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Date : 20190109


Dossier : IMM‑2275‑18

Référence : 2019 CF 27

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2019

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

HAMZA HIRE FARAH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  La nature de l’affaire

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur, au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, à l’encontre de la décision datée du 17 avril 2018, par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté l’appel du refus d’accorder au demandeur le statut de réfugié (la décision).

II.  Les faits

[2]  Le demandeur est un citoyen de la Somalie, né le 1er janvier 1995. Il est allégué qu’il serait membre de la tribu Horosame, une tribu marginale de la Somalie, ce qui aurait entraîné la discrimination vécue par sa famille. Le demandeur aurait aidé son père à enseigner à leur école dugsi à domicile (l’école), où le soufisme et le Coran étaient enseignés, ce qui aurait amené Al‑Chabaab, une organisation politique, à cibler sa famille.

[3]  Dans son témoignage, le demandeur a déclaré que des membres d’Al‑Chabaab s’étaient présentés chez lui et avaient assassiné son père et son frère le 10 juin 2015. Le demandeur allègue que sa mère, ses autres frères et sœurs ainsi que lui‑même n’étaient pas à la maison à ce moment-là. Ils se sont par la suite enfuis à Nairobi, au Kenya. Le demandeur soutient qu’il est ciblé par Al‑Chabaab et que, s’il retournait en Somalie, le groupe politique le percevrait comme un traître et un espion de l’Ouest. Le temps qu’il a passé au Canada renforcerait leur perception selon laquelle il est un espion. Ils le tueraient afin d’écarter la menace perçue contre leur organisation, l’islam et la société somalienne.

III.  L’historique des procédures et la décision faisant l’objet du contrôle

[4]  La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a entendu et rejeté la demande du demandeur une première fois le 23 février 2016. La SAR a par la suite accueilli son appel de la première décision de la SPR. Celle‑ci a entendu de novo le dossier du demandeur le 25 mai 2017 et elle a rendu une décision défavorable le 1er juin 2017. En appel, la SAR a rejeté la demande du demandeur dans la décision datée du 17 avril 2018, laquelle fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

[5]  L’audience de la SAR a eu lieu le 3 avril 2018. La SAR a accepté la nouvelle preuve du demandeur en lien avec un témoin qui, selon le demandeur, était une étudiante de l’école de son défunt père, et elle a témoigné. Le demandeur a également témoigné devant la SAR. Cette dernière a, en fin de compte, rejeté la déposition du nouveau témoin pour des motifs de crédibilité. Elle a conclu que le demandeur et le nouveau témoin ne se connaissaient pas dans le contexte présenté, ce qui démontrait davantage le manque général de crédibilité du demandeur en lien avec le moment où il avait travaillé à l’école de son père et ce qu’il y avait enseigné.

IV.  Les questions en litige

[6]  Le demandeur soulève les questions suivantes dans le cadre du contrôle judiciaire :

  1. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité?

  2. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en ne procédant pas à une appréciation indépendante?

  3. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation du risque que courrait une personne rapatriée?

V.  La norme de contrôle

[7]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), aux paragraphes 57 et 62, la Cour suprême du Canada déclare qu’une analyse relative à la norme de contrôle n’est pas nécessaire lorsque « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». Il est établi dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, que la Cour doit examiner une décision de la SAR, qui statue sur une décision de la SPR en appel, selon la norme de la décision raisonnable. Le même arrêt établit que la SAR doit examiner les conclusions de la SPR en appel selon la norme de la décision correcte, mais qu’elle peut s’en remettre à la SPR sur des questions relatives à la crédibilité en raison de « l’avantage certain que peut avoir la SPR ».

[8]  Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême du Canada explique ce que doit faire une cour de révision lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision raisonnable :

[47]  [...] La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[9]  La crédibilité est une question centrale en l’espèce. Il convient par conséquent de répéter le droit à cet égard, que j’ai résumé dans la décision Khakimov c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 18 :

[23]  [...] Pour commencer, la SPR a un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de retenir certains éléments de preuve plutôt que d’autres, et de déterminer le poids à accorder à ceux qu’elle retient : Medarovik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 61, au paragraphe 16; Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 867, au paragraphe 68. La Cour d’appel fédérale a statué que les conclusions de fait et les conclusions sur la crédibilité constituaient l’essentiel de l’expertise de la SPR : Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 143 NR 238 (CAF) [Giron]. La SPR est reconnue en tant que tribunal spécialisé à l’égard des revendications du statut de réfugié et elle est statutairement autorisée à appliquer sa spécialisation : Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 805, au paragraphe 10. Et dans l’arrêt Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), la Cour d’appel fédérale a indiqué que la SPR :

[…] se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve.

[24]  La SPR peut tirer des conclusions sur la crédibilité fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison, mais elle ne doit pas tirer de conclusions défavorables après avoir examiné « à la loupe » des éléments qui ne sont pas pertinents ou qui sont accessoires à la revendication du demandeur : Haramichael c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1197, au paragraphe 15, citant Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 10 et 11 [Lubana]; Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 444. La SPR peut rejeter des preuves non réfutées si celles‑ci « ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l’affaire dans son ensemble, ou si elle relève des contradictions dans la preuve » : Lubana, précitée, au paragraphe 10. La SPR peut également conclure à bon droit que le demandeur n’est pas crédible « à cause d’invraisemblances contenues dans la preuve qu’il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés “en termes clairs et explicites” » : Lubana, précitée, au paragraphe 9.

[10]  La Cour suprême du Canada enseigne également que le contrôle judiciaire n’est pas une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur; il faut plutôt considérer la décision comme un tout : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34. En outre, la question que doit trancher le tribunal judiciaire siégeant en révision est de savoir si la décision attaquée, considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier, est raisonnable : Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65; voir également Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62.

VI.  Les positions des parties

A.  Question A : la SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité?

[11]  Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité pour quatre motifs : (1) le témoin; (2) le moment et (3) la matière de son enseignement à l’école dugsi; (4) l’histoire de l’école.

[12]  D’abord, et cela s’applique autant au premier qu’au deuxième motif du demandeur, le demandeur prétend que la SAR a mal interprété, et de manière déraisonnable, la preuve provenant d’un affidavit du nouveau témoin, présentée en tant que nouvelle preuve. La déposante a témoigné devant la SAR. Elle a déclaré qu’elle était née dans la même ville que le demandeur et qu’elle était une étudiante de son père. Elle a déclaré que le demandeur ainsi que son frère y étaient également des étudiants et que le demandeur avait plus tard commencé à aider son père à enseigner les lettres de l’alphabet. Le témoin a déclaré qu’elle avait fréquenté l’école et que le demandeur y avait enseigné pendant les deux dernières années où elle y était, vers 2010‑2011.

[13]  La SAR a rejeté cette preuve en raison des contradictions qu’elle a constatées entre la preuve du nouveau témoin et celle du demandeur. Le demandeur affirme qu’il a enseigné de 2011 à 2013 environ, puis qu’il a recommencé en 2015. Cela contredit la documentation du point d’entrée (PDE) le concernant, laquelle mentionne qu’il a enseigné à partir de 2015. Il a déclaré dans son témoignage qu’au PDE, on demande uniquement des renseignements sur le travail à compter du moment où le demandeur a 18 ans, ce qui explique pourquoi le formulaire précise qu’il a commencé à travailler à titre d’enseignant en 2015. Toutefois, devant la SAR même, le demandeur a déclaré dans son témoignage qu’il avait enseigné de [traduction] « 2011 à 2013 », se contredisant ainsi lui‑même, et contredisant le nouveau témoin. Dans son témoignage devant la SPR, il avait déclaré dans son témoignage qu’il avait seulement aidé son père en 2015, à l’école, et qu’il n’avait jamais travaillé avant 2013. De plus, le demandeur a affirmé que l’école donnait des cours de [traduction] « 16 h à 18 h », mais le témoin a dit qu’ils étaient donnés de [traduction] « 7 h à 12 h ». Elle a modifié son témoignage concernant ce qu’enseignait le demandeur, à savoir [traduction] « l’orthographe et l’alphabet », pour affirmer qu’il enseignait également le soufisme.

[14]  La SAR a conclu que ces éléments de preuve manquaient de crédibilité.

[15]  À mon humble avis, l’appréciation de la SAR à cet égard n’est pas déraisonnable, en particulier compte tenu de la retenue qui doit être accordée, conformément à la jurisprudence, aux conclusions de la SAR quant à la crédibilité, puisqu’elle agissait en tant que juge des faits.

[16]  En ce qui concerne les matières enseignées par le demandeur, ce dernier soutient que la SAR a agi de manière déraisonnable en procédant à une analyse microscopique de son témoignage. À cet égard, la SAR a jugé que sa preuve manquait de crédibilité :

[17]  L’appelant s’est fait demander plus particulièrement ce qu’il enseignait, et il a répondu qu’il enseignait [traduction] « l’écriture et l’orthographe coraniques ». Lorsqu’il s’est fait demander ce qu’il voulait dire par [traduction] « écriture coranique » et s’il enseignait l’arabe, qui est la langue dans laquelle est rédigé le Coran, l’appelant a répondu que non et qu’il enseignait l’orthographe et l’écriture en somali. Il a établi une différence entre son enseignement et celui de son père, car son père enseignait [traduction] « le Coran et le soufisme ». Selon le premier affidavit de sa mère, il a été [traduction] « condamné à mort […] parce qu’il a enseigné le dugsi et le soufisme ». À la question visant à savoir pourquoi elle mentionne qu’il a enseigné les deux, il a donné une réponse déroutante : [traduction] « Seul mon père enseignait le soufisme », puis il a modifié sa réponse pour dire qu’il enseignait [traduction] « les deux ». Lorsqu’il a été questionné de façon plus approfondie sur ce point, il a répondu qu’il enseignait [traduction] « comment utiliser des grains de chapelet, comment louer le prophète ». Cela contraste avec son témoignage devant la SPR, et initialement devant la SAR, lorsqu’il s’est fait poser la même question, et il a répondu qu’il n’enseignait que [traduction] « l’alphabet coranique ». Lorsque cette incohérence a été portée à son attention, l’appelant a répondu qu’il n’avait pas compris la question.

[18]  Je conclus que l’appelant a produit un témoignage incohérent à la fois à son audience devant la SAR et devant la SPR. J’estime que l’affidavit de sa mère qui précise le travail qu’il faisait était incohérent et contradictoire par rapport à son témoignage et qu’il manquait donc de crédibilité.

[Renvoi omis.]

[17]  Je ne suis pas convaincu que la SAR a agi de manière déraisonnable ou microscopique dans l’analyse ou la conclusion qui précède. Le raisonnement et les conclusions de la SAR sont à la fois clairs et complets et conformes à son mandat d’apprécier la crédibilité.

[18]  De plus, le demandeur soutient que l’appréciation de la crédibilité par la SAR en ce qui concerne son incapacité à répondre aux questions historiques sur l’école dugsi est déraisonnable. Ces questions comprenaient le moment où l’école a été fermée en raison de la résurgence d’Al‑Chabaab, le lieu et le moment des enseignements ainsi que la question de savoir si les étudiants payaient des frais de scolarité. Il fait valoir que la SAR n’a pas tenu compte du fait qu’il était mineur à cette époque‑là. De plus, c’est son père qui dirigeait l’école, non pas lui. Donc, il ne pouvait pas savoir quant aux frais de scolarité.

[19]  Le problème avec cet argument est que le demandeur n’était pas mineur en 2015, l’année où son père et son frère auraient été assassinés, et la dernière année où il aurait enseigné à l’école. En fait, il avait environ 20 ans. De plus, il avait plus de 22 ans au moment de l’audience. À la lumière de cela, je ne suis pas convaincu que la SPR a commis une erreur dans l’appréciation de sa preuve à cet égard.

[20]  En toute déférence, je ne suis pas non plus convaincu que la SPR a agi de manière déraisonnable en n’appliquant pas les directives du président de la CISR relatives aux enfants qui revendiquent le statut de réfugié. Le demandeur n’était pas un enfant au moment de son appel, et la majeure partie de sa preuve a trait à des moments où il n’était plus un enfant. Par conséquent, les directives ont peu d’incidences sur le caractère raisonnable de la décision : Yaabe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 1633 (QL) (1re inst), juge suppléant Heald, aux paragraphes 8 et 9. Le demandeur fait valoir qu’il lui a été demandé de témoigner sur l’enseignement qu’il offrait alors qu’il avait 13 ou 14 ans. Dans son témoignage contradictoire devant la SAR, cependant, le demandeur a déclaré qu’il avait enseigné de 2011 à 2013, puis de nouveau en 2015. Il avait donc de 16 à 20 ans.

[21]  Dans l’ensemble, pour ce qui est de cet aspect de la demande de contrôle judiciaire, je suis incapable de conclure que la SPR a agi de manière déraisonnable en fondant ses conclusions quant à la crédibilité sur les incohérences entre le témoignage du demandeur et d’autres éléments de preuve dont elle disposait, y compris la documentation du PDE relative au demandeur. Un décideur peut tirer des conclusions défavorables en fonction des incohérences entre la documentation du PDE relative à un demandeur et son témoignage : Yontem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 41, juge Kelen, au paragraphe 15; Bozsolik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 432, juge Rennie, au paragraphe 20; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Richards, 2004 CF 1218, juge Mosley, au paragraphe 19. Le demandeur n’a pas offert suffisamment d’explications à la SAR concernant les incohérences.

B.  Question B : la SAR a‑t‑elle commis une erreur en ne procédant pas à une appréciation indépendante?

[22]  Le demandeur affirme que la SAR a simplement maintenu la décision de la SPR sans effectuer une appréciation indépendante. Ayant examiné l’affaire en profondeur, je ne suis pas en mesure de trouver un quelconque fondement à cette allégation. Cette affaire n’a rien à voir avec la proposition du juge Diner que j’estime, avec égards, juste, selon laquelle un « appui démesurément respectueux à toutes les conclusions de la SPR ainsi qu’un rehaussement de celles‑ci peut mener à remettre en question l’analyse de la SAR » : Jeyaseelan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 278, au paragraphe 19.

C.  Question C : la SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation du risque que courrait une personne rapatriée?

[23]  Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il ne courrait pas de risque aux mains d’Al‑Chabaab du fait de son appartenance au sous‑clan Horosame. Le demandeur soutient qu’un examen des considérations en matière de protection du HCR révèle que le demandeur correspond aux profils décrits. À titre d’exemple, le premier profil indique que sont exposées à un risque les personnes associées avec la communauté internationale ou qui sont perçues comme la soutenant. Ce profil de risque s’applique au demandeur, puisqu’il a passé des années au Canada. D’autres rapports du cartable national de documentation soulignent les atrocités commises par Al‑Chabaab envers les civils que l’organisation perçoit comme s’y opposant.

[24]  En réponse, le défendeur soutient que la SAR a examiné la preuve du demandeur et, de plus, qu’elle a examiné la preuve documentaire objective et qu’elle a raisonnablement conclu que le sous‑clan Horosame faisait partie du clan Marehan, et non du clan Midgaan, contrairement à ce qu’affirmait le demandeur dans son formulaire Fondement de la demande d’asile. La SAR a également fait remarquer que, dans son témoignage devant la SAR, le demandeur lui‑même a admis que son clan ne faisait pas partie du clan Midgaan. Je conclus qu’il est difficile de comprendre la manière dont, à la lumière de cela, le demandeur peut continuer de soutenir qu’il fait partie du clan Midgaan ou qu’il a été victime de persécution ou de discrimination à ce titre.

[25]  En plus de sa prétention inexacte selon laquelle il faisait partie du clan minoritaire Midgaan, le demandeur allègue qu’il satisfait aux critères de divers profils de risque présentés dans les considérations en matière de protection du HCR. Rien dans le dossier ne montre que de telles allégations de risque ont été soulevées devant la SAR, ou, en fait, à une étape quelconque de la procédure relative à la demande du demandeur. La transcription de l’audience de la SAR révèle que les seuls motifs de persécution invoqués par le demandeur étaient la religion et la famille à laquelle il appartenait.

[26]  À mon avis, l’omission de porter ces allégations à l’attention de la SAR est fatale à la possibilité pour le demandeur de les invoquer dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Il incombait au demandeur d’établir le bien‑fondé de ses allégations devant la SAR de façon claire et non équivoque : Hassan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1183, juge Gibson, au paragraphe 18; Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 266 NR 380 (CAF), juge Létourneau, aux paragraphes 10 et 11; Paramanathan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 338, juge Near (Paramanathan), au paragraphe 19; Thuraisingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1332, juge Snider, aux paragraphes 11 et 12. Le demandeur avait le fardeau d’établir le bien-fondé de ses allégations : Paramanathan, aux paragraphes 16 à 19; Mersini c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 1088, juge Snider, au paragraphe 8; Mohamed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 758, juge de Montigny, aux paragraphes 24 à 28.

[27]  La Cour procède actuellement au contrôle judiciaire d’une décision de la SAR. Les allégations de cette nature auraient dû être portées à l’attention de la SAR. Aucune raison expliquant pourquoi le demandeur n’avait pas soulevé cette question devant la SAR n’a été fournie à la Cour. Je fais également remarquer que l’allégation selon laquelle le demandeur satisfaisait à certains profils de risque ne constituait pas un fondement central de sa demande. Cette allégation semble être venue après coup. Quoi qu’il en soit, elle n’est étayée par une preuve personnelle. Le demandeur était représenté, devant la SAR, par un avocat qui n’a pas soulevé la question des profils de risque additionnels.

VII.  Conclusion

[28]  À mon avis, la SAR pouvait tirer les conclusions qu’elle a tirées quant à la crédibilité, eu égard aux faits, y compris le dossier dont disposait la SPR et celui dont la SAR était saisie, à ce dernier s’ajoutaient le témoignage du demandeur et celui de son nouveau témoin, dont la preuve a été jugée non crédible. Ainsi, j’ai conclu que la SAR avait agi de manière raisonnable dans ses appréciations de la crédibilité et en confirmant celles de la SPR. L’argument selon lequel la SAR n’a pas effectué une appréciation indépendante n’est pas fondé. Les arguments du demandeur relatifs à l’appartenance au clan sont également sans fondement. Et, comme cela a été mentionné, je ne suis pas convaincu que la décision de la SAR devrait être infirmée sur la base des nouveaux arguments avancés relativement au profil.

[29]  Ayant examiné la décision comme un tout, la Cour conclut qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, le contrôle judiciaire sera rejeté.

VIII.  Question certifiée

[30]  Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale en vue de la certification, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2275‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, qu’aucune question n’est certifiée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour de février 2019

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2275‑18

 

INTITULÉ :

HAMZA HIRE FARAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 DÉCEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 9 janvier 2019

 

COMPARUTIONS :

Lina Anani

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Judy Michaely

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Procureur général du Canada Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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