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Date : 20181016


Dossiers : T‑1163‑18

T‑1416‑18

Référence : 2018 CF 1034

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 octobre 2018

En présence de madame la protonotaire Mireille Tabib

Dossier : T‑1163‑18

ENTRE :

BIOGEN CANADA INC.,

BIOGEN INTERNATIONAL GMBH

ET ACORDA THERAPEUTICS, INC.

demanderesses

et

TARO PHARMACEUTICALS INC.

défenderesse

Dossier : T‑1416‑18

ET ENTRE :

BIOGEN CANADA INC.,

BIOGEN INTERNATIONAL GMBH

ET ACORDA THERAPEUTICS, INC.

demanderesses

et

APOTEX INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Les actions que vise la présente ordonnance ont été intentées sur le fondement de l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (DORS/93‑133) (le Règlement).

[2]  Les deux actions font suite à des avis d’allégation qu’ont envoyés Taro Pharmaceuticals Inc., dans le dossier no T‑1163‑18, et Apotex Inc., dans le dossier nT‑1416‑18. Dans leurs avis d’allégation respectifs, ces fabricants de génériques allèguent que la fampidrine que chacun d’eux souhaite vendre au Canada, et qu’ils comparent à la fampidrine de Biogen (vendue sous le nom de Fampyra), ne constituera pas une contrefaçon du brevet canadien no 2 562 277 (le brevet 277) et que le brevet 277 est invalide.

[3]  L’action de Taro a été intentée le 15 juin 2018 et celle d’Apotex le 24 juillet 2018. Dans leurs défenses respectives, Taro et Apotex revendiquent toutes deux l’invalidité du brevet 277 et bon nombre des motifs d’invalidité qu’elles soulèvent sont les mêmes. Or, les différences entre les motifs d’invalidité invoqués sont sur le point de disparaître : Apotex a fait part de son intention de modifier sa défense en vue d’y ajouter les allégations d’invalidité de Taro, avec le consentement de Biogen. Cette dernière a indiqué qu’elle donnerait son consentement si Taro souhaitait modifier sa propre défense en vue d’y ajouter les motifs d’invalidité invoqués dans la défense d’Apotex.

[4]  À la suite d’une première conférence de gestion de l’instance, tenue au début de juillet 2018, la Cour a fixé un échéancier pour les principales étapes de l’instance dans le cadre de l’action de Taro et a inscrit au rôle l’instruction de l’action pour une période de 10 jours à compter du 2 mars 2020.

[5]  À la première conférence de gestion de l’instance tenue dans le cadre de l’action d’Apotex, qui a eu lieu au début de septembre 2018, Biogen et Apotex ont proposé pour les principales étapes de leur action un échéancier selon lequel elles aussi seraient prêtes pour une instruction de deux semaines, dès le 2 mars 2020.

[6]  La question qui se pose est celle de savoir si les deux actions devraient être instruites en même temps, du moins pour ce qui est des questions d’invalidité.

[7]  Dans les litiges en matière de brevets pharmaceutiques, il est d’usage que la Cour, dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire, désigne le même juge pour instruire des affaires qui mettent en cause le même brevet et le même médicament. Les aspects scientifiques et techniques que comportent ces litiges sont si complexes qu’il faut un temps et des efforts considérables avant qu’un juge acquière une connaissance pratique des concepts scientifiques non litigieux de base qui seront nécessaires pour trancher les questions de fait en litige. Quand la Cour met ses connaissances durement acquises au service d’autres affaires qui l’exigent, elle ne fait qu’utiliser au mieux ses ressources judiciaires. Un juge qui a une excellente connaissance des éléments de preuve produits dans une affaire aura également une meilleure idée des situations où des différences entre les éléments de preuve produits dans une affaire différente pourraient justifier un résultat différent, et ce, sans contrevenir aux principes de la courtoisie judiciaire et de la prévisibilité.

[8]  Conformément à cet usage, la Cour désignerait donc en général le même juge pour l’instruction des deux actions de Taro et d’Apotex.

[9]  Étant donné que les questions d’invalidité soulevées dans les deux actions sont essentiellement les mêmes, que les avocats représentant Biogen sont les mêmes, que les mêmes inventeurs seront appelés à témoigner sur les mêmes questions de fait, que les deux actions seront instruites au même moment et qu’il faudrait que le juge soit le même, l’utilisation efficace du temps de la Cour et de celui des parties commande que les questions d’invalidité qui sont en litige dans les deux actions soient instruites ensemble.

[10]  Tant Biogen qu’Apotex consentent volontiers à cette mesure. Ce n’est pas le cas de Taro.

[11]  Les objections de Taro ne reposent pas sur un préjudice de fond ou procédural qu’une instruction commune risquerait de lui causer, mais sur l’idée que le fait d’agir de la sorte mènera à des jugements concordants, ce qui lui fera perdre l’avantage commercial d’être la première à commercialiser de la fampidrine générique.

[12]  Toutefois, je conclus que dans les circonstances de l’espèce, le fait d’ordonner que les questions d’invalidité communes soient instruites en même temps n’aurait pas pour effet de priver Taro des droits commerciaux ou stratégiques que lui confère le Règlement.

[13]  Le fait qu’un fabricant de génériques soit le premier à envoyer un avis d’allégation au sujet d’un médicament en particulier ne lui donne pas le droit d’être le premier à obtenir un jugement dans une action intentée en vertu du Règlement, ou ne lui garantit pas ce résultat.

[14]  Même si le Règlement prévoit un délai de 24 mois avant que de telles actions soient instruites et jugées, chaque litige est unique et se déroule à son propre rythme. Certaines actions comportent moins de questions litigieuses, et certains avocats trouvent plus facilement un terrain d’entente ou ont sensiblement les mêmes dates de disponibilité pour ce qui est des interrogatoires préalables, des requêtes préliminaires ou de l’instruction. C’est donc dire qu’une action intentée plusieurs semaines plus tard pourrait vraisemblablement être instruite avant une action qui a été intentée plus tôt. Un innovateur pourrait arriver à un règlement avec un fabricant de génériques dont l’avis d’allégation est daté d’après celui d’un autre fabricant de génériques. Même dans les cas où des procès sont censés avoir lieu séparément et dans l’ordre dans lequel les actions ont été intentées, rien ne garantit que les jugements seront rendus dans le même ordre. La Cour pourrait désigner des juges différents, qui travaillent à un rythme différent. Même dans les cas où un même juge instruit deux actions l’une après l’autre, ce juge peut trouver plus commode d’attendre, ou n’a peut-être pas le temps de rendre un jugement dans la première action avant que les deux aient été instruites. Enfin, il se peut qu’en dépit de quelques questions communes, l’un des procès soulève des questions plus difficiles que l’autre et qu’il faille donc plus de temps pour le régler.

[15]  Compte tenu de ces facteurs, Apotex pourrait en fin de compte commercialiser son produit ou obtenir son jugement avant Taro, même s’il était prévu que les procès aient lieu séparément.

[16]  En revanche, un procès commun sur les questions d’invalidité communes n’aurait pas forcément pour résultat qu’Apotex obtiendrait son jugement en même temps que Taro.

[17]  En fait, une ordonnance portant que les procès se déroulent en même temps à l’égard des questions d’invalidité ne scindera pas les questions en jeu dans le procès d’Apotex; elle prévoira simplement que l’instruction des questions d’invalidité commune débutera, dans le procès d’Apotex, en même temps que celle de Taro. Pour ce qui est de toutes les autres questions en litige, le procès d’Apotex sera alors reporté en avril 2020, tandis que le procès de Taro se poursuivra jusqu’à sa conclusion prévue, le 13 mars 2020. Ainsi, la juge du procès serait en mesure, si elle le décide ou si elle le peut, de rendre un jugement dans le procès de Taro avant de conclure le procès d’Apotex. Étant donné que les éléments de preuve relatifs à l’invalidité auront été les mêmes, Apotex et Biogen pourraient connaître l’issue probable du procès d’Apotex sur les questions d’invalidité quand le jugement relatif à Taro sera rendu, mais ce jugement ne sera pas en vigueur ou exécutoire, en soi, à l’égard de l’action d’Apotex.

[18]  En conclusion, je suis convaincue qu’une ordonnance établissant que le procès d’Apotex, relativement à toute question d’invalidité commune, débute le 2 mars 2020 et se déroule en même temps que l’instruction de l’action de Taro sur ces questions communes, constitue l’utilisation la plus efficace que l’on puisse faire du temps et des ressources de la Cour et des parties, qu’elle permettrait de régler de manière juste et de la façon la plus efficace et la moins coûteuse possible les questions qui sont en litige dans les deux actions, et qu’elle ne causerait vraisemblablement aucun préjudice aux droits substantiels ou procéduraux de Taro, y compris à ceux qui lui sont conférés par le Règlement.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

  1. Le procès dans le dossier de la Cour no T‑1416‑18 aura lieu à Toronto, à compter de 9 h 30 le 2 mars 2020, et, pour ce qui est de toutes les questions d’invalidité communes, il se déroulera en même temps que le procès dans le dossier de la Cour no T‑1163‑18.

  2. Le procès dans le dossier de la Cour no T‑1416‑18 sera ajourné, en raison des questions d’invalidité communes, et reprendra à Toronto à compter de 9 h 30 le 20 avril 2020, et ce, pour une durée maximale d’une semaine.

« Mireille Tabib »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour de novembre 2018.

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1163‑18

 

INTITULÉ :

BIOGEN CANADA INC., BIOGEN INTERNATIONAL GMBH, ET ACORDA THERAPEUTICS, INC. c TARO PHARMACEUTICALS INC.

 

ET DOSSIER :

T‑1416‑18

 

INTITULÉ :

BIOGEN CANADA INC., BIOGEN INTERNATIONAL GMBH, ET ACORDA THERAPEUTICS, INC. c APOTEX INC.

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE TABIB

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 OCTOBRE 2018

COMPARUTIONS :

John Norman

Jennifer Wilkie

Rebecca Stiles

 

POUR LES DEMANDERESSES

BIOGEN CANADA INC.,

BIOGEN INTERNATIONAL GMBH

ET ACORDA THERAPEUTICS, INC.

 

Jonathan Stainsby

Scott A. Beeser

 

POUR LA défenderesse

TARO PHARMACEUTICALS INC.

 

Harry B. Radomski

Ben Hackett

 

POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowlings WLG (Canada) LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

BIOGEN CANADA INC.,

BIOGEN INTERNATIONAL GMBH

ET ACORDA THERAPEUTICS, INC.

 

Aitken Klee LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA défenderesse

TARO PHARMACEUTICALS INC.

 

Goodmans LLP

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC.

 

 

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