Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20181011


Dossier : IMM-687-18

Référence : 2018 CF 1023

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie Britannique), le 11 octobre 2018

En présence de madame la juge Simpson 

Dossier : IMM-687-18

ENTRE :

DEBBIE CECILIA VAN HOFFEN

ASHLEIGH CECILIA GONCALVES

demanderesses

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  PROCÉDURES

[1]  Debbie Cecilia Van Hoffen (la demanderesse principale) et sa fille mineure, Ashleigh Cecilia Goncalves (Ashleigh) (ensemble, les demanderesses) ont déposé la présente demande de contrôle judiciaire des décisions du 15 décembre 2017 (les décisions) prises par un agent du bureau des visas du Haut-commissariat du Canada à Prétoria, en Afrique du Sud (l’agent des visas), lesquelles ont rejeté les demandes de visa de résident temporaire des demanderesses. La présente demande est déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (LIPR).

II.  CONTEXTE

[2]  La demanderesse principale est une citoyenne de l’Afrique du Sud âgée de 45 ans. Sa fille, Ashleigh, a 7 ans et est également citoyenne sud-africaine. Depuis 1989, la demanderesse principale vit en union de fait avec le père d’Ashleigh, Tony Vincente Goncalves (l’époux).

[3]  En 2016 et 2017, la demanderesse principale a présenté quatre demandes de visas de visiteur et de permis d’études canadiens. Elles ont toutes été refusées. Par la suite, le 22 septembre 2017, avec l’aide d’un consultant en immigration, la demanderesse principale a présenté une demande de visa temporaire (les demandes de visa) pour elle-même ainsi que pour sa fille mineure qui l’accompagnait afin qu’elle puisse poursuivre un programme de diplôme en administration des affaires de deux ans au Northern Alberta Institute of Technology (NAIT).

III.  DÉCISIONS

[4]  Voici ce que la décision concernant la demanderesse principale indique : [traduction] « vous ne m’a pas convaincu que vous quitteriez le Canada à la fin de votre séjour à titre de résident temporaire ». L’agent des visas a coché les cases suivantes indiquant les facteurs pris en considération, soit l’objet de la visite, les perspectives d’emploi dans le pays de résidence, les biens personnels et la situation financière. La décision défavorable d’Ashleigh était fondée sur le rejet de la demande de sa mère.

[5]  Il n’y a pas de saisie dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) dans le dossier certifié du tribunal (DCT), lequel est antérieur aux décisions. Cependant, le dossier comprend une entrée du SMGC datée du 16 décembre 2017. Les parties conviennent qu’il s’agit de l’entrée contenant les décisions de l’agent des visas.

[6]  Les notes du SMGC sont ainsi rédigées :

[traduction]

Examen de la demande et des documents à l’appui. Demande pour un programme d’administration des affaires de deux ans au Northern Alberta Technology Institute. Quatre refus antérieurs en 2016 et 2017 ont été notés. Recours à un représentant noté. Origine sud-africaine, 44 ans. Sera accompagnée d’un enfant mineur (1-EMXLIES). Pour les études postsecondaires, indique des études en gestion financière de janvier 2005 à novembre 2005 à l’Institut de santé Anova (ONG). Pour ce qui est de l’expérience de travail, a indiqué avoir travaillé comme adjointe à Accounting Wise en août 2016, puis comme gestionnaire comptable débiteur à Timbali PTY Ltd. (de septembre 2016 à juillet 2017) et comptable à l’Institut de santé Anova (ONG) d’avril 2017 à septembre 2017. Indique qu’elle restera avec sa mère et sa sœur à Edmonton en Alberta. Les documents financiers ont été soigneusement examinés; étant donné les refus antérieurs pour des raisons financières, on a également examiné les finances des demandes précédentes. Je remarque qu’il y a eu une série de dépôts forfaitaires au cours des mois suivants qui ont gonflé les fonds. On ne sait toujours pas quelle était la source de beaucoup de ces dépôts. La DP a utilisé des fonds de pension et a vendu sa maison pour aider à payer les études. A transféré 59 008,82 $ du compte de son conjoint comme fruit de la vente de leur maison. Je suis préoccupé par le fait que la DP a choisi de prendre de telles mesures pour financer les études proposées. Plan d’étude entièrement envisagé et explication des études proposées; examiné également l’information sur le programme d’études proposé. Des programmes et des cours semblables sont facilement accessibles en Afrique du Sud et dans la région, à bien moindre coût. Je ne trouve pas crédible l’explication selon laquelle cela prendrait plus de temps en Afrique du Sud. D’après les renseignements fournis, je ne suis pas convaincu que les études proposées soient logiques et justifieraient les coûts des études au Canada plutôt que de poursuivre des programmes facilement accessibles dans la région pour une fraction des coûts. Je ne suis pas convaincu que la DP soit une étudiante authentique qui quittera le Canada à la fin d’un séjour autorisé. Rejeté. [Non souligné dans l’original]

IV.  Les questions en litige

Les décisions étaient-elles raisonnables?

Y a-t-il eu un déni d’équité procédurale?

V.  Les observations de la demanderesse

Question i : Raisonnabilité

[7]  La demanderesse principale soutient qu’elle était seulement tenue d’établir qu’elle avait suffisamment de fonds pour couvrir ses frais de scolarité de la première année (15 085 $ CA), ses frais de déplacement (2 000 $ CA), ses frais de subsistance (10 000 $ CA) et une somme pour Ashleigh (3 000 $ CA). La demanderesse principale soutient que la preuve présentée à l’agent des visas indiquait qu’elle disposait de plus de 100 000 $ CA. De plus, elle a fourni des lettres d’appui de sa mère et de sa sœur qui vivent à Edmonton, en Alberta, indiquant qu’elle et Ashleigh pouvaient habiter avec eux sans frais, logement et couvert, et qu’ils fourniraient des soins à Ashleigh. Par conséquent, la demanderesse principale affirme qu’il n’y avait aucun motif pour l’agent des visas de rejeter les demandes de visa en raison de ses avoirs personnels et de sa situation financière.

[8]  La demanderesse principale soutient en outre que la préoccupation de l’agent des visas selon laquelle elle a vendu la maison qu’elle possédait conjointement avec son époux et qu’elle a utilisé son fonds de pension pour ses études était déraisonnable et injustifiée. La demanderesse principale fait valoir que si elle souhaite utiliser son avoir foncier et sa pension pour financer ses études, ce n’est pas déraisonnable et que le rapprochement des coûts et des avantages n’est pas le rôle d’un agent des visas.

[9]  De plus, la demanderesse principale soutient que, bien que l’agent des visas ait conclu que des programmes de formation semblables à ceux offerts au NAIT étaient également offerts en Afrique du Sud et ses régions, et ce, à des coûts beaucoup moins élevés, il n’a pas pris en considération les raisons pour lesquelles la demanderesse principale préfère entreprendre des études au NAIT. Ces raisons comprennent sa capacité d’étudier au Canada à temps plein ainsi que le prestige accordé à un diplômé canadien en Afrique du Sud. Le consultant de la demanderesse a informé l’agent des visas que la pression sociale en Afrique du Sud l’obligerait à travailler à temps plein pendant qu’elle étudie à temps partiel pendant plusieurs années. Comme l’indiquent les notes du SMGC, l’agent des visas n’a pas trouvé cette déclaration crédible.

[10]  La demanderesse principale soutient également que la disponibilité d’autres programmes à moindres coûts ne peut être déterminante. Elle cite la décision Zuo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 88, où le juge Pinard a déclaré, au paragraphe 23 :

Je conviens qu’il n’est pas déraisonnable de la part d’un agent des visas de tenir compte de la disponibilité de programmes semblables offerts ailleurs à un coût moindre; cependant, ce fait ne sera pas nécessairement déterminant. S’il l’était, bon nombre, sinon la plupart des demandes de permis d’études pourraient être refusées pour ce motif. De plus, les personnes qui choisissent des programmes d’études peuvent fonder leur choix sur des facteurs autres que le coût du programme. La disponibilité de programmes semblables ailleurs à un coût inférieur est simplement un facteur que l’agent des visas peut prendre en compte au cours de l’évaluation de motifs qui incitent un demandeur à solliciter un permis d’études.

[11]  La demanderesse principale soutient que la preuve soumise à l’agent des visas établit qu’elle a choisi le diplôme en administration des affaires du NAIT parce que la qualité de l’éducation en Afrique du Sud est faible et que les études à l’étranger sont valorisées. À cet égard, elle a présenté une lettre d’offre d’emploi d’Accounting Wise, une entreprise d’Afrique du Sud, qui était conditionnelle à l’achèvement de ses études à l’étranger.

[12]  Enfin, la demanderesse principale soutient qu’il n’y avait rien devant l’agent des visas lui permettant de conclure que la demanderesse principale ne retournerait pas en Afrique du Sud. Dans sa lettre du 18 septembre 2017, que l’agent des visas avait en sa possession, la demanderesse a déclaré que son conjoint de fait ne l’accompagnerait pas, mais qu’il attendrait son retour, qu’elle avait deux sœurs aînées, cinq nièces et son père en Afrique du Sud, qu’elle y avait une offre d’emploi et qu’elle avait des antécédents de voyage favorables. Elle rappelle avoir voyagé au Canada trois fois dans le passé, soit en 1996, en 1998 et en 2006, et qu’elle est toujours retournée en Afrique du Sud une fois ses visas arrivés à échéance.

Question ii : Équité procédurale

[13]  Les décisions de l’agent des visas étaient hautement discrétionnaires et l’équité procédurale, bien qu’accessible, est offerte au bas niveau. Néanmoins, la demanderesse soutient que, si l’agent des visas était préoccupé par l’une des questions énumérées ci-dessous, il serait obligé de donner à la demanderesse principale l’occasion de répondre à ces préoccupations :

  1. La source de certains dépôts dans le compte bancaire de la demanderesse indiquée dans les quatre mois de relevés bancaires inclus dans les demandes de visa.

  2. La raison pour laquelle la demanderesse a encaissé sa pension et a vendu sa maison alors que ces activités ont généré plus d’argent que ce dont elle avait besoin pour ses études au NAIT.

  3. La pression sociale l’obligerait à travailler à temps plein et à étudier à temps partiel en Afrique du Sud.

[14]  À cet égard, la demanderesse cite l’affaire Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, où le juge Mosley a déclaré, au paragraphe 24 :

Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci-dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande, comme dans Rukmangathan, ainsi que dans John [John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 26 Imm. L.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.)] et Cornea [Cornea c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 30 Imm. L.R. (3D) 38 (CF)] citées par la Cour dans Rukmangathan, précitée.

[15]  Il convient de noter que le juge Mosley déclare qu’une obligation « peut exister ». À mon avis, aucune obligation ne sera imposée à moins qu’on puisse dire que la question est importante.

VI.  ANALYSE DES DEUX QUESTIONS

i. Caractère raisonnable

[16]  À mon avis, les décisions étaient raisonnables malgré le fait que l’agent des visas n’a pas mentionné tous les aspects positifs de la demande de visa de la demanderesse principale décrits ci-dessus. L’agent des visas a été confronté à une situation où la demanderesse principale avait encaissé sa pension et avait vendu sa maison, le seul bien qu’elle partageait avec son conjoint de fait. Compte tenu de ces faits, l’agent des visas a exprimé une « préoccupation » raisonnable, puisque la demanderesse principale avait pris des mesures afin de liquider ses actifs en Afrique du Sud, alors que le coût de ses études au Canada ne semblait pas justifier de telles mesures. Dans ces circonstances, l’agent des visas pouvait conclure, nonobstant les autres éléments de preuve, que la liquidation des actifs appuyait une conclusion selon laquelle la demanderesse principale n’était pas une étudiante authentique et qu’elle avait l’intention de rester au Canada avec sa fille.

ii. Équité procédurale

[17]  Contrairement aux observations de la demanderesse principale, l’agent des visas ne s’est pas appuyé sur ses demandes de visa antérieures. Il a seulement fait remarquer que, depuis la plus récente demande, les quatre mois de relevés bancaires fournis avec les demandes de visa actuelles montraient que plus d’argent avait été versé dans ses comptes et qu’il ne pouvait pas déterminer la provenance de tous les paiements. Toutefois, cette observation n’a pas amené l’agent à remettre en question la légalité des fonds ni le fait qu’ils appartenaient à la demanderesse principale. Dans ces circonstances, la demanderesse principale n’avait rien à répondre au commentaire de l’agent des visas selon lequel ses sources de revenus n’étaient pas toutes connues.

[18]  La demanderesse principale a expliqué dans sa lettre du 18 septembre 2017, qui a été présentée à l’agent des visas, qu’elle utiliserait ses fonds pour payer ses frais de scolarité (environ 30 000 $ au total) afin de payer l’école de sa fille, leurs billets d’avion et leurs frais de subsistance. Elle a avisé l’agent des visas qu’elle avait l’intention de [traduction] « vivre confortablement ». Nonobstant ces renseignements, l’agent des visas a commenté la vente de maison et la liquidation de la pension et a déclaré ce qui suit : [traduction] « [j]e suis préoccupé par le fait que la DP a choisi de prendre de telles mesures pour financer les études proposées ». À mon avis, l’agent des visas détenait déjà l’explication de la demanderesse sur les raisons pour lesquelles elle avait besoin de 100 000 $ CA, mais il était néanmoins préoccupé. Dans ces circonstances, il n’était pas nécessaire de donner à la demanderesse une autre occasion d’expliquer pourquoi elle avait vendu ses actifs et créé un solde bancaire aussi important.

[19]  Enfin, je suis d’avis que la conclusion relative à la crédibilité au sujet des pressions sociales n’était pas importante et que, pour cette raison, il n’était pas nécessaire de donner à la demanderesse la possibilité de répondre à cette conclusion.

[20]  En résumé, les décisions ont porté sur la préoccupation de l’agent des visas selon laquelle la demanderesse principale avait liquidé ses actifs, ce qui n’était pas contesté.

VII.  Certification

[21]  Aucune des parties n’a posé de question à certifier en vue d’un appel.

[22]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-687-18

APRÈS avoir pris connaissance de la demande de contrôle judiciaire des demanderesses relativement aux décisions du 15 décembre 2017 leur refusant un visa de résidence temporaire;

ET APRÈS avoir lu les documents déposés et entendu les observations des avocats des deux parties à Vancouver, le 10 octobre 2018;

ET APRÈS avoir été avisée qu’aucune question n’avait été posée pour l’accréditation en vue d’un appel;

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire.

« Sandra J. Simpson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-687-18

INTITULÉ :

DEBBIE CECILIA VAN HOFFEN, ASHLEIGH CECILIA GONCALVES c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE l’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (ColOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 10 Octobre 2018

jugement et motifs :

la juge SIMPSON

DATE DES MOTIFS :

le 11 Octobre 2018

COMPARUTIONS :

Harry Virk

pour les demanderesses

Sarah Pearson

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Liberty Law Corporation

Avocats

Abbotsford (Colombie-Britannique)

pour les demanderesses

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.