Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRÈS SECRET

Date : 20180830


Dossier : |||||||||[DD] |||||||||||||||||

CONF-2-18

Référence : 2018 CF 874

Ottawa (Ontario), le 30 août 2018

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE D’UNE DEMANDE DE MANDATS FAITE PAR |||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||| EN VERTU DES ARTICLES 12 ET 21 DE LA LOI SUR LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ,  LRC (1985), CH. C-23

et

DANS L’AFFAIRE VISANT LE
TERRORISME ISLAMISTE

MOTIFS

LE JUGE EN CHEF

I.  Introduction

[1]  La Cour tient à accroître la transparence des décisions qu’elle prend dans le cadre d’instances à huis clos tenues en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC. 1985, ch. 23 [Loi sur le SCRS]. Dans cette optique, j’ai décrit ci-dessous une série de développements qui se sont produits à la suite de ma décision dans l’affaire X (Re), 2017 CF 1048 [X (Re)] en lien avec une autorisation d’un certain type de mandat bien précis.

[2]  Dans l’affaire X (Re), j’ai refusé une telle autorisation en raison de lacunes dans la demande. Ultimement, j’ai accordé une telle demande pour l’autorisation de base en l’espèce mais cela seulement après avoir acquis la conviction que ces lacunes, ainsi que d’autres qui ont été constatées dans d’autres demandes présentées entre-temps dans les demandes décrites ci-après, avaient été comblées. Les paragraphes qui suivent expliquent pourquoi il en est ainsi.

[3]  L’autorisation pour des pouvoirs en vertu de mandat en l’espèce concerne la capacité du Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS ou Service] d’obtenir des données d’identification de base [DIB] auprès de fournisseurs de services de communication [FSC]. Auparavant, ces informations étaient liées à des comptes de communications de personnes dont le numéro de téléphone, |||||||||||||||||||||||||||||||le ou les identificateur(s) électronique(s) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ou d’autres identificateurs électroniques pouvaient éventuellement attirer l’attention du SCRS dans le cadre de ses enquêtes. Ces enquêtes portaient sur des activités dont le Service avait établi qu’elles constituaient des menaces envers la sécurité du Canada.

[4]  Les DIB comprennent le nom et l’adresse de l’abonné à un compte de communications, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||[et certaines autres informations liées au compte ] ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[5]  Dans X (Re), je statuais que la Cour ne pouvait pas autoriser le SCRS à obtenir des DIB liées à des comptes de communication correspondant à des numéros de téléphone ou à des identificateurs électroniques qui pourront éventuellement attirer son attention lors de ses enquêtes, lorsque le SCRS n’a ni décrit ni établi leur lien précis avec ces enquêtes. À mon avis, demander un tel pouvoir dans ces circonstances ne satisfait pas aux exigences de base nécessaires pour autoriser l’État à mener une activité envahissante. J’ai résumé comme suit le fondement de cet avis.

[6]  Avant de pouvoir autoriser le SCRS à obtenir des DIB ou à exercer d’autres pouvoirs lui permettant de mener des fouilles ou des perquisitions envahissantes, la Cour doit comprendre le lien entre l’enquête du SCRS et les personnes ou les catégories de personnes dont les droits en matière de vie privée pourraient être enfreints. Ce n’est qu’à ce moment que la Cour peut établir si le droit de ces personnes au respect de leur vie privée doit céder la place aux intérêts de l’État quant à l’obtention des informations. De plus, pour obtenir un mandat, le SCRS doit satisfaire aux exigences figurant aux paragraphes 21(2) et (3) de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), ch C‑23 [Loi sur le SCRS] pour chacune des personnes ou des catégories de personnes.

[6]  Étant donné que la Cour n’avait pas obtenu l’information nécessaire pour lui permettre de bien comprendre le lien susmentionné en ce qui a trait à l’autorisation générale de mandat afin d’obtenir les DIB que le SCRS recherchait pour |||||||| dossiers distincts dans Re (X), j’ai rejeté d’octroyer de tels pouvoirs à cet égard. En résumé, et, pour les raisons exprimées dans les paragraphes ci-haut, ces demandes pour un tel pouvoir allaient à l’encontre de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch 11 (R.‑U.) [Charte], qui garantit le droit d’être protégé contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives (X (Re), aux paragraphes 60 à 74).

[7]  Dans ma décision dans X (Re), je reconnaissais que la position énoncée ci‑dessus pourrait ajouter un fardeau important pour le SCRS. Voici mes observations en l’espèce.

[13]  Si la Cour n’est pas en mesure d’effectuer à l’avance l’évaluation relative à l’article 8 pour les personnes ou catégories de personnes dont le droit au respect de la vie privée pourrait être enfreint si le SCRS a accès à leurs DIB, le SCRS devra s’adresser de nouveau à elle chaque fois qu’il trouve d’autres numéros de téléphone ou identificateurs électroniques à propos desquels il désire obtenir les DIB auprès d’un FSC. Le SCRS devra alors établir un lien suffisant entre le numéro de téléphone ou l’identificateur électronique et son enquête afin de convaincre la Cour qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les DIB de ces comptes de communication sont nécessaires pour faire progresser son enquête.

[8]  J’ai également reconnu que ces exigences pouvaient entraîner l’accroissement des coûts et des délais relatifs aux demandes d’autorisations soumises pour des mandats afin d’obtenir des DIB liées aux numéros de téléphone et aux identificateurs électroniques qui pourraient attirer l’attention du SCRS lors de ses enquêtes, mais qui n’ont pas trait à la cible d’une enquête. Étant donné que de possibles retards peuvent nuire à la capacité du SCRS d’enquêter sur des activités liées à la menace, je précisais que la Cour demeurait disposée à étudier d’autres approches qui seraient conformes à la Charte (X (Re), au paragraphe 109).

[9]  À cet égard, j’ai procédé en mentionnant qu’il existait deux moyens permettant de considérablement réduire les coûts et les délais qu’entraîne la préparation de demandes de mandats sur les DIB conformes à la Charte.

[10]  Le premier moyen consisterait essentiellement à fournir à la Cour les informations que les agents du SCRS inscrivent déjà dans le formulaire de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| informations relatives au lien] qu’ils soumettent à l’interne avant de pouvoir demander à la Cour l’autorisation d’obtenir des DIB. Ces informations décrivent le lien entre l’enquête du SCRS sur une menace pour la sécurité du Canada et les numéros de téléphone ou les identificateurs électroniques pour lesquels un agent de renseignement aimerait obtenir les DIB. J’ai suggéré que ces informations pourraient être fournies à la Cour sous la forme d’affidavits supplémentaires, déposés à l’appui des demandes de modification régulières d’un mandat en vigueur. Toutefois, après avoir pris connaissance des observations des amici curiae [1] dans une des instances subséquentes décrites plus loin, j’ai exprimé trois sérieuses réserves que j’exposerai plus en détails dans mes motifs. La première se fonde sur la possibilité que se prenne l’habitude de demander, de façon routinière, des modifications à des mandats sur les DIB déjà décernés. La seconde réserve concernait la possibilité pour le SCRS  de s’en remettre à une approbation ministérielle accordée antérieurement dans le contexte d’une demande d’autorisation de mandat pour l’obtention de DIB, lorsque le SCRS tente par la suite d’obtenir de tels pouvoirs en lien avec de nouveaux numéros de téléphone et identificateurs électroniques. Ma troisième réserve portait sur l’autorité pour permettre qu’un juge désigné puisse amender les mandats décernés par un autre juge désigné.

[11]  Par conséquent, et, en raison de ces préoccupations que j’ai exprimées, le SCRS a indiqué, que pour l’avenir immédiat, chaque fois qu’il veut être autorisé à obtenir des DIB auprès d’un FSC, de présenter de nouvelles demandes fondées sur des documents qui sont requis par la Charte ou qui semblent prévus par la Loi sur le SCRS. Ces derniers consistent, entre autres, en de nouvelles désignation et approbation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre], conformément au paragraphe 21(1) de la Loi sur le SCRS, et en une nouvelle consultation du sous-ministre, conformément au paragraphe 7(2) de la Loi sur le SCRS. Il en sera à nouveau question plus avant dans les paragraphes qui suivent.

[12]  Puisque ces documents ont tous été déposés dans la présente affaire, j’ai décerné la demande d’autorisation de mandat pour obtenir les DIB, tel que demandé par le SCRS. Par la même occasion, j’ai informé le SCRS et le représentant de la procureure générale que j’émettrais les présents motifs afin d’expliquer au public pourquoi les pouvoirs d’obtenir des DIB qui n’avaient pas été décernés dans l’affaire X (Re), avaient été accordés dans la présente affaire.

[13]  Le deuxième moyen qui permettrait, à mon avis, de réduire les coûts et les délais, consisterait simplement à ajouter les informations relatives au lien qui figurent dans les |||||||| aux informations plus générales que le SCRS fournit à la Cour au sujet de la menace qui pèse sur le Canada lorsqu’il demande des mandats afin d’obtenir les DIB pour enquêter sur cette menace (X (Re), aux paragraphes 110 et 111). En ce qui concerne la menace que représente le terrorisme islamiste [2] , ces informations générales, même si elles sont parfois mises à jour d’après l’évolution de la situation, sont demeurées essentiellement les mêmes depuis les demandes visées par ma décision dans X (Re). Ce que le déposant sait de la menace que représente le terrorisme islamiste, tout comme son opinion à cet égard, repose sur ces informations, qui sont présentées dans le corps de l’affidavit ou dans une ou plusieurs des pièces connexes. Dans ce dernier cas, le déposant atteste qu’il ou elle croit exactes les informations contenues dans les pièces. La Cour discute toujours avec le SCRS de la forme que sont censées revêtir les informations générales que présente le déposant.

II.  Faits nouveaux depuis X (Re)

[14]  À la suite de la décision que j’ai rendue l’automne dernier dans X (Re), l’approche générale que le SCRS et la procureure générale utiliseront désormais pour demander les pouvoirs prévus dans le mandat sur les DIB qui ne sont pas liés à des cibles précises a été établie dans le cadre de quatre demandes : deux dans le dossier |B] une dans le dossier ||||||||||C ||||||| et la présente demande ||dossier D

[15]  Étant donné que j’avais entendu la demande de mandat sur les DIB du SCRS et les demandes précédentes de pouvoirs connexes (X (Re), aux paragraphes 17 à 23), j’ai présidé l’audition des demandes susmentionnées et des requêtes connexes dont il est question dans les paragraphes qui suivent.

A.  Dossier |||||||[]B |||||||||

[16]  À la suite de ma décision dans X (Re), l’avocat a présenté le dossier ||||||||||||B|||||||||||| comme un premier « essai ». Par conséquent, ce dossier avait une portée limitée et semblait avoir pour but d’établir les exigences de base d’une demande de mandat sur les DIB. Le SCRS demandait simplement l’autorisation d’obtenir des DIB liées |||||||||||||||||à un ou des identificateur(s) électronique(s)|||||| |||| Il s’agissait d’une nouvelle demande, accompagnée de l’approbation et de la désignation nécessaires du ministre ainsi que de la confirmation que le sous-ministre avait été consulté. Dans l’avis de demande initial, en date du |||||||||||||||||||||||||||||||||| la procureure générale du Canada [procureure générale] déclarait que la demande était notamment présentée parce que le déposant avait des motifs raisonnables de croire qu’un mandat était nécessaire pour permettre au SCRS d’enquêter sur le terrorisme islamiste.

[17]  En ce qui concerne la menace que le terrorisme islamiste fait peser sur la sécurité du Canada, le déposant a fourni essentiellement les mêmes informations que dans le dossier |||||||||||A||||||||||||| l’une des deux demandes en cause dans X (Re).

[18]  En ce qui concerne le lien qui devrait être établi entre ||||le ou les identificateur(s) électronique(s)||||||| |||||||||||||||||||||||| et l’enquête du SCRS sur le terrorisme islamiste, le SCRS a fourni les brèves informations pertinentes contenues dans |||||||||||||| dont il était question au paragraphe 10 des présents motifs. J’ai finalement décerné le mandat demandé, après avoir acquis la conviction que le lien requis avait été établi, c’est-à-dire après m’être assuré du caractère suffisant des faits sur lesquels le déposant s’appuyait pour avoir des motifs raisonnables de croire que les personnes liées ||||||||||à le ou les identificateur(s) électronique(s)||||||||||| en question étaient, soit impliquées dans la menace que le terrorisme islamiste fait peser sur la sécurité du Canada, soit en mesure de fournir des informations qui peuvent être utiles à l’enquête du SCRS sur cette menace. En plus de les inclure dans son affidavit, le déposant a également présenté ces faits dans son témoignage oral lors de l’audition de la demande. Bien entendu, je suis aussi convaincu que les exigences prévues aux alinéas 21(2)a) et b) de la Loi sur le SCRS ont été respectées, conformément au paragraphe 21(3).

[19]  Avant d’approuver le mandat demandé dans le dossier |||||||||||B||||||||||||||| j’ai demandé que la condition 3 soit modifiée. Dans la version initiale proposée par la procureure générale, cette condition était libellée ainsi :

Toute information obtenue par le Service dans l’exécution du présent mandat, autre que les données d’identification de base mentionnées aux articles 1 à 3, sera détruite dans un délai de six mois suivant l’obtention par le Service.

[20]  À ma première lecture, j’ai eu l’impression que la condition 3 visait à dissiper les préoccupations que j’avais exprimées dans Re (X) (aux paragraphes 75, 87 et 100) au sujet de la conservation de DIB liées aux comptes de communications de tiers n’ayant absolument aucun lien avec le terrorisme islamiste, c’est-à-dire des personnes pour lesquelles le critère des motifs raisonnables prévu à l’alinéa 21(2)a) n’a pas été démontré à la Cour.

[21]  Toutefois, l’avocat a précisé que la condition 3 concernait toute autre chose, à savoir les situations où un FSC fournit au SCRS d’autres informations que simplement les DIB. Selon ses explications, lorsque les FSC sont tenus de fournir des DIB conformément à un mandat décerné par la Cour, il leur arrive parfois de communiquer par voie électronique des dossiers qui contiennent d’autres informations. Par exemple, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[22]  Compte tenu de ces explications, j’ai réduit le délai à quatre mois au lieu de six et approuvé le mandat. J’ai également accordé à l’avocat un mois pour présenter à la Cour un libellé indiquant clairement que les DIB ou toute information concernant des « tiers », selon ce qui est indiqué au paragraphe 20 des présents motifs, seraient détruites dès que le SCRS détermine qu’elles appartiennent à un tiers. Par conséquent, dans les derniers mandats sur les DIB qui ont été décernés, cette condition est ainsi libellée : « Toute information obtenue par le Service dans l’exécution du présent mandat, autre que les données d’identification de base mentionnées à l’article 1, sera détruite dès que possible et, dans tous les cas, dans un délai de quatre mois suivant l’obtention par le Service. »

B.  Modification du mandat décerné dans le dossier |||||||||B|||||||||

[23]  Le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| soit moins de deux semaines après que le mandat susmentionné a été décerné, le SCRS a déposé une requête urgente en modification du mandat décerné dans le dossier |||||||||||B||||||||||||||| à l’appui de laquelle le déposant a présenté un affidavit supplémentaire sous serment. En bref, le SCRS souhaitait y faire ajouter |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||un identificateur électronique associée à la menace||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[24]  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||une description de l’association de l’identificateur électronique à la menace et le moment de la demande  dossier B||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||

[25]  Après avoir acquis la conviction que le déposant du SCRS avait des motifs raisonnables de croire qu’un mandat était nécessaire pour obtenir les DIB liées |à le ou les identificateur(s) électronique(s)afin que le SCRS puisse enquêter sur la menace que le terrorisme islamiste fait peser sur la sécurité du Canada, j’ai modifié, à la main, le mandat que j’avais déjà décerné et j’y ai ajouté  le ou les     |identificateur(s) électronique(s) conformément à l’alinéa 399(2)a) des Règles des cours fédérales, DORS/98-106 [Règles], selon lequel la Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance lorsque des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue.

[26]  Par ailleurs, comme j’avais alors pris connaissance des observations des amici, j’ai également rayé, à la main, une partie du libellé du mandat. Essentiellement, ce libellé permettait au SCRS d’obtenir des DIB auprès d’un FSC dans une situation d’urgence bien précise, à la condition qu’il en informe la Cour par écrit dans un délai de 48 heures suivant l’obtention des DIB et qu’il lui demande ses instructions.

[27]  Je me dois de mentionner que la requête en modification du mandat sur les DIB que j’avais déjà décerné n’était accompagnée ni d’une nouvelle approbation du ministre ni d’une nouvelle confirmation que le sous-ministre avait été consulté relativement à la requête. Toutefois, selon l’autorisation du ministre obtenue à l’appui de la principale demande dans le dossier ||||||||||B|||||||||||||| celle-ci s’appliquait également aux « demandes subséquentes présentées à la Cour pour obtenir des DIB ». Même s’ils étaient préoccupés par la nature de cette autorisation, la situation avait un caractère si urgent que les amici ont appuyé la demande de modification de la procureure générale, mais il était explicitement entendu que le caractère ouvert de l’autorisation du ministre, en date du |||||||||||||||||||||||||||||||||| serait réexaminé dans un avenir rapproché.

C.  Autre demande dans le dossier ||||||||B||||||||||

[28]  Le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| le SCRS a déposé une autre demande afin de pouvoir obtenir les DIB liées |||||||||à un ou des identificateur(s) électronique(s)||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cette demande était appuyée par un nouvel affidavit, de nouvelles approbation et désignation du ministre ainsi que par une nouvelle confirmation que le sous-ministre avait été consulté [3] . Elle n’a donc pas donné lieu à certaines des difficultés qui sont apparues dans des instances subséquentes, décrites ci-après.

[29]  Encore une fois, l’affidavit, tel que modifié immédiatement après l’audition de la demande, contenait essentiellement les mêmes informations générales sur la menace que représente le terrorisme islamiste que le SCRS avait déjà fournies à l’appui de sa demande initiale dans les dossiers ||||||||||B|||||||||||||| et dans une des deux demandes |||dossier A|||| qui était en cause dans l’affaire X (Re), cité plus tôt.

[30]  De plus, l’affidavit, complété par le témoignage du déposant, contenait des faits suffisants sur le lien entre ||||||||||le ou les identificateur(s) électronique(s)||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| susmentionnés et l’enquête du SCRS sur la menace que le terrorisme islamiste fait peser sur la sécurité du Canada pour respecter le critère des motifs raisonnables de croire prévu au paragraphe 21(3) de la Loi sur le SCRS et par la Charte.

[31]  Compte tenu de ce qui précède, et comme j’étais convaincu que les autres exigences prévues au paragraphe 21(3) avaient été respectées, j’ai décerné l’autre mandat demandé par le SCRS.

D.  Nouvelle requête en modification du mandat décerné dans le dossier ||||||||B||||||||||

[32]  Le |||||||||||||||||||||||||||||||| la procureure générale a déposé une requête en modification du premier mandat décerné dans le dossier ||||||||||||B|||||||||||||| Plus précisément, elle voulait ||||un ou des identificateur(s) électronique(s)||||||||||||||||||||||||| qui avaient été portés à son attention après le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| date à laquelle j’avais apporté les modifications initiales au premier mandat décerné dans le dossier |||||||||||B||||||||||||||| La requête était appuyée par un affidavit qui contenait essentiellement les mêmes informations générales déjà fournies à la Cour au sujet de la menace que représente le terrorisme islamiste, ainsi que les informations figurant dans |||||||||||||||||| informations relatives au lien permettant d’établir le lien requis entre la menace et |||||||||||||||||||||||||| ||||le ou les identificateur(s) électronique(s)||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[33]  À l’appui de la requête, la procureure générale a fourni des observations écrites qui portaient sur les trois questions juridiques suivantes qui, à son avis, étaient en cause.

  i.    La Cour fédérale a-t-elle le pouvoir de décerner des mandats qui prévoient d’autres autorisations d’obtenir des DIB lorsque la Cour l’autorise expressément à la suite d’une demande en ce sens?

  ii.    Le mandat sur les DIB, dans sa version du 16 novembre 2017, peut-il être modifié conformément à l’alinéa 399(2)a) ou à la règle 4 des Règles?

  iii.    L’affidavit déposé à l’appui de la requête contient il des informations suffisantes pour permettre à la Cour de comprendre le lien entre les personnes dont le droit au respect de la vie privée pourrait être enfreint et les activités liées à la menace visées par l’enquête du SCRS sur le terrorisme islamiste?

[34]  Les amici ont reformulé ces questions ainsi :

  i.  Est-ce que le directeur (ou la personne désignée) doit consulter le sous-ministre et obtenir l’approbation du ministre avant de demander à la Cour de nouvelles autorisations d’obtenir des DIB?

  ii.  Est-il possible d’autoriser de nouvelles fouilles ayant trait aux DIB par suite d’une requête en modification visée à l’alinéa 399(2)(a) des Règles?

  iii.  Est-ce que l’affidavit déposé à l’appui de la requête en modification respecte les critères prévus à l’article 21 de la Loi sur le SCRS et à l’article 8 de la Charte pour la délivrance d’un mandat sur les DIB?

[35]  Aux fins des paragraphes qui suivent, je me fonderai sur les questions telles qu’elles ont été formulées par les amici.

[36]  Étant donné que la procureure générale a finalement retiré la requête, je ne prendrai pas de position définitive relativement à ces questions.

(1)  Est-ce que le directeur (ou la personne désignée) doit consulter le sous‑ministre et obtenir l’approbation du ministre avant de demander à la Cour de nouvelles autorisations d’obtenir des DIB?

[37]  La procureure générale estimait que le paragraphe 21(1), selon lequel le ministre doit approuver les demandes de mandats, ne s’appliquait pas à une requête en modification d’un mandat sur les DIB déjà décerné, car il s’agit simplement d’y ajouter ||un ou des identificateur(s)|| ||||électronique(s)|||||||||||||

[38]  De l’avis de la procureure générale, le principe de la responsabilité ministérielle qui sous-tend l’obligation d’obtenir l’approbation du ministre prévue au paragraphe 21(1) ne signifie pas que le ministre doit, chaque fois, se prononcer sur l’intrusion dans la vie privée de personnes qui peut avoir lieu en vertu d’un mandat décerné conformément à cette disposition de la Loi sur le SCRS. En fait, le ministre est simplement tenu d’approuver les pouvoirs envahissants qui seront demandés à la Cour, après avoir évalué la nature de la menace qui pèse sur la sécurité du Canada et l’importance des intrusions dans la vie privée prévues dans le mandat demandé. La procureure générale soutenait que le ministre avait déjà fourni l’approbation requise et appliqué ces deux critères immédiatement avant qu’elle présente la demande initiale de mandat sur les DIB à la Cour, en ||||||||||||||||||||||||||||

[39]  En d’autres termes, la procureure générale affirmait que la cible du mandat était le terrorisme islamiste et que le ministre avait d’ores et déjà évalué la nature de la menace qu’il représente, ainsi que la faible importance des préoccupations sur le plan de la protection de la vie privée soulevées par une autorisation d’obtenir des DIB liées à des comptes de communications, lorsque l’autorisation initiale d’obtenir des DIB avait été demandée en ||||||||||||||||||||||||||||

[40]  Les amici n’étaient pas de cet avis. Dans leurs observations écrites, ils ont soutenu que, selon le paragraphe 21(1), le ministre est responsable de chaque atteinte à l’attente raisonnable d’une personne relativement à son droit à la vie privée. À leur avis, le libellé, le régime et l’historique législatif de la Loi sur le SCRS confirment que, pour bien exécuter son mandat prévu à l’article 21 de la Loi sur le SCRS, le ministre doit comprendre le lien entre la menace qui pèse sur la sécurité du Canada et la personne dont le droit à la vie privée sera enfreint. Selon ce point de vue, chaque intrusion dans la vie privée d’une nouvelle personne constitue une nouvelle « fouille ». En outre, la cible du mandat est la personne dont le droit à la vie privée sera enfreint et non la menace que représente le terrorisme islamiste. Les amici rappelaient que permettre au ministre d’accorder une autorisation générique pour une menace générale comme celle que représente le terrorisme islamiste reviendrait dans les faits à déléguer au directeur ou à un employé du SCRS désigné la décision de demander un mandat. Ce qui, par ailleurs, n’est pas permit.

[41]  Le paragraphe 21(1) de la Loi sur le SCRS est libellé comme suit :

Demande de mandat

Application for warrant

21 (1) Le directeur ou un employé désigné à cette fin par le ministre peut, après avoir obtenu l’approbation du ministre, demander à un juge de décerner un mandat en conformité avec le présent article s’il a des motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire pour permettre au Service de faire enquête, au Canada ou à l’extérieur du Canada, sur des menaces envers la sécurité du Canada ou d’exercer les fonctions qui lui sont conférées en vertu de l’article 16.

21 (1) If the Director or any employee designated by the Minister for the purpose believes, on reasonable grounds, that a warrant under this section is required to enable the Service to investigate, within or outside Canada, a threat to the security of Canada or to perform its duties and functions under section 16, the Director or employee may, after having obtained the Minister’s approval, make an application in accordance with subsection (2) to a judge for a warrant under this section.

[42]  Pour étayer leur position, les amici se sont référés à deux aspects importants de l’historique législatif de la Loi sur le SCRS : (i) la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada – deuxième rapport, volume 1 : la liberté et la sécurité devant la loi, Ottawa, 1981 [rapport de la Commission McDonald] ainsi que (ii) des déclarations faites par le ministre responsable à l’époque où le projet de loi C-9, qui est devenu la Loi sur le SCRS (après que des amendements y eurent été apportés), était à l’étude devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes [le Comité].

[43]  En ce qui concerne le rapport de la Commission McDonald, les amici ont cité un certain nombre de passages, dont les suivants :

32. [...] La décision de soumettre une personne ou un groupe à l’une ou l’autre de ces méthodes aux fins de la sécurité nationale a d’importantes incidences sur le plan des politiques et doit pour cette raison être approuvée par un ministre responsable. [...]

33. [...] Dans notre esprit, le rôle du ministre à l’égard de ces pouvoirs est de prendre des décisions d’orientation. Par exemple, le ministre doit décider si les activités des diplomates de certains pays sont suffisamment suspectes et dangereuses pour courir le risque des répercussions diplomatiques que provoquerait la révélation de la surveillance exercée par le service de sécurité, ou si les activités d’un groupe porté à la violence posent une menace suffisante aux institutions démocratiques du pays pour justifier le déplacement de toutes les ressources d’enquête du service de renseignements pour la sécurité. Ce sont principalement des considérations de cet ordre que le solliciteur général doit avoir à l’esprit quand il décide d’approuver une demande de mandat judiciaire. Il pourrait refuser d’autoriser une demande même s’il est convaincu qu’elle respecte la norme statutaire. Le solliciteur général ne devrait pas se montrer indifférent aux aspects juridiques d’une demande projetée; bien au contraire, il ne devrait approuver les demandes de mandat judiciaire que s’il est convaincu qu’elles respectent les exigences juridiques. Cependant, nos propositions confèrent au pouvoir judiciaire, et non au ministre (ou à ses conseillers juridiques), la décision finale en matière de légalité. Nous estimons que cela assurerait le respect de la règle de droit pour cette partie des activités du service de sécurité, sans contrevenir à une répartition judicieuse des responsabilités entre ministres et juges.

34. Suivant le système que nous proposons, lorsque le ministre donne son approbation générale à une proposition relative à une enquête complète, il peut dans le même temps approuver une proposition de demande d’un mandat judiciaire autorisant le recours à une ou plusieurs techniques particulières. Il se peut, cependant, qu’on ne lui demande pas cette approbation, ou bien il pourrait attendre, avant de l’accorder, qu’on ait employé d’autres méthodes n’exigeant pas de mandat judiciaire [4] .

[...]

101. Tout d’abord, on pourrait soutenir que la question de savoir si un individu ou un groupe constitue une menace suffisante à la sécurité nationale pour justifier l’intrusion électronique doit être tranchée par les ministres, qui, à l’encontre des juges, sont comptables au Parlement, et en dernier ressort à l’électorat, de la politique en matière de sécurité nationale. Nous sommes d’accord avec une partie de cet argument. Les ministres sont responsables de l’activité du gouvernement en matière de sécurité nationale, notamment le solliciteur général qui, en sa qualité de ministre responsable du service de renseignements pour la sécurité, est responsable de la politique et des pratiques d’enquête de ce service. Voilà pourquoi nous estimons qu’il appartient au solliciteur général d’approuver les propositions émanant du service relativement à l’écoute électronique (et autres techniques comportant intrusion). C’est à lui qu’il incombe d’approuver ces demandes sur le plan des politiques, mais il partage avec le Cabinet la responsabilité de la politique de sécurité nationale dans le cadre de la loi. Lorsque la loi fixe une norme qu’elle définit avec soin à l’exercice d’un pouvoir d’enquête qui, autrement, constituerait un acte criminel, ce n’est pas, à notre avis, empiéter sur la responsabilité ministérielle que de refuser aux ministres le pouvoir de décider en dernier ressort si, dans une affaire donnée, cette norme est respectée. Notre système de gouvernement ne repose pas sur le seul principe de la responsabilité ministérielle : il repose sur d’autres principes importants, dont l’un est la règle de droit. Dans un système de gouvernement responsable comportant un cabinet, les ministres ont le devoir d’exercer comme il convient les pouvoirs légalement conférés au gouvernement, mais ils n’ont pas la responsabilité de décider, en fin de compte, comment la loi est appliquée. Dans notre système de gouvernement, ce rôle incombe normalement aux juges.

102. Loin de nous la pensée que le ministre doive se désintéresser de la légalité d’une proposition relative à l’écoute électronique. Au contraire, avant d’approuver une demande de mandat judiciaire, lui et ses conseillers doivent examiner les demandes à fond sous l’angle tant de la loi que des principes. Mais notre étude de la façon dont l’article 16 de la Loi sur les secrets officiels a été appliqué nous a démontré qu’il n’est pas sûr que, dans tous les cas, les ministres considèrent attentivement et judicieusement toutes les exigences dont la loi assortit l’exercice de ce pouvoir extraordinaire. Nous pensons que les juges, grâce à leur expérience et au milieu dans lequel ils évoluent, sont plus aptes à rendre pareille décision. Comme nous l’avons soutenu plus tôt, les tribunaux ne décident normalement de la légalité de l’action gouvernementale que lorsqu’elle est contestée après coup. Mais comme ce pouvoir doit toujours être exercé en secret, les personnes contre qui il est invoqué illégalement sont dans l’impossibilité de la contester après coup. Nous estimons donc nécessaire que les tribunaux statuent par anticipation sur la légalité de l’exercice de ce pouvoir [5] . [Non souligné dans l’original.]

[44]  En ce qui concerne les déclarations que le ministre compétent (le solliciteur général) a faites lorsque le Comité s’est penché sur le projet de loi C-9, les amici ont mentionné que le solliciteur général avait rejeté la recommandation du Sénat d’inclure dans le projet de loi une disposition permettant à la Cour d’évaluer la gravité de la menace, comme c’était le cas, semble-t-il, aux États-Unis. À cet égard, le solliciteur général a fourni les explications suivantes :

M. Kaplan : Il m’a semblé que l’on ne demandait pas au juge de prendre une décision judiciaire afin de protéger les droits ou la vie privée d’une personne, mais de décider de l’importance d’une question de sécurité nationale; à mon avis, cette dernière question relève du gouvernement, et seul le gouvernement doit prendre de telles décisions.

Si le gouvernement décide que la question justifie une surveillance, nous ne voulons pas qu’un juge ait à décider de l’importance de la question. Le juge doit décider si l’on peut faire appel à d’autres méthodes, si les motifs son raisonnables ou probables, puisqu’on a décidé d’ajouter probables, si la durée du mandat devrait être longue, si d’autres conditions doivent être imposées; mais quant à la question fondamentale, à savoir si la sécurité nationale justifie la demande, nous ne voulions pas ... Ce n’est pas au juge de trancher des questions pareilles. Le gouvernement doit avoir la responsabilité d’évaluer la gravité d’une question concernant la sécurité nationale.  [Non souligné dans l’original.]

Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent de la justice et des questions juridiques ayant trait au projet de loi C-9, 32e législature, 2e session, no 29, page 32.

[45]  Le solliciteur général a alors insisté sur l’importance de demander au ministre d’approuver tous les mandats.

M. Robinson (Burnaby) : Ainsi, les pouvoirs d’intervention des juges sont considérablement dilués en ce qui concerne l’octroi de mandats. Le ministre nous dit que le juge sera tenu d’accorder un mandat à moins que l’on puisse faire appel à d’autres techniques.

M. Kaplan : Vous voulez dire à moins qu’il ne croît pas que les motifs soient raisonnables? Mais évaluer les motifs et considérer d’autres solutions font partie des responsabilités du juge. C’est au gouvernement de décider si une question relève de la sécurité nationale ou non.

En cela, nous avons été beaucoup plus loin que le comité Pitfield : le ministre doit donner son approbation à chaque mandat. Le comité du Sénat s’était contenté de prévoir un processus qui permettrait d’accorder des mandats sans l’approbation du ministre. Dans un sens, on donnait au tribunal la responsabilité du ministre, qui consiste à évaluer la gravité de la situation. Aux termes de ce projet de loi, c’est le ministre qui a cette responsabilité et qui approuve le mandat s’il estime que le jeu en vaut la chandelle. C’est dont le comité du Sénat voulait le charger. [Non souligné dans l’original.]

Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent de la justice et des questions juridiques ayant trait au projet de loi C-9, 32e législature, 2e session, no 29 (29 mai 1984), page 32.

[46]  En réponse aux amici, la procureure générale a fait observer que le solliciteur général avait par la suite déclaré ce qui suit en réponse aux préoccupations soulevées relativement au pouvoir d’assistance prévu à l’article 16 du projet de loi.

Qu’on se rassure, car les activités prévues dans cet article exigent une approbation en haut lieu, car il s’agit d’une approbation par les ministres de la Couronne, responsables devant le Parlement. Étant donné notre régime, c’est peut-être la meilleure garantie qu’il n’y aura pas d’abus de pouvoir. En effet, nous demandons un pouvoir.

Le sous-ministre me signale que dans ce cas-ci, il faudra que des juges accordent des mandats. Il n’y a donc pas uniquement le contrôle des ministres responsables devant le Parlement mais également celui d’un juge qui doit être convaincu qu’il est justifié de procéder à une telle invasion de la vie privée, car c’est ce que permet un mandat. [Non souligné dans l’original.]

Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent de la justice et des questions juridiques ayant trait au projet de loi C-9, 32e législature, 2e session, no 38 (7 juin 1984), page 59.

[47]  La procureure générale a soutenu que, compte tenu du passage souligné dans la citation au paragraphe précédent, il est manifeste qu’il incombe à un juge de la Cour plutôt qu’au ministre de mesurer l’atteinte aux droits d’une personne en matière de vie privée par rapport à la sécurité de l’État lorsqu’il s’agit d’obtenir, de la Cour, certains pouvoirs prévus dans des mandats.

[48]  Toutefois, pendant l’audience, j’ai demandé si le paragraphe 21(1) prévoyait que le SCRS puisse demander à la Cour, peut-être chaque semaine, des modifications à un mandat fondé sur une simple approbation du ministre fournie à la Cour lors de la demande de mandat initiale. J’ai fait remarquer qu’au fil du temps, un tel processus pourrait avoir pour effet qu’un mandat sur les DIB finisse par viser |||plusieurs autres||| numéros de téléphone ou d’identificateurs électroniques, voire davantage. À cet égard, j’ai cherché à savoir comment il serait possible de tenir le ministre responsable s’il n’a aucune idée du nombre de fois que le SCRS pourrait chercher à étendre l’autorisation d’obtenir des DIB prévue dans un mandat ni du nombre de personnes dont les droits en matière de vie privée pourraient, en fin de compte, être enfreints.

[49]  J’ai aussi cherché à savoir comment une telle expansion des pouvoirs prévus dans un mandat sans une nouvelle approbation du ministre pourrait être conforme aux instructions du ministre sur les opérations et la reddition de comptes approuvées par le ministre le |||||||||||||||| |||||||||| Entre autres, l’annexe B de ce document précise que le SCRS [traduction] « fait approuver par le ministre toute modification substantielle à une demande approuvée », notamment les suivants.

  • Tout changement aux cibles du mandat (et la justification de ce changement).

  • Tout changement à la période de validité proposée de tout mandat demandé (et la justification de ce changement).

  • Tout ajout à la liste des endroits où le mandat peut être exécuté (et la justification de ce changement), si la demande a trait à une institution fondamentale canadienne.

[50]  Au sujet de ce qui précède, l’avocat de la procureure générale a eu du mal à donner les raisons pour lesquelles le ministre insisterait pour approuver des changements au mode d’exécution d’un mandat (c.-à-d. sa période de validité et la liste des endroits où il peut être exécuté), mais ne ferait pas de même lorsqu’il s’agit d’augmenter – peut-être considérablement – le nombre de personnes dont les droits en matière de vie privée pourraient être enfreints, lorsque le lien entre ces personnes et l’enquête en question n’a pas été établi au préalable.

[51]  J’ajoute simplement que l’avocat de la procureure générale n’a fourni aucun élément de preuve portant sur la difficulté qu’il pourrait y avoir à obtenir l’approbation du ministre avant que le SCRS demande à ajouter des numéros de téléphone ou des identificateurs électroniques à un mandat sur les DIB.

(2)  Est-il possible d’autoriser de nouvelles fouilles ayant trait aux DIB par suite d’une requête en modification visée à l’alinéa 399(2)a) des Règles?

[52]  Selon la procureure générale, il est possible d’invoquer l’alinéa 399(2)a) des Règles pour modifier le mandat sur les DIB que j’ai décerné à l’origine en |||||||||||||||||||||||||| et modifié le mois suivant. Elle a soutenu qu’il serait loisible à la Cour de modifier le mandat dès qu’elle serait convaincue qu’il existe bel et bien un lien entre l’enquête sur le terrorisme islamiste et les personnes dont les droits en matière de vie privée seraient enfreints.

[53]  Voici le libellé du paragraphe 399(2) des Règles.

399. (2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l’un ou l’autre des cas suivants :

399. (2) On motion, the Court may set aside or vary an order

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue;

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or

b) l’ordonnance a été obtenue par fraude.

(b) where the order was obtained by fraud.

[54]  La procureure générale a ajouté que la Cour devrait interpréter l’alinéa 399(2)a) des Règles en tenant compte de la règle 3 de ces mêmes Règles.

3. Principe général – Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3. General Principle – These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

[55]  Pour appuyer sa position quant à l’alinéa 399(2)a) des Règles, la procureure générale a soutenu que |||le ou les identificateur(s) électronique(s)|||||| nouvellement découverts sont, au sens de l’alinéa en question, des « faits » nouveaux qui ne pouvaient être découverts avant la rédaction du mandat sur les DIB original. Selon elle, ces faits ont eu une incidence déterminante sur la décision que la Cour devait rendre (Ayangma c. Canada, 2003 CAF 382, au paragraphe 3). Après avoir reconnu le caractère exceptionnel de la mesure prévue à l’alinéa 399(2)a) des Règles (Saywack c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1986] 3 CF 189, au paragraphe 14 [Saywack]), elle a affirmé que la mesure demandée en l’espèce était de nature exceptionnelle.

[56]  Subsidiairement, la procureure générale était d’avis qu’il est possible d’invoquer la règle 4 des Règles, aussi appelé « règle des lacunes ».

Cas non prévus

Matters not provided for

4. En cas de silence des présentes règles ou des lois fédérales, la Cour peut, sur requête, déterminer la procédure applicable par analogie avec les présentes règles ou par renvoi à la pratique de la cour supérieure de la province qui est la plus pertinente en l’espèce.

4. On motion, the Court may provide for any procedural matter not provided for in these Rules or in an Act of Parliament by analogy to these Rules or by reference to the practice of the superior court of the province to which the subject-matter of the proceeding most closely relates.

[57]  Les amici ont contesté la caractérisation faite par la procureure générale de la requête qui, à son avis, impliquait une demande de modification du mandat sur les DIB en vigueur et émis préalablement au dossier |||||||||||B||||||||||||||| Dans leurs observations écrites, ils ont soutenu qu’en substance, la procureure générale demandait à la Cour de nouveaux pouvoirs d’effectuer des fouilles, ce qui est au cœur même d’une demande de mandat. Selon eux, il n’a jamais été envisagé que le paragraphe 399(2) des Règles serve à autoriser la réalisation de fouilles entièrement nouvelles qui enfreignent le droit au respect de la vie privée de personnes qui n’étaient pas déjà visées par un mandat. La Loi sur le SCRS exige plutôt une nouvelle demande de mandat pour chaque atteinte au droit d’une telle personne au respect de sa vie privée.

[58]  Pendant l’audience, j’ai pressé la représentante de la procureure générale de me dire si l’alinéa 399(2)a) des Règles pouvait être invoqué en appui à ce qui pourrait devenir une procédure de routine, c’est-à-dire la présentation de multiples demandes par le SCRS pour ajouter de nouveaux identificateurs électroniques ou numéros de téléphone à un mandat sur les DIB en vigueur. J’ai demandé comment cela pourrait être conciliable avec la nature exceptionnelle de cette disposition, que la procureure générale avait déjà reconnu.

[59]  J’ai aussi demandé si le paragraphe 21(3) autorisait les juges désignés de la Cour à modifier les mandats décernés par leurs collègues. Il s’agissait d’une question importante, parce que la procureure générale envisageait d’établir un processus efficace qui pourrait permettre à tout juge désigné, dans l’exercice de ses fonctions, d’élargir le mandat sur les DIB que j’avais décerné à l’origine.

[60]  Voici, à cet égard, le libellé du paragraphe 21(3).

Délivrance du mandat

Issuance of warrant

(3) Par dérogation à toute autre règle de droit mais sous réserve de la Loi sur la statistique, le juge à qui est présentée la demande visée au paragraphe (1) peut décerner le mandat s’il est convaincu de l’existence des faits mentionnés aux alinéas (2)a) et b) et dans l’affidavit qui accompagne la demande; le mandat autorise ses destinataires à intercepter des communications ou à acquérir des informations, documents ou objets. À cette fin, il peut autoriser aussi, de leur part :

(3) Notwithstanding any other law but subject to the Statistics Act, where the judge to whom an application under subsection (1) is made is satisfied of the matters referred to in paragraphs (2)(a) and (b) set out in the affidavit accompanying the application, the judge may issue a warrant authorizing the persons to whom it is directed to intercept any communication or obtain any information, record, document or thing and, for that purpose,

a) l’accès à un lieu ou un objet ou l’ouverture d’un objet;

(a) to enter any place or open or obtain access to any thing;

b) la recherche, l’enlèvement ou la remise en place de tout document ou objet, leur examen, le prélèvement des informations qui s’y trouvent, ainsi que leur enregistrement et l’établissement de copies ou d’extraits par tout procédé;

(b) to search for, remove or return, or examine, take extracts from or make copies of or record in any other manner the information, record, document or thing; or

c) l’installation, l’entretien et l’enlèvement d’objets.

(c) to install, maintain or remove any thing.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[61]  Malgré le libellé du paragraphe 21(3) présenté ci-dessus, la procureure générale a soutenu que, par suite d’une requête visée à l’alinéa 399(2)a) des Règles, tout juge désigné de la Cour peut modifier un mandat décerné par un autre juge. Selon elle, il n’est pas nécessaire de présenter une nouvelle demande ni de satisfaire aux exigences connexes (dont une nouvelle approbation par le ministre). Il suffirait que le juge désigné saisi d’une telle requête soit convaincu que le lien requis entre l’enquête du SCRS et les nouveaux identificateurs électroniques ou numéros de téléphone ait été établi. La procureure générale a ajouté que le paragraphe 399(2) des Règles permet explicitement à « la Cour » d’annuler ou de modifier une ordonnance. Toutefois, y a-t-il lieu de trancher, en faveur du paragraphe 21(3), toute incohérence entre celui-ci et le paragraphe 399(2) des Règles? Selon elle, la Loi sur le SCRS ne précise pas qui devrait pouvoir modifier un mandat et, partant, l’alinéa 399(2)a) peut être invoqué.

[62]  Au sujet de la règle 4 des Règles (la « règle des lacunes »), j’ai demandé s’il existait dans les règles en Ontario ou dans une autre province des dispositions qui appuieraient la position de la procureure générale selon laquelle un mandat décerné par un juge pourrait être modifié par un autre juge du même tribunal. L’avocat a répondu par la négative.

(3)  Abandon de la requête

[63]  Juste après les échanges résumés ci-dessus, et avant d’aborder la troisième question mentionnée au paragraphe 34 des présents motifs, la représentante de la procureure générale a demandé une courte pause. À son retour, elle a demandé l’ajournement de l’audience.

[64]  Elle a présenté cette demande après que j’ai remis en question la justesse des fondements juridiques de la requête. Après avoir souligné de nouveau la nature problématique des questions entourant l’approbation du ministre, l’alinéa 399(2)a) des Règles et la compétence des juges quant à la modification des mandats décernés par leurs collèges, j’ai fait remarquer que je n’avais pas, en tête, l’image d’une fondation solide sur laquelle m’appuyer pour accorder régulièrement, à l’avenir, des autorisations d’obtenir des DIB.

[65]  En fin de compte, la semaine suivante, la procureure générale a signifié un avis d’abandon de la requête.

E.  Dossier ||||||||C||||||||||

[66]  Le |||||||||||||||||||||||||||| la procureure générale a présenté une nouvelle demande d’autorisation d’obtenir des DIB liées |||à un ou des identificateur(s) électronique(s)||||||||||||| L’affidavit à l’appui de la demande contenait (i) essentiellement les mêmes informations sur la menace que le terrorisme islamiste fait peser envers la sécurité du Canada qui avaient été fournies à la Cour dans le dossier |||||||||||B||||||||||||||| (ii) des informations figurant dans |||||||||||||||||| informations relatives au lien et permettant d’établir le lien entre l’enquête que mène le SCRS envers cette menace et |||le ou les||||||| ||identificateur(s) électronique(s)||| en question, (iii) les faits sur lesquels s’appuyait la conviction qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le SCRS avait besoin d’un mandat pour enquêter sur cette menace ainsi que (iv) les faits devant convaincre la Cour relativement aux questions visées à l’alinéa 21(3)b) de la Loi sur le SCRS.

[67]  En outre, accompagnaient la demande l’approbation du ministre, la désignation de la déposante et la confirmation, par la sous-ministre, qu’elle avait bel et bien été consultée quant à la demande.

[68]  Compte tenu de ce qui précède, il semble que le cadre fondamental d’une demande de mandat sur les DIB a été établi. D’ailleurs, à la fin de l’audience dans le dossier ||||||||||||C|||||||||||||| le représentant de la procureure générale a déclaré que [traduction] « [...] pour l’instant, du moins, je crois comprendre que, pour chaque demande d’autorisation d’obtenir des DIB, le Service obtiendra du ministre la désignation et l’approbation et consultera le sous-ministre ».

[69]  Partant, j’ai cru comprendre qu’à l’avenir, les demandes de mandats sur les DIB allaient être axées sur les questions mentionnées aux points (ii) à (iv) du paragraphe 66 des présents motifs. En ce qui a trait à l’enquête du SCRS envers la menace que le terrorisme islamiste fait peser sur la sécurité du Canada, je crois comprendre que le SCRS pourrait présenter régulièrement des demandes d’autorisation d’obtenir des DIB, peut-être même chaque mois.

[70]  Me fondant sur des informations fournies au nom de la procureure générale, je crois comprendre en outre qu’il existe, sur le plan des opérations, des raisons légitimes pour lesquelles il est impossible, en général, de présenter fréquemment des demandes. Sachant cela, j’ai souligné que la Cour demeurerait disposée à poursuivre les échanges avec la procureure générale au sujet d’un éventuel processus de traitement des situations urgentes, lorsqu’il serait nécessaire de demander l’autorisation d’obtenir des DIB entre deux demandes « de routine ». À cet égard, j’ai suggéré qu’en fonction des circonstances, la Cour pourrait être disposée à accorder une telle autorisation par la modification d’un mandat en vigueur. Bien sûr, la Cour devra être convaincue que les circonstances sont de nature exceptionnelle au sens exprimé dans la jurisprudence (Saywack). En outre, la procureure générale aurait tout avantage à faire preuve de circonspection et à garder à l’esprit les questions soulevées relativement à l’approbation du ministre et au libellé précis du paragraphe 21(3) de la Loi sur le SCRS (« le » juge).

[71]  Il y a lieu d’aborder ici un autre aspect du dossier |||||||||||C||||||||||||||| Au cours de l’audition de X (Re) tenue en banc, la Cour a soulevé des préoccupations relatives à la possibilité que le SCRS demande l’autorisation d’obtenir des DIB ayant trait à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Reconnaissant cette préoccupation, le représentant de la procureure générale a souligné que les identificateurs électroniques qui avaient fait l’objet d’une demande d’obtention des DIB n’étaient pas ceux de personnes qui, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||

[72]  J’ai été convaincu que cela serait effectivement peu probable, après que le déposant m’ait démontré que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||Il y a des mécanismes en place pour assurer que les demandes du Service concernent des personnes impliquées dans la menace|| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Compte tenu des faits susmentionnés, j’ai été convaincu que la procureure générale avait établi le lien requis entre les identificateurs électroniques en cause et l’enquête du SCRS sur la menace que le terrorisme islamiste fait peser sur la sécurité du Canada. En outre, j’ai aussi été convaincu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le SCRS avait besoin d’un mandat l’autorisant à obtenir des DIB liées aux identificateurs électroniques pour mener son enquête. À cet égard, j’ai été convaincu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que les personnes liées aux identificateurs électroniques (a) pouvaient être impliquées dans des activités liées à la menace qui touchent le Canada ou s’y déroulent ou (b) pouvaient être en mesure de fournir des informations susceptibles d’aider le SCRS à faire progresser son enquête.

[73]  Contrairement à ce que les amici ont avancé dans leurs observations, je n’ai pas estimé que le déposant devait faire état de motifs raisonnables de croire que les personnes liées aux identificateurs électroniques fournissaient activement du|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||| À mon avis, le simple fait |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| place quiconque en position de fournir des informations qui pourraient être utiles au SCRS dans son enquête. Par ailleurs, je n’ai pas estimé nécessaire |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| En fait, l’incertitude à cet égard explique en partie le besoin du SCRS d’obtenir des DIB |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

F.  Requête dans le dossier |||||||C|||||||||||

[74]  Le |||||||||||||||||||||||||| moins de trois semaines après l’audition de la demande dans le dossier |||||||||||C||||||||||||||| la procureure générale a présenté une requête en modification du mandat sur les DIB que j’avais décerné. En bref, la procureure générale souhaitait y ajouter ||le ou les identificateur(s) électronique(s) Le représentant de la procureure générale a expliqué que |le ou les identificateur(s) électronique(s) avait été obtenue après la délivrance du mandat, et qu’en fonction des circonstances, le SCRS ne pouvait pas attendre la prochaine demande |||||||||||||||||||| Il a ajouté que la procureure générale et le SCRS tentaient encore d’élaborer un processus de traitement des demandes aussi pressantes, compte tenu des préoccupations que j’avais soulevées. Sachant cela, il était d’avis que la requête réglerait la question « décisive » ayant trait au moment auquel il est possible de déposer une requête en modification plutôt que de présenter une nouvelle demande.

[75]  En l’espèce, les circonstances étaient les suivantes. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||Le Service a pris connaissance d’informations répondant à un besoin urgent d’obtenir des DIB associées à un ou des||||||||||||||||||||| ||||||identificateur(s) électronique(s) en relation avec une question grave liée à la menace (référence : paragraphe 75 + 76)||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[76]  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||Le déposant du Service a expliqué le moment de la demande|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[77]  Selon le déposant, les informations susmentionnées étaient très crédibles, et le Service avait besoin d’un mandat l’autorisant à obtenir les DIB liées ||à le ou les identificateur(s) électronique(s)| pour [traduction]  « établir de toute urgence |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[78]  La procureure générale était d’avis que la Cour avait compétence pour se prononcer sur la requête en raison de circonstances au caractère « exceptionnel » au sens exprimé dans la jurisprudence ayant trait à la règle 399 des Règles (Saywack), à savoir (i) la nature « urgente » de l’affaire, (ii) le fait qu’il s’agissait de la priorité absolue de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| du SCRS, (iii) le fait qu’il était question |||d’une demande étroite||||||| ainsi que (iv) le caractère « unique » de la demande. Ces circonstances ont été mises en contraste avec le caractère « routinier » de la demande mensuelle d’autorisations d’obtenir des DIB, à propos duquel j’avais formulé des réserves pendant l’audition de la requête dans le dossier |||||||||||B||||||||||||||| dont il est question à la partie II.D. des présents motifs. L’avocat a précisé que cette dernière requête avait été abandonnée en raison des préoccupations que j’avais soulevées quant à l’invocation de l’alinéa 399(2)a) des Règles pour présenter mensuellement, de façon « routinière », des requêtes en modification de mandat, et quant à la compétence d’un juge désigné de la Cour de modifier un mandat décerné par un de ses collègues, compte tenu du libellé du paragraphe 21(3) (voir les paragraphes 59 et 60 des présents motifs).

[79]  Malgré ce qui précède et malgré l’opinion du déposant et |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| susmentionné quant à l’urgence de la situation, l’avocat a souligné que le SCRS n’était pas d’avis que les circonstances étaient urgentes au point d’empêcher le ministre d’approuver la requête.

[80]  Compte tenu de la combinaison des quatre circonstances décrites au paragraphe 78 des présents motifs, la procureure générale a estimé que l’approbation du ministre n’était pas nécessaire. Pour cette raison, un simple avis concernant la requête a été envoyé au Cabinet du ministre. Ni le déposant ni l’avocat ne savaient si le ministre en avait personnellement été informé. Toutefois, l’avocat a fait remarquer que ses expériences antérieures avec le Cabinet du ministre lui avaient appris que [traduction] « s’il ne voulait pas de la présence du Service devant la Cour, nous ne serions pas ici aujourd’hui ». Il a ajouté que le ministre n’avait pas besoin d’approuver personnellement la requête, et ce, pour les trois raisons suivantes.

  1. J’avais déjà décerné un mandat sur les DIB en l’espèce (dossier ||||||||||C||||||||||||||||.

  2. Le SCRS cherchait uniquement à exercer le pouvoir d’obtenir des DIB que je lui avais déjà accordé.

  3. Le déposant a fourni les informations dont j’avais besoin pour être convaincu qu’il existait un lien entre |le ou les identificateur(s) électronique(s) et l’enquête du SCRS sur la menace que le terrorisme islamiste fait peser envers la sécurité du Canada.

[81]  Concernant le premier des trois points susmentionnés, l’avocat de la procureure générale a souligné que l’approbation du ministre n’était pas nécessaire, parce que j’avais déjà décerné un mandat relatif à la menace susmentionnée que fait peser le terrorisme islamiste.

[82]  J’ajoute en passant que, pendant le contre-interrogatoire, le déposant a révélé que |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[83]  Les amici étaient en désaccord avec la position de la procureure générale au sujet de ma compétence de modifier le mandat que j’avais décerné le |||||||||||||||||||||||||||| et ce, pour deux raisons. D’abord, se fondant sur ma décision dans X (Re) (aux paragraphes 6 et 61), ils ont soutenu que le SCRS doit obtenir un nouveau mandat chaque fois qu’il cherche à enfreindre le droit au respect de la vie privée d’une personne qui n’est pas déjà visée par un mandat ou qu’il cherche à l’enfreindre davantage, par des moyens plus envahissants. Dans ce dernier cas, et en réponse à mes questions, les amici ont affirmé qu’il faut un nouveau mandat pour ajouter à un mandat en vigueur |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| mais qu’un nouveau mandat n’est pas nécessaire s’il s’agit d’ajouter |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| déjà mentionné dans un mandat sur les DIB décerné par la Cour.

[84]  Les amici ont expliqué qu’en ce qui a trait |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| une demande d’autorisation d’obtenir des DIB constituerait une nouvelle « fouille » au sens exprimé dans la jurisprudence ayant trait à la Charte (dans l’ensemble, X (Re), 2017 CF 1047, aux paragraphes 110 à 124). Il en serait de même pour une demande d’autorisation d’obtenir des DIB liées à un numéro de téléphone ou à un identificateur électronique nouvellement découvert, associé à une personne qui n’a pas fait l’objet d’une analyse fondée sur la Charte lorsque le mandat sur les DIB original a été décerné.

[85]  Les amici ont donné une deuxième raison pour expliquer que je ne n’avais pas compétence pour modifier le mandat sur les DIB que j’avais décerné. À leur avis, l’historique législatif dont il est question aux paragraphes 42 à 46 des présents motifs montre que le législateur veut que le ministre détermine si l’intérêt de l’État à obtenir des DIB liées à ce numéro l’emporte sur le droit au respect de la vie privée de la personne. Partant, en l’absence de l’approbation du ministre prévue au paragraphe 21(1) de la Loi sur le SCRS, la Cour n’a pas compétence pour décerner ou modifier un mandat qui permettrait au SCRS d’enfreindre le droit d’une personne au respect de sa vie privée. En outre, les amici ont soutenu que l’historique législatif de la Loi sur le SCRS montre aussi que le législateur veut que l’autorisation du ministre soit obtenue au préalable, même dans les situations d’urgence. À cet égard, les amici ont attiré mon attention sur les extraits suivants du rapport de la Commission McDonald.

27.  Une décision de soumettre une personne ou les membres d’une organisation à l’une ou l’autre des méthodes énumérées ci‑dessus revêt à nos yeux une telle importance, tant du point de vue d’une bonne utilisation des ressources du service de renseignements qu’au point de vue des répercussions possibles sur les libertés civiles, qu’elle doit se fonder sur une preuve dont la norme est définie par la loi. Sauf dans les situations d’urgence, ces décisions doivent être approuvées par le solliciteur général en sa qualité de ministre responsable du service. Il convient de préciser ici que les décisions dont nous parlons sont celles qui établissent que les preuves obtenues au moyen des techniques moins « intrusives » justifient une intensification de la portée générale de l’enquête jusqu’au niveau qui comporte le plus d’intrusion. Des techniques particulières d’enquête peuvent exiger un palier supplémentaire d’autorisation. Par exemple, selon nos recommandations, l’écoute électronique, l’entrée subreptice, la vérification du courrier et l’accès à certains renseignements confidentiels exigeraient une autorisation judiciaire.

[...]

29.  Il convient de prévoir une procédure pour les situations d’urgence. Le directeur général (ou un suppléant qu’il a autorisé par écrit à cet égard) devrait pouvoir amorcer une enquête complète d’une durée de 48 heures sans obtenir l’approbation de la première ni de la deuxième étape. L’approbation du solliciteur général devrait cependant être obtenue dans les 48 heures, sinon il faudrait mettre fin à l’enquête. Il est entendu que si le solliciteur général est absent ou ne peut remplir ses fonctions, le solliciteur général par intérim pourrait agir à sa place. Le directeur général devrait signaler immédiatement au ministre chaque autorisation d’urgence qu’il accorde. Cette procédure d’urgence ne supprime pas la nécessité d’obtenir le mandat d’un juge dans le cas des techniques dites « intrusives » qui font l’objet d’une telle recommandation dans le présent chapitre. [Non souligné dans l’original.]

[86]  Les amici voulaient que j’arrive à la conclusion que le législateur, qui n’a prévu aucune procédure d’urgence de ce genre dans la Loi sur le SCRS ni dans aucun de ses règlements d’application, avait implicitement décidé de ne pas donner au Service la capacité de demander des mandats dans des situations d’urgence sans avoir obtenu au préalable l’autorisation du ministre.

[87]  En ce qui concerne la position de la procureure générale selon laquelle le mandat sur les DIB décerné le |||||||||||||||||||||||||| visait la menace que représente le terrorisme islamiste, les amici ont souligné [traduction] « [qu’] il n’existe pas de mandat sur la menace ». Se fondant sur ma décision dans X (Re) (aux paragraphes 58 à 61), ils ont soutenu que la Cour ne décerne pas de mandats en raison de menaces, mais en raison d’activités qui enfreignent le droit de personnes au respect de leur vie privée, que l’identité de ces personnes ait été établie ou pas.

[88]  Subsidiairement, les amici ont maintenu que, même si la Loi sur le SCRS et l’alinéa 399(2)a) des Règles me donnent compétence pour modifier le mandat que j’avais décerné (en y ajoutant |un ou des identificateur(s) électronique(s) les circonstances exceptionnelles requises pour avoir recours à cette règle n’avaient pas été démontrées.

[89]  À cet égard, le représentant de la procureure générale a admis qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté concernant la capacité du ministre d’approuver la requête avant l’audience. En effet, comme je l’ai mentionné, la procureure générale a clairement indiqué qu’elle ne soutenait pas que le ministre ne pouvait pas approuver la requête, mais plutôt que cette approbation n’était pas nécessaire, compte tenu des présumées circonstances « exceptionnelles » décrites au paragraphe 76 des présents motifs.

[90]  Compte tenu de ce qui précède, les amici ont fait valoir, si les autres arguments qu’ils avaient mis en avant ne m’avaient pas convaincu, que la preuve requise pour que je puisse exercer tout pouvoir discrétionnaire dont je pourrais autrement disposer selon l’alinéa 399(2)a) des Règles n’avait pas été fournie.

[91]  Compte tenu de tout ce qui précède, j’ai déclaré à la fin de l’audience que j’allais attendre au lendemain pour statuer sur la requête. Cependant, avant que je puisse faire part de ma décision à la procureure générale, un avis de désistement a été déposé, signifiant l’abandon complet de la requête.

G.  Dossier |||||||D|||||||||||

[92]  Le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| a présenté une nouvelle demande d’autorisation d’obtenir, auprès de FSC, des DIB liées |à un ou des identificateur(s) électronique(s)||||||||||||||||||||||

[93]  Cette demande était appuyée par de nouvelles désignation et approbation du ministre ainsi que par une nouvelle confirmation que le sous-ministre avait été consulté, conformément au paragraphe 7(2) de la Loi sur le SCRS. Par son affidavit et son témoignage oral au cours de l’audition de la demande, la déposante du SCRS m’a également convaincu que les exigences prévues aux alinéas 21(2)a) et b) de la Loi sur le SCRS avaient été respectées. Il est entendu qu’il fallait notamment établir le lien requis entre l’enquête du SCRS sur la menace que le terrorisme islamiste fait peser sur la sécurité du Canada et ||le ou les identificateur(s) électronique(s)||||||||||||||||||||||||||||||||||| À une exception près, j’ai été convaincu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que les personnes liées ||à le ou les identificateur(s) électronique(s)|||||||||||||||| en question étaient soit impliquées dans la menace que le terrorisme islamiste fait peser envers la sécurité du Canada, soit en mesure de fournir des informations susceptibles d’être utiles à l’enquête du SCRS sur cette menace. L’exception concernait |un ou des identificateur(s) électronique(s) pour lequel, à mon avis, ce lien n’avait pas été établi.

[94]  Au cours de l’audition de la présente demande ||dossier D|||||||| le représentant de la procureure générale m’a indiqué que l’approche utilisée dans le cas de cette demande était [traduction] « peu susceptible de changer, du moins dans un avenir prévisible ».

III.  Conclusion

[95]  Selon les observations qui ont été présentées à la Cour dans la présente instance, il semble que le SCRS et la procureure générale se sont entendus sur l’approche générale qui sera utilisée pour demander à la Cour l’autorisation d’obtenir, auprès de FSC, des DIB liées à un ou à plusieurs numéros de téléphone ou identificateurs électroniques qui pourraient attirer l’attention du SCRS au cours d’une enquête. Voici un résumé de cette approche.

  1. Une nouvelle demande est déposée, appuyée par un nouvel affidavit qui présente les faits sur lesquels le déposant se fonde pour convaincre la Cour que les exigences prévues aux alinéas 21(2)a) et b) de la Loi sur le SCRS ont été respectées. Il est entendu que ces exigences consistent entre autres à établir le lien requis entre l’enquête pertinente menée par le SCRS et les numéros de téléphone ou les identificateurs électroniques pour lesquels le SCRS souhaite avoir l’autorisation d’obtenir des DIB. Pour convaincre la Cour de l’existence du lien, les faits présentés par le déposant du SCRS doivent permettre d’établir qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les personnes liées ||à le ou les identificateur(s) électronique(s)||| |||||||||||||||||||||| en question sont soit impliquées dans la menace qui pèse envers la sécurité du Canada, soit en mesure de fournir des informations qui peuvent être utiles à l’enquête du SCRS sur cette menace.

  2. De nouvelles désignation et approbation du ministre ainsi qu’une nouvelle confirmation que le sous-ministre a été consulté sont déposées à l’appui de chaque demande.

  3. Dans les situations d’urgence, où il n’est pas possible d’obtenir, par écrit, la désignation et l’approbation du ministre ou la confirmation que le sous-ministre a été consulté, il suffit que la procureure générale ou son représentant (i) informe la Cour que la désignation, l’approbation ainsi que la confirmation ont été fournies de vive voix et (ii) s’efforce de fournir le plus tôt possible la désignation et l’approbation ainsi que la confirmation par écrit.

[96]  Puisque l’information décrite aux alinéas (i) et (ii) ci-haut a été soumise à la Cour, j’ai décerné les mandats afin d’obtenir les DIB tel que demandé par le SCRS. En résumé, en fournissant cette information, le SCRS a pallié aux lacunes identifiées dans l’affaire X (Re) citées ci-haut. De plus, l’approche adoptée par le SCRS répondait aux préoccupations que j’avais exprimé eu égard à (a) que le SCRS s’appuie sur une approbation ministérielle en lien avec une demande d’autorisation de mandat antérieur, (b) la possibilité que se prenne l’habitude de demander, de façon routinière, des modifications à des mandats sur les DIB déjà décernés, et (c) la compétence d’un juge désigné de cette Cour de pouvoir amender les mandats décernés par un autre juge désigné.

[97]  Les représentants de la procureure générale et la Cour continuent de communiquer en vue de définir la forme idéale de l’affidavit déposé à l’appui d’une demande de mandat sur les DIB. À cet égard, il arrive que les informations factuelles fournies par le déposant du SCRS au sujet de la menace que le terrorisme islamiste fait peser sur la sécurité du Canada demeurent les mêmes d’un mois à l’autre. Partant, la Cour admet qu’il peut s’avérer plus efficace de fournir ces informations factuelles détaillées en appendice ou en annexe plutôt que dans le corps de l’affidavit. Bien entendu, si le déposant décide de procéder de cette façon, il doit déclarer que les informations contenues en appendice ou en annexe font partie de l’affidavit, qu’il en a pris connaissance et qu’il les croit exactes.

[98]  L’un des représentants de la procureure générale a dit espérer qu’il soit possible un jour que la Cour puisse traiter les demandes de mandat sur les DIB par écrit, sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience. Mon expérience des demandes de ce genre jusqu’à maintenant m’a appris que le témoignage de vive voix du déposant du SCRS a été essentiel pour me convaincre que le lien requis existait bel et bien entre l’enquête du SCRS et au moins certains des identificateurs électroniques ou numéros de téléphone visés par la demande de mandat sur les DIB. Je m’attends à ce que cela continue à être le cas jusqu’à ce que les affidavits des déposants comblent les lacunes que d’autres juges désignés de la Cour et moi-même avons constatées.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

||D||||||||||||||||||||||

INTITULÉ :

DANS L’AFFAIRE D’UNE DEMANDE DE MANDATS FAITE PAR |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| EN VERTU DES ARTICLES 12 ET 21 DE LA LOI SUR LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ, LRC (1985), CH C-23 ET DANS L’AFFAIRE VISANT LE TERRORISME ISLAMISTE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 AVRIL 2018

MOTIFS :

CRAMPTON C. J.

DATE DES MOTIFS :

LE 30 AOÛT 2018

COMPARUTIONS

Dans le dossier ||||||||D||||||||||||||||

Mr. Gordon Kirk

Ms. Amy Joslin-Besner

GROUPE LITIGES ET CONSEIL
EN SÉCURITÉ NATIONALE

DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Dans le dossier ||||||||||C||||||||||||||

Mr. Gordon Kirk

GROUPE LITIGES ET CONSEIL
EN SÉCURITÉ NATIONALE

DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Mr. Gord Cameron

Mr. Owen Rees

AMICUS CURIAE

Dans le dossier ||||||||||B||||||||||||||

Mr. Gordon Kirk

Mr. Arlo Litman

Ms. Nathalie Benoit

GROUPE LITIGES ET CONSEIL
EN SÉCURITÉ NATIONALE

DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Mr. Gord Cameron

Mr. Owen Rees

AMICUS CURIAE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

GROUPE LITIGES ET CONSEIL
EN SÉCURITÉ NATIONALE

DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Blakes Cassels & Graydon LLP

Ottawa (Ontario)

Conway Baxter Wilson LLP

Ottawa (Ontario)

AMICUS CURIAE

 



[1]   MM. Gordon Cameron et Owen Rees [les amici]. Ils ont aussi agi à titre d’amici curiae dans X (Re).

[2]   Dans les récentes demandes que le SCRS a soumises à la Cour pour se voir accorder l’autorisation d’obtenir des DIB liées à son enquête sur le terrorisme islamiste, le « terrorisme islamiste » s’entend [TRADUCTION] « [d]es activités mentionnées à l’alinéa c) de la définition de “menaces envers la sécurité du Canada” figurant à l’article 2 de la Loi sur le SCRS qui sont inspirées par une interprétation violente de l’islam |||||||||||| dont les activités menées par les groupes énumérés à l’annexe 1 ».

[3]   Par conséquent, un nouveau numéro de dossier de la Cour aurait normalement été attribué à cette demande.

[4] Canada, Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada – deuxième rapport : la liberté et la sécurité devant la loi, Ottawa, La Commission, p. 551-552.

[5] Ibid., p. 585 [non souligné dans l’original].

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.