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Date : 20180918


Dossier : T-531-18

Référence : 2018 CF 928

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 septembre 2018

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

ADEL ZAKI

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre du Revenu national (le ministre) refusant la demande du demandeur d’allègement des intérêts et des pénalités dus relativement aux années d’imposition 2002 et 2003 en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c 1 (5e suppl.) (la Loi).

II.  Contexte

[2]  En 2008, l’ARC a réalisé un audit du demandeur et de 1465076 Ontario Inc., la société du demandeur (la société à numéro). L’ARC a augmenté le revenu imposable du demandeur et de la société à numéro pour les années d’imposition 2002 et 2003. L’ARC a également établi des pénalités pour faute lourde.

[3]  Le demandeur et la société à numéro ont interjeté appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt. L’appel du demandeur a été accueilli en partie et l’appel de la société à numéro a été accueilli en totalité (Zaki c La Reine, 2010 CCI 606) (le jugement). Le jugement a ordonné que les deux dossiers soient déférés au ministre pour un nouvel examen. Le ministre a émis une nouvelle cotisation datée du 9 février 2011, reflétant en grande partie le jugement. Le revenu non déclaré du demandeur pour l’année d’imposition 2002 a été réduit et la pénalité pour faute lourde pour l’année d’imposition 2002 a été annulée.

[4]  L’ARC a imputé les remboursements d’impôt du demandeur aux années d’imposition 2010, 2011 et 2012 afin de réduire la dette du demandeur. Le demandeur a payé sa dette impayée le 8 janvier 2014.

[5]  Le 1er septembre 2015, le demandeur a fait une demande d’allègement pour les contribuables, demandant l’annulation de la pénalité pour faute lourde de 200 $ établie pour l’année d’imposition 2003 et des intérêts sur arriérés de 3 948,39 $ établis pour les années d’imposition 2002 et 2003. Le demandeur a fait valoir l’erreur de l’ARC, le retard de l’ARC et des difficultés financières comme motifs de la demande. Dans sa description des circonstances appuyant sa demande d’allègement, le demandeur a écrit qu’une marge de crédit, le revenu de son épouse et l’allocation pour son enfant avaient été compris dans son revenu par erreur. Aucune demande d’allègement n’a été présentée pour le compte de la société à numéro.

[6]  Le paragraphe 220(3.1) de la Loi confère un pouvoir discrétionnaire au ministre d’annuler les intérêts et les pénalités qui seraient autrement payables par un contribuable. La discrétion de l’ARC se limite aux dix années civiles antérieures à l’année où la première demande d’allègement pour les contribuables a été faite. Par conséquent, à l’examen de la demande du demandeur, le ministre pouvait uniquement annuler les intérêts remontant au 1er janvier 2005.

[7]  L’affidavit de Diane Poirier, agente responsable de l’allègement pour les contribuables de l’ARC, décrit un processus en deux étapes suivi lorsqu’un contribuable fait une demande d’allègement en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Après réception d’une demande d’allègement pour les contribuables, un examen de premier niveau est effectué par les représentants de l’ARC.

[8]  La Loi ne fournit pas de lignes directrices à l’égard de la façon dont le ministre devrait exercer son pouvoir discrétionnaire. Cependant, l’article 33 de la circulaire d’information IC07-1R1 publiée par l’ARC énumère les facteurs dont un délégué du ministre doit tenir compte au moment de décider d’exercer un pouvoir discrétionnaire :

33. Lorsque des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, des actions de l’ARC, une incapacité de payer ou des difficultés financières ont empêché un contribuable de respecter la Loi, les facteurs suivants serviront à déterminer si un fonctionnaire délégué du ministre du Revenu national annulera les pénalités et les intérêts ou y renoncera. On évaluera si le contribuable a :

a.  respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

b.  en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

c.  fait des efforts raisonnables et géré de façon responsable ses affaires selon le régime d’autocotisation;

d.  agi rapidement pour remédier à tout retard ou à toute omission.

[9]  Si un contribuable n’est pas d’accord avec le résultat d’un examen de premier niveau, il peut présenter une demande écrite d’examen de deuxième niveau. L’examen de deuxième niveau est effectué par un agent qui n’a pas participé à l’examen de premier niveau. L’agent examine le dossier tel que constitué à ce moment-là et les renseignements supplémentaires présentés par le contribuable. L’agent prépare un rapport sur le dossier comprenant une recommandation sur la question de savoir si l’allègement demandé devrait être accordé. Ce rapport est transmis au décideur ultime qui rend une décision définitive.

[10]  L’examen de premier niveau de la demande du demandeur a été mené par l’agente Collett (l’agente de premier niveau). L’agente de premier niveau a tenu compte de tous les facteurs énumérés à l’article 33 de la circulaire d’information IC07-1R1 pour en arriver à ses recommandations. Dans le cadre de son examen, l’agente de premier niveau a demandé des renseignements financiers au demandeur; ces renseignements n’ont pas été fournis. En conséquence, elle n’a pas tenu compte du motif lié aux difficultés financières. L’agente de premier niveau a recommandé d’annuler la pénalité pour faute lourde pour 2003 afin de refléter le jugement. Elle a également recommandé d’annuler les intérêts sur arriérés pour deux périodes afin de tenir compte du retard de l’ARC et du moment où le demandeur a tenté sans succès de déposer un avis d’opposition.

[11]  Francine Gard, chef de l’équipe responsable de l’allègement pour les contribuables de l’ARC, a validé ces recommandations et a communiqué sa décision au demandeur au moyen d’une lettre datée du 13 septembre 2016.

[12]  Le 7 septembre 2017, le demandeur a fait une demande d’examen de deuxième niveau à l’égard d’un allègement des pénalités et des intérêts. Le demandeur a allégué une erreur de l’ARC, un retard de l’ARC et des difficultés financières à l’appui de sa demande. Le demandeur a subséquemment fourni des renseignements financiers à prendre en compte dans le cadre de l’examen de deuxième niveau.

[13]  Bien que la demande ait été faite au nom de la société à numéro, elle indiquait le numéro d’assurance sociale du demandeur. Dans la section du formulaire de demande dans laquelle le rédacteur énonce les raisons appuyant un deuxième examen, le demandeur a indiqué des motifs commerciaux et personnels. L’ARC a choisi de scinder la demande. Mme Poirier (l’agente de deuxième niveau) a effectué un examen de deuxième niveau du dossier du demandeur et un examen de premier niveau du dossier de la société à numéro.

[14]  Dans son rapport relatif à l’examen de deuxième niveau du dossier du demandeur, l’agente de deuxième niveau a examiné la demande d’allègement des intérêts sur arriérés. Les deux pénalités pour faute lourde établies contre le demandeur avaient précédemment été annulées.

[15]  L’agente de deuxième niveau a tenu compte de tous les facteurs énumérés à l’article 33 de la circulaire d’information IC07-1R1. Elle a tenu compte de l’examen de premier niveau du demandeur et des documents fournis par le demandeur dans le cadre de l’examen de deuxième niveau. En ce qui concerne le motif lié aux difficultés financières, l’agente de deuxième niveau a effectué un examen approfondi des renseignements financiers du demandeur et a conclu qu’il n’avait pas démontré des difficultés financières. Plus particulièrement, elle a observé que le demandeur avait inclus des paiements sur des marges de crédit dépassant de beaucoup les paiements minimaux exigés lors du calcul de ses dépenses mensuelles.

[16]  L’agente de deuxième niveau a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé d’erreur ou de retard de l’ARC autre que ce qui a été déterminé dans le cadre de l’examen de premier niveau ni prouvé de difficultés financières. L’agente de deuxième niveau a recommandé de rejeter la demande d’allègement du demandeur.

[17]  Amanda DesRoches, chef d’équipe du Centre d’expertise d’allègement pour les contribuables de la Direction générale des appels de l’ARC, a approuvé cette recommandation et a communiqué sa décision au demandeur par lettre datée du 20 février 2018 (la décision du ministre). La demanderesse sollicite un contrôle judiciaire de la décision rendue par le ministre.

III.  Question en litige

[18]  La décision du ministre de rejeter la demande d’allègement de l’impôt et des intérêts du demandeur est-elle raisonnable?

IV.  Norme de contrôle

[19]  La norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable (Lanno c Canada (Agence des Douanes et du Revenu), 2005 CAF 153, aux paragraphes 3 à 7; Al-Quq c Canada (Procureur général), 2018 CF 574, aux paragraphes 34 à 36).

V.  Analyse

Questions préliminaires

[20]  Le demandeur soulève plusieurs questions qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour ou qui ne sont pas recevables devant celle-ci. Premièrement, le demandeur conteste le bien-fondé des cotisations fiscales sur lesquelles la Cour canadienne de l’impôt a antérieurement statué. La Cour fédérale n’a pas compétence pour annuler ou réformer des cotisations fiscales (Jus d’Or inc. c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2007 CF 754, au paragraphe 8). On ne peut pas demander un allègement des intérêts et des pénalités en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi pour s’opposer au bien-fondé d’une cotisation (Al-Quq c Canada (Procureur général), 2018 CF 574, au paragraphe 32).

[21]  Deuxièmement, le demandeur demande une confirmation selon laquelle des mesures de recouvrement contre la société à numéro se limitent à une demande à l’égard de remboursements d’impôt futurs. L’avis de demande du demandeur mentionne uniquement la décision du ministre à l’égard de l’imposition personnelle du demandeur et, par conséquent, les questions relatives à la société à numéro ne sont pas recevables devant la Cour.

[22]  Finalement, le demandeur fait référence au paragraphe 281.1(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), c E-15. La décision du ministre concernait l’exercice potentiel d’un pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. La Cour est limitée par un contrôle de cette décision.

[23]  Le défendeur fait également valoir que les paragraphes 1, 3, 4, 5, 7, 9 et 11 de l’affidavit du demandeur, ainsi que les pièces 1 à 36, n’ont pas été présentées au ministre durant les examens de premier et de deuxième niveau.

[24]  Toutefois, plusieurs pièces mises en évidence par l’intimé sont mentionnées dans les examens de premier et de deuxième niveau du ministre, y compris les pièces 1, 16, 17, 18, 19, 25 et 31.

[25]  Ces documents ne modifient pas ma décision selon laquelle la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. Ces documents concernent des événements qui ont eu lieu avant la première demande d’allègement du demandeur datée du 1er septembre 2015 et n’ont pas d’incidence sur l’analyse du caractère raisonnable de la décision du ministre.

A.  La décision du ministre de rejeter la demande d’allègement de l’impôt et des intérêts du demandeur est-elle raisonnable?

[26]  La seule allégation de fait potentielle concernant la décision du ministre faisant l’objet d’un contrôle est l’allégation selon laquelle le demandeur demande que son impôt personnel, environ 7000 $, lui soit remboursé.

[27]  L’intimé fait valoir que les lignes directrices à l’égard de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi ont été suivies. L’agente de deuxième niveau a attentivement examiné les observations du demandeur et passé en revue les documents présentés à l’appui de sa demande. Son rapport fait état de sa recommandation de ne pas accorder d’autre allègement.

[28]  La chef d’équipe de l’agente a approuvé sa recommandation.

[29]  Le rapport de l’agente de deuxième niveau tient compte de tous les facteurs énumérés dans la circulaire d’information IC07-1R1 publiquement disponible et de plusieurs autres considérations. Elle a examiné la demande du demandeur, les résultats de l’examen de premier niveau et les documents fournis par le demandeur à l’appui de sa demande. L’agente a conclu ce qui suit :

  1. Une erreur ou un retard de la part de l’ARC a déjà été corrigé dans l’examen de premier niveau, en ce que les pénalités pour faute lourde relatives à l’année d’imposition 2003 ont été annulées et les intérêts sur arriérés pour 2002 et 2003 qui ont engendré d’autres intérêts au cours des périodes du 22-04-2009 au 14-07-2009 et du 17-10-2012 au 08-01-2014 ont été annulés pour tenir compte du retard de l’ARC;
  2. La demande d’examen tentait, en fait, de contester de façon inappropriée l’adéquation des nouvelles cotisations établies en raison de l’appel interjeté par le demandeur auprès de la Cour canadienne de l’impôt;
  3. Le demandeur n’a pas prouvé des difficultés financières en se fondant sur les renseignements fournis.

[30]  Je suis d’accord avec l’intimé. Le rapport de l’agente de deuxième niveau était transparent et intelligible et sa recommandation était raisonnable et justifiée. La décision du ministre de suivre cette recommandation était également raisonnable.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-531-18

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont accordés.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-531-18

 

INTITULÉ :

ADEL ZAKI c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 septembre 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 septembre 2018

 

COMPARUTIONS :

Adel Zaki

Pour le demandeur

POUR SON PROPRE COMPTE

Samantha Hurst

Rini Rashid

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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