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Date : 20181213


Dossier : IMM‑2390‑18

Référence : 2018 CF 1266

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 13 décembre 2018

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

SAMY AHMED YUSUF

DERYA YUSUF

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 25 avril 2018, par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté les appels interjetés par les demandeurs à l’encontre des décisions les touchant respectivement, dans lesquelles la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[2]  Comme il est expliqué de manière plus détaillée plus loin, la présente demande est rejetée, parce que j’ai conclu que la décision de la SAR était raisonnable dans la façon dont elle avait traité les demandes des deux demandeurs.

II.  Le contexte

[3]  Le demandeur, Samy Ahmed Yusuf, est ressortissant turc et éthiopien. La demanderesse, Derya Yusuf, est l’épouse de M. Yusuf et elle est également citoyenne de la Turquie. Ils ont demandé l’asile séparément, et leurs demandes ont été entendues et rejetées par la SPR dans des décisions distinctes. Toutefois, lorsqu’ils ont interjeté appel à l’encontre des décisions de la SPR, la SAR a joint les appels.

[4]  M. Yusuf allègue que ses beaux‑parents se sont opposés à son mariage avec son épouse en 2008, en raison de sa race. Il déclare craindre en particulier son beau‑père et l’oncle de son épouse, en prétendant que son beau‑père l’a battu et lui a cassé une jambe. Il déclare que la famille de son épouse l’a insulté à maintes reprises en raison de sa race, et que l’oncle de son épouse est un agent de police de haut rang en Turquie, qui l’a fait arrêter à de multiples reprises. M. Yusuf allègue également qu’en juillet 2016, il a été accusé d’être un partisan de Fethullah Gülen (M. Gülen), un chef spirituel turc qui est le fondateur du « mouvement Gülen ». Après la rupture des relations entre M. Gülen et le président Erdogan en 2013, le gouvernement turc aurait reproché au mouvement Gülen la tentative de coup d’État en 2016. M. Yusuf déclare qu’il a été détenu et interrogé au sujet de ses liens avec l’Association of Ethiopian Students in Turkey (l’AEST), et il soutient que l’oncle de son épouse est responsable de son arrestation et de sa détention, animé par le désir de la famille que Mme Yusuf se marie plutôt avec son cousin.

[5]  M. Yusuf allègue que son implication dans l’AEST a amené les autorités turques à le soupçonner de soutenir le mouvement Gülen. Il prétend que son patron l’a informé, en septembre 2016, que son nom figurait sur une liste de citoyens turcs nés à l’étranger qui devaient être arrêtés, que quelques jours plus tard son épouse lui a dit que les policiers le cherchaient à leur domicile, et que les policiers se sont aussi présentés à son lieu de travail.

[6]  Le 10 septembre 2016, les demandeurs se sont rendus au Canada, où M. Yusuf a des membres de la famille auxquels il avait auparavant rendu visite en 2014 et en 2015. Il affirme que sa belle‑sœur l’a informé, plus tard le même mois, que les policiers le cherchaient et avaient un mandat de perquisition. À peu près à cette période, Mme Yusuf est retournée en Turquie, parce que sa famille lui avait dit que sa mère était malade. Elle a rapporté à M. Yusuf qu’il s’agissait d’un stratagème pour qu’elle retourne en Turquie et qu’on exerçait des pressions sur elle pour qu’elle divorce d’avec lui. M. Yusuf a demandé l’asile le 11 novembre 2016, en fondant sa demande sur la persécution par les autorités turques et par la famille de son épouse, de même que sur la discrimination en raison de sa race.

[7]  Mme Yusuf soutient qu’au moment où elle est retournée en Turquie en 2016 pour rendre visite à sa mère, son père et son oncle se sont emparés de son argent et de ses documents de voyage et l’ont détenue à la maison de ses parents pendant deux mois. Elle allègue qu’elle a demandé de l’aide auprès d’un refuge pour femmes lorsqu’elle a finalement été autorisée à sortir de la maison pour aller travailler, mais que sa famille l’a appris et que son père et son oncle l’ont battue. Elle affirme qu’elle s’est fait dire qu’elle devait se marier avec son cousin, que le mariage entre elle et son cousin était prévu et qu’elle a été forcée de signer une requête en divorce. Mme Yusuf prétend également qu’elle a été battue et qu’elle a été hospitalisée pour un disque déplacé. Elle affirme que sa sœur l’a ensuite aidée à reprendre son passeport, après quoi elle s’est enfuie au Canada.

[8]  Mme Yusuf est arrivée au Canada en juin 2017 et a demandé l’asile le 31 juillet 2017. Tout comme M. Yusuf, elle allègue que sa famille et la société turque désapprouvent fortement son mariage avec M. Yusuf. Elle affirme que sa famille avait planifié depuis longtemps qu’elle se marierait avec son cousin afin de garder la fortune au sein de la famille et parce qu’il était coutume dans sa famille de se marier entre membres de la famille. Elle allègue que sa famille a réagi à son mariage avec M. Yusuf par des menaces et de la violence. Mme Yusuf allègue également que sa mère l’a empoisonnée afin qu’elle fasse une fausse couche.

[9]  La SPR a rejeté les demandes d’asile des deux demandeurs en se fondant sur la crédibilité et, dans le cas de Mme Yusuf, parce qu’elle avait une possibilité de refuge intérieur viable. Dans la décision qui fait maintenant l’objet du contrôle judiciaire, la SAR a rejeté les appels interjetés par les demandeurs à l’encontre des décisions de la SPR les touchant respectivement, au motif que la crédibilité était la question déterminante pour les deux demandes et que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans ses conclusions défavorables sur cet aspect.

III.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[10]  Les demandeurs soumettent à l’examen de la Cour la question de savoir si la SAR a commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité des demandes des demandeurs ainsi que des documents à l’appui. Les parties conviennent, et j’y souscris, que la décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

IV.  Analyse

[11]  À titre de structure organisationnelle, mon analyse emploie les mêmes sous‑titres que le mémoire des faits et du droit des demandeurs.

A.  Le soutien, imputé au demandeur principal, du mouvement Gülen

[12]  La SAR a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que M. Yusuf était perçu par les autorités turques comme étant un partisan de M. Gülen. M. Yusuf conteste cette conclusion pour plusieurs motifs. Premièrement, il s’élève contre le choix, par la SAR, des facteurs à examiner pour décider si un demandeur est affilié au mouvement Gülen et si cette affiliation est suffisante pour attirer l’attention des autorités turques. La SAR a décrit de tels facteurs comme incluant ceux qui ont été bénévoles ou qui ont travaillé pour les organismes de bienfaisance gulénistes, les ecclésiastiques, les médecins, les fonctionnaires, les juges, les enseignants et les gens d’affaires ayant des liens prétendus avec M. Gülen, ainsi que les personnes qui se sont inscrites à une école Gülen, qui ont des comptes bancaires à la banque Asya, ou qui se sont abonnées aux revues de M. Gülen après la rupture entre celui‑ci et le président Erdogan en 2013. M. Yusuf fait valoir que le choix et l’application de cette liste de facteurs sont incompatibles avec la preuve documentaire, ce qui, selon lui, indique que, depuis la tentative de coup d’État, le gouvernement turc poursuit des mesures de répression sans discernement à l’encontre de personnes ou de groupes soupçonnés d’avoir des liens avec M. Gülen.

[13]  Cette observation me pose problème, étant donné que la preuve selon laquelle les autorités turques sont impliquées dans une vaste répression ne signifie pas qu’elles ne prennent pas de mesures pour identifier ceux qui ont des liens avec M. Gülen. Je ne puis particulièrement relever aucune erreur dans la façon dont la SAR a examiné la question de savoir si les éléments de preuve tels qu’ils ont été soumis par M. Yusuf étayaient une conclusion selon laquelle il serait perçu comme associé au mouvement Gülen. Il s’est appuyé en particulier sur une lettre du président de l’AEST, qui décrivait cette organisation comme aidant les entreprises éthiopiennes qui se rendaient en Turquie pour des séminaires organisés par une organisation de M. Gülen appelée Tuskon, de même que comme fournissant des services de traduction aux Éthiopiens qui y assistaient.

[14]  Toutefois, la SAR a expressément traité de cet élément de preuve, faisant remarquer que ni la lettre du président de l’AEST, ni les autres lettres décrivant les activités de l’AEST, comme il a été soutenu par M. Yusuf, ne mentionnaient que l’AEST avait été accusée d’être affiliée au mouvement Gülen ou que des membres de l’AEST avaient été visés par les autorités turques en raison d’une implication imputée dans le mouvement Gülen, parce qu’ils étaient membres de l’AEST. L’analyse de la SAR portait que, si l’AEST était perçue comme ayant des liens avec le mouvement Gülen et que ses membres éprouvaient des difficultés avec les autorités turques depuis la tentative de coup d’État, ces lettres feraient mention de telles informations. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette façon de traiter la preuve.

[15]  M. Yusuf conteste également plusieurs aspects de l’analyse par la SAR d’une assignation datée de septembre 2016 et d’un mandat d’arrestation daté de mars 2017 qu’il a fournis pour corroborer son affirmation selon laquelle il était recherché par les autorités turques en raison d’une affiliation perçue à M. Gülen. La SAR a accordé peu de poids aux deux documents. Bien que la SAR ait évoqué le fait que l’assignation ne mentionnait pas expressément que la personne qui en faisait l’objet avait l’obligation de comparaître pour faire une déclaration, M. Yusuf soutient que le mandat subséquent renvoie au défaut de répondre à la [traduction« convocation [de septembre 2016] pour faire une déclaration » comme étant l’un des crimes pour lesquels une arrestation est demandée. De plus, la SAR a mis en doute le fait que le mandat renvoyait aussi à un incident qui avait eu lieu en février 2016 et aux motifs du verdict retenu contre M. Yusuf, qui lui ont été communiqués en mars 2017, faisant remarquer que M. Yusuf n’avait fourni aucune preuve concernant l’incident de février 2016 qui avait été mentionné, ou les motifs du verdict. Il fait valoir qu’il n’était en mesure d’obtenir des renseignements sur aucun des faits, étant donné qu’il n’avait pas répondu à l’assignation et qu’il avait quitté la Turquie au moment du verdict de mars 2017.

[16]  Bien que je reconnaissance la logique de ces observations, je ne juge pas qu’elles compromettent le caractère raisonnable des conclusions générales de la SAR concernant le poids accordé à l’assignation et au mandat. La SAR n’a pas mis en doute l’authenticité de ces documents, mais a fait remarquer qu’aucun document ne renvoyait au fait que M. Yusuf était recherché par les autorités turques en raison des liens qu’il aurait eus avec le mouvement Gülen. Par conséquent, elle a accordé peu de poids à l’assignation et au mandat en ce qui concerne ses allégations. La SAR aurait pu tirer des conclusions différentes quant à l’effet de cette preuve, mais je suis d’avis que ses conclusions appartiennent aux issues acceptables et ne peuvent être qualifiées de déraisonnables.

B.  La discrimination et les mauvais traitements subis par le demandeur principal

[17]  La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en concluant que M. Yusuf manquait de crédibilité concernant les allégations selon lesquelles son beau‑père ou l’oncle de son épouse étaient responsables de l’avoir battu ou de lui avoir cassé la jambe. À l’instar de la SPR, la SAR a conclu que le témoignage que M. Yusuf a donné au sujet de cet incident était changeant et incohérent. La SAR a également relevé des incohérences avec les éléments de preuve fournis par son épouse et sa belle‑sœur et entre ces derniers éléments.

[18]  M. Yusuf fait valoir que la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte du témoignage de son épouse selon lequel l’incident au cours duquel il a été battu a duré de 5 à 10 minutes, était chaotique, et peut avoir été vu différemment par ceux qui étaient présents. Il soutient que constitue une erreur le fait de faire abstraction d’éléments de preuve importants qui justifient l’incohérence d’un témoignage.

[19]  Cette observation me semble peu fondée. La SAR est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve dont elle disposait. Je suis conscient que, plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément est importante, plus une cour de justice sera disposée à inférer que le tribunal a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments dont il disposait (voir Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35 (CF 1re inst), au paragraphe 17). Toutefois, la SAR a relevé de multiples incohérences dans la preuve offerte par M. Yusuf et d’autres témoins, tant en ce qui a trait au ou aux membres de la famille qui ont agressé M. Yusuf qu’à celui qui lui a cassé la jambe, et je n’estime pas que la preuve selon laquelle l’incident était chaotique soit une explication suffisamment convaincante pour conclure qu’on a négligé cet aspect.

C.  Le fait d’avoir tardé

[20]  M. Yusuf soutient que la SAR a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité, du fait qu’il a tardé à quitter la Turquie pour demander l’asile. Dans son témoignage, il a déclaré qu’en dépit des persécutions antérieures qu’il avait subies, il était bien établi en Turquie et n’avait décidé de quitter le pays qu’au moment où il avait été assigné à comparaître devant les policiers pour répondre à des questions au sujet de l’association de l’AEST au mouvement Gülen et où il avait conclu qu’il n’était plus prudent d’y rester.

[21]  Je conclus que la SAR n’a commis aucune erreur dans le traitement de cette question. La SAR a examiné le témoignage et l’argumentation de M. Yusuf sur cette question, et elle a tiré la conclusion selon laquelle le fait qu’il avait tardé à quitter la Turquie, en dépit des incidents antérieurs qu’il avait, selon ses allégations, vécus, portait atteinte à la crédibilité de ces allégations. Je souscris à la position du défendeur selon laquelle M. Yusuf ne fait que reprendre devant la Cour les arguments sur la question qu’il avait avancés devant la SAR et laisser entendre que la Cour devrait arriver à une conclusion différente. Or, ce n’est pas là le rôle de la Cour en matière de contrôle judiciaire.

D.  Le poste de l’oncle de la codemanderesse au sein de la sécurité turque

[22]  La SAR a également fait mention d’incohérences dans la preuve concernant le rôle de l’oncle de l’épouse de M. Yusuf dans la police ou dans l’appareil de sécurité de la Turquie, et elle a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour conclure que l’oncle occupait un poste de haut rang comme il était allégué. M. Yusuf soutient que le poste de l’oncle n’est pas un élément central de sa demande et que la SAR a donc commis une erreur en se fondant sur cette conclusion pour rejeter la demande.

[23]  Encore une fois, cette observation me semble peu fondée. La SAR a tenu compte de l’allégation du demandeur selon laquelle l’oncle était un membre de haut rang de la police ou de l’appareil de sécurité de la Turquie et était responsable de l’arrestation de M. Yusuf. Cette allégation ne peut être qualifiée d’élément anodin de sa demande, étant donné que l’oncle est un agent identifié de la persécution alléguée et qu’il aurait, selon l’allégation, influencé les autorités turques pour rechercher M. Yusuf. Je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion de la SAR, compte tenu des incohérences dans la preuve sur ce point, selon laquelle cette allégation n’a pas été établie et, par conséquent, n’appuyait pas la demande dans son ensemble.

E.  La demande de la codemanderesse

[24]  En ce qui concerne la demande de Mme Yusuf, la SAR a relevé de nombreuses incohérences entre ses allégations et la preuve de son époux, de même que des incohérences avec la preuve d’autres témoins, concernant ses allégations de mauvais traitements, de captivité et de mariage forcé aux mains de sa famille. En tirant des conclusions défavorables quant à la crédibilité relativement à ses allégations principales, la SAR a conclu que Mme Yusuf n’était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[25]  Mme Yusuf fait valoir que la SAR a omis de traiter sa demande dans son entièreté, en ce sens qu’elle a seulement tenu compte de ses allégations concernant le mauvais traitement en raison de la race de son époux et n’a tiré aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité en rapport avec son autre allégation, celle selon laquelle sa famille souhaitait qu’elle se marie avec son cousin afin de préserver les biens de la famille.

[26]  Je juge qu’il n’y a pas d’erreur à cet égard. En se fondant sur les incohérences, les contradictions et les omissions qu’elle a examinées, la SAR a conclu que Mme Yusuf n’avait pas été maintenue en captivité, battue ou forcée de marier son cousin comme il a été allégué. Que le mauvais traitement allégué par Mme Yusuf ait été motivé par le racisme ou par des considérations financières, la SAR a conclu qu’il ne s’était pas produit, et je ne vois rien de déraisonnable dans les conclusions de la SAR à ce sujet.

[27]  Enfin, Mme Yusuf affirme également que la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte de son allégation selon laquelle elle craignait le risque d’un meurtre d’honneur de la part de sa famille, parce qu’elle avait quitté la Turquie et avait refusé de marier son cousin. À l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire, son avocat a fait valoir que, même si la SAR ne croyait pas l’affirmation selon laquelle elle était forcée par sa famille de marier son cousin, et croyait plutôt que le mariage était volontaire, elle était quand même tenue de prendre en compte le risque de persécution auquel la demanderesse était exposée, en rapport avec un meurtre d’honneur, du fait qu’elle n’a pas donné suite au mariage arrangé.

[28]  Le défendeur souligne que Mme Yusuf n’a pas formulé son argumentation en ces termes dans ses observations à la SAR. Dans son mémoire des arguments présenté à la SAR, Mme Yusuf a effectivement soulevé le risque de meurtre d’honneur par suite de son départ de la Turquie, après que l’annonce du mariage avec son cousin a été faite, mais je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’elle n’a pas fait valoir que la SAR devait examiner ce risque, même si elle ne croyait pas l’essentiel des affirmations de Mme Yusuf selon lesquelles elle était forcée de marier son cousin. Par conséquent, j’aurais de la difficulté à conclure à l’existence d’une erreur susceptible de contrôle de la part de la SAR, du fait qu’elle n’a pas tenu compte de cet argument.

[29]  Toutefois, considération plus importante, le défendeur souligne que les conclusions de la SAR minent le fondement factuel même de cette allégation subsidiaire de risque. En plus de la conclusion selon laquelle Mme Yusuf n’a pas été maintenue en captivité, battue ou forcée de marier son cousin comme il a été allégué, la SAR a conclu qu’il était peu probable que des arrangements aient été faits pour son mariage avec lui en octobre 2017, comme elle l’a soutenu, étant donné qu’elle n’était pas divorcée à ce moment‑là et que la polygamie était interdite en Turquie. Compte tenu de cette conclusion de fait, la SAR n’était pas tenue d’examiner davantage cette allégation de risque.

V.  Conclusion

N’ayant relevé aucune erreur susceptible de contrôle de la part de la SAR en lien avec l’appel de l’un ou l’autre des demandeurs, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et aucune question ne sera énoncée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑2390‑18

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 27e jour de février 2019

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2390‑18

INTITULÉ :

SAMY AHMED YUSUF ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 DÉCEMBRE 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE southcott

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 13 DÉCEMBRE 2018

COMPARUTIONS :

Daniel Tilahun Kebede

POUR LES DEMANDEURS

Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The Law Office of Daniel Tilahun Kebede

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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