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Date : 20180919


Dossier : IMM-672-18

Référence : 2018 CF 926

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2018

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

SCHILLOT BELLEVUE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision d’un commissaire de la Section de l’immigration [SI] de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [CISR] concluant que M. Schillot Bellevue, le demandeur, est interdit de territoire aux termes de l’alinéa 36(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].

[2]  Pour les raisons exposées ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

I.  Le contexte

[3]  Le 28 octobre 2017, M. Bellevue, citoyen d’Haïti, entre au Canada sans se présenter à un point d’entrée du Canada et, une fois au Canada, y demande l’asile.

[4]  Or, il appert que le 13 avril 2010, aux États-Unis, M. Bellevue a été déclaré coupable de l’infraction de Misuse of passport prévue à l’article 1544 du titre 18 du United States Code [l’Article 1544], ayant tenté d’entrer aux États-Unis en utilisant un passeport canadien frauduleux.

[5]  Le 8 novembre 2017, considérant cette déclaration de culpabilité aux États-Unis, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’Agent] signe un « Rapport aux termes du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés » pour le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et déclare M. Bellevue inadmissible au Canada en vertu de l’alinéa 36(1)b) de la Loi, reproduit en annexe.

[6]  Le même jour, un Délégué du ministre défère le dossier à la SI pour enquête, afin qu’elle détermine si M. Bellevue est visé par l’alinéa 36(1)b) de la Loi.

[7]  Le 15 décembre 2017, la SI conclut que M. Bellevue est effectivement visé par l’alinéa 36(1)b) de la Loi et prend une mesure d’expulsion contre lui.

II.  Décision contestée

[8]  La SI doit déterminer si la conclusion du Délégué quant à l’inadmissibilité de M. Bellevue est fondée ou non.

[9]  Puisque M. Bellevue a été déclaré coupable d’une infraction à l’extérieur du Canada, la SI doit compléter un exercice d’équivalence entre l’Article 1544 et l’article présenté comme son équivalent au Canada, soit l’alinéa 122(1)b) de la Loi.

[10]  La SI reprend le principe énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hill c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1987), 73 NR 315 [Hill], selon lequel, en bref, l’équivalence peut être établie de trois manières. À cet égard, elle note qu’une simple comparaison des lois ne suffit pas en l’instance et qu’il lui faut analyser la preuve présentée à l’audience afin de déterminer si les éléments essentiels de l’infraction prévue à l’alinéa 122(1)b) ont été établis dans le cadre de la procédure à l’étranger.

[11]  La SI estime pouvoir raisonnablement conclure que M. Bellevue n’a pas démontré son droit d’entrer au Canada selon les articles 18 à 20 de la Loi et que ses actions aux États-Unis, si elles avaient été commises au Canada, seraient visées par l’alinéa 122(1)b) de la Loi. La SI conclut que l’Article1544 est équivalent à l’alinéa 122(1)b) de la Loi.

[12]  La SI se penche ensuite sur l’argument avancé par M. Bellevue à l’effet que l’infraction aux États-Unis et celle au Canada ne peuvent pas être équivalentes, puisque la loi canadienne prévoit un moyen de défense au regard de l’infraction prévue à l’article 122 de la Loi, tandis que la loi américaine n’en prévoit pas eu égard à l’Article 1544.

[13]  Ce moyen de défense, titré plutôt « immunité », est prévu à l’article 133 de la Loi, qui se lit ainsi :

« 133 L’auteur d’une demande d’asile ne peut, tant qu’il n’est statué sur sa demande, ni une fois que l’asile lui est conféré, être accusé d’une infraction visée à l’article 122, à l’alinéa 124(1)a) ou à l’article 127 de la présente loi et à l’article 57, à l’alinéa 340c) ou aux articles 354, 366, 368, 374 ou 403 du Code criminel, dès lors qu’il est arrivé directement ou indirectement au Canada du pays duquel il cherche à être protégé et à la condition que l’infraction ait été commise à l’égard de son arrivée au Canada. » [Notre souligné]

[14]  Devant la SI, M. Bellevue plaide essentiellement que, s’il était entré au Canada dans des circonstances identiques à celles de son entrée aux États-Unis, il aurait bénéficié d’un moyen de défense, ayant tenté de demander l’asile aux États-Unis.  M. Bellevue s’appuie alors sur la décision Uppal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 338 [Uppal], qui traite de l’étendue de l’immunité prévue à l’article 133 de la Loi.

[15]  Avant de rendre sa décision, la SI signale aux parties une autre décision de la Cour, Kathirgamathamby c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 811 [Kathirgamathamby], citant le paragraphe 17 en particulier, et offre aux parties l’occasion de soumettre des observations additionnelles.

[16]  La SI examine les décisions de la Cour dans Uppal et dans Kathirgamathamby et, se sentant liée par cette dernière, détermine que l’article 133 de la Loi ne peut s’appliquer dans le cas de M. Bellevue, puisque ce dernier n’est pas « entré au Canada ». Elle indique que sa conclusion ne changerait pas, même si elle reconnaissait que M. Bellevue s’est rendu aux États-Unis pour y demander l’asile. La SI repousse aussi l’argument de M. Bellevue en concluant que l’article 133 de la loi ne constitue pas un moyen de défense, mais seulement un report et qu’il n’est pas établi que M. Bellevue n’aurait pas été poursuivi s’il avait commis la même infraction au Canada.

III.  Position des parties

A.  Position du demandeur

[17]  M. Bellevue affirme que la norme de la décision raisonnable s’applique à une question d’équivalence aux termes de l’alinéa 36(1)b) de la Loi (Abid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 164 au para 11 [Abid]).

[18]  M. Bellevue plaide que (1) la SI a erré en concluant que l’article 133 de la Loi ne devrait pas être considéré dans l’examen d’équivalence et qu’il ne s’agit que d’un report et que (2) la décision de la Section de l’immigration peut être déraisonnable même si elle respecte la règle du stare decisis en s’appuyant sur un jugement de la Cour fédérale.

[19]  Le demandeur soutient d’abord que l’Article 1544 et l’article 122 de la Loi ne sont pas équivalents. En effet, la SI aurait erré dans son interprétation des décisions Uppal et Kathirgamathamby.

[20]  Pour appuyer sa position, le demandeur soulève les points suivants. Premièrement, l’examen de l’équivalence doit tenir compte des moyens de défense (Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 1 CF 235 au para 19, (CAF) [Li]). Pour cela, il faut adapter les dispositions canadiennes aux événements produits à l’étranger. Deuxièmement, en l’espèce, l’article 133 offre un moyen de défense aux demandeurs d’asile, puisque l’intention du législateur est de ne pas poursuivre les individus qui tentent de fuir leur pays d’origine et de revendiquer le statut de réfugié dans leur pays de destination. Troisièmement, si un individu qui remplit les critères de l’article 133 dans un pays étranger, il ne devrait pas y avoir d’équivalence. D’ailleurs, les décisions Uppal et Kathirgamathamby appuient cette position. Dans Uppal, l’article 133 ne s’appliquait pas au permis de conduire frauduleux, car il ne servait pas à fuir le pays d’origine et à arriver au pays de destination. Dans Kathirgamathamby, la Cour ne fait que référer à la décision Uppal. Quatrièmement, ni Uppal ni Kathirgamathamby n’indique qu’il faut automatiquement exclure l’article 133 de l’examen d’équivalence lorsqu’un document frauduleux est employé pour se rendre dans un autre pays que le Canada. Il faut plutôt l’exclure en fonction de l’utilité des documents. Cinquièmement, le demandeur a obtenu le passeport frauduleux spécifiquement pour fuir Haïti et pour revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis. S’il avait posé les mêmes gestes au Canada, il aurait pu profiter de l’immunité de l’article 133. Comme cela n’est pas possible aux États-Unis, il n’y a pas d’équivalence entre l’Article 1544 et l’article 122 de la Loi. Cinquièmement, en réponse à l’affirmation de la SI que l’article 133 ne constitue qu’un report, le demandeur soutient que cela importe peu et que la véritable question consiste à se demander si le demandeur aurait pu se prévaloir de l’article 133 s’il avait posé les mêmes gestes au Canada.

[21]  En réponse aux préoccupations de la Cour en lien avec la règle de la stare decisis, puisque la SI s’appuie sur une décision de notre Cour pour rendre sa décision, M. Bellevue soutient que (1) la Cour fédérale peut s’écarter de sa jurisprudence antérieure (Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 983 au para 16; Viel c Canada (Commission de l’Assurance-Emploi), 2001 CAF 9 au para 7); (2) si la décision d’un tribunal administratif était automatiquement raisonnable du fait qu’elle s’appuie sur un jugement de la Cour fédérale, et en conséquence, non renversable en contrôle judiciaire, il serait impossible pour la Cour de s’écarter de sa jurisprudence antérieure et de faire évoluer le droit; (3) la Cour fédérale doit s’assurer de la justesse du précédent; et (4) conclure autrement mènerait à des résultats incongrus.

B.  Position du défendeur

[22]  Le Ministre affirme aussi que la norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions d’un tribunal quant à l’évaluation  de l’équivalence entre une disposition d’un pays étranger et une disposition tirée du droit canadien (Nshogoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 au para 21 [Nshogoza]).

[23]  Le Ministre répond que la question en litige consiste à examiner s’il était raisonnable pour la SI de déterminer que l’alinéa 122(1)b) de la Loi est l’équivalent de l’Article 1544 pour conclure que le demandeur est interdit de territoire au Canada.

[24]  Dans son mémoire, le Ministre répond que la conclusion de la SI en lien avec d’équivalence est raisonnable. S’appuyant initialement sur les décisions Uppal et Kathirgamathamby, il plaide que l’article 133 de la Loi ne peut servir dans le contexte des équivalences. En effet, il ne s’appliquerait que lorsqu’une infraction est commise « à l’égard de l’arrivée au Canada », alors que le demandeur a utilisé un faux passeport pour entrer aux États-Unis. Au surplus, le Ministre souligne que l’article 133 n’offre pas d’immunité absolue et n’est pas un moyen de défense contre une accusation, mais qu’il retarde ou empêche le dépôt d’une accusation.

[25]  Cependant, le défendeur nuance sa position quant à l’impact de la décision Kathirgamathamby. En effet, il soutient que la règle du stare decisis ne s’applique avec rigueur que pour la ratio decidendi d’une décision. Or, il soutient que la décision Kathirgamathamby ne se prononce qu’en obiter dictum sur l’applicabilité de l’article 133, et donc, elle n’est pas contraignante (R c Henry, 2005 CSC 76 au para 57). De plus, s’appuyant sur l’ouvrage de Sarah Blake, Administrative Law in Canada (5e éd, Markham, LexisNexis, 2011 aux pp 140–141), le Ministre soutient qu’un tribunal administratif n’est pas lié par une décision qui prononce l’interprétation d’une disposition « raisonnable », par opposition à « correcte ».

IV.  Norme de contrôle

[26]  La Cour se range à l’avis des parties et appliquera donc la norme de la décision raisonnable à la décision de la SI rendue aux termes de l’article 36 de la Loi et à sa conclusion d’infraction équivalente en droit canadien (Lu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1476 au para 12 [Lu]; Abid au para 11; Sayer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 144 au para 4).

V.  Question en litige

[27]  Selon les parties, la Cour doit déterminer s’il était raisonnable pour la SI d’écarter l’immunité prévue à l’article 133 de la Loi de l’exercice d’équivalence aux motifs que (1) cet article ne s’applique que si l’infraction vise une personne effectivement « entrée au Canada » et (2) il ne constitue pas un moyen de défense, mais un report.

[28]  La Cour doit donc déterminer si la décision contestée est justifiée, transparente et intelligible, et si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47).

VI.  Discussion

[29]  Selon l’alinéa 36(1)b), un étranger est interdit de territoire s’il a été déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

[30]  La SI doit compléter un exercice d’équivalence afin de déterminer s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une déclaration de culpabilité aurait été prononcée au Canada pour un acte de même nature que celui posé à l’extérieur du Canada (Moscicki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 740 au para 38 [Moscicki]). Il s’agit alors d’examiner l’équivalence des infractions et non l’équivalence du droit (Steward c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] 3 CF 487 (CAF). Il n’est pas nécessaire de « comparer les principes généraux de la responsabilité criminelle » (Moscicki au para 18), car l’examen de l’équivalence n’exige que la comparaison des deux infractions et non pas l’analyse de la comparabilité des déclarations de culpabilité possibles. L’examen de l’équivalence ne consiste pas non plus en la tenue d’un nouveau procès (Moscicki au para 38; Halilaj c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 1062 au para 20).

[31]  En procédant à l’examen de l’équivalence entre une infraction canadienne et une infraction « étrangère », il faut recourir à l’une des trois méthodes établies par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hill. Dans le cadre de cet examen, il s’agit de déterminer « si les définitions des deux infractions comparées sont similaires et examiner les critères applicables pour établir les infractions » (Nshogoza au para 28).

[32]  Il faut donc examiner les éléments essentiels des infractions visées en « comparant leurs définitions respectives, y compris les moyens de défense propres à ces infractions ou aux catégories dont elles relèvent » [notre souligné] (Li au para 19). Dans Li, la Cour d’appel a conclu qu’il n’était pas raisonnable que le juge des requêtes ne tienne pas compte des moyens de défense.

[33]  L’article 133 de la Loi se présente comme une « immunité » plutôt qu’un « moyen de défense » puisque l’auteur d’une demande d’asile ne peut, tant qu’il n’est statué sur sa demande, ni une fois que l’asile lui est conféré, être accusé d’une infraction visée à l’article 122. Ainsi, lorsque les conditions précitées sont rencontrées, l’auteur d’une demande d’asile n’a même pas à se défendre, puisqu’il ne peut être accusé. Évidemment, si la personne qui entre au Canada avec un passeport frauduleux n’y demande pas l’asile, elle pourra être accusée sous l’article 122 de la Loi, comme une personne dont la demande d’asile a été refusée.

[34]  Selon la jurisprudence, il semble clair que l’Article 1544 et l’article 122 ne seraient pas équivalents dans le cas d’un demandeur d’asile, au moins jusqu’à ce que l’issue de sa demande soit connue, puisque qu’une immunité est attachée à l’un et pas à l’autre. Cependant, la SI s’est écarté de cette jurisprudence en s’appuyant sur la décision de la Cour dans Kathirgamathamby, laquelle interprèterait la décision Uppal.

[35]  Il convient d’examiner ces deux décisions.

[36]  Dans la décision Uppal, M. Uppal est effectivement arrivé au Canada et y a demandé l’asile. Or, à son arrivée, il était muni d’un passeport et d’un permis de conduire frauduleux. La SI devait déterminer si l’article 133 de la Loi offrait une immunité tant pour le demandeur d’asile qui utilise un passeport frauduleux pour entrer au Canada que pour celui qui utilise un permis de conduire frauduleux. La SI n’avait, par ailleurs, aucun exercice d’équivalence à effectuer puisque les infractions reprochées à M. Uppal n’avaient pas été commises à l’extérieur du Canada.

[37]  La SI a conclu que M. Uppal n’était pas interdit de territoire pour l’infraction liée à l’usage du passeport frauduleux, puisqu’il bénéficiait de l’immunité prévue à l’article 133 de la Loi, le passeport étant bien utilisé à l’égard de l’arrivée au Canada.  Par contre, la SI a déclaré M. Uppal interdit de territoire pour l’infraction liée à l’usage de son permis de conduire frauduleux et a conclu qu’il ne pouvait bénéficier de l’immunité prévue à l’article 133 de la Loi, puisque le permis de conduire n’est pas utilisé à l’égard de l’arrivée au Canada, tel que l’exige l’article 133 de la Loi. La Cour a confirmé la décision de la SI.

[38]  Dans la décision Uppal, la Cour a traité de l’étendue de l’immunité prévue à l’article 133 dans le contexte d’infractions commises au Canada et non pas à l’étranger et dans le contexte où une des infractions visait un document frauduleux utilisé à l’égard de l’arrivée au Canada et une autre infraction visait un document frauduleux non utilisé à l’égard de l’arrivée au Canada. Dans Uppal, aucun exercice d’équivalence n’était en jeu.

[39]  Le contexte est différent dans la décision subséquente. M. Kathirgamathamby a d’abord été reconnu comme réfugié au Canada, mais un agent d’immigration a ensuite refusé sa demande de résidence permanente, considérant M. Kathirgamathamby interdit de territoire en raison d’une déclaration de culpabilité aux États-Unis. En effet, quelques années auparavant, M. Kathirgamathamby était arrivé aux États-Unis muni d’un passeport frauduleux et avait plaidé coupable à une infraction de fraude sous l’article 1028(a)(4) du titre 18 du United States Code.

[40]  Selon les faits énoncés dans la décision, l’agent d’immigration a déterminé que l’infraction américaine était équivalente à l’infraction prévue à l’article 403 du Code criminel du Canada, LRC 1985, c C-46, et que M. Kathirgamathamby était donc interdit de territoire sous l’alinéa 36(1)b) de la Loi. Toutefois, comme l’agent d’immigration n’a fourni aucun détail sur l’exercice d’équivalence qu’il a complété, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a annulé la décision de l’agent d’immigration.

[41]  Cependant, au passage, la Cour a aussi traité de l’immunité prévue à l’article 133 de la Loi, au paragraphe 17 de sa décision, paragraphe sur lequel la SI s’est appuyée pour rejeter l’application de l’article 133 dans le cas de M. Bellevue.  

[42]  Ainsi, à cet égard, je me range à la position du défendeur quant à la règle du stare decisis pour conclure qu’il s’agit là d’un obiter dictum, et qu’il n’est pas imposable, même à un tribunal inférieur (Dumont Vins & Spiritueux Inc c Canadian Wine Institute, 2001 CFPI 695 au para 26), puisque seule la ratio decidendi d’une décision est contraignante.

[43]  Au surplus, avec égards, selon moi, la décision Uppal ne traite pas de l’exclusion de l’article 133 de la Loi d’un exercice d’équivalence.

[44]   En l’espèce, il était déraisonnable pour la SI d’écarter l’article 133 de la Loi de son examen d’équivalence. La jurisprudence de la Cour indique qu’un examen d’équivalence complet doit inclure les moyens de défense (Li au para 19), à plus forte raison une immunité.

VII.  Conclusion

[45]  La Cour accueillera la demande de contrôle judiciaire et retournera le dossier pour un nouvel examen à la lumière des présents motifs.

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Le dossier est retourné à la SI pour un nouvel examen à la lumière des présents motifs.

  3. Aucune question n’est certifiée.

  4. Le tout sans frais.

« Martine St-Louis »

Juge


ANNEXE

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, ch 27)

Immigration and Refugee Protection Act (SC 2001, c 27)

Interprétation

Rules of interpretation

33 Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

33 The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

Grande criminalité

Serious criminality

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

Infractions relatives aux documents

Offences Related to Documents

Possession, utilisation ou commerce

Documents

122 (1) Commet une infraction quiconque, en vue de contrevenir à la présente loi et s’agissant de tout document — passeport, visa ou autre, qu’il soit canadien ou étranger — pouvant ou censé établir l’identité d’une personne :

122 (1) No person shall, in order to contravene this Act,

 

a) l’a en sa possession;

(a) possess a passport, visa or other document, of Canadian or foreign origin, that purports to establish or that could be used to establish a person’s identity;

b) l’utilise, notamment pour entrer au Canada ou y séjourner;

(b) use such a document, including for the purpose of entering or remaining in Canada; or

c) l’importe ou l’exporte, ou en fait le commerce.

(c) import, export or deal in such a document.

Peine

Penalty

123 (1) L’auteur de l’infraction visée :

123 (1) Every person who contravenes

a) à l’alinéa 122(1)a) est passible, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de cinq ans;

(a) paragraph 122(1)(a) is guilty of an offence and liable on conviction on indictment to a term of imprisonment of up to five years; and

b) aux alinéas 122(1)b) ou c) est passible, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans.

(b) paragraph 122(1)(b) or (c) is guilty of an offence and liable on conviction on indictment to a term of imprisonment of up to 14 years.

Circonstances aggravantes

Aggravating factors

(2) Le tribunal tient compte dans l’infliction de la peine des circonstances suivantes :

(2) The court, in determining the penalty to be imposed, shall take into account whether

a) l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle — au sens du paragraphe  121.1(1) — ou en association avec elle;

(a) the commission of the offence was for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization as defined in subsection 121.1(1); and

b) l’infraction a été commise en vue de tirer un profit, que celui-ci ait été ou non réalisé.

(b) the commission of the offence was for profit, whether or not any profit was realized.

Immunité

Deferral

133 L’auteur d’une demande d’asile ne peut, tant qu’il n’est statué sur sa demande, ni une fois que l’asile lui est conféré, être accusé d’une infraction visée à l’article 122, à l’alinéa 124(1)a) ou à l’article 127 de la présente loi et à l’article 57, à l’alinéa 340c) ou aux articles 354, 366, 368, 374 ou 403 du Code criminel, dès lors qu’il est arrivé directement ou indirectement au Canada du pays duquel il cherche à être protégé et à la condition que l’infraction ait été commise à l’égard de son arrivée au Canada.

133 A person who has claimed refugee protection, and who came to Canada directly or indirectly from the country in respect of which the claim is made, may not be charged with an offence under section 122, paragraph 124(1)(a) or section 127 of this Act or under section 57, paragraph 340(c) or section 354, 366, 368, 374 or 403 of the Criminal Code, in relation to the coming into Canada of the person, pending disposition of their claim for refugee protection or if refugee protection is conferred.

§ 1544 du titre 18 du code des États-Unis

18 U.S. Code § 1544

Utilisation abusive d’un passeport

Misuse of passport

Quiconque utilise ou tente d’utiliser volontairement et sciemment un passeport délivré à une autre personne ou conçu pour être utilisé par une autre personne;

Whoever willfully and knowingly uses, or attempts to use, any passport issued or designed for the use of another; or

Quiconque utilise ou tente d’utiliser volontairement et sciemment un passeport en contravention des conditions ou des restrictions énoncées dans les présentes dispositions, ou en contravention des règles prescrites en application des lois régissant la délivrance des passeports;

Whoever willfully and knowingly uses or attempts to use any passport in violation of the conditions or restrictions therein contained, or of the rules prescribed pursuant to the laws regulating the issuance of passports; or

Quiconque fournit, transmet ou délivre volontairement et sciemment à une autre personne un passeport qui sera utilisé par une personne autre que celle à laquelle il a initialement été délivré et pour laquelle il a été initialement conçu

Whoever willfully and knowingly furnishes, disposes of, or delivers a passport to any person, for use by another than the person for whose use it was originally issued and designed—

Est passible d’une amende suivant le présent titre, d’un emprisonnement maximal de vingt-cinq ans [si l’infraction a été commise dans le but de faciliter un acte terroriste international (au sens de la section 2331 du présent titre)], de vingt ans [si l’infraction a été commise dans le but de faciliter le trafic de stupéfiants (au sens de la section 929(a) du présent titre)], de dix ans (dans le cas d’une première ou d’une deuxième infraction de cette nature, si l’infraction n’a été commise ni pour faciliter un acte terroriste international, ni pour faciliter le trafic de stupéfiants), ou de quinze ans (dans le cas de toute autre infraction), ou des deux. [traduction non officielle]

Shall be fined under this title, imprisoned not more than 25 years (if the offense was committed to facilitate an act of international terrorism (as defined in section 2331 of this title)), 20 years (if the offense was committed to facilitate a drug trafficking crime (as defined in section 929(a) of this title)), 10 years (in the case of the first or second such offense, if the offense was not committed to facilitate such an act of international terrorism or a drug trafficking crime), or 15 years (in the case of any other offense), or both.


COUR FÉDÉRALE

DOSSIER :

IMM-672-18

INTITULÉ :

SCHILLOT BELLEVUE c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE  26 JUILLET 2018

JUGEMENT et motifs:

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 19 septembre 2018

COMPARUTIONS :

Me Vincent Desbiens

Pour le demandeur

Me Patricia Nobl

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Vincent Desbiens

Avocat

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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