Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180802


Dossier : IMM-313-17

Référence : 2018 CF 811

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 août 2018

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

KARTHIK MARIO RAVICHANDRAN

VINODH MARINO RAVICHANDRAN

DIVIYA MARIZA RAVICHANDRAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs, Karthik Mario Ravichandran (K), Vinodh Marino Ravichandran (V), et Diviya Mariza Ravichandran (D) (membres de la même fratrie), sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 22 novembre 2016 (la décision) par une agente d’immigration du Haut-commissariat du Canada à New Delhi en Inde (l’agente), par laquelle leur demande de visa de résidence permanente au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et au titre de celle des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières (catégorie de personnes de pays d’accueil) a été rejetée. Les motifs de la décision figurent dans les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC).

[2]  La décision a été rendue en application des articles 11 et 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), et des articles 139 et 144 à 147 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR). L’agente a examiné le paragraphe 108(4) de la LIPR, et a conclu qu’il n’était pas applicable.

[3]  Pour faciliter la compréhension de ces motifs, un résumé de la législation est présenté à la section IV du présent jugement et des présents motifs.

[4]  Par les motifs qui suivent, cette demande est autorisée en raison des lacunes que comporte l’analyse des motifs pour lesquels le paragraphe 108(4) de la LIPR ne s’applique pas.

II.  Demandes précédentes de contrôle judiciaire

[5]  Sur le plan de la procédure, il y a eu deux demandes de contrôle judiciaire. La première, par laquelle était sollicité le contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue le 31 janvier 2012, a été réglée par consentement et renvoyée pour réexamen.

[6]  Ce nouvel examen a donné lieu à un autre rejet et à une autre demande de contrôle judiciaire. Dans une décision datée du 22 mai 2015 et répertoriée sous 2015 CF 665, madame la juge Tremblay-Lamer a accueilli la demande et a renvoyé l’affaire pour un autre réexamen.

[7]  Les demandeurs se sont présentés au Haut-commissariat du Canada à New Delhi le 7 septembre 2016 et ont été interrogés par l’agente dans le cadre du réexamen. Ils ont alors produit de nouveaux éléments de preuve et de nouvelles observations à l’appui de leur demande. Comme il a été mentionné précédemment, l’agente a rejeté leur demande.

[8]  C’est la décision rendue dans ce réexamen qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

III.  Exposé des faits

[9]  Les demandeurs sont frères et sœur et sont des citoyens sri-lankais d’origine tamoule. K (31 ans) et V (28 ans) sont des hommes, et D (25 ans) est une femme. K est le demandeur principal et est l’aîné.

[10]  Les demandeurs ont fui le Sri Lanka pour se rendre en Inde en 2007, en raison de ce qui s’était passé entre leur père, la police, et une organisation paramilitaire connue sous le nom de groupe Karuna. En résumé, leur père avait refusé de délivrer un billet d’avion de son agence de voyages à un membre de la famille du chef du groupe Karuna. Il a par la suite été enlevé par la police et torturé.

[11]  Le père a raconté les détails de sa détention et de la torture à un journal du Sri Lanka, après quoi le rédacteur en chef l’a averti qu’il courait un risque; le père a alors décidé de s’enfuir. La police sri-lankaise et des membres du groupe Karuna sont allés à la maison des demandeurs à la recherche du père. Lorsque la mère a refusé de divulguer l’endroit où se trouvait son mari, elle a été agressée, tout comme l’ont été K et D. K a été enlevé, battu et torturé. Lors de cet incident, il a signé un document qui a par la suite été considéré comme une confession en blanc.

[12]  Les demandeurs se sont enfuis en Inde en 2007 à la suite de ces événements. Ils y sont restés sans statut, mais, à un certain moment, les demandeurs ont entendu dire que puisque le conflit au Sri Lanka avait pris fin, l’Inde renvoyait les demandeurs d’asile au Sri Lanka.

[13]  En 2010, cette préoccupation a poussé les demandeurs à présenter une demande de résidence permanente au Canada. Ils ont été parrainés par leur famille au Canada. Les catégories de parrainage en question étaient la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et celle des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières.

IV.  Dispositions législatives applicables

[14]  Le paragraphe 12(3) de la LIPR constitue la disposition législative qui permet aux demandeurs d’éventuellement obtenir la résidence permanente dans la présente affaire :

Réfugiés

(3) La sélection de l’étranger, qu’il soit au Canada ou non, s’effectue, conformément à la tradition humanitaire du Canada à l’égard des personnes déplacées ou persécutées, selon qu’il a la qualité, au titre de la présente loi, de réfugié ou de personne en situation semblable.

(Non souligné dans l’original)

Refugees

(3) A foreign national, inside or outside Canada, may be selected as a person who under this Act is a Convention refugee or as a person in similar circumstances, taking into account Canada’s humanitarian tradition with respect to the displaced and the persecuted.

(my emphasis)

A.  Réfugiés au sens de la Convention

[15]  L’article 144 du RIPR prescrit que les demandeurs sélectionnés au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières puissent obtenir un visa de résident permanent. L’article 145 du RIPR établit que l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié au sens de la Convention appartient à la catégorie au sens de cette Convention.

[16]  L’article 96 de la LIPR établit qu’un réfugié est une personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays; soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

B.  Personne dans une situation semblable à celle d’un réfugié au sens de la Convention

[17]  En application de l’article 146 du RIPR, les personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières sont les personnes qui se trouvent dans une situation semblable à celle d’un réfugié au sens de la Convention. Dans ce cas, ils sont membres de la catégorie de personnes de pays d’accueil et peuvent obtenir un visa de résidence permanente.

[18]  En application de l’article 147 du RIPR, appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré par un agent comme « ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes : a) il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle; b) une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui ».

V.  La décision et les notes du SMGC

A.  La lettre de décision

[19]  La décision a été transmise dans une lettre de deux pages du Haut-commissariat du Canada à New Delhi en Inde datée du 22 novembre 2016. Cette lettre énonce intégralement les dispositions de l’article 96 et renvoie ensuite à divers articles et paragraphes de la LIPR et du RIPR. Les paragraphes 2(2), 11(1) et 108(4), de même que l’alinéa 108(1)e) de la LIPR sont mentionnés. Les articles 145 et 147, le paragraphe 146(2), et l’alinéa 139(1)e) du RIPR sont tous mentionnés.

[20]  Le dernier paragraphe de la lettre indique que l’agente a conclu que les demandeurs ne satisfaisaient pas aux exigences de la LIPR et du RIPR, et que par conséquent, la demande était rejetée.

B.  Les notes du SMGC

[21]  Les notes du SMGC font partie du dossier certifié du tribunal. Elles contiennent les motifs sous-jacents à la décision. Bien que l’information contenue dans les notes du SMGC remonte jusqu’à mars 2010, les demandeurs ne contestent que la partie des notes du SMGC s’appliquant à l’espèce. Ces notes couvrent de mai 2015 au 22 novembre 2016.

[22]  Les notes du SMGC montrent que les demandeurs ont tous participé à une entrevue avec l’agente le 7 septembre 2016. L’entrevue a été menée en anglais puisque tous les demandeurs maîtrisaient l’anglais. Aucun des demandeurs ne travaille; ils sont tous aux études, et semble-t-il depuis leur arrivée en 2007.

[23]  Après avoir expliqué la procédure aux demandeurs, l’agente a confirmé leur identité et a constaté qu’aucun d’entre eux ne détenait une carte du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Les demandeurs ont déclaré qu’ils n’avaient pas communiqué avec le HCR à leur arrivée en Inde puisqu’ils ne savaient pas qu’ils pouvaient le faire.

[24]  Chaque demandeur possédait un passeport sri-lankais valide jusqu’en 2018. Il semblait, d’après les passeports, que K se soit rendu au Népal et en Thaïlande pour, selon lui, monter à bord du navire Sun Sea pour se rendre au Canada en 2010. K a dit à l’agente que son père l’avait forcé à y aller, mais qu’il s’était défilé. K ne sait pas où se trouve son père maintenant. Aucun d’entre eux ne l’a vu depuis 2010, en Inde. Il a communiqué avec eux en 2012 pour la dernière fois.

[25]  Les demandeurs ont affirmé que leur père était violent et qu’ils [traduction] « voulaient couper les liens avec lui ». Ils ont déménagé, avec leur mère et leur oncle, dans une autre maison en Inde pour s’éloigner du père.

[26]  Il semblerait, d’après les notes du SMGC, que l’agente était au courant des préoccupations des demandeurs voulant [traduction] « qu’ils soient à risque s’ils retournaient [au Sri Lanka] à cause de leur lien filial, du fait que Karthik ait été détenu auparavant, et parce que leur histoire était maintenant du domaine public (la décision de la Cour fédérale) et qu’en conséquence, ils craignaient des représailles des autorités s’ils devaient retourner ».

[27]  L’agente a également remarqué que les documents produits par les demandeurs sur les conditions défavorables dans le pays touchent les personnes qui ont certains profils de risque : [traduction] « anciens combattants ou sympathisants des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), perçus ou réels, journalistes, militants, etc. ». L’agente rappelle que les demandeurs et leur père ne sont pas liés de quelque manière que ce soit avec les LTTE ou avec d’autres groupes tamouls et qu’ils ne correspondent pas aux profils de risque. L’agente note que [traduction] « [l]’élément de crainte a considérablement diminué, à tout le moins à Colombo et dans le Sud ».

[28]  L’agente mentionne que les mauvais traitements aux mains du groupe Karuna et de la police remontent à presque 10 ans, que les demandeurs peuvent retourner à Colombo, avec leur mère, et qu’ils [traduction] « n’ont pas suffisamment expliqué pourquoi les autorités les pourchasseraient aussi loin s’ils rentraient » étant donné que rien ne démontre que les auteurs des mauvais traitements à l’égard des demandeurs en 2007 les avaient menacés depuis leur arrivée en Inde, les menaçaient actuellement, ou [traduction] « continuaient de les rechercher ».

[29]  L’entrevue a officiellement pris fin à 10 h 30, une heure et demie après avoir commencé.

[30]  En résumé, l’agente indique qu’elle [traduction] « ne crois pas que [les demandeurs] ont une crainte fondée de persécution au regard des éléments de preuve ... [et que] [i]ls peuvent avoir été gravement et personnellement touchés par la guerre civile ... en 2007, mais il n’y a actuellement pas de guerre civile ou de conflit armé au Sri Lanka et ils ne sont actuellement pas gravement ou personnellement touchés par une violation massive des droits de la personne ». L’agente ajoute que l’exemption que porte le paragraphe 108(4) de la LIPR ne s’applique pas, bien qu’aucun motif ne soit donné en relation avec cette déclaration.

VI.  Questions en litige et norme de contrôle

[31]  Il n’est pas controversé entre les parties, et la Cour est d’accord, que les questions soulevées portent sur des questions de droit et de fait. Elles sont donc assujetties à la norme de la décision raisonnable : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Mushimiyimana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1124, au paragraphe 21, 93 Imm LR (3d) 157.

[32]  Bien que la seule question en litige soit le caractère raisonnable de la décision, les demandeurs soutiennent que trois erreurs ont été commises, et que chacune d’entre elles rend la décision déraisonnable; il est allégué que l’agente :

  1. n’a pas évalué de façon cumulative les motifs de risque soulevés (notamment si le gouvernement cible ceux qui ont été à l’étranger pendant 10 ans comme demandeurs d’asile);

  2. a omis de considérer (et n’a pas abordé dans ses motifs) les éléments de preuve contredisant la conclusion de l’agente selon laquelle il n’y avait aucun risque futur ou a fait fi de ces éléments;

  3. a omis de fournir des motifs expliquant que le paragraphe 108(4) de la LIPR ne s’applique pas aux demandeurs.

[33]  Le caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de celle-ci, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir, au paragraphe 47.

[34]  Si les motifs, lorsque lus dans leur ensemble, « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables [...] les motifs répondent alors aux critères établis dans Dunsmuir » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland Nurses].

[35]  L’agente, siégeant en tant que tribunal administratif, n’est pas tenue d’examiner et de commenter dans ses motifs chacune des questions soulevées par les parties. La cour de révision doit déterminer si la décision, « considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier, est raisonnable » : Newfoundland Nurses, au paragraphe 16.

VII.  Analyse

[36]  Un bon endroit pour commencer l’analyse dans le cas qui nous occupe est la décision que la Cour d’appel fédérale (CAF) a rendue dans l’arrêt Siddiqui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 134, aux paragraphes 1 et 2, [2017] 1 RCF 56, dans lequel la CAF a répondu à la question certifiée dans l’affirmative :

[... P]eut-on appliquer les mêmes, ou presque les mêmes, considérations et précédents ainsi que la même analyse sur le plan juridique tant aux personnes qualifiées de réfugiés au sens de la Convention qu’aux personnes déclarées comme ayant besoin d’une protection à titre de membres de la catégorie de personnes de pays d’accueil?

[37]  En d’autres termes, à moins que la loi ne dispose expressément autrement, le même ou essentiellement le même régime juridique s’applique aux deux catégories au titre desquelles les demandeurs ont présenté leur demande.

[38]  Afin d’établir qu’ils sont membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention, les demandeurs doivent établir une crainte objectivement fondée de persécution pour les motifs prescrits d’être persécutés du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leurs opinions politiques. Les demandeurs affirment qu’ils sont membres de groupes sociaux particuliers en raison de leur passé et des circonstances actuelles et de ceux de leur famille.

[39]  Pour établir qu’ils sont membres de la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières (personnes de pays d’accueil) ils doivent établir qu’ils doivent se réinstaller parce qu’ils ont été et continuent d’être gravement et personnellement touchés par la guerre civile, un conflit armé ou des violations massives des droits de la personne dans leur pays de nationalité et de résidence habituelle.

[40]  Il est important de se rappeler qu’il incombe aux demandeurs de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe un « risque raisonnable » ou « de bonnes raisons de craindre » ou « une possibilité sérieuse » de persécution : Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680, aux paragraphes 6 à 8 (CA), 7 IMM LR (2d) 169.

[41]  La Cour gardera ces principes à l’esprit lors de l’examen de la décision à la lumière des arguments des parties et des éléments de preuve au dossier.

A.  L’agente a-t-elle omis d’examiner les motifs de risque soulevés par les demandeurs?

[42]  Les demandeurs font valoir que l’agente a commis une erreur en omettant d’évaluer les motifs de risque qu’ils ont soulevés et que, s’ils avaient été évalués correctement, l’issue aurait été différente. Ils mettent de l’avant cinq motifs de risque :

  1. persécution fondée sur le statut familial depuis 2007 découlant de ce qui est arrivé à leur père;

  2. demandeurs d’asile déboutés de retour de l’Inde;

  3. rapatriés qui seront connus des autorités comme des opposants puisque leur cause précédente a été publiée en ligne;

  4. personnes connues des autorités qui auraient un dossier pour avoir déjà été arrêtées et torturées, notamment dans le cas de K;

  5. personnes qui ont signé une confession en blanc, en ce qui concerne K.

[43]  Les demandeurs soutiennent aussi que l’agente aurait dû tenir compte de ces facteurs de façon cumulative et que l’agente a omis de le faire ce qui constitue une erreur.

1)  Les thèses des parties

[44]  Les demandeurs avancent de nombreux arguments à l’appui de leurs allégations selon lesquelles l’agente n’a pas dûment examiné leur risque. Leur conviction que l’agente a reconnu la véracité de leur récit et a par conséquent cru qu’ils ont été torturés, et donc persécutés constitue leur argument principal. Puisque le fait d’établir une exposition passée à de la persécution peut étayer une conclusion de crainte fondée de persécution future, ils soutiennent que la conclusion de l’agente voulant que leur crainte puisse ne pas être fondée sur des éléments de preuve objectifs est déraisonnable.

[45]  Les demandeurs soutiennent en outre l’importance indue que l’agente a accordée au passé, en considérant le passage du temps, de 2007 à 2016, comme un facteur important se traduisant par une incapacité à évaluer correctement le risque futur. Ce faisant, ils font valoir que l’agente n’a pas réussi à déterminer si les facteurs cumulatifs pourraient conduire à de futurs risques si les demandeurs étaient renvoyés au Sri Lanka.

[46]  Les demandeurs soutiennent également que l’agente n’a pas évalué le risque auquel les demandeurs d’asile déboutés seraient exposés s’ils étaient renvoyés. Ils soutiennent que lorsque cette considération s’ajoute aux risques associés à la confession signée en blanc, à la torture et à la détention de K, et à l’agression de D, ils affichent un profil unique que l’agente a indûment réduit à une discussion sur les Tamouls en général, ce qui a mené à une conclusion voulant que les demandeurs ne correspondent pas aux profils de risque précis énoncés dans la documentation sur la situation dans le pays.

[47]  Les demandeurs soulignent que le fait de ne tenir compte que du passé, mais pas de l’avenir, constitue une erreur, car la préoccupation centrale des demandeurs est de nature prospective et se situe à leur retour au Sri Lanka : B407 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1085, au paragraphe 39, 235 ACWS (3d) 481.

[48]  Le défendeur affirme que l’agente a bien mené une évaluation approfondie et a examiné la situation des demandeurs de manière prospective, en s’appuyant sur la documentation objective sur la situation dans le pays, qui a démontré que les demandeurs ne seraient pas en péril, car ils n’ont pas le profil des personnes à risque.

[49]  L’avocat du défendeur soutient que bien que le préjudice passé puisse constituer un indicateur, le risque doit être évalué de manière prospective et doit toucher personnellement les demandeurs de façon subjective et objective. Dans cette veine, des incidents passés de persécution alléguée sont des indicateurs possibles d’un risque de persécution future, mais ne sont pas suffisants : AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 450, aux paragraphes 27 et 29, 253 ACWS (3d) 188.

2)  Le point de vue de la Cour

[50]  Les demandeurs font fausse route en invoquant la conclusion voulant que l’agente ait reconnu qu’ils avaient été torturés. L’agente était disposée à reconnaître que les demandeurs disaient la vérité, mais ce seul fait ne mène pas à la conclusion qu’ils font face à un risque sérieux de persécution de nature prospective, comme l’a souligné le défendeur.

[51]  L’agente a expressément dit qu’elle ne croyait pas, au regard des éléments de preuve au dossier, que les candidats avaient une crainte fondée de persécution. Comme la Cour l’abordera ci-dessous, cette conclusion appartient à la gamme des issues raisonnables qui étaient permises à l’agente.

[52]  En ce qui concerne l’allégation voulant que l’agente n’ait pas tenu compte du risque cumulatif, il est amplement fait référence dans les notes du SMGC aux motifs allégués par les demandeurs, lesquels ont été pris en considération. L’agente a ensuite soupesé ces motifs ainsi que les éléments de preuve objectifs faisant référence aux centaines de Tamouls qui ont été renvoyés au Sri Lanka depuis la fin de la guerre. C’est à la suite de cette évaluation et de cette appréciation des éléments de preuve que l’agente a conclu, en s’appuyant sur la documentation sur la situation dans le pays, que le profil des demandeurs n’est pas de ceux qui font face à un risque sérieux de persécution.

[53]  L’argument du risque cumulatif des demandeurs est de toute évidence greffé à l’argument selon lequel l’agente a considéré que seuls certains profils particuliers de Tamouls rapatriés sont exposés à des risques. Pour cette raison, il est examiné dans la section suivante.

B.  L’agente a-t-elle fait fi ou omis de tenir compte des éléments de preuve en contradiction avec sa conclusion quant au risque futur

1)  Thèses des parties

[54]  Les demandeurs soutiennent que l’agente a examiné de façon sélective la documentation sur la situation dans le pays au Sri Lanka, faisant fi dans le processus d’un rapport sur les droits de la personne démontrant que les demandeurs seraient exposés à un risque de persécution future en raison de leur profil en tant que demandeurs d’asile en Inde qui ont vécus à l’extérieur de Sri Lanka pendant 10 ans. Ils invoquent le rapport du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni d’août 2016 intitulé « Country Information and Guidance. Sri Lanka: Tamil Separatism » (information sur le pays et orientation. Sri Lanka : mouvement séparatiste tamoul) et soutiennent que l’agente a fait fi de la mention qu’on y trouve indiquant que des rapatriés sont torturés et interrogés.

[55]  Les demandeurs affirment qu’ils sont plus susceptibles que les rapatriés en général d’être interrogés à l’aéroport ou peu après leur arrivée à la maison. Ils craignent que les autorités recherchent leurs noms dans un moteur de recherche et trouvent la décision de notre Cour qui les désigne comme des demandeurs d’asile allégeant être ciblés par le gouvernement sri-lankais. Les demandeurs soutiennent également que l’agente n’a pas retenu le document « Country Reports on Human Rights Practices for 2014 » (rapports nationaux sur les pratiques des droits de l’Homme – 2014) du Département d’État des États-Unis pour le Sri Lanka. Ce rapport indique qu’un risque élevé de torture subsiste pour les personnes perçues comme des opposants au gouvernement, pas seulement pour les profils de risque très précis mentionnés par l’agente.

[56]  Enfin les demandeurs invoquent une décision de la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) datée du 13 janvier 2016, (X (Re) 2016, dossier MB5-02552, CarswellNat 636 WL (Can)) dans laquelle il est énoncé des éléments de preuve documentaire que le membre de la SAR retient comme indiquant que « le seul fait d’avoir résidé dans un pays occidental peut exposer une personne au risque d’être soumise à la torture » et que « les demandeurs d’asile déboutés sont plus susceptibles d’être rapidement associés aux TLET, que ce soit parce qu’ils ont demandé l’asile ou parce qu’on présume qu’ils ont participé aux activités de la diaspora tamoule, qui – de l’avis du gouvernement du Sri Lanka – appuient les TLET » : au paragraphe 92. Le membre de la SAR a également reconnu que ses conclusions étaient différentes des précédentes décisions rendues par ses collègues de la SAR, aux paragraphes 98 à 100. Les demandeurs se plaignent que l’agente avait indiqué que les décisions de la CISR seraient prises en compte et qu’elle a ensuite fait fi d’une décision de la CISR démontrant que les demandeurs d’asile déboutés sont à risque d’être considérés comme des partisans des LTTE.

[57]  Le défendeur réplique en substance que les demandeurs ne sont pas d’accord avec l’évaluation et l’appréciation de la preuve de l’agente, et la décision qui en a découlé.

2)  Le point de vue de la Cour

[58]  Il est maintenant de droit constant que l’agente est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve et qu’elle n’est pas tenue de faire explicitement référence à chaque élément de preuve : Sing c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2005 CAF 125, au paragraphe 90, 253 DLR (4th) 606. Bien sûr, il est également bien établi que même si les motifs de droit administratif ne doivent pas être examinés à la loupe, si un élément de preuve non mentionné contredit les conclusions, alors son importance est considérée afin de déterminer si le défaut d’aborder cet élément de preuve contraire rend la décision déraisonnable : Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, aux paragraphes 15 à 17 (TD), [1998] ACF no 1425.

[59]  À première vue, le rapport de 2016 du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni qu’invoquent les demandeurs n’est pas déterminant quant au niveau de risque pour les demandeurs au point de mériter une mention alors qu’il y est déjà fait référence dans les notes du SMGC et que certaines sections font particulièrement l’objet de discussion. Le rapport précise que des éléments de preuve démontrent que certains rapatriés de l’Inde ont été interrogés et torturés : section 2.3.9. Cette section indique aussi que la section 6.5 porte sur le traitement des rapatriés et examine des éléments de preuve à ce sujet, notamment des éléments de preuve qui suggèrent que la majorité de ceux qui sont arrêtés au retour sont des ex-membres des TLET ou sont associés d’une manière ou d’une autre aux TLET. Le rapport indique à la section 2.3.1 que « le fait d’être tamoul ne donne pas lieu en soi à une crainte bien fondée de persécution ou de préjudice grave au Sri Lanka ».

[60]  La référence des demandeurs au fait que certains rapatriés sont torturés et interrogés est prise hors contexte lorsque le rapport dans son ensemble est examiné. Le rapport indique à la section 2.3.4 que l’objectif actuel du gouvernement est d’identifier les militants tamouls qui travaillent à la cause séparatiste tamoule et notamment de prévenir à la fois une résurgence du TLET et la renaissance de la guerre civile au Sri Lanka.

[61]  À la suite de mon examen de ce rapport, et du dossier en général, j’estime qu’il est raisonnable que l’agente se soit penchée sur le profil particulier des demandeurs et ait cherché à déterminer s’ils correspondaient au profil des rapatriés qui peuvent être exposés à la persécution.

[62]  L’un des résumés de l’agente indique qu’elle a examiné tous les éléments de preuve et arguments pertinents présentés par les demandeurs :

La crainte exprimée par les demandeurs est fondée sur d’éventuelles représailles de la part des autorités parce que leur père avait refusé de délivrer un billet d’avion pour un proche du chef du groupe Karuna, un groupe paramilitaire, en 2007. Le refus du père a entraîné sa détention. Les enfants ont quitté le pays sans payer la totalité de la dette contractée pour la libération leur frère qui avait aussi été détenu. Ils craignent également des représailles en lien avec la détention de l’aîné Karthik, et si les autorités de l’État apprennent qu’il est de retour au pays, ils pourraient trouver son dossier et le maltraiter une fois de plus. Ils ont en outre exprimé la crainte que leur situation de demandeurs d’asile en Inde puisse être connue des autorités du Sri Lanka puisque leur demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada est publiée sur Internet et cela pourrait par conséquent accroître le risque de représailles du fait que leur cas est publiquement connu.

[63]  Bien que l’agente n’ait pas utilisé le mot [traduction] « hypothétique » pour décrire certaines de ces craintes, c’est le premier mot qui vient à l’esprit. L’agente a mentionné dans ses notes que les demandeurs ne pouvaient pas expliquer pourquoi les autorités les pourchasseraient étant donné que [traduction] « leur père n’avait pas un profil d’intérêt pour les autorités à part du fait qu’il a refusé de délivrer un billet à un proche [de] un chef du groupe Karuna ... il y a près de dix ans ».

[64]  En tout respect, contrairement à la thèse des demandeurs selon laquelle l’agente a accordé une importance indue au passage du temps, il s’agit d’un facteur très pertinent auquel les demandeurs n’ont pas été en mesure de répondre de façon satisfaisante.

C.  L’agente a-t-elle omis de donner des motifs expliquant pourquoi le paragraphe 108(4) de la LIPR ne s’applique pas aux demandeurs?

1)  Les thèses des parties

[65]  Les demandeurs font valoir que l’agente a reconnu qu’ils avaient été exposés à la torture et aux mauvais traitements dans le passé, ce que les demandeurs considèrent comme de la persécution. Par conséquent, les demandeurs soutiennent que, tel que requis par le paragraphe 108(4) de la LIPR, il existe des « raisons impérieuses », tenant à la persécution et à la torture antérieures, de leur accorder un visa de résidence permanente pour qu’ils ne soient pas renvoyés dans leur pays d’origine. L’agente n’a pourtant fourni aucun motif en affirmant :

J’ai aussi tenu compte de l’article 108 de la LIPR et j’ai conclu que l’exception ordonnée au paragraphe 108(1) (4) [sic] ne s’applique pas à leur cas.

[66]  Le défendeur réplique que l’agente n’a pas conclu que les demandeurs avaient été persécutés dans le passé; que l’agente a seulement reconnu la véracité du récit des demandeurs à l’entrevue tout en affirmant qu’ils n’avaient pas établi une crainte fondée de persécution au regard des éléments de preuve.

[67]  Les demandeurs déclarent que le seuil pour tenir compte de raisons impérieuses a été atteint par leurs témoignages, qui a été retenu par l’agente, et que par conséquent, il était déraisonnable que l’agente n’explique pas pourquoi les dispositions du paragraphe 108(4) ne s’appliquent pas à leur cas.

2)  Le point de vue de la Cour

[68]  À mon avis, au regard du dossier dont disposait l’agente et du fait qu’elle ait reconnu la véracité du récit des demandeurs, sa brève déclaration voulant que [traduction] « l’exception ne s’applique pas » n’est pas raisonnable. Bien qu’à aucun moment l’agente n’ait explicitement déclaré que les demandeurs avaient été persécutés dans le passé, l’agente a bel et bien retenu le récit des demandeurs relatant les tortures et mauvais traitements qu’ils ont subis du fait des démêlés de leur père avec les autorités.

[69]  Pour cette raison, la première condition préalable à l’examen du paragraphe 108(4), tenant à la persécution et à la torture antérieures, semble avoir été remplie, à la lecture des motifs de l’agente : Cabdi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 26, au paragraphes 31 à 33, 262 ACWS (3d) 1016 [Cabdi].

[70]  Notre Cour refuse de déterminer s’il y a eu persécution antérieure, en plus de la torture affirmée et reconnue, et laisser l’agente réexaminer cette question puisqu’il s’agit bien du rôle de l’agente. De même, la deuxième condition préalable à l’examen du paragraphe 108(4), soit que les raisons qui justifiaient de demander l’asile n’existent plus, a également été implicitement respectée étant donné que l’agente traite nommément du passage du temps, et du changement de la situation dans le pays, qui démontrerait que les demandeurs n’avaient pas une crainte fondée de persécution, ce qui constitue de toute évidence une analyse de nature prospective : Cabdi, aux paragraphes 31 et 34.

[71]  À ce titre, l’agente devait tenir compte du paragraphe 108(4) et semble l’avoir reconnu en faisant l’effort de conclure sommairement que l’exception ne s’appliquait pas. Cette conclusion est toutefois atteinte sans aucune analyse et pour cette raison manque de transparence, de justification et d’intelligibilité. Bien que la Cour soit autorisée à examiner le dossier pour compléter les raisons données par un décideur, dans le cas présent, le faire équivaudrait à formuler des hypothèses étant donné qu’aucun indice quant à la façon dont cette conclusion a été atteinte n’a été fourni dans les motifs.

[72]  Il est possible que l’agente ait estimé que les demandeurs n’avaient pas de « raisons impérieuses » pour justifier cette exception compte tenu des principes établis par la jurisprudence ou après comparaison avec d’autres cas où l’exception s’appliquait ou ne s’appliquait pas. Contrairement à la décision Moya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 315, au paragraphe 142, 265 ACWS (3d) 453, où une telle analyse a été entreprise, on ne trouve dans les motifs de l’agente aucune analyse de la sorte, ce qui mène à une simple conclusion de manque de justification, de transparence et d’intelligibilité.

[73]  Supposer que l’agente a effectué ce type d’examen et d’analyse sans aucune indication à l’appui de cette hypothèse constitue un saut que je refuse de faire. Pour cette raison, la question de l’applicabilité de l’article 108(4) est renvoyée pour réexamen par l’agente.

VIII.  Conclusion

[74]  Une grande retenue s’impose à l’égard de l’agente selon la norme de la décision raisonnable d’autant plus qu’elle a mené une entrevue approfondie en personne d’une heure trente avec les demandeurs. L’agente a prévenu les demandeurs à plusieurs reprises avant l’entrevue et au cours de l’entrevue que des préoccupations subsistaient quant à l’important passage du temps, de même qu’en ce qui concerne le fait qu’ils n’aient pas un profil de risque conforme à la documentation actuelle sur la situation dans le pays.

[75]  En fin de compte, il incombe aux demandeurs de prouver le bien-fondé de leur demande selon la prépondérance des probabilités. Le travail de l’agente dans l’examen de la demande était d’examiner les arguments des demandeurs, leurs réponses aux questions posées, et la documentation objective sur la situation dans le pays, et de tirer une conclusion raisonnable à la suite de cet examen.

[76]  À mon avis, l’agente a examiné les éléments de preuve de façon juste et a donné des motifs qui permettent aux demandeurs et à la Cour de comprendre pourquoi elle est venue à la conclusion que l’on connaît en ce qui concerne le risque actuel de persécution et de torture. Le dossier étaye ces éléments de la décision, et les inscrit dans la gamme des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[77]  Le seul élément problématique de la décision est la conclusion déraisonnable voulant que le paragraphe 108(4) ne s’applique pas puisque cette conclusion manque de justification, de transparence et d’intelligibilité. Notre Cour ne peut importer une justification possible de la raison pour laquelle cette conclusion a été établie étant donné qu’il n’y a rien dans la décision et les motifs pour suggérer qu’une telle analyse a été entreprise.

[78]  Les parties n’ont proposé aucune question en vue de la certification et ces faits n’en soulèvent aucune.

[79]  La demande est accueillie pour les motifs énoncés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-313-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est accueillie et la question de savoir si l’exception prescrite au paragraphe 108(4) de la LIPR s’applique aux demandeurs est renvoyée pour réexamen par l’agente.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-313-17

 

INTITULÉ :

KARTHIK MARIO RAVICHANDRAN, VINODH MARINO RAVICHANDRAN, DIVIYA MARIZA RAVICHANDRAN
c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 août 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 août 2018

 

COMPARUTIONS :

Adrienne Smith

 

Pour les demandeurs

 

Margherita Braccio

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jordan Battista LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.