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Date : 20180917


Dossier : T-449-17

Référence : 2018 CF 915

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 17 septembre 2018

En présence de Kathleen M. Ring, juge responsable de la gestion de l’instance

ENTRE :

FARMOBILE, LLC.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

FARMERS EDGE INC.

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La demanderesse, Farmobile, LLC., détient le brevet canadien no 2 888 742 (le « brevet 742 »), qui décrit un dispositif de relais et un système d’échange de données agricoles, qui permettent conjointement de capturer et de traiter les données de travail agricole d’une entreprise agricole.

[2]  Dans l’action sous-jacente, Farmobile prétend que la défenderesse, Farmers Edge Inc., enfreint le brevet 742 puisqu’elle fabrique, importe, offre en vente, vend et utilise un dispositif de relais et un système d’échange de données agricoles, collectivement appelés « FarmCommand », comprenant un dispositif connu sous le nom de « CanPlug ».

[3]  Dans sa défense et sa demande reconventionnelle modifiées, Farmers Edge prétend notamment qu’elle est la titulaire de droit du brevet 742 puisque l’ensemble des droits relatifs à l’invention revendiquée dans le brevet 742 lui ont été cédés, que l’ensemble des droits relatifs à l’invention revendiquée dans le brevet 742 ont été cédés à Farmers Edge, que l’invention revendiquée dans le brevet 742 n’a jamais été cédée à Farmobile de manière légitime et que les droits du prétendu coinventeur, Ron Osborne, sur le brevet 742 ont été cédés à Farmers Edge.

[4]  Pour appuyer son allégation voulant que l’ensemble des droits relatifs à l’invention revendiquée dans le brevet 742 lui aient été définitivement cédés, Farmers Edge soutient ce qui suit : a) les trois personnes qui ont constitué la société Farmobile, soit Heath Gerlock, Randall Nuss et Jason Tatge, sont d’anciens employés de Crop Ventures Inc., la société qui a précédé Farmers Edge; b) Ron Osborne, ancien président-directeur général de Crop Ventures, ainsi que MM. Gerlock et Nuss ont conçu et créé ensemble l’invention revendiquée dans le brevet 742, alors qu’ils travaillaient pour Crop Ventures; c) MM. Gerlock et Nuss ont tous deux signé des ententes de confidentialité et de non-concurrence selon lesquelles ils cédaient à Crop Ventures l’ensemble des droits et des intérêts portant sur la propriété intellectuelle des inventions revendiquées dans le brevet 742; d) M. Tatge a signé une lettre d’entente sur les conditions d’emploi par laquelle il a accepté de signer l’entente type de Crop Ventures concernant l’information confidentielle et les inventions (collectivement les « ententes »).

[5]  Dans sa demande reconventionnelle, Farmers Edge demande principalement les mesures de redressement suivantes : a) une déclaration selon laquelle Farmers Edge est titulaire de l’objet décrit et revendiqué dans le brevet 742, et b) une ordonnance, aux termes de l’article 52 de la Loi sur les brevets, afin que les registres du Bureau des brevets concernant le brevet 742 soient modifiés pour retirer le nom du titulaire et de la demanderesse actuellement inscrits et indiquer Farmers Edge comme titulaire et demanderesse unique du brevet 742.

[6]  Farmobile a présenté une requête visant la radiation des parties de la défense et de la demande reconventionnelle modifiées concernant la propriété du brevet 742, au motif que la Cour n’a pas compétence pour trancher ces questions, ainsi que l’obtention de précisions sur les actes de procédure de Farmers Edge et de redressements interlocutoires connexes supplémentaires. Farmobile a déposé des éléments de preuve par affidavit à l’appui de sa requête, lesquels comprennent des copies des ententes décrites dans la défense et la demande reconventionnelle modifiées.

[7]  En réponse, Farmers Edge a déposé une requête en vue d’obtenir une ordonnance voulant que l’ensemble de l’instance soit radiée ou, subsidiairement, qu’elle soit suspendue en attendant la décision concernant la question de la propriété, si la Cour conclut que la totalité ou des parties de la défense et de la demande reconventionnelle modifiées doivent être radiées au motif qu’elle n’a pas compétence pour les entendre.

[8]  Avant que ces requêtes ne soient entendues, les parties ont eu l’occasion de circonscrire, de manière importante, les questions en litige dans la requête de Farmobile. Farmers Edge a fourni d’autres précisions en réponse à la requête de Farmobile et elle a accepté la prorogation demandée par Farmobile pour le dépôt d’une réponse et défense à la demande reconventionnelle et la poursuite de l’affaire sous une gestion spéciale de l’instance.

[9]  Comme je suis d’avis que la demande reconventionnelle modifiée et la défense modifiée doivent être examinées séparément, j’ai formulé le reste des questions à trancher dans ces requêtes de la manière suivante :

  • a) Les paragraphes contestés de la demande reconventionnelle modifiée doivent-ils être radiés au motif que la Cour n’a pas compétence pour trancher les questions qui y sont soulevées?

  • b) Les paragraphes contestés de la défense modifiée doivent-ils être radiés au motif que la Cour n’a pas compétence pour trancher les questions qui y sont soulevées?

  • c) Si la totalité ou une partie des actes de procédure contestés est radiée pour absence de compétence, l’ensemble de l’instance doit-elle être radiée en attendant la décision concernant la radiation des questions soulevées dans les actes de procédure?

  • d) Si la totalité ou une partie des actes de procédure contestés est radiée pour absence de compétence, l’instance doit-elle être suspendue jusqu’à ce que la Cour rende une autre ordonnance?

[10]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que les parties contestées de la demande reconventionnelle modifiée doivent être radiées pour absence de compétence. Je conclus que les parties contestées de la défense modifiée sont du ressort de la Cour, parce que la nature et l’objet de la défense diffèrent de ceux de la demande reconventionnelle. Je rejette la requête de Farmers Edge en vue d’obtenir la radiation ou, subsidiairement, la suspension de l’ensemble de l’instance en attendant la décision concernant la radiation des questions soulevées dans les actes de procédure.

II.  Requête en radiation de Farmobile

[11]  En application de l’article 221 des Règles des Cours fédérales (les Règles), Farmobile présente la présente requête en radiation des alinéas 4c), 4d), 6d), 6e), 6f), 6g), 6h), 7a), 15a), 15c), 15d), 15e), 21, 22, 23, 24, 25 et 26 de la défense et de la demande reconventionnelle modifiées, sans autorisation de les modifier, au motif que la Cour fédérale n’a pas compétence pour trancher les questions soulevées dans les actes de procédure contestés.

[12]  Le critère rigoureux à remplir pour radier une demande consiste à déterminer si, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, il est évident et manifeste que la demande ne révèle aucune cause d’action valable. Autrement dit, la demande doit n’avoir aucune possibilité raisonnable d’être accueillie : Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959, au paragraphe 36; R. c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, au paragraphe 17.

[13]  Le critère du « caractère manifeste et évident » s’applique également à une requête en radiation pour absence de compétence. C’est-à-dire que l’absence de compétence doit être manifeste et évidente pour justifier la radiation d’un acte de procédure à la présente étape préliminaire : Windsor (City) c Canadian Transit Co., 2016 CSC 54, au paragraphe 24 [City of Windsor]; Alberta c Canada, 2018 CAF 83, au paragraphe 20.

[14]  Lorsqu’une requête en radiation des actes de procédure invoque l’absence de compétence de la Cour, la preuve par affidavit est admissible : Mil Davie Inc. c Société d’Exploitation et de Développement d’Hibernia Ltée, (1998), 226 NR 369 (CAF), au paragraphe 8. Par conséquent, il m’est permis d’examiner la preuve par affidavit concernant les faits attributifs de compétence sur la présente requête, malgré l’interdiction générale prescrite au paragraphe 221(2), selon laquelle aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête en radiation.

A.  La contestation concernant la compétence pour entendre la demande reconventionnelle exige un examen distinct

[15]  Dans ses observations, Farmobile traite les parties contestées de la défense et de la demande reconventionnelle modifiées comme un ensemble d’actes de procédure qui devrait être radié en bloc parce qu’il est hors du ressort de la Cour fédérale.

[16]  Farmers Edge affirme explicitement que sa demande reconventionnelle n’est pas distincte, mais plutôt qu’elle partage un lien juridique et factuel avec la demande principale de Farmobile, et que ce lien exige que les deux demandes soient tranchées ensemble. Farmers Edge fait valoir qu’elle plaide et invoque les ententes dans la défense et la demande reconventionnelle modifiées pour la même raison, notamment celle de répondre à l’allégation de contrefaçon et aux exigences administratives nécessaires pour que les modifications appropriées soient apportées aux registres du Bureau des brevets.

[17]  Bien qu’il ressorte des observations des deux parties qu’elles sont d’accord pour que la Cour examine les parties contestées de la défense et de la demande reconventionnelle modifiées comme un ensemble, j’ai conclu que la demande reconventionnelle modifiée doit être examinée séparément de la défense modifiée, afin de décider s’il est manifeste et évident que les parties contestées de la demande reconventionnelle ne sont pas de la compétence de la Cour.

[18]  Il est bien établi qu’une demande reconventionnelle doit être traitée comme une action distincte. Même si la demande principale relève clairement de la compétence de la Cour, cette même compétence pour entendre la demande reconventionnelle doit être examinée séparément de la compétence de la Cour à l’égard de la demande principale : Laboratoires Quinton Internationale S.L. c Biss, 2010 CF 358, au paragraphe 7.

[19]  Dans la décision Innotech Pty Ltd c Phoenix Rotary Spike Harrow Ltd, [1997] ACF no 303, (1997) 128 FTR 153; 72 CPR (3d) 522, la Cour a rejeté une requête en radiation de certaines parties d’une demande reconventionnelle modifiée, au motif que la licence sur laquelle la demande reconventionnelle était fondée était la même que celle invoquée dans la défense d’absence de contrefaçon et qu’il aurait été inopportun de dissocier les deux éléments de manière aussi pointilleuse. En appel, la cour d’appel a rejeté l’approche adoptée par la Cour et elle a radié la demande reconventionnelle : Innotech Pty Ltd c Phoenix Rotary Spike Harrows Ltd, [1997] ACF no 855, (1997) 74 CPR (3d) 275 [Innotech Pty Ltd]. La Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit aux pages 276 et 277 :

Ceci étant dit avec égards, il nous semble que bien que la défense et la demande reconventionnelle mettent en cause la même licence, celle-ci est invoquée pour des motifs différents dans chaque acte de procédure. Dans la défense, elle sert de bouclier contre une action en contrefaçon. Dans la demande reconventionnelle, elle sert d’épée, de fondement à une demande de recours contre l’appelante en vue de son application. En soi, la demande reconventionnelle pourrait être présentée de manière indépendante à titre d’action en violation de contrat et, en tant que telle, elle ne relève pas de la compétence de la Cour. Pour paraphraser l’arrêt Kellogg c. Kellogg, l’action principale vise essentiellement l’application d’un brevet. Cette demande peut être tranchée sur la base de la déclaration et de la défense et, accessoirement à la décision au sujet de la licence, il se peut bien que son existence, ses modalités et sa validité doivent être examinés. Mais la demande reconventionnelle doit être considérée comme une action distincte2 concernant principalement une demande découlant de la violation du contrat alléguée.

Comme l’a bien démontré l’avocat de l’intimé, il est fort possible que cette conclusion entraîne des inconvénients. Mais ces inconvénients ne peuvent fonder la compétence de la Cour.

[20]  En conséquence, j’ai examiné la demande reconventionnelle modifiée séparément de la défense modifiée, afin de décider si les parties contestées de la demande reconventionnelle sont, de manière manifeste et évidente, hors du ressort de la Cour fédérale.

B.  Principes régissant la compétence de la Cour fédérale

[21]  Dans l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators c Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, 28 DLR (4th) 741, à la page 766 [ITO ou le critère de l’arrêt ITO], la Cour suprême a énoncé trois conditions afin de déterminer si la Cour fédérale a compétence : 1) la compétence doit être attribuée par une loi du Parlement fédéral; 2) il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution légale de compétence; et 3) la loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[22]  Il est toutefois nécessaire, avant d’examiner si les conditions de l’arrêt ITO sont satisfaites, de décider de la nature ou du caractère essentiel de la demande contestée. Dans l’arrêt City of Windsor, la Cour suprême a noté qu’il faut dégager la nature essentielle de la demande selon « une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur » (paragraphe 26) et que « [l]a compétence ne s’apprécie pas au cas par cas ou au regard d’une question litigieuse à la fois » (paragraphe 25).

C.  Absence de compétence à l’égard des parties contestées de la demande reconventionnelle

[23]  Dans sa demande reconventionnelle, Farmers Edge cherche à obtenir les deux mesures de redressement suivantes et, à titre subsidiaire, d’autres mesures de redressement diverses :

  • a) une déclaration voulant que la défenderesse soit titulaire de l’objet décrit et revendiqué dans l’ensemble des revendications énoncées dans le brevet 742;

  • b) une ordonnance, aux termes de l’article 52 de la Loi, afin que les registres du Bureau des brevets concernant le brevet 742 soient modifiés pour retirer le nom du titulaire et de la demanderesse actuellement inscrits et indiquer Farmers Edge comme titulaire et demanderesse unique du brevet 742.

[24]  D’abord, en ce qui concerne l’étape préliminaire de qualification imposée par l’arrêt City of Windsor, je conclus que la nature essentielle de la demande reconventionnelle modifiée consiste en une déclaration voulant que Farmers Edge soit la titulaire du brevet 742. L’ordonnance subséquente, sollicitée aux termes de l’article 52 de la Loi sur les brevets, est subordonnée, en premier lieu, à la démonstration par Farmers Edge qu’elle est la titulaire de droit du brevet 742 et qu’elle devrait donc être désignée comme la titulaire et demanderesse unique du brevet 742 dans les registres du Bureau des brevets.

[25]  Concernant le critère de l’arrêt ITO, la requête en radiation de Farmobile pour absence de compétence se concentre sur le deuxième élément du critère. Farmobile fait valoir qu’il n’existe aucun ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution légale de compétence. Plus précisément, Farmobile soutient que la décision portant sur les actes de procédure contestés est secondaire et qu’elle dépend de l’interprétation de la Cour, en premier lieu, des documents contractuels défendus et invoqués par Farmers Edge pour décider si les prédécesseurs en titre de cette dernière ont acquis la propriété du brevet 742. Farmobile soutient que les actes de procédure contestés de Farmers Edge sont principalement ou uniquement de nature contractuelle et que les questions de droit concernant les brevets sont simplement incidentes ou secondaires.

[26]  En revanche, Farmers Edge affirme que les questions d’ordre contractuel sont secondaires aux questions portant sur le brevet et que la Cour a compétence pour entendre l’ensemble des questions en litige.

[27]  Il est bien établi que la Cour n’a pas compétence pour entendre une demande présentée en application de l’article 52 de la Loi sur les brevets, lorsque la question en litige concerne le titulaire légitime d’un brevet précis et lorsque la détermination de la propriété dépend de l’interprétation de diverses ententes intervenues entre les parties et de l’application et de l’interprétation de principes de droit contractuel. Dans la décision Lawthier c 424470 BC Ltd, [1995] ACF no 549   [Lawthier], la Cour a rejeté une requête en jugement sommaire au motif qu’elle n’avait pas compétence, après avoir établi que la question principale en litige, soulevée dans les actes de procédure, concernait l’interprétation d’une convention d’option et que les questions portant sur le brevet étaient accessoires à la décision sur la question contractuelle. La Cour a conclu ce qui suit :

5  La Cour n’a pas compétence pour connaître d’un différend de nature purement contractuelle. Cependant, elle entendra une action intentée à la suite d’un différend de nature contractuelle si cette action porte principalement sur un brevet, une marque de commerce ou un droit d’auteur1 [Titan Linkabit Corp. v. S.E.E. See Electronic Engineering Inc., (1992), 44 C.P.R. (3rd) 469, à la p. 472]. En l’espèce, les plaidoiries montrent que le principal point en litige consiste à déterminer si le demandeur a le droit, au Canada, d’obtenir la rétrocession du brevet. La défenderesse prétend que le demandeur s’est vu offrir l’option d’acquérir à nouveau le brevet mais qu’il a refusé de verser le prix convenu, de sorte que l’option s’est éteinte. Le principal point en litige semble porter sur la nature de la convention relative à l’option et sur la question de savoir si les parties en ont respecté les modalités.

6  À mon avis, c’est en tranchant ce point contractuel qu’il sera possible de déterminer la propriété du brevet et le redressement qui s’impose. Pour ces motifs, j’ai conclu qu’il s’agit principalement en l’espèce d’un différend contractuel et que les questions relatives au brevet sont secondaires. Par conséquent, la Cour n’a pas compétence. Le demandeur devrait faire valoir ses droits devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Comme l’énonçait le juge Dubé dans l’affaire Laurin c. Champagne, [[1991] A.C.F. no 461], (1991), 38 C.P.R. (3d) 193 (C.F., 1re inst.), à la p. 196, le demandeur peut ultérieurement demander à la Cour de modifier l’inscription de la cession si c’est nécessaire.

[28]  La Cour a appliqué le raisonnement de la décision Lawthier dans de nombreuses décisions, notamment dans les décisions suivantes : Axia Incorporated c Northstar Tool Corporation, 2005 CF 573, aux paragraphes 17 à 19 [Axia]; R.L.P. Machine & Steel Fabrication Inc. c Ditullio, 2001 CFPI 245, aux paragraphes 35 à 39 [RLP Machine]; Salt Canada Inc. c Baker, 2016 CF 830, au paragraphe 20 [Salt]; Alpha Marathon Technologies Inc. c Dual Spiral Systems Inc., 2017 CF 1119, aux paragraphes 63 et 64.

[29]  Dans la décision Salt, la Cour a reconnu avoir compétence pour trancher des questions portant sur la propriété d’un brevet dans certaines circonstances, mais elle a conclu qu’elle « n’[avait] pas compétence pour statuer lorsque la détermination de la propriété d’un brevet dépend de l’application et de l’interprétation de principes de droit contractuel » (paragraphe 20). Elle a noté que le fil conducteur entre les décisions R.L.P. Machine, Axia, Lawthier et autres est la conclusion selon laquelle la Cour n’a pas compétence lorsqu’il est « essentiel d’interpréter d’abord des documents contractuels pour pouvoir ensuite déterminer la propriété d’un brevet » (paragraphe 23).

[30]  Les règles de droit établies dans ces décisions s’appliquent également à l’espèce et, par conséquent, je dois conclure qu’il est manifeste et évident que la Cour n’a pas compétence à l’égard des parties contestées de la demande reconventionnelle modifiée. En l’espèce, tout comme dans la décision Salt, Farmers Edge demande qu’une ordonnance soit rendue pour modifier les registres du Bureau des brevets, au motif qu’elle est la titulaire du brevet. En l’espèce, tout comme dans la décision Salt, Farmers Edge soutient qu’elle la propriétaire du brevet en s’appuyant sur divers documents contractuels. Les faits substantiels plaidés par Farmers Edge, et sur lesquels elle se fonde pour établir son allégation concernant la propriété du brevet 742, se composent principalement, voire uniquement, des ententes décrites dans la demande reconventionnelle modifiée, où Farmers Edge affirme que tous les droits relatifs au brevet 742 de chacun des inventeurs désignés ont été explicitement ou implicitement cédés à Crop Ventures, puis à Farmers Edge. Comme dans la décision Salt, l’ordonnance visée à l’article 52, demandée dans la demande reconventionnelle modifiée, est secondaire puisqu’elle dépend de l’interprétation préalable de ces ententes qui, selon la demande reconventionnelle modifiée, font de Farmers Edge la titulaire du brevet 742.

[31]  En l’espèce, Farmers Edge ne conteste pas que sa demande visant la propriété du brevet 742 est fondée principalement sur ces ententes, ni que la Cour devra les interpréter pour statuer sur la propriété du brevet. En revanche. Farmers Edge fait valoir que les décisions invoquées par Farmobile, notamment les décisions Lawthier et Salt, se distinguent de l’espèce puisque la principale question en litige dans ces affaires ne concernait pas la contrefaçon, mais une question d’ordre contractuel connexe.

[32]  Je suis d’avis que la demande reconventionnelle modifiée n’est pas différente sur ce fondement. Lorsque la demande reconventionnelle modifiée est examinée séparément, comme l’exige une action distincte, il apparaît qu’elle ne concerne pas non plus la contrefaçon d’un brevet. Elle porte sur la propriété du brevet 742 et sur un litige d’ordre contractuel visant à décider si certaines ententes établissent que Farmers Edge est la titulaire du brevet 742.

[33]  En outre, je suis d’avis que l’arrêt Kellogg Company v Kellogg, [1941] RCS 242, rendu par la Cour suprême est différent et qu’il n’aide pas Farmers Edge dans sa réponse à la requête en radiation présentée par Farmobile. Dans l’arrêt Kellogg, la requérante sollicitait, à titre subsidiaire, une ordonnance en radiation d’une demande, si la demanderesse avait droit au bénéfice d’une invention, en application d’un contrat d’emploi. En l’espèce, on demande que l’élément essentiel de la demande reconventionnelle modifiée, à savoir la prétention de la propriété de l’objet du brevet 742 selon une série d’ententes, soit radié.

[34]  L’arrêt Kellogg permet d’affirmer que la Cour fédérale peut trancher des questions d’ordre contractuel incidentes lorsque le caractère véritable de la demande dans son ensemble relève de la compétence de la Cour. Toutefois, la Cour n’a pas compétence pour statuer sur une demande (ou en l’espèce, sur une demande reconventionnelle) lorsqu’elle consiste [traduction] « purement et simplement » en un litige de nature contractuelle (Kellogg), ou lorsqu’une question sur laquelle la Cour peut avoir compétence est secondaire et dépendante de la résolution d’une question d’ordre contractuel (Salt).

[35]  Comme la mesure de redressement demandée par Farmers Edge, dans sa demande reconventionnelle modifiée, est dépendante de la détermination préalable des droits conférés par les ententes décrites dans cette même demande reconventionnelle et que l’interprétation de ces ententes est clairement une question de nature contractuelle, plutôt qu’une question relative au droit des brevets, il est manifeste et évident que la Cour n’a pas compétence pour statuer sur les parties contestées de la demande reconventionnelle modifiée, et ces actes de procédure doivent être radiés.

D.  Compétence à l’égard des parties contestées de la défense modifiée

[36]  Je conclus que les parties contestées de la défense modifiée sont du ressort de la Cour parce que leur nature et leur objet diffèrent de ceux de la demande reconventionnelle modifiée. Contrairement à la demande reconventionnelle modifiée, laquelle doit être traitée comme une action distincte, la défense modifiée fait partie de la demande principale. Ainsi, la compétence de la Cour à l’égard des paragraphes contestés de la défense doit être examinée dans le contexte de la demande principale et compte tenu des actes de procédure déposés dans l’action principale.

[37]  L’objet de l’action principale concerne principalement un brevet. Dans sa déclaration, Farmobile soutient que Farmers Edge a contrefait le brevet. La totalité de la déclaration est fondée sur un texte législatif qui relève de la compétence de la Cour fédérale. Que certaines questions d’ordre contractuel, soulevées dans la défense modifiée, soient examinées par la Cour à l’occasion de son appréciation globale des questions soulevées dans l’action principale n’écarte pas cette compétence. La Cour peut interpréter et appliquer le droit provincial à des instances qui sont autrement fondées sur le droit fédéral et qui sont du ressort de la Cour : arrêt ITO, aux pages 781 et 782.

[38]  En application du raisonnement adopté par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Innotech Pty Ltd, précité, même si les mêmes ententes sont plaidées à la fois dans la défense modifiée et dans la demande reconventionnelle modifiée, elles sont invoquées dans un but différent dans chacun des actes de procédure. Dans la défense modifiée, les allégations concernant les ententes servent de bouclier contre l’action en contrefaçon de brevet de Farmobile. Cette action peut être tranchée en se fondant sur la déclaration et la défense modifiée et, accessoirement à cette décision, il se peut que les ententes doivent être examinées.

[39]  En revanche, la demande reconventionnelle modifiée concerne principalement une action relative à la propriété du brevet 742 et à la correction des registres du Bureau des brevets pour y indiquer que Farmers Edge est titulaire du brevet. Dans la demande reconventionnelle modifiée, les ententes servent d’épée et de fondement à une demande visant à obtenir une déclaration de propriété contre Farmobile. En conséquence, la demande reconventionnelle, lorsqu’elle est examinée seule, n’est pas du ressort de la Cour, pour les motifs déjà énoncés. Bien que la présente issue puisse entraîner des inconvénients, étant donné que les questions soulevées dans les parties contestées de la demande reconventionnelle modifiée devront être tranchées par un autre tribunal, la Cour d’appel fédérale a conclu, dans l’arrêt Innotech Pty Ltd, que de tels inconvénients « ne peuvent fonder la compétence de la Cour ».

[40]  La jurisprudence invoquée par Farmobile n’appuie pas sa requête en radiation des parties contestées de la défense modifiée. Dans cette jurisprudence, la partie requérante ne cherchait pas à obtenir la radiation d’allégations concernant un litige de nature contractuelle, lesquelles étaient invoquées comme bouclier dans une défense contre une action en contrefaçon de brevet. Au contraire, les questions de nature contractuelle de cette jurisprudence étaient invoquées par la partie demanderesse, et elles étaient utilisées comme épée à l’appui de la revendication de la propriété d’un brevet.

[41]  Dans ses observations écrites initiales et lors de l’audition de la requête en radiation, Farmobile a également fait valoir que la Cour n’a pas compétence pour entendre les questions soulevées dans les actes de procédure, puisque les ententes invoquées par Farmers Edge contiennent des clauses attributives de compétence exclusive, selon lesquelles les parties ont accepté que le droit de l’État du Nebraska, soit le droit applicable pour l’interprétation des ententes. Toutefois, dans ses observations supplémentaires, Farmobile semble s’être rétractée de cette thèse, à tout le moins dans une certaine mesure, puisqu’elle soutient maintenant que les cours supérieures provinciales du Canada peuvent admettre des éléments de preuve concernant le droit étranger, notamment le droit étranger du Nebraska, et l’appliquer aux faits d’une affaire.

[42]  Bien que les parties ne m’aient pas présenté de jurisprudence de notre Cour pour soutenir ou réfuter l’argument de Farmobile, je note qu’un argument similaire a été rejeté par la Cour dans la décision International Water-Guard industries inc c Bombardier inc, 2007 CF 285. Dans cette affaire, la défenderesse a fait valoir que la Cour fédérale n’avait pas compétence pour trancher une demande fondée sur certaines ententes, puisque les ententes contenaient des clauses attribuant une compétence exclusive aux tribunaux du Québec à l’égard de toute « action, poursuite ou instance découlant » des ententes « ou liées à celles-ci ». La Cour a rejeté cet argument et a affirmé ce qui suit, au paragraphe 5 :

Les clauses attributives de compétence exclusive ne peuvent écarter la compétence que la Cour posséderait autrement, pas plus qu’elles ne peuvent lui attribuer une compétence qu’elle n’aurait pas. Ces clauses sont des conventions entre les parties qui sont habituellement mises en œuvre non pas par des ordonnances radiant les actes de procédure mais par des ordonnances suspendant l’instance en faveur du tribunal désigné dans l’entente.

[43]  Compte tenu du raisonnement de la Cour dans la décision International Water-Guard industries inc c Bombardier inc, je rejette l’argument de Farmobile selon lequel la Cour fédérale n’a pas compétence pour examiner les ententes invoquées dans les parties contestées de la défense modifiée, simplement parce que les ententes contiennent des clauses attributives de compétence exclusive, selon lesquelles le droit de l’État du Nebraska est le droit applicable à l’interprétation des ententes.

[44]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus qu’il n’est pas évident et manifeste que la Cour n’a pas compétence à l’égard des parties contestées de la défense modifiée, et la requête de Farmobile en radiation de ces actes de procédure est donc rejetée.

III.  La requête en radiation de Farmers Edge

[45]  Comme j’ai conclu que les parties contestées de la demande reconventionnelle modifiée devraient être radiées en raison de l’absence de compétence de la Cour, je dois aussi examiner la requête en réponse de Farmers Edge visant à obtenir une ordonnance de radiation ou, subsidiairement, la suspension de l’ensemble de l’instance, jusqu’à ce que la Cour rende une autre ordonnance.

[46]  Farmers Edge fait valoir que si la Cour décide qu’elle n’a pas compétence pour entendre la question de la propriété, elle devrait radier l’ensemble de l’instance, y compris l’action principale présentée par Farmobile concernant la contrefaçon de brevet, puisque la question de la propriété est la question principale de cette action. Farmers Edge soutient qu’il serait préjudiciable et inéquitable d’exclure une défense et une demande reconventionnelle importantes afin de préserver la compétence de la Cour.

[47]  Farmers Edge n’a pas cité de jurisprudence où la Cour a radié une action en contrefaçon de brevet, en attendant qu’un tribunal compétent tranche la demande reconventionnelle d’une partie défenderesse concernant la propriété du brevet en litige. Au contraire, la Cour a conclu, dans la décision Spangler Candy Company Inc c Karma Candy Inc, 2013 CF 253, au paragraphe 59, que la concession de la défenderesse, selon laquelle sa demande reconventionnelle visant à obtenir des dommages-intérêts pour la violation alléguée d’un contrat outrepassait la compétence de la Cour, ne constituait pas un motif pour empêcher la demanderesse de saisir la Cour de son action pour atteinte aux droits de propriété intellectuelle.

[48]  Farmers Edge se fonde sur les décisions Salt et Lawthier pour étayer sa requête en radiation de l’ensemble de l’instance. Ni l’une ni l’autre de ces décisions n’aide Farmers Edge, puisqu’aucune demande reconventionnelle n’était en litige dans ces affaires, encore moins une requête en radiation de la totalité ou d’une partie d’un acte de procédure pour absence de compétence, comme c’est le cas en l’espèce. Par conséquent, la Cour n’a pas eu à décider si elle devait refuser d’exercer sa compétence à l’égard de la demande principale, en raison de son absence de compétence concernant des parties de la demande reconventionnelle.

[49]  La requête en radiation de l’ensemble de l’instance présentée par Farmers Edge est rejetée.

IV.  Requête en suspension de l’instance de Farmers Edge

[50]  Farmers Edge prétend, à titre subsidiaire, que l’ensemble de l’instance devrait être suspendue, jusqu’à ce que la Cour rende une autre ordonnance, si la Cour n’est pas prête à la radier au complet.

[51]  L’alinéa 50(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales (la Loi) confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal. En application de l’alinéa 50(1)b), la Cour peut également suspendre les procédures lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

[52]  Dans la décision White c EBF Manufacturing Ltd, 2001 CFPI 713, au paragraphe 5, la Cour a énoncé les facteurs à examiner pour décider si une suspension devrait être accordée, en application du paragraphe 50(1) de la Loi :

  1. La poursuite de l’action causerait-elle un préjudice ou une injustice (non seulement des inconvénients et des frais additionnels) au défendeur?

  2. La suspension créerait-elle une injustice envers le demandeur?

  3. Il incombe à la partie qui demande la suspension d’établir que ces deux conditions sont réunies.

  4. L’octroi ou le refus de la suspension relèvent de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge.

  5. Le pouvoir d’accorder une suspension peut seulement être exercé avec modération et dans les cas les plus évidents.

  6. Les faits allégués, les questions de droit soulevées et la réparation demandée sont-ils les mêmes dans les deux actions?

  7. Quelles sont les possibilités que le [sic] deux tribunaux tirent des conclusions contradictoires?

  8. À moins qu’il y ait un risque que deux tribunaux différents rendent prochainement une décision sur la même question, la Cour devrait répugner fortement à limiter le droit d’accès d’une partie en litige à un autre tribunal.

  9. La priorité ne doit pas nécessairement être accordée à la première instance par rapport à la deuxième ou vice versa.

[53]  Farmers Edge soutient qu’elle subira un préjudice si la présente demande est instruite malgré la radiation d’une partie de la défense et de la demande reconventionnelle modifiées, parce qu’elle ne disposera pas de tous les moyens possibles pour répondre à l’action en contrefaçon de brevet de Farmobile. Plus précisément, Farmers Edge prétend qu’elle serait privée de la possibilité de faire valoir qu’elle est titulaire de l’invention revendiquée dans le brevet 742 et, par conséquent, qu’elle ne peut contrefaire une invention dont elle est titulaire en droit.

[54]  Compte tenu de ma conclusion selon laquelle aucune partie de la défense modifiée de Farmers Edge ne devrait être radiée pour absence de compétence, l’argument de Farmers Edge voulant qu’elle soit lésée dans sa défense contre la demande de Farmobile, si l’action principale est jugée recevable, est sans fondement. Farmers Edge conserve la possibilité de répondre à l’action en contrefaçon de Farmobile, en faisant valoir tous les moyens actuellement invoqués dans sa défense modifiée, notamment son allégation selon laquelle elle est titulaire de l’invention revendiquée dans le brevet 742.

[55]  Concernant la demande reconventionnelle modifiée, Farmers Edge n’a pas démontré qu’elle subirait un préjudice irréparable si l’action principale était jugée recevable, malgré la radiation des parties contestées de la demande reconventionnelle modifiée. Au pire, cela peut entraîner des inconvénients, comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué dans l’arrêt Innotech Pty Ltd, à la page 277, mais Farmers Edge peut choisir d’introduire une demande devant un autre tribunal compétent pour qu’il statue sur les questions de nature contractuelle invoquées dans la partie de la demande reconventionnelle modifiée faisant l’objet d’une radiation, puis se présenter de nouveau devant la Cour fédérale pour demander la modification du titre de propriété du brevet 742.

[56]  À l’inverse, il serait préjudiciable à Farmobile de suspendre l’ensemble de l’instance, en attendant la décision d’un tribunal compétent concernant la demande reconventionnelle de Farmers Edge, puisque Farmobile serait empêchée de poursuivre son action en contrefaçon de brevet devant la Cour sans retard injustifié.

[57]  Farmers Edge soutient également que si la totalité ou une partie des actes de procédure contestés est radiée, la totalité de l’instance doit être suspendue jusqu’à ce qu’une demande parallèle soit tranchée dans l’État du Nebraska et que les questions portant sur la propriété des inventions revendiquées dans le brevet 742 aient fait l’objet d’une décision. Farmers Edge prétend qu’une suspension permettra d’éviter une multiplication des instances et un risque que la Cour de district de l’État du Nebraska et notre Cour rendent des conclusions incompatibles concernant la propriété du brevet 742.

[58]  En 2016, Farmers Edge et d’autres parties ont introduit une demande contre Farmobile et MM. Tatge, Gerlock, et Nuss devant la Cour de district de l’État du Nebraska aux États-Unis. Dans le procès intenté au Nebraska, Farmers Edge allègue notamment que MM. Tatge, Gerlock, et Nuss ont illégalement utilisé la propriété intellectuelle et les inventions correspondantes cédées légitimement à Crop Ventures au bénéfice de Farmobile, afin de créer différents dispositifs, produits et services similaires au système FarmCommand et au dispositif CanPlug. Farmers Edge soutient que la portée et le caractère exécutoire des ententes, et plus précisément la cession de la propriété intellectuelle et des inventions, notamment celles revendiquées dans le brevet 742, sont en cause dans le procès intenté au Nebraska.

[59]  Je suis d’avis que rien ne justifie la suspension de la présente instance en faveur du procès intenté au Nebraska. Les parties ne sont pas identiques dans les deux demandes. Les causes d’action invoquées devant chaque cour sont également différentes.

[60]  En outre, deux ordonnances en jugement sommaire prononcées dans le cadre du procès intenté au Nebraska, après que la Cour a entendu les présentes requêtes, ont éliminé tout risque de conclusions incompatibles. Par voie d’ordonnance rendue le 1er juin 2018, j’ai autorisé les parties à signifier et à déposer d’autres éléments de preuve par affidavit et des observations écrites supplémentaires, dans le respect des deux ordonnances rendues au Nebraska, et des thèses et arguments des parties dans le procès intenté au Nebraska ayant mené à ces deux ordonnances, dans la mesure où ils concernent les questions de propriété du brevet canadien et où ces renseignements ne pouvaient avoir été obtenus avant l’audition des présentes requêtes.

[61]  Les deux ordonnances en jugement sommaire, rendues le 3 mai 2018 dans le procès intenté au Nebraska, confirment que la Cour de district de l’État du Nebraska n’a pas compétence concernant la propriété du brevet canadien (c’est-à-dire le brevet 742). La Cour de district de l’État du Nebraska a rejeté une requête en jugement sommaire présentée par Farmers Edge et d’autres parties concernant les demandes visant notamment à obtenir une déclaration de propriété de plusieurs brevets, y compris le brevet canadien 742. Lors du rejet de la requête de Farmers Edge, la cour a indiqué que [traduction] « le brevet canadien n’est pas pertinent en l’espèce. La Cour n’a aucune compétence à l’égard de cette affaire ». Concernant une requête en jugement sommaire présentée par Farmobile et les autres parties défenderesses en vue d’obtenir le rejet des demandes de Farmers Edge, la Cour a accueilli la requête en partie et les demandes de Farmers Edge en matière de propriété ont été rejetées.

[62]  Pour ces motifs, je conclus que rien ne justifie la suspension de l’ensemble de l’instance dans l’intérêt de la justice ou au motif que l’affaire est en instance devant un autre tribunal. En conséquence, la requête en suspension de Farmers Edge est rejetée.

[63]  La question des dépens est différée. Les parties devront présenter des observations écrites sur les dépens, ne dépassant pas sept (7) pages, selon les échéances suivantes :

  1. La demanderesse doit signifier et déposer ses observations écrites concernant les dépens au plus tard le 24 septembre 2018.

  2. La défenderesse doit signifier et déposer ses observations écrites concernant les dépens au plus tard le 1er octobre 2018.


ORDONNANCE dans le dossier T-449-17

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. La requête en radiation de la demanderesse est accueillie en partie. Les alinéas 15a), 15c), 15d), 15e), et les paragraphes 21, 22, 23, 24, 25 et 26 sont radiés de la demande reconventionnelle modifiée.

  2. La défenderesse devra, dans les 14 jours suivant la date de la présente ordonnance, signifier et déposer une défense et demande reconventionnelle remodifiées, afin de supprimer les parties de la demande reconventionnelle qui sont radiées.

  3. La demanderesse devra signifier et déposer sa réponse et défense à la demande reconventionnelle dans les 30 jours suivant la date de la signification par la défenderesse d’une défense et d’une demande reconventionnelle remodifiées, aux termes de la présente ordonnance.

  4. La requête en radiation de l’ensemble de l’instance, présentée par la défenderesse, est rejetée.

  5. La requête de la défenderesse en suspension de l’instance, présentée à titre subsidiaire, est rejetée.

  6. La question des dépens est différée. Les parties devront présenter des observations écrites sur les dépens, ne dépassant pas cinq (5) pages, selon les échéances suivantes :

    • a) La demanderesse doit signifier et déposer ses observations écrites concernant les dépens au plus tard le 24 septembre 2018.

    • b) La défenderesse doit signifier et déposer ses observations écrites concernant les dépens au plus tard le 1er octobre 2018.

« Kathleen M. Ring »

Juge responsable de la gestion de l’instance


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-449-17

INTITULÉ :

FARMOBILE, LLC. c FARMERS EDGE INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 février 2018

ORDONNANCE ET MOTIFS :

Madame Kathleen M. Ring, juge responsable de la gestion de l’instance

DATE DES MOTIFS :

Le 13 septembre 2018

COMPARUTIONS :

Scott E. Foster

R. Nelson Godfrey

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Lynda Troup

Bailey Harris

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Thompson Dorfman Sweatman LLP

Winnipeg (Manitoba)

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

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