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Dossier : IMM‑761‑18

Référence : 2018 CF 1102

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2018

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

GYUAL GASPAR,

ERIKA HORVATINE GASPAR,

GYULANE GASPAR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sont des citoyens de la Hongrie. Ils sont arrivés au Canada le 26 mai 2016 et ils ont demandé l’asile. M. Gyula Gaspar, son épouse Gyulane et leur fille adulte Erika Horvathne soutiennent qu’ils seront victimes de persécution en tant que Roms s’ils retournent en Hongrie. Dans une décision datée du 3 mai 2017, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] a rejeté leurs demandes, leur crédibilité étant la question déterminante. Les demandeurs ont interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la Section d’appel des réfugiés [la SAR]. La SAR a rejeté l’appel dans une décision rendue le 22 janvier 2018 et, en vertu du paragraphe 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], elle a confirmé la décision de la SPR. Les demandeurs présentent maintenant une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAR en vertu du paragraphe 72(1) de la LIPR. Ils demandent à la Cour d’annuler la décision de la SAR et de renvoyer l’affaire à un autre commissaire de la SAR pour qu’il procède à un nouvel examen.

I.  Le contexte

[2]  Les demandeurs fondent leur crainte de persécution sur une série d’incidents qui remonte à 2014 et à de mauvais traitements généraux subis toute leur vie. Ils soutiennent qu’ils ont été expulsés de force de leur maison en mai 2014, après un avis de huit jours seulement et que, plus tard cette année‑là, ils ont été agressés par la Garde hongroise. Ils ont signalé l’agression à la police, mais cette dernière a refusé de faire enquête. Les demandeurs soutiennent qu’ils ont été agressés une nouvelle fois par des membres de la Garde hongroise en janvier 2015. Ils ont encore signalé cette agression à la police, mais cette dernière n’a toujours pas voulu faire enquête.

[3]  La SPR a jugé que le témoignage des demandeurs [traduction] « était exceptionnellement mauvais. Il était intrinsèquement incohérent, laborieux et parfois il ne portait pas sur les questions posées ». Devant la SPR, Mme Gaspar a attribué son témoignage incohérent portant sur l’éviction aux médicaments qu’elle prenait à l’époque pour traiter sa pression artérielle. La SPR a souligné qu’aucune preuve médicale indépendante n’appuyait cette prétention et que les autres demandeurs avaient témoigné de façon tout aussi incohérente quant à l’éviction, malgré qu’ils n’aient pas pris le même médicament. Au bout du compte, la SPR a conclu que les demandeurs étaient [traduction] « dénués de toute crédibilité » et que leurs [traduction] « allégations principales étaient visées par toute une panoplie de problèmes de crédibilité ».

II.  La décision de la SAR

[4]  Après avoir résumé les prétentions des demandeurs, la SAR a souligné que le paragraphe 110(4) de la LIPR limite l’admission de la preuve en appel devant la SAR en précisant que sont uniquement admissibles en preuve (1) les éléments de preuve survenus depuis le rejet de la demande par la SPR; (2) les éléments de preuve qui n’étaient alors pas normalement accessibles au moment du rejet de la demande par la SPR; ou, (3) s’ils l’étaient, qu’un appelant n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet de la demande par la SPR. La SAR a ensuite examiné la demande des demandeurs que des documents sur leur état de santé et les médicaments qu’ils prenaient soient acceptés en preuve. Les demandeurs ont reconnu que cette preuve était survenue avant le rejet par la SPR de leur demande et qu’elle était normalement accessible au moment où cette dernière a rejeté leur demande. Ils ont toutefois soutenu devant la SAR qu’on ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que cette preuve soit présentée au moment où la SPR a rejeté leur demande parce que, même s’ils avaient fourni les documents à leur avocat, ce dernier ne les avait pas transmis à la SPR. La SAR a rejeté cet argument parce que, s’il était accepté, tout demandeur qui changerait d’avocat aurait le droit de présenter de nouveaux éléments de preuve simplement en déclarant qu’un avocat devant la SPR avait fait preuve de négligence en ne présentant pas les documents. La SAR a donc conclu que les demandeurs n’ont pas démontré que les nouveaux documents étaient visés par l’une des exceptions relatives aux nouveaux éléments de preuve prévus par le paragraphe 110(4).

[5]  La SAR a ensuite évalué les arguments des demandeurs selon lesquels a) la SPR a tiré une conclusion contradictoire lorsqu’elle a conclu à la fois que les Roms étaient victimes de discrimination et de harcèlement généralisés partout en Hongrie, et que les demandeurs n’avaient pas été persécutés; b) la SPR a commis une erreur en concluant que seuls les mauvais traitements subis dans le passé pouvaient équivaloir à de la persécution; c) la SPR n’a pas tenu compte de la preuve médicale pour tirer ses conclusions; et d) elle a commis une erreur dans son évaluation de la preuve documentaire.

[6]  Selon la SAR, la SPR n’a pas formulé une conclusion contradictoire lorsqu’elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas fait l’objet de persécution. La SAR a examiné la preuve liée à la possibilité que les demandeurs soient persécutés et a rejeté leur argument selon lequel la SPR a commis une erreur en se concentrant uniquement sur les mauvais traitements subis dans le passé.

[7]  Pour ce qui est de l’argument des demandeurs selon lequel la SPR a écarté la preuve médicale lorsqu’elle en est venue à ses conclusions, la SAR a conclu qu’il était trompeur et elle a indiqué que la SPR a fait observer qu’il manquait des éléments de preuve médicaux indépendants pour expliquer le témoignage incohérent de Mme Gaspar et que les deux autres demandeurs avaient témoigné de façon tout aussi incohérente sans présenter les mêmes problèmes médicaux. La SAR a conclu que la SPR n’avait pas l’obligation d’évaluer les autres problèmes de santé des demandeurs qui étaient divulgués dans les nouveaux documents parce que, au moment de l’audience devant la SPR, ils n’avaient pas soutenu que ces problèmes avaient un effet sur leur témoignage.

[8]  En ce qui concerne l’argument des demandeurs selon lequel la SPR a commis une erreur dans son évaluation de la preuve documentaire, en particulier les lettres émanant d’une organisation de lutte pour l’autonomie des Roms et une lettre émanant d’un refuge, la SAR a conclu que la valeur probante de ces documents ne l’emportait pas sur les conclusions cumulatives quant à la crédibilité formulées par la SPR; ces conclusions, selon la SAR, n’ont pas été contestées par les demandeurs en appel.

III.  Analyse

[9]  La demande de contrôle judiciaire soulève une question principale : la décision de la SAR était‑elle raisonnable?

A.  La norme de contrôle applicable

[10]  La norme de contrôle applicable à l’examen d’une décision de la SAR est celle de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 35, [2016] 4 RCF 157). Selon la norme de la décision raisonnable, la Cour, lorsqu’elle procède à l’examen d’une décision administrative, doit s’en tenir « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » et elle doit s’employer à déterminer « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

[11]  Ces critères sont respectés si « les motifs […] permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708). Dans la mesure où « le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » et il ne rentre pas « dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 et 61, [2009] 1 RCS 339).

B.  Les observations des parties

[12]  Les demandeurs prétendent que la SAR a agi de façon déraisonnable lorsqu’elle n’a pas accepté les nouveaux éléments de preuve, affirmant que cela pourrait représenter un déni d’équité procédurale et que la situation se prêtait à une application souple du paragraphe 110(4) de la LIPR. Selon eux, la décision de la SAR est inintelligible et déraisonnable parce qu’elle n’explique pas suffisamment la raison pour laquelle le harcèlement et la discrimination subis partout en Hongrie n’équivalent pas à de la persécution.

[13]  Selon les demandeurs, la SAR n’a pas fourni de motif intelligible pour confirmer la décision de la SPR, qui évaluait leurs craintes de persécution en fonction d’une persécution passée. Selon eux, la SAR a de façon déraisonnable confirmé les conclusions de la SPR sur plusieurs éléments de preuve documentaire, notamment des lettres émanant d’une organisation rom et les lettres émanant d’un refuge.

[14]  Les demandeurs prétendent que la SPR aurait dû tenir compte de la preuve médicale en question puisqu’elle concerne leur crédibilité; de plus, selon Hassan c Canada, [1999] ACF no 1359, 174 FTR 288, (CF) [Hassan], les demandeurs n’ont pas l’obligation de divulguer, quant à leur état de santé, des renseignements qui pourraient influencer leur crédibilité, et la SPR doit examiner la preuve existante sur l’état de santé qui pourrait avoir un effet sur la crédibilité d’un demandeur. Selon le défendeur, toutefois, il était raisonnable pour la SAR de conclure que la décision de la SPR sur la crédibilité était juste parce que les demandeurs n’ont pas explicitement mentionné que leur état de santé pouvait avoir un effet négatif sur leur témoignage.

[15]  Il était raisonnable pour la SAR, en l’espèce, de ne pas accepter la nouvelle preuve des demandeurs. La preuve était facilement accessible à l’étape de l’instance devant la SPR et il était raisonnable pour la SAR de conclure que les demandeurs auraient pu présenter cette preuve à la SPR. La SAR a expliqué le processus d’acceptation d’une nouvelle preuve en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR, et la nature de l’argument des demandeurs. Elle a expliqué que la preuve des demandeurs ne pouvait pas être acceptée parce qu’elle n’était pas visée par l’une des exceptions prévues au paragraphe 110(4). Cette conclusion était transparente, justifiable et intelligible.

[16]  Je ne souscris pas à l’argument des demandeurs selon lequel la SAR n’a pas suffisamment expliqué la raison pour laquelle le harcèlement et la discrimination subis partout en Hongrie n’équivalaient pas à de la persécution. La SAR a clairement expliqué que la reconnaissance d’une discrimination et d’un harcèlement répandus contre les Roms ne signifie pas que ces préjudices sont répétitifs et systématiques. La SAR a poursuivi en déclarant qu’une conclusion de persécution dépend de facteurs comme la gravité du harcèlement et de la discrimination et de la situation de la ou des personnes. Ce raisonnement est également justifiable, transparent et intelligible. La SAR a eu raison de confirmer la décision de la SPR à cet égard.

[17]  Je ne souscris pas non plus à l’argument des demandeurs selon lequel la SAR n’a pas fourni de motif intelligible pour confirmer la décision de la SPR, qui évaluait leurs craintes de persécution en fonction d’une persécution passée. La SAR a conclu que la SPR avait en fait tenu compte du risque de persécution au retour des demandeurs en Hongrie et elle a expliqué que les préjudices passés et futurs pouvaient être pertinents. Il n’est pas juste de dire que la SPR et la SAR, en l’espèce, se sont concentrées exclusivement sur les mauvais traitements subis dans le passé. Le raisonnement de la SAR à cet égard est clair et logique.

[18]  Pour ce qui est de l’argument des demandeurs selon lequel la SPR doit tenir compte de la preuve existante au sujet de l’état de santé qui pourrait avoir un effet sur la crédibilité d’un demandeur, je commence par faire remarquer que depuis Hassan, plusieurs décisions de la Cour ont conclu que les commissions du statut de réfugié doivent expressément examiner la preuve médicale qui pourrait expliquer le manque de crédibilité d’un demandeur (voir, par exemple, Lozano Pulido c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 209, aux par. 34 et 35, 155 ACWS (3d) 648 [Lozano Pulido]; Gaymes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 801, au par. 16, 191 ACWS (3d) 587 [Gaymes]; Mubiala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1105, au par. 10, 208 ACWS (3d) 161 [Mubiala]; Lahpai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 88, au par. 11, 103 ACWS (3d) 798 [Lahpai]).

[19]  Les demandeurs ont raison de dire que la décision Hassan n’impose pas une obligation de divulguer sur l’état de santé des renseignements qui pourraient avoir un effet sur leur crédibilité. Dans la décision Hassan, un rapport médical avait été soumis et il indiquait que le demandeur d’asile « avait obtenu des résultats inférieurs aux attentes en ce qui a trait à la fluidité verbale, à la vitesse psychomotrice, à la flexibilité mentale et à l’apprentissage verbal », et qu’il avait obtenu un résultat médiocre aux tests cognitifs. La Cour a conclu ce qui suit au paragraphe 20 :

[...] en tirant sa conclusion, le tribunal ne s’est pas attardé dans ses motifs sur le contenu du rapport médical qui lui avait été soumis. À mon avis, ce rapport était à la fois convaincant et pertinent pour la conclusion sur la crédibilité. Les lacunes du témoignage du demandeur qui ont amené le tribunal à conclure que ce témoignage n’était pas digne de foi sont aussi compatibles avec les problèmes psychiatriques et autres dont, suivant le rapport, M. Hassan souffre, le traitement qu’il reçoit pour ceux‑ci et les résultats des tests que lui a fait passer le psychologue.

[20]  De même, dans la décision Lahpai, la SPR a obtenu une lettre d’un psychologue qui portait directement sur l’incapacité du demandeur à participer efficacement à un processus d’entrevue. Même si elle n’est pas déterminante dans l’affaire, la Cour a fait l’observation suivante : « la Commission aurait dû faire référence à cette lettre dans sa décision et expliquer pourquoi elle l’avait rejetée ».

[21]  Dans la décision Lozano Pulido, le rapport psychologique qui avait été présenté au nom du demandeur indiquait que « le stress de l’audience pouvait causer beaucoup d’angoisse pour M. Lozano, ce qui affecterait sa capacité à se concentrer et à se souvenir des détails ». Un autre rapport psychologique indiquait que le premier jour d’audience avait exacerbé les problèmes de santé mentale de M. Lozano, ce qui avait désorganisé ses pensées et affaibli sa concentration. La Cour a conclu qu’il était « manifestement déraisonnable que la Commission conclue que le témoignage de M. Lozano n’était pas crédible sans qu’elle ait correctement examiné l’opinion du Dr Diaz au sujet des effets que le trouble bipolaire non traité de M. Lozano avait pu avoir sur sa capacité à témoigner le premier jour de l’audience » (au paragraphe 35).

[22]  Dans la décision Mubiala, la Cour a conclu (au paragraphe 14) que la SPR n’a pas à tenir expressément compte d’un rapport médical si l’état de santé est examiné en fonction de la capacité d’un demandeur à se remémorer certains faits. Dans la même veine, dans la décision Gaymes, la Cour a conclu (au paragraphe 18) que l’omission de mentionner explicitement un rapport médical ne veut pas nécessairement dire que la Commission n’a pas tenu compte de l’état de santé.

[23]  Les décisions Gaymes, Hassan, Lahpai, Lozano Pulido et Mubiala indiquent que la SPR doit tenir compte de la preuve sur l’état de santé qui nuit à la capacité d’un demandeur à fournir un témoignage crédible. Même si des rapports médicaux précis n’ont pas à être explicitement ou spécifiquement examinés, il doit toujours ressortir des motifs d’un décideur que l’état de santé et son effet possible sur la crédibilité du demandeur ont été évalués. Comme l’a déclaré la Cour dans la décision Lahpai (au paragraphe 21) :

La Commission est censée avoir évalué la totalité des documents qui ont été déposés devant elle et elle n’est pas toujours obligée d’y faire référence expressément dans sa décision mais, quand la preuve est omise, non seulement de la décision, mais de l’examen à l’audience, et que cette preuve contredit carrément les conclusions de la Commission sur la question principale, la Commission doit manifestement faire référence à cette preuve et indiquer pourquoi elle n’y a pas accordé foi. […]

[24]  Les décisions Hassan, Lahpai et Lozano Pulido concernaient chacune des demandeurs dont la preuve médicale portait directement atteinte à leur crédibilité. En l’espèce, toutefois, la preuve médicale est variée et elle ne touche pas directement aux questions de crédibilité. La SAR a résumé l’état de santé des demandeurs en déclarant que le dossier de la SPR indiquait ce qui suit :

[...] M. Gaspar est malentendant, qu’il souffre d’anxiété, qu’il a un trouble de sommeil, qu’il suit un traitement psychiatrique et qu’il a régulièrement besoin de traitement médical; que Mme Gaspar n’arrive à dormir qu’en prenant des somnifères et qu’elle a peur de sortir de la maison; que Mme Horvathne Gaspar souffre d’anxiété et qu’elle a des craintes et des cauchemars.

[25]  Il ne s’agit pas d’affections qui semblent être liées directement à la crédibilité. À cet égard, la SAR a conclu ce qui suit :

[…] il est vrai que les divers problèmes médicaux de chacun des appelants, qui ont été mentionnés précédemment, n’ont pas été abordés par la SPR au moment où elle a tiré ses conclusions quant à la crédibilité. Or, ces maladies ne constituent pas des éléments sur lesquels les appelants se sont fondés pour expliquer leur témoignage incohérent. La SAR a examiné l’enregistrement des audiences et elle constate que, chaque fois où la SPR a relevé une incohérence dans le témoignage de l’un des appelants, l’appelant en question a eu l’occasion de fournir une explication. Outre l’affirmation de Mme Gaspar selon laquelle les médicaments qu’elle prend pour son hypertension artérielle avaient affecté sa mémoire dans le cadre de son témoignage au sujet de l’expulsion de la famille, les appelants n’ont pas affirmé que leurs problèmes médicaux, ou les médicaments qu’ils ont pris en conséquence ont eu une incidence sur leur capacité de témoigner. En l’absence d’un lien établi entre les différentes maladies (autre que l’hypertension artérielle) et le témoignage des appelants, la SPR n’avait pas l’obligation de tenir compte de ces problèmes au moment d’évaluer la crédibilité des appelants.

[26]  Même si la preuve médicale en l’espèce n’a pas explicitement ou spécifiquement été examinée par la SPR, celle‑ci ne contredit pas carrément les conclusions de la SPR quant à la crédibilité, en revanche, elle ne fait que démontrer l’éventail des problèmes physiques et mentaux des demandeurs.

[27]  Enfin, l’argument des demandeurs selon lequel la SAR a de façon déraisonnable confirmé les conclusions de la SPR sur plusieurs éléments de preuve documentaire, notamment des lettres émanant d’une organisation rom et d’un refuge, n’est pas convaincant. À mon avis, la SAR a conclu de façon raisonnable que, puisque l’organisation de lutte pour l’autonomie des Roms ne pouvait pas être qualifiée de « fonctionnaire étranger compétent », les lettres de cette organisation ne pouvaient pas être acceptées comme preuve de leur contenu. De plus, il était raisonnable pour la SAR de conclure que, même si les lettres de l’organisation de lutte pour l’autonomie des Roms devaient être considérées comme un document provenant d’un fonctionnaire étranger compétent et acceptées comme preuve de leur contenu, elles devaient quand même être écartées, puisque la SPR a formulé des conclusions non contestées en matière de crédibilité à leur sujet parce que les renseignements qui y figuraient étaient autodéclarés et parce que M. Gaspar n’a pas été en mesure d’indiquer à quel moment les lettres ont été demandées. Bref, la confirmation par la SAR du traitement fait par la SPR de cette preuve documentaire était raisonnable et ses motifs à cet égard étaient transparents et justifiables.

IV.  Conclusion

[28]  Pour terminer, je conclus que la SAR a mené de façon raisonnable sa propre analyse indépendante du dossier. Les motifs de la SAR fournissent une explication intelligible et transparente de sa décision de rejeter l’appel des demandeurs, et le résultat peut se justifier au regard des faits et du droit.

[29]  Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale, et aucune question de ce genre n’est donc certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑761‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour de novembre 2018.

Claude Leclerc, traducteur



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