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Dossier : IMM-917-18

Référence : 2018 CF 1205

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2018

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

ABDUL GHAFOOR ADEL,

MARIAM ADEL

ET

SARAH HASSAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision rendue par un agent d’immigration principal [l’agent] d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada le 9 février 2018. L’agent a rejeté la demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire que les demandeurs ont présentée depuis le Canada en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR.

II.  Les faits

[2]  Le demandeur principal, Abdul Ghafoor Adel, est un citoyen du Danemark âgé de 52 ans. Son épouse et sa fille sont citoyennes du Danemark et sont incluses dans la présente demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Le demandeur principal et son épouse ont quatre autres enfants, dont une qui est née au Canada le 9 octobre 2008 et deux qui sont des résidents permanents du Canada. L’une des enfants du demandeur principal habite actuellement au Danemark, alors que les autres sont au Canada.

[3]  Le demandeur principal est originaire d’Afghanistan. Il a quitté son pays et s’est rendu au Liban où il a rencontré son épouse dans les années 1980. Après que la demande d’asile du demandeur principal fut acceptée, la famille a déménagé au Danemark en 1994.

[4]  La famille était bien établie au Danemark; les enfants fréquentaient l’école et leurs parents avaient démarré une nouvelle entreprise. Les demandeurs ont soutenu qu’il y avait de plus en plus d’intolérance à l’égard des musulmans dans la société danoise et ils ont donc décidé de quitter le pays. Le 31 octobre 2007, les demandeurs sont entrés au Canada. Le 16 janvier 2008, le demandeur principal a demandé l’asile au Canada, demande qui lui a été refusée. Le 29 décembre 2011, les demandeurs ont demandé un examen des risques avant renvoi [ERAR] et leur demande a été refusée.

[5]  Le 30 décembre 2011, les demandeurs ont présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, qui a plus tard été refusée. Le 16 février 2017, les demandeurs ont présenté une deuxième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

III.  La décision contestée

[6]  Le 9 février 2018, l’agent a rejeté la deuxième demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire que les demandeurs avaient présentée depuis le Canada. C’est cette décision visant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[7]  Dans ses motifs de décision, l’agent a commencé par déclarer que les demandeurs avaient le fardeau de convaincre le décideur que l’octroi du statut de résident permanent depuis l’extérieur du Canada ou d’une dispense en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR est justifié par des motifs d’ordre humanitaire.

A.  Établissement au Canada

[8]  L’agent a accordé peu de poids à l’établissement au Canada des demandeurs. Il a fait remarquer que le demandeur principal et son épouse s’étaient avérés [traduction] « productifs sur le plan économique » quand ils étaient au Canada. Après avoir examiné la preuve fournie par le demandeur principal (notamment des bilans de la société et des déclarations de revenus), l’agent a souligné que le demandeur principal et son épouse avaient commencé à exploiter leur propre restaurant à service rapide à Calgary, appelé « Majaz Mediterranean Cuisine » en 2009. L’agent a ensuite abordé la question de la participation des demandeurs à la collectivité et a fait remarquer qu’ils faisaient du bénévolat au centre communautaire Alkawthar de Calgary et qu’ils étaient membres de la congrégation Aga Khan Shia Ismaili. L’agent a reconnu que la famille était établie de façon positive au Canada; toutefois, il a souligné que les membres de la famille [traduction] « ont bénéficié de l’application régulière de la loi dans le cadre du programme d’immigration et de protection des réfugiés et qu’on s’attend à un certain degré d’établissement ».

[9]  Après avoir examiné le dossier des demandeurs, l’agent a souligné qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire antérieurement déposée par les demandeurs a été rejetée en décembre 2011. L’agent a conclu ce qui suit :

[traduction]

[l]es demandeurs ont continué de cumuler du temps au Canada de leur propre chef sans avoir légalement le droit de le faire. Les demandeurs sont visés par une mesure de renvoi exécutoire et ils ont continué leurs efforts d’établissement en étant pleinement conscients du fait que leur statut d’immigration était incertain et que leur renvoi du Canada pouvait se concrétiser.

B.  Relations familiales

[10]  L’agent a fait remarquer que les parents du demandeur principal, ainsi que ses frères et sœurs, sont des citoyens canadiens qui demeurent au Canada. Les deux enfants adultes du demandeur principal sont déjà des résidents permanents du Canada. Même s’il est conscient du fait que la réunification des familles est l’un des objectifs de la LIPR, l’agent a fait remarquer que l’avocat des demandeurs a déclaré dans les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire que les deux enfants adultes continuent d’avoir besoin du soutien émotionnel et financier de leurs parents. Par conséquent, l’agent n’était pas convaincu que les deux enfants adultes demeureraient au Canada si leurs parents retournaient au Danemark. En outre, l’agent a mentionné que les demandeurs ont une autre enfant adulte qui vit actuellement au Danemark. L’agent a conclu ce qui suit :

[traduction]

Même si ce n’est pas un substitut à la présence physique, un contact régulier pourrait être réalisé grâce à différents moyens de télécommunications. Inévitablement, l’expulsion entraînerait des bouleversements psychologiques et émotionnels pour les demandeurs et les membres de leur famille. Même si cela est malheureux, je conclus que la séparation des membres de la famille qui s’ensuivrait pour les demandeurs serait une conséquence inhérente du renvoi du Canada après avoir vécu au pays pendant une longue période sans statut.

C.  Intérêt supérieur d’un enfant directement touché

[11]  L’agent a fait remarquer que deux enfants mineurs (dont une qui est citoyenne du Canada) étaient touchés par la présente demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’avocat des demandeurs fait valoir que l’enfant canadienne se verrait accorder un statut temporaire au Danemark si elle y accompagnait ses parents; elle ne pourrait toutefois pas avoir accès à l’école ou aux soins de santé immédiatement. L’agent a conclu qu’aucune preuve objective n’appuyait cette déclaration.

[12]  L’agent a reconnu que les deux enfants sont bien intégrés au Canada et qu’ils participent à des activités parascolaires. Ils sont aussi [traduction] « bien intégrés dans l’environnement scolaire et ils progressent bien ». Après avoir tenu compte des observations des avocats et de la preuve au dossier, l’agent a conclu qu’il est toutefois [traduction] « raisonnable de s’attendre à ce qu’une éducation continue leur soit offerte au Danemark ». L’agent était convaincu que les enfants seraient en mesure de s’adapter à une nouvelle école au Danemark et que leurs parents pourraient les soutenir sur les plans financier et émotionnel pendant leur réinstallation au Danemark.

D.  Facteurs de risque dans le pays d’origine

[13]  Les demandeurs ont soutenu que, s’ils retournent au Danemark, ils feront l’objet de discrimination dans la société danoise. Les demandeurs ont déposé des éléments de preuve démontrant l’accroissement de l’intolérance envers les musulmans au Danemark. Après avoir examiné les conditions défavorables dans le pays, l’agent a conclu qu’il ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour établir que les appelants seraient défavorisés sur les plans social et économique en raison de leur religion. L’agent a souligné que les demandeurs ont vécu au Danemark de 1994 à 2007 avant d’entrer au Canada. Considérant que le demandeur principal et son épouse avaient tous les deux trouvé des [traduction] « un emploi rémunérateur » au Danemark et que leurs enfants y fréquentaient l’école, l’agent n’était pas convaincu que [traduction] « les droits des demandeurs à gagner leur vie ou à avoir accès à des établissements d’enseignement feraient l’objet de restrictions sérieuses ». L’agent a conclu ce qui suit :

[traduction]

[l]es demandeurs n’ont pas démontré qu’ils ont subi des conséquences gravement préjudiciables qui les ont empêchés de participer à la vie sociale, politique ou économique au Danemark, et de s’y intégrer et qui sont d’un degré justifiant une mesure de redressement au moyen d’une dispense légale permise par une demande de cette nature.

E.  Conclusion

[14]  Après avoir examiné l’ensemble des facteurs et de la preuve déposée, l’agent n’était pas convaincu que la présentation d’une demande de résidence permanente depuis l’étranger entraînerait pour les demandeurs des difficultés qui justifieraient l’octroi de la dispense demandée et prévue au paragraphe 25(1) de la LIPR.

IV.  La question en litige

[15]  Selon la Cour, l’unique question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la décision de l’agent était raisonnable. Dans leurs observations écrites, les deux parties ont fait valoir que la norme de contrôle applicable à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable (Webb c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1060, au paragraphe 5; Da Silva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 347, au paragraphe 14); toutefois, dans sa plaidoirie, l’avocat des demandeurs a fait valoir que la norme de la décision correcte s’appliquait. La Cour conclut que la norme de la décision raisonnable s’applique. Par conséquent, la Cour ne modifiera pas les conclusions tirées par un agent dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire si elles sont transparentes et justifiables et si elles appartiennent aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59).

V.  Disposition pertinente

[16]  Le paragraphe 25(1) de la LIPR dispose ce qui suit :

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25 (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25 (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

VI.  Analyse

[17]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[18]  La question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la décision de l’agent relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était raisonnable.

[19]  Les demandeurs ont soutenu que l’agent a commis une erreur lorsqu’il a fourni des motifs vagues et insuffisants quant à l’établissement de la famille au Canada. Ils prétendent que l’agent a l’obligation d’indiquer les motifs qui l’ont amené à décider que le degré d’établissement de la famille au Canada n’entraînerait pas de difficultés inusitées et injustifiées ou excessives justifiant l’octroi d’une dispense pour motifs d’ordre humanitaire (Asad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 924, au paragraphe 12 [Asad]; Baco c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 924, au paragraphe 18). L’agent a plutôt tout simplement conclu qu’on « s’attend à un certain degré d’établissement ». Les demandeurs ont également soutenu que l’agent n’avait pas tenu compte de l’investissement financier de la famille d’environ 200 000 $ dans l’acquisition d’un restaurant à service rapide à Calgary.

[20]  Le défendeur, de son côté, a soutenu que l’« insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision » (Osorio Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 373, au par. 15 [Osorio Diaz]).

[21]  La Cour n’accepte pas les observations des demandeurs quant à l’insuffisance des motifs fournis par l’agent en ce qui concerne le degré d’établissement de la famille au Canada. Dans ces motifs de décision, l’agent a expliqué pourquoi il a décidé d’accorder peu de poids à l’évaluation du degré d’établissement des demandeurs au Canada avant de trancher la question du degré d’établissement auquel on s’attend.

[traduction]

Tout en acceptant et en louant les mesures concrètes prises par les demandeurs pour s’établir au Canada, je relève qu’ils ont bénéficié de l’application régulière de la loi dans le cadre du programme d’immigration et de protection des réfugiés et qu’on s’attend à un certain degré d’établissement.

[22]  En outre, l’agent a présenté un certain nombre d’autres facteurs liés à la question de l’établissement. L’agent a renvoyé à la preuve au dossier qui selon lui était favorable aux demandeurs (c.-à-d. [traduction] « l’intégration dans la collectivité » des demandeurs et les [traduction] « efforts pour devenir autonomes et productifs sur le plan économique »).

[traduction]

Il s’agit de la seconde demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs; la première demande a été refusée en décembre 2011. Les demandeurs ont continué de cumuler du temps au Canada de leur propre chef sans avoir légalement le droit de le faire. Les demandeurs sont visés par des mesures de renvoi exécutoires et ils ont continué leurs efforts d’établissement en étant pleinement conscients du fait que leur statut d’immigration était incertain et que leur renvoi du Canada pouvait se concrétiser.

[23]  Il est clair que les motifs de l’agent sont conformes aux conclusions portant sur l’établissement. Les motifs sont présentés de façon à permettre à la cour de révision de comprendre la raison pour laquelle la décision a été rendue (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16). « Bien que la demanderesse ait pu souhaiter plus d’explications et une autre issue, cette explication est suffisante dans le contexte global de la décision » (Asad, au par. 20). La Cour ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans l’évaluation du degré d’établissement des demandeurs au Canada. L’agent a exercé son pouvoir de déterminer que le degré d’établissement était celui auquel on [traduction] « s’attend » étant donné la situation personnelle des demandeurs.

[24]  Les demandeurs ont ensuite soutenu que l’agent a formulé une conclusion erronée lorsqu’il a déterminé que toute la famille devait quitter le Canada, alors qu’il a lui‑même reconnu que la réunification des familles est l’un des principaux objectifs de la LIPR. Néanmoins, l’agent a conclu qu’il n’était pas convaincu que les enfants adultes demeureraient au Canada si leurs parents retournaient au Danemark. Enfin, ils ont soutenu que les deux enfants adultes, qui avaient déjà obtenu la résidence permanente au Canada, perdraient leur statut s’ils retournaient au Danemark. Selon les demandeurs, l’agent n’a pas tenu compte de cette difficulté.

[25]  Les demandeurs ont en outre fait valoir que l’agent n’a pas été sensible à l’intérêt supérieur des enfants qui « doit être “bien identifié et défini”, puis examiné “avec beaucoup d’attention” eu égard à l’ensemble de la preuve » (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au par. 39).

[26]  La Cour ne souscrit pas aux observations des demandeurs et elle conclut que l’agent a effectué une analyse appropriée. L’agent a soupesé tous les facteurs et a conclu qu’il était dans l’intérêt supérieur des deux enfants mineurs de demeurer avec leurs parents parce qu’ils en dépendent totalement. Il est également évident que l’agent a tenu compte de l’intérêt supérieur des autres enfants et de leur situation personnelle. Même si l’agent n’a pas indiqué ses motifs en ce qui concerne l’évaluation de l’intérêt supérieur des enfants, il l’a fait pour ce qui est de la relation familiale et il a souligné que les deux enfants adultes étaient des résidents permanents du Canada. L’agent a également tenu compte de l’importance de la réunification des familles comme le dispose la LIPR; toutefois, il a conclu qu’il était dans l’intérêt supérieur de tous les enfants qu’ils soient avec leurs parents.

[traduction]

Je suis conscient que l’un des objectifs de la LIPR est de veiller à la réunification des familles. Après avoir examiné les photographies soumises et lu les lettres qui ont été déposées, je peux constater à quel point la famille est unie. Toutefois, je ne suis pas convaincu que les enfants adultes demeureront au Canada et vivront ainsi séparés de leurs parents étant donné les déclarations de l’avocat en ce qui concerne le fait qu’ils dépendent toujours d’eux pour leur soutien émotionnel et financier. Même si les deux enfants adultes ne souhaitent pas retourner au Danemark, je remarque que les demandeurs ont une autre enfant adulte, Nadia, qui vit toujours au Danemark.

[27]  Les demandeurs ont fait valoir que l’agent a formulé une conclusion générale sur la situation au Danemark [traduction] « sans examiner la preuve contradictoire indépendante ». Dans Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, 83 ACWS (3d) 264, au paragraphe 17, il est mentionné que « plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée “sans tenir compte des éléments dont il [disposait.]” ».

[28]  Le défendeur, de son côté, a soutenu principalement que les demandeurs ne souscrivent tout simplement pas aux conclusions de l’agent et qu’ils ne peuvent pas demander indirectement à la Cour de réévaluer la preuve. Selon le défendeur, la décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, prise en son ensemble, est raisonnable.

[29]  La Cour souscrit à la position du défendeur. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve au dossier, l’agent n’a pas jugé qu’il y avait une preuve objective suffisante [traduction] « pour établir que les demandeurs, selon la prépondérance des probabilités, subiraient des désavantages sociaux ou économiques en raison de leur religion ». Selon la preuve subjective, les demandeurs n’ont pas subi de discrimination dans la société danoise parce qu’ils sont musulmans. Les enfants ont fréquenté l’école au Danemark et le demandeur et son épouse n’ont pas eu de difficulté à y trouver un emploi rémunérateur.

[30]  La Cour conclut que l’agent avait le pouvoir de ne pas accorder aux demandeurs la dispense demandée et prévue au paragraphe 25(1) de la LIPR. Il est bien établi que « la Cour n’a pas à substituer sa propre opinion à celle de l’agent, ni à apprécier de nouveau les preuves » (Osorio Diaz, au par. 16).

[31]  Pour les raisons qui précèdent, la Cour conclut que la décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au par. 47). Il n’y a pas de raison pour que la Cour intervienne dans la présente affaire.

VII.  Conclusion

[32]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale ne sera certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-917-18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour de décembre 2018.

Claude Leclerc, traducteur



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