Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170530


Dossier : T-1685-16

Référence : 2017 CF 533

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2017

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

JANET MERLO ET LINDA GILLIS DAVIDSON

demanderesses

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La présente affaire a été certifiée dans une ordonnance de la Cour du 13 janvier 2017 comme constituant un recours collectif aux fins de règlement. Le présent recours collectif a trait à des allégations de discrimination et de harcèlement fondés sur le sexe et l’orientation sexuelle de femmes ayant travaillé pour la Gendarmerie royale du Canada [GRC].

[2]  Il s’agit d’une requête présentée par les demanderesses représentantes sollicite l’approbation des modalités du règlement proposé au recours collectif. La défenderesse [le Canada] consent aux modalités du règlement. Le règlement proposé possède plusieurs caractéristiques et avantages qui s’étendent bien au-delà d’un strict principe d’indemnisation financière et de ce que les demanderesses auraient pu obtenir par suite d’un procès.

[3]  Pour les motifs qui suivent, j’approuve le règlement, le paiement d’une rétribution de 15 000 $ aux demanderesses représentantes, Mme Merlo et Mme Davidson, ainsi que le remboursement des honoraires juridiques.

I.  Contexte

[4]  Le 6 octobre 2016, les demanderesses représentantes et la défenderesse ont conclu un accord réglant les réclamations pour discrimination et harcèlement fondés sur le sexe et l’orientation sexuelle de femmes travaillant pour la GRC depuis le 16 septembre 1974 [accord de règlement]. Ce règlement est de portée nationale. Par conséquent, les demanderesses représentantes ont regroupé l’action intentée en 2012 en Colombie-Britannique par Mme Merlo [action Merlo] et l’action intentée en Ontario en 2015 par Mme Davidson [action Davidson].

[5]  Dans leurs réclamations, les demanderesses représentantes allèguent avoir subi de l’intimidation, de la discrimination et du harcèlement fondés sur le sexe lorsqu’elles étaient au service de la GRC. Les demanderesses soutiennent que cette discrimination et ce harcèlement ont eu une incidence sur leur carrière au sein de la GRC et leur ont causé des dommages physiques et psychologiques, des dépenses personnelles et une perte de revenus.

[6]  Relativement à l’autorisation du recours collectif, le groupe principal a été défini comme comprenant toutes les femmes vivantes étant ou ayant été des membres régulières, civiles ou des fonctionnaires au service de la GRC depuis le 16 septembre 1974. Cette date est importante puisqu’il s’agit de la date à laquelle il a été permis aux femmes de se joindre à la GRC. Il est primordial d’inclure la nature historique des réclamations puisque celles-ci auraient autrement été prescrites.

[7]  Les membres du groupe secondaire s’entendent comme comprenant les personnes pouvant faire valoir une demande par filiation en raison d’un lien familial avec une membre du groupe principal, conformément au droit familial applicable.

[8]  Les parties se fondent sur les affidavits suivants pour appuyer la présente requête d’approbation du règlement :

  • Affidavit de Whitney Santos, assermenté le 11 mai 2017 [affidavit de Mme Santos];

  • Affidavit de Mandy Ng, assermenté le 11 mai 2017;

  • Affidavit de Janet Merlo, assermenté le 10 mai 2017;

  • Affidavit de Linda Gillis; assermenté le 11 mai 2017.

II.  Modalités principales de l’accord de règlement

[9]  L’accord de règlement comprend des modalités monétaires et non monétaires.

[10]  Les modalités non monétaires sont importantes puisqu’elles représentent une mesure qui n’aurait pas pu être offerte au groupe par suite d’un procès, puisqu’elles seraient hors du ressort de la Cour, comme notamment des initiatives de changement organisationnel au sein de la GRC, la présentation d’excuses publiques et la création d’une bourse d’études. Les éléments suivants tirés de l’accord de règlement offrent un aperçu des modalités de l’accord :

B.  Les demanderesses et le défendeur (les parties) reconnaissent et admettent que le harcèlement fondé sur le sexe ou l’orientation sexuelle, la discrimination fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle et les agressions sexuelles, y compris les agressions physiques qui surviennent dans le cadre de comportements qui constituent du harcèlement, n’ont pas leur place à la GRC et souhaitent conclure le présent accord de règlement afin de :

a) rétablir la confiance envers la GRC à titre d’organisation qui valorise l’équité et l’égalité;

b) mettre en œuvre des mesures visant à éliminer le harcèlement et la discrimination en milieu de travail au sein de la GRC; et

c) régler les réclamations des membres du groupe principal qui ont fait l’objet ou qui continuent de faire l’objet de harcèlement ou de discrimination en milieu de travail à la GRC durant la période visée par le recours collectif, en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle (définitions ci-dessous);

C.  Les parties conviennent de ce qui suit : a) mettre en œuvre des initiatives de changement et des pratiques exemplaires visant à éliminer le harcèlement à la GRC et à favoriser l’égalité; b) indemniser les membres du groupe qui ont été blessées en raison de ce harcèlement.

[11]  Les modalités financières du règlement sont décrites ainsi dans l’affidavit de Mme Santos : [Traduction]

11.  Le règlement, détaillé ci-après, prévoit six niveaux d’indemnisation, allant de 10 000 $ à 220 000 $. Pour les femmes dont les demandes sont évaluées comme étant de niveau 5 et 6, une indemnisation totalisant jusqu’à 10 % du montant accordé à la demanderesse sera accordé à son conjoint et à ses enfants.

Niveaux d’indemnisation

12.  Le règlement prévoit six niveaux d’indemnisation. Chaque niveau énumère de façon non restrictive les conduites coupables et leur incidence sur les victimes. Les nombreux niveaux reconnaissent qu’il existe plusieurs formes de discrimination et de harcèlement fondés sur le sexe ou l’orientation sexuelle et que chacune d’elles a des effets uniques sur la victime.

13.  Le montant d’indemnisation payé pour chacun des niveaux reflète les montants que les membres du groupe pourraient obtenir à la suite d’un procès et comporte un certain compromis pour tenir compte des risques potentiels afférents à la procédure contentieuse (défenses, interdictions prévues par la loi, prescriptions, facteurs contributifs, etc.) et du fait que la procédure d’arbitrage qui sera mise en place en vertu du règlement sera confidentielle et non contradictoire. Il y a bien entendu aussi l’avantage de recevoir immédiatement une indemnisation plutôt que d’avoir à attendre le résultat incertain d’un procès et des appels qui pourraient s’ensuivre.

14.  Les niveaux d’indemnisation et les critères connexes se trouvent à l’annexe B, appendice 6, de l’accord de règlement.

[…]

Processus de réclamation

15.  Le règlement établit une procédure confidentielle et non contradictoire visant à évaluer les réclamations en fonction de l’examen des documents fournis et des entrevues de la demanderesse. Le processus est conçu de manière à offrir un environnement sécuritaire permettant aux membres du groupe de raconter leur histoire.

[…]

Confidentialité

24.  Le règlement prévoit plusieurs garanties visant à protéger la vie privée des demanderesses et à conserver le caractère confidentiel du processus de réclamation. La confidentialité était une préoccupation importante des membres du groupe puisque plusieurs d’entre elles avaient fait l’objet de représailles après avoir porté plainte pour harcèlement ou discrimination alors qu’elles travaillaient pour la GRC. Le règlement prévoit de nombreuses mesures visant à protéger l’identité des demanderesses, encourageant ainsi les membres du groupe à se sentir en sécurité pour déposer plainte en vertu du règlement.

III.  Avis de règlement proposé

[12]  Suivant l’approbation du recours collectif, les procureurs au recours collectif ont élaboré un vaste plan de communication visant à informer les membres potentiels du groupe du règlement proposé et à les aviser de la date de l’audience d’approbation du règlement. Le droit des membres du groupe de s’opposer au règlement et de s’en exclure est également détaillé dans ces communications.

[13]  Lors de l’audience, j’ai été informé que ces communications ont été envoyées à plus de 20 000 membres du groupe. Une copie de l’accord de règlement était également accessible sur les sites Web des procureurs au recours collectif et sur le site Web de l’évaluateur.

IV.  Questions en litige

[14]  La présente requête vise à trancher les questions suivantes :

  • (a) Approbation de l’accord de règlement du recours collectif proposé;

  • (b) Approbation du plan d’avis et de la nomination d’un évaluateur;

  • (c) Dispense de l’application du paragraphe 334.21(2) des Règles;

  • (d) Rétribution de Mme Merlo et de Mme Davidson;

  • (e) Honoraires des procureurs au recours collectif et débours

V.  Analyse

(a)  Approbation de l’accord de règlement du recours collectif proposé

[15]  L’article 334.29 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, se lit comme suit :

Approbation

Approval

334.29 (1) Le règlement d’un recours collectif ne prend effet que s’il est approuvé par un juge.

334.29 (1) A class proceeding may be settled only with the approval of a judge.

Effet du règlement

Binding effect

(2) Il lie alors tous les membres du groupe ou du sous-groupe, selon le cas, à l’exception de ceux exclus du recours collectif.

(2) On approval, a settlement binds every class or subclass member who has not opted out of or been excluded from the class proceeding.

[16]  Le critère à appliquer pour l’approbation d’un règlement est de [Traduction] « savoir si le règlement est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur de l’ensemble du groupe en général » (arrêt Cardozo v. Becton, Dickinson and Company, 2005 BCSC 1612, 145 ACWS (3d) 381, citant, au paragraphe 16, l’arrêt Dickinson & Co, 2005 BCSC 1612, 145 ACWS (3d) 381, citant, au paragraphe 16, l’arrêt Dabbs v Sun Life Assurance Co of Canada, [1998] OJ No 1598, (24 février 1998), Ontario, 96-CT-022862 (Ont Gen Div), au paragraphe 9, confirmé par (1998), 40 O.R. (3d) 429, 5 CCLI (3d) 18 (Ont Gen Div); l’arrêt Haney Iron Works Ltd v Manulife Financial (1998), 169 DLR (4th) 565, 9 CCLI (3d) 253 (BCSC), au paragraphe 27 et l’arrêt Fakhri v Alfalfa’s Canada, 2005 BCSC 1123, 47 BCLR (4th) 379, au paragraphe 8).

[17]  La Cour a le pouvoir d’approuver ou de rejeter un règlement, mais elle ne peut pas le modifier (arrêt Haney Iron Works, précité, au paragraphe 22, arrêt Dabbs, précité, au paragraphe 10).

[18]  Le règlement est jugé selon la norme de la décision raisonnable et non de la perfection (décision Châteauneuf c. Canada, 2006 CF 286, au paragraphe 7).

[19]  Les facteurs à examiner lors de l’évaluation du caractère raisonnable d’un règlement ont été définis dans un certain nombre de décisions (arrêt Fakhri, précité, au paragraphe 8) et sont traités ci-après.

i.  Probabilité de recouvrement et probabilité de réussite

[20]  Il ressort clairement de l’historique de la procédure contentieuse relativement aux actions de Mme Merlo et Mme Davidson que ces demandes soulèvent plusieurs questions complexes. La réussite n’était pas garantie.

[21]  Divers moyens de défense étaient à la disposition de la défenderesse. Les demanderesses risquaient de voir leur demande d’autorisation ou le procès sur les questions communes rejeté. Même si les demanderesses avaient été en mesure d’outrepasser ces obstacles, elles auraient risqué d’être confrontées à des appels et à des procédures individualisées qui auraient pu nécessiter dix (10) années supplémentaires avant d’être réglés. Pour ces motifs, les parties soutiennent que toute abstraction du contentieux pris en compte dans le présent règlement l’emporte sur les risques potentiels afférents à la procédure contentieuse et les retards inévitables liés à la poursuite de l’instance.

[22]  De plus, dans le cadre du règlement, le Canada a renoncé aux possibles obstacles au recouvrement et aux moyens de défense qu’il aurait pu autrement faire valoir.

ii.  Nombre d’éléments de preuve obtenus lors de l’interrogatoire préalable et nature de ceux-ci

[23]  Les parties font valoir que bien que la procédure contentieuse ne se soit pas rendue à la phase de l’interrogatoire préalable, les procureurs au recours collectif ont acquis une compréhension complète des faits sous-jacents et circonstances entourant les demandes.

[24]  L’affidavit de Mme Santos détaille les étapes entreprises par le cabinet d’avocat Klein Lawyers LLP en 2012 lorsqu’il a créé un questionnaire détaillé et l’a envoyé à chaque membre potentiel du groupe ayant communiqué avec le cabinet. En 2014, le cabinet Klein Lawyers LLP a communiqué avec environ 150 membres du groupe ayant rempli les questionnaires détaillés. Avec ces renseignements en main, le cabinet a été en mesure de préparer des tableaux illustrant le type de harcèlement subi par 147 membres du groupe, les effets de ce harcèlement et les expériences vécues par les membres du groupe après avoir dénoncé ce type de comportement à la GRC.

[25]  Je retiens les observations des procureurs au recours collectif selon lesquelles même sans interrogatoire préalable, ils possédaient une foule de renseignements sur la nature des demandes qu’ils faisaient valoir. Ils se trouvaient également en bonne position pour comprendre le contexte factuel de ces demandes et les obstacles auxquels ils seraient confrontés en donnant suite à la procédure contentieuse. Les empêchements potentiels à l’obtention d’un recouvrement constituaient un risque réel. Ces facteurs ont influencé le processus décisionnel des procureurs dans leur examen du règlement proposé et les recommandations qu’ils ont présentées aux demanderesses.

iii.  Modalités du règlement

[26]  Les parties allèguent que l’accord de règlement est juste, efficace et dans l’intérêt supérieur des membres du groupe.

[27]  La définition inclusive du groupe et de la période visée par le recours collectif commençant en 1974 prévoit une indemnisation aux membres qui n’auraient autrement pu avoir gain de cause en intentant une action (en raison de la prescription). De plus, tenant compte de la nature extrêmement personnelle et douloureuse des demandes, le processus de règlement prévoit un processus de réclamation non contradictoire et établit de nombreuses garanties visant à protéger la vie privée des demanderesses.

[28]  Six niveaux d’indemnisation sont prévus, allant de 10 000 $ à 220 000 $ selon la nature de la conduite et ses effets sur la victime. Le conjoint et les enfants des demanderesses, dont les réclamations sont évaluées comme étant aux niveaux les plus élevés (niveau 5 ou 6), auront également droit à une indemnisation. Le règlement est fondé sur le principe des « réclamations présentées » plutôt que sur un « montant forfaitaire ». Cela signifie qu’il n’y a pas de limite ou de plafond au montant d’indemnisation pouvant être payé aux membres du groupe. Par conséquent, il n’y a pas de risque d’épuisement du fond de règlement et il n’est pas non plus nécessaire d’effectuer une répartition proportionnelle des réclamations. Autrement dit, toutes les réclamations approuvées seront payées par la défenderesse.

[29]  À cette étape, les procureurs au recours collectif prévoient qu’il y aura plus de mille (1 000) demanderesses et que le versement estimé s’élève à environ 89 millions de dollars.

[30]  Dans l’accord de règlement, les montants accordés pour dommages moraux découlant des préjudices psychologiques causés par le harcèlement subi en milieu de travail sont conformes ou excèdent les montants accordés dans les arrêts cités (arrêt Sulz v Canada (AG), 2006 BCSC 99, 263 DLR (4th) 58, conf. par 2006 BCCA 582, 276 DLR (4th) 391; arrêt Rees v Canada (Royal Canadian Mounted Police), 2004 NLSCTD 138, 239 Nfld & PEIR 1, inf. par 2005 NLCA 15, 246 Nfld & PEIR 79; arrêt Martin c. Alberta (Workers’ Compensation Board), [2014] 1 RCS 546, 2014 CSC 25; arrêt Clark c. Canada, [1994] 3 RCF 323, 76 FTR 241; arrêt Unger v Singh, 2000 BCCA 94, 133 BCAC 265; arrêt Wong v Luong, 2004 BCSC 1489, 135 ACWS (3d) 354; arrêt Chancey v Chancey (1999), 86 ACWS (3d) 885, [1999] BCJ No 551 (SC); arrêt Kinsella v Logan (1996), 179 NBR (2d) 161, 63 ACWS (3d) 840 (CA). révisé dans (1995), 163 NBR (2d) 1, 55 ACWS (3d) 542 (QB); arrêt Nagy v Canada, 2005 ABQB 26, 41 Alta LR (4th) 61, conf. par 2006 ABCA 227, 272 DLR (4th) 601; arrêt J.R.I.G. v Tyhurst, 2001 BCSC 369, 103 ACWS (3d) 635, conf. par 2003 BCCA 224, 226 DLR (4th) 447).

[31]  L’honorable juge Bastarache, C.C., c.r, qui par le passé a géré des règlements de recours collectifs en matière d’abus institutionnels, traitera le processus de réclamation. Il a également joué un rôle important en aidant les parties à en venir à ce règlement. Il est très estimé des parties, qui sont convaincues qu’il agira de façon équitable et compatissante dans son rôle d’évaluateur.

[32]  La confidentialité du processus pour les demanderesses constitue un élément primordial du règlement en raison de la nature des préjudices psychologiques subis. Le règlement comprend également plusieurs garanties particulièrement importantes pour les membres de la GRC actuellement en poste. La GRC ne verra pas ces réclamations et ne connaîtra pas l’identité des demanderesses. La personne-ressource désignée par la GRC travaillera à partir d’une pièce sécurisée possédant un accès aux lieux physiques et aux dossiers protégés.

[33]  Les membres du groupe appuient fortement le règlement. Il possède plusieurs avantages s’étendant au-delà de l’indemnisation financière, dont des excuses, des initiatives de changement pour la GRC et la création d’une bourse d’études. Ces mesures n’auraient pu être obtenues dans le cadre d’une procédure contentieuse.

iv.  Recommandations et expérience des procureurs

[34]  Les procureurs au recours collectif, Klein Lawyers LLP et Kim Orr Barristers P.C., possèdent une grande expérience en matière de recours collectif. Les deux cabinets œuvrent depuis plus de 20 ans dans le domaine des recours collectifs.

[35]  Ils sont impliqués dans l’instance depuis le dépôt des réclamations. Ils ont recommandé le règlement à Mme Merlo et à Mme Davidson en tenant compte des avantages des modalités du règlement et des risques que la poursuite de l’instance entraînait. Selon leur opinion professionnelle, le règlement offre aux membres du groupe la meilleure chance d’obtenir une indemnisation juste.

v.  Frais ultérieurs et durée probable de l’instance

[36]  Si le règlement n’est pas approuvé, les actions Merlo et Davidson reprendront. Dans l’action Merlo, la défenderesse s’est opposée à l’autorisation et l’audience d’autorisation a duré sept jours. Dans l’action Davidson, une partie de la réclamation été radiée (2015 ONSC 8008, 262 ACWS (3d) 648). L’audience d’autorisation a commencé en 2016 et une décision n’a pas encore été rendue.

[37]  En fonction des antécédents des instances à ce jour, les demanderesses risquent d’être confrontées à des appels qui pourraient être suivis par la possibilité de nouvelles procédures individualisées, qui elles-mêmes pourraient être visées par un appel.

[38]  En fait, plusieurs années de procédures contentieuses s’annoncent si ce règlement n’est pas approuvé.

vi.  Recommandations des parties neutres

[39]  Les parties concèdent qu’elles n’auraient pas conclu ce règlement sans l’aide de l’honorable juge Bastarache, C.C., c.r, qui est un participant neutre aux négociations de règlement depuis le mois d’avril 2016.

[40]  Les parties ont également reçu l’aide de nombreux experts qui ont participé à l’élaboration des modalités du règlement, y compris les initiatives de changement interne au sein de la GRC et au protocole d’indemnisation.

[41]  Le Dr Daylen, psychologue, a participé à la création du protocole d’évaluation recommandé dans la présente affaire et a proposé le contenu des différents niveaux d’indemnisation qui ont ensuite été intégrés à l’accord de règlement, avec certaines modifications.

[42]  La professeur Llewellyn est professeure de droit possédant une expertise en justice réparatrice. Elle a proposé des directives relatives à la structure du processus de règlement afin d’assurer son caractère relationnel et réparateur. Ses recommandations ont aidé les parties à inclure des éléments de justice réparatrice dans l’accord de règlement, comme les initiatives de changement et les excuses publiques.

[43]  La Dre Berdahl est experte en comportement organisationnel et en harcèlement en milieu de travail. Ses services ont été retenus pour la préparation d’un rapport pour la demande d’autorisation dans l’action Merlo. Son rapport souligne l’importance de la confidentialité du processus de réclamation et recommande certaines étapes pour mettre en place des changements culturels positifs au sein de la GRC.

vii.  Nombre d’opposants et nature des oppositions

[44]  En date de la requête, environ 20 000 membres du groupe avaient reçu l’Avis d’audience d’autorisation et d’approbation de règlement. De cette communication de masse, seules trois oppositions écrites ont été reçues. Deux de ces oppositions proviennent de personnes ne s’inscrivant pas dans la définition du groupe. Ces oppositions visent donc en effet la définition du groupe plutôt que le règlement. L’autre opposition provient d’une personne s’opposant à la somme du règlement pour le motif que sa réclamation excéderait les montants prévus dans le règlement. Dans ce cas, se retirer du règlement aurait été une bonne option pour cette demanderesse en particulier.

[45]  Aucune opposition n’a été soulevée lors de l’audience.

viii.  Bonne foi et absence de collusion

[46]  Les négociations de règlement ont débuté au début de 2014 dans l’action Merlo et se sont poursuivies en 2015. En janvier 2016, des négociations dans les actions Merlo et Davidson ont été entreprises et ont conduit à l’accord de règlement. Au total, dix réunions en vue d’un règlement se sont tenues en personne et plusieurs conférences téléphoniques et autres communications ont eu lieu.

[47]   Les parties expliquent que ce contentieux est en cours depuis plus de cinq (5) ans et que l’honorable juge Bastarache, C.C., c.r, partie neutre au dossier, était présent lors des fructueux cycles de négociations.

[48]  Tout au long du processus, les avocats des demanderesses ont reçu l’aide de nombreux experts qui ont apporté d’importantes contributions au cadre de l’accord de règlement.

[49]  En fonction de ce qui précède, je suis convaincu que toutes les parties ont agi de bonne foi et qu’il n’y a pas de preuve de collusion.

ix.  Communication avec les membres du groupe

[50]  Après l’autorisation du présent recours collectif le 13 janvier 2017, un plan robuste de distribution de l’avis aux membres potentiels du groupe a été mis en place. Les procureurs au recours collectif estiment que plus de 20 000 avis ont été envoyés. Des avis ont également été publiés dans des journaux partout au pays.

[51]  Les procureurs au recours collectif affirment qu’ils ont été contactés par plus de mille (1 000) femmes souhaitant participer au règlement.

[52]  Les représentantes demanderesses ont également joué un rôle de premier ordre dans les discussions en vue d’un règlement et les communications avec les membres potentiels du groupe.

x.  Renseignement informant la Cour de la dynamique et des positions prises par les parties lors des négociations

[53]  Les actions Merlo et Davidson ont été poursuivies comme des réclamations uniques et malgré certaines discussions en vue de règlement, chacune a poursuivi sa propre procédure contentieuse.

[54]  Lorsque les négociations en vue d’un règlement ont été regroupées dans les deux actions Merlo et Davidson, plusieurs rapports abordaient la problématique du harcèlement fondé sur le sexe au sein de la GRC. Ces rapports ont fourni aux parties des renseignements supplémentaires relatifs à la nature du problème de harcèlement au sein de la GRC et aux étapes nécessaires pour y faire face.

[55]  Au début de l’année 2014, la défenderesse a exprimé son intérêt envers la conclusion d’un règlement global. Les négociations se sont poursuivies en 2015 et 2016. L’accord de règlement a été signé par toutes les parties le 6 octobre 2016.

xi.  Conclusion

[56]  Après avoir souligné et tenu compte de tous les facteurs précités, la Cour est d’avis que l’accord de règlement proposé est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur du groupe dans son ensemble. L’accord de règlement est approuvé.

(b)  Approbation du plan d’avis et de la nomination d’un évaluateur

[57]  En plus de l’approbation de l’accord de règlement, les parties souhaitent également obtenir une approbation pour que le bureau de l’évaluateur (l’honorable juge Michel Bastarache, C.C., c.r.) soit responsable de diffuser l’avis aux membres du groupe. L’honorable juge Michel Bastarache, C.C., c.r., a mené des entrevues individuelles et des évaluations afin de déterminer les indemnisations d’un règlement en cours ou hors cour aux victimes de violence sexuelle commise par des prêtres catholiques du diocèse de Bathurst et de l’archidiocèse de Moncton, au Nouveau-Brunswick. En fonction de son expérience dans ce rôle ainsi que de ses nombreuses années en tant que juge de la Cour suprême, les représentantes demanderesses croient que l’honorable juge Bastarache, C.C., c.r., évaluera équitablement les réclamations et traitera les demanderesses avec sensibilité et empathie. L’honorable juge Bastarache, C.C., c.r., a retenu les services de Versailles Communications pour préparer le plan d’avis. Cet avis informera les membres du groupe de la procédure à suivre pour présenter des réclamations. La méthode de distribution proposée est la même que celle approuvée par la Cour pour l’Avis d’audience d’autorisation et d’approbation de règlement.

[58]  L’accord de règlement est publié sur les sites Web des procureurs du recours collectif (Klein Lawyers LLP et Kim Orr Barristers P.C.) ainsi que sur un site lié au règlement créé par le bureau de l’évaluateur (https://merlodavidson.ca/).

[59]  L’avis sera distribué par les moyens suivants :

  • envoi postal direct aux membres potentiels du groupe;

  • publication sur le site Web de l’évaluateur, sur les sites Web des procureurs au recours collectif, sur le site Web et la GRC et sur son intranet;

  • publication de l’avis dans les principaux journaux canadiens;

  • une campagne de publicité sur Facebook;

  • affichage dans tous les locaux physiques de la GRC.

[60]  J’approuve le plan d’avis et la nomination de l’honorable juge Bastarache, C.C., c.r., à titre d’évaluateur devant administrer le règlement et établir qui sont les demanderesses admissibles à une indemnisation en vertu des modalités de l’accord de règlement.

(c)  Dispense de l’application du paragraphe 334.21(2) des Règles

[61]  Les représentantes demanderesses demandent également à être dispensées de l’application du paragraphe 334.21(2) des Règles, précitées, qui prévoit ce qui suit :

334.21 (2) (2) Le membre est exclu du recours collectif s’il ne se désiste pas, avant l’expiration du délai prévu à cette fin dans l’ordonnance d’autorisation, d’une instance qu’il a introduite et qui soulève les points de droit ou de fait communs énoncés dans cette ordonnance.

334.21 (2) A class member shall be excluded from the class proceeding if the member does not, before the expiry of the time for opting out specified in the certifying order, discontinue a proceeding brought by the member that raises the common questions of law or fact set out in that order.

[62]  Elles se fondent sur l’article 55 des Règles, qui énonce ce qui suit :

55 Dans des circonstances spéciales, la Cour peut, dans une instance, modifier une règle ou exempter une partie ou une personne de son application.

55 In special circumstances, in a proceeding, the Court may vary a rule or dispense with compliance with a rule.

[63]  Elles soutiennent que la présente affaire constitue une circonstance appropriée pour appliquer la mesure prévue à l’article 55.

[64]  Dans la décision Chow c. Canada ((Citoyenneté et Immigration)), [1998] 161 FTR 156, au paragraphe 8, 46 Imm LR (2d) 231, la Cour, en expliquant l’exigence de circonstances particulières, a affirmé que « ces circonstances particulières impliquent d’une part la justice et, d’autre part, l’absence de préjudice ». La Cour a également noté dans la décision Pearson c. Canada, (2000) 195 FTR 31, au paragraphe 5, 100 ACWS (3d) 44 que « toute application de la règle 55 doit être conforme aux principes généraux adoptés dans les Règles de la Cour fédérale (1998) ».

[65]  Les principes généraux sont expliqués à l’article 3 des Règles, à savoir que :

3 Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3 These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

[66]  Les parties allèguent que les représentantes demanderesses ne devraient pas être exclues du présent recours puisque leur permettre de participer au processus de réclamation du règlement ne cause pas de préjudice, réel ou autre, à la défenderesse, étant donné qu’elles mettront fin aux actions en Colombie-Britannique et en Ontario dès l’approbation de l’accord de règlement par la Cour. Elles plaident que l’application de l’article 55 est conforme aux principes généraux des Règles et plus précisément à ceux compris dans l’article 3.

[67]  La Cour retient ces observations et conclut que dans les circonstances particulières à l’espèce, le paragraphe 334.21(2) ne s’applique pas aux représentantes demanderesses.

(d)  Rétribution de Mme Merlo et de Mme Davidson

[68]  Le paiement d’une rétribution de 15 000 $ à chacune des représentantes demanderesses est sollicité pour le motif qu’il s’agit d’une affaire exceptionnelle et que la contribution des représentantes demanderesses mérite d’être reconnue par le paiement d’une rétribution. Si ce paiement est approuvé, il sera payable à même les honoraires et débours des procureurs au recours collectif.

[69]  Cette demande est fondée sur l’importance de la contribution des représentantes demanderesses à la présente instance et du temps et des efforts considérables qu’elles ont investis. Elles ont toutes les deux entrepris leur propre recours collectif en Colombie-Britannique et en Ontario et ont poursuivi activement leurs réclamations. Leur expérience personnelle de harcèlement fondé sur le sexe et l’orientation sexuelle qu’elles ont subi au sein de la GRC a notamment été rendue publique. Cela a nécessité de revivre en public ces évènements douloureux.

[70]  Elles ont donné leur nom et leur visage à un recours collectif très médiatisé et, par nécessité, ont renoncé à leur droit à la vie privée pour permettre à beaucoup d’autres de demeurer anonymes. Mener une telle cause a un coût personnel et une privation de vie privée.

[71]  Elles ont toutes les deux dû se déplacer pour les rencontres relatives à l’instance et au règlement, et ont donné des entrevues aux médias afin de faire connaître ce recours collectif. Elles ont encouragé d’autres membres du groupe à faire part de leur expérience. Elles ont personnellement été en contact avec des centaines de membres potentiels du groupe.

[72]  Dans l’arrêt Robinson v Rochester Financial Ltd, 2012 ONSC 911, [2012] 5 CTC 24, au paragraphe 43, une série de facteurs à considérer pour établir si le ou les représentants demandeurs devrait recevoir une rétribution ont été déterminés comme suit :
[Traduction]

a) participer activement au lancement de l’instance et au choix d’un avocat;

b) faire face à un risque réel de frais;

c) avoir connu des difficultés ou des inconvénients personnels importants liés à la poursuite de l’instance;

d) temps consacré au déroulement de l’instance et activités entreprises;

e) communications et interactions avec les autres membres du groupe;

p) participation aux diverses étapes de l’instance, y compris aux interrogatoires préalables, aux négociations en vue de règlement et au procès.

[73]  Dans l’arrêt Eidoo v Infineon Technologies AG, 2015 ONSC 2675, [2015] OJ No 2062, citant au paragraphe 13 l’ouvrage The Law of Class Actions in Canada, de Warren K. Winkler et al., (Toronto, Canada Law Book, 2014), la Cour supérieure de l’Ontario explique qu’il est habituellement approprié d’indemniser le représentant demandeur uniquement dans les situations où les services fournis par le demandeur vont au-delà des obligations habituelles d’un représentant demandeur.

[74]  Je n’ai aucune difficulté à conclure que l’affaire justifie l’attribution d’une rétribution de 15 000 $ à chacune des représentantes demanderesses, Mme Merlo et Mme Davidson.

(e)  Honoraires des procureurs au recours collectif et débours

[75]  L’approbation d’honoraires juridiques de 15 % est également demandée. Les deux représentantes demanderesses ont signé une entente d’honoraires conditionnels convenant de payer 33,3 % des honoraires. Toutefois, en raison de la structure du règlement, les membres du groupe paieront uniquement 15 % du recouvrement au titre d’honoraires juridiques.

[76]  Aucune opposition n’a été formulée à l’égard de ces honoraires juridiques.

[77]  Les Règles des Cours fédérales prévoient ce qui suit :

Approbation des paiements

Approval of payments

334.4 Tout paiement direct ou indirect à un avocat, prélevé sur les sommes recouvrées à l’issue d’un recours collectif, doit être approuvé par un juge.

334.4 No payments, including indirect payments, shall be made to a solicitor from the proceeds recovered in a class proceeding unless the payments are approved by a judge.

[78]  Dans la décision Cardozo v Becton, Dickinson & Co (précitée, au paragraphe 25), la Cour suprême de la Colombie-Britannique mentionne les différents facteurs dont la Cour doit tenir compte dans l’évaluation du caractère raisonnable des honoraires. Ces facteurs sont décrits ci-dessous.

i.  Résultats obtenus

[79]  Les modalités du règlement ont précédemment été présentées et offrent des avantages aux membres du groupe qui n’auraient pas été offerts si l’affaire avait été jusqu’en instance. Le groupe et la période visée par le recours collectif sont largement définis et le règlement fondé sur la présentation de réclamations garantit que chaque réclamation approuvée fera l’objet d’un paiement. De même, le processus de réclamation non contradictoire et confidentiel constitue un élément important du processus de règlement considérant la nature des réclamations.

[80]  L’indemnisation financière qui sera obtenue en application de l’accord de règlement est raisonnable et se situe dans la fourchette des indemnisations pouvant être octroyées lors d’un procès.

[81]  L’accord de règlement prévoit également des avantages non monétaires pour les membres du groupe, à savoir des excuses publiques et la mise en œuvre de mesures visant à réduire et à éliminer le harcèlement fondé sur le sexe et l’orientation sexuelle au sein de la GRC.

[82]  Les procureurs au recours collectif ont également négocié avec succès les modalités du règlement selon lesquelles la défenderesse n’invoquera pas de délai de prescription ni d’empêchements prévus par la loi à l’égard de toute réclamation présentée dans le cadre du recours collectif.

[83]  Les procureurs au recours collectif continueront par ailleurs à prendre part à l’administration du règlement.

ii.  Risques pris

[84]  Les risques relatifs à l’instance pris par les procureurs au recours collectif étaient importants. Le fait qu’aucun autre cabinet d’avocats canadien n’a intenté d’action parallèle indique que cette affaire était considérée par les autres avocats comme étant extrêmement complexe et ayant peu de chances de succès. De plus, les procureurs au recours collectif ont eux-mêmes mené à bien la présente instance et n’ont pas bénéficié du soutien d’un regroupement d’avocats provenant de plusieurs provinces.

[85]  Certains risques associés à ces réclamations comprennent le fait qu’il n’existait que peu de renseignements exacts relativement à la portée du harcèlement fondé sur le sexe ou l’orientation sexuelle au sein de la GRC. Les avocats savaient également qu’obtenir les éléments de preuve à l’appui des demandes nécessiterait probablement de nombreuses années de procédures contestées et d’interrogatoires préalables. Il y avait également un risque que le recours collectif ne soit pas approuvé en raison du nombre important de questions en litige individuelles soulevées.

[86]  La défenderesse s’est opposée à l’autorisation des actions Merlo et Davidson. En fonction des observations déposées dans ces actions, dont le dossier de requête, il est manifeste que le Canada s’opposait vivement à ces recommandations.

[87]  Aucune des recommandations présentées n’avait, en fin de compte, de garantie de succès.

iii.  Temps consacré

[88]  Les parties font valoir que les procureurs au recours collectif ont été diligents en plaidant les actions et ont participé à d’intenses négociations en vue de règlement. Les procureurs recours collectif ont alloué beaucoup de temps et des ressources importantes à la poursuite des actions. Ils ont même, dans certains cas, embauché des employés devant travailler uniquement sur ces réclamations. Plusieurs des membres du groupe ont été interrogées et les services de six experts ont été retenus. Les procureurs du recours collectif ont également assumé les coûts des débours. En entreprenant une procédure contentieuse de cette envergure, les avocats affirment qu’il leur a été impossible d’étudier d’autres recours collectifs qui auraient pu s’avérer lucratifs ou d’y participer.

iv.  Complexité de l’affaire

[89]  Le présent recours collectif présentait de nombreuses facettes délicates et des questions juridiques complexes faisant intervenir de nouvelles réclamations avec de potentiels obstacles sur le plan légal. Il était nécessaire d’obtenir des expertises dans le domaine de la psychologie, de la psychiatrie, de l’étude de la dynamique des genres et du harcèlement et de la discrimination fondés sur le sexe et l’orientation sexuelle. En outre, les membres du groupe souhaitaient obtenir plus qu’une simple indemnisation financière. Les demanderesses souhaitaient obtenir des excuses publiques de la GRC pour le harcèlement subi par les membres du groupe et voulaient constater la mise en œuvre d’initiatives et des changements au sein de la GRC visant à réduire et éliminer le harcèlement. Bien que ces mesures ne soient pas visées par la procédure contentieuse, les membres du groupe ont insisté sur leur importance, ajoutant ainsi un degré de complexité pour les procureurs au recours collectif.

v.  Niveau de responsabilité assumé par les procureurs

[90]  L’action Merlo a été entreprise en 2012 en Colombie-Britannique et l’action Davidson a été intentée en 2015 en Ontario. Aucune autre action parallèle n’a été déposée. Les procureurs au recours collectif ont assumé la totalité de la responsabilité du dépôt et de la poursuite de la présente instance.

vi.  Importance de l’affaire pour le client

[91]  Comme les affidavits de Mme Merlo et de Mme Davidson l’indiquent, il s’agissait d’un contentieux très personnel. Leurs réclamations portaient sur des préjudices psychologiques graves ayant eu de nombreux effets sur leur vie et sur celle d’autres membres du groupe, de façons diverses et sérieuses.

[92]  Les demanderesses souhaitaient également obtenir un règlement qui aurait des conséquences à long terme sur la culture de la GRC et qui aiderait à réduire les incidents de discrimination fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle. Leur insistance pour obtenir des excuses et des initiatives de changement démontre l’importance que revêtait la présente instance pour les demanderesses.

vii.  Qualités et compétence des procureurs

[93]  Comme il a été mentionné, la grande expérience des procureurs au recours collectif dans le domaine spécialisé des recours collectifs n’est aucunement remise en doute. Leur expérience a été soulignée dans d’autres décisions de recours collectifs (arrêt Ramdath v George Brown, 2016 ONSC 3536, [2016] OJ No 2803, au paragraphe 2; arrêt McSherry v Zimmer GMBH, 2012 ONSC 4113, 226 ACWS (3d) 351, au paragraphe 21; arrêt Richard v British Columbia, 2010 BCSC 773, 191 ACWS (3d) 734, au paragraphe 12; arrêt Rideout v Health Labrador Corp, 2007 NLTD 150, 270 Nfld & PEIR 90, au paragraphe 71).

viii.  Capacité du groupe à payer

[94]  Considérant la nature de la défense soulevée par la défenderesse, il est probable que les membres du groupe n’auraient pas pu retenir les services d’avocats selon le régime de la rémunération des services. Il est également pertinent de noter que les procureurs au recours collectif n’ont pas tenté d’obtenir le financement de la procédure contentieuse par un tiers en l’espèce. Ce faisant, les procureurs au recours ont encouru un risque financier supplémentaire.

ix.  Attentes du client et du groupe

[95]  En signant l’entente d’honoraires conditionnels, Mme Merlo et Mme Davidson s’attendaient à payer des honoraires juridiques de 33,33 % du montant recouvert par ces dernières. Toutefois, puisque les procureurs ont été en mesure de négocier une contribution de la défenderesse aux honoraires des procureurs au recours collectif, le montant des honoraires juridiques devant être déboursés par chaque membre du groupe s’élèvera seulement à 15 %.

[96]  L’Avis d’autorisation et d’audience d’approbation du règlement informe les membres du groupe que les procureurs au recours collectif demanderont à la Cour l’autorisation de payer des honoraires de 15 % à même l’indemnité accordée à chaque membre du groupe dans le cadre de l’accord de règlement.

[97]  Aucune membre du groupe ne s’est opposée à ces honoraires juridiques.

x.  Honoraires dans des cas semblables

[98]  Les parties font valoir qu’une entente d’honoraires conditionnels de 33,33 % a été jugée comme étant vraisemblablement valide selon les décisions rendues dans l’arrêt Middlemiss v Penn West Petroleum Ltd, 2016 ONSC 3537, [2016] OJ No 2936 et l’arrêt Cannon v Funds for Canada Foundation, 2013 ONSC 7686, [2013] OJ No 5825.

xi.  Conclusion

[99]  Je suis convaincu compte tenu de toutes les circonstances que les honoraires satisfont aux critères d’approbation et, par conséquent, j’approuve les honoraires. En plus d’être raisonnables, ces honoraires sont moindres que ce qui était initialement prévu par l’entente d’honoraires signée par Mme Merlo et Mme Davidson. Je souhaite également souligner le fait que les procureurs au recours collectif étaient prêts à agir moyennant des honoraires conditionnels pour les présentes réclamations, qui se sont heurtés à de nombreux obstacles, réalisant l’un des objectifs d’intérêt public des recours collectifs, soit d’assurer l’accès à la justice aux personnes qui autrement n’auraient peut-être pas les moyens d’avoir une représentation juridique.

[100]  En outre, en vertu de l’accord de règlement, la défenderesse a accepté de payer les débours raisonnables. Par conséquent, il n’y aura pas de déduction du montant payé aux membres du groupe pour les débours.


ORDONNANCE dans l’affaire T-1685-16

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  • 1) Le règlement de la présente action, tel cela est décrit dans l’accord de règlement, y compris les énonciations, les annexes et les appendices de l’annexe « A » jointe à la présente ordonnance est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur des membres du groupe. Il est donc approuvé.

  • 2) Toutes les membres du groupe, y compris les personnes frappées d’incapacité, sont assujetties à la présente ordonnance et au règlement, à moins qu’elles ne s’excluent des recours collectifs ou soient réputées s’en être exclues à l’expiration du délai d’exclusion, soit le 29 mars 2017. La présente ordonnance et le règlement sont contraignants, que ces membres reçoivent ou demandent une indemnisation.

  • 3) Les parties à l’accord de règlement peuvent modifier les éléments non fondamentaux de l’accord, y compris ses annexes et appendices, à condition que chaque partie acquiesce par écrit à ces modifications.

  • 4) L’avis d’approbation du règlement de la présente action aux membres du groupe devra se conformer dans sa forme et son contenu à l’annexe « B » jointe à la présente ordonnance (« l’avis »). L’avis devra être distribué conformément au plan d’avis joint en annexe « C » à la présente ordonnance.

  • 5) L’avis devra être publié dans les 10 jours ouvrables de la « date d’entrée en vigueur », tel que cela est défini dans l’accord de règlement.

  • 6) La défenderesse, Sa Majesté la Reine, paiera les montants exigibles en vertu de l’accord de règlement, y compris le coût de l’avis et de l’administration du règlement.

  • 7) L’honorable Michel Bastarache, C.C., c.r., est nommé évaluateur pour administrer le règlement.

  • 8) L’évaluateur ne peut être tenu d’agir à titre de témoin lors de toute poursuite civile ou criminelle, toute procédure administrative, de grief, ou d’arbitrage où les renseignements demandés sont directement ou indirectement liés aux renseignements obtenus dans le cadre du présent processus de réclamation.

  • 9) Aucun document reçu par l’évaluateur, directement ou indirectement, en raison du règlement ou du présent processus de réclamation, ne peut être produit dans toute poursuite.

  • 10) La GRC et le Canada divulgueront à l’évaluateur tous les renseignements et documents dont il aura besoin ou qui sont autrement requis par l’accord de règlement, y compris dans les annexes et les appendices.

  • 11) Le paragraphe 334.21(2) ne s’applique pas aux représentantes demanderesses Janet Merlo et Linda Gillis Davidson. Elles ne sont donc pas exclues du présent recours, malgré le retrait des recours parallèles en Colombie-Britannique et en Ontario (soit Merlo v Canada (AG), action devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique no S-122255 et Davidson v Canada (AG), action devant la Cour supérieure de l’Ontario no CV-15-52473600CP, collectivement appelées les [traduction] « actions parallèles ») avant l’échéance de la période d’exclusion.

  • 12) La contribution aux honoraires des procureurs au recours collectif payable par la défenderesse, de 12 millions de dollars plus les taxes de vente applicables, est approuvée. Il est ordonné à la défenderesse de payer ce montant aux procureurs au recours collectif dans les 30 jours suivant la date d’approbation de la Cour. La somme de 6 millions de dollars plus les taxes de vente applicables sera payée à Klein Lawyers LLP et Kim Orr Barristers P.C. par virement télégraphique.

  • 13) Un paiement par chaque membre du groupe d’honoraires aux procureurs au recours collectif de 15 % plus les taxes de vente applicables à partir de l’indemnité individuelle payée aux membres du groupe en vertu du règlement, est approuvé. Les honoraires des procureurs au recours collectif de 15 % ne sont pas payables à même les montants payés aux membres du groupe à titre de remboursement des frais payés ou des frais de déplacement encourus en application de l’article 11.04 de l’accord de règlement. Les honoraires des procureurs au recours collectif de 15 % payables par chaque membre du groupe seront calculés par l’évaluateur, qui retiendra les honoraires et les taxes de vente applicables sur l’indemnisation autrement payable aux membres du groupe. L’évaluateur remettra 50 % des honoraires des procureurs au recours collectif plus les taxes de vente applicables à Klein Lawyers LLP et 50 % plus les taxes de vente applicables à Kim Orr Barristers P.C. par virement télégraphique le premier jour ouvrable de chaque mois pour tous les paiements faits aux membres du groupe au cours du mois précédent.

  • 14) Dès la date d’approbation du règlement par la Cour, la défenderesse, Sa Majesté la Reine, ainsi que tous autres ministre et gouvernement provinciaux et territoriaux concernés qui sont responsables des actes des membres de la GRC agissant à titre de gendarmes provinciaux selon la législation provinciale et/ou d’autres ententes provinciales-fédérales sur les services de police, et leurs agents, mandataires, fonctionnaires et employés respectifs (les « parties quittancées ») individuellement et collectivement, seront libérés entièrement et définitivement par les membres du groupe de toute action, y compris des réclamations présentées en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, de toute cause d’action, de la common law, de toute responsabilité en common law, en droit civil du Québec et découlant de la loi, de tout contrat, de toute réclamation et demande accessible de quelque nature que ce soit, qu’elle ait été déposée ou qu’elle puisse avoir été déposée, qu’elle soit connue ou inconnue, pour des dommages, contributions, indemnités, coûts, dépenses et intérêts que la membre a eus, a ou pourrait avoir directement ou indirectement, ou de quelque façon que ce soit à l’issue ou au moyen d’un droit subrogé ou cédé, ou autrement, relativement à la discrimination, à l’intimidation et au harcèlement fondés sur le sexe et/ou l’orientation sexuelle subis au service de la GRC durant la période visée par le recours collectif (les « réclamations quittancées »), et s’appliquant à toute réclamation de ce type qui a été ou aurait pu être déposée dans le cadre de toute procédure, notamment les actions parallèles, qu’elle soit invoquée directement par la membre du groupe ou par toute autre personne, personne morale ou tout autre groupe agissant au nom ou à titre de représentant de la membre du groupe.

  • 15) Les obligations assumées par la défenderesse, Sa Majesté la Reine, en vertu de l’accord de règlement constituent le règlement complet et final de toute demande, par les membres du groupe à l’endroit des parties quittancées, y compris les réclamations présentées en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés liées à la discrimination fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle, à l’intimidation ou au harcèlement subis au service de la GRC, durant la période visée par le recours collectif.

  • 16) Il est interdit aux membres du groupe de présenter toute réclamation ou encore d’intenter ou de continuer des procédures découlant des réclamations quittancées ou y étant liées contre toute partie quittancée ou autre personne, société ou entité qui pourrait demander des dommages ou une contribution et une indemnité, ou toute autre mesure à l’encontre de la défenderesse, Sa Majesté la Reine, y compris les mesures de nature monétaire, déclaratoire ou injonctive, en vertu des dispositions de la Loi sur le partage de la responsabilité, L.S.O., 1990, chap. N. 1, ou des lois analogues d’autres ressorts, en vertu de la Police Act, RSBC 1996, chap. 367 ou, des lois analogues d’autres ressorts, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et des responsabilités en common law, en droit civil du Québec et découlant de la loi.

  • 17) Les représentantes demanderesses, Janet Merlo et Linda Gillis Davidson, recevront chacune une rétribution de 15 000 $ qui sera payée au moyen d’un prélèvement sur les honoraires des procureurs au recours collectif.

  • 18) La Cour conservera sa compétence sur le règlement, sa mise en œuvre, son interprétation et son exécution.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1685-16

INTITULÉ :

JANET MERLO ET LINDA GILLIS DAVIDSON c

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 MAI 2017

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MACDONALD

DATE DES MOTIFS

LE 30 MAI 2017

COMPARUTIONS :

David A. Klein

Angela Bespflug

Won J. Kim

Megan B. McPhee

Aris Gyamfi

POUR LES DEMANDEURS

Mitchell R. Taylor

Charmaine De Los Reyes

Sarah Hagen

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kim Orr Barristers P.C.

Avocats

Toronto (Ontario)

Klein Lawyer LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.