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Date : 20181015

Dossier : IMM-4005-17

Référence : 2018 CF 1029

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2018

En présence du juge en chef

ENTRE :

ZAVAION FORDE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  L’une des fonctions importantes de notre Cour est de veiller à ce que l’exercice du pouvoir discrétionnaire par les membres de l’organe exécutif du gouvernement fédéral soit conforme à la portée autorisée par le Parlement. La situation classique dans laquelle la Cour est appelée à jouer ce rôle, c’est lorsqu’un membre de l’organe exécutif a pris, ou se propose de prendre, une mesure qui dépasse peut-être la portée du pouvoir discrétionnaire accordé par le Parlement. Un deuxième type de situation se produit lorsqu’un ou plusieurs membres du public soutiennent qu’un décideur de l’organe exécutif a arbitrairement exclu la prise en compte d’un élément qui relevait du pouvoir discrétionnaire de cette personne.

[2]  Dans ces deux cas, la Cour doit faire preuve de vigilance pour s’assurer que l’exercice du pouvoir discrétionnaire a été ou sera conforme à la loi.

[3]  Dans l’exercice de ce rôle, la Cour doit accorder une importance primordiale au droit, même lorsque les efforts habiles et animés déployés par les avocats pour stimuler et susciter sa compassion peuvent avoir atteint leur but. Tout contournement de cette lourde responsabilité peut avoir des effets négatifs profonds sur la confiance du public à l’égard de la Cour et de la primauté du droit. Dans le domaine du droit de l’immigration, cela peut également miner la confiance du public à l’égard du système d’immigration de notre pays et de son intégrité, car des motifs d’ordre humanitaire semblent être invoqués au nom de la plupart des demandeurs de contrôle judiciaire susceptibles d’être renvoyés du Canada.

[4]  Les observations qui précèdent se rapportent à la première des quatre questions soulevées par M. Forde dans sa demande de contrôle judiciaire d’une décision dans laquelle sa demande de report de son renvoi du Canada a été refusée.

[5]  M. Forde est citoyen de la Jamaïque. Il est devenu résident permanent du Canada en 2000, à son arrivée au pays.

[6]  En 2009, il a été déclaré interdit de territoire pour grande criminalité. Toutefois, la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a par la suite accordé un sursis à la mesure d’expulsion prise contre lui. En avril 2016, après que M. Forde a été déclaré coupable d’autres infractions, la SAI a annulé ce sursis à l’expulsion.

[7]  Le 31 août 2017, M. Forde a reçu la signification d’une convocation lui enjoignant de se présenter en vue de son renvoi du Canada le 29 septembre 2017. Environ une semaine plus tard, M. Forde a présenté une demande de report de son renvoi. Cette demande a été refusée.

[8]  M. Forde soutient que l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) qui a rejeté sa demande a commis une erreur en :

  1. entravant son pouvoir discrétionnaire;

  2. faisant fi d’éléments de preuve et en les interprétant de façon erronée lorsqu’il a tiré des conclusions déraisonnables relativement aux motifs médicaux et de santé mentale qu’il avait présentés à l’appui de sa demande;

  3. tirant des conclusions déraisonnables lorsqu’il a évalué l’intérêt supérieur de ses enfants et de ses beaux-enfants;

  4. faisant fi d’éléments de preuve et en les interprétant de façon erronée lorsqu’il a tiré des conclusions déraisonnables au sujet des difficultés personnelles qu’il éprouverait s’il était renvoyé en Jamaïque.

[9]  Je ne suis pas d’accord. Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

II.  Contexte

[10]  M. Forde a six enfants. Il est le père biologique des deux filles nées au Canada, âgées de 7 et 11 ans, d’une relation antérieure. M. Forde voit régulièrement ses filles. De plus, il est le beau-père des trois enfants de sa partenaire actuelle, âgés de 6, 16 et 19 ans. Il a aussi eu un fils avec sa partenaire actuelle. Cet enfant est né en décembre 2017 à la suite d’une grossesse à risque élevé dont il sera question ci-après.

[11]  En février 2008, M. Forde a été reconnu coupable de voies de fait contre son ex-petite amie et de défaut de se conformer à un engagement. Le mois suivant, il a été reconnu coupable de contacts sexuels avec sa belle-sœur de 13 ans, ce qui a entraîné sa grossesse et un enfant qu’ils partagent. À la suite de ces condamnations, il a été déclaré interdit de territoire au Canada pour grande criminalité, en application de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (LIPR). La SAI a ensuite pris une mesure d’expulsion contre lui, laquelle a fait l’objet d’un sursis à l’exécution en avril 2010.

[12]  En avril 2016, ce sursis a été annulé après que M. Forde a violé plusieurs conditions imposées par la SAI. Ces infractions comprenaient des comportements qui ont entraîné des condamnations pour plusieurs infractions supplémentaires, y compris deux chefs de voies de fait contre son ex-partenaire, la possession d’une substance désignée, le vol de moins de 5 000 $ et la désobéissance à une ordonnance judiciaire. Par suite de l’annulation de son sursis à l’expulsion, M. Forde a perdu son statut de résident permanent.

[13]  Le 3 janvier 2017, l’ASFC a avisé M. Forde qu’il avait fait l’objet d’un examen des risques avant renvoi défavorable et qu’il pouvait être renvoyé du Canada à n’importe quel moment, sous réserve de sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAI dont il avait saisi la Cour fédérale. Le 23 janvier 2017, la Cour a rejeté la demande de M. Forde : Forde c Canada (Ministre de la Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 80.

[14]  Bien qu’il ne soit actuellement pas autorisé à travailler au Canada, M. Forde continue de le faire pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille reconstituée.

[15]  Dans sa demande de report de son renvoi du Canada vers la Jamaïque, M. Forde a demandé que son renvoi soit reporté en attendant la décision définitive dans le cadre de sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Cette demande a été faite le même jour que la signification de la convocation lui enjoignant de se présenter en vue de son renvoi, et seulement une semaine avant sa demande de report de renvoi.

[16]  Dans sa demande de résidence permanente, M. Forde a également demandé une dispense de son interdiction de territoire au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire (CH), au titre de l’article 25 de la LIPR. Parmi les motifs d’ordre humanitaire invoqués, mentionnons les graves difficultés émotionnelles, financières et pratiques que son renvoi du Canada causerait au demandeur, à sa conjointe (Mme Kamaica Taylor) et à ses enfants.

[17]  Subsidiairement à sa demande de report du renvoi dans l'attente de la décision définitive concernant sa demande de résidence permanente, M. Forde a demandé un report de six mois pour plusieurs motifs, à savoir : lui permettre de soutenir Mme Taylor au cours des derniers mois de sa grossesse à risque élevé et pendant la période suivant l’accouchement; réduire le risque de naissance prématurée de son fils; être présent à la naissance de son fils et prendre des dispositions pour sa famille afin de réduire les difficultés qu’elle subira en son absence.

[18]  Le 26 septembre 2017, le juge Campbell a accordé un sursis à l’expulsion de M. Forde vers la Jamaïque en attendant une décision définitive quant à la demande dont je suis maintenant saisi.

[19]  Mme Taylor a donné naissance à son fils le 16 décembre 2017.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[20]  Au début de la décision rejetant la demande de M. Forde de reporter son renvoi du Canada (la décision), l’agent a fait remarquer que l’ASFC a une obligation en vertu du paragraphe 48(2) de la LIPR d’exécuter des mesures de renvoi « dès que possible » et que les agents d’exécution ont peu de pouvoir discrétionnaire pour reporter le renvoi.

[21]  Après avoir brièvement discuté de la demande de résidence permanente de M. Forde au titre de la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada, l'agent a noté [TRADUCTION] qu’« il n'y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu'une décision concernant la demande de parrainage de la part de la conjointe de M. Forde est imminente ou qu’il ne peut pas être parrainé au Canada depuis l'étranger ». [Non souligné dans l’original.]

[22]  Nonobstant cette observation, l’agent a procédé à l’évaluation de la grossesse de Mme Taylor, de l’intérêt supérieur des enfants touchés et des difficultés que M. Forde avait énoncées dans sa demande de report. Dans chaque cas, l’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui des prétentions de M. Forde ou de certaines difficultés connexes. L’agent a également semblé souscrire à la conclusion de la SAI selon laquelle [TRADUCTION] « l’intérêt supérieur de la sécurité des Canadiens doit l’emporter sur l’intérêt supérieur d’un enfant en l’espèce ».

[23]  De plus, l’agent a considéré qu’il était [traduction] « important de noter » deux choses. La première était que M. Forde avait obtenu un sursis de cinq ans à son renvoi du Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, mais qu’il avait continué de se livrer à des activités criminelles. La deuxième était que M. Forde était au courant de son renvoi imminent du Canada depuis janvier 2017 et qu’il avait donc eu amplement le temps de faire les préparatifs nécessaires pour ce renvoi.

[24]  Compte tenu de ce qui précède, l’agent a déclaré qu’après avoir examiné attentivement la demande de M. Forde, le report de l’exécution de la mesure de renvoi n’était pas approprié dans les circonstances de la présente affaire.

IV.  Dispositions législatives pertinentes

[25]  Le paragraphe 48(2) de la LIPR est ainsi rédigé :

Exécution des mesures de renvoi

Enforcement of Removal Orders

(…)

(…)

Conséquence

Effect

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être exécutée dès que possible.

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and the order must be enforced as soon as possible.

[Soulignement ajouté.]

(Emphasis added.)

V.  Les questions en litige

[26]  M. Forde a soulevé les quatre questions suivantes dans la présente demande :

  1. L’agent a-t-il commis une erreur en entravant son pouvoir discrétionnaire?

  2. L’agent a-t-il commis une erreur en faisant fi d’éléments de preuve et en les interprétant de façon erronée lorsqu’il a tiré des conclusions déraisonnables relativement aux motifs médicaux et de santé mentale que M. Forde avait présentés à l’appui de sa demande?

  3. L’agent a-t-il commis une erreur en tirant des conclusions déraisonnables lorsqu’il a évalué l’intérêt supérieur des enfants et des beaux-enfants de M. Forde?

  4. L’agent a-t-il commis une erreur en faisant fi d’éléments de preuve et en les interprétant de façon erronée lorsqu’il a tiré des conclusions déraisonnables au sujet des difficultés personnelles que M. Forde éprouverait s’il était renvoyé en Jamaïque?

VI.  Norme de contrôle

[27]  Il n’est pas nécessaire de déterminer en définitive si la norme de contrôle applicable à la première question soulevée par M. Forde est la norme de la décision correcte ou raisonnable. Cela s’explique par le fait que le résultat sera le même au titre de l’une ou l’autre de ces normes, puisqu’une décision découlant d’un pouvoir discrétionnaire entravé est, en soi, déraisonnable : Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 24; Danyi c Canada (Ministre de la Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 112, au paragraphe 19 (Danyi).

[28]  La norme de contrôle applicable aux trois autres questions soulevées par M. Forde est celle du caractère raisonnable : Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au paragraphe 43 (Lewis). Pour déterminer si une décision est raisonnable, la Cour doit généralement déterminer si la décision est suffisamment intelligible, transparente et justifiée. À cet égard, la tâche incombant à la Cour sera d’évaluer si elle est en mesure de comprendre pourquoi la décision a été rendue et de déterminer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 (Dunsmuir). Une décision étayée par un « fondement rationnel » en fera partie généralement : Halifax (Municipalité régionale) c Nouvelle-Écosse (Commission des droits de la personne), 2012 CSC 10, au paragraphe 47.

VII.  Analyse

A.  L’agent a-t-il commis une erreur en entravant son pouvoir discrétionnaire?

[29]  M. Forde soutient que l’agent a entravé son pouvoir discrétionnaire en imposant une limite arbitraire à la durée du report qu’il avait le pouvoir discrétionnaire d’accorder. Cette erreur aurait été commise lorsque l’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’une décision concernant sa demande de parrainage par un conjoint était [traduction] « imminente ». Je ne suis pas d’accord.

[30]  Pour étayer sa position, M. Forde s’appuie sur les décisions de la Cour dans les affaires Ortiz c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 931 (Ortiz) et El Sayed c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 802 (El Sayed).

[31]  Dans l’affaire Ortiz, il semble que le demandeur ait demandé un sursis à l’exécution de son renvoi du Canada jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue relativement à sa demande CH. La Cour a par la suite été informée que cette demande CH n’avait été présentée qu’environ deux semaines après que M. Ortiz eut présenté sa demande de report. Après avoir souligné que le traitement d’une demande CH peut prendre environ 34 mois, le défendeur a soutenu que ce délai dépassait les limites d’un report à court terme que les agents d’exécution de l’ASFC peuvent accorder. En rejetant cette position, la Cour a fait observer qu’on ne l’« avait renvoyé[e] à aucune jurisprudence au sujet d’une durée limite particulière se rattachant aux sursis qu’un agent a le pouvoir d’accorder », Ortiz, précitée, au paragraphe 13. La Cour a ajouté qu’un « sursis qui est accordé jusqu’à ce qu’une demande CH soit tranchée est tout de même temporaire [...] ». À l’appui de cet argument, la Cour a cité Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CF 1341 (Martinez).

[32]  Les commentaires de la Cour dans l’affaire Ortiz étaient incidents, puisque la décision reposait sur la considération de la preuve par l’agent de renvoi et sur les arguments concernant l’effet que le renvoi de M. Ortiz aurait sur son fils de quatre ans, qui était atteint d’autisme grave : Ortiz, précitée, aux paragraphes 2 et 7. Quoi qu’il en soit, la jurisprudence a effectivement établi une limite extérieure à la durée d’un report qu’un agent de renvoi a le pouvoir discrétionnaire d’accorder. En effet, le législateur a également établi explicitement une limite au paragraphe 48(2) de la LIPR.

[33]  De plus, l’affaire Martinez n’est plus une décision apte à appuyer l’argument selon lequel un agent de renvoi a le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi en attendant une décision qui sera rendue dans une durée indéterminée relativement à une demande CH en instance. C’est particulièrement le cas lorsque la demande CH n’avait pas encore été déposée au moment de la demande par le demandeur du report de son renvoi du Canada, ou a été déposée peu de temps avant celle-ci.

[34]  L’affaire Martinez concernait une requête pour surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi du Canada. Cette requête semble avoir été présentée peu après la demande du demandeur de reporter son renvoi du Canada et environ un mois après sa demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 de la LIPR. La Cour a conclu que la question de savoir si une demande CH en suspens empêchait le renvoi du demandeur constituait une question importante à trancher, car cette demande était fondée en partie sur l'intérêt supérieur des enfants du demandeur au Canada, et ce pays est signataire de la Convention relative aux droits des enfants, 20 novembre 1989, RT Can 1992 no 3 (entrée en vigueur : 2 septembre 1990) : Martinez, précitée, au paragraphe 13.

[35]  Depuis la décision rendue dans l’affaire Martinez, la Cour d’appel fédérale a statué qu’une demande CH en suspens n’empêche pas le renvoi d’une personne du Canada, même si la personne a des enfants au Canada qui peuvent subir des conséquences défavorables en raison de leur séparation de leur parent renvoyé : Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, aux paragraphes 50, 51 et 57 (Baron); Lewis, précité, aux paragraphes 56, 57 et 80.

[36]  De plus, il est maintenant établi en droit que le pouvoir discrétionnaire dont dispose un agent d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi est « très limité » et est réservé à un renvoi à court terme dans des cas « où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain » : Baron, précité, au paragraphe 51; Lewis, précité, aux paragraphes 54 et 83. Dans les cas où une demande CH antérieurement déposée n’a pas encore été tranchée, les agents d’exécution de l’ASFC ne disposent pas du pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi, à moins qu’il n’existe des « considérations spéciales » ou une « menace à la sécurité personnelle » : Baron, précité, au paragraphe 51; Danyi, précitée, aux paragraphes 29 à 32. Même dans de telles « situations spéciales », comme le montre l’analyse ci-après, il y a des limites temporelles importantes quant au pouvoir discrétionnaire de l’agent de renvoi de reporter l’exécution d’une mesure de renvoi. Il ne semble pas que l’attention de la Cour dans l’affaire Ortiz, précitée, ait été portée à la jurisprudence mentionnée ci-dessus ni aux décisions qui l’ont suivie.

[37]  En ce qui concerne l’affaire El Sayed, M. Forde s’appuie sur l’acceptation par la Cour de la proposition selon laquelle l’agent dans cette affaire avait le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue à l’égard de la demande de parrainage de conjoint en suspens du demandeur. La Cour était d’avis que cela préserverait la possibilité que le renvoi du demandeur et le préjudice associé à ce renvoi soient ainsi évités de façon permanente, si la demande de parrainage était accueillie : El Sayed, précitée, au paragraphe 24. Étant donné qu’une telle demande avait été présentée moins de trois semaines avant que le demandeur ne demande le report de sa mesure de renvoi, on peut en déduire que la Cour a reconnu qu’il aurait peut-être fallu plusieurs mois, ou plus, pour qu’une décision soit rendue relativement à la demande.

[38]  Comme dans l’affaire Ortiz, il ne semble pas que l’attention de la Cour dans l’affaire El Sayed ait été portée à la jurisprudence contraignante sur ce point. Plus précisément, dans l’arrêt Lewis, publié peu avant la décision dans l’affaire El Sayed, la Cour a fait remarquer que « c’est seulement lorsqu’une demande CH présentée en temps utile est toujours en suspens en raison d’un retard dans le traitement que le report peut être justifié » [non souligné dans l’original] : Lewis, précité, au paragraphe 81; Baron, précité, au paragraphe 49. Dans l’arrêt Lewis, la Cour a expliqué que, s’il en était autrement, une personne visée par une mesure de renvoi pourrait retarder son renvoi du Canada en présentant une demande CH peu de temps avant une mesure de renvoi prévue, créant ainsi « une échappatoire importante » dans le régime de la LIPR : Lewis, précité, au paragraphe 80.

[39]  La même logique s’appliquerait aux demandes de parrainage de conjoint en attente.

[40]  Permettre à une personne d’éviter le renvoi du Canada par le dépôt d’une demande de parrainage de conjoint ou d’une demande CH peu de temps avant le renvoi prévu, ou même bien longtemps après avoir été avisée qu’elle fait l’objet d’un renvoi, serait contraire aux principes énoncés dans l’arrêt Lewis et dans la jurisprudence qui est y est citée. Selon cette jurisprudence, l’agent de renvoi n’a pas le droit de reporter le renvoi lorsqu’il est peu probable qu’une décision concernant une demande en instance soit imminente : Baron, précité, au paragraphe 80; Newman c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 888, aux paragraphes 28 à 34 (Newman); Singh c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 403, au paragraphe 7. De plus, l’agent de renvoi n’a pas le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi à une date indéterminée : Baron, précité, au paragraphe 80, Fatola c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 479, au paragraphe 33. Plutôt, les « considérations spéciales » qui peuvent justifier le report doivent être associées à la contestation de l’imminence du renvoi et ne peuvent être plus que temporaires de nature : Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, au paragraphe 45; Newman, précitée, au paragraphe 33. Dans ce contexte, le mot « temporaire » ne peut être interprété comme incluant un report d’une période indéterminée ou prolongée.

[41]  L’exercice du pouvoir discrétionnaire de permettre à une personne d’éviter le renvoi dans des circonstances qui vont au-delà des situations très limitées décrites ci-dessus serait également incompatible avec le libellé clair et l’esprit sous-jacent du paragraphe 48(2) de la LIPR, qui exige que les mesures de renvoi soient exécutées « dès que possible ». Ma conclusion sur ce dernier point est renforcée par le fait qu’en 2012, le législateur a substitué le libellé « dès que possible » au libellé précédent « dès que les circonstances le permettent ». Ce faisant, il a clairement fait connaître son intention de limiter considérablement la portée temporelle du pouvoir discrétionnaire de l’agent de renvoi de reporter le renvoi et de réduire ce pouvoir discrétionnaire par rapport à ce qu’il était auparavant.

[42]  Compte tenu de tout ce qui précède, on ne peut pas dire que l’agent ait entravé son pouvoir discrétionnaire en laissant croire qu'il ne pouvait pas accorder un sursis fondé sur la demande de parrainage de conjoint en instance de M. Forde, au motif que les preuves étaient insuffisantes pour démontrer qu'une décision relative à cette demande était « imminente ». En bref, il n’y avait aucune preuve concernant le moment où une décision allait être rendue relativement à cette demande. Par conséquent, le moment était « indéterminé » et dépassait la portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent.

[43]  Je m’arrête un instant pour faire remarquer que la jurisprudence susmentionnée et le libellé du paragraphe 48(2) sont difficiles à concilier avec l’idée que la limite extérieure de la durée du pouvoir discrétionnaire de l’agent de renvoi s’étend au-delà de quelques mois environ. À mon avis, une telle limite extérieure semble être envisagée par la modification du libellé du paragraphe 48(2), à savoir « dès que les circonstances le permettent », pour le remplacer par « dès que possible ». Il semble également qu’une limite extérieure puisse être envisagée, si l’on tient compte des enseignements selon lesquels les demandes CH qui ne sont pas tranchées doivent être « imminentes » et qui ont précisé que seules les considérations à « court terme », notamment celles liées aux « arrangements de voyage, [à] la maladie ou [aux] problèmes de santé, [au] calendrier scolaire des enfants, et [aux] naissances ou décès imminents, etc. » peuvent être prises en compte par un agent de renvoi : Baron, précité, au paragraphe 80; Lewis, précité, au paragraphe 82; Newman, précitée, au paragraphe 28.

[44]  En plus de l’état indéterminé d’une décision concernant la demande de parrainage de conjoint en suspens de M. Forde, celui-ci n’a pas présenté cette demande en temps opportun : Baron, précité, au paragraphe 49; Lewis, précité, aux paragraphes 55 et 81; Crawford c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 743, au paragraphe 47. La demande a été présentée à la même date (le 31 août 2017) que celle de la signification de la convocation lui enjoignant de se présenter en vue de son renvoi du Canada, et seulement une semaine avant qu’il présente sa demande de report du renvoi. À mon avis, le fait que M. Forde n’ait pas présenté sa demande de parrainage de conjoint plus rapidement constitue un motif indépendant et distinct pour conclure que l’agent n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire de la manière alléguée par M. Forde.

[45]  De plus, compte tenu de la jurisprudence que j’ai mentionnée aux paragraphes 38 à 40 ci-dessus, on ne peut pas dire que l’agent a commis une erreur en adoptant une position qui est conforme à cette jurisprudence, même si un autre courant jurisprudentiel de la Cour pourrait appuyer la position de M. Forde : Garcia Kangar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 482, au paragraphe 11. Autrement dit, compte tenu de l’étendue de l’ancienne jurisprudence, l’agent n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a refusé de tenir compte de la demande de parrainage de conjoint en instance de M. Forde (qui intégrait sa demande CH) au motif qu’une décision concernant cette demande n’était pas « imminente ».

[46]  J’ajouterai simplement en passant que l’agent a, en fin de compte, pris en considération les principaux motifs d’ordre humanitaire soulevés par M. Forde à l’appui de sa demande de report de son renvoi. Le traitement de ces observations par l’agent sera abordé ci-après.

B.  L’agent a-t-il commis une erreur en faisant fi d’éléments de preuve et en les interprétant de façon erronée lorsqu’il a tiré des conclusions déraisonnables relativement aux motifs médicaux et de santé mentale que M. Forde avait présentés à l’appui de sa demande?

[47]  M. Forde soutient que la façon dont l’agent a traité son allégation selon laquelle la grossesse à risque élevé de Mme Taylor présentait un risque grave de préjudice pour elle et son enfant à naître était déraisonnable à plusieurs égards. Il adopte la même position au sujet du traitement que l’agent a réservé à ses arguments au sujet du besoin de soutien de Mme Taylor pendant la période après l’accouchement.

[48]  J’éprouve de la sympathie à l’égard de certains de ces arguments. Cependant, Mme Taylor, qui en était au dernier trimestre de sa grossesse au moment où M. Forde a présenté sa demande de report du renvoi le 8 septembre 2017, a donné naissance à leur fils le 16 décembre 2017. Sa période après l’accouchement est maintenant passée depuis longtemps. Il en va de même pour le report de six mois que M. Forde a demandé comme mesure subsidiaire pour lui permettre, entre autres, de soutenir Mme Taylor pendant les derniers mois de sa grossesse à risque élevé et pendant la période après l’accouchement (se reporter au paragraphe 17 ci-dessus).

[49]  Par conséquent, les questions que M. Forde a soulevées au sujet du traitement que l’agent a réservé à la grossesse de Mme Taylor et à la période suivant l’accouchement n’ont maintenant qu’une valeur théorique et il n’est pas d’emblée évident pour quelle raison je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire pour aborder ces questions sur le fond : Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, à la page 353. Il est entendu que les faits de cette affaire sont suffisamment uniques pour que je considère qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de le faire : Doucet-Boudreau c Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, au paragraphe 17.

[50]  En ce qui concerne la santé mentale de Mme Taylor, M. Forde soutient que l’agent a traité de façon déraisonnable les éléments de preuve médicaux et autres concernant sa [traduction] « lutte de longue date sur le plan de la santé mentale » et l’effet que son renvoi soudain du Canada aurait sur elle et sur sa capacité de prendre soin de leurs enfants. Il ajoute que la façon dont l’agent a traité les éléments de preuve qu’il a présentés au sujet de la douleur chronique au pied de Mme Taylor et de son incapacité résultante à se tenir debout pendant une période prolongée étaient également déraisonnables.

[51]  Je suis très sympathique face à la situation dans laquelle se trouvera Mme Taylor lorsque M. Forde sera éventuellement renvoyé du Canada. Toutefois, la façon dont l’agent a traité les questions soulevées par M. Forde au sujet de la santé mentale et physique de Mme Taylor n’était pas déraisonnable. En effet, les diverses répercussions négatives sur Mme Taylor que M. Forde a mentionnées dans sa demande de report sont toutes des conséquences qu’elle subira, peu importe le moment où M. Forde sera renvoyé. Bien que certaines conséquences seront sans doute exacerbées à « court terme », immédiatement après le départ de M. Forde, il n’est pas évident en quoi ces conséquences seront différentes de celles que subira Mme Taylor à court terme lorsque viendra le moment du renvoi de M. Forde hors du Canada. En bref, il ne s’agit pas du type de considérations « temporaires » qui entrent dans la portée de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent de renvoi. Elles ne ressemblent à aucun des types de conséquences temporaires à court terme cernées dans la jurisprudence analysée aux paragraphes 40 et 43 ci-dessus.

C.  L’agent a-t-il commis une erreur en tirant des conclusions déraisonnables lorsqu’il a évalué l’intérêt supérieur des enfants et des beaux-enfants de M. Forde?

[52]  M. Forde soutient que l’évaluation que l’agent a faite de l’intérêt supérieur de ses enfants était entachée de plusieurs irrégularités.

[53]  Premièrement, il affirme que l’agent n’a pas reconnu que les difficultés qu’ils subiraient à la suite de son renvoi pourraient être atténuées de façon considérable s’il obtenait un sursis de six mois pour prendre des dispositions financières et autres mesures de transition pour eux. À cet égard, il ajoute que l’agent a spéculé de façon déraisonnable sur la façon dont sa famille pourrait faire face à la situation s’il était soudainement renvoyé du Canada sans que de telles dispositions soient mises en place.

[54]  Deuxièmement, M. Forde soutient que l’agent a commis une erreur en omettant de procéder à une évaluation détaillée de l’intérêt supérieur de chacun de ses enfants.

[55]  Troisièmement, M. Forde soutient que l’agent n’a pas tenu compte du fait que l’intérêt supérieur de trois de ses enfants n’a jamais été évalué auparavant et que sa demande de parrainage en cours permettra de le faire pendant qu’il est présent au Canada.

[56]  Quatrièmement, il affirme que l’agent a spéculé de façon déraisonnable que ses enfants pourraient rester en contact avec lui en se rendant en Jamaïque pour lui rendre visite.

[57]  À mon avis, la façon dont l’agent a traité les arguments de M. Forde au sujet de l’intérêt supérieur de ses enfants n’a pas rendu sa décision déraisonnable.

[58]  Comme dans le cas des arguments avancés par M. Forde au sujet de la santé mentale et physique de Mme Taylor, les plaidoiries qu’il a faites au sujet des intérêts de ses enfants ne comportaient pas d’intérêts « temporaires » ou « à court terme » dont l’agent pouvait tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[59]  En particulier, les répercussions financières et les autres répercussions transitoires qu’il a énoncées dans sa demande de report de son renvoi étaient essentiellement les mêmes que celles que subiront ses enfants et Mme Taylor, peu importe le moment de son renvoi du Canada. À une exception près, M. Forde n’a pas mentionné de considérations qui seraient différentes de la situation à laquelle ses enfants seront confrontés lorsqu’il sera renvoyé du Canada. La seule exception était [traduction] « la perte de la possibilité d’attachement de son fils envers le père pendant ses premiers mois de vie » et la capacité de ce fils de bénéficier du soutien de son père pendant cette période. Toutefois, cette période est maintenant passée, puisque son fils est né il y a près de dix mois.

[60]  En l'absence d’argumentation précise sur les intérêts temporaires ou à court terme des autres enfants de M. Forde, au-delà de ce que j'ai déjà mentionné ci-dessus, M. Forde n'a pas invoqué quoi que ce soit devant l’agent qui relevait du pouvoir discrétionnaire de ce dernier d’examiner, comme les types de considérations invoquées dans l’arrêt Lewis, précité, au paragraphe 83. Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale, « [...] les difficultés et perturbations causées à la vie familiale sont une des conséquences regrettables entraînées par les mesures de renvoi » : Baron, précité, au paragraphe 69. Par conséquent, les conséquences négatives que subissent habituellement les enfants qui restent au Canada après le renvoi d’un parent vers un autre pays ne justifient généralement pas le report de ce renvoi : Nguyen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 225, au paragraphe 25. Ce sera particulièrement le cas dans des circonstances comme celles qui existent en l’espèce, où il y a un motif raisonnable de considérer que le parent qui est confronté à un renvoi présente un risque pour la sécurité publique. Dans de telles circonstances, il n’est pas déraisonnable d’accorder la priorité à la sécurité du public.

[61]  Dans le même ordre d’idées, le fait que la demande de parrainage en instance permette de prendre en compte pour la première fois l'intérêt supérieur de certains de ses enfants ne fait pas partie des éléments que la portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent lui permet de prendre en considération, car le moment de la prise d’une décision relativement à cette demande était indéterminé : se reporter à l’analyse au paragraphe 41 ci-dessus.

[62]  Enfin, les difficultés que M. Forde a soulignées relativement à l’incapacité de ses enfants de se déplacer pour lui rendre visite en Jamaïque ne font pas non plus partie du type de considérations temporaires ou à court terme qui relèvent de la portée « très limitée » du pouvoir discrétionnaire de l’agent. En bref, ces difficultés seraient les mêmes, peu importe le moment où M. Forde serait renvoyé du Canada. M. Forde n’a pas indiqué comment ces difficultés pourraient être moindres si son renvoi en Jamaïque était reporté de quelques semaines ou mois.

[63]  Je m’arrête un instant pour ajouter que, dans sa demande de report de six mois, M. Forde a soutenu qu’il avait besoin de ce temps pour prendre des dispositions pour sa famille afin de réduire les difficultés qu’ils subiront en son absence. Cependant, M. Forde a eu plus de six mois pour prendre ces dispositions entre le moment où il a été informé (en janvier 2017) qu’il pourrait être renvoyé du Canada et le moment où il a présenté sa demande de report de son renvoi en Jamaïque (en septembre 2017).

D.  L’agent a-t-il commis une erreur en faisant fi d’éléments de preuve et en les interprétant de façon erronée lorsqu’il a tiré des conclusions déraisonnables au sujet des difficultés personnelles que M. Forde éprouverait s’il était renvoyé en Jamaïque?

[64]  M. Forde soutient que l’agent a évalué de façon déraisonnable les difficultés auxquelles il serait confronté en Jamaïque, notamment en se livrant à des conjectures et en ne comprenant pas pleinement la nature de ces difficultés.

[65]  Cependant, encore une fois, M. Forde n’a pas relevé de considérations particulières temporaires ou à court terme qu’il était loisible à l’agent d’examiner dans le cadre de la portée de son pouvoir discrétionnaire. Les divers facteurs de difficulté mentionnés par M. Forde seront les mêmes, peu importe le moment où il est renvoyé en Jamaïque.

[66]  Par conséquent, il n’était pas déraisonnable que l’agent n’ait pas accordé plus de poids ou de considération à ces facteurs pour rendre sa décision. Cela est particulièrement vrai, compte tenu du risque pour le public canadien cerné par l’agent.

VIII.  Conclusion

[67]  Pour les motifs susmentionnés, la présente demande sera rejetée. En bref, l’agent n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire de la façon décrite par M. Forde et l’évaluation par l’agent n’était pas déraisonnable pour l’une ou l’autre des raisons avancées par M. Forde. À cet égard, il convient de rappeler que « des non-citoyens, qu’ils soient étrangers ou résidents permanents, n’ont pas le droit de voir ajoutés par interprétation des motifs d’ordre humanitaire à chaque disposition de la LIPR, dont l’application pourrait mettre en péril leur statut au Canada » : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Bermudez, 2016 CAF 131, au paragraphe 38. Le mécanisme approprié pour examiner les questions d’ordre humanitaire est une demande présentée en vertu de l’article 25 de la LIPR.

[68]  À la fin de l’audience relative à la présente demande, les avocats des parties ont déclaré que les faits et les questions en litige en l’espèce ne donnent pas lieu à une question grave d’importance générale aux fins de la certification, conformément à l’alinéa 74d) de la LIPR. Je suis d'accord. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

[69]  Avant de conclure, j’estime nécessaire de commenter l’utilisation de l’hyperbole. Au cours des dernières années, d’autres membres de la Cour et moi-même avons découragé son utilisation dans plusieurs présentations aux avocats spécialisés en droit de l’immigration et des réfugiés. Cependant, on continue d’utiliser ce langage. Par exemple, les observations écrites de l’une des parties à la présente instance sont truffées d’expression comme [traduction« profondément déficient », [traduction] « caractère inadéquat flagrant de l’évaluation de l’agent », [traduction« profondément déraisonnable », [traduction« exemple flagrant » [traduction« situation désespérée » et font référence à une famille [traduction« plongée dans la pauvreté ». Un tel langage n’aide pas à la cause d’une partie.


JUGEMENT dans le DOSSIER IMM-4005-17

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


ANNEXE 1 — Dispositions législatives pertinentes

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Statut et autorisation d’entrer

Status and Authorization to Enter

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

25 (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25 (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

(…)

(…)

Interdictions de territoire

Inadmissibility

Grande criminalité

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

Serious criminality

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

(…)

(…)

Exécution des mesures de renvoi

Enforcement of Removal Orders

Mesure de renvoi

48 (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

Enforceable removal order

48 (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

Conséquence

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être exécutée dès que possible.

Effect

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and the order must be enforced as soon as possible.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4005-17

INTITULÉ :

ZAVAION FORDE c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JUILLET 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

DATE DES MOTIFS :

LE 15 OCTOBRE 2018

COMPARUTIONS :

Britt Gunn

POUR LE DEMANDEUR

Kareena Wilding

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman Professional Corporation

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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