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Date : 20180926


Dossier : T-1373-17

Référence : 2018 CF 951

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2018

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

TOKAI OF CANADA LTD.

demanderesse

et

THE KINGSFORD PRODUCTS COMPANY, LLC

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’un appel, interjeté en application de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi), de la décision rendue par la registraire des marques de commerce (la registraire), qui a repoussé une demande d’enregistrement d’une marque de commerce produite par Tokai of Canada Ltd. (Tokai, ou la demanderesse).

II.  Résumé des faits

[2]  Le 5 décembre 2013, la demanderesse a produit la demande d’enregistrement (la demande) relative à la marque de commerce KING (la marque de commerce KING) portant le numéro 1,655,739 pour un emploi en liaison avec du [traduction] « butane ». La demande était fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada.

[3]  Le 9 mars 2015, l’entreprise Kingsford Products Company, LLC (Kingsford, ou la défenderesse) a produit une déclaration d’opposition à l’égard de la demande. Kingsford est la propriétaire des marques de commerce déposées KINGSFORD (LMC344,604), KINGSFORD CHARCOAL BRIQUETS & DESSIN (LMC335,006), KINGSFORD (LMC195,651), KINGSFORD & DESSIN (LMC196,359), KINGSFORD (LMC386,771), KINGSFORD & DESIGN (LMC810,844) et LMC767,620 (collectivement, les marques de commerce déposées KINGSFORD), lesquelles couvrent une gamme de produits liés aux barbecues :

[4]  Les motifs d’opposition à la demande invoqués par la défenderesse sont fondés sur l’article 2 et les alinéas 12(1)d), 16(3)a), 16(3)c), et 30i) de la Loi. Chacun des motifs repose en partie sur une allégation voulant qu’il existe une probabilité de confusion entre la marque de commerce KING et les marques de commerce déposées KINGSFORD.

[5]  Le 20 mai 2015, la demanderesse a produit une contre-déclaration réfutant la déclaration d’opposition.

[6]  Avant la tenue de l’audition, la défenderesse a produit l’affidavit de Mme Christine Miroslavich, une technicienne juridique employée par la défenderesse. La demanderesse a choisi de ne pas produire d’éléments de preuve et elle n’a pas contre-interrogé Mme Miroslavich.

[7]  Aucune des parties n’a produit de plaidoyer écrit. Le 6 juillet 2017, les deux parties ont présenté des observations de vive voix lors de l’audition devant la Commission des oppositions des marques de commerce.

[8]  Le 12 juillet 2017, en application de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la registraire a repoussé la demande au motif qu’il existe une probabilité de confusion entre la marque de commerce KING et les marques de commerce déposées KINGSFORD (la décision). La registraire a rejeté les motifs d’opposition fondés sur l’article 2 et les alinéas 16(3)a), 16(3)c), et 30i) de la Loi.

[9]  Le 11 septembre 2017, la demanderesse a produit un avis de demande visant à saisir la Cour d’un appel de la décision.

[10]  L’avis de demande soutient que la registraire a erré pour les motifs suivants :

a)  La décision de la registraire concernant la question de la confusion entre la marque de commerce et les marques de commerce déposées de la défenderesse était erronée, compte tenu de plusieurs faits substantiels liés à la question de la confusion, dont les éléments de preuve y afférant n’ont pas été présentés à la registraire à l’occasion de la procédure d’opposition.

b)  La décision de la registraire concernant le lien entre les produits de la demanderesse et ceux de la défenderesse était erronée et déraisonnable, compte tenu des faits qui lui ont été présentés. Plus précisément, il n’existait aucun élément de preuve concernant la nature du butane ou les emplois auxquels il peut servir.

c)  La décision de la registraire concernant le recoupement entre les voies de commercialisation de la demanderesse et celles de la défenderesse était erronée et déraisonnable, compte tenu des faits qui lui ont été présentés. Plus précisément, il n’existait aucun élément de preuve concernant les voies de commercialisation des parties.

[11]  Le 26 septembre 2017, il y a eu transmission d’une copie certifiée conforme du dossier présenté à la registraire.

[12]  Le 28 septembre 2017, la défenderesse a produit un avis de comparution.

[13]  La défenderesse a produit une nouvelle preuve comprenant l’affidavit de Mme Elenita Anastacio, assermenté le 6 février 2018, (l’affidavit de Mme Anastacio). Les éléments de preuve comprenaient :

  • a) Des précisions concernant les demandes d’enregistrement de marques de commerce canadiennes suivantes, produites par Tokai pour la marque de commerce « KING », auxquelles Kingsford s’est opposée :

Marque de commerce

Demande no :

Produits

KING

1,539,953

Barbecue et briquets pour foyers

KING

1,655,739

Butane

KING

1,684,990

Briquets pour cigarettes

  • b) L’affidavit de M. John William Tucker, assermenté le 11 juin 2015 (l’affidavit de M. Tucker), déposé en preuve par Tokai dans une procédure d’opposition concernant la demande d’enregistrement de la marque « KING » no 1,539,953, produite par Tokai.

  • c) La transcription du contre-interrogatoire de M. John William Tucker concernant son affidavit assermenté le 11 juin 2015, lequel a été déposé en preuve par Tokai dans une procédure d’opposition concernant la demande d’enregistrement de la marque « KING » no 1,539,953, produite par Tokai.

[14]  La demanderesse n’a pas contre-interrogé Mme Anastacio.

III.  Les questions en litige

[15]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?
  2. La registraire a-t-elle commis une erreur en concluant à l’existence d’une probabilité de confusion entre la marque de commerce KING et les marques de commerce déposées KINGSFORD?

IV.  Analyse

A.  Quelle est la norme de contrôle applicable?

[16]  Le paragraphe 56(5) de la Loi prescrit que les parties à un appel peuvent présenter de nouveaux éléments de preuve à la Cour. Si aucun nouvel élément de preuve pertinent n’est présenté, la norme de la décision raisonnable s’applique. Si des éléments de preuve sont présentés, lesquels auraient eu une incidence importante sur les conclusions de fait ou sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la registraire, la norme de la décision correcte s’applique, et la Cour peut tirer sa propre conclusion concernant le caractère correct de la décision de la registraire (Iwasaki Electric Co. Ltd. c Hortilux Schreder B.V., 2012 CAF 321, au paragraphe 2, citant le juge Rothstein (tel était alors son titre) dans la décision Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145).

[17]  Comme je l’ai déjà indiqué, la registraire a conclu que Kingsford ne s’était pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’article 2 et les alinéas 16(3)a), 16(3)c), et 30i) de la Loi. La registraire a conclu que Kingsford ne s’était pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(3)a) et 16(3)c), puisqu’elle n’a pas produit une preuve suffisante pour démontrer qu’une ou plusieurs de ses marques de commerce ont été employées au Canada (au sens de l’article 4 de la Loi). La registraire a également conclu que Kingsford ne s’était pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’article 2, puisqu’elle n’a pas produit une preuve suffisante pour démontrer l’acquisition d’une réputation.

[18]  Lors de l’examen de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la registraire a exercé son pouvoir discrétionnaire pour confirmer que les marques de commerce déposées KINGSFORD existaient toutes au registre, concluant ainsi que Kingsford s’était acquittée de son fardeau de preuve initial. La registraire a ensuite examiné les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, et elle a conclu que Tokai ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’existait pas de risque raisonnable de confusion entre la marque de commerce KING et les marques de commerce KINGSFORD. Pour ce seul motif, la registraire a repoussé la demande.

[19]  Les nouveaux éléments de preuve produits en appel par la défenderesse comprennent l’affidavit de M. Tucker, lequel démontre que Tokai a utilisé, au Canada, la marque de commerce KING en liaison avec des barbecues et des briquets pour cigarettes depuis au moins le 30 décembre 2010 et qu’elle a réalisé des ventes de plus 460 450 $ entre 2010 et 2014 inclusivement. Des factures jointes à l’affidavit de M. Tucker montrent des ventes régulières faites à Wal-Mart Canada Corp.

[20]  L’affidavit de M. Tucker indique également que ce dernier n’a pas eu connaissance de situations où un client aurait acheté un briquet de marque KING en croyant qu’il s’agissait d’un produit de Kingsford ou qu’il existait un lien quelconque entre les produits.

[21]  Les chiffres de vente présentés en preuve dans l’affidavit de M. Tucker concernent les ventes de briquets, et non les produits en litige en l’espèce. Les chiffres n’aident pas la demanderesse à démontrer l’usage, aux termes de l’alinéa 6(5)b) de la Loi. Bien que l’on suggère l’existence d’un lien entre le butane et les briquets au butane, cet élément de preuve, au mieux, milite en faveur de la conclusion de la registraire selon laquelle elle n’était pas en mesure de conclure qu’il n’existerait pas de lien entre les produits des parties ou de recoupement de leurs voies de commercialisation respectives.

[22]  En outre, bien que l’élément de preuve selon lequel M. Tucker n’ait pas eu connaissance de situations, au Canada, où les marques KING et KINGSFORD auraient porté à confusion, puisqu’elles concernent des briquets, soit pertinent pour la question de la confusion, il n’aurait pas eu d’incidence importante sur les conclusions de la registraire. La demanderesse n’a pas expliqué pourquoi un dirigeant devrait être au courant des plaintes de clients portant sur une confusion entre les produits, et M. Tucker a déclaré en contre-interrogatoire qu’il n’existait pas de processus particulier permettant de lui signaler de telles plaintes.

[23]  Je suis d’avis que les nouveaux éléments de preuve présentés en appel n’auraient pas eu une incidence importante sur les conclusions de fait ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la registraire. En conséquence, la norme de contrôle devrait être celle de la décision raisonnable.

B.  La registraire a-t-elle commis une erreur en concluant à l’existence d’une probabilité de confusion entre la marque de commerce KING et les marques de commerce déposées KINGSFORD?

[24]  La question en litige en l’espèce consiste à déterminer s’il était raisonnablement loisible à la registraire d’en venir à la conclusion qu’il existait un risque de confusion, et non si je serais parvenu à une conclusion différente, compte tenu du dossier présenté à la registraire.

[25]  L’alinéa 12(1)d) de la Loi prescrit qu’une marque de commerce est enregistrable si elle ne crée pas de confusion avec une marque de commerce déposée. La date pertinente pour déterminer si la marque de commerce crée de la confusion, aux termes de l’alinéa 12(1)d), est la date de la décision du juge des faits. Comme les nouveaux éléments de preuve produits en appel n’étaient pas déterminants, la date de la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce est celle applicable.

[26]  Le paragraphe 6(2) de la Loi dispose qu’il y a confusion lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[27]  Comme l’a affirmé le juge Rothstein dans l’arrêt Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, au paragraphe 40 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[28]  Pour l’application du critère concernant le risque de confusion, le paragraphe 6(5) de la Loi prescrit les facteurs à examiner :

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans leur présentation ou leur son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[29]  La liste de circonstances énoncées au paragraphe 6(5) n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte (Mattel Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, au paragraphe 54, [2006] 1 RCS 772 (Mattel)). Il incombe à la demanderesse de démontrer qu’il n’existe pas de risque de confusion, selon la prépondérance des probabilités (Mattel, précité).

[30]  Il est constant que les principaux éléments dont la Cour doit tenir compte en l’espèce, en application du paragraphe 6(5) de la Loi, sont le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans leur présentation, les idées qu’elles suggèrent et le caractère distinctif inhérent des marques de commerce. Néanmoins, j’examinerai chacune des circonstances de l’espèce énumérées au paragraphe 6(5).

1)  Le caractère distinctif inhérent

[31]  La demanderesse fait valoir que les marques de commerce en litige sont intrinsèquement faibles, puisque leur principal élément, c’est-à-dire KING, est un nom commun du dictionnaire. En outre, compte tenu de l’insuffisance des éléments de preuve produits par Kingsford pour démontrer qu’elle a acquis une renommée, les marques de commerce déposées KINGSFORD devraient recevoir un faible degré de protection, et les différences relativement limitées devraient suffire à distinguer la marque de commerce KING de la demanderesse des marques de commerce déposées KINGSFORD de la défenderesse.

[32]  Toutefois, bien que je sois d’accord qu’il n’existe pas d’éléments de preuve de l’usage des marques de commerce déposées KINGSFORD permettant d’ajouter un caractère distinctif acquis à ces marques de commerce, la registraire a eu raison de conclure que la marque de commerce KING et les marques de commerce déposées KINGSFORD possèdent un certain caractère distinctif; elles sont de nature arbitraire et elles ne sont ni descriptives ni évocatrices des produits associés aux marques de commerce. Ce facteur ne milite en faveur d’aucune des parties.

2)  Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[33]  La marque de commerce KING de la demanderesse est en lien avec une utilisation proposée de butane, alors que les marques de commerce déposées KINGSFORD couvrent une variété de produits liés aux barbecues, dont les plus pertinents sont les [traduction] « allume-barbecues » Aucune des parties n’a présenté, à la registraire ou en appel, d’élément de preuve concernant l’usage.

[34]  Le seul élément de preuve concernant l’usage invoqué par la défenderesse concerne les enregistrements des marques de commerce et les dates présumées de l’usage, indiquées dans ces enregistrements.

[35]  La demanderesse soutient qu’étant donné que Kingsford n’a pas produit de copies certifiées des enregistrements des marques de commerce KINGSFORD, elle ne peut pas faire valoir la corroboration prescrite au paragraphe 54(2) de la Loi. Ce paragraphe édicte qu’une copie de toute inscription dans le registre, donnée comme étant certifiée conforme par le registraire, fait foi des faits y énoncés.

[36]  Bien que je sois d’accord avec la demanderesse sur ce point, la registraire n’a pas tenu compte de l’état du registre et elle a accordé un poids minime aux dates alléguées du premier usage des marques de commerce déposées KINGSFORD, invoquées par la défenderesse, mais elle a aussi conclu que ce facteur ne favorisait aucune des parties et qu’il ne permettait pas de trancher la question du risque de confusion. La décision de la registraire était raisonnable à cet égard.

[37]  Je dois toutefois signaler que, même si la Commission des oppositions des marques de commerce et la Cour sont saisies de quelques affaires ayant accordé au moins un poids de minimis aux dates d’usage indiquées dans les enregistrements des marques de commerce sans qu’aucun élément de preuve de l’usage réel n’ait été présenté, j’aurais tendance à n’accorder aucun poids à ces allégations d’usage, sauf si, à tout le moins, des copies certifiées des enregistrements sont produites en preuve.

3)  La nature des produits et du commerce

[38]  La registraire n’a pas été en mesure de conclure qu’il n’existerait pas de lien entre les produits des parties ou de recoupement de leurs voies de commercialisation respectives. Cette conclusion était fondée sur la nature des marques de commerce déposées KINGSFORD liée aux barbecues et sur l’insuffisance des éléments de preuve selon lesquels l’usage de la marque de commerce KING par la demanderesse pour le [traduction] « butane » ne se rapporterait pas à des produits liés aux barbecues et que ces produits ne seraient pas vendus aux mêmes consommateurs, par les mêmes voies de commercialisation :

[29] Les enregistrements de l’Opposante visent une gamme de produits liés aux barbecues, y compris de la sauce barbecue (LMC344,604), du charbon de bois, des allume-barbecue, un matériau réfractaire pour revêtement de barbecue, des copeaux de bois pour fumer et aromatiser les aliments (LMC195,651) et des barbecues (LMC386,771). La demande relative à la Marque ne renferme pas de restrictions ou de limitations en ce qui concerne l’application ou le secteur d’emploi du [traduction] « butane » de la Requérante. Sans de telles restrictions ou limitations, je ne suis pas en mesure de conclure qu’il n’existerait pas de lien entre les produits des parties ou de recoupement de leurs voies de commercialisation respectives. Le [traduction] « butane » de la Requérante pourrait très bien se rapporter également aux barbecues et être vendu aux mêmes consommateurs.

[39]  La demanderesse fait valoir, en appel, qu’il est très peu probable qu’un consommateur cherchant à acheter du butane pense que la marque de commerce KING utilisée pour ce dernier est associée, de quelque façon que ce soit, aux produits liés aux barbecues, notamment les allume-barbecues vendus par Kingsford; toutefois, en appel, elle n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de cette observation. Néanmoins, l’affidavit de M. Tucker, contenu dans l’affidavit de Mme Anastacio, indique que la demanderesse a utilisé la marque de commerce KING en lien avec des briquets expressément commercialisés pour le marché des barbecues, et vendus dans des chaînes de magasins de détail qui vendent aussi des produits liés aux barbecues. Par conséquent, je juge que la conclusion de la registraire à cet égard est raisonnable.

4)  Le degré de ressemblance et les idées que les produits suggèrent

[40]  La registraire a conclu qu’il existait un degré de ressemblance assez élevé entre les marques de commerce des parties, notant que la totalité de la marque de commerce KING se trouve dans la marque de commerce KINGSFORD, puisqu’elle figure dans la première partie dominante de cette marque de commerce, et qu’il existe certaines ressemblances visuelles, phonétiques et relatives aux impressions.

[41]  La demanderesse fait valoir que, bien qu’il soit constant que la première partie de la marque de commerce soit celle qui est la plus pertinente aux fins de la distinction :

  1. Lorsqu’un mot est courant, descriptif ou évocateur, l’importance de la première partie de la marque de commerce diminue.
  2. Les différences relativement limitées suffiront à distinguer les marques de commerce « faibles » dont le caractère distinctif inhérent est assez limité.

[42]  À juste titre, il a été constant au cours de l’audition que lors de l’examen du risque de confusion et du degré de ressemblance, il existe un principe prépondérant selon lequel la Cour ne doit pas disséquer les marques de commerce en parties lorsqu’elle les compare l’une à l’autre. Je suis saisie de la question de trancher, selon les facteurs pertinents établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece, précité, s’il existe un degré de ressemblance suffisant entre KING et KINGSFORD de telle sorte que relativement à la première impression, un consommateur ordinaire, plutôt pressé, ayant un vague souvenir des marques de commerce KINGSFORD, serait probablement incertain de la source des produits de marque KING (butane) offerts en vente, distribués et vendus par la demanderesse. Pour cette comparaison, je ne disséquerai pas les marques de commerce, mais j’examinerai s’il est raisonnable que la registraire ait tranché en faveur de la défenderesse.

[43]  Contrairement aux affirmations de la demanderesse, aucun élément de preuve n’a été soumis à la Cour selon lequel la marque KING est couramment utilisée d’une quelconque manière pertinente aux faits qui m’ont été présentés. En outre, la registraire a eu raison de conclure que les marques de commerce KING et KINGSFORD possèdent, dans une certaine mesure, un caractère inhérent distinctif; elles consistent toutes deux en des mots arbitraires quant à leur usage pour les produits liés à chaque marque de commerce, et elles ne sont ni descriptives ni évocatrices. Par conséquent, l’importance de l’élément KING, comme première partie de KINGSFORD et comme partie complète de la marque de commerce KING, n’est pas diminuée, et l’argument selon lequel les différences relativement limitées devraient suffire à distinguer ces marques de commerce est sans fondement.

[44]  Je conclus que la décision de la registraire, voulant que la marque de commerce KING de la demanderesse soit susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce KINGSFORD de la défenderesse, était raisonnable.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1373-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. L’appel est rejeté.

  2. Les dépens sont accordés à la défenderesse, tels qu’ils sont établis sous la Colonne III du Tarif B.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1373-17

 

INTITULÉ :

TOKAI OF CANADA LTD. c THE KINGSFORD PRODUCTS COMPANY, LLC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 septembre 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 septembre 2018

 

COMPARUTIONS :

Antonio Turco

Pour la demanderesse

Kenneth D. McKay

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BLAKE CASSELS & GRAYDON LLP

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

SIM ASHTON & McKAY LLP

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

 

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