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Date : 20181113

Dossier : T‑311-12

Référence : 2018 CF 1143

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2018

En présence de la juge responsable de la gestion de l’instance Mireille Tabib

ENTRE :

BAUER HOCKEY LTD.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

SPORT MASKA INC.,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE CCM HOCKEY

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Dans le cadre de la présente action en contrefaçon de marque de commerce, la demanderesse a déposé la présente requête en autorisation de modifier sa quatrième déclaration modifiée en vue d’ajouter, comme cause d’action, l’acte de la défenderesse consistant à [traduction] « faire fabriquer » des patins à glace portant un dessin semblable au dessin‑marque de la demanderesse au point de créer de la confusion.

I.  Remarques préliminaires

[2]  Il s’agirait de la cinquième modification apportée par la demanderesse à la déclaration qu’elle a initialement déposée il y a six ans, en décembre 2012. L’instruction de la présente affaire doit commencer dans 18 mois, le dernier des nouveaux interrogatoires préalables devant être tenu avant la mi‑décembre 2018 et les rapports d’experts principaux devant être signifiés à la fin de février 2019.

[3]  La demanderesse a pris connaissance des faits sur lesquels repose la nouvelle demande lors de la première série d’interrogatoires préalables qui ont été tenus en mars 2015. La défenderesse s’est alors opposée à ce que de nouvelles questions ayant trait à cette demande soient posées et a énoncé les motifs de cette opposition. Des interrogatoires préalables complémentaires ont été tenus en mai 2016, après que la demanderesse eut modifié sa déclaration pour la troisième fois. La demanderesse a encore une fois modifié sa déclaration en janvier 2018. Des requêtes visant à obtenir une décision sur les objections soulevées lors des interrogatoires préalables des parties ont été entendues au début de juin 2018, date à laquelle la Cour a fait droit aux objections de la défenderesse sur les questions ayant trait à la nouvelle demande au motif que ces questions n’avaient pas été soulevées dans les actes de procédure. La Cour a toutefois réservé le droit de la demanderesse de présenter une requête en modification, mais aussi le droit correspondant de la défenderesse de s’opposer à cette modification. La demanderesse a attendu encore trois mois et demi avant de présenter la présente requête en modification visant à ajouter une demande qu’elle avait déterminée, sans l’avoir plaidée, dès le mois de mars 2015.

[4]  La modification est tardive, en effet, et bien qu’elle soulève une demande nouvelle et défendable, la nécessité de tenir de longs interrogatoires préalables sur les questions qu’elle soulève et l’incertitude quant à la portée de ces questions risquent de retarder le procès ou de causer une perturbation et des bouleversements importants dans la préparation de la défenderesse en vue du procès, aucune de ces conséquences n’étant de nature à causer un préjudice à la défenderesse qui ne peut être indemnisé par des dépens.

[5]  Pour que la demanderesse puisse être autorisée à modifier sa déclaration à une date aussi tardive, des conditions doivent être imposées afin d’éviter le risque que la défenderesse subisse pareil préjudice. Le demandeur ne peut pas simplement s’asseoir sur ses droits et décider de les faire valoir au moment de son choix et s’attendre à ce que le caractère défendable de sa demande prime sur le droit du défendeur à un procès équitable et rapide.

II.  La modification proposée

[6]  L’essentiel de la modification proposée figure au paragraphe 17b de l’acte de procédure proposé, qui est ainsi rédigé :

[traduction] 17b. La conduite de la défenderesse au Canada qui est contraire à la Loi sur les marques de commerce a notamment compris les actes consistant à déterminer au Canada la conception des patins contrefaits susmentionnés, et à donner des instructions et prendre des mesures pour fabriquer et distribuer, ou autrement faire fabriquer et distribuer, lesdits patins à l’extérieur du Canada. Ces actes accomplis par la défenderesse au Canada constituent une contrefaçon contraire aux dispositions susmentionnées de la Loi sur les marques de commerce, peu importe le lieu où lesdits patins contrefaits ont finalement été fabriqués ou distribués. Bauer demande une réparation sous la forme d’une redevance raisonnable relativement à l’ensemble desdits actes de contrefaçon.

(Non souligné dans l’original.)

[7]  Les modifications apportées en 2014 à la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13, appuient expressément une demande ayant trait à l’acte de [traduction] « faire fabriquer » des produits en liaison avec une marque de commerce créant de la confusion (alinéa 20(1)b), mis en œuvre par la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits, LC 2014, c 32, art 22). Dans la décision Bauer Hockey Corp. et al c Easton Sports Canada Inc. 2010 CF 61, au paragraphe 190, conf. par 2011 CAF 83, la Cour s’est ainsi dite d’avis, quoique dans une affaire de brevet, que la conception et la création de produits sont des éléments compris dans « la fabrication ou […] la construction » de produits :

[190] Si la fabrication d’un patin comprend, comme je le crois, la conception de la botte du patin, la production et l’ajustement des patrons et des prototypes, et l’utilisation d’emporte‑pièces pour couper les pièces, il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’Easton a directement participé à la fabrication ou à la construction des patins contrefaits à Rock Forest.

[8]  Ce qui rend les allégations proposées de la demanderesse si nouvelles, par contre, c’est le fait que la demande se rapporte à des produits qui n’ont jamais été physiquement fabriqués, en totalité ou en partie, importés, exportés ou autrement possédés au Canada. Seules la conception et les instructions de fabrication ont été accomplies au Canada (la déclaration a toujours compris une demande ayant trait à des produits fabriqués à l’étranger suivant la même conception canadienne, où ces produits ont ensuite été importés, distribués et vendus au Canada par la défenderesse). Dans toutes les décisions auxquelles la demanderesse a renvoyé la Cour, les produits auxquels la marque était liée avaient, à un moment donné, été physiquement présents au Canada.

[9]  On peut évidemment soutenir que, selon le libellé précis de l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, la contrefaçon par l’accomplissement de l’acte de faire fabriquer des produits ne nécessite pas la présence physique au Canada des produits. Toutefois, la Cour a de sérieux doutes quant aux chances de succès d’un tel argument, étant donné qu’il aurait pour effet d’accorder une protection extraterritoriale relativement à l’utilisation des marques de commerce déposées au Canada en liaison avec des produits qui ne sont jamais physiquement présents, vendus ou même annoncés au Canada. La demanderesse fait raisonnablement valoir que, si l’acte de « faire fabriquer » constitue en soi un acte de contrefaçon distinct de celui de « fabriquer », et que l’acte de contrefaçon est, comme il est allégué, accompli au Canada, alors l’acte doit conférer un droit d’action au Canada, peu importe que les bénéfices tirés de ces actes de contrefaçon découlent finalement de ventes faites au Canada ou de ventes réalisées à l’étranger (Doctor Mehran, Produits de Soins Inc. c Laboratoire Du‑Var Inc., 2006 QCCS 5284).

[10]  Une conduite peut toutefois conférer un droit d’action sans donner naissance à un droit à une réparation pécuniaire. Et c’est là que réside l’autre difficulté du cas de la demanderesse : les éléments de preuve présentés dans le cadre de la présente requête indiquent que la défenderesse elle‑même n’a jamais été en possession des produits fabriqués en vue de leur distribution à l’étranger suivant sa conception et qu’elle n’en a jamais été propriétaire, ne les a jamais vendus et n’en a jamais tiré de bénéfices. Et là réside également le risque de préjudice pour la défenderesse : si l’acte de procédure proposé définit assez clairement ce qui est reproché à la défenderesse et ce que la demanderesse veut qu’il soit interdit à la défenderesse de faire au Canada, il est d’une imprécision inadmissible quant à la réparation pécuniaire que demande la demanderesse, et ne renferme pas d’allégations de faits importants sur lesquels pourrait reposer l’octroi d’une réparation pécuniaire.

[11]  La quatrième déclaration modifiée contient actuellement les allégations et demandes suivantes quant à la réparation demandée pour les patins fabriqués, vendus, importés au Canada, exportés du Canada ou annoncés, et pour d’autres actes de commercialisation trompeuse et de dépréciation de l’achalandage :

[traduction]

1. La demanderesse demande :

(i)  des dommages‑intérêts sous la forme du paiement d’une redevance que la demanderesse Bauer Hockey évalue présentement à 2 000 000 $CAN;

(j)  ou, subsidiairement à l’ordonnance demandée au paragraphe (i), un compte rendu des bénéfices réalisés par la défenderesse Sport Maska dans le cadre de ses activités de contrefaçon et de ses activités illégales;

23.  Compte tenu des renseignements disponibles à ce jour en ce qui concerne les ventes de la défenderesse Sport Maska des patins contrefaits décrits aux paragraphes 10, 12, 12b et 12d ci‑dessus depuis 2010, la demanderesse Bauer Hockey évalue actuellement les dommages qu’elle‑même et Old Bauer ont subis à ce jour à la suite de ces ventes à 2 000 000 $CAN, cette somme ayant été calculée en fonction du paiement d’une redevance de 10 % de ce que la demanderesse Bauer Hockey estime être les ventes nettes de la défenderesse Sport Maska depuis 2010. Cependant, à l’heure actuelle, la demanderesse ignore toute l’ampleur des activités de la défenderesse sur le plan de la fabrication, de la vente, de l’importation au Canada, de l’exportation du Canada, de la mise en vente et/ou de l’annonce des patins contrefaits, et présente une demande à l’égard de l’ensemble de ces activités de contrefaçon et de ces activités illégales.

24.  La demanderesse Bauer Hockey se réserve néanmoins le droit de réclamer les bénéfices réalisés illégalement par la défenderesse Sport Maska dans le cadre de ses activités de contrefaçon et de ses activités illégales.

(Non souligné dans l’original.)

[12]  L’ajout du paragraphe 17b à la déclaration dans son état actuel engendre soit un acte de procédure qui, à sa face même, est contradictoire et prête à confusion, soit une demande de réparation pécuniaire qui n’a aucune chance raisonnable de succès.

[13]  Comme je l’ai mentionné, en ce qui concerne la réclamation subsidiaire des bénéfices énoncée aux paragraphes 1(j) et 24, cette réclamation est vouée à l’échec relativement à la nouvelle demande concernant les patins que l’on a fait fabriquer et distribuer à l’étranger, car la preuve au dossier indique que la défenderesse n’a tiré aucun bénéfice des patins. L’acte de procédure proposé ne contient pas non plus d’allégations de fait qui, si elles étaient établies, permettraient de conclure que la défenderesse a même tiré un avantage de la fabrication et de la vente à l’étranger de patins fabriqués suivant sa propre conception, même si elle a également pris des mesures pour fabriquer et vendre, ou fait fabriquer et vendre par d’autres personnes, lesdits patins à l’étranger.

[14]  Quant aux dommages‑intérêts, le paragraphe 1(i) les limite à des dommages‑intérêts sous la forme du paiement d’une redevance, évaluée à 2 000 000 $. Le paragraphe 23 donne les détails du calcul de cette somme de 2 000 000 $ : 10 % des ventes nettes de la défenderesse. Comme je l’ai mentionné, les ventes des patins qui auraient été conçus et visés par des instructions de fabrication en vue de leur distribution à l’étranger ne sont pas des ventes qui ont été réalisées par la défenderesse et, comme l’indique ce paragraphe, il n’y aurait pas de redevances.

[15]  Que faire, alors, du paragraphe 17b proposé, où l’on demande, en ce qui concerne particulièrement l’acte de contrefaçon consistant à faire fabriquer les patins en vue de leur distribution à l’extérieur du Canada, [traduction] « une réparation sous la forme d’une redevance raisonnable relativement à l’ensemble desdits actes de contrefaçon »?

[16]  Si les détails fournis au paragraphe 23 sont interprétés comme s’appliquant au paragraphe 17b, le montant doit être de zéro. Si la réparation subsidiaire demandée au paragraphe 1(j) est interprétée comme s’appliquant au paragraphe 17b, le montant doit, encore une fois, être de zéro. La demande de réparation pécuniaire relative à l’acte de contrefaçon énoncé au paragraphe 17b n’a donc aucune chance raisonnable de succès. La cause d’action formulée dans ce paragraphe ne peut appuyer qu’une demande de réparation au moyen d’un jugement déclaratoire de contrefaçon, d’une injonction et de la remise de tout matériel pouvant contrevenir à l’injonction (vraisemblablement pour les dessins) et de dommages‑intérêts punitifs (demandés aux paragraphes 1(b), (f), (g), (h) et (k)).

[17]  Si, par contre, les détails fournis au paragraphe 23 sont interprétés comme n’ayant pas pour effet de limiter ou de définir la demande de réparation pécuniaire énoncée au paragraphe 17b proposé, alors le fondement factuel selon lequel la redevance doit être justifiée et calculée, et que la demanderesse devrait établir pour obtenir réparation, est tout à fait inconnu.

[18]  Lorsqu’on lui a fait remarquer cette difficulté lors de l’audition de la requête, l’avocat de la demanderesse a proposé de modifier le paragraphe 23 en y ajoutant la phrase suivante :

[traduction] En ce qui concerne les patins que la défenderesse Sport Maska a fait fabriquer et distribuer à l’extérieur du Canada par l’accomplissement des actes décrits au paragraphe 17b des présentes, Bauer demande une redevance raisonnable pour chaque patin ainsi fabriqué et distribué, le montant exact de ladite redevance devant faire l’objet d’une preuve d’expert.

[19]  Cette modification aurait certes pour effet de préciser que le fondement factuel et la méthode de calcul de la redevance demandée à l’égard des actes décrits au paragraphe 17b sont différents de celle énoncée au paragraphe 23, et que la redevance serait fondée sur une redevance pour chaque patin, plutôt que sur un pourcentage des ventes nettes de la défenderesse, mais elle n’énonce aucun fait, en dehors du nombre de patins fabriqués et distribués à l’extérieur du Canada selon les instructions de la défenderesse ou conformément aux mesures ou actions prises par celle‑ci, que la demanderesse entend prouver à l’appui de l’octroi ou du calcul de la redevance demandée.

[20]  Lorsqu’on lui a demandé, à l’audience, quels autres faits, le cas échéant, pouvaient être pris en compte dans le calcul de la redevance, l’avocat de la demanderesse n’a pas été en mesure de donner une réponse définitive, bien qu’il ait indiqué que la redevance pouvait être calculée selon un pourcentage de la valeur de chaque patin. Étant donné que les patins en cause n’ont jamais appartenu à la défenderesse, on ne sait pas très bien ce que le mot « valeur » peut signifier dans ce contexte, notamment dans quel pays, et dans les mains de qui du fabricant, du distributeur, du grossiste ou du détaillant.

[21]  À l’audience, l’avocat de la demanderesse n’a pas voulu exclure la possibilité que les avantages tirés par la défenderesse, sous la forme d’une augmentation du prix des actions ou de dividendes découlant des bénéfices réalisés sur les ventes par une entité pouvant être liée à la défenderesse, puissent être pris en compte dans l’établissement de l’indemnité appropriée. En effet, la demanderesse a cité, à l’audience, l’affaire Airbus Helicopter, SAS c Bell Helicopter Texton Canada Ltée, 2017 CF 170, à titre d’exemple d’une affaire où des redevances ont été calculées en fonction du nombre d’articles contrefaits fabriqués, même s’ils n’avaient jamais été vendus. Cependant, il ressort clairement des motifs de la Cour dans cette affaire que, pour déterminer s’il y avait lieu d’imposer une redevance, et établir le montant de celle‑ci, la Cour a pris en compte les avantages que la défenderesse a tirés de l’utilisation du produit contrefait en tant que prototype, aux fins de développement et à d’autres fins de commercialisation. Il convient également de souligner que, dans cette affaire, une preuve abondante au sujet de la position concurrentielle des parties, et de leurs coûts de fabrication, de développement et de promotion respectifs, a été examinée à fond au cours d’un procès d’une durée de dix jours, tenu dans le but d’évaluer l’indemnité appropriée relativement à des produits contrefaits qui n’avaient jamais été vendus par la défenderesse.

[22]  La seule idée que les allégations faites dans le nouveau paragraphe 17b proposé et les modifications apportées au paragraphe 23 puissent suffire à formuler correctement, aux fins des interrogatoires préalables et de la présentation de la preuve au procès, les questions de fait ayant trait à l’« évaluation » de patins fabriqués, distribués et peut‑être vendus dans d’autres pays que le Canada et aux avantages indirects, le cas échéant, que la défenderesse peut avoir tirés de la distribution et des ventes à l’étranger réalisées par d’autres personnes, notamment peut‑être par des entités liées, est troublante. Cela illustre comment des allégations insuffisamment précises soulevant de nouvelles causes d’action peuvent donner lieu à des interrogatoires préalables longs et approfondis et laisser la défenderesse dans l’incertitude quant à la preuve qu’elle doit réfuter, l’obligeant à se préparer contre tous les scénarios imaginables, ou l’exposant au risque d’être prise au dépourvu au procès.

[23]  L’avocat de la demanderesse a soutenu à l’audience qu’elle ne devrait pas avoir à préciser le montant et le fondement du calcul de la redevance demandée, car il s’agit proprement d’une question nécessitant une preuve d’expert, qu’elle ne devrait pas être tenue d’avoir préparée ou de divulguer au stade des actes de procédure.

[24]  Tout comme la détermination des faits qui doivent être allégués pour constituer une cause d’action nécessite souvent les conseils d’un avocat, il se peut très bien que la demanderesse doive consulter un expert pour déterminer les faits pertinents à l’égard de l’établissement du montant et du fondement de l’octroi d’une redevance raisonnable dans les circonstances de l’espèce. Alléguer les faits importants en pareille circonstance n’équivaut pas plus à divulguer l’opinion d’expert sur laquelle une partie peut s’être appuyée pour déterminer ces faits que cela n’équivaut à renoncer au privilège du secret professionnel de l’avocat à l’égard des conseils reçus d’un avocat. Ni le besoin de consulter un expert ni la nouveauté de la demande ne peuvent soustraire une partie à son obligation d’énoncer dans ses actes de procédure les faits qui sont importants à l’égard de sa demande et qu’elle entend établir au procès.

[25]  L’incapacité ou le refus de la demanderesse de préciser le fondement factuel qu’elle entend établir afin de justifier l’octroi et le montant d’une réparation pécuniaire à l’égard de sa nouvelle demande est particulièrement malhonnête dans les circonstances de l’espèce. En effet, lors de l’audition des requêtes visant à contraindre en juin 2018, où la demanderesse cherchait à contraindre à la production du nombre d’unités vendues et des revenus et des ventes nets des patins vendus à l’extérieur du Canada, la Cour a expressément soulevé la question de savoir comment les redevances sur des produits fabriqués sans être vendus pouvaient être calculées ainsi que le possible caractère attentatoire et la portée incertaine de pareilles demandes de renseignements dans les cas où la demande n’a pas été formulée correctement dans les actes de procédure. L’avocat de l’époque a reconnu qu’il était [traduction] « difficile de savoir exactement à quoi ressemblera la réparation », faisant valoir qu’il avait besoin de connaître le chiffre d’affaires avant de pouvoir prendre cette décision. Après s’être donné plus de trois mois pour examiner la question, la demanderesse ne semble pas avoir avancé dans sa réflexion, et semble encore avoir l’intention de procéder à des interrogatoires préalables détaillés avant de décider ce qu’elle fera. Cette façon de procéder n’était pas acceptable en juin 2018 et ne l’est toujours pas aujourd’hui.

[26]  La modification sera autorisée, dans la mesure où elle comprend la modification proposée du paragraphe 23 dont a fait état l’avocat à l’audience. La nouvelle cause d’action formulée par les actes de procédures sera en outre réputée être limitée à la demande de réparation et aux faits expressément allégués dans ces paragraphes, c’est‑à‑dire une demande de redevance raisonnable fondée sur le nombre de patins que l’on a ainsi fait fabriquer ou distribuer. Si la demanderesse souhaite s’appuyer, pour justifier l’octroi ou le calcul de toute réparation pécuniaire ou redevance à l’égard de cette nouvelle demande, sur tout autre fait qui n’a pas déjà été correctement allégué dans les actes de procédure et qui n’a pas déjà fait l’objet d’un interrogatoire préalable, elle devra présenter une requête en modification afin de fournir des détails à ce sujet. Le droit de la défenderesse de s’opposer à ces modifications supplémentaires est, évidemment, réservé, tout comme son droit de demander que des conditions appropriées soient imposées à l’égard des nouvelles modifications, y compris la disjonction des questions relatives à l’évaluation du montant à accorder.

[27]  Les modifications de la demanderesse, telles qu’elles ont été initialement proposées dans son dossier de requête, ne révélaient aucune cause d’action raisonnable donnant ouverture à une réparation pécuniaire ou étaient trop vagues, ambiguës et dépourvues de faits importants. Les modifications ont été sauvées in extremis par une autre modification proposée à l’audience. La défenderesse a eu raison de s’opposer à la requête de la demanderesse, et elle ne devrait pas supporter les frais liés à la présente opposition.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

  1. La demanderesse est autorisée à signifier et déposer une cinquième déclaration modifiée, en la forme indiquée à l’annexe A de son avis de requête, selon les modalités énoncées ci‑dessous.

  2. La cinquième déclaration modifiée devra comprendre la modification proposée du paragraphe 23 dont a fait état l’avocat à l’audience et énoncée au paragraphe 18 des motifs de la présente ordonnance.

  3. La nouvelle cause d’action formulée par les actes de procédures sera réputée être limitée à la demande de réparation et aux faits expressément allégués dans ces paragraphes, c’est‑à‑dire une demande de redevance raisonnable fondée sur le nombre de patins que l’on a ainsi fait fabriquer ou distribuer.

  4. Si la demanderesse souhaite s’appuyer, pour justifier l’octroi ou le calcul de toute réparation pécuniaire ou redevance à l’égard de cette nouvelle demande, sur tout autre fait qui n’a pas déjà été correctement allégué dans les actes de procédure et qui n’a pas déjà fait l’objet d’un interrogatoire préalable, elle devra présenter une requête en modification afin de fournir des détails à ce sujet.

  5. Les dépens afférents à la présente requête, d’un montant de 3 000 $, sont adjugés à la défenderesse.

« Mireille Tabib »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour de décembre 2018.

Diane Provencher, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑311‑12

 

INTITULÉ :

BAUER HOCKEY LTD. C SPORT MASKA INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE CCM HOCKEY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 OCTOBRE 2018

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE TABIB

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 NOVEMBRE 2018

 

COMPARUTIONS :

Daniel Davies

Matthew Norton

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Martha Savoy

Ryan Steeves

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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