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Date : 20180824


Dossier : T-2058-16

Référence : 2018 CF 857

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 août 2018

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

THE NOCO COMPANY, INC.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

SBI SMART BRANDS INTERNATIONAL (AMERICA) LTD., TREK MARKETING INC. ET WAL-MART CANADA CORP.

défenderesses/

demanderesses reconventionnelles

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Il s’agit d’un appel relatif à l’ordonnance d’une protonotaire ordonnant à The NOCO Company Inc. (la demanderesse) de fournir à SBI Smart Brands International (America) Ltd., Trek Marketing Inc. et Wal-Mart Canada Corp. (collectivement, les défenderesses) un nouvel affidavit de documents amélioré et les pièces liées à l’annexe 1. La protonotaire (dans son rôle de juge chargé de la gestion de l’instance) a accueilli en partie la requête des défenderesses, ordonnant à la demanderesse de produire les documents qui suivent :

[traduction]

Toutes les factures concernant la vente des produits d’aide au démarrage GENIUS BOOST de la demanderesse de 2009 à maintenant;

Toutes les factures concernant la vente des produits dont la présentation commerciale se fait sous forme de boîtier nervuré appelé RIBBED HOUSING qui sont en litige dans la présente procédure de 2009 à maintenant;

Toutes les factures concernant les ventes aux clients énumérés dans la pièce no 23 de la demanderesse;

Les dessins techniques et les documents de création relatifs aux produits d’aide au démarrage Genius Boost de la demanderesse dans la mesure où ils n’ont pas déjà été produits;

Les dessins techniques et les documents de création relatifs aux produits de la demanderesse ayant la présentation commerciale Ribbed Housing en litige dans la présente procédure dans la mesure où ils n’ont pas déjà été produits.

[2]  La demanderesse demande à la Cour d’infirmer la décision de la protonotaire ou, subsidiairement, de retarder l’échéance de la remise du nouvel affidavit de documents amélioré de deux semaines. Elle sollicite de plus les dépens relatifs au présent appel, ainsi qu’à la requête initiale devant la protonotaire.

[3]  Pour les motifs qui suivent, la requête de la demanderesse est rejetée.

II.  Les faits

A.  La demande/défense reconventionnelle

[4]  La demanderesse a introduit une action en violation de dessins industriels, en contrefaçon de marques de commerce et en violation du droit d’auteur. Elle fabrique une aide au démarrage compacte au lithium appelée GENIUS BOOT pour laquelle elle a obtenu une protection par le dessin industriel au Canada. Les produits GENIUS BOOST arborent un design d’étiquette pour laquelle la demanderesse est titulaire des droits d’auteur. La demanderesse allègue que les défenderesses ont fabriqué et vendu un produit d’aide au démarrage constituant une copie directe et intentionnelle de GENIUS BOOST. La demanderesse allègue en outre que depuis 2009, elle a vendu de nombreux produits énergétiques automobiles et nautiques (notamment GENIUS BOOST), chacun utilisant un concept de boîtier nervuré distinctif appelé RIBBED HOUSING.

[5]  Les défenderesses rejettent les allégations de la demanderesse. Elles allèguent que la présentation commerciale RIBBED HOUSING est fonctionnelle (elle offre une surface de prise) et est couramment utilisée, et elles nient avoir fait quoi que ce soit causant de la confusion entre leurs produits et ceux de la demanderesse. Elles allèguent de plus que les dessins industriels identifiés par la demanderesse sont invalides et qu’elles ne savaient pas que les dessins étaient enregistrés. Enfin, elles font valoir que l’enregistrement du droit d’auteur de la demanderesse est invalide parce que la présentation est courante et fonctionnelle et que la demanderesse a omis d’alléguer les aspects importants qui font que la conception de l’étiquette de la demanderesse est semblable à celle des défenderesses.

B.  Affidavit de documents et pièces de la demanderesse

[6]  La demanderesse a signifié aux défenderesses son affidavit de documents le 31 juillet 2017 et son affidavit de production de documents le 9 août 2017. À ce moment-là, 26 documents ont été produits.

[7]  Le 25 août 2017, les défenderesses ont demandé la production de documents supplémentaires. Le 29 décembre 2017, la demanderesse a produit neuf autres documents. Le 2 janvier 2018, la demanderesse a produit un document supplémentaire.

[8]  Le 4 janvier 2018, les défenderesses ont à nouveau demandé la production de documents supplémentaires, plus précisément ceux qui appuieraient les chiffres apparaissant dans les pièces existantes de la demanderesse. La demanderesse a répondu que le dernier document produit (daté du 2 janvier 2018) achevait la mise à jour des pièces produites par elle.

[9]  Les défenderesses ont déposé une requête en vue d’obtenir un nouvel affidavit de documents amélioré le 12 janvier 2018. Elle demandait, entre autres, les documents qui suivent :

[traduction]

Les dessins techniques, les documents de création et les factures concernant toutes les ventes de produits d’aide au démarrage Genius Boost de NOCO de 2009 à maintenant;

Les dessins techniques, les documents de création et les factures concernant la présentation commerciale « RIBBED HOUSING TRADE DRESS » (définie au paragraphe 7 de la déclaration modifiée datée du 6 mars 2017) alléguée de NOCO de 2009 à maintenant;

Les ententes, les factures et la correspondance entre NOCO et chacun des clients allégués énumérés à la pièce no 23 de NOCO;

Les ententes, les factures et la correspondance entre NOCO et les fabricants des aides au démarrage Genius Boost de NOCO;

Les ententes, les factures et la correspondance relatives à la publicité de NOCO concernant les aides au démarrage Genius Boost de NOCO;

La correspondance adressée à NOCO ou reçue par celle-ci relative à l’allégation de confusion ou de risque de confusion.

[10]  La protonotaire a accueilli en partie la requête des défenderesses. Je l’examinerai en détail ci-dessous.

III.  Ordonnance de la protonotaire

A.  Le critère juridique

[11]  La protonotaire commence sa décision en énonçant le critère à trois volets applicable à une requête en vue d’obliger la production d’un nouvel affidavit de documents amélioré. Citant les décisions Apotex Inc. c Sanofi‑Aventis, 2010 CF 77, Novopharm Limited c Eli Lilly Canada Inc., 2008 CAF 287, et Apotex Inc. c Wellcome Foundation Ltd., 2003 CF 1229, elle déclare que la requérante doit démontrer (i) qu’il existe vraisemblablement d’autres documents; (ii) qu’il doit s’agir de documents dont on peut raisonnablement supposer qu’ils contiennent des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la requérante de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire, ou qui sont susceptibles de la lancer dans une enquête qui pourra produire l’un ou l’autre de ces effets; et (iii) que la partie adverse les a sous son autorité, en sa possession ou sous sa garde.

B.  Factures, correspondance et ententes

1)  Les clients

[12]  La protonotaire conclut que les factures relatives à la vente des produits d’aide au démarrage GENIUS BOOT, à la vente des produits à présentation commerciale RIBBED HOUSING et les noms des clients énumérés dans les pièces de la demanderesse auraient dû être compris dans l’affidavit de documents de la demanderesse. Elle souligne que les pièces relatives aux activités financières de la demanderesse étaient des résumés de dossiers comptables, signifiant que les factures sous-jacentes existent vraisemblablement et que la pratique commerciale courante suggère que ces factures existent. La protonotaire rejette en outre l’allégation de la demanderesse selon laquelle il serait indûment onéreux de produire ces documents, la libellant de « simple affirmation ». Par conséquent, elle conclut que le premier volet du critère a été satisfait à l’égard de ces documents. En ce qui concerne le deuxième volet du critère (la pertinence), la protonotaire établit que les défenderesses ont le droit d’évaluer les éléments de preuve agrégés de la demanderesse en examinant les factures sous-jacentes parce que ces renseignements pourraient permettre directement ou indirectement aux défenderesses de faire valoir leur défense ou de réfuter la réclamation de la demanderesse. Enfin, la protonotaire souligne qu’aucune partie ne conteste le fait que les documents sont sous l’autorité, en la possession ou sous la garde de la demanderesse. Par conséquent, elle ordonne que la demanderesse produise les documents.

[13]  Contrairement aux factures, la protonotaire juge que les ententes et la correspondance entre la demanderesse et ses clients n’ont aucun fondement de pertinence et que le processus d’interrogatoire préalable permettra aux défenderesses de potentiellement jeter les bases pouvant établir la pertinence de ces documents. Ainsi, elle refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’obliger la demanderesse à produire ces documents.

2)  Fabricants et annonceurs

[14]  La protonotaire adopte la même approche à l’égard des interactions de la demanderesse avec le fabricant de GENIUS BOOST et les personnes chargées de la publicité du produit. La protonotaire juge que les factures auraient dû être produites dans l’affidavit de documents de la demanderesse, mais pas les ententes et la correspondance.

[15]  En résumé, la protonotaire conclut que les factures relatives aux clients, aux fabricants et aux annonceurs ci-dessus auraient dû être comprises avec l’affidavit de documents de la demanderesse, mais pas les ententes et la correspondance afférentes. Bien qu’il soit interjeté appel de la décision de la protonotaire par la demanderesse relativement aux factures, sa décision à l’égard des ententes et de la correspondance n’est pas contestée.

C.  Dessins techniques et documents de création

[16]  La protonotaire examine ensuite la demande de dessins techniques et de documents de création des défenderesses à l’égard de GENIUS BOOST et de la présentation commerciale RIBBED HOUSING. Elle souligne que le travail d’un consultant doit avoir été utilisé dans la conception des produits et que dans le cours normal des activités d’une entreprise, les dessins et les autres documents de création auraient été fournis à la demanderesse. Elle juge que les documents sont pertinents parce qu’ils pourraient permettre aux défenderesses de faire valoir leur allégation selon laquelle les dessins industriels et la présentation commerciale ne sont pas valides ou ne sont pas des originaux de la demanderesse. Elle conclut par conséquent que ces documents auraient dû être compris dans l’affidavit de documents de la demanderesse.

D.  Correspondance sur la confusion alléguée et le risque de confusion

[17]  La protonotaire conclut que la demande de documents des défenderesses relative à la confusion est spéculative. Ne s’étant pas acquittées de leur fardeau de prouver que les documents existent vraisemblablement, la protonotaire refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’obliger la demanderesse à les produire. La production de ces documents n’est pas en litige.

IV.  Questions en litige

[18]  En appel, la demanderesse conteste quatre conclusions de la protonotaire. Premièrement, la demanderesse soutient que les défenderesses n’ont pas satisfait leur fardeau d’établir la pertinence des factures. Deuxièmement, la demanderesse soutient que les défenderesses n’ont pas satisfait leur fardeau d’établir la pertinence des dessins techniques et des documents de création. Troisièmement, la demanderesse affirme que la protonotaire a commis une erreur en ordonnant la production des factures pour GENIUS BOOST depuis 2009, car le produit n’était pas offert sur le marché canadien avant 2014. Quatrièmement, elle conteste la conclusion de la protonotaire à l’égard de l’argument de la demanderesse en ce qui concerne le caractère onéreux de la production des documents de vente à titre de « simple affirmation », car elle affirme avoir fourni des éléments de preuve sur ce point.

V.  Norme de contrôle

[19]  En appel d’une décision discrétionnaire d’un protonotaire, la norme de contrôle applicable aux questions de droit et aux questions de fait et de droit impliquant une erreur de droit isolable est celle de la décision correcte. La norme de contrôle des autres questions de fait et de droit, ainsi que des questions de fait, est celle de l’erreur manifeste et dominante : Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, aux paragraphes 64 à 69. De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les juges chargés de la gestion de l’instance ont droit à un degré de déférence supplémentaire en raison de leur familiarité avec la procédure : Bande de Sawridge c Canada, 2001 CAF 338 (également intitulée L’Hirondelle c Canada), au paragraphe 11.

[20]  Les deux premières questions sont des questions mixtes de fait et de droit qui supposent l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits : Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, au paragraphe 26. En l’espèce, l’article 223 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles) stipule que chaque partie signifie un affidavit de documents comprenant une liste de tous les documents pertinents en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde. Le critère juridique relatif à une requête en vue d’obtenir un nouvel affidavit de documents amélioré a été appliqué par la protonotaire. Toutefois, les questions soulevées par la demanderesse n’englobent pas une « question de droit isolable » parce qu’il n’est pas allégué que ces critères juridiques ont d’une certaine façon été modifiés ou incorrectement décrits; la demanderesse a plutôt soutenu que le critère aurait dû mener à une conclusion différente. La Cour suprême du Canada a rappelé que les « tribunaux doivent se montrer vigilants lorsqu’il s’agit de faire une distinction entre une partie qui allègue que le critère juridique a pu être altéré lors de son application (une question de droit isolable) et une partie qui allègue que le critère juridique, qui n’a pas été altéré, aurait dû, lors de son application, donner lieu à un résultat différent (une question mixte) [renvoi omis] » : Teal Cedar Products Ltd. c Colombie‑Britannique, 2017 CSC 32, au paragraphe 45. À ce titre, j’examinerai les deux premières questions selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[21]  Les troisième et quatrième questions constituent de pures questions de fait et sont par conséquent susceptibles de révision selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[22]  La Cour fédérale d’appel a décrit cette norme de contrôle dans l’arrêt Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46 :

L’erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue. Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[Renvois omis.]

VI.  Analyse

A.  Les factures

[23]  La demanderesse soutient que les défenderesses n’ont pas établi la pertinence des factures. Elle prétend qu’elle a produit des états financiers détaillés qui sont pertinents à l’établissement de ses dommages et qui ont directement été tirés de ses dossiers comptables électroniques. La demanderesse fait valoir qu’il incombait aux défenderesses de déposer des éléments de preuve étayant l’allégation selon laquelle les documents financiers produits par la demanderesse sont insuffisants ou peu fiables. De plus, elle suggère que les défenderesses auraient pu présenter l’affidavit d’un expert-comptable afin d’établir que les factures sont nécessaires et pertinentes à la quantification des dommages et que les défenderesses peuvent avoir recours au processus d’interrogatoire préalable pour poser des questions sur la suffisance des documents et la confirmer. Enfin, la demanderesse signale qu’en obligeant la production des factures sans établir leur pertinence augmentera nécessairement la durée, la complexité et le coût du processus d’interrogatoire préalable.

[24]  Les défenderesses répondent en rappelant à la demanderesse sa propre admission selon laquelle les factures existent (devant la protonotaire), ainsi que la notion selon laquelle la pratique commerciale courante dicterait que ces documents existent nécessairement. Elles soutiennent que les renseignements financiers agrégés comportent des incohérences internes et qu’elles requièrent les factures pour vérifier l’exactitude des données agrégées. Durant la plaidoirie, l’avocate des défenderesses a indiqué que certains chiffres dans les documents produits portaient apparemment la marque [traduction] « estimation » et [traduction« variable » pour lesquels les défenderesses ne possèdent aucun renseignement contextuel sur la façon dont ces estimations ont été calculées. Les défenderesses soulignent également la conclusion claire émise par la protonotaire selon laquelle l’affidavit d’un expert n’est pas nécessaire pour établir la pertinence des factures.

[25]  Je ne suis pas convaincu par les observations de la demanderesse. La demanderesse ne peut se contenter d’alléguer que les défenderesses auraient pu fournir l’affidavit d’un expert-comptable pour établir un fondement de pertinence pour les factures ou que les défenderesses devraient attendre le processus d’interrogatoire préalable pour obtenir des précisions sur les états financiers résumés. Ni l’article 223 des Règles (qui prévoit ce qui doit être compris dans un affidavit de documents) ni le critère en trois volets applicable à une requête n’oblige la production d’un nouvel affidavit de documents amélioré.

[26]  Il s’agit plutôt pour la Cour d’établir si les factures sont pertinentes et devaient par conséquent être produites dans l’affidavit de documents de la demanderesse. La protonotaire a répondu par l’affirmative à cette question en concluant que la pratique commerciale courante suggèrerait que les documents existent et en abordant carrément la question de la pertinence avec la justification selon laquelle les défenderesses ont le droit d’évaluer les données agrégées de la demanderesse. Je ne vois dans la conclusion de la protonotaire aucune erreur manifeste et déterminante et je conclus qu’elle a correctement appliqué la loi. La pertinence des factures est claire et les documents auraient dû être produits par la demanderesse dans son affidavit de documents.

B.  Dessins techniques et documents de création

[27]  La demanderesse soutient que les défenderesses n’ont pas établi la pertinence des dessins techniques et des documents de création. Elle allègue que les illustrations techniques ont déjà été mises à la disposition des défenderesses, notamment les enregistrements de dessins industriels (qui sont réputés être valides). Elle ajoute que les défenderesses n’ont pas plaidé de faits suggérant qu’il existe des dessins techniques ou des documents de création sous le contrôle de la demanderesse qui invalideraient ses dessins industriels enregistrés. Enfin, la demanderesse rappelle qu’elle a déjà produit une convention de services d’expert-conseil entre elle-même et un bureau d’études en design industriel et que ce document confirme qu’elle est clairement titulaire de tous les droits associés aux dessins. Ainsi, selon la demanderesse, les documents demandés n’ont pas de lien avec les actes de procédure et ne sont pas appuyés par la preuve.

[28]  Les défenderesses allèguent qu’elles ont contesté la validité des enregistrements de dessins industriels, de la présentation commerciale et du droit d’auteur allégués dans leur défense. Selon les défenderesses, cela signifie que les dessins techniques et les documents de création sont pertinents à la validité des dessins et de la présentation commerciale. Leur raisonnement est qu’il est logique que la demanderesse ait la possession ou le contrôle d’images de dessins et de dessins originaux parce qu’elle a produit une convention d’expert-conseil et un document financier résumé comprenant un poste intitulé [traduction] « redevances périodiques sur des dessins ». Les défenderesses répètent le raisonnement de la protonotaire selon lequel elle affirme qu’un consultant fournirait des dessins ou d’autres documents de création dans le cadre de son mandat dans le cours normal des activités d’une entreprise. Enfin, les défenderesses allèguent que les organismes de réglementation canadiens et américains exigent que les demandeurs incluent des dessins techniques et que bien que la demanderesse fasse valoir que les dessins d’enregistrement sont suffisants, cet argument fait abstraction des documents de création et des dessins techniques qui auraient été fournis à la demanderesse dans le cadre du mandat du concepteur.

[29]  Ici encore, je conclus que la protonotaire a tiré des conclusions motivées selon lesquelles les dessins et les autres documents de création existent et sont pertinents en se fondant sur les pratiques commerciales courantes, la preuve lui ayant été présentée (y compris la convention de services d’expert-conseil) et la défense des défenderesses (remettant en cause la validité de l’enregistrement des dessins industriels, de la présentation commerciale et du droit d’auteur allégués). La protonotaire a conclu que ces dessins pourraient contenir des renseignements susceptibles d’appuyer l’argument des défenderesses à l’égard de l’invalidité des dessins industriels et de la présentation commerciale. À mon avis, ces conclusions sont logiques et sont fondées sur la preuve, ne révélant aucune erreur manifeste et dominante. Ainsi, l’observation de la demanderesse selon laquelle les documents demandés n’ont aucun lien avec la procédure et ne s’appuient pas sur la preuve ne peut tenir.

C.  Ventes à partir de 2009

[30]  La demanderesse soutient que la protonotaire a commis une erreur manifeste et dominante en ordonnant la production des factures relatives à la vente de GENIUS BOOST de 2009 à maintenant. Elle prétend qu’il s’agissait d’une erreur parce que selon la preuve documentaire, GENIUS BOOST a été introduit sur le marché canadien en 2014.

[31]  En réponse, les défenderesses allèguent que la demanderesse a déjà admis que les factures pertinentes existent, renvoyant à une des premières pièces produites par la demanderesse qui vise à couvrir la période 2009-2017. De plus, pour appuyer son allégation selon laquelle la présentation commerciale RIBBED HOUSING a été utilisée depuis 2009, la demanderesse a mentionné ses produits GENIUS BOOST.

[32]  Je ne vois aucune erreur manifeste et dominante ici. L’erreur alléguée ne peut pas être décrite comme une erreur dominante. Même si la protonotaire a commis une erreur en omettant de restreindre son ordonnance à la période pendant laquelle GENIUS BOOST était vendu au Canada, l’erreur n’est pas dominante parce que cette question ne touche pas l’essentiel de la cause. Les factures étayent simplement les données agrégées des dossiers de comptabilité de la demanderesse déjà produits. Il s’agit de leur seule valeur. S’il n’y a aucune facture relative au GENIUS BOOST antérieure à 2014 parce que la demanderesse n’a effectué aucune vente avant cette année-là, la demanderesse n’aura tout simplement aucune facture à produire pour la période de 2009 à 2014.

D.  Fardeau de produire les dossiers d’entreprise

[33]  La demanderesse allègue qu’elle a fourni des éléments de preuve démontrant qu’il serait indûment onéreux de produire toutes ses factures relatives aux produits GENIUS BOOST et à la présentation commerciale RIBBED HOUSING. La demanderesse souligne que sa déclaration désigne de nombreux modèles et produits ayant la présentation RIBBED HOUSING et, à son avis, il est à première vue indûment coûteux et pénible de produire presque 10 années de factures visant plus de 30 différents détaillants. Ainsi, la demanderesse affirme que la protonotaire a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a qualifié son argument concernant le fardeau de produire ces registres de « simple affirmation ».

[34]  Les défenderesses répondent que les factures sont des fichiers électroniques et que l’avocat de la demanderesse a indiqué que les documents pouvaient être produits dans un délai de deux semaines à l’audition de la requête devant la protonotaire. Ainsi, les défenderesses font valoir qu’il ne serait pas indûment onéreux de produire les fichiers. De plus, dans sa plaidoirie, l’avocate des défenderesses a réitéré qu’un fardeau indu ne constitue pas le critère à l’égard de la pertinence et que la demanderesse a choisi d’intenter l’action et de définir la portée de la réclamation.

[35]  Une fois de plus, je ne constate aucune erreur en l’espèce. La protonotaire a conclu que les factures ne seraient pas indûment onéreuses à produire compte tenu des renseignements qui lui ont été présentés. On peut présumer que cette conclusion tient compte des représentations de l’avocat de la demanderesse à l’égard du temps que cela lui prendrait pour produire les documents. Je comprends que la demanderesse conteste la qualification de son argument par la protonotaire, eu égard à la preuve qui lui avait été soumise, plutôt que sa conclusion ultime sur la question. Toutefois, même lorsqu’on l’examine de ce point de vue, la mauvaise qualification n’atteint pas le seuil de l’erreur manifeste et dominante.

VII.  Conclusion

[36]  La décision de la protonotaire d’ordonner à la demanderesse de produire un nouvel affidavit de documents amélioré ne comporte aucune erreur manifeste et dominante. À ce titre, la décision ne peut être que confirmée.

[37]  En tant que parties obtenant gain de cause, les dépens seront adjugés aux défenderesses, payables immédiatement.

[38]  La demanderesse a demandé à la Cour de retarder l’échéance de la remise du nouvel affidavit de documents amélioré de deux semaines après la date de la présente décision. Je conclus que cette demande est raisonnable et je suis disposé à l’accorder.


ORDONNANCE dans le dossier T-2058-16

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La requête est rejetée.

  2. Les dépens de la requête sont adjugés aux défenderesses.

  3. La demanderesse doit, au plus tard quinze (15) jours suivant la date de la présente ordonnance, remettre un nouvel affidavit de documents amélioré aux défenderesses.

« Shirzad A. »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2058-16

INTITULÉ :

THE NOCO COMPANY, INC. c SBI SMART BRANDS INTERNATIONAL (AMERICA) LTD., TREK MARKETING INC. ET WAL-MART CANADA CORP.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 mai 2018

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

DATE DES MOTIFS :

Le 24 août 2018

COMPARUTIONS :

Timothy O. Stevenson

Pour la demanderesse

Amrita Singh

Pour les défenderesses

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMART & BIGGAR

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

BERESKIN & PARR, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les défenderesses

 

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