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Date : 20180830

Dossier : T-1043-12

Référence : 2018 CF 871

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 août 2018

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

SAFE GAMING SYSTEM INC

demanderesse

et

SOCIÉTÉ DES LOTERIES DE L’ATLANTIQUE, SOCIÉTÉ DES JEUX DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE ET TECH LINK INTERNATIONAL ENTERTAINMENT LIMITED

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

[1]  Suivant le jugement rendu le 25 mai 2018, les défenderesses/demanderesses reconventionnelles se sont vues accorder les dépens dans le cadre de la présente action. Les parties n’étant pas parvenues à s’entendre sur le montant des dépens, conformément à l’ordonnance rendue par la Cour, elles ont déposé des observations écrites, y compris des observations en réponse.

[2]  J’ai examiné ces observations et tenu compte des arguments des parties, y compris l’argument de la demanderesse selon lequel la question de la détermination des dépens devrait être reportée parce que l’affaire fait l’objet d’un appel.

[3]  Les défenderesses ont demandé des dépens comme suit :

  • a) une somme globale de 2 450 007 $ (soit 1 523 707 $ d’honoraires et 926 300 $ de débours), ce qui représente 40 % des honoraires et débours réels;

  • b) à titre subsidiaire, une somme globale de 1 790 094 $, représentant la valeur supérieure de la colonne V et le double des dépens après le 12 mai 2016 (la date de l’offre formelle de règlement);

  • c) toujours à titre subsidiaire, la colonne V et le double des dépens après le 12 mai 2016 (la date de l’offre formelle de règlement), avec des directives à l’intention de l’officier taxateur;

  • d) le cautionnement pour les dépens de 600 000 $ qu’il a été ordonné de payer à la Cour doit être remis aux défenderesses;

  • e) des dépens de 10 000 $ pour les observations sur les dépens;

  • f) des intérêts sur les dépens au taux postérieur au jugement à compter de la date du jugement.

[5]  La thèse de la demanderesse est la suivante :

  • a) les dépens ne devraient pas être taxés avant l’issue de l’appel;

  • b) à titre subsidiaire, si la détermination des dépens n’est pas suspendue jusqu’à l’issue de l’appel, les dépens devraient être taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III. La demanderesse soutient que certains débours sont excessifs ou déraisonnables et qu’un officier taxateur devrait en être saisi. Dans le projet de mémoire de frais de la demanderesse, les honoraires de la colonne III sont de 240 525 $;

  • c) une somme globale ne devrait pas être accordée étant donné la nature excessive et déraisonnable alléguée des frais et débours réclamés par les défenderesses;

  • d) toujours à titre subsidiaire, si une somme globale est accordée, un montant de 40 % est excessif; un maximum de 10 % des honoraires devrait être accordé, donnant lieu à une somme de 381 000 $;

  • e) les dépens devraient logiquement être rattachés à la garantie déposée de 600 000 $.

[4]  J’ai pris en compte les arguments des parties, y compris :

  • a) l’offre formelle de règlement en date du 12 mai 2016 présentée par les défenderesses à la demanderesse pour une somme de 250 000 $ à l’égard des deux actions devant être abandonnées, de même qu’une autre offre formelle de règlement datée du 3 mai 2017;

  • b) la complexité et la durée des questions et des revendications. J’ai pris en compte le niveau d’expertise des experts requis pour l’interprétation des revendications 1 et 6 (la revendication 1 comprenait l’interprétation des 19 phrases ou termes précis), de même que la validité du brevet, la contrefaçon et les dommages-intérêts;

  • c) le caractère déraisonnable de quelques-uns des débours, comme l’a soutenu la demanderesse concernant les observations des défenderesses;

  • d) l’argument au sujet du cautionnement pour les dépens relativement à la corrélation entre l’adjudication des dépens et le montant déposé en cautionnement pour les dépens;

  • e) les coûts réels de l’action pour les défenderesses comme facteur à prendre en compte (comme il a été mentionné, les honoraires et les débours étaient supérieurs à 4 700 000 $);

  • f) la conduite de la demanderesse qui n’a pas disjoint l’étape relative à la responsabilité de celle de la quantification des dommages‑intérêts, ce qui a augmenté les dépens et la durée de l’instance. la conduite générale des parties ayant pour effet de prolonger ou d’abréger le procès;

  • g) la demande de taxation de la demanderesse et la demande des défenderesses de donner des directives spéciales dans l’hypothèse où une ordonnance de taxation était rendue;

  • h) les observations des parties concernant la colonne selon laquelle les dépens devraient être taxés si la Cour les calcule conformément au tarif.

[6]  Comme je l’ai déjà mentionné, la demanderesse a interjeté appel de la décision de première instance et les défenderesses ont interjeté un appel incident. La demanderesse soutient que, comme l’issue de l’appel est incertaine, la taxation des frais devrait être reportée pendant l’appel.

[7]  Je ne souscris pas à l’argument de la demanderesse selon lequel je devrais reporter la fixation des dépens parce que la présente affaire fait l’objet d’un appel ou retarder l’exécution d’une adjudication de dépens jusqu’au moment où la décision d’appel sera rendue. Je ne reporterai pas l’ordonnance relative aux dépens ou l’exécution des dépens avant que la Cour d’appel rende une décision.

[8]  En rendant la présente décision, je tiens compte de mon expérience et de ma connaissance de la présente affaire. En outre, à la fin du procès, j’ai mentionné que j’accorderais des dépens. J’ai demandé soit : a) une recommandation commune des parties quant au montant, soit b) si les parties ne pouvaient pas parvenir à une entente, des observations écrites sur les dépens. Puisque la Cour a approuvé le dernier de ces deux scénarios, par souci d’efficacité des ressources judiciaires, cette décision ne doit pas être reportée.

[9]  De plus, je souscris aux arguments des défenderesses selon lesquels le fait que la demanderesse se fonde sur l’arrêt Smith & Nephew Inc v Glen Oak Inc, [1995] ACF no 1604 (Smith) n’est pas convaincant. Dans l’arrêt Smith, le juge Noël (tel était alors son titre) a refusé de fixer les dépens à un stade interlocutoire de l’instance. L’arrêt Smith ne s’applique pas puisqu’il traitait d’une question interlocutoire alors qu’en l’espèce, il s’agit d’une dernière question à trancher.

[10]  Dans l’arrêt AIC Ltd. c Infinity Investment Counsel Ltd., [1998] 148 F.T.R. 240, le juge Rothstein (tel était alors son titre) a fait remarquer au paragraphe 13 que l’affaire Smith était [TRADUCTION] « un cas d’espèce reposant sur des faits particuliers. Je ne crois pas qu’elle doive recevoir une application générale en ce qui a trait à l’adjudication des dépens, car la pratique générale ne consiste pas à attendre le résultat d’un appel avant de trancher la question des dépens [...] ». Comme l’affaire Smith ne s’applique pas en l’espèce, je ne reporterai pas la fixation des dépens.

[11]  J’ai pris en compte les facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales (1998), DORS/98-106 (RCF) en rendant ma décision, y compris :

  • a) l’offre de règlement datée du 12 mai 2016 dont j’ai constaté qu’elle respectait toutes les exigences de l’article 420 des RCF;

  • b) la complexité des questions en litige;

  • c) la réduction des réclamations de la demanderesse par rapport aux actes de procédures déposés à l’origine;

  • d) la complexité du sujet, établie non seulement par la durée du procès, mais également par le dossier de la Cour qui a été joint à l’affidavit des défenderesses. Il s’agissait de plusieurs requêtes et de plusieurs jours d’interrogatoire. En outre, un certain nombre d’experts, de témoins des faits et d’avocats étaient présents afin de faciliter la présentation de la preuve et des arguments de manière efficace, de sorte qu’il n’y ait pas de perte de temps.

  • e) En l’espèce, le montant des dépens débattu dans les requêtes en vue d’obtenir un cautionnement pour les dépens (dont je ne suis pas saisie) n’est pas concluant pour déterminer les dépens adjugés à la fin de ce procès.

[12]  Les défenderesses ont préparé à mon intention un mémoire de frais exhaustif, de même qu’un affidavit, des éléments de preuve et une description des services, pour appuyer l’adjudication. J’ai également examiné les débours pour m’assurer qu’ils étaient raisonnables et justifiés, à la demande de la demanderesse et comme ont répondu les défenderesses dans leur réponse.

[13]  L’avocat des défenderesses a remis deux projets de mémoire de frais représentant la computation des frais selon la valeur supérieure des colonnes IV et V, respectivement. Le mémoire de frais utilisant le haut de la colonne IV est composé de 582 000 $ d’honoraires et de débours ainsi que des taxes s’élevant à 1 026 020,63 $, pour un total de 1 608 020,63 $. Le mémoire de frais utilisant le haut de la colonne V est composé de 751 125 $ d’honoraires et de débours ainsi que des taxes s’élevant à 1 038 969,38 $, pour un total de 1 790 094,38 $. Les deux mémoires de frais représentent le dédoublement des dépens, en application de l’article 420 des Règles, découlant de l’offre formelle de règlement du 12 mai 2016 ainsi que des taxes applicables.

[14]  Ayant examiné tous les facteurs susmentionnés, j’adjugerai une somme globale. Je rends cette décision en me fondant sur l’affaire Nova Chemicals Corporation v The Dow Chemical Company, 2017 FCA 25 (Nova). Dans cette affaire, le juge Rennie a déterminé que des dépens sous la forme d’une somme globale étaient appropriés dans une situation de fait analogue à celle dont je suis saisie.

[15]  Le calcul d’une somme globale n’est pas un exercice d’exactitude comptable, mais le montant se situe plutôt dans une fourchette générale. Je m’appuie sur les conclusions tirées par le juge Rennie dans l’affaire Nova, dans laquelle il a déclaré :

[11]… [traduction]Les tribunaux encouragent de plus en plus l’octroi de dépens sous la forme de sommes globales, et pour une bonne raison. Elles permettent aux parties d’économiser temps et argent. Elles favorisent l’atteinte de l’objectif des Règles des Cours fédérales, soit de « permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » (article 3 des Règles). Lorsqu’un tribunal peut accorder des dépens sous la forme d’une somme globale, des analyses détaillées sont évitées et l’audience relative à la taxation des dépens ne devient pas un exercice comptable.

[16]  Le juge Rennie mentionne qu’une fourchette entre 25 % et 50 % des honoraires réels pour l’octroi de dépens sous la forme de sommes globales est la norme et s’appuie sur le paragraphe 400(4) des RCF.

[17]  Après avoir examiné les critères du paragraphe 400(3) des RCF ainsi que les arguments des parties, je suis prête à adjuger des dépens sous la forme d’une somme globale de 1 175 000 $, qui, à la lumière de tous les facteurs mentionnés, est de l’ordre de 25 % des honoraires réels de 4 700 000 $. Bien que ce montant se trouve à la limite inférieure de la formulation du critère du juge Rennie quant à la fourchette prévue, après l’examen de l’ensemble des facteurs, il s’agit d’un montant équitable.

[18]  De plus, comme l’ont demandé les défenderesses, j’ordonnerai que le cautionnement pour les dépens déjà payés à la Cour soit immédiatement remis aux défenderesses. Les observations des parties font état d’une somme de 600 000 $. Le montant du cautionnement pour les frais retenu par la Cour sera compensé par la somme globale.

[19]  La demande d’intérêts après jugement est rejetée, puisque ces intérêts sont compris dans la somme globale.


JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRE dans le dossier T-1043-12

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. Les défenderesses ont droit à une somme globale de 1 175 000 $ qui comprend les honoraires, les débours, les intérêts et les taxes, que la demanderesse doit verser immédiatement aux défenderesses.

  2. Le cautionnement pour les dépens que la demanderesse a payé à la Cour doit lui être remis et il doit être versé immédiatement aux défenderesses. Le cautionnement pour les dépens versé aux défenderesses sera compensé par le versement ordonné de la somme globale.

 « Glennys L. McVeigh »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1043-12

 

INTITULÉ :

SAFE GAMING SYSTEM INC. c SOCIÉTÉ DES LOTERIES DE L’ATLANTIQUE ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

Du 23 au 26 mai, du 29 au 31 mai, les 1er et 2 juin, les 5 et 6 juin et le 22 juin 2017

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 30 août 2018

COMPARUTIONS :

Tim Gilbert

Nisha Anand

Colin Carruthers

Andrea Rico Wolf

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kevin LaRoche

Kirsten Crain

Christine Pallotta

Jeffrey Gordon

POUR LES DÉFENDERESSES

Société des loteries de l’Atlantique et Société des loteries et du casino de la Nouvelle-Écosse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GILBERT’S LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

BORDEN LADNER GERVAIS S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

Société des loteries de l’Atlantique et Société des loteries et du casino de la Nouvelle-Écosse

 

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