentées selon les modalités que fixe le registraire en chef, notamment quant aux renseignements qu’elles doivent comprendre et à la documentation qui doit les accompagner (au paragraphe 51(1)).

[55]  La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada traite des conséquences qui découlent du défaut d’enregistrer un changement quant à la propriété d’un bâtiment. Toutefois, elle n’appuie pas l’argument du demandeur selon lequel le propriétaire enregistré d’un bâtiment demeure responsable des dommages dus à la pollution sous le régime de la section 2 de la partie 6 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime après la vente du bâtiment à un tiers.

[56]  Selon le paragraphe 79(1) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, commet une infraction quiconque contrevient à certaines dispositions de la Loi. Une de ces dispositions est le paragraphe 46(2), qui oblige chaque propriétaire d’un bâtiment à veiller à ce que celui‑ci soit immatriculé sous le régime de la Loi.

[57]  Le paragraphe 79(2) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada traite précisément des sanctions qui peuvent être imposées en cas de manquement aux exigences en matière d’immatriculation de la Loi. Il est ainsi libellé : « L’auteur d’une infraction visée au paragraphe [79](1) encourt sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire une amende maximale de 10 000 $ ». Le paragraphe 79(3) de la Loi porte sur les infractions continues : « Il est compté une infraction distincte pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue l’infraction visée aux alinéas [79](1)a) ou c) ».

[58]  Fait important, rien dans la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada ni dans les règlements pris en vertu de cette loi ne donne à penser que le titre de propriété d’un bâtiment ne sera pas transféré à l’acheteur si la transaction n’est pas enregistrée dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments. De plus, rien dans la Loi (ni d’ailleurs dans la Loi sur la responsabilité en matière maritime) ne donne à penser que l’ancien propriétaire d’un bâtiment continue d’être responsable des dommages causés par le bâtiment tant et aussi longtemps que son nom figure au Registre à titre de propriétaire du bâtiment.

B.  Le titre de propriété du bâtiment a‑t‑il été transféré en septembre 2012?

[59]  Comme l’a fait observer la Cour d’appel fédérale, un principe qu’ont en commun la common law et le droit civil est « l’effet déterminant de l’intention des parties dans l’interprétation du contrat qui les lie » : Canada c Construction Bérou Inc., 180 FTR 5, au paragraphe 68, [2000] 2 CTC 174, le juge Noël dissident, mais non sur ce point.

[60]  Même si le document intitulé [traduction] « Intention d’achat » préparé par le Dr Halvorson est loin d’être un modèle de rédaction, son intention est claire : c’était une offre par la société professionnelle médicale de transférer le titre de propriété du Crown Forest à M. Adams pour la somme de 1 $. Cette offre a subséquemment été acceptée par M. Adams, et son acceptation de l’offre de la société professionnelle médicale a été confirmée dans le courriel du 25 septembre 2012 envoyé par le Dr Halvorson à M. Adams, dans lequel le Dr Halvorson a reconnu que M. Adams avait l’intention d’aller de l’avant avec la transaction. Le Dr Halvorson a également accusé réception de la contrepartie de la transaction.

[61]  Une autre confirmation de la conclusion de la transaction se trouve dans la réponse envoyée par courriel par M. Adams le 25 septembre 2012. M. Adams a précisé qu’il [traduction] « accept[ait] les responsabilités liées à la barge », et il a informé le Dr Halvorson qu’il chercherait à souscrire une assurance et à prendre des dispositions pour faire déplacer le bâtiment.

[62]  Autrement dit, il y a eu une offre pour la vente du bâtiment; cette offre a été acceptée par l’acheteur, et la contrepartie convenue a été payée au vendeur : tous les éléments requis pour former un contrat exécutoire en droit étaient donc présents en l’espèce. C’était M. Adams, et non la société professionnelle médicale, qui détenait les droits du propriétaire quant à la possession et à l’usage du Crown Forest après le 25 septembre 2012.

C.  L’argument relatif à l’existence d’une condition préalable

[63]  Le demandeur fait valoir que la transaction ne s’est jamais concrétisée, puisqu’une des conditions du contrat n’a jamais été remplie. À l’appui de cet argument, le demandeur cite la clause 4 du document intitulé [traduction] « Intention d’achat » préparé par le Dr Halvorson, qui indique que [traduction] « [l]es acheteurs reconnaissent que les actifs se trouvent actuellement à Zeballos, dans une partie de la zone intertidale qui fait l’objet d’un bail au profit de Western Forest Products, et qu’ils doivent être déplacés sans délai ».

[64]  D’après le demandeur, cette disposition constituait une condition préalable dans l’offre, et le titre de propriété du bâtiment ne pouvait être transféré avant que le bâtiment soit retiré de Zeballos par M. Adams.

[65]  Je ne souscris pas à l’argument du demandeur. Lue en contexte, la disposition visait à informer M. Adams qu’il allait devoir déplacer le bâtiment s’il allait de l’avant avec la transaction. Elle n’était manifestement pas censée être une condition préalable au transfert du titre de propriété du bâtiment à M. Adams.

[66]  Cette interprétation est confirmée lorsqu’on tient compte du contexte. Le Dr Halvorson essayait de déplacer le bâtiment depuis deux ans et n’avait pas été en mesure de le faire, malgré la pression exercée par Western Forest Products, la Première Nation Ehattesaht et le ministère de l’Environnement. En effet, le Dr Halvorson a déclaré que sa décision de transférer le bâtiment à M. Adams était motivée, du moins en partie, par le sentiment de frustration qu’il éprouvait à cet égard.

[67]  Le document intitulé [traduction] « Intention d’achat » est daté du 20 septembre 2012 et prévoit ce qui suit : [traduction] « L’acheteur doit remplir les conditions énoncées plus haut d’ici le 26 septembre 2012 ». Compte tenu des difficultés qu’a rencontrées le Dr Halvorson, qui a essayé de faire déplacer le bâtiment pendant deux ans, il aurait été tout à fait irréaliste de penser que M. Adams aurait été en mesure de le faire en six jours.

[68]  Les courriels échangés entre M. Adams et le Dr Halvorson le 25 septembre 2012 confirment également que les parties n’envisageaient pas que la conclusion de la transaction soit conditionnelle à ce que M. Adams déplace d’abord le bâtiment.

[69]  En conséquence, je ne suis pas convaincue que le document intitulé [traduction] « Intention d’achat » contenait une condition préalable qui empêchait que le titre de propriété du bâtiment soit transféré de la société professionnelle médicale à M. Adams avant que le bâtiment ne soit retiré de Zeballos.

D.  La conduite des parties après le 25 septembre 2012

[70]  La conduite du Dr Halvorson et de M. Adams après le 25 septembre 2012 concorde également avec la thèse selon laquelle le titre de propriété du bâtiment a été transféré à M. Adams par la société professionnelle médicale ce jour‑là.

[71]  J’ai déjà fait allusion au fait que, le 25 septembre 2012, le Dr Halvorson a informé une représentante du ministère de l’Environnement que M. Adams avait acheté le bâtiment et que celui‑ci était au courant du [traduction] « besoin pressant de déplacer la barge ». Ce fait concorde avec la thèse selon laquelle le titre de propriété du bâtiment aurait été transféré à M. Adams ce jour‑là.

[72]  De plus, après la conclusion de la vente du bâtiment, le Dr Halvorson a pris des dispositions pour que l’esquif qui servait à se rendre jusqu’au bâtiment soit retiré de Zeballos, puisqu’il n’avait plus besoin d’avoir accès au bâtiment.

[73]  On se rappellera aussi que le document intitulé [traduction] « Intention d’achat » prévoyait que le prix de vente ne comprenait pas la rampe ni le quai (ou le flotteur) attachés au bâtiment. Le Dr Halvorson a plus tard pris des dispositions pour faire retirer la rampe et le flotteur du bâtiment, demandant d’abord la permission à M. Adams pour effectuer ces travaux. La permission de M. Adams n’aurait pas été nécessaire, bien entendu, si la société professionnelle médicale était toujours propriétaire du bâtiment.

[74]  Enfin, M. Adams a communiqué avec le Dr Halvorson en mai 2013 pour lui demander des renseignements concernant une personne qui aurait pu vouloir lui acheter le bâtiment. Le Dr Halvorson a répondu au courriel de M. Adams. Il a mis en copie la personne en question et a dit : [traduction] « Je vous ai maintenant mis en contact. Bonne chance! » M. Adams a plus tard envoyé un courriel à l’acheteur éventuel en lui disant : [traduction] « J’ai obtenu la barge de Jim Halverson. S’il a toujours le rapport d’évaluation, n’hésite pas à lui en demander une copie. » Ces courriels indiquent clairement que le Dr Halvorson et M. Adams étaient tous deux d’avis que M. Adams était le propriétaire du bâtiment.

E.  L’argument relatif à la Sale of Goods Act

[75]  Les défendeurs se fondent aussi sur la Sale of Goods Act de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 410, pour appuyer leur argument selon lequel le titre de propriété du Crown Forest a été transféré de la société professionnelle médicale à M. Adams le 25 septembre 2012.

[76]  Plus particulièrement, les défendeurs s’appuient sur le paragraphe 22(1) de la Loi, qui prévoit que, dans le cas d’un contrat de vente d’objets déterminés, [traduction] « la propriété de ceux‑ci est transférée à l’acheteur au moment où les parties au contrat ont l’intention de la transférer ». Le paragraphe 22(2) de la Loi fournit un guide pour déterminer l’intention des parties : [traduction] « il y a lieu de considérer les clauses du contrat, la conduite des parties et les circonstances de l’espèce ».

[77]  Citant l’arrêt de la Cour suprême du Canada Succession Ordon c Grail, [1998] 3 R.C.S. 437, [1998] A.C.S. no 84, le demandeur fait valoir que la Sale of Goods Act de la Colombie‑Britannique ne s’applique pas en l’espèce. Selon lui, la partie 2 de la Loi sur la marine marchande du Canada est un code complet obligatoire qui régit l’immatriculation, l’enregistrement et l’inscription des bâtiments, et, par conséquent, il ne laisse aucune place à l’application d’une loi provinciale incompatible comme la Sale of Goods Act.

[78]  Toutefois, la Cour suprême du Canada a exprimé un doute quant à savoir si sa décision dans l’affaire Succession Ordon c Grail s’appliquait toujours : Marine Services International Ltd. c Ryan (Succession), 2013 CSC 44, au paragraphe 64, [2013] 3 R.C.S. 53. Même si elle reconnaît que la doctrine d’exclusivité des compétences s’applique lorsqu’une loi provinciale de portée générale a pour effet de réglementer indirectement des questions touchant les règles de droit maritime relatives à la négligence, la Cour suprême a néanmoins noté que les décisions rendues après l’arrêt Succession Ordon avaient précisé l’analyse à deux volets concernant l’exclusivité des compétences : Banque canadienne de l’Ouest c Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3; Québec (Procureur général) c Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, [2010] 2 R.C.S. 536.

[79]  Bien que la Sale of Goods Act de la Colombie‑Britannique soit une loi provinciale, la Cour suprême du Canada a confirmé que la Cour fédérale peut appliquer accessoirement le droit provincial nécessaire à la solution des points litigieux soumis par les parties : ITO‑Int’l Terminal Operators c Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752, au paragraphe 30, 28 D.L.R. (4th) 741 (« ITO »); Kellogg Co. c Kellogg, [1941] R.C.S. 242. De plus, les lois provinciales sur la vente d’objets ont été appliquées par la Cour dans des affaires liées au droit maritime : voir par exemple Governor and Company of the Bank of Scotland c Nel (Le), [1999] 2 C.F. 578, 161 F.T.R. 303.

[80]  Même si le demandeur conteste l’applicabilité de la Sale of Goods Act de la Colombie‑Britannique en l’espèce, je crois comprendre qu’il admet que la législation sur la vente d’objets en vigueur au Royaume‑Uni en 1934 a été importée dans le droit maritime canadien : Banque nationale du Canada c Rogers, 2015 CF 1207, au paragraphe 43, [2015] A.C.F. no 1267; Wärtsilä Canada inc. c Transport Desgagnés inc., 2017 QCCA 1471, au paragraphe 87, [2017] J.Q. no 13424, autorisation de pourvoi devant la C.S.C. accordée; ITO, précité, aux pages 771 et 774. Cette législation comprenait la Sale of Goods Act, 1893 (R.‑U.), (56 & 57 Vict., ch. 71).

[81]  Il n’est pas nécessaire de régler la question de savoir quelle loi sur la vente d’objets régit la présente affaire, car la Sale of Goods Act, 1893 du Royaume‑Uni est en fait très semblable à la Sale of Goods Act de la Colombie‑Britannique. En effet, l’article 17 de la loi du Royaume‑Uni est presque identique à l’article 22 de la Sale of Goods Act de la Colombie‑Britannique. Le paragraphe 17(1) est ainsi libellé : [traduction] « Dans le cas d’un contrat de vente d’objets déterminés ou certains, la propriété de ceux‑ci est transférée à l’acheteur au moment où les parties au contrat ont l’intention de la transférer. » À l’instar du paragraphe 22(2) de la loi de la Colombie‑Britannique, le paragraphe 17(2) de la loi du Royaume‑Uni prévoit en outre que [traduction] « [p]our déterminer l’intention des parties, il y a lieu de considérer les clauses du contrat, la conduite des parties et les circonstances de l’espèce ».

[82]  Même si j’ai conclu que le titre de propriété du Crown Forest est passé de la société professionnelle médicale à M. Adams le 25 septembre 2012 en fonction des principes de la common law applicables aux contrats, je suis convaincue que cette conclusion concorde aussi avec les dispositions de la Sale of Goods Act de la Colombie‑Britannique et de la Sale of Goods Act, 1893 du Royaume‑Uni.

VI.  Conclusion

[83]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus que Fred Adams était le propriétaire légal du Crown Forest lorsqu’il a coulé le 27 septembre 2014, et non la défenderesse Dr. Jim Halvorson Medical Services Ltd. La société professionnelle médicale n’est donc pas redevable envers l’administrateur des coûts de nettoyage associés au déversement d’hydrocarbures. Par conséquent, l’action du demandeur est rejetée.

[84]  Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la société professionnelle médicale n’est pas responsable des coûts de nettoyage, il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si le voile corporatif devrait être levé pour imposer la responsabilité des coûts de nettoyage au Dr Halvorson personnellement, en plus de la société professionnelle médicale.

[85]  Le demandeur n’a pas nommé M. Adams comme défendeur dans l’action principale, et la mise en cause des défendeurs est tributaire de la reconnaissance de la responsabilité d’un des défendeurs ou des deux. Comme j’ai conclu que les défendeurs ne sont pas responsables des coûts liés au nettoyage, il s’ensuit que la mise en cause devrait aussi être rejetée.

VII.  Les dépens

[86]  Conformément à l’entente conclue entre les parties, les défendeurs ont droit aux dépens, que je fixe à 15 000 $, débours et TPS compris.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑237‑17

LA COUR STATUE que l’action est rejetée, avec dépens en faveur des défendeurs au montant de 15 000 $, débours et TPS compris.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 15e jour de février 2019

Julie Blain McIntosh



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑237‑17

 

INTITULÉ :

L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES c DR. JIM HALVORSON MEDICAL SERVICES LTD., DR JIM HALVORSON ET FRED ADAMS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 NOVEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

lA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 JANVIER 2019

 

COMPARUTIONS :

David F. McEwen, c.r., et Mathew Crowe

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Jarrett et

Glen Krueger

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

Personne n’a comparu

 

POUR LE MIS EN CAUSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alexander Holburn Beaudin + Lang LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bernard LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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