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Date : 20180718


Dossier : T-944-15

Référence : 2018 CF 754

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

TEVA CANADA LIMITÉE

demanderesse

et

JANSSEN INC. et MILLENNIUM PHARMACEUTICALS, INC.

défenderesses

ET ENTRE :

MILLENNIUM PHARMACEUTICALS, INC., JANSSEN INC., CILAG GMBH INTERNATIONAL, CILAG AG et
JANSSEN PHARMACEUTICA NV

demanderesses reconventionnelles

et

LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE REPRÉSENTÉS PAR LE DEPARTMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICES

Breveté ajouté en application
du paragraphe 55(3) de la Loi sur les brevets

et

TEVA CANADA LIMITÉE

défenderesse reconventionnelle

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS

(Jugement et motifs confidentiels rendus le 18 juillet 2018)

I. Aperçu  3

II. Contexte des technologies brevetées  5

III. Survol des brevets en cause  13

A. Le brevet 936  13

B. Le brevet 146  17

C. Le brevet 706  20

IV. Principes juridiques  23

A. Interprétation des revendications  23

B. Évidence  30

1) Brevets de sélection  34

2) Le succès commercial et les prix et autres récompenses  35

C. Contrefaçon  36

V. Témoins  37

A. Témoins des faits de Millennium  38

1) Dixie-Lee Esseltine  38

2) James Brodie  38

3) Julian Adams  39

4) Louis Plamondon  41

5) Ross Stein  41

6) Valentino Stella  42

7) John Bishop  43

B. Témoins experts de Millennium  44

1) M. Alexander Vinitsky  44

2) Roger Snow  45

3) Bradley Anderson  47

4) Anthony Barrett  49

C. Témoins experts de Teva  50

1) Raj Suryanarayanan  50

2) Sherwin Wilk  51

3) William Bachovchin  52

4) George Kabalka  53

VI. Discussion  54

A. Brevet 936 : évidence  55

1) Personne versée dans l’art  57

2) Connaissances générales courantes  57

a) La demande 904  58

3) Concept inventif  63

4) Différences entre l’antériorité et le concept inventif  64

5) Évidence  64

a) Ogive d’acide boronique  65

b) Dipeptide  66

c) Chaîne latérale de leucine à la fraction P1  67

d) Phénylalanine à la fraction P2  68

e) Groupe pyrazinecarbonyle comme groupe bloquant N-terminal  70

f) Conclusion concernant l’évidence  71

B. Brevet 146 : évidence  75

1) Personne versée dans l’art  78

2) Connaissances générales courantes  81

3) Concept inventif  84

4) Différences entre l’antériorité et le concept inventif  85

5) Évidence et essai allant de soi  86

a) Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?  87

b) Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?  89

c) L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?  93

d) Conclusion concernant l’évidence  94

C. Brevet 706 : Interprétation des revendications  96

1) Personne versée dans l’art  98

2) Le terme « à grande échelle »  98

3) Étape (aa)  100

4) Étape (bb)  103

5) Étape (cc)  104

6) Étape (dd)  105

7) Revendication 2  106

8) Revendication 3  106

9) Revendication 4  106

10) Revendication 5  107

D. Brevet 706 : Contrefaçon par le Teva-bortézomib  108

E. Brevet 706 : Contrefaçon par le Act-bortézomib  108

F. Brevet 706 : évidence  110

VII. Conclusion  110

JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-944-15  112

ANNEXE  113

I.  Aperçu

[1]  La présente action a été introduite à titre de demande par la demanderesse Teva Canada Limited (Teva) contre Janssen Inc. (Janssen) et Millennium Pharmaceuticals, Inc. (Millennium) en vue d’être indemnisée en application de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement) pour des pertes subies durant une période où Teva a été tenue à l’écart du marché pour sa version d’un médicament pour le traitement du cancer qui est commercialisé au Canada par Janssen sous le nom de Velcade. L’ingrédient pharmaceutique actif est le bortézomib. Le produit de Teva s’appelle Teva-bortézomib. En raison de la fusion récente de Teva avec Actavis Pharma Company (Actavis), il est également pertinent de considérer le produit d’Actavis appelé Act-bortézomib.

[2]  Janssen était titulaire de droits au Canada à l’égard des brevets canadiens 2 203 936 (le brevet 936) et 2 435 146 (le brevet 146). En 2012, elle a institué deux demandes en application du Règlement contre Teva sollicitant des ordonnances interdisant la délivrance d’un avis de conformité à Teva jusqu’à l’expiration des brevets 936 et 146, respectivement. Millennium a été désignée comme partie dans les demandes, en tant que titulaire du brevet 936 et en tant que titulaire de licence et sous-concédante de licence du brevet 146.

[3]  Les deux demandes ont été rejetées par les décisions du juge Robert L. Barnes ayant conclu que les revendications en litige des brevets 936 et 146 étaient invalides pour cause d’évidence. Il s’agit des décisions Janssen Inc. c Teva Canada Limited, 2015 CF 247 et Janssen Inc. c Teva Canada Limited, 2015 CF 184, respectivement. Teva a par la suite obtenu son avis de conformité et a institué la présente action.

[4]  Janssen et Millennium ont invoqué un certain nombre de moyens à l’appui de leur défense, y compris que Teva n’a pas droit à une indemnité parce que les ventes dont elle a été privée en raison du retard à émettre son avis de conformité auraient visé des produits qui violaient les brevets 936 et 146, ainsi que le brevet canadien no 2 738 706 (le brevet 706). En outre, Janssen et Millennium, ainsi que Cilag GmbH International, Cilag AG et Janssen Pharmaceutica NV, ont déposé une demande reconventionnelle contre Teva demandant diverses réparations (y compris des dommages-intérêts) pour la contrefaçon alléguée des brevets 936, 146 et 706 étant donné que Teva avait obtenu son avis de conformité.

[5]  Dans sa réponse à l’action principale et à la défense contre la demande reconventionnelle, Teva a nié la contrefaçon des brevets 936, 146 et 706 et a allégué, entre autres, que toutes les revendications en cause étaient invalides.

[6]  Les parties ont réussi à parvenir à une entente sur un certain nombre de questions, y compris sur le quantum des indemnités ou des dommages-intérêts qui peuvent être payables. Les parties ont indiqué que seules les questions suivantes demeurent en litige :

  1. En ce qui concerne le brevet 936,

  2. En ce qui concerne le brevet 146,

  3. En ce qui concerne le brevet 706,

    1. si les revendications 37 et 69 sont évidentes;
    1. quel est le concept inventif, et
    2. si les revendications invoquées sont évidentes;
    1. comment les revendications devaient être interprétées,
    2. si le Teva-bortézomib est une contrefaçon,
    3. si l’Act-bortézomib est une contrefaçon,
    4. si les revendications invoquées sont évidentes.

II.  Contexte des technologies brevetées

[7]  Comme il a été indiqué, la présente cause concerne trois brevets relatifs à un traitement pour certains cancers du sang (myélome multiple et lymphome à cellules du manteau) pour lesquels la molécule active est le bortézomib. Les cancers sont le résultat d’une reproduction non contrôlée (prolifération) de cellules mutées. Le bortézomib, comme beaucoup d’autres traitements contre le cancer, agit en limitant cette reproduction incontrôlée. Les paragraphes suivants fournissent une description générale du bortézomib et de la façon dont il fonctionne pour traiter le cancer.

[8]  Le bortézomib est un analogue de l’acide boronique d’un dipeptide. Un peptide est une chaîne d’acides aminés; un dipeptide comprend deux acides aminés. En comparaison, un tripeptide comprend trois acides aminés et un tétrapeptide en comprend quatre. Un acide aminé est composé d’un groupe aminé, d’un groupe carboxylique et d’une chaîne latérale, tous collés ensemble. C’est la chaîne latérale qui donne à chaque acide aminé son caractère distinctif. Il y a 20 acides aminés naturels, et encore plus d’acides aminés non naturels. Les acides aminés dans un peptide sont souvent identifiés séquentiellement comme étant P1, P2, P3 (s’ils sont présents), et ainsi de suite. L’acide aminé P1 comporte un groupe carboxylique libre et est connu sous le nom d’extrémité C-terminale. Le dernier acide aminé dans le peptide comporte un groupe aminé libre et est connu sous le nom d’extrémité N-terminale.

[9]  Il est connu pour remplacer le groupe carboxylique de l’acide aminé P1 avec autre chose. Ceci produit ce qu’on appelle un analogue d’acide aminé. Dans le cas du bortézomib, le groupe carboxylique est remplacé par un acide boronique.

[10]  Il n’y a pas de limite au nombre d’acides aminés qui peuvent être reliés dans un peptide. Les peptides plus longs sont connus sous le nom de protéines. Ceux-ci peuvent contenir des centaines et même des milliers d’acides aminés.

[11]  La reproduction des cellules, qu’il s’agisse de cellules cancéreuses ou de cellules normales, nécessite la rupture (ou le fractionnement) des protéines. Ceci se produit en utilisant des enzymes appelées protéases à titre de catalyseurs. Chaque protéase a un profil chimique différent qui l’amène à réagir chimiquement avec certaines positions sur certaines protéines pour atteindre le fractionnement. Le traitement du cancer qui est pertinent en l’espèce implique d’inhiber la fonction d’une protéase particulière appelée le protéasome.

[12]  Le protéasome est une protéase particulièrement complexe qui a été découverte seulement à la fin des années 1970, et dont la fonction reste quelque peu mystérieuse parce qu’elle ne se comporte pas uniformément comme l’une des catégories connues de protéases. Pendant un certain temps, le protéasome était connu sous le nom de protéase multicatalytique parce qu’il comporte plusieurs domaines d’activité différents.

[13]  Pendant de nombreuses années, le protéasome a été considéré comme une sérine protéase atypique basée en grande partie sur la connaissance que certaines (mais pas la totalité) des catégories de composés connues pour inhiber les protéases ayant un résidu d’acide aminé de sérine sur le site actif (sérine protéases) étaient également efficaces pour inhiber le protéasome. Cependant Seemüller et al., dans « Proteasome from Thermoplasma acidophilum: a threonine protease » (1995) 268:5210 Science 579-582 a révélé que le protéasome comporte un résidu d’acide aminé de thréonine sur le site actif, ce qui en fait une thréonine protéase.

[14]  L’un des défis de l’inhibition de la protéase en tant que traitement du cancer est de cibler les cellules cancéreuses avec un effet maximal tout en minimisant l’effet sur les cellules saines. Il n’y a aucune utilité de tuer les cellules cancéreuses chez un patient si les cellules saines du patient sont également touchées. La mesure de l’effet d’un inhibiteur de protéase est appelée puissance. La caractéristique d’une bonne puissance contre les cellules cibles tout en ayant un effet minime sur les cellules non cibles est appelée sélectivité ou spécificité.

[15]  La mise à l’essai de la puissance in vitro est décrite sous le nom de Ki (la constante inhibitrice). Ceci reporte l’affinité d’une molécule à l’enzyme devant être inhibée. Plus la valeur de Ki est basse, plus la puissance est élevée. Même lorsqu’on démontre qu’un composé est puissant in vitro, sa capacité à pénétrer une cellule cible afin d’atteindre la protéase qui y est inhibée n’est pas certaine. Cette capacité peut faire l’objet d’essais et le résultat est décrit sous le nom de IC50 (la moitié de la concentration inhibitrice maximale). Encore là, plus la valeur de IC50 est basse, plus la puissance est élevée. Enfin, même lorsqu’on démontre qu’un composé est puissant et capable de pénétrer une cellule, il doit être mis à l’essai in vivo

[16]  Le centre de la fonction d’un inhibiteur de protéase est son « ogive ». C’est l’endroit qui est destiné à se lier chimiquement avec la protéase cible et à entraver sa fonction de fractionnement de protéine. Une cellule incapable de fractionner les protéines ne peut pas effacer l’affluence de protéines indésirables. Cela peut conduire à la mort de la cellule. Un analogue du peptide anticancéreux comme le bortézomib a une ogive accompagnée d’une séquence particulière d’acides aminés choisis pour faciliter la liaison chimique de l’analogue avec la protéase cible.

[17]  Une dernière portion d’un analogue peptidique inhibiteur de la protéase est un groupe protecteur, également appelé groupe bloquant ou groupe de décalottage. Il est situé à l’extrémité N-terminale et sa fonction est d’empêcher le groupe d’acides aminés du dernier acide aminé dans la chaîne peptidique de réagir par inadvertance avec les composés environnants et ainsi de changer sa composition chimique.

[18]  J’examine maintenant la description de la molécule de bortézomib. Son nom chimique est acide N-(2-pyrazine) carbonyle-l-phénylalanine-l-leucine boronique, et il est illustré à la figure 1 ci-dessous.

Figure 1

[19]  La figure 2 ci-dessous met en évidence la fraction P1 et le fait que le groupe carboxyle de celui-ci est remplacé par un acide boronique, qui est identifié par deux groupes OH liés à un atome de bore (décrit comme un petit B dans la molécule). L’acide boronique est l’ogive.

Figure 2

[20]  La chaîne latérale de P1 est basée sur la leucine (parfois abrégée en Leu). Elle est illustrée comme étant l’étoile à trois bras attachée à la ligne pointillée. Par conséquent, la figure 2 met en évidence un analogue de l’acide aminé boroleucine.

[21]  La ligne pointillée montre la stéréochimie de l’analogue d’acide aminé. La plupart des acides aminés sont chiraux, ce qui signifie qu’ils peuvent exister sous l’une des deux formes qui contiennent les mêmes atomes, mais qui sont le miroir de l’autre (énantiomères). Ces deux formes sont parfois appelées les isomères D et L. Une ligne pointillée indique que la chaîne latérale est orientée vers l’intérieur de la page. D’autre part, un coin (comme l’illustre la figure 3 ci-dessous, par exemple) indique une chaîne latérale qui sort de la page.

[22]  L’explication ci-dessus de la figure 2 vise la partie « L-leucine acide boronique » du nom chimique du bortézomib.

[23]  L’acide aminé mis en évidence ci-dessous à la figure 3 se situe à la position P2. Il s’agit de l’énantiomère L de la phénylalanine (parfois abrégé en Phe).

Figure 3

[24]  Le reste de la molécule, qui est mis en évidence dans la figure 4 ci-dessous, est le pyrazinecarbonyle, agissant comme groupe protecteur N-terminal.

Figure 4

[25]  Cette partie surlignée vise la partie du nom chimique du bortézomib « l’acide N-(2-pyrazine)carbonyle ». Le chiffre « 2 » dans « 2-pyrazine » indique la position des atomes d’azote (décrit comme N dans la molécule) dans l’anneau pyrazine.

[26]  Il existe deux utilisations différentes, mais connexes pour un groupe protecteur N-terminal. Il peut être utilisé lors de la synthèse d’un peptide pour empêcher l’extrémité N-terminale de réagir de façon indésirable. Ce type de groupe protecteur est souvent sélectionné pour faciliter la suppression lors d’une étape subséquente de la synthèse des peptides lorsque quelque chose doit être ajouté à l’extrémité N-terminale. Le deuxième type de groupe protecteur N-terminal n’est pas destiné à être enlevé. Il est utilisé lorsque la synthèse est complète pour stabiliser le peptide et permettre la liaison à la protéase. Ce type est souvent appelé groupe de blocage. Dans la présente décision, les expressions « groupe protecteur » et « groupe bloquant » sont interchangeables.

[27]  Il y a cinq composantes caractéristiques de la molécule bortézomib qu’il importe de garder à l’esprit :

  1. Il s’agit d’un dipeptide;

  2. Il a une ogive d’acide boronique;

  3. La fraction P1 possède une chaîne latérale de leucine;

  4. La fraction P2 possède une phénylalanine;

  5. Il contient une fraction pyrazinecarbonyle comme groupe protecteur N-terminal.

[28]  Les tripeptides offrent généralement une plus grande puissance que les dipeptides, mais ils sont généralement plus difficiles à synthétiser, moins solubles et moins stables sur le métabolisme. Les tripeptides, étant des molécules plus grandes que les dipeptides, sont également plus enclins à éprouver de la difficulté à pénétrer dans une cellule cible afin d’atteindre le protéasome. Sans pénétration cellulaire, même le composé le plus puissant ne sera pas en mesure d’inhiber le protéasome in vivo. Les peptides sont synthétisés élément par élément. En conséquence, un tripeptide est fabriqué à partir d’un dipeptide.

III.  Survol des brevets en cause

[29]  Avant de se lancer dans une analyse des questions litigieuses, il serait utile de donner un aperçu de chacun des brevets en litige.

A.  Le brevet 936

[30]  Le brevet 936 est intitulé « Composés d’ester et d’acides boroniques, synthèse et utilisations ». Le brevet a été délivré à Millennium le 12 avril 2005, selon une demande déposée le 27 octobre 1995 et publiée le 9 mai 1996. Le brevet 936 revendique la priorité par rapport aux demandes de brevet américaines qui ont été déposées le 28 octobre 1994 et le 16 mai 1995, bien que Millennium n’invoque pas la première demande de priorité. Par conséquent, les parties conviennent que la date de revendication du brevet 936 (expliqué ci-dessous) est le 16 mai 1995. Le brevet 936 a expiré le 27 octobre 2015, soit le 20e anniversaire de sa date de dépôt.

[31]  Le brevet 936 nomme six inventeurs, dont trois ont témoigné au procès : Julian Adams, Ross Stein et Louis Plamondon.

[32]  Le brevet 936 a été élaboré au sein d’une petite entreprise de biotechnologie en démarrage connue sous le nom de MyoGenics. MyoGenics a ensuite été rebaptisée ProScript. En 1999, ProScript a été achetée par Leukocyte. Plus tard au cours de la même année, Leukocyte a été acquise par Millennium.

[33]  Ross Stein a été embauché par MyoGenics après sa fondation à la fin de 1993 comme son premier scientifique. Son but était de trouver des inhibiteurs du protéasome aux fins d’utilisation dans le traitement de l’amyotrophie associée au cancer. À son arrivée à MyoGenics, M. Stein était conscient de la disponibilité sur le marché d’analogues peptidiques avec une ogive d’aldéhyde comme inhibiteur du protéasome. Ces analogues peptidiques d’aldéhyde connus avaient une puissance par rapport au protéasome, mais n’étaient pas suffisamment sélectifs – ils avaient une trop grande puissance par rapport aux protéases non ciblées. Durant la semaine suivant son arrivée, M. Stein a décidé d’explorer d’autres ogives utilisant des dorsales connues pour les aldéhydes. Ces autres ogives incluaient des acides boroniques et diverses cétones. M. Plamondon a indiqué dans son témoignage que l’utilisation de dorsales connues comme point de départ est très fréquente en chimie de découverte.

[34]  Jusqu’à l’arrivée de Julian Adams vers mars 1994, MyoGenics n’avait pas l’expertise nécessaire pour synthétiser des analogues de peptides d’acide boronique. Même avec son arrivée, MyoGenics n’avait pas l’équipement nécessaire, et a été obligée d’aller à l’extérieur pour obtenir de tels analogues.

[35]  Bien que les résultats des essais impliquant des cétones aient été décevants, le premier essai avec une ogive d’acide boronique a donné une puissance 100 fois supérieure à la puissance de l’ogive correspondante d’aldéhyde, et avec une sélectivité très améliorée. Ce résultat était particulièrement encourageant, car le composé d’aldéhyde comparateur était l’un des meilleurs alors connus. Ce premier essai avec une ogive d’acide boronique a été fait avec un analogue du tripeptide. Cependant, la puissance était si bonne qu’il a été décidé qu’il y avait une puissance inutilisée et que les analogues d’acide boronique du dipeptide devaient être mis à l’essai. Les résultats de ces essais ont également été très encourageants.

[36]  Au cours des mois qui ont suivi, M. Adams et ses collègues (M. Plamondon s’est joint à l’équipe en octobre 1994) ont mené des essais in vitro sur de 150 à 200 composés. Environ 100 de ces essais sont signalés dans le brevet 936. Le tableau II dans ce brevet révèle des valeurs Ki contre le protéasome pour 93 composés de boronate (acides boroniques et esters), dont sept sont des esters et 86 sont des acides boroniques. Sur les 93 composés énumérés au tableau II, cinq sont des tripeptides et 88 sont des dipeptides. Tous sauf quatre des composés énumérés au tableau II avaient des chaînes latérales L-Leucine sur la fraction P1, comme le bortézomib. Les autres chaînes latérales mises à l’essai sur la fraction P1 étaient D-Leucine et L-Phénylalaline. Une variété d’acides aminés ont été mis à l’essai sur la fraction P2. Une variété de groupes bloquants N-terminaux ont également été mis à l’essai. Tous les composés énumérés dans le tableau II ont montré un certain niveau de puissance.

[37]  Les tableaux IV et V du brevet 936 fournissent des données sur la sélectivité de certains des composés mis à l’essai pour le protéasome par rapport à d’autres protéases. Ces autres protéases sont la cathepsine B au tableau IV, et l’élastase de leucocytes humains, la cathepsine G et la chymotrypsine pancréatique humaine au tableau V. Tous les composés de boronate énumérés, soit cinq au tableau IV et cinq au tableau V, ont montré une sélectivité.

[38]  Le tableau VI du brevet 936 présente les résultats des essais d’inhibition du protéasome à l’intérieur des cellules cibles (IC50) par certains des composés énumérés au tableau II. Des 47 composés énumérés au tableau VI, l’un est un ester et 46 sont des acides boroniques. En outre, quatre sont des tripeptides et 43 sont des dipeptides. Tous les composés énumérés dans le tableau VI ont montré un certain niveau de puissance en ce qui a trait aux cellules.

[39]  Enfin, le tableau VII présente les résultats des tests in vivo, chez les souris. Trois composés ont été mis à l’essai de cette façon, tous des acides boroniques du dipeptide. Tous ont montré une inhibition.

[40]  Le brevet 936 reconnaît que les esters et acides peptidyl-boroniques étaient connus, et s’étaient avérés être des inhibiteurs de certaines enzymes protéolytiques (protéases) et inhiber la croissance des cellules cancéreuses. Dans ce contexte, le brevet 936 cite les références d’antériorité suivantes : (i) le brevet américain n° 4 499 082 (le brevet 082), (ii) le brevet américain n° 4 537 773, (iii) la publication de la demande PCT n° WO 91/13904 (la demande 904), (iv) Kettner et al., « Inhibition of the Serine Proteases Leukocyte Elastase, Pancreatic Elastase, Cathepsin G, and Chymotrypsin by Peptide Boronic Acids » (1984) 259:24 J Biol Chem 15106-15114, et (v) le brevet américain n° 5 106 948 (le brevet 948).

[41]  Bien que le brevet 936 décrive un large éventail de composés d’ester et d’acide boroniques, dont beaucoup sont visés par certaines de leurs revendications, les seules revendications en cause sont les revendications 37 et 69. La revendication 69 se limite au bortézomib. La revendication 37 englobe le bortézomib et cinq autres composés d’acide boronique du dipeptide, tous ayant une chaîne latérale de leucine à la fraction P1.

[42]  En règle générale, le brevet 936 peut également être considéré comme le « brevet visant le composé ».

B.  Le brevet 146

[43]  Le brevet 146 est intitulé « Formulation de composés d’acide boronique ». Le brevet a été délivré aux États-Unis d’Amérique (à titre de cessionnaire) le 29 mars 2011, en fonction d’une demande déposée le 25 janvier 2002 et publiée le 1er août 2002. Millennium est titulaire d’une licence à l’égard du brevet 146. Le brevet 146 revendique la priorité par rapport à une demande provisoire américaine qui a été déposée le 25 janvier 2001. Il s’agit par conséquent de la date de la revendication du brevet 146. Le brevet 146 arrive à échéance le 25 janvier 2022, soit le 20e anniversaire de sa date de dépôt.

[44]  Le brevet 146 nomme un seul inventeur, Shanker Gupta. Toutefois, deux co-inventeurs ont été ajoutés en 2013 par ordonnance de notre Cour : Valentino J. Stella et Wanda Waugh [Janssen Inc. c Teva Canada Limited (22 mai 2013), Ottawa, T-2195-12 (CF)]. M. Stella a témoigné lors du procès devant moi.

[45]  En ce qui concerne plusieurs références d’antériorité, y compris le brevet américain n° 5 780 454 (le brevet 454) qui correspond au brevet 936, le brevet 146 note que l’ester boronique du peptide et ses composés acides sont utiles comme inhibiteurs du protéasome. Toutefois, le brevet 146 note également que certains composés d’acide boronique sont instables dans certaines conditions, compliquant ainsi la caractérisation de leurs agents pharmaceutiques et limitant leur durée de conservation. Le brevet 146 reconnaît donc le besoin d’améliorer les formulations des composés d’acide boronique.

[46]  M. Stella a déclaré dans son témoignage qu’au début de 1997, il a reçu de M. Gupta le mandat d’étudier le bortézomib et de créer une formulation stable en vue de son administration. On lui a donné la structure de la molécule de bortézomib en février 1997 et il a reçu le composé lui-même en mars 1997. En plus de l’instabilité connue du bortézomib, M. Stella a appris rapidement qu’il est difficile à dissoudre. Après avoir déterminé que la solubilité du bortézomib était bien loin d’atteindre l’objectif en cause, M. Stella a mis à l’essai diverses techniques pour tenter d’améliorer les résultats. Aucun de ces efforts n’a réussi à améliorer la solubilité sans engendrer d’autres problèmes.

[47]  Pour des raisons qui n’étaient pas claires, M. Stella n’a pas pu faire effectuer de recherche documentaire sur le bortézomib au début de ses recherches. Ce n’est qu’en août 1997 qu’une recherche documentaire a été effectuée. Il est également notable que cette recherche initiale n’ait pas permis d’établir le brevet 936, même s’il avait déjà été publié à ce moment-là. Par conséquent, M. Stella et son équipe n’étaient pas au courant, au cours de leur travail de formulation, de l’une des antériorités citées dans le brevet 146. M. Stella et son équipe ignoraient aussi que le bortézomib a tendance à former des boroxines, des composés qui comprennent trois molécules de bortézomib.

[48]  Dès les premières étapes de son travail (en juillet 1997), M. Stella a pensé à recourir à la lyophilisation (déshydratation par congélation) qui était connue comme permettant de résoudre en général les questions d’instabilité. M. Gupta s’est opposé à cette approche. M. Stella n’avait pas suffisamment d’approvisionnement en bortézomib pour tester la lyophilisation en même temps que les autres avenues qui avaient obtenu l’aval de M. Gupta. Ce n’est qu’en octobre 1997, après que de nombreux autres efforts se furent révélés infructueux, que M. Gupta a accepté avec réticence les essais impliquant la lyophilisation.

[49]  Dans le cadre de leur étude du bortézomib, M. Stella et son équipe ont mené une étude détaillée de ses voies de dégradation. Cette étude a été publiée sous le titre Wu, Waugh & Stella, « Deagradation Pathways of a Peptide Boronic Acid Derivative, 2-pyz-(CO)-Phe-Leu-B (OH)2 » (2000) 89:6 J Pharm Sci, à la page 798-765 (étude Wu 2000). L’étude Wu 2000 a révélé que le bortézomib présentait un comportement erratique en matière de stabilité. L’étude Wu 2000 a affirmé que la dégradation du bortézomib est assez compliquée, mais a conclu que la principale voie de dégradation est de nature oxydante. L’étude Wu 2000 a été publiée assez tôt pour être considérée comme une antériorité par rapport au brevet 146.

[50]  La solution offerte par le brevet 146 consiste en des esters d’acide boronique. Les revendications du brevet 146 définissent les composés d’ester des acides boroniques du dipeptide, du tripeptide et du tétrapeptide (revendications 1 à 15, 54 et 56), les composés d’esters lyophilisés (revendications 16 à 32, 55 et 57), les méthodes de préparation de ces composés lyophilisés (revendications 33 à 53 et 58), les méthodes de reconstitution de ces composés lyophilisés (revendications 59 à 80), et les compositions et les gâteaux lyophilisés comprenant les composés revendiqués (revendications 81 à 84).

[51]  Les revendications en litige sont les revendications 30, 45, 46 et 81 à 84. La revendication 30 est simplement un ester de mannitol lyophilisé du bortézomib. Les revendications 45 et 46 portent toutes deux sur une méthode de préparation de l’ester de mannitol lyophilisé du bortézomib, tel qu’il est défini dans la revendication 33. La revendication 81 est une composition comprenant (i) l’un des composés, lyophilisés ou non, définis dans les revendications 1 à 32 et 54 à 57 et (ii) un transporteur pharmaceutiquement acceptable. La revendication 82 est une composition comprenant (i) un composé lyophilisé préparé selon la méthode décrite aux revendications 33 à 53 et (ii) un transporteur pharmaceutiquement acceptable. La revendication 83 est un gâteau lyophilisé comprenant l’un des composés définis dans les revendications 1 à 32 et 54 à 57. La revendication 84 est une composition comprenant le composé de la formule (1) préparé selon la méthode utilisée pour les revendications 33 à 53.

[52]  Bien que toutes les revendications en cause concernent des composés lyophilisés, un grand nombre des composés envisagés dans d’autres revendications du brevet 146 ne sont pas définis comme étant lyophilisés.

[53]  Tout comme le brevet 936 peut être considéré comme le « brevet visant le composé », le brevet 146 peut être considéré comme le « brevet visant la formulation ».

C.  Le brevet 706

[54]  Le brevet 706 est intitulé « Synthèse des composés d’acide et d’ester boronique ». Le brevet 706 a été délivré à Millennium le 14 octobre 2014, selon une demande qui est réputée avoir été déposée le 24 mars 2005 et publiée le 20 octobre 2005. Le brevet 706 est une demande complémentaire de la demande de brevet canadien no 2 560 886. Le brevet 706 revendique la priorité par rapport à une demande américaine qui a été déposée le 30 mars 2004. Il s’agit par conséquent de la date de la revendication du brevet 706. Le brevet 706 arrive à échéance le 24 mars 2025, soit le 20e anniversaire de sa date de dépôt présumée.

[55]  Le brevet 706 nomme sept inventeurs. L’un d’entre eux, John Bishop, a témoigné au procès.

[56]  Le brevet 706 concerne la synthèse de composés d’acide et d’ester boroniques à grande échelle. Pour ce qui est du brevet 146, le brevet 706 renvoie à plusieurs références d’antériorité, y compris au brevet 454 (qui correspond au brevet 936) qui indique que l’ester boronique du peptide et ses composés acides sont utiles comme inhibiteurs du protéasome. Le brevet 706 note également une antériorité qui reconnaît le bortézomib comme étant cet inhibiteur du protéasome de l’acide boronique du peptide qui a révélé une activité antitumorale importante. Le brevet 706 indique que les méthodes connues de synthèse des composés d’ester et d’acide boroniques étaient difficiles à réaliser avec succès à l’échelle industrielle.

[57]  M. Bishop a témoigné qu’il a été embauché par Millennium en juillet 2000 pour diriger le développement de processus pour Velcade. Étant donné que les essais pour la phase I révélaient des résultats remarquablement bons, des pressions ont été exercées pour accélérer le développement d’un processus en vue de la fabrication à grande échelle de Velcade. Millennium voulait faire en 18 à 24 mois ce qui prend habituellement de quatre à huit ans. Parallèlement, Millennium avait besoin de produits pour poursuivre les essais cliniques. Millennium a affecté des ressources importantes au groupe de M. Bishop afin d’atteindre ces objectifs.

[58]  Un des premiers défis que devaient relever M. Bishop et son équipe concernait le fait que le bortézomib est très puissant et donc très toxique quant à la quantité produite. Des installations de fabrication particulières ont été nécessaires pour faire face aux dangers associés à la production du bortézomib à grande échelle. Cependant, la synthèse du peptide est spécialisée. Seul un nombre limité de fabricants ont été en mesure de respecter des objectifs rigoureux en matière de pureté des produits. Les fabricants de peptides habituels vers qui Millennium aurait pu se tourner n’avaient pas les installations de fabrication particulières requises pour manipuler le bortézomib en grandes quantités.

[59]  M. Bishop a résolu ce premier obstacle en divisant le travail. Il a retenu les services de Ash Stevens (qui avait fabriqué les premiers lots aux fins d’essais cliniques) pour produire plus de lots à court terme pour la poursuite des essais cliniques. Parallèlement, il a travaillé auprès de Boehringer Ingelheim (BI) pour développer un processus de production à grande échelle.

[60]  Les principaux objectifs des travaux de développement du processus de production étaient de réaliser un processus fiable et commerciable à grande échelle qui offrirait une pureté supérieure à 99 %.

[61]  Le brevet 706 décrit et revendique un processus en quatre étapes en vue de la fabrication à grande échelle du bortézomib ou d’un anhydride d’acide boronique de celui-ci, dans le cadre duquel chaque étape comporte plusieurs sous-étapes. Ces étapes et sous-étapes sont examinées plus en détail dans l’analyse ci-dessous de l’interprétation des revendications pour le brevet 706. Le brevet 706 comprend cinq revendications, parmi lesquelles la revendication 1 est la seule qui est indépendante. Les cinq revendications sont en cause.

[62]  Le brevet 706 peut également être considéré comme le « brevet visant le processus ».

IV.  Principes juridiques

A.  Interprétation des revendications

[63]  L’interprétation des revendications précède l’examen des questions de validité et de contrefaçon : arrêt Whirlpool Corp c Camco Inc., 2000 CSC 67, au paragraphe 43 [Whirlpool]. La même interprétation des revendications s’applique à toutes les questions, y compris les questions de contrefaçon et de validité : arrêt Whirlpool, à l’alinéa 49b).

[64]  Un brevet ne s’adresse pas au citoyen ordinaire, mais au travailleur versé dans l’art décrit comme :

[traduction] un être fictif ayant des compétences et des connaissances usuelles dans l’art dont relève l’invention et un esprit désireux de comprendre une description qui lui est adressée. Cette notion de la personne fictive a parfois été assimilée à celle de l’« homme raisonnable » retenue en matière de négligence. On suppose que cette personne va tenter de réussir, et non rechercher les difficultés ou viser l’échec.

(Voir l’arrêt Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, au paragraphe 44 [Free WorldTrust], citant Harold G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd., (Toronto : Carswell, 1969), à la p. 184. [Fox].)

[65]  La personne versée dans l’art à qui s’adresse le brevet est censée être dépourvue d’imagination et d’esprit inventif, posséder néanmoins un degré moyen de compétence et de connaissances accessoires au domaine dont relève le brevet et faire preuve d’une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès dans ce domaine : AstraZeneca Canada Inc. c Apotex inc., 2014 CF 638, au paragraphe 51, conf. par 2015 CAF 158, inf. pour d’autres motifs, 2017 CSC 36.

[66]  La personne versée dans l’art peut également désigner plusieurs individus : décision Pfizer Canada Inc c Pharmascience Inc., 2013 CF 120, au paragraphe 28; décision General Tire & Rubber Company c Firestone Tyre and Rubber Company Limited, [1972] RPC 457, à la page 482 (C.A. du Royaume-Uni).

[67]  Comme il est indiqué dans l’arrêt Catnic Components Ltd v Hill & Smith Ltd, [1982] RPC 183, aux pages 242 et 243 (Ch. des Lords du Royaume-Uni) [Catnic], et cité dans l’arrêt Whirlpool, au paragraphe 44 :

Le mémoire descriptif d’un brevet doit recevoir une interprétation téléologique plutôt qu’une interprétation littérale résultant du genre d’analyse terminologique méticuleuse que les avocats sont trop souvent tentés de faire en raison de leur formation. La question qui se pose dans chaque cas est la suivante : les personnes ayant une connaissance et une expérience pratiques du genre de travail auquel l’invention est destinée à servir comprendraient‑elles que le breveté voulait que l’interprétation stricte d’une expression ou d’un mot descriptifs particuliers figurant dans une revendication constitue une condition essentielle de l’invention, de manière à ce que toute variante soit exclue du monopole revendiqué même s’il se peut qu’elle n’ait aucun effet important sur la façon dont l’invention fonctionne.

[En italique dans l’original.]

[68]  Pour interpréter une revendication de façon téléologique, il est important de garder à l’esprit la primauté de la teneur des revendications : voir l’arrêt Free World Trust, paragraphe 40.

[69]  Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas. Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés :

(i) en fonction des connaissances usuelles d’un travailleur versé dans l’art dont relève l’invention;

(ii) à la date à laquelle le brevet est publié;

(iii) selon qu’il était ou non manifeste, pour un lecteur averti, au moment où le brevet a été publié, que l’emploi d’une variante d’un composant donné ne modifierait pas le fonctionnement de l’invention, ou

(iv) conformément à l’intention de l’inventeur, expresse ou inférée des revendications, qu’un composant en particulier soit essentiel, peu importe son effet en pratique;

(v) mais indépendamment de toute preuve extrinsèque de l’intention de l’inventeur.

[Souligné dans l’original]

[Voir Free World Trust, au paragraphe 31.]

[70]  Comme les éléments d’une revendication sont censés être essentiels, il incombe à la partie qui prétend le contraire d’en établir le caractère non essentiel. La Cour suprême du Canada (CSC) dans l’arrêt Free World Trust, au paragraphe 55 a déclaré :

[...] Pour qu’un élément soit jugé non essentiel et, partant, remplaçable, il faut établir que (i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l’inventeur n’a manifestement pas voulu qu’il soit essentiel, ou que (ii), à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l’art aurait constaté qu’un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l’invention, c.‑à‑d. que, si le travailleur versé dans l’art avait alors été informé de l’élément décrit dans la revendication et de la variante et [traduction] « qu’on lui avait demandé de déterminer si la variante pouvait manifestement fonctionner de la même manière », sa réponse aurait été affirmative : Improver Corp. c Remington, ([1990] F.S.R. 181), à la page 192. Dans ce contexte, je crois qu’il faut entendre par « fonctionner de la même manière » que la variante (ou le composant) accomplirait essentiellement la même fonction, d’une manière essentiellement identique pour obtenir essentiellement le même résultat. Dans Improver Corp. c Remington, le juge Hoffmann a tenté de ramener l’essentiel de l’analyse proposée dans l’arrêt Catnic à une série de questions concises, à la p. 182 :

[traduction]

(i) La variante influence-t-elle de façon appréciable le fonctionnement de l’invention? Dans l’affirmative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication. Dans la négative :

(ii) Le fait que la variante n’influence pas de façon appréciable le fonctionnement de l’invention aurait-il été évident, à la date de la publication du brevet, pour un expert du domaine? Dans la négative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication. Dans l’affirmative :

(iii) L’expert du domaine conclurait-il malgré tout, à la lecture de la teneur de la revendication, que le breveté considérait qu’une stricte adhésion au sens premier constituait une condition essentielle de l’invention? Dans l’affirmative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication.

[Souligné dans l’original]

[71]  Les questions précédentes sont parfois appelées les questions de la décision Improver. Il est entendu qu’une partie qui cherche à établir qu’un élément de revendication n’est pas essentiel (à savoir que la variante tombe sous le coup de la revendication) doit répondre correctement aux trois questions. Même si la propre formulation de la CSC des deux questions au début du passage cité au paragraphe précédent semble être disjonctive, il semble évident que les deux questions doivent être tranchées en faveur du breveté : Shire Canada Inc. c Apotex Inc., 2016 CF 382, aux paragraphes 137 et 138.

[72]  Lors de l’interprétation des revendications d’un brevet, le recours à la partie divulgation du mémoire descriptif : i) est permis pour éclairer le sens des termes employés dans les revendications; ii) n’est pas nécessaire lorsque le libellé est clair et sans ambiguïté; iii) est abusif si l’on cherche par ce moyen à modifier la portée ou l’étendue des revendications : arrêt Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 119, au paragraphe 39 [Mylan]; Procter & Gamble Co c Beecham Canada (1982), 61 CPR (2d) 1, à la page 11, [1982] FCJ no 10 (QL) (CAF).

[73]  Les mots utilisés dans les revendications doivent être interprétés dans le contexte du brevet dans son ensemble, de sorte qu’il est risqué, dans bien des cas, de conclure que le sens d’un mot est clair et net sans avoir examiné attentivement le mémoire descriptif : arrêt Whirlpool, au paragraphe 52, citant W. L. Hayburst « The Art of Claiming and Reading a Claim », tiré de G.F. Henderson, dir., Patent Law of Canada (Toronto : Carswell, 1994), à la page 190.

[74]  Étant donné qu’il y a un risque de tension entre les conseils fournis dans les deux paragraphes précédents, je reproduis ici la discussion du juge Russell Zinn dans la décision Janssen‑Ortho Inc. c Canada (Santé), 2010 CF 42, aux paragraphes 115, 116 et 119, sur ce point, sur lequel je suis d’accord :

[115] À mon avis, l’ensemble du mémoire descriptif (y compris la divulgation et les revendications) peut être examiné afin de déterminer la nature de l’invention. Lorsque le libellé des revendications est clair et sans équivoque et qu’il ne peut être interprété que d’une seule façon par une personne versée dans l’art, il est inutile de recourir à la divulgation. Cela ne signifie pas que la personne qui interprète les revendications ne devrait pas consulter la divulgation. À mon avis, elle devrait le faire, mais avec prudence. La divulgation pourrait être utilisée pour confirmer l’interprétation à laquelle elle arrive à la suite de l’examen des revendications ou pour révéler une ambiguïté dans le libellé des revendications qui ne serait pas évidente autrement. Le breveté ne peut cependant pas étendre le monopole ressortant explicitement des revendications en empruntant des expressions à la divulgation et en les ajoutant au libellé des revendications.

[116] Je suis d’accord avec Novopharm : si on regarde au-delà du libellé des revendications, il faut d’abord consulter les revendications dépendantes afin pour interpréter les revendications indépendantes, avant de recourir à la divulgation.

[…]

[119] Je ne pense pas que la Cour suprême du Canada ait dit que, dans tous les cas, la divulgation doit être examinée avant que l’on procède à l’interprétation des revendications du brevet. J’estime plutôt qu’elle a indiqué, dans Whirlpool et Free World Trust, qu’il ne faut pas tirer une conclusion définitive concernant le sens des termes employés dans les revendications sans avoir d’abord vérifié le bien‑fondé de l’interprétation initiale à l’aide de la divulgation. Il convient alors de recourir au sens attribué aux termes dans la divulgation si celle-ci semble suggérer une autre interprétation des termes contenus dans les revendications, à la condition cependant que l’invention qui est protégée soit bien ce qui est décrit dans les revendications et que la divulgation n’y ajoute rien. Comme le juge Taschereau l’a dit dans Metalliflex Ltd. c Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft, [1961] R.C.S. 117, à la page 122 :

[traduction] On doit naturellement interpréter les revendications en se reportant à l’ensemble du mémoire descriptif, qui peut donc être consulté pour faciliter la compréhension et l’interprétation d’une revendication, mais on ne peut pas permettre que le breveté élargisse la portée de son monopole décrit expressément dans les revendications « en empruntant tel ou tel élément à d’autres parties du mémoire descriptif ».

[C’est le juge Zinn qui souligne.]

[75]  Tel qu’énoncé dans l’arrêt Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd, [1981] 1 RCS 504, à la page 520 :

Il faut considérer l’ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l’invention et son mode de fonctionnement (Noranda Mines Limited c Minerals Separation North American Corporation), [1950] R.C.S. 36), sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public. Ce n’est pas le moment d’être trop rusé ou formaliste en matière d’oppositions soit au titre ou au mémoire descriptif puisque, comme le dit le juge en chef Duff, au nom de la Cour, dans l’arrêt Western Electric Company, Incorporated, et Northern Electric Company c Baldwin International Radio of Canada [[1934] R.C.S. 570], à la p. 574 : [traduction] « quand le texte du mémoire descriptif, interprété de façon raisonnable, peut se lire de façon à accorder à l’inventeur l’exclusivité de ce qu’il a inventé de bonne foi, la Cour, en règle générale, cherche à mettre cette interprétation à effet ». Sir George Jessel a dit à peu près la même chose il y a beaucoup plus longtemps dans l’arrêt Hinks & Son c Safety Lighting Company [(1876), 4 Ch. D. 607]. Il a dit que l’on devait aborder le brevet « avec le souci judiciaire de confirmer une invention vraiment utile ».

[76]  Si le breveté a mis dans le mémoire descriptif un élément qui prévient clairement le lecteur que, pour les besoins du mémoire descriptif, il emploie un mot particulier ou une expression particulière en leur donnant le sens indiqué, le lecteur sait alors que lorsqu’il arrivera aux revendications, il devra donner au mot ou à l’expression le sens indiqué : Lundbeck Canada Inc. c Ratiopharm Inc., 2009 CF 1102, au paragraphe 46, citant Minerals Separation North American Corp. v. Noranda Mines Ltd., [1952] 15 CPR 133, 69 RPC 81, [1952], J.C.J. no 2 (QL) (C.P. du Royaume-Uni), au paragraphe 17. Le mémoire descriptif est le lexique de l’inventeur : SNF Inc. c Ciba Specialty Chemicals Water Treatments Limited, 2015 CF 997, au paragraphe 129, conf. par 2017 CAF 225.

[77]  Les mots choisis par l’inventeur seront interprétés selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objet, exprès ou tacite, des revendications. Cependant, l’inventeur qui s’exprime mal ou qui crée par ailleurs une restriction inutile ou complexe ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Le public doit pouvoir s’en remettre aux termes employés à condition qu’ils soient interprétés de manière équitable et éclairée : Free World Trust, au paragraphe 51.

B.  Évidence

[78]  Une fois qu’il a été délivré, un brevet jouit d’une présomption réfutable de validité : paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4. Par conséquent, la charge de la preuve des allégations d’évidence revient à Teva.

[79]  La question de l’évidence commence par l’examen de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets :

Objet non évident

Invention must not be obvious

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

(a) information disclosed more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.

[80]  Conformément à l’alinéa 28.3(b), une revendication sera invalide si, en fonction de toute communication devenue accessible au public avant la date de la revendication, son objet aurait été évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet.

[81]  Il est établi depuis longtemps que le seuil de l’inventivité (absence d’évidence) est bas. Comme l’a noté l’arrêt Beloit Canada Ltée/Ltd c Valmet Oy (1986), 8 CPR (3d) 289, [1986] ACF no 87 (QL) aux pages 294-295 (CAF) :

Pour établir si une invention est évidente, il ne s’agit pas de se demander ce que les inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l’évidence de l’invention est le technicien versé dans son art, mais qui ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit. Il s’agit de se demander si, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur Tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C’est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

[...]

Une fois qu’elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l’infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « j’aurais pu faire cela »; avant d’accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l’avez-vous pas fait? ».

[82]  L’évidence a fait l’objet d’un examen par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi]. Au paragraphe 67, la Cour a emprunté la démarche suivante pour évaluer l’évidence dans l’arrêt Pozzoli SPA c BDMO SA, [2007] FSR 37 (page 872), [2007] EWCA Civ 588, (C.A. du Royaume-Uni), au paragraphe 23 :

1)  a)  Identifier la « personne versée dans l’art ».

b)  Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

2)  Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

3)  Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

4)  Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelconque inventivité?

[83]  La CSC a ensuite mentionné que la quatrième étape de cette méthode peut soulever la question de savoir si l’invention était un « essai allant de soi ». La Cour a indiqué que le recours à la notion d’« essai allant de soi » pourrait être indiqué dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, dans les cas où il peut y avoir de nombreuses variables interreliées avec lesquelles il est possible d’expérimenter. Les parties conviennent à cet égard que le critère de l’« essai allant de soi » trouve à s’appliquer en l’espèce. Toutefois, pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas » : Sanofi, au paragraphe 66.

[84]  Au paragraphe 69 de son arrêt, la CSC a donné la liste suivante, qui n’est pas exhaustive, de facteurs applicables dans l’appréciation du critère de l’essai allant de soi :

1.  Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

2.  Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

3.  L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[85]  La CSC a également renvoyé aux mesures concrètes ayant mené à l’invention comme pouvant constituer un autre facteur important. Cependant, cela peut être considéré comme faisant partie du second facteur indiqué au paragraphe précédent.

[86]  Le critère servant à déterminer l’évidence ne doit pas être appliqué à chacun des éléments pris isolément, mais plutôt à la combinaison des éléments comme ensemble : (Procter & Gamble Pharmaceuticals Canada Inc. c Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 204, au paragraphe 95, conf. par 2004 CAF 393, autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée.

1)  Brevets de sélection

[87]  Pour des raisons qui font l’objet d’une discussion plus tard dans l’analyse du brevet 936, il est nécessaire d’examiner la loi relative aux brevets de sélection.

[88]  La CSC a formulé les commentaires suivants sur les brevets de sélection dans Sanofi, au paragraphe 9 :

La description classique du brevet de sélection figure dans l’arrêt In re I. G. Farbenindustrie A. G.’s Patents (1930), 47 R.P.C. 289 (Ch. D.), où le juge Maugham explique à la p. 321 que les brevets portant sur des produits chimiques (dont bien sûr les composés pharmaceutiques) se divisent souvent en deux [traduction] « catégories nettement distinctes ». La première, celle des brevets d’origine, formée des brevets protégeant une invention source, à savoir la découverte d’une nouvelle réaction ou d’un nouveau composé. La seconde catégorie, celle des brevets visant une sélection des composés décrits en termes généraux et revendiqués dans le brevet d’origine. Le juge Maugham précise que les composés sélectionnés ne doivent pas avoir été réalisés auparavant, sinon le brevet de sélection [traduction] « ne satisfait pas à l’exigence de nouveauté ». Cependant, le composé sélectionné qui est « nouveau » et qui « possède une propriété particulière imprévue » remplit l’exigence de l’étape inventive (p. 321). Le juge Maugham ajoute à la p. 322 que le brevet de sélection [traduction] « ne diffère pas en soi de tout autre brevet ».

[89]  Dans Sanofi, au paragraphe 10, la CSC a fourni la liste non exhaustive suivante des conditions déterminant la validité d’un brevet de sélection :

1.  L’utilisation des éléments sélectionnés permet d’obtenir un avantage important ou d’éviter un inconvénient important.

2.  Tous les éléments sélectionnés (« à quelques exceptions près ») présentent cet avantage.

3.  La sélection vise une qualité particulière propre aux composés en cause. Une recherche plus poussée révélant qu’un petit nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage ne permettrait pas d’invalider le brevet de sélection. Toutefois, si la recherche démontrait qu’un grand nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage, la qualité du composé revendiqué dans le brevet de sélection ne serait pas particulière.

[90]  Une sélection invalide n’est pas un motif en soi d’invalidité. Les conditions de validité d’un brevet de ce type visent plutôt à le caractériser et, par conséquent, à guider l’analyse de l’évidence : Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Limited, 2010 CAF 197, au paragraphe 27.

2)  Le succès commercial et les prix et autres récompenses

[91]  Le succès commercial et les prix et autres récompenses sont des facteurs secondaires qui peuvent se révéler pertinents à l’évaluation de l’évidence : Novopharm Limited c Janssen-Ortho Inc., 2007 CAF 217, au paragraphe 25. Toutefois, ces facteurs ne sont pas concluants. Le succès commercial ne peut pas venir à la rescousse d’une invention qui est évidente : Domtar Ltd c MacMillan Bloedel Packaging Ltd (1978), 41 CPR (2d) 182, [1978] ACF no 906 (QL) (CAF). Le succès commercial est pertinent seulement dans les cas limites : Rothmans, Benson & Hedges Inc. c Imperial Tobacco Ltd (1993), 47 CPR (3d) 188, [1993] A.C.F. no 135 (QL) (CAF), citant Harold Fox.

[92]  Il doit y avoir un lien de causalité entre l’invention alléguée et le succès commercial : D.H. MacOdrum, Fox on the Canadian Law of Patents, 5e éd. (Toronto, Ont. : Thomson Reuters Canada, 2013), c 4:18 au numéro 4-158,1; Corning Glass Works c Canada Wire & Cable Ltd (1984), 81 CPR (2d) 39, [1984] ACF no 353 (QL) (CAF); Pollard Banknote Limited c BABN Technologies Corp, 2016 CF 883, au paragraphe 224. Il se peut que le succès commercial soit dû à d’autres facteurs. On peut en dire autant des prix et autres récompenses.

[93]  En l’espèce, il y a une complexité supplémentaire en raison de l’implication de trois brevets différents. Il ne fait guère de doute que le médicament Velcade de Millennium a connu un énorme succès commercial tant au Canada que partout dans le monde. La preuve révèle également que de nombreux prix et récompenses sont associés au succès de Velcade. Mais il semble également qu’un tel succès reposait sur l’invention des trois brevets en cause. Un seul de ces brevets n’aurait pu donner lieu à ce succès commercial. Millennium fait valoir sur cette question le fait que chaque flacon du médicament Velcade contient la configuration des trois brevets.

[94]  Les parties n’ont cité aucune jurisprudence dans laquelle une série de brevets était nécessaire au succès commercial. À mon avis, je dois considérer la question du succès commercial séparément pour chaque brevet, tout comme je dois considérer séparément la question plus large de l’évidence pour chaque brevet.

C.  Contrefaçon

[95]  La contrefaçon n’est pas définie dans la Loi sur les brevets. Les droits exclusifs associés à un brevet sont énoncés à l’article 42 de la Loi sur les brevets :

Octroi des brevets

Grant of Patents

Contenu du brevet

Contents of patent

42 Tout brevet accordé en vertu de la présente loi contient le titre ou le nom de l’invention avec renvoi au mémoire descriptif et accorde, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, au breveté et à ses représentants légaux, pour la durée du brevet à compter de la date où il a été accordé, le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention, sauf jugement en l’espèce par un tribunal compétent.

[Je souligne.]

42 Every patent granted under this Act shall contain the title or name of the invention, with a reference to the specification, and shall, subject to this Act, grant to the patentee and the patentee’s legal representatives for the term of the patent, from the granting of the patent, the exclusive right, privilege and liberty of making, constructing and using the invention and selling it to others to be used, subject to adjudication in respect thereof before any court of competent jurisdiction.

[Emphasis added.]

[96]  Une fois que les revendications d’un brevet ont été correctement interprétées en déterminant les éléments essentiels de celui-ci, la question de savoir si un produit contrefait le brevet ne vise qu’à déterminer si tous les éléments essentiels des revendications en cause sont présents. Il n’y a pas de contrefaçon lorsqu’un élément essentiel est différent ou omis. Il peut toutefois y avoir contrefaçon lorsque des éléments non essentiels sont substitués ou omis : Free World Trust, au paragraphe 31.

V.  Témoins

[97]  La Cour a entendu 15 témoins au cours du procès, dont sept témoins des faits et quatre experts au nom de Millennium, et quatre experts au nom de Teva. Teva n’a pas fait entendre de témoin des faits.

[98]  Les paragraphes ci-dessous établissent, pour chaque témoin, un bref exposé de leur témoignage, y compris une partie ou la totalité de ce qui suit : qui ils sont, ce dont ils ont témoigné, et mes impressions générales de leur témoignage.

A.  Témoins des faits de Millennium

1)  Dixie-Lee Esseltine

[99]  Dre Esseltine est un médecin diplômé spécialisé en médecine interne et en hématologie. En tant que membre de l’équipe clinique responsable de la mise au point du bortézomib, Dre Esseltine était responsable de la sécurité des patients inscrits aux essais cliniques de phase I et de phase II et a agi comme surveillante pharmacologique. Dre Esseltine a parlé de la nature révolutionnaire et du succès du bortézomib, soulignant le succès des essais cliniques qui a mené à l’accélération de la procédure d’approbation aux États-Unis. Elle a discuté de la renommée internationale du médicament, y compris du prix de la Fondation Warren Alpert qui a reconnu le Velcade en tant que « médicament de pointe pour le traitement du cancer ».

2)  James Brodie

[100]  M. Brodie est vice-président du marketing chez Produits médicaux Johnson & Johnson, une société sœur de la défenderesse Janssen. Il a déjà travaillé pour Janssen, où il a occupé plusieurs postes pendant une période de 20 ans, y compris des postes liés à la vente et la commercialisation de divers types de médicaments. À un certain moment, une partie importante de sa responsabilité consistait à superviser la stratégie et l’exécution tactique en matière de commercialisation de Velcade.

[101]  M. Brodie a décrit les obtentions d’avis de conformité et a discuté du cadre d’approbation accélérée de Santé Canada. Il a déclaré dans son témoignage que Janssen a connu une croissance élevée de son chiffre d’affaires d’au moins 10 % de 2005 à 2010, avec des ventes record déclarées en 2014, soit l’année précédant celle où Teva est entrée sur le marché avec sa version générique de Velcade.

3)  Julian Adams

[102]  M. Adams est l’un des inventeurs désignés du brevet 936. Il a fait des études de doctorat en chimie au Massachusetts Institute of Technology et a obtenu une bourse de recherche postdoctorale à l’Université de Columbia. Il a travaillé notamment sur les inhibiteurs de l’acide boronique des peptides chez BI pendant quelques années avant de joindre les rangs de MyoGenics vers mars 1994. Là, il a été le fer de lance d’un changement d’orientation, s’assurant que MyoGenics abandonnait les inhibiteurs d’aldéhyde du protéasome et se concentrait sur les inhibiteurs d’acide boronique, efforts qui ont finalement conduit à la création du bortézomib.

[103]  M. Adams a été initié au protéasome pendant le processus de recrutement à MyoGenics. En contre-interrogatoire, il a également reconnu avoir assisté à une présentation pendant cette période au cours de laquelle Ross Stein (un autre inventeur nommé du brevet 936) a proposé l’utilisation d’acides boroniques comme inhibiteurs du protéasome. M. Adams a décrit le processus de développement et de mise à l’essai du bortézomib, et les efforts ultérieurs pour élaborer une formulation stable de celui-ci.

[104]  En ce qui concerne le brevet 146, M. Adams a laissé entendre que la lyophilisation ne constituait pas un essai allant de soi lorsqu’il a été confronté à des résultats moins satisfaisants associés à une formulation liquide. Toutefois, lors d’un examen antérieur, il avait adopté une déclaration indiquant le contraire. Millennium s’est opposée à cette question sur ce point en contre-interrogatoire. Après avoir entendu certains arguments, j’ai décidé de permettre de poursuivre cet interrogatoire sous réserve d’entendre d’autres arguments concernant l’admissibilité lors des observations finales. N’ayant entendu aucun de ces arguments, je ne vois aucune raison d’exclure cette question.

[105]  Mon impression de M. Adams n’a pas été totalement positive. Il semblait être réticent à concéder des points qui pourraient défavoriser Millennium. Sa réponse a souvent été [traduction] « je ne me souviens pas », surtout quand celle-ci pouvait favoriser Teva. Il a d’abord été réticent à reconnaître que la demande 904 portait sur l’inhibition du protéasome, même si cela est noté dans le brevet 936. Il a plus tard cédé sur ce point. En ce qui concerne un aveu qu’il avait fait lors d’un interrogatoire préalable en 2011que l’une des raisons pour avoir choisi un dipeptide par rapport à un tripeptide était la pénétration cellulaire améliorée, il a d’abord déclaré qu’il avait fait allusion à la pénétration du tractus gastro-intestinal, et non pas à une paroi cellulaire cible. Un examen plus approfondi de la transcription de son interrogatoire de 2011 l’a forcé à se rétracter. Enfin, je crains que, après de nombreuses années passées à prétendre être le premier à concevoir l’idée d’essayer des acides boroniques comme inhibiteurs du protéasome, il ait reconnu en contre-interrogatoire pour la première fois qu’il a pu emprunter cette idée à M. Stein. Le fait que cet aveu survient maintenant après qu’il eut consulté des notes qu’il n’avait pas vues depuis 20 ans ne dissipe pas mon inquiétude.

[106]  J’accepte le témoignage de M. Adams concernant les grands événements entourant le développement de Velcade, mais j’hésite à m’appuyer sur son témoignage lorsqu’il se fonde sur sa mémoire ou qu’il porte sur des questions d’impression ou d’opinion subjective, surtout lorsque ce témoignage n’est pas corroboré ou incompatible avec les déclarations antérieures qu’il a faites.

4)  Louis Plamondon

[107]  M. Plamondon détient un doctorat en chimie organique de l’Université de Montréal. Il a accompli deux ans de travail postdoctoral à l’Université Harvard en synthèse organique, et s’est ensuite joint à BI où il a travaillé principalement sur les inhibiteurs de protéase du VIH. Il s’est joint à MyoGenics en octobre 1994, en tant que scientifique principal, se rapportant à M. Adams et travaillant principalement sur la synthèse et la mise à l’essai de divers composés en vue de l’inhibition du protéasome. Il est l’un des inventeurs désignés du brevet 936.

[108]  M. Plamondon a discuté du processus de mise à l’essai qui a conduit à la sélection du bortézomib comme composé principal. Il l’a décrit comme un processus complexe et très interactif.

[109]  En règle générale, M. Plamondon a été crédible et a semblé répondre franchement aux questions, bien qu’il ait semblé désireux de souligner la quantité de travail impliqué dans l’identification du médicament candidat qui a été finalement mis sur le marché.

5)  Ross Stein

[110]  Inventeur désigné dans le brevet 936, M. Stein est titulaire d’un doctorat en chimie organique et en biochimie de l’Université d’Indiana, et a effectué des travaux postdoctoraux à l’Université de Washington et à l’Université du Kansas. Comme nous l’avons indiqué au paragraphe  [33] ci-dessus, il a grossi les rangs de MyoGenics après sa fondation à la fin de 1993 pour développer des inhibiteurs du protéasome. À cette époque, il comptait 20 années d’expérience de travail avec les protéases, mais aucune avec le protéasome.

[111]  M. Stein a discuté de quelques idées fausses qui étaient véhiculées dans les ouvrages concernant le protéasome à ce moment-là, y compris en ce qui concerne ses activités catalytiques. Il a également déclaré que son idée d’inhiber le protéasome avec des boronates lui vint durant la semaine où il s’est joint à MyoGenics, en fonction de sa connaissance des publications scientifiques.

[112]  Le témoignage de M. Stein a semblé tout à fait crédible et franc, ne démontrant aucun parti pris.

6)  Valentino Stella

[113]  M. Stella a obtenu un doctorat en chimie analytique pharmaceutique et en sciences pharmaceutiques, et a travaillé la majeure partie de sa carrière en tant que professeur à l’Université du Kansas. Son principal domaine de recherche était la formulation de médicaments, y compris le Velcade. Il est l’un des inventeurs désignés du brevet 146.

[114]  M. Stella a discuté du processus de développement de Velcade, notamment (i) le fait de recevoir des instructions de Shanker Gupta du National Cancer Institute; (ii) le fait de recevoir des échantillons pour plusieurs composés en vue d’une mise à l’essai, y compris le bortézomib; (iii) diverses études préliminaires qu’il a menées sur le bortézomib, y compris en ce qui concerne sa solubilité et sa dégradation; (iv) les tentatives d’élaboration d’une formulation liquide pratique; et (v) les efforts de développement au moyen de la lyophilisation, y compris les options relatives aux excipients.

[115]  M. Stella est très bien informé et confiant. Il a répondu directement aux questions posées. Je considère que son témoignage est fiable.

7)  John Bishop

[116]  M. Bishop détient un doctorat en chimie organique de l’Université de la Californie à Berkeley. Par la suite, il a terminé une année de travail postdoctoral au Lawrence Berkley National Institute, travaillant sur la découverte de médicaments, suivie d’une obligation militaire de deux ans pendant laquelle il a travaillé dans le domaine de la recherche chimique. Jusqu’à ce jour, il a passé la majeure partie de sa carrière dans l’industrie, plus particulièrement au sein de Millennium pendant quatre ans, y compris en tant que directeur du développement des processus chimiques et biologiques. M. Bishop est l’un des inventeurs désignés du brevet 706.

[117]  Au procès, M. Bishop a décrit l’évolution des processus de fabrication pour ce qui est devenu le Velcade, y compris l’efficacité opérationnelle et les questions de pureté liées à la transition d’un processus clinique à un processus acceptable à l’échelle commerciale. Il a souligné que la sécurité était une préoccupation primordiale et que chaque expérience était une entreprise colossale.

[118]  M. Bishop a répondu aux questions avec une grande précision, répondant rarement oui ou non à une question directe en contre-interrogatoire. Par ailleurs, je n’ai pas décelé de tentative d’éluder les questions. Je n’ai pas non plus décelé de partialité dans ses réponses.

B.  Témoins experts de Millennium

1)  M. Alexander Vinitsky

[119]  M. Vinitsky a obtenu un doctorat en biologie de l’Université de New York et a été boursier postdoctoral à la Mount Sinai School of Medicine, effectuant du travail de biochimie lié au protéasome dans le laboratoire de M. Marian Orlowski, dont le groupe a été le premier à purifier et à caractériser le protéasome. Deux de ses articles publiés à la suite de ce travail à l’école de médecine Mont Sinaï ont été invoqués au procès comme éléments d’antériorité. Les parties ont convenu, et je considère, que M. Vinitsky est un expert en biochimie du protéasome et en conception de l’inhibiteur du protéasome jusqu’à l’état des connaissances dans ce domaine en 1996, ainsi qu’un expert en enzymologie et en découverte de médicaments.

[120]  Le témoignage de M. Vinitsky portait sur le brevet 936 et a été soumis dans un rapport d’expert qui s’est également penché sur le rapport d’expert de M. Wilk. Plus précisément, M. Vinitsky a fait valoir que les composés définis dans les revendications en cause du brevet 936 sont des inhibiteurs puissants et sélectifs du protéasome qui sont originaux et dont les composantes caractéristiques ne résultent pas d’un essai allant de soi.

[121]  Mon impression générale est que M. Vinitsky n’a pas pris à cœur toutes les exigences du code de conduite régissant les témoins experts qu’il a signé. Il a semblé réticent à céder sur des points lorsque cela était défavorable à Millennium (par exemple, si la demande 904 indique l’utilisation d’acides boroniques pour inhiber le protéasome). À mon avis, M. Vinitsky a par conséquent fait preuve d’une certaine partialité. Il a semblé également recourir à une norme différente relativement à la pertinence de certaines données selon que l’élément favorisait Millennium ou Teva (par exemple, si un certain niveau de puissance était bon ou non, si les données basées sur la mise à l’essai d’une seule concentration seulement étaient dignes de considération, ou si des prédictions peuvent être faites quant à la puissance en l’absence de données expérimentales). M. Vinitsky a également établi une distinction entre les composés revendiqués de ceux connus dans l’antériorité au motif qu’aucun des composés de l’état de la technique n’avait montré le niveau de puissance et de sélectivité des composés revendiqués. En contre-interrogatoire, il a été contraint de reconnaître qu’il ne pouvait s’appuyer sur cette déclaration pour tous les composés définis dans les revendications en cause du brevet 936, puisque ce ne sont pas tous ces composés qui ont obtenu des résultats d’essai pour les propriétés invoquées dans le brevet 936. Enfin, il a occasionnellement tenu un langage très technique qui rendait parfois son témoignage difficile à suivre en temps réel.

[122]  De manière générale, je suis hésitant à accepter l’opinion de M. Vinitsky lorsqu’elle est incompatible avec celle de M. Wilk.

2)  Roger Snow

[123]  M. Snow détient un doctorat en chimie de l’Université de Cambridge en Angleterre. Il a effectué des recherches postdoctorales à l’Université Columbia avant de retourner à l’Université de Cambridge après avoir reçu une bourse de recherche. M. Snow s’est joint à BI en 1991 comme scientifique principal, menant principalement des travaux sur l’inhibition d’une enzyme appelée dipeptidylpeptidase 4 (DPP4) au moyen d’acides boroniques. À cette époque, il relevait directement de M. Adams. M. Snow a coécrit un chapitre d’un livre portant sur les inhibiteurs de l’acide boronique avec l’expert de Teva, M. Bachovchin. M. Snow a quitté BI en 2011 pour poursuivre sa carrière dans le milieu universitaire. Il enseigne actuellement la chimie organique au Vassar College à Poughkeepsie, dans l’État de New York.

[124]  Il y a un différend sur les qualifications d’expert de M. Snow. Millennium affirme qu’il répond aux qualifications suivantes : [traduction] « M. Snow a un doctorat en chimie organique, et est un expert en chimie médicale, en chimie organique synthétique et en chimie de l’acide boronique, et dans l’utilisation des inhibiteurs de l’acide boronique dans le but d’inhiber les protéases. » Teva est en désaccord en ce qui concerne l’expertise de M. Snow dans la chimie de l’acide boronique et dans l’utilisation d’acides boroniques comme inhibiteurs des protéases, ce qui, selon Teva, a une incidence sur la valeur accordée à son témoignage plutôt que sur sa recevabilité. Teva souligne le défaut de son CV d’indiquer une expertise dans ces domaines, mais je conclus qu’il a l’expertise requise pour répondre à la définition qu’en donne Millennium.

[125]  M. Snow a témoigné par rapport aux brevets 936 et 146, en présentant deux rapports d’expert. Il a également traité du rapport d’expert de M. Bachovchin. Il a déclaré qu’il compte une expertise à titre de chimiste médical, et non dans le domaine de la formulation.

[126]  Dans son premier rapport d’expert, M. Snow a conclu que le produit de bortézomib de Teva contient tous les éléments essentiels des revendications du brevet 936. Dans son deuxième rapport, M. Snow a estimé que les revendications en litige des brevets 936 et 146 n’auraient pas été évidentes. En ce qui concerne le brevet 936, il a déclaré que l’antériorité n’aurait pas amené une personne versée dans l’art à choisir les éléments caractéristiques du bortézomib et que ces éléments n’auraient pas constitué des essais allant de soi. Quant au brevet 146, M. Snow a estimé que la personne versée dans l’art aurait été en mesure de prédire que la formation d’un ester de boronate, par la lyophilisation du bortézomib avec le mannitol, permettrait d’améliorer la stabilité et le taux de dissolution du bortézomib.

[127]  M. Snow a eu beaucoup plus de facilité à s’expliquer en des termes compréhensibles que M. Vinitsky. Il s’est également montré moins partial, mais je reste préoccupé par son refus de fournir de simples réponses à de simples questions lorsque ces réponses ne favorisaient pas Millennium. Il a également semblé avoir mis la barre trop haut pour la prévisibilité, nécessitant apparemment une quasi-certitude.

3)  Bradley Anderson

[128]  M. Anderson est titulaire d’un doctorat en chimie pharmaceutique de l’Université du Kansas. Il a travaillé dans l’industrie pendant quelques années avant de retourner en milieu universitaire. Tout au long de sa carrière, il a contribué à la formulation de médicaments, en se concentrant sur les médicaments anticancéreux et anti-VIH. Il est actuellement professeur au département des sciences pharmaceutiques du collège de pharmacie de l’Université du Kentucky. Les parties conviennent, comme moi, que M. Anderson est un expert en formulation pharmaceutique, bien qu’il ait reconnu en contre-interrogatoire qu’il n’a jamais travaillé avec des acides boroniques.

[129]  M. Anderson a présenté deux rapports d’experts sur le brevet 146, lesquels commentent les rapports d’expert des experts de Teva. MM. Bachovchin et Suryanarayanan. Dans son premier rapport d’expert, M. Anderson a interprété les revendications du brevet 146, a conclu que les produits de bortézomib de Teva contiennent tous les éléments de celui-ci, et a estimé que la personne versée dans l’art à qui le brevet 146 s’adresse est un formulateur pharmaceutique, qui n’a pas besoin d’avoir une expertise en chimie du bore. Dans son deuxième rapport d’expert, M. Anderson a déclaré que la personne versée dans l’art pourrait consulter un chimiste médical, mais n’a pas reconnu qu’un chimiste médical serait un membre de l’équipe dont ferait partie la personne versée dans l’art. Cette reconnaissance n’est survenue que lors du contre-interrogatoire et seulement à contrecœur. Dans ce deuxième rapport d’expert, M. Anderson a également exprimé l’avis que l’ester boronique de mannitol lyophilisé que constitue le bortézomib était nouveau et avait des propriétés inattendues, et par conséquent, ne constituait pas un essai allant de soi. Il a également affirmé qu’il n’aurait pas été prévisible que la formation d’ester serait facilement réversible, et que la personne versée dans l’art aurait été dissuadée d’avoir recours à la lyophilisation.

[130]  M. Anderson a fait preuve de partialité par sa réticence à reconnaître son point de vue selon lequel un chimiste médical ferait partie de l’équipe de la personne versée dans l’art. Comme d’autres experts au nom de Millennium, je suis également préoccupé par la réticence de M. Anderson de fournir de simples réponses à de simples questions lorsque la réponse ne favorisait pas Millennium. Il a, à maintes reprises, éludé des questions directes lors du contre-interrogatoire. J’ai trouvé que plus la thèse exprimée par M. Anderson était difficile et plus ses réponses devenaient vagues. M. Anderson a également fait preuve d’une certaine incohérence en affirmant d’une part qu’un formulateur ne veut pas modifier le composé du médicament choisi (lorsqu’on considère la formation d’ester), mais d’autre part, en n’ayant pas la même réserve pour la personne versée dans l’art lorsqu’on considère la question de savoir si un formulateur considérerait une forme posologique orale solide plutôt qu’une solution injectable.

4)  Anthony Barrett

[131]  M. Barrett détient un doctorat en chimie organique de l’Imperial College of Science, technology and Medicine de Londres. Il a enseigné à l’Imperial College pendant quelques années avant de déménager aux États-Unis où il a enseigné la chimie organique à l’Université Northwestern et à l’Université d’État du Colorado avant de retourner à l’Imperial College. Les parties conviennent que M. Barrett est qualifié en tant qu’expert en chimie organique, en chimie organique synthétique, en synthèse de composés organiques et médicinaux, en procédés de fabrication de produits pharmaceutiques et de produits chimiques spéciaux fins et en techniques de recherche dans le domaine de la chimie. Millennium affirme également que l’expertise de M. Barrett s’étend à la mise à l’échelle. Teva conteste cet aspect de l’expertise de M. Barrett, mais les parties conviennent que ce différend a une incidence sur la valeur accordée au témoignage et non sur sa recevabilité.

[132]  M. Barrett a entrepris une analyse détaillée de la divulgation concernant le brevet 706 afin de soutenir son point de vue en ce qui a trait à l’interprétation des revendications et le caractère non essentiel de certains éléments de celles-ci. Il a fait valoir que la chimie en vue de la fabrication à grande échelle diffère de celle utilisée à petite échelle, et que la chimie synthétique n’est pas simple.

[133]  M. Barrett est clairement très bien informé dans le domaine de la chimie des processus et de la mise à l’échelle, et il était impatient de discuter du sujet. Cela signifie que ses réponses s’écartaient souvent des questions posées. Cela est arrivé même lors de l’interrogatoire direct. Il a été réticent à répondre aux questions du contre-interrogatoire lorsque la réponse n’était pas favorable à Millennium. Par conséquent, il n’a pas donné l’impression d’être neutre ou impartial. Il souhaitait éduquer la Cour, mais seulement en faveur de Millennium. Par exemple, il a affirmé à maintes reprises que le dichlorobenzène était un exemple de solvant de rechange pour l’acétate d’éthyle pour le brevet 706, même si cela n’a pas été mentionné dans ses rapports. Une ou deux affirmations auraient été suffisantes pour prouver son point, mais plus que cela trahit sa partialité. M. Barrett a passé beaucoup trop de temps en contre-interrogatoire à discuter de ce dont il voulait parler plutôt qu’à répondre aux questions que l’avocat de Teva lui posait.

C.  Témoins experts de Teva

1)  Raj Suryanarayanan

[134]  M. Suryanarayanan a reçu un doctorat en sciences pharmaceutiques de l’Université de la Colombie-Britannique. Depuis, il a mené des recherches et a enseigné au département de pharmacie de l’Université du Minnesota à Minneapolis. Il a rédigé de nombreux ouvrages dans le domaine de la lyophilisation, y compris sur le comportement du mannitol dans les préparations lyophilisées. Les parties conviennent, et je suis d’accord, qu’il a une expertise en science des matériaux, plus particulièrement en ce qui a trait aux produits pharmaceutiques solides et aux formulations pharmaceutiques, y compris les formulations lyophilisées.

[135]  M. Suryanarayanan a présenté deux rapports d’experts quant au brevet 146. Dans le premier rapport, il a estimé que la personne versée dans l’art à qui s’adresse le brevet 146 consiste en une équipe comprenant un scientifique de formulation et un chimiste médical, et qu’il aurait été évident à cette personne versée dans l’art de lyophiliser le bortézomib en utilisant le mannitol. Son deuxième rapport d’expert répondait aux rapports d’expert de M. Anderson.

[136]  M. Suryanarayanan a répondu clairement aux questions lors de son témoignage principal et son contre-interrogatoire. Il n’a pas essayé d’éviter les questions, et n’a pas semblé tenter de teinter ses réponses en faveur de Teva. J’ai conclu que M. Suryanarayanan était un témoin crédible.

2)  Sherwin Wilk

[137]  M. Wilk est titulaire d’un doctorat en biochimie de l’Université Fordham. Il a fait des études postdoctorales au Collège de médecine de l’Université Cornell. Sa carrière s’est entièrement concentrée sur la biochimie de la protéase. M. Wilk est membre du corps professoral du département des sciences pharmacologiques au Mount Sinai School of Medicine à New York depuis 1969. Les parties conviennent, comme moi, que l’expertise de M. Wilk peut être définie comme suit : [traduction] « Le professeur Wilk est un biochimiste qui a été un codécouvreur du protéasome. Il possède une expertise dans la purification des protéases et du protéasome, et dans le domaine des enzymes protéolytiques, y compris la synthèse des inhibiteurs analogues des peptides du protéasome ».

[138]  M. Wilk a présenté deux rapports d’experts quant au brevet 936. Dans son premier rapport, il a présenté certaines notions scientifiques sur la science du protéasome et a discuté des connaissances générales courantes pertinentes en 1995 concernant les inhibiteurs de la protéase et les résidus apparentés. Il a conclu qu’il aurait été évident de fabriquer un inhibiteur du protéasome avec les composantes caractéristiques du bortézomib. Son deuxième rapport d’expert a abordé certaines des opinions exprimées par M. Vinitsky.

[139]  M. Wilk était très bien informé et n’a fait preuve d’aucune partialité dans ses réponses, qu’il a données sans être hésitant ou évasif. Il a facilement concédé des points lors du contre-interrogatoire, mais il en a énergiquement défendu d’autres. J’ai conclu que M. Wilk était un témoin crédible.

3)  William Bachovchin

[140]  M. Bachovchin détient un doctorat en chimie du California Institute of Technology. Il a fait des études postdoctorales à cet endroit ainsi qu’à l’école de médecine de l’Université Harvard. Ses recherches ont surtout porté sur les protéases, en accordant beaucoup d’importance à la conception de peptides inhibiteurs de l’acide boronique comme médicaments potentiels. M. Bachovchin est membre du corps professoral de l’école de médecine de l’Université Tufts depuis 1979, où il est actuellement professeur de biologie moléculaire, chimique et du développement. Les parties conviennent, comme moi, que M. Bachovchin est un [traduction« chimiste médical avec une expertise dans le domaine de la chimie de l’acide boronique et de la conception et l’utilisation d’analogues peptidiques de l’acide boronique comme inhibiteurs de la protéase ».

[141]  M. Bachovchin a présenté deux rapports d’experts quant aux brevets 936 et 146. Il a également abordé les seconds rapports d’experts de M. Snow et de M. Anderson. Dans son premier rapport, M. Bachovchin a présenté des notions utiles sur la chimie organique pertinente. Il a également conclu que les revendications en litige des brevets 936 et 146 auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art aux dates respectives des revendications. En ce qui concerne le brevet 936, il a conclu que chacune des composantes caractéristiques du bortézomib aurait constitué un essai allant de soi. En ce qui concerne le brevet 146, il a conclu que la lyophilisation était une méthode reconnue pour réduire l’instabilité qui aurait constitué un essai allant de soi pour le bortézomib. Il a également déclaré que la personne versée dans l’art aurait su qu’un agent gonflant serait nécessaire et que le mannitol aurait constitué un essai allant de soi. Il a ajouté que la personne versée dans l’art aurait été consciente de la possibilité qu’un ester se forme, mais il n’en aurait pas été dissuadé, car il aurait été prévu que cette formation d’ester aurait été facilement réversible.

[142]  M. Bachovchin a été un bon témoin. Son témoignage a à peine été contesté lors du contre-interrogatoire. Il a fait preuve de fermeté dans ses opinions, mais a concédé des points facilement le cas échéant.

4)  George Kabalka

[143]  M. Kabalka a reçu un doctorat de l’Université Purdue en chimie organoboronique (il s’agit de la branche de la chimie organique concernant le bore). Il est professeur émérite au département de chimie de l’Université du Tennessee à Knoxville où il a passé l’intégralité de sa carrière professionnelle et où il a enseigné presque exclusivement la chimie organique. Il est également professeur au département de radiologie de la faculté de médecine. Les parties conviennent que M. Kabalka est un chimiste avec une expertise dans le domaine de la chimie organique synthétique, de la chimie médicinale et de la chimie organoboronique.

[144]  M. Kabalka a témoigné que la mise à l’échelle dans le domaine de la chimie n’était pas un domaine d’étude distinct au moment du brevet 706. Il a soutenu que tous les éléments de la revendication en cause du brevet 706 sont essentiels, et qu’il n’y avait rien d’inventif dans la mise à l’échelle du processus pour synthétiser le composé en cause.

[145]  Le témoignage de M. Kabalka s’est révélé très utile. Il a répondu directement aux questions posées avec honnêteté. Je l’ai trouvé tout à fait crédible. De toute évidence, son expertise en matière de mise à l’échelle n’est pas aussi vaste que celle de M. Barrett. Toutefois, leur niveau relatif d’expertise n’est pas déterminant quant à la valeur à accorder à leurs opinions respectives.

VI.  Discussion

[146]  Avant d’entreprendre l’analyse des questions litigieuses, il est utile de les répéter ici :

  1. En ce qui concerne le brevet 936 :
    1. si les revendications 37 et 69 sont évidentes;
  2. En ce qui concerne le brevet 146 :
    1. quel est le concept inventif, et
    2. si les revendications invoquées sont évidentes;
  3. En ce qui concerne le brevet 706 :
    1. comment les revendications devaient être interprétées,
    2. si le Teva-bortézomid est une contrefaçon,
    3. si l’Act-bortézomib est une contrefaçon,
    4. si les revendications invoquées sont évidentes.

[147]  Étant donné que la détermination du concept inventif fait partie de l’évaluation de l’évidence, je vais traiter du brevet 146 à titre de question unique.

A.  Brevet 936 : évidence

[148]  Les allégations de Teva selon lesquelles les revendications 37 et 69 du brevet 936 sont évidentes dépendent de l’argument selon lequel le bortézomib relève du champ d’application de plusieurs références d’antériorité, principalement la demande 904. Teva soutient que le brevet 936 est un brevet de sélection, mais que les critères d’un brevet de sélection valide ne sont pas satisfaits.

[149]  Les revendications 37 et 69 sont reproduites ci-dessous :

37.  Le composé de la revendication 26 choisi à partir du groupe comprenant les composés suivants :

acide N-(4-morpholine)carbonyle-(3(l-naphthyle)-l- alanine-l-leucine boronique,

acide N-(8-quinoline)sulfonyle-(3(l-naphthyle)-l-alanine-l-leucine boronique,

acide N-(2-pyrazine)carbonyle-(3(l-naphthyle)-l-alanine-l-leucine boronique,

acide N-(2-quinoline)sulfonyle-l-homophénylalanine-l-leucine boronique,

acide N-(3-pyridine)carbonyle-l-phénylalanine-l-leucine boronique, et

acide N-(4-morpholine)carbonyle-l-phénylalanine-l-leucine boronique.

69.  Le composé d’acide N-(2-pyrazine)carbonyle-phénylalanine-l-leucine boronique, ou un sel ou un ester de boronate de celui-ci acceptable sur le plan pharmaceutique.

[150]  Comme il a déjà été indiqué, la revendication 69 définit le bortézomib tandis que la revendication 37 définit le bortézomib et cinq autres composés.

[151]  Il convient de noter que la validité du brevet 936, ainsi que les brevets étrangers correspondants, ont été examinés précédemment dans un certain nombre de décisions judiciaires. Comme nous l’avons indiqué au paragraphe  [3] ci-dessus, le juge Barnes a conclu dans une demande instituée en application du Règlement que les revendications du brevet 936 dont il avait été saisi (y compris la revendication 69) étaient évidentes. Teva m’exhorte à suivre la conclusion du juge Barnes.

[152]  À l’extérieur du Canada, Millennium attire mon attention sur trois décisions européennes qui ont conclu provisoirement que le brevet européen qui correspond au brevet 936 n’est pas évident. Ces décisions sont (i) un jugement de la Cour de district de la Haye datée du 25 juillet 2017 (Millennium Pharmaceuticals Inc c Teva Nederland BV et al.), (ii) une ordonnance de la Cour de district de Düsseldorf datée du 28 juillet 2017 (Millenium [sic] Pharmaceuticals Inc c Ratiopharm Gmbh), et (iii) une décision de la Haute Cour maritime et commerciale du Danemark datée du 3 novembre 2017 (Millennium Pharmaceuticals Inc c Teva Denmark A/S et al.).

[153]  Les parties sont d’accord pour que je puisse considérer toutes ces décisions antérieures canadiennes et européennes pour leurs qualités persuasives, mais je ne suis lié par aucune d’entre elles.

[154]  J’analyserai maintenant les mesures à prendre pour évaluer l’évidence énoncée au paragraphe  [82] ci-dessus.

1)  Personne versée dans l’art

[155]  Les parties semblent convenir que la personne versée dans l’art à laquelle le brevet 936 s’adresse est une équipe comprenant un chimiste médical ayant de l’expérience en chimie d’acide boronique et un biochimiste ayant de l’expérience en chimie du protéasome et du peptide.

2)  Connaissances générales courantes

[156]  Une grande partie des connaissances générales courantes applicables au brevet 936 est indiquée sur la première page de celui-ci, dont certaines sont énumérées au paragraphe  [40] ci-dessus. Cette connaissance générale courante comprend la synthèse des composés d’acide et d’ester boronique de peptidyle protégés par l’extrémité N-terminale et la croissance des cellules cancéreuses.

[157]  La demande 904 indiquée à la première page du brevet 936 traite de l’inhibition du protéasome et constitue donc la référence d’antériorité la plus pertinente. Nous la verrons de manière plus approfondie plus loin.

[158]  D’autres connaissances générales courantes font l’objet des paragraphes  [7] à [17] ci-dessus dans la section intitulée Contexte des technologies brevetées.

a)  La demande 904

[159]  La demande 904 est intitulée [traduction] « Chymotrypsin-Like Proteases and their Inhibitors » (Protéases de type chymotrypsine et leurs inhibiteurs) et a été publiée en 1991. La demande 904 concerne l’identification, la caractérisation et la purification de deux protéases, la chymase et le protéasome (appelées la protéase multicatalytique).

[160]  La demande 904 décrit un genre large de composés de peptidyle inhibant la protéase. La page 4 décrit une formule II : R-A4-A3-A2-Y, où :

  1. Y peut être :

Formula III being HN which is bonded to CH which itself is bonded to both R3 and R2.

dans lequel le groupe R2 peut être un isobutyle et le groupe R3 un résidu d’acide boronique. Dans ce cas, Y est une boroleucine (acide boronique avec une chaîne latérale de leucine), tout comme le bortézomib.

  1. Le groupe A2 peut être un acide aminé sélectionné à partir du groupe qui contient la phénylalanine, tout comme dans le bortézomib.
  2. A3 et A4 peuvent être des acides aminés ou ils peuvent être de simples liaisons covalentes simples, auquel cas A2 est lié directement à R. Dans ce dernier cas, la formule définit un analogue de dipeptide, comme le bortézomib. Sinon, la formule pourrait définir un tripeptide ou un tétrapeptide.
  3. R peut être un groupe bloquant N-Terminal. La définition de « groupe bloquant N-Terminal » dans la demande 904 inclut ce qui suit :

un groupe protecteur de peptide arylcarbonyle, alkylcarbonyle, alkoxycarbonyle, aryloxycarbonyle, aralkyloxycarbonyle, aralkylsulfonyle, alkylsulfonyle ou arylsulfonyl, ou d’autres équivalents connus des personnes versées dans l’art de la synthèse de peptides et qui sont connus pour protéger les molécules de la dégradation par les aminopeptidases (Gross et Meienhofer, dir., The Peptides, vol. 3, Academic Press, New York, 1981, p. 3-81, décrit de nombreux groupes protecteurs d’acide aminé convenables).

[161]  Millennium ne conteste pas les renseignements contenus au paragraphe précédent. Mais elle fait valoir ce qui suit :

  1. Le nombre de composés envisagés dans la demande 904 est très élevé (M. Snow parle de trillions), et un seul résultat d’essai concernant l’inhibition du protéasome par un analogue d’acide boronique est fourni, qu’une personne versée dans l’art ne pourrait pas prévoir que les composés d’acide boronique définis dans les revendications 37 et 69 du brevet 936 seraient des inhibiteurs efficaces du protéasome; et
  2. La définition de « groupe bloquant N-Terminal » dans la demande 904 ne comprend pas le groupe pyrazinecarbonyle qui est présent dans le bortézomib.

[162]  Le premier point est abordé à la section « Évidence » ci-dessous. Analysons maintenant le second point.

[163]  Teva soutient que le groupe pyrazinecarbonyle entre dans la définition de « groupe bloquant N-terminal ». Elle soutient cet argument de deux manières :

  1. Teva soutient que le groupe pyrazinecarbonyle est un arylcarbonyle qui est explicitement inclus dans la définition. Un arylcarbonyle implique un anneau qui est semblable au groupe pyrazinecarbonyle. Cependant, le groupe pyrazinecarbonyle est en fait un groupe hétéroaryle en ce que son anneau contient deux atomes d’azote.
  2. Teva soutient également que, même si le groupe pyrazinecarbonyle n’était pas considéré comme un arylcarbonyle, il serait considéré parmi les « autres équivalents connus de ceux qui sont versés dans l’art de la synthèse des peptides et qui sont connus pour protéger les molécules de la dégradation par les aminopeptidases », tel que le prévoit la définition de « groupe bloquant N-terminal ».

[164]  En ce qui concerne le premier de ces arguments, l’expert de Teva, M. Bachovchin, a tiré une définition de « aryle » d’une source bien acceptée, le livre d’or de la IUPAC (Union internationale de chimie pure et appliquée), qui indique que les groupes hétéroaryles sont parfois compris dans le terme « aryle ».

[165]  Millennium répond en notant que la demande 904 définit explicitement le terme « aryle », et il est donc inutile et inapproprié de se pencher sur une définition générale de ce terme. La demande 904 indique ce qui suit :

Un « aryl » désigne un fragment aromatique, par exemple, du phényle, de 6 à 18 atomes de carbone, substitué ou non par un ou plusieurs groupes alkyle, alkyle substitué, nitré, alkoxy ou halogène »;

[166]  Les parties semblent convenir que cette définition exclut le groupe pyrazinecarbonyle.

[167]  Compte tenu de la définition fournie dans la demande 904 elle-même, je suis d’accord avec Millennium que le groupe pyrazinecarbonyle n’entre pas dans la définition de arylcarbonyle tel qu’il est utilisé dans celle-ci.

[168]  J’analyserai maintenant l’argument de Teva selon lequel le groupe pyrazinecarbonyle fait partie des équivalents envisagés par la définition de « groupe bloquant N-terminal ». Millennium note que ces équivalents doivent être « connus pour protéger les molécules de la dégradation par les aminopeptidases ». Millennium note également que la référence à Gross et Meienhofer à laquelle la définition renvoie n’inclut pas le groupe pyrazinecarbonyle parmi les groupes bloquants connus, bien qu’elle énumère d’autres groupes bloquants hétéroaryles. Il fait valoir que la liste de certains groupes hétéroaryles, mais non le groupe pyrazinecarbonyle indique clairement que le groupe pyrazinecarbonyle n’est pas inclus.

[169]  Je ne souscris pas à cet argument. À mon avis, la définition de « groupe protecteur N-terminal » n’a clairement pas pour but d’être large. Bien que son champ d’application ne comprenne pas les groupes hétéroaryles dans les « aryles » qui sont expressément envisagés dans le cadre de la définition, le large éventail de groupes bloquants N-terminaux possibles qui sont expressément envisagés, ainsi que le renvoi à des équivalents connus, laissent place au groupe pyrazinecarbonyle, à la condition qu’il puisse être démontré qu’il est « connu pour protéger les molécules de la dégradation par les aminopeptidases ». On ne m’a donné aucune raison suffisante pour conclure que les auteurs de la demande 904 auraient choisi de définir « groupe bloquant N-terminal » dans des termes aussi larges, mais d’exclure le groupe pyrazinecarbonyle.

[170]  M. Bachovchin a recensé cinq références d’antériorité dans lesquelles le groupe pyrazinecarbonyle a été décrit pour l’utilisation dans la protection des peptides contre la dégradation :

  1. Kocevar et al., « Syntheses of some N-(pyrazinecarbonyl) amino acids and peptides » (1988) 107:5 Recl Trav Chim Pays-Bas 366-369;
  2. Kayahara et al., « N-Protected Tripeptide Inhibitors of Angiotensin Converting Enzyme » (1990) 54:5 Agric Biol Chem 1325-1326;
  3. « Method of making peptides », US Patent No 5169935 8 décembre 1992;
  4. Ghosh et al., « Potent HIV Protease Inhibitors: The Development of Tetrahydrofuranylglycines as Novel P2-Ligands and Pyrazine Amides as P3-Ligands » (1993) 36:16 J Med Chem 2300-2310; et
  5. « HIV protease inhibitors », European Patent Application No 0 490 667 17 juin 1992.

[171]  Millennium soutient que le groupe pyrazinecarbonyle n’est pas un choix habituel pour un groupe bloquant N-terminal. Cependant, cela est pertinent pour examiner si son utilisation dans le bortézomib était évidente, non pas quant à la question de savoir si le groupe pyrazinecarbonyle fait partie des groupes bloquants N-terminaux qui étaient « connus pour protéger les molécules de la dégradation par les aminopeptidases » selon la définition qui figure dans la demande 904. L’antériorité citée par M. Bachovchin indique que le groupe pyrazinecarbonyle était en effet un groupe bloquant N-terminal connu pour protéger les peptides. Je note également que M. Adams a reconnu en contre-interrogatoire que le groupe pyrazinecarbonyle était connu et commercialisé au moment de ses recherches.

[172]  Par conséquent, je conclus que le groupe pyrazinecarbonyle relève de la portée des groupes bloquants N-terminaux envisagés par la demande 904.

[173]  Selon mes conclusions antérieures selon lesquelles la demande 904 envisage également un analogue de dipeptide ayant une boroleucine en P1 et une phénylalanine en P2, il s’ensuit que le bortézomib relève du genre élargi des composés envisagés dans la demande 904.

[174]  Ceci n’est pas suffisant en soi pour conclure que les revendications en litige du brevet 936 sont invalides pour cause d’évidence. Toutefois, cela signifie que le brevet 936 est effectivement un brevet de sélection et doit satisfaire aux exigences de validité de celui-ci. Cette question est abordée à la section « Évidence » ci-dessous.

[175]  D’autres références d’antériorité citées dans le brevet 936 et mentionnées au paragraphe  [40] ci-dessus décrivent également un large éventail d’inhibiteurs de protéase qui, selon Teva, englobent le bortézomib. Cela comprend également le brevet 082 et le brevet 948. Toutefois, ces brevets ne tiennent pas compte précisément du protéasome, comme le fait la demande 904. Par conséquent, la demande 904 est la référence d’antériorité la plus importante dans le contexte de l’allégation de Teva quant à l’évidence du brevet 936, et il n’est pas nécessaire de discuter davantage des brevets 082 et 948.

3)  Concept inventif

[176]  Il n’est pas contesté que l’idée originale est déterminée en renvoyant aux revendications. Différentes revendications peuvent avoir différents concepts inventifs.

[177]  Les parties ont également convenu que le concept inventif des revendications 37 et 69 constitue simplement les composés ainsi définis. Par conséquent, le concept inventif qui sous-tend la revendication 69 est le bortézomib. Le bortézomib fait également partie du concept inventif de la revendication 37.

4)  Différences entre l’antériorité et le concept inventif

[178]  D’après l’analyse qui précède, je conclus que la différence entre l’antériorité et les composés des concepts inventifs des revendications 37 et 69 se trouve dans le fait que le bortézomib, même s’il relève de la portée des composés prévus par l’antériorité, n’a pas été identifié avant le brevet 936. Personne n’avait fait la sélection des composantes qui caractérisent le bortézomib : (i) l’ogive d’acide boronique, (ii) le dipeptide, (iii) la chaîne latérale de leucine en P1, (iv) la phénylalanine en P2 et (v) le groupe pyrazinecarbonyle comme groupe bloquant N-terminal.

5)  Évidence

[179]  Comme il est indiqué ci-dessus, une sélection invalide n’est pas un motif indépendant d’invalidité, mais les conditions d’un brevet de sélection valide visent à caractériser le brevet et, par conséquent, à guider l’analyse de l’évidence.

[180]  Bien que l’évidence du bortézomib, et donc des revendications 37 et 69, soit dûment examinée en vue de la combinaison de tous les éléments caractéristiques de celui-ci énumérés aux paragraphes  [27] et  [178] ci-dessus, il convient d’aborder en premier lieu chacun de ces éléments individuellement.

a)  Ogive d’acide boronique

[181]  Millennium reconnaît que l’acide boronique était parmi les options connues pour une ogive. Toutefois, Millennium soutient qu’une personne versée dans l’art n’aurait pas été encline à essayer une ogive d’acide boronique en raison de sa toxicité connue. M. Adams a déclaré que, selon les principes reconnus dans la communauté scientifique, les inhibiteurs contenant du bore ne peuvent être développés. À cette époque, il n’y avait pas de composés contenant du bore homologués comme médicaments.

[182]  Millennium note également que, dans la mesure où la personne versée dans l’art aurait considéré la demande 904, elle aurait noté que l’aldéhyde qui a été mis à l’essai contre le protéasome montrait une plus grande puissance que l’acide boronique.

[183]  La preuve indique que, à la date de la revendication du brevet 936, seuls deux types d’ogives inhibent le protéasome : les aldéhydes et les acides boroniques. On sait également que les aldéhydes avaient montré une faible sélectivité. De plus, certaines antériorités indiquaient que les acides boroniques étaient des inhibiteurs beaucoup plus puissants de certains types de protéases. Les inventeurs ont également mis à l’essai testé des cétones de trifluorométhyl et des cétones de dichlorométhane, mais ils se sont avérés inutiles en tant qu’inhibiteurs du protéasome.

[184]  Je ne souscris pas à la déclaration de M. Adams selon laquelle les composés contenant du bore n’étaient pas considérés comme des inhibiteurs du protéasome. Premièrement, il n’a offert aucun document à l’appui de cette affirmation. Plus important encore, aucun des autres inventeurs du brevet 936 qui ont témoigné, ni aucun des témoins experts, n’a partagé cette opinion. De plus, M. Snow a reconnu que BI a investi des ressources considérables pour poursuivre les travaux sur les composés contenant du bore au début des années 1990. À mon avis, toute inquiétude au sujet de la toxicité du bore qui aurait pu exister à l’époque n’était pas suffisante pour dissuader la personne versée dans l’art d’essayer l’acide boronique comme ogive.

[185]  À mon avis, il était évident pour la personne versée dans l’art d’essayer les acides boroniques comme inhibiteurs du protéasome. J’en arrive à cette conclusion en me fondant sur (i) la demande 904, qui décrit un inhibiteur du protéasome de l’acide boronique, et (ii) le témoignage de M. Stein selon laquelle il a conçu l’idée d’essayer, d’après les ouvrages disponibles, des inhibiteurs du protéasome de l’acide boronique peu après s’être joint à MyoGenics. Je considère également le nombre limité de types d’ogives prometteuses, et la quantité limitée de travail nécessaire pour tester leur puissance. La personne versée dans l’art ne pourrait pas savoir avec certitude que les acides boroniques seraient puissants comme inhibiteurs du protéasome jusqu’à ce qu’ils aient été mis à l’essai, mais ces essais seraient simples et courants.

b)  Dipeptide

[186]  S’appuyant sur le témoignage de M. Snow, Millennium fait valoir qu’il n’y a rien dans l’antériorité qui démontre que les inhibiteurs des dipeptides du protéasome ont été mis à l’essai. Le seul acide boronique qui a été comparé au protéasome dans la demande 904 était un tétrapeptide.

[187]  Comme il a été noté au paragraphe  [28] ci-dessus, bien que les tripeptides offrent généralement une plus grande puissance que les dipeptides, ils sont généralement plus difficiles à synthétiser, moins solubles et moins stables sur le métabolisme et pénètrent plus difficilement les cellules. De plus, le processus de synthèse d’un tripeptide ou d’un tétrapeptide implique d’abord la synthèse d’un dipeptide. M. Snow a reconnu qu’un tel dipeptide serait normalement mis à l’essai dans le cadre de la mise à l’essai d’un tripeptide apparenté à un tétrapeptide. Il a également reconnu que la demande 904 indique que les dipeptides pourraient inhiber le protéasome. Enfin, il a reconnu qu’un dipeptide aurait constitué un essai allant de soi.

[188]  Il n’y a aucune indication dans le brevet 936 que les inventeurs ont fait la découverte surprenante d’un dipeptide qui était plus puissant que le tripeptide. Au contraire, le premier essai des inventeurs avec un tripeptide a révélé que cette puissance était si élevée qu’ils ont décidé qu’il y avait une puissance non utilisée. En conséquence, les inventeurs ont choisi d’accepter l’inconvénient que représentait la puissance réduite du dipeptide en échange des avantages escomptés tels que la facilité de fabrication, la solubilité, la stabilité et la pénétration des cellules.

[189]  Selon moi, il n’y avait rien d’inventif dans la sélection d’un dipeptide. Une fois qu’il a été décidé de mettre à l’essai les acides boroniques, la personne versée dans l’art aurait probablement commencé par des tripeptides, mais aurait synthétisé et mis à l’essai des dipeptides de façon systématique. Cet essai aurait révélé une bonne puissance pour les dipeptides, et aurait donné lieu à des essais plus approfondis à l’égard de ceux-ci.

c)  Chaîne latérale de leucine à la fraction P1

[190]  En ce qui concerne la sélection de leucine à la fraction P1, Teva s’appuie principalement sur une déclaration qui figure à la page 51 de la demande 904 que le protéasome fonctionne le mieux avec la leucine en P1.

[191]  Millennium soutient que les données de la demande 904 n’étayent pas cette déclaration. Je ne suis pas de cet avis. L’énoncé semble être une référence aux cinq premiers composés dont les résultats d’essai sont présentés à la figure 14 de la demande 904. Ces cinq composés sont tous les mêmes, sauf pour la fraction P1. La leucine en P1 a donné les meilleurs résultats.

[192]  M. Adams a également reconnu que les ouvrages exposant l’art antérieur faisaient état de la leucine en P1. M. Vinitsky a convenu que la leucine aurait pu faire partie des premiers choix mis à l’essai à la fraction P1. M. Snow était réticent à accepter qu’il était plus ou moins évident de choisir la leucine en P1, mais il a reconnu que c’est exactement ce qu’il a déclaré dans son affidavit devant notre Cour dans la requête présentée en application du Règlement en ce qui concerne le brevet 936.

[193]  À la lumière de la documentation, y compris la déclaration susmentionnée dans la demande 904, je conclus qu’il n’y avait pas d’invention en choisissant la leucine en P1. Le fait qu’il y avait d’autres options connues en P1 ne change rien à cela.

d)  Phénylalanine à la fraction P2

[194]  Millennium note que le seul exemple d’inhibiteur de l’acide boronique du protéasome mis à l’essai dans la demande 904 comprenait de la lysine en P2. De plus, le même passage dans la demande 904, qui indique une préférence pour la leucine en P1, indique également une préférence pour l’arginine en P2. Faisant référence au témoignage de M. Snow, Millennium indique que l’antériorité a une préférence pour la leucine ou l’alanine en P2. M. Snow a conclu qu’aucun consensus ne se dégage clairement de l’antériorité en faveur de la fraction P2.

[195]  Les parties semblent être d’accord que plusieurs acides aminés fonctionneraient bien en P2. La question immédiate qu’il faut se poser est celle de savoir s’il était inventif de choisir la phénylalanine à partir de ces options. Pour évaluer cette question, il est raisonnable de considérer que M. Snow a accepté que l’antériorité ait indiqué à l’époque une préférence pour un acide aminé hydrophobe en P2 et qu’il y avait un nombre limité d’options (moins de dix). M. Bachovchin et M. Wilk avaient des opinions similaires. La phénylalanine est un acide aminé hydrophobe.

[196]  Il est également pertinent de déterminer si la sélection de la phénylalanine par rapport aux autres acides aminés hydrophobes connus était inventive. Une façon de le démontrer serait d’obtenir de meilleurs résultats pour la phénylalanine que pour les autres options connues. Cet argument ne m’a pas été présenté. En fait, M. Adams a reconnu que la phénylalanine en P2 ne surpassait aucun autre acide aminé en P2.

[197]  Millennium soutient que la validité d’un brevet de sélection doit être évaluée par rapport aux antériorités, et qu’il est inapproprié de faire des comparaisons entre des composés basés sur les résultats d’essai obtenus par les inventeurs. S’il est vrai que l’antériorité applicable est celle qui était connue avant le brevet en litige, la question n’est pas de savoir si les composés en question sont compris dans l’antériorité. J’ai déjà conclu que le bortézomib, et beaucoup d’autres composés d’acide boronique de peptidyle connexes, sont compris dans l’antériorité. Il s’agit plutôt de savoir s’il y avait quelque chose d’inventif dans la sélection des composantes caractéristiques du bortézomib par rapport aux autres options. Dans ce contexte, je ne vois pas d’irrégularité dans la comparaison des résultats d’essai obtenus par les inventeurs.

[198]  Teva cite l’analogie relative à la plaque de 5¼ » qui a été discutée par le lord juge Jacob dans l’arrêt Actavis UK Limited v. Novartis AG, [2010] EWCA Civ 82 (C. A. du Royaume-Uni), aux paragraphes 36 à 38. Le lord juge Jacob a renvoyé à une plaque dont la taille était nouvelle (en ce qu’aucune plaque de cette taille n’avait jamais été fabriquée) et donc non évidente, puisque cette taille n’était nullement décrite dans l’antériorité. Une telle plaque ne peut être brevetable parce que sa taille est arbitraire et non technique. De même, la preuve en l’espèce indique que le choix de la phénylalanine en P2 était de la même façon arbitraire et non technique. Il semble n’y avoir aucun avantage à choisir la phénylalanine par rapport à d’autres options connues.

[199]  En fin de compte, je ne vois aucune raison suffisante de conclure que la sélection de la phénylalanine en P2 était inventive. Reconnaissant que Teva doit s’acquitter du fardeau d’établir l’évidence, je conclus qu’il aurait été évident de mettre à l’essai la phénylalanine en P2. La phénylalanine faisait partie d’un nombre limité d’acides aminés hydrophobes qui ont été préférés et qu’une personne versée dans l’art aurait mise à l’essai et à l’égard de laquelle de bons résultats auraient été attendus. De plus, les essais auraient été simples et courants.

e)  Groupe pyrazinecarbonyle comme groupe bloquant N-terminal

[200]  L’analyse de la sélection du groupe pyrazinecarbonyle comme groupe bloquant N-terminal est semblable à celle qui s’applique à la sélection de la phénylalanine en P2. Le groupe pyrazinecarbonyle était connu dans l’antériorité comme un groupe bloquant N-terminal et, comme on l’a vu plus haut, était compris dans les nombreux groupes bloquants N-terminaux envisagés dans la demande 904. La question était de savoir s’il y avait quelque chose d’inventif dans la sélection du groupe pyrazinecarbonyle par rapport aux options disponibles.

[201]  Contrairement à la situation relative à la sélection de la phénylalanine en P2, il était possible de choisir parmi plusieurs autres options pour le groupe bloquant N-terminal que ce qui aurait été prévu en vue de donner de bons résultats. Cependant, il semble que le travail des inventeurs n’a pas révélé que le groupe pyrazinecarbonyle offrait de meilleurs résultats que les autres groupes bloquants N-terminaux. Le tableau II du brevet 936 montre un certain nombre de composés qui ont été testés in vitro en ce qui a trait à l’inhibition du protéasome. Onze de ces composés avaient les mêmes composantes caractéristiques que le bortézomib, à l’exception du groupe bloquant N-terminal. De ces onze composés, neuf avaient une plus grande puissance que le bortézomib. Aucun essai quant à la sélectivité n’est déclaré dans le brevet 936 pour l’un ou l’autre de ces neuf composés plus puissants. Rien n’indique également dans le brevet 936 que le choix du groupe pyrazinecarbonyle était avantageux de quelque autre façon.

[202]  Comme pour la sélection de la phénylalanine en P2, je ne vois aucune raison suffisante de conclure que la sélection du groupe pyrazinecarbonyle en tant que groupe bloquant N-terminal était inventive. Malgré le nombre élevé d’options, il n’en reste pas moins qu’il existait un nombre déterminé de solutions prévisibles identifiées connues des personnes versées dans l’art. Le brevet 936 ne fournit aucun résultat inattendu.

f)  Conclusion concernant l’évidence

[203]  Ayant maintenant considéré chacune des composantes caractéristiques du bortézomib individuellement, je dois maintenant examiner s’il était inventif d’avoir choisi toutes ces composantes en combinaison. Selon moi, ce n’était pas le cas. J’ai déjà conclu que la sélection de chacune des composantes individuellement n’était pas inventive, et il n’y a rien dans la combinaison de celles-ci qui me pousse à conclure que la sélection des composantes toutes ensemble était moins évidente. Il y a un nombre déterminé de combinaisons pratiques possibles qui peut faire l’objet d’un essai, et on se serait attendu à ce que n’importe laquelle d’entre elles ait offert une certaine puissance. Les essais en cause auraient été courants et il n’y avait rien d’inventif dans la décision d’effectuer de tels essais.

[204]  En ce qui concerne la liste des conditions d’un brevet de sélection valide (voir le paragraphe  [89] ci-dessus), je ne suis pas convaincu qu’elles soient remplies. Bien que le bortézomib soit incontestablement un puissant inhibiteur du protéasome qui est efficace dans le traitement de certains types de cancer, il n’est pas clair que cet avantage est particulier au bortézomib ou aux autres composés définis dans la revendication 37. Ni le brevet 936 ni les éléments de preuve présentés au procès n’étayent la conclusion que le bortézomib (ou les autres composés définis dans la revendication 37) fonctionne mieux que les nombreux composés similaires qui ont été considérés par les inventeurs et qui offraient une excellente puissance dans les essais in vitro. Bien que les éléments de preuve indiquent que les inventeurs ont mis à l’essai de 150 à 200 composés, il ne semble pas que les résultats de ces essais aient mené à la sélection du bortézomib. Par exemple, les tableaux IV et V dévoilent les résultats des essais relatifs à la sélectivité. Sur les 93 composés dont la puissance est indiquée au tableau II, six d’entre eux ont été mis à l’essai quant à la sélectivité et sont présentés dans les tableaux IV et V. La puissance de ces six composés varie de 0,035 Nm à 1,7 Nm. Cependant, le tableau II énumère, selon mon compte, 36 autres composés dont la puissance est plus élevée que 1,7 Nm. On ne sait pas exactement comment les inventeurs du brevet 936 ont sélectionné leurs candidats afin d’effectuer d’autres essais, mais cette décision ne semble pas avoir été fondée sur les résultats liés à une bonne puissance.

[205]  De même, il ne semble pas que la puissance à même les cellules, comme l’indique le tableau VI, ait été l’élément central dans la sélection des trois composés mis à l’essai chez les souris, dont les résultats sont indiqués au tableau VII. Les résultats relatifs à la puissance, tels qu’ils sont indiqués au tableau VI pour les trois composés qui ont été mis à l’essai chez les souris, étaient de 738 Nm, 210 Nm et 69 Nm. Cependant, 25 autres composés des 47 mis à l’essai dans le tableau VI révèlent une puissance supérieure à 738 Nm.

[206]  À mon avis, la troisième condition relative à un brevet de sélection valide n’est pas remplie. La sélection ne vise pas « une qualité particulière propre aux composés en cause ».

[207]  En résumé, un brevet valide doit décrire et revendiquer quelque chose vers lequel un technicien compétent, mais dépourvu d’imagination ne serait pas dirigé directement et sans aucune difficulté, soit quelque chose qui exige un esprit inventif. Certes, de nombreux essais ont dû être menés avant d’opter pour le bortézomib à titre de produit commercial de Millennium, mais je ne suis pas en mesure de trouver quoi que ce soit dans le brevet 936 qui s’inscrit en dehors de ce qu’un technicien compétent, mais dépourvu d’imagination aurait trouvé sans montrer un esprit inventif.

[208]  Je conclus que les revendications 37 et 69 du brevet 936 sont invalides pour cause d’évidence.

[209]  À mon avis, la question du succès commercial ne permet pas aux revendications d’éviter un constat d’évidence. Il ne fait aucun doute que le brevet 936 n’était pas suffisant pour créer une réussite commerciale. Le bortézomib seul est trop instable pour être pratique d’un point de vue commercial. Cela ressort de la longue période de temps qui s’est écoulée entre le dépôt de la demande pour le brevet 936 en 1995, et l’introduction du Velcade sur le marché en 2005. Il convient de noter qu’en 1999, lorsque Millennium a acquis Leukocyte, aucune valeur n’a été accordée au bortézomib.

[210]  Dans mon analyse des allégations de Teva quant à l’évidence des revendications 37 et 69 du brevet 936, je n’ai pas jugé nécessaire de renvoyer à la partie du témoignage de M. Bachovchin dans laquelle il a relaté une conversation qu’il a eue avec M. Adams avant la date de la revendication. Je vais décrire cette conversation alléguée et formuler un commentaire à ce sujet, même s’il n’est pas nécessaire à ma décision.

[211]  M. Bachovchin a relaté que M. Adams l’avait approché (peut-être en 1994) pour qu’il lui fasse part de ses réflexions sur l’idée d’utiliser les acides boroniques comme inhibiteurs du protéasome. M. Bachovchin a déclaré dans son témoignage qu’il a dit à M. Adams qu’il s’attendait à ce que les acides boroniques soient de puissants inhibiteurs, mais qu’il serait nécessaire d’utiliser un dipeptide afin d’éviter de contrefaire un brevet antérieur appartenant à DuPont. Il a poursuivi en disant qu’il a également fait des suggestions pour d’autres composantes caractéristiques d’un inhibiteur du protéasome qui visaient directement le bortézomib. M. Bachovchin a également témoigné qu’il a même dessiné sur un tableau à craie la molécule qu’il avait suggérée.

[212]  M. Adams a nié que la conversation en question a eu lieu.

[213]  Les parties ont formulé des observations sur les raisons pour lesquelles je devrais croire la version de M. Adams. Je n’ai pas besoin d’énoncer de conclusion à cet égard et je ne le ferai pas. Toutefois, je tiens à souligner que la version des événements de M. Bachovchin n’est pas documentée et n’est pas corroborée. Il s’appuie uniquement sur le souvenir de M. Bachovchin d’une discussion qui a eu lieu il y a 24 ans. Je partage l’inquiétude que le juge Barnes a exprimée dans Novopharm Limited c Eli Lilly and Company, 2010 CF 915, au paragraphe 84, qu’il existe un danger réel d’accepter une telle preuve. Je ne conclus pas que la conversation en question n’a pas eu lieu, mais je serais réticent à accepter les détails relatés par M. Bachovchin (sans plus) pour conclure à l’évidence d’une invention brevetée.

B.  Brevet 146 : évidence

[214]  Comme pour le brevet 936, Teva allègue que certaines revendications du brevet 146 (revendications 30, 45, 46 et 81 à 84) sont invalides pour cause d’évidence. La revendication 30 est indépendante et est reproduite ci-dessous :

30.  Le composé lyophilisé boronate D-mannitol N-(2-pyrazine)carbonyle-l-phénylalanine-l-leucine.

[215]  Le composé qui y est défini est l’ester de mannitol du bortézomib.

[216]  La revendication 45 est indépendante et est ainsi libellé :

45.  La méthode décrite à la revendication 33, dans laquelle le composé de la formule est le boronate D-mannitol N-(2-pyrazine)carbonyle-l-phénylalanine-l-leucine.

[217]  Le composé défini à la revendication 45 est l’ester de mannitol du bortézomib, tout comme pour la revendication 30. La revendication 33, dont dépend la revendication 45, définit une méthode de préparation d’un composé lyophilisé de la formule (1). Aux fins de la présente décision, il n’est pas nécessaire de discuter en détail de la revendication 33.

[218]  La revendication 46 est également indépendante et est reproduite ci-dessous :

46.  La méthode décrite à la revendication 44, dans laquelle le composé de la formule (3) est le boronate N-(2-pyrazine)carbonyle-l-phénylalanine-l-leucine.

[219]  Le composé dont il est fait mention dans la revendication 46 est le bortézomib. La revendication 44, dont dépend la revendication 46, définit un certain nombre de composés, y compris le bortézomib, et dépend elle-même de la méthode décrite à la revendication 33. La formule (3) est l’un des composés de départ de la méthode décrite à la revendication 33. Puisque le composé de départ de la méthode est le bortézomib, il s’ensuit que le composé résultant sera l’ester de mannitol du bortézomib.

[220]  La revendication 81 est liée à la composition et est reproduite ci-dessous :

81.  Une composition comprenant (i) le composé de l’une des revendications 1 à 32 et 54 à 57 et (ii) un transporteur pharmaceutiquement acceptable.

[221]  Parmi les revendications dont dépend la revendication 81, on trouve la revendication 30, qui a été examinée ci-dessus.

[222]  La revendication 82 est une autre revendication liée à la composition. Elle est rédigée comme suit :

82.  Une composition comprenant (i) le composé de la formule (1) préparé selon la méthode décrite aux revendications 33 à 53 et (ii) un transporteur pharmaceutiquement acceptable.

[223]  Parmi les revendications dont dépend la revendication 82, on trouve les revendications 45 et 46, qui ont été examinées ci-dessus.

[224]  La revendication 83, reproduite ici, dépend, entre autres, de la revendication 30 :

83.  Un gâteau lyophilisé comprenant (i) le composé de l’une des revendications 1 à 32 et 54 à 57.

[225]  La revendication 84, reproduite ici, dépend, entre autres, des revendications 45 et 46 :

84.  Un gâteau lyophilisé comprenant le composé de la formule (1) préparé selon la méthode utilisée pour les revendications 33 à 53.

[226]  Avant d’entrer dans l’analyse de la question de l’évidence, il est utile de noter que le brevet 146 et son brevet américain correspondant ont été examinés précédemment par les tribunaux. Comme nous l’avons mentionné au début des présents motifs, le juge Barnes, dans le contexte d’une demande en application du Règlement, a conclu que la revendication 30 du brevet 146 était invalide pour cause d’évidence. Comme pour le brevet 936, Teva m’exhorte à suivre la conclusion du juge Barnes.

[227]  Aux États-Unis, une Cour de district a statué que les revendications en cause du brevet américain correspondant étaient invalides pour cause d’évidence. Cependant, en appel, la US Court of Appeals for the Federal Circuit (CAFC) a rejeté la décision de la Cour de district. Millennium m’exhorte à suivre le raisonnement de la CAFC.

[228]  Tout comme avec le brevet 936, les parties conviennent que ces décisions peuvent être persuasives, mais ne lient pas la Cour.

[229]  Je me pencherai maintenant sur les questions pertinentes quant à l’analyse de l’évidence.

1)  Personne versée dans l’art

[230]  Les parties semblent en désaccord quant aux caractéristiques de la personne versée dans l’art. Elles conviennent que le brevet 146 s’adresse à un formulateur pharmaceutique qui est titulaire d’un diplôme en sciences pharmaceutiques et qui compte de l’expérience dans ce domaine. Mais Teva fait valoir que la personne versée dans l’art consiste en fait en une équipe qui comprend également un chimiste médical décrit par son expert, M. Bachovchin, comme détenant « un diplôme d’études supérieures en chimie, en biochimie, ou dans une discipline connexe, et au moins quelques années d’expérience de travail dans un laboratoire consacré à l’étude des enzymes protéolytiques et de leurs inhibiteurs. »

[231]  Millennium soutient que le brevet 146 s’adresse à un formulateur seul. Il renvoie au titre du brevet 146 (« Formulation de composés d’acide boronique ») et fait valoir que la majeure partie du brevet, y compris la section relative au domaine de l’invention et la section relative au résumé de l’invention, se rapporte à la formulation de compositions pharmaceutiques stables. Il fait également valoir que le formulateur aurait une compréhension adéquate de la chimie pour évaluer l’antériorité, et pourrait consulter un chimiste médical si cela s’avère nécessaire.

[232]  Pour sa part, Teva note que le premier aspect de l’invention décrit dans le brevet 146 (au paragraphe 7 de celui-ci) est un genre de composés ayant une formule (1), laquelle comprend l’ester de mannitol du bortézomib. Cet aspect de l’invention ne fait pas référence à la formulation ou à la lyophilisation.

[233]  Teva souligne également le paragraphe 101 du brevet 146 qui indique que les composés et les compositions, selon les aspects de l’invention, peuvent être préparés par transestérification ou par incorporation de la partie du fragment de sucre lors d’une étape antérieure de la synthèse. Ces méthodes de préparation des composés et des compositions s’adressent à un chimiste médical.

[234]  Teva note également que l’expert de Millennium, M. Snow, a reconnu, quoiqu’à contrecœur, que la personne versée dans l’art du brevet 146 comprend un chimiste médical.

[235]  Le différend des parties concernant la personne versée dans l’art n’influe pas substantiellement sur l’antériorité dont cette personne aurait pris connaissance. Comme nous l’avons vu plus en détail ci-dessous, les parties ont convenu d’un point essentiel : que la personne versée dans l’art aurait su que la lyophilisation d’une solution de bortézomib et de mannitol pourrait provoquer une réaction formant un ester de mannitol. Au lieu de cela, l’effet pratique du différend entre les parties quant à savoir si la personne versée dans l’art du brevet 146 comprend un chimiste médical semble être relié à la question de savoir si la personne versée dans l’art, sachant qu’un ester pouvait se former, éviterait de tenter la lyophilisation avec le mannitol. L’argument de Millennium est que la tâche d’un formulateur est de créer une formulation pratique du composé qu’on lui a fourni, et le formulateur évitera donc de prendre des mesures qui pourraient modifier le composé, comme par la formation d’un ester. Le chimiste médical, d’autre part, crée systématiquement de nouveaux composés et est moins réticent à modifier le composé.

[236]  Un élément à garder en tête en l’espèce est que la personne versée dans l’art n’est pas définie en fonction de chacune des revendications une par une comme c’est le cas pour le concept inventif. Un brevet est lu, et ses revendications sont interprétées, du point de vue de la personne versée dans l’art, dans le contexte du brevet dans son ensemble. Il ne peut y avoir différentes personnes versées dans l’art pour différentes revendications. Le fait que certaines revendications d’un brevet ne soient pas invoquées ne peut avoir d’incidence sur les caractéristiques du lecteur versé dans l’art du brevet. (Voir les commentaires du juge Barnes sur cette question dans sa décision sur le brevet 146, Janssen Inc. c Teva Canada Limited, 2015 CF 184, au paragraphe 92.)

[237]  Même si le brevet 146 porte en grande partie sur la préparation de formulations pharmaceutiques, ce n’est pas exclusivement le cas. Au moins le paragraphe 101 et les revendications 1 à 15 du brevet 146 envisagent une personne versée dans l’art ayant une perspective plus large que celle d’un formulateur. Certains éléments qui sont décrits et revendiqués dans le brevet 146 visent un sujet qui va au-delà des connaissances d’un formulateur. À mon avis, la personne versée dans l’art du brevet 146 consiste en une équipe comprenant à la fois un formulateur pharmaceutique et un chimiste médical.

2)  Connaissances générales courantes

[238]  Comme il est indiqué au paragraphe  [45] ci-dessus, les renseignements contenus dans le brevet 936 étaient connus à la date de la revendication du brevet 146. Par conséquent, les composés d’acide boronique et d’ester, y compris le bortézomib, étaient connus.

[239]  Le paragraphe 4 du brevet 146 cite l’antériorité en indiquant que les acides alkylboroniques, comme le bortézomib, sont difficiles à obtenir sous une forme analytiquement pure. Ils forment facilement des boroxines dans des conditions de dessiccation. En outre, les acides alkylboroniques et leurs boroxines sont aussi souvent sensibles à l’air. Ces difficultés limitent l’utilité pharmaceutique de ces composés.

[240]  Le paragraphe 5 indique qu’il est nécessaire d’améliorer les formulations des composés d’acide boronique en ce qui concerne la commodité de la préparation, la stabilité, la durée de conservation et la bioactivité lors de l’administration.

[241]  D’après l’étude Wu 2000, les voies de dégradation du bortézomib, y compris l’oxydation, ont été décrites dans l’antériorité (voir le paragraphe  [49] ci-dessus). L’étude Wu 2000 a révélé que le bortézomib était instable dans diverses solutions aqueuses.

[242]  L’utilisation de la lyophilisation pour traiter l’instabilité aqueuse était bien connue. L’utilisation de cette technique pour les médicaments injectables afin d’en prolonger la durée de conservation, puis de reconstituer le composé lyophilisé peu avant l’injection était également bien connue. Selon M. Suryanarayanan, cette approche était fréquente pour les médicaments peptidiques.

[243]  Puisque le bortézomib était si puissant, et donc, seule une petite quantité serait utilisée dans une seule dose, la personne versée dans l’art aurait su qu’un agent gonflant était nécessaire. Bien qu’il faille choisir parmi plusieurs agents gonflants, l’un des agents les plus courants était à cette époque et est à l’heure actuelle le mannitol.

[244]  Comme nous l’avons mentionné à la section précédente, les parties ont convenu que la personne versée dans l’art aurait su que la lyophilisation d’une solution de bortézomib et de mannitol pourrait entraîner la formation d’un ester de mannitol. M. Anderson a estimé que ce potentiel de formation d’ester éliminerait l’une des caractéristiques souhaitées d’un agent gonflant, l’inertie, et exclurait l’utilisation du mannitol comme agent gonflant pour le bortézomib.

[245]  Teva répond en s’appuyant sur le témoignage de M. Bachovchin selon lequel la personne versée dans l’art savait que, de façon générale, la formation d’esters avec des acides boroniques et du mannitol était facilement réversible. Le processus d’inversion des esters en acides boroniques est appelé hydrolyse. Certaines des données du brevet 936 étayent l’affirmation de M. Bachovchin quant à la facilité de la réversibilité. Il a comparé, dans le tableau du brevet 936, les résultats liés à la puissance des acides peptidiques boroniques par rapport à ceux de leurs esters correspondants. Des résultats similaires liés à la puissance indiquent une réversibilité de la formation d’ester. Dans un cas, la puissance de l’acide boronique et de l’ester était très différente, mais M. Bachovchin a expliqué que ce résultat était un artéfact de la dilution et non pas un indice de difficulté d’hydrolysation. M. Snow a reconnu qu’une personne versée dans l’art s’attendrait à ce qu’un ester d’acide boronique s’hydrolyse dans une certaine mesure dans des conditions douces.

[246]  Teva soutient que, parce qu’on s’attendrait à ce que toute formation d’ester soit facilement réversible, la personne versée dans l’art ne serait pas dissuadée de mettre à l’essai le mannitol comme agent gonflant. Teva fait également valoir que la personne versée dans l’art verrait même un avantage à la formation d’ester en tant que moyen de prévenir la formation de boroxine. La formation d’ester modifie l’extrémité C-terminale de la molécule bortézomib, qui est l’endroit où les molécules de bortézomib se lient pour former une boroxine. J’accepte que la formation d’ester empêche la formation de boroxine.

[247]  J’accepte également la thèse de Teva selon laquelle toute inquiétude qu’une personne versée dans l’art pourrait avoir quant au fait que le mannitol, comme agent gonflant en combinaison avec l’acide boronique, pourrait ne pas être inerte serait contrebalancée par les attentes voulant que n’importe quelle formation d’ester soit facilement réversible.

[248]  Millennium soutient également que le mannitol était connu pour sa cristallisation hors de la solution pendant la lyophilisation, ce qui pourrait causer des problèmes. Teva répond que cette tendance constituait plus une préoccupation pour les protéines que pour les peptides plus courts comme le bortézomib. En outre, il y avait des lyoprotecteurs connus qui pourraient être utilisés pour empêcher cette cristallisation.

[249]  Enfin, il convient de noter que la personne versée dans l’art ne s’attendrait pas à ce qu’un seul type d’ester se forme. Les parties semblent être d’accord qu’il existe plusieurs esters différents qui peuvent se former avec le bortézomib et le mannitol (plusieurs endroits différents sur la molécule de mannitol peuvent se lier avec l’extrémité C-terminale du bortézomib), et la personne versée dans l’art métier se serait attendue à la formation d’un mélange de ceux-ci. De façon inattendue, seul un ester unique a été formé. J’accepte l’observation de Millennium selon laquelle une multiplicité d’esters différents comprendrait la nécessité de relever les défis de caractériser la formulation.

3)  Concept inventif

[250]  Contrairement au cas du brevet 936, les parties ne s’entendent pas entièrement sur le concept inventif des revendications en litige du brevet 146. Cela étant dit, la divergence n’est pas énorme. Les parties ne sont pas d’accord quant à la mesure dans laquelle les propriétés des composés décrits dans les revendications font partie du concept inventif.

[251]  Les experts de Teva, MM. Bachovchin et Suryanarayanan et les experts de Millennium, MM. Anderson et Snow ont largement convenu que le concept inventif de la revendication 30 du brevet 146 constitue le composé lyophilisé qu’est l’ester de mannitol du bortézomib. MM. Anderson et Snow ont ajouté que le concept inventif inclut aussi les propriétés associées au composé. MM. Bachovchin et Suryanarayanan ont reconnu que le composé a une stabilité acceptable en vue d’une utilisation dans les préparations pharmaceutiques, mais ils n’en sont pas arrivés à une telle reconnaissance en ce qui concerne les propriétés de la solubilité et le taux de dissolution du composé. Teva soutient que ces propriétés sont obtenues dans la formulation commerciale du Velcade de Millennium en raison d’un fort excès de mannitol qui n’est pas mentionné dans le composé défini dans la revendication 30 ou qui n’y est pas inhérent.

[252]  Je suis d’accord avec Teva. Le concept inventif de la revendication 30 est un ester de mannitol du bortézomib lyophilisé avec une stabilité améliorée. C’est ce qui est inhérent au composé. Toutefois, les propriétés liées à l’amélioration de la solubilité et au taux de dissolution dépendent d’une formulation particulière à laquelle la revendication 30 n’est pas limitée.

[253]  Le composé lyophilisé qu’est l’ester de mannitol du bortézomib est également défini dans chacune des revendications 45, 46 et 81 à 84 et par conséquent, fait partie du concept inventif de celles-ci. Aucune de ces revendications ne définit un excès de mannitol. Par conséquent, le concept inventif de ces revendications ne comprend pas non plus les propriétés liées à la solubilité ou au taux de dissolution.

4)  Différences entre l’antériorité et le concept inventif

[254]  L’antériorité à la date de la revendication comprenait le brevet 936 qui décrit le bortézomib ainsi que les esters de plusieurs composés d’acide boronique, bien qu’aucun ester du bortézomib ne soit explicitement analysé. Le mannitol était bien connu comme agent gonflant, mais il n’avait pas été utilisé à ce titre avec le bortézomib.

[255]  Bien que le mannitol n’ait pas non plus été utilisé dans la formation d’un ester du bortézomib, il a été utilisé dans la formation d’un ester d’un autre acide boronique décrit dans la publication de la demande PCT no WO 00/57887 (la demande 887). L’exemple 7 de celle-ci décrit la formation d’un complexe (un ester) de mannitol et de L-p-boronophénylalanine. Il décrit également la lyophilisation de ce complexe. Millennium établit une distinction quant à la demande 887 en faisant observer que l’ester se forme avant la lyophilisation. Millennium soutient que la formation d’ester dans le brevet 146 se déroule pendant la lyophilisation. Cependant, cela semble être une distinction dénuée de sens compte tenu de la thèse soulevée par Teva et par l’expert de Millennium, M. Anderson, avec laquelle je suis d’accord, que la revendication 30 comprend l’ester de mannitol du bortézomib lyophilisé, peu importe si l’ester se forme au cours de la lyophilisation, ou avant.

[256]  Millennium établit également une distinction relativement à la demande 887 parce que celle-ci concerne les acides arylboroniques, qui sont structurellement différents, et ont des propriétés différentes, du bortézomib, qui est un acide alkylboronique. Millennium fait également observer que la demande 887 aborde les questions de solubilité plutôt que de l’instabilité oxydative, et cela implique des modifications du pH. Je ne suis pas convaincu que ces différences sont telles qu’une personne versée dans l’art n’aurait pas tenu compte de la demande 887 et de sa divulgation de la lyophilisation et de la formation d’un ester d’acide boronique, ou n’en aurait pas eu connaissance.

[257]  La différence entre l’antériorité et le concept inventif du composé d’ester de mannitol du bortézomib lyophilisé est l’utilisation du mannitol et de la lyophilisation pour former un ester du bortézomib.

5)  Évidence et essai allant de soi

[258]  La dernière étape de l’analyse de l’évidence consiste à savoir si, abstraction faite de toute connaissance de l’invention alléguée telle que revendiquée, la différence entre l’antériorité et le concept inventif constitue une étape évidente pour la personne versée dans l’art ou dénote quelque inventivité.

[259]  Étant donné que le brevet 146 concerne un domaine d’activité « où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, dans les cas où il peut y avoir de nombreuses variables interreliées avec lesquelles il est possible d’expérimenter », il convient d’appliquer le critère de l’« essai allant de soi ». Comme il est indiqué au paragraphe  [83] ci-dessus, pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention.

[260]  Dans ce cas, la question consiste à savoir s’il était plus ou moins évident de tenter de former un ester de mannitol du bortézomib lyophilisé.

[261]  Quelques facteurs à considérer sont analysés ci-dessous.

a)  Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

[262]  Dans ce cas, une des questions consiste à savoir s’il était plus ou moins évident que l’ester de mannitol du bortézomib lyophilisé serait fructueux quant à la question de l’instabilité du bortézomib.

[263]  Comme il est indiqué au paragraphe  [242] ci-dessus, l’utilisation de la lyophilisation pour traiter l’instabilité aqueuse était bien connue. Bien sûr, il s’agit d’une déclaration générale qui ne tient pas compte de l’autre possibilité connue que la lyophilisation d’une solution de bortézomib et de mannitol puisse entraîner la formation d’un ester (ou de plusieurs esters différents). Cette possibilité introduirait une incertitude additionnelle, mais comme nous l’avons indiqué ci-dessus, la personne versée dans l’art s’attendrait à ce que cette formation d’ester soit facilement réversible. La personne versée dans l’art s’attendrait également à une meilleure stabilité en raison de la lyophilisation.

[264]  À mon avis, il était plus ou moins évident que l’essai serait fructueux. Il n’était pas certain que l’essai réussisse, mais la personne versée dans l’art aurait considéré la probabilité comme étant bonne.

[265]  J’aurais cette opinion même si le concept inventif incluait des propriétés telles que la solubilité améliorée et le taux de dissolution. M. Suryanarayanan a indiqué que l’introduction de mannitol dans le bortézomib aurait dû améliorer le taux de dissolution, peu importe qu’un ester ait été formé ou non. De plus, M. Bachovchin a cité la référence à Gross et Meienhofer mentionnée dans la demande 904 (Erhard Gross et Johannes Meienhofer, dir, The Peptides: Analysis, Synthesis, Biology, Volume 3: Protection of Functional Groups in Peptide Synthesis (New York : Academic Press, 1981), à la page 19) pour l’attente d’une meilleure solubilité de la part des esters d’acides boroniques.

[266]  L’autre question qu’il faut se poser dans le cadre de ce facteur est la question de savoir s’il existe un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art.

[267]  Le défi que devait relever le brevet 146, tel qu’il est défini au paragraphe 5 de celui-ci, était de trouver des formulations de composés d’acide boronique qui se préparent aisément, qui sont bioactives lorsqu’elles sont administrées, et qui présentent une meilleure stabilité que l’acide boronique libre.

[268]  Il existe en effet un nombre limité de façons de relever ce défi. Il n’est pas nécessaire de toutes les recenser. Il suffit de noter que la lyophilisation était un moyen qui serait venu à l’esprit d’une personne versée dans l’art au début du processus. Naturellement, le formulateur préférerait fabriquer une formulation prête à l’emploi. Diverses techniques sont disponibles pour tenter d’améliorer la stabilité d’une telle formulation comme la réfrigération et l’ajout d’excipients. Toutefois, à défaut d’une formulation adéquate prête à l’emploi, je suis d’avis que la personne versée dans l’art considérerait volontiers la lyophilisation, comme l’a fait l’inventeur, M. Stella.

b)  Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

[269]  Comme il est indiqué au paragraphe  [85] ci-dessus, la question relative aux mesures concrètes prises par les inventeurs peut également être examinée dans la présente section.

[270]  Millennium soutient que les inventeurs ont accompli beaucoup de travail sur une période de deux ans, du début de 1997 au début de 1999. Ceci inclut tous les travaux préliminaires qui ont été effectués pour développer une méthode d’analyse, toutes les formulations liquides qui ont été mises à l’essai, et enfin, le travail de lyophilisation.

[271]  Teva fait valoir que certains des travaux effectués par les inventeurs ne devraient pas être considérés parce qu’ils ont été décrits par la suite dans un article, l’étude Wu 2000, qui fait partie de l’antériorité qui est pertinente au brevet 146. Teva soutient que la personne versée dans l’art aurait disposé de l’information contenue dans l’étude Wu 2000 et n’aurait donc pas à répéter ces travaux pour en arriver à la même invention. Pour sa part, Millennium est d’avis que l’examen des mesures concrètes est indépendant de l’antériorité qui était à la disposition de la personne versée dans l’art, et, par conséquent, la publication de l’étude Wu 2000 ne devrait pas être envisagée à cette fin.

[272]  On ne m’a mentionné aucune décision sur la question litigieuse de savoir si la publication de certains des travaux réalisés par les inventeurs dans le cadre de l’antériorité empêche l’examen des mesures concrètes prises par les inventeurs d’être pertinent. À mon avis cependant, je n’ai pas à trancher cette question. Il suffit de noter que, dans la mesure où les mesures concrètes prises par les inventeurs sont devenues partie intégrante de l’antériorité en cause, il devient moins utile de déterminer si la solution fournie par les inventeurs constituait un essai allant de soi à la date de la revendication. Une personne versée dans l’art à la date de la revendication aurait disposé de plus de renseignements et n’aurait pas eu à passer par les mêmes étapes, et faire les mêmes erreurs et construire en vain des châteaux en Espagne, comme ce fut le cas pour les inventeurs. Ce qui n’aurait pas constitué un essai allant de soi pour les inventeurs aurait bien pu l’être pour une personne versée dans l’art à la date de la revendication. Les mesures concrètes prises par les inventeurs peuvent ne pas indiquer les défis que doit relever la personne versée dans l’art.

[273]  Par conséquent, aucune valeur ne doit être accordée en l’espèce à la partie des travaux réalisés par les inventeurs qui a été publiée dans l’étude Wu 2000.

[274]  Les travaux décrits dans l’étude Wu 2000 ne sont pas les seuls travaux réellement effectués par les inventeurs qui diffèrent des travaux qu’une personne versée dans l’art aurait été censée faire. Contrairement à sa pratique habituelle et aux directives qu’il a reçues, M. Stella ne s’est pas livré à une recherche documentaire quand il a commencé son travail au début de 1997. Il a témoigné que ce n’est qu’en août 1997 qu’une recherche documentaire a été effectuée. Même alors, la recherche semble avoir fait défaut, car elle n’a pas permis d’établir le brevet 936, qui est manifestement pertinent et qui a été publié le 9 mai 1996. Il semble que la demande PCT no WO 96/13266 a également été publiée à la même date.

[275]  Compte tenu de ce qui précède, les inventeurs du brevet 146 ne disposaient pas des renseignements dont une personne versée dans l’art aurait disposé. Ce qui est important, c’est l’information concernant la formation possible d’un ester lorsque le bortézomib et le mannitol sont lyophilisés. Les parties conviennent qu’une personne versée dans l’art saurait ceci, alors que M. Stella a témoigné qu’il n’en savait rien.

[276]  Il s’ensuit que les mesures concrètes prises par les inventeurs ne sont pas d’un grand secours quant à la question fondamentale de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art de faire l’essai de la lyophilisation du bortézomib avec du mannitol. Millennium semble le reconnaître au paragraphe 520 de son mémoire présenté à l’instruction.

[277]  Un autre fait important qui limite la pertinence de la durée et des efforts consacrés par les inventeurs est le fait que M. Stella a d’abord pensé à faire l’essai de la lyophilisation relativement tôt dans le cadre de son travail (en juillet 1997). Il n’a pris des mesures à cet effet qu’à partir de novembre, mais seulement parce que M. Gupta, sur qui M. Stella s’est appuyé tant pour le financement que pour la fourniture de bortézomib pour les essais, s’est opposé à l’adoption d’une telle approche. Dès que M. Stella a commencé à travailler sur la lyophilisation, il avait la solution décrite dans le brevet un mois ou deux après. Une première tentative d’utilisation d’une substance connue sous le nom de PVP comme agent gonflant a été suivie d’une deuxième tentative d’utilisation de mannitol, fructueuse celle-là. À mon avis, n’eût été l’opposition de M. Gupta, la solution décrite dans le brevet 146 aurait été découverte plusieurs mois plus tôt.

[278]  Le temps et les efforts consacrés par les inventeurs après décembre 1997 sont également d’une importance limitée parce que le travail consistait simplement à vérifier la stabilité du nouveau composé au fil du temps. Cet essai était courant.

[279]  Enfin, Teva fait valoir un argument convaincant en ce que la quantité de travail effectivement effectuée par les inventeurs peut être plus élevée que ce qui en aurait été autrement le cas parce que l’objectif lié à la solubilité des inventeurs a été modifié à plusieurs reprises. Au début de son travail, M. Stella a déterminé que le bortézomib avait une solubilité de 0,5 à 0,6 mg/mL. Sa cible initiale pour la solubilité de la formulation était de 5 mg/mL. Cette cible a ensuite été réduite à 2,5 mg/mL, puis à 2 mg/mL, et finalement à 1 mg/mL. En conséquence, le mandat d’améliorer la solubilité est passé d’un facteur de 10 à un facteur de 5, puis à un facteur de 4 et finalement, à un facteur de 2. J’en déduis que le travail des inventeurs aurait progressé plus efficacement si la solubilité cible avait été de 1 mg/mL depuis le début.

[280]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le travail nécessaire pour réaliser l’invention du brevet 146 a été principalement effectué durant la période de mars à juillet 1997 (étude des caractéristiques de dissolution et les façons possibles de l’améliorer), et en novembre et décembre 1997 (travail relatif à la lyophilisation). Il est vrai que les inventeurs ne savaient pas qu’ils avaient obtenu la stabilité souhaitée jusqu’à plusieurs mois plus tard, mais le travail impliqué dans la confirmation de ce résultat était simple et courant. En outre, les travaux qui ont été publiés dans l’étude Wu 2000 devraient être supprimés de ce calcul, tout comme le temps perdu en raison de l’objectif de solubilité sans cesse changeant et l’ignorance des inventeurs de l’antériorité.

[281]  M. Stella a décrit de nombreux détails de ses expériences, et a présenté les rapports (plusieurs douzaines) qu’il a envoyés au National Cancer Institute pendant la période du projet. Beaucoup de solutions différentes ont été mises à l’essai, mais il ne semble pas que cette mise à l’essai ait été particulièrement ardue ou soit allée au-delà de ce qui est courant.

c)  L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[282]  M. Stella a témoigné qu’il a vu la lyophilisation comme quelque chose qui devrait être mis à l’essai dans le cadre de son travail. Il a considéré la lyophilisation comme l’un des outils mis à sa disposition pour essayer d’obtenir une formulation utile, et il s’en serait voulu de ne pas essayer. J’en déduis qu’une personne versée dans l’art aurait été du même avis.

[283]  En ce qui concerne l’agent gonflant, il y avait quelques solutions de rechange, mais le mannitol était l’une de celles qui étaient le plus prisées, et l’essai allait de soi.

[284]  Millennium soutient que la personne versée dans l’art n’aurait pas été motivée à mettre à l’essai la lyophilisation du bortézomib et du mannitol en raison de la possibilité qu’un ou plusieurs esters se forment. À mon avis, cette possibilité ne suffirait pas à dissuader une personne versée dans l’art. Cette personne (i) saurait qu’un ester peut ne pas se former, et (ii) s’attendrait à ce que tout ester qui se forme serait facilement réversible.

[285]  Par conséquent, je suis d’avis qu’il y avait effectivement un motif pour mettre à l’essai la lyophilisation du bortézomib et du mannitol.

d)  Conclusion concernant l’évidence

[286]  Comme il est indiqué au paragraphe  [83] ci-dessus, la simple possibilité que quelque chose puisse se produire est insuffisante pour établir qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. En revanche, la certitude n’est pas requise. Un certain degré d’incertitude est permis dans une analyse du critère de l’essai allant de soi.

[287]  Pour les motifs exposés ci-dessus, je suis d’avis que la solution fournie par le brevet 146, la lyophilisation du bortézomib et du mannitol, aurait constitué un essai allant de soi. Il allait de soi d’essayer la lyophilisation et, une fois la décision prise, il allait de soi qu’un agent gonflant se révélait nécessaire. De plus, il allait de soi d’essayer le mannitol comme agent gonflant.

[288]  Comme pour le brevet 936, je suis d’avis que le succès commercial de Velcade ne permet pas aux revendications en cause du brevet 146 d’éviter un constat d’évidence. Même si l’ester de mannitol du bortézomib qui est revendiqué dans le brevet 146 était nécessaire pour assurer le succès de Velcade, il n’était pas suffisant. La preuve indique que les propriétés améliorées de la solubilité et le taux de dissolution, qui ont contribué de façon importante au succès de Velcade à titre de produit commercial pratique, sont le résultat d’un fort excès de mannitol dans la formulation. Le concept inventif des revendications en cause du brevet 146 ne prévoit pas un tel excès de mannitol. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas de lien causal entre le concept inventif du brevet 146 et le succès commercial.

[289]  Avant de conclure cette section, je saisis cette occasion pour faire quelques commentaires au sujet de la décision de la CAFC qui a confirmé la validité du brevet américain qui correspond au brevet 146. En particulier, je tiens à souligner quelques différences importantes entre la présente affaire et celle dont a été saisie la CAFC qui, selon moi, réduit son caractère persuasif.

[290]  Premièrement, la norme qui doit être respectée pour invalider un brevet aux États-Unis semble différente. Au Canada, une partie qui conteste la validité d’un brevet doit prouver le bien-fondé de sa cause selon la prépondérance des probabilités. Selon la décision de la CAFC, il appert que l’invalidité d’un brevet américain doit être établie selon une preuve claire et convaincante. Je crois comprendre qu’il s’agit d’une norme plus élevée que la preuve selon la prépondérance des probabilités : Microsoft Corp v i4i Limited Partnership et al., 564 US 91 (2011), 131 S CT 2238.

[291]  Une autre différence importante entre la présente affaire et celle dont a été saisie la CAFC est la connaissance qu’a la personne versée dans l’art de la question de savoir si un ester peut se former lorsque le bortézomib et le mannitol sont lyophilisés. La décision de la CAFC est fondée sur le fait que la personne versée dans l’art n’était pas au courant de cette possibilité, alors que les parties conviennent en l’espèce que, peu importe si la personne versée dans l’art comprend un chimiste médical, cette personne aurait était au courant de la possibilité qu’un ester puisse se former.

[292]  Une troisième différence importante concerne les caractéristiques de la personne versée dans l’art. Aux États-Unis, la personne versée dans l’art semble être un formulateur sans l’apport d’un chimiste médical. Cela explique la conclusion de la CAFC que la personne versée dans l’art ne serait pas au courant de la possibilité qu’un ester se forme. Il semble qu’aucun argument n’a jamais été présenté selon lequel un chimiste médical ferait partie de l’équipe. Comme il a été indiqué ci-dessus, Teva a soulevé cet argument dans la présente affaire, et je l’ai accepté.

[293]  Une quatrième différence importante concerne l’antériorité qui a été jugée pertinente. La CAFC a déclaré que [traduction] « [a]ucune référence n’indique ou ne laisse entrevoir la formation d’ester dans des conditions de déshydratation par congélation ». La CAFC a également déclaré qu’aucune des antériorités citées [traduction] « propose la lyophilisation en présence de mannitol pour produire un nouveau composé ». Teva soutient que ces deux déclarations indiquent que la CAFC n’a pas considéré la demande 887 à titre d’antériorité, puisque la demande 887 décrit la lyophilisation et la formation d’un complexe ester de mannitol et d’un acide boronique (voir le paragraphe  [255] ci-dessus). Il n’est pas surprenant que la CAFC n’ait pas considéré la demande 887 à titre d’antériorité puisqu’elle a été publiée le 5 octobre 2000, soit plusieurs années après la date présumée de l’invention revendiquée de décembre 1997. Il semble que la demande 887 constitue une antériorité dans la présente affaire, mais pas aux États-Unis.

[294]  Ces différences importantes me donnent des raisons de ne pas être persuadé par le raisonnement et les conclusions de la CAFC.

C.  Brevet 706 : Interprétation des revendications

[295]  Avant d’attaquer la présente section, je tiens à préciser qu’on ne m’a pas fait part de décision d’un tribunal, du Canada ou d’ailleurs, qui a examiné le brevet 706 ou tout autre brevet étranger correspondant.

[296]  Comme nous l’avons indiqué au paragraphe  [63] ci-dessus, l’interprétation des revendications doit précéder l’examen des questions portant sur la validité et la contrefaçon. Par conséquent, c’est donc là que commence l’analyse du brevet 706.

[297]  Comme il est indiqué au paragraphe  [61] ci-dessus, le brevet 706 comprend cinq revendications, parmi lesquelles la revendication 1 est la seule qui est indépendante. La revendication 1 décrit un processus en quatre étapes en vue de la production à grande échelle du bortézomib ou d’un anhydride d’acide boronique de celui-ci. La revendication 1 couvre plus de trois pages et est reproduite dans son intégralité, au même titre que les autres revendications du brevet 706, et figure à l’annexe à la fin de la présente décision.

[298]  Aux fins de l’interprétation des revendications, il sera utile de traiter individuellement du préambule et de chacune des quatre étapes de la revendication 1. Les étapes sont identifiées comme étant (aa), (bb), (cc) et (dd). En discutant de l’interprétation des revendications, je vais garder à l’esprit le principe selon lequel « il est essentiel de voir où le bât blesse, de manière à pouvoir se concentrer sur les points importants » : Shire BioChem Inc. c Canada (Ministre de la santé), 2008 CF 538, au paragraphe 21; Nokia v InterDigital Technology Corporation, [2007] EWHC 3077 (Pat du Royaume-Uni). Par conséquent, je vais axer mon analyse sur les aspects des revendications à l’égard desquelles les parties sont en désaccord.

[299]  Bien sûr, afin de bien interpréter les revendications du brevet 706, il faut déterminer qui est la personne versée dans l’art à qui s’adresse le brevet.

1)  Personne versée dans l’art

[300]  Les parties conviennent que la personne versée dans l’art à qui s’adresse le brevet 706 serait titulaire d’un diplôme d’études supérieures en chimie organique synthétique et compterait quelques années d’expérience. Il ne semble pas y avoir de contestation selon laquelle la personne versée dans l’art devrait posséder certaines connaissances en chimie du bore.

[301]  L’expert de Millennium, M. Barrett, a estimé que la personne versée dans l’art devrait aussi compter une expérience dans la mise à l’échelle. L’expert de Teva, M. Kabalka, a laissé entendre qu’un chimiste qui travaille dans un contexte industriel pensera en fonction d’une production à grande échelle même s’il n’est pas personnellement engagé dans le processus de mise à l’échelle. Je suis d’accord. À mon avis, même si de l’expérience au sein d’un groupe de mise à l’échelle peut être utile, elle n’est pas nécessaire pour la personne versée dans l’art.

2)  Le terme « à grande échelle »

[302]  Le premier sujet de désaccord entre les parties concernant l’interprétation des revendications du brevet 706 concerne le terme « à grande échelle » qui figure dans le préambule de la première revendication.

[303]  Certes, ce terme est vague sans un certain contexte. Par conséquent, il est permis de recourir à la divulgation du brevet 706 pour en comprendre le sens. Heureusement, la divulgation est d’une certaine utilité. Le paragraphe 31 de celle-ci énonce ce qui suit : [traduction] « Tel qu’il est utilisé dans les présentes, le terme « à grande échelle » renvoie à une réaction qui utilise au moins environ cinq moles d’au moins un produit de départ ». Teva s’appuie sur cette définition.

[304]  Millennium soutient qu’il y a plus. Millennium fait observer que la définition susmentionnée est immédiatement précédée d’une phrase qui renvoie au paragraphe précédent de la divulgation : [traduction] « Le solvant d’éther est de préférence celui qui est approprié en vue d’un usage courant dans la production à grande échelle ». Millennium note que le paragraphe précédent, ainsi que la majeure partie du brevet 706, concerne une invention distincte qui a été incluse dans la divulgation du brevet 706, mais qui a ensuite été revendiquée dans une demande de brevet complémentaire distincte. Cette autre invention concernait d’autres étapes du processus de fabrication qui précèdent celles qui sont revendiquées dans le brevet 706. Millennium soutient que le terme « produit de départ » devrait être compris comme renvoyant au début du processus plus large, et pas seulement au processus revendiqué dans le brevet 706.

[305]  Malheureusement, l’argument de Millennium à cet égard n’est pas étayé par la preuve. Millennium cite le témoignage de M. Barrett dans lequel il a discuté de l’interprétation du terme « à grande échelle ». Toutefois, il n’a pas dit que le terme « à grande échelle » devrait être interprété comme renvoyant au produit de départ au début du processus plus large non revendiqué dans le brevet 706. Je conclus que le « produit de départ » renvoie au produit au début du processus qui est revendiqué dans le brevet 706.

[306]  M. Barrett a souligné d’autres passages du brevet 706 qui contribuent au sens du terme « à grande échelle ». Par exemple, il cite le passage suivant tiré du paragraphe 8 : [traduction« Notamment, les processus décrits dans les présentes conviennent à la production par lots à une grande échelle de plusieurs kilogrammes qui n’est limitée que par la taille des capacités de fabrication disponibles ». Il cite également le paragraphe 25 qui énonce ce qui suit : [traduction] « En substance, l’ampleur de la réaction est limitée seulement par la taille des capacités de fabrication disponibles ». M. Barrett a estimé que le terme « à grande échelle » devrait être interprété comme renvoyant à la quantité de produits nécessaire pour approvisionner le marché, et que cette quantité serait plus petite dans le cas d’un ingrédient actif très puissant comme le bortézomib qui compte une si petite dose efficace.

[307]  À mon avis, les passages cités ci-dessus des paragraphes 8 et 25 du brevet 706 n’atténuent pas ni ne modifient la définition prévue au paragraphe 31. Ces passages servent essentiellement à souligner qu’il n’y a pas de limite supérieure précise à l’échelle envisagée dans le brevet 706. En revanche, la définition figurant au paragraphe 31 prévoit une limite inférieure à l’échelle. Cette définition s’applique au terme « à grande échelle ».

3)  Étape (aa)

[308]  L’étape (aa) définit le couplage de deux composés pour former un dipeptide en utilisant trois étapes, (i), (ii) et (iii). À l’étape (i), les deux composés sont couplés [traduction] « en présence de tétrafluoroborate 2-(1H-benzotriazol-1-yl)-1, 1, 3, 3-tétraméthyluronium (TBTU) et une amine tertiaire dans le dichlorométhane ». L’étape (ii) consiste à [traduction] « effectuer un échange de solvant pour remplacer le dichlorométhane par de l’acétate d’éthyle » L’étape (iii) consiste à [traduction] « effectuer un lavage aqueux de la solution d’acétate d’éthyle ».

[309]  Millennium soutient que les éléments suivants de l’étape (aa) ne sont pas essentiels :

  1. Le dichlorométhane à l’étape (i);
  2. Remplacer le dichlorométhane par de l’acétate d’éthyle à l’étape (ii); et
  3. L’acétate d’éthyle à l’étape (iii).

[310]  La position de Millennium sur ces points se fonde sur le témoignage de M. Barrett selon lequel, bien que le dichlorométhane et l’acétate d’éthyle soient privilégiés, la personne versée dans l’art aurait su que d’autres solvants pourraient être utilisés sans modifier la façon dont l’invention fonctionne.

[311]  Pour déterminer si un élément de revendication est essentiel, je dois me tourner vers le passage de Free World Trust cité au paragraphe  [70] ci-dessus. Pour déterminer qu’un élément est considéré comme non essentiel, la première question est de savoir si, suivant une interprétation téléologique des termes de la revendication, l’inventeur ne le concevait manifestement pas comme essentiel;

[312]  L’étape (aa) emploie les termes « dichlorométhane » et « acétate d’éthyle ». Je n’ai pas entendu d’argument selon lequel ces termes peuvent avoir des significations différentes. Je comprends que ces termes sont clairs et sans ambiguïté, et je ne vois aucune raison de conclure que les inventeurs ont voulu qu’ils soient interprétés de façon à englober des composés autres que le « dichlorométhane » ou l’« acétate d’éthyle » tout simplement parce que la personne versée dans l’art aurait su que d’autres solvants pouvaient être utilisés. En fait, l’utilisation de ces termes lorsque d’autres solutions de rechange étaient disponibles laisse entendre, à mon avis, que les inventeurs avaient l’intention de limiter la portée de l’étape (aa) à ces composés.

[313]  De plus, l’étape (ii) de l’étape (aa) définit explicitement l’exécution d’un échange de solvant. Je ne vois aucune raison de conclure que les inventeurs auraient inclus cette étape dans la revendication 1 s’ils l’avaient considérée comme non essentielle. Son inclusion laisse entrevoir son caractère essentiel.

[314]  Je ne peux pas conclure que les mots de la revendication à l’égard desquels Millennium fait valoir le caractère non essentiel n’étaient manifestement pas voulus comme étant essentiels; Cela suffit à conclure que les éléments de la revendication en cause sont essentiels.

[315]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire de répondre à la deuxième question de Free World Trust, je le fais ici. La deuxième question est celle de savoir si, à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l’art aurait constaté qu’un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l’invention. Pour répondre à cette question, je dois examiner si un travailleur versé dans l’art, étant informé à la fois de l’élément précisé dans la revendication et de la variante, conclurait qu’il travaillerait manifestement de la même manière, c’est-à-dire qu’il exercerait essentiellement la même fonction, d’une manière essentiellement identique, pour obtenir essentiellement le même résultat.

[316]  La variante fournie par les processus de Teva ne fonctionne pas |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||. Teva précise un certain nombre de différences dans la façon dont le processus fonctionne lorsqu’un |||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Je ne dois traiter que d’une seule. Le dichlorométhane est plus lourd que l’eau, tandis que l’acétate d’éthyle est plus léger que l’eau. Par conséquent, lorsque la couche aqueuse (qui contient des impuretés) doit être enlevée, elle se trouve sur le dessus du flacon lorsque le dichlorométhane est utilisé, mais dans le fond du flacon lorsque c’est l’acétate d’éthyle qui est utilisé. L’enlèvement de la couche aqueuse résiduaire s’avère plus simple lorsque celle-ci peut être simplement drainée à partir du fond du flacon. Si la couche aqueuse résiduaire se trouve plutôt sur le dessus, alors la solution souhaitée doit d’abord être enlevée et mise de côté en vue du remplacement ultérieur dans le flacon après que la couche aqueuse eut été enlevée. M. Bishop, ainsi que la documentation de Millennium, décrivent tous deux cette étape supplémentaire comme étant fastidieuse.

[317]  À mon avis, la variante de Teva fonctionne d’une manière essentiellement différente, et donc, son utilisation a une incidence importante sur le fonctionnement de l’invention. Il s’agit là d’un motif additionnel pour conclure que les éléments de revendication à l’étape (aa) indiqués par Millennium sont essentiels.

4)  Étape (bb)

[318]  L’étape (bb) définit la suppression d’un groupe protecteur sur l’extrémité N-terminale à partir du composé fabriqué à l’étape (aa). L’étape (bb) comporte trois étapes : (i), (ii) et (iii). L’étape (i) consiste à traiter le composé avec de l’acide chlorhydrique dans l’acétate d’éthyle. L’étape (ii) consiste à ajouter de l’heptane. L’étape (iii) consiste à isoler par cristallisation le composé qui en résulte à titre de sel d’addition de l’acide chlorhydrique.

[319]  Millennium soutient que les éléments suivants ne sont pas essentiels :

  1. L’acétate d’éthyle à l’étape (i);
  2. L’heptane à l’étape (ii); et
  3. Le sel d’addition acide à l’étape (iii).

[320]  Tout comme en ce qui concerne l’étape (aa), la thèse de Millennium sur ces points se fonde sur l’affirmation selon laquelle la personne versée dans l’art aurait su qu’il y avait des solutions de rechange qui pourraient être utilisées sans changer la façon dont l’invention fonctionne. Comme en ce qui concerne l’étape (aa), je peux trancher la question du caractère essentiel en me demandant si le lecteur versé dans l’art aurait compris, à la lecture de la teneur de la revendication, que le breveté considérait qu’une stricte adhésion au sens premier constituait une condition essentielle de l’invention. Comme à l’étape (aa), je ne vois aucune ambiguïté dans les termes utilisés à l’étape (bb) qui mènerait à la conclusion selon laquelle ils englobent un éventail de solutions de rechange. L’étape (bb) exige explicitement l’utilisation de l’acétate d’éthyle, de l’heptane et du sel d’addition d’acide chlorhydrique. M. Barrett a estimé que l’« heptane » pourrait prévoir divers isomères autres que le n-heptane. Il ne serait pas avantageux d’explorer cette opinion parce qu’il n’y a aucune allégation selon laquelle les processus de Teva ont utilisé de tels isomères. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[321]  À mon avis, les éléments invoqués par Millennium sont essentiels.

5)  Étape (cc)

[322]  L’étape (cc) définit le couplage du composé résultant de l’étape (bb) avec un réactif pour introduire un groupe protecteur N‑terminal du pyrazinecarbonyle en utilisant les mêmes trois étapes définies à l’étape (aa) : (i) effectuer le couplage en présence de TBTU et d’une amine tertiaire dans le dichlorométhane, (ii) effectuer un échange de solvant pour remplacer le dichlorométhane par de l’acétate d’éthyle, et (iii) effectuer un lavage aqueux de la solution d’acétate d’éthyle.

[323]  Millennium fait les mêmes affirmations quant au caractère non essentiel en ce qui concerne l’étape (cc) comme elle le fait en ce qui concerne l’étape (aa). J’en arrive aux mêmes conclusions en l’espèce.

[324]  À mon avis, les éléments invoqués par Millennium sont essentiels.

6)  Étape (dd)

[325]  L’étape (dd) définit la déprotection du fragment d’acide boronique sur le composé résultant de l’étape (cc) à l’aide de quatre étapes : (i), (ii), (iii) et (iv). L’étape (i) consiste à fournir un mélange biphasique de ce composé, un récepteur d’acide organique, un alkanol inférieur, un solvant d’hydrocarbure C5-8, et un acide minéral aqueux. L’étape (ii) consiste à remuer le mélange pour produire le bortézomib. L’étape (iii) consiste à séparer les couches de solvant. L’étape (iv) consiste à en extraire du bortézomib ou un anhydride d’acide boronique pour les introduire dans un solvant organique.

[326]  Millennium n’a fait aucune affirmation quant au caractère non essentiel en ce qui concerne quelque partie que ce soit de l’étape (dd). Par conséquent, tous les éléments de l’étape (dd) sont considérés comme essentiels.

7)  Revendication 2

[327]  La revendication 2 dépend de la revendication 1 et définit le réactif de l’étape (cc) comme étant l’acide 2-pyrazine carboxylique.

[328]  Millennium n’a fait aucune affirmation quant au caractère non essentiel en ce qui concerne la revendication 2. Par conséquent, l’acide 2‑pyrazine carboxylique est essentiel pour la revendication 2.

8)  Revendication 3

[329]  La revendication 3 dépend de la revendication 2 et définit quatre étapes à l’étape (dd) (iii) de la revendication 1 (séparation des couches de solvant). Ces étapes sont (1) la séparation des couches de solvant, (2) le rajustement de la couche aqueuse au pH basique, (3) le lavage de la couche aqueuse avec un solvant organique, et (4) le rajustement de la couche aqueuse à un pH inférieur à 8.

[330]  Millennium n’a fait aucune affirmation quant au caractère non essentiel en ce qui concerne la revendication 3. Par conséquent, toutes les étapes définies dans la revendication 3 sont essentielles à celle-ci.

9)  Revendication 4

[331]  La revendication 4 dépend de la revendication 3 et précise que le composé visé à l’étape (dd) (iv) de la revendication 1 est extrait en vue d’être introduit dans le dichlorométhane, le solvant est échangé contre de l’acétate d’éthyle et le composé est cristallisé par l’addition d’hexane ou d’heptane.

[332]  Comme dans les étapes (aa), (bb) et (cc) de la revendication 1, Millennium soutient que certains éléments ajoutés à la revendication 4 ne sont pas essentiels. Plus précisément, semblablement à la revendication 1, M. Barrett a estimé que le remplacement du dichlorométhane par l’acétate d’éthyle et l’utilisation de l’hexane ou de l’heptane dans la cristallisation ne sont pas essentiels parce que la personne versée dans l’art aurait su qu’il y avait des solutions de rechange qui pourraient être utilisées sans changer la façon dont l’invention fonctionne. Il soutient également que le n-heptane n’est pas essentiel.

[333]  Mon opinion est identique à celle qui a été formulée plus tôt. Les termes en question sont clairs et sans ambiguïté, et je ne vois aucune raison de les interpréter de façon à englober d’autres composés ou de les retrancher. Les éléments en question sont essentiels.

10)  Revendication 5

[334]  La revendication 5 dépend de la revendication 3 et précise l’anhydride d’acide boronique découlant de l’étape (dd) de la revendication 1 est la boroxine, et que ladite boroxine (tout comme pour la revendication 4) est extraite en vue d’être introduite dans le dichlorométhane, le solvant est échangé contre l’acétate d’éthyle et le composé est cristallisé par l’addition d’hexane ou d’heptane.

[335]  Millennium fait valoir les mêmes arguments quant au caractère non essentiel des éléments de la revendication 5 comme ce fut le cas pour la revendication 4. Ma conclusion est la même : tous les éléments de la revendication 5 sont essentiels à celle-ci.

D.  Brevet 706 : Contrefaçon par le Teva-bortézomib

[336]  Les mesures prises dans le processus de fabrication du Teva-bortézomib ne soulèvent aucune contestation. Millennium convient que, pour démontrer que la fabrication du Teva-bortézomib contrefait le brevet 706, elle doit avoir gain de cause quant à l’interprétation du terme « à grande échelle » et quant à ses affirmations liées au caractère non essentiel de divers éléments des revendications. Comme il est indiqué dans la section précédente, Millennium a tout à fait échoué à cet égard. En ce qui concerne le terme « à grande échelle », Millennium n’affirme pas que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| d’un produit est utilisé au début de l’étape (aa) du processus de fabrication du Teva-bortézomib comme il est prévu dans la revendication 1. En outre, Millennium n’affirme pas que le processus de fabrication du Teva-bortézomib intègre tous les éléments de la revendication 1 qu’il prétend non essentiels.

[337]  Il s’ensuit donc que le procédé de fabrication du Teva-bortézomib ne porte pas atteinte à la revendication 1 du brevet 706. Puisque toutes les revendications 2 à 5 dépendent de la revendication 1, il s’ensuit également qu’aucune de ces revendications n’est contrefaite.

E.  Brevet 706 : Contrefaçon par le Act-bortézomib

[338]  Comme pour le processus de fabrication du Teva­bortézomib, les mesures prises dans le processus de fabrication du Act-bortézomib ne soulèvent aucune contestation. Une différence importante entre le processus de fabrication du Act-bortézomib et le processus de fabrication du Teva-bortézomib est que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||| S’appuyant sur l’avis de son expert, M. Barrett, Millennium fait valoir que le processus de fabrication du Act-bortézomib constitue par conséquent un processus à grande échelle, même si la définition au paragraphe 31 du brevet 706 est considérée comme étant limitative.

[339]  Le paragraphe 31 de celle-ci énonce ce qui suit : [traduction] « Tel qu’il est utilisé dans les présentes, le terme « à grande échelle » renvoie à une réaction qui utilise au moins environ cinq moles d’au moins un produit de départ ». |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| L’expert de Teva, M. Kabalka, a estimé que ce |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||| ne peut pas être considéré en vue de déterminer si une réaction est à grande échelle parce que le brevet 706 explique que l’un des avantages du procédé breveté est d’éviter la répétition inefficace des processus à petite échelle.

[340]  Dans son rapport d’expert en réponse, M. Barrett n’a pas répondu à cet aspect de l’avis de M. Kabalka autrement qu’en affirmant que son opinion était demeurée inchangée.

[341]  Je suis d’accord avec le raisonnement de M. Kabalka et je fais mienne son opinion selon laquelle le processus de fabrication du Act-bortézomib n’est pas un processus à grande échelle.

[342]  Même si je me trompe sur la question de savoir si le processus de fabrication du Act-bortézomib est un processus à grande échelle, je conclus néanmoins qu’il ne porte pas atteinte aux revendications du brevet 706 parce que, comme le processus de fabrication du Teva-bortézomib, il n’intègre pas tous les éléments de la revendication 1 que Millennium prétend non essentiels, mais qui sont en réalité indispensables.

F.  Brevet 706 : évidence

[343]  Comme il est indiqué dans la section précédente, j’ai conclu dans mon analyse de la contrefaçon que plusieurs éléments essentiels des revendications du brevet 706 sont absents des processus prétendument contrefaits de Teva, et ne constituent donc pas des contrefaçons. Il en découle que la demande reconventionnelle dans la présente action sera rejetée. Étant donné que l’allégation d’évidence du brevet 706 de Teva est en défense contre la demande reconventionnelle, il n’est pas nécessaire pour moi d’en arriver à une conclusion quant à l’évidence. Par conséquent, je ne me pencherai pas sur cette question.

VII.  Conclusion

[344]  Dans la section portant sur l’analyse ci-dessus, j’ai conclu ce qui suit :

  1. Les revendications en litige du brevet 936 sont invalides pour cause d’évidence;
  2. Les revendications en litige du brevet 146 sont invalides pour cause d’évidence; et
  3. Les processus de fabrication du Teva-bortézomib et du Act-bortézomib ne contrefont pas le brevet 706.

[345]  Il s’ensuit que Teva a réussi à faire valoir le bien-fondé de sa demande d’indemnisation en application de l’article 8 du Règlement, et Millennium et les autres demandeurs reconventionnels ont échoué dans leur demande reconventionnelle en vue d’obtenir diverses réparations (y compris les dommages-intérêts) pour la contrefaçon alléguée des brevets 936, 146 et 706.

[346]  Je comprends que les parties ont convenu que le montant de l’indemnité auquel Teva a droit est celui qui est énoncé dans le procès-verbal du règlement partiel qu’ils ont signé le 20 décembre 2017. À mon avis, il n’est pas nécessaire que mon jugement traite du montant de l’indemnité puisqu’il n’y a pas de désaccord à ce sujet.

[347]  Je voudrais saisir cette occasion avant de conclure pour remercier les parties d’avoir réglé plusieurs questions et de s’être concentrées sur les véritables questions en litige. Je tiens également à remercier les avocats d’avoir coopéré dans l’introduction efficace de la preuve, permettant ainsi que l’instruction de la présente action se déroule sans heurts et qu’elle se termine plus tôt que prévu.

[348]  Teva a droit à ses dépens. Si les deux parties ne peuvent pas s’entendre sur le montant des dépens, je recevrai les observations des parties comme le prévoit le jugement qui suit.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-944-15

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. L’action en dommages-intérêts instituée en application de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) est accueillie.

  2. La demande reconventionnelle est rejetée.

  3. Les dépens suivront l’issue de la cause. Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur le montant des dépens, la demanderesse devra signifier et déposer ses observations sur les dépens, ne comptant pas plus de 12 pages, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision. Les défenderesses et les demanderesses disposeront de 15 jours à compter de la réception des observations de la demanderesse pour signifier et déposer leurs observations complémentaires sur les dépens qui seront limitées à 15 pages. Par la suite, la demanderesse peut, dans les cinq (5) jours suivant la réception des observations complémentaires, signifier et déposer des observations sur les dépens en réponse ne comptant pas plus de trois (3) pages.

« George R. Locke »

Juge


ANNEXE

REVENDICATIONS :

  1. Un processus à grande échelle pour préparer un composé de formule (XIV);

(XIV)

ou un anhydride d’acide boronique de celui-ci qui comprend les étapes suivantes :

(aa) couplage d’un composé de formule (XVIII) :

(XVIII)

ou l’un de ses sels d’addition avec un acide, avec un composé de formule (XIX) :

(XIX)

et où :

P1 est un groupement aminé fractionnable protégeant le fragment; et

X représente OH ou un groupe sortant;

pour former un composé de formule (XX) :

(XX)

où P1 est tel que défini ci-dessus, ladite étape de couplage (aa) comprenant les étapes suivantes :

(i)  coupler le composé de formule (XVIII) avec un composé de formule (XIX), où X représente OH ou un groupe sortant, en présence de tétrafluoroborate 2-(1H-benzotriazol-1-yl)-1, 1, 3, 3-tétraméthyluronium (TBTU) et une amine tertiaire dans le dichlorométhane;

(ii)  effectuer un échange de solvant pour remplacer le dichlorométhane par de l’acétate d’éthyle; et

(iii)  effectuer un lavage aqueux de la solution d’acétate d’éthyle;

(bb) retirer le groupe protecteur P1 pour former un composé de formule (XXI) :

(XXI)

ou un sel d’addition acide de ce composé, ledit groupe protecteur retirant l’étape (bb) qui comprend les étapes suivantes :

(i)  traiter le composé de formule (XX) avec l’acide chlorhydrique dans l’éthyle acétate;

(ii)  ajouter de l’heptane au mélange réactif; et

(iii)  isoler par cristallisation le composé de formule (XXI) qui en résulte à titre de sel d’addition de l’acide chlorhydrique;

(cc) coupler le composé de formule (XXI) avec un réactif de formule (XXII)

(XXII)

où X représente OH ou un groupe sortant, pour former un composé de formule (XXIII) :

(XXIII)

ladite étape de couplage (cc) comprenant les étapes suivantes :

(i)  coupler le composé de formule (XXI) avec un réactif de formule (XXII), en présence de TBTU et une amine tertiaire dans le dichlorométhane;

(ii)  effectuer un échange de solvant pour remplacer le dichlorométhane par de l’acétate d’éthyle; et

(iii)  effectuer un lavage aqueux de la solution d’acétate d’éthyle; et

(dd) déprotéger le fragment d’acide boronique pour former un composé de formule (XIV) ou un anhydride d’acide boronique de celui-ci, ladite étape de déprotection (dd) comprenant les étapes suivantes :

(i)  fournir un mélange biphasique du composé de formule (XXIII), un récepteur d’acide boronique organique, un alkanol inférieur, un solvant d’hydrocarbure C5-8, et un acide minéral aqueux;

(ii)  remuer le mélange biphasique pour produire le composé de formule (XIV);

(iii)  séparer les couches de solvant; et

(iv)  extraire le composé de formule (XIV), ou un anhydride d’acide boronique de celui-ci pour les introduire dans un solvant organique.

  1. Le procédé de la revendication 1, dans laquelle le réactif (XXII) est l’acide 2-pyrazine carboxylique.

  2. Le procédé de la revendication 2 dans laquelle l’étape (dd) (iii) comprend les étapes suivantes :

1)  séparer les couches de solvant;

2)  rajuster la couche aqueuse au pH basique;

3)  laver la couche aqueuse avec un solvant organique; et

4)  rajuster la couche aqueuse à un pH inférieur à 8.

  1. Le procédé de la revendication 3, dans laquelle l’étape (dd) (iv), le composé de formule (XIV) :

(XIV)

ou un anhydride d’acide boronique de ce composé, est extrait en vue d’être introduit dans le dichlorométhane, le solvant est échangé contre l’acétate d’éthyle et le composé de formule (XIV), ou un anhydride d’acide boronique de ce composé, est cristallisé par l’addition d’hexane ou d’heptane.

  1. Le procédé de la revendication 3, dans laquelle l’étape (dd) (iv), l’anhydride d’acide boronique du composé de formule (XIV) :

(XIV)

est un anhydride d’acide boronique trimère cyclique de formule (XXIV) :

(XXIV)

et où l’anhydride d’acide boronique trimère cyclique de formule (XXIV) est extrait en vue d’être introduit dans le dichlorométhane, le solvant est échangé contre l’acétate d’éthyle, puis l’anhydride d’acide boronique trimère cyclique de formule (XXIV) est cristallisé par l’addition d’hexane ou d’heptane.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-944-15

INTITULÉ :

TEVA CANADA LIMITÉE c JANSSEN INC. ET MILLENNIUM PHARMACEUTICALS, INC. ET MILLENNIUM PHARMACEUTICALS INC., JANSSEN INC., CILAG GMBH INTERNATIONAL, CILAG AG ET JANSSEN PHARMACEUTICA NV c LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE REPRÉSENTÉS PAR LE DEPARTEMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICES ET TEVA CANADA LIMITED

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

30 et 31 janvier 2018

du 6 au 28 février 2018

du 1er au 9 mars 2018

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS :

LE JUGE LOCKE

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JUILLET 2018

COMPARUTIONS :

David W. Aitken

Marcus Klee

Bryan Norrie

Jonathan Giraldi

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Jamie Mills

Beverley Moore

Chantal Saunders

Pour la défenderesse/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

MILLENNIUM PHARMACEUTICALS, INC.

Jamie Mills

Beverley Moore

Chantal Saunders

Andrew Skodyn

Melanie Baird

POUR LES DÉFENDERESSES

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

JANSSEN INC., CILAG GMBH INTERNATIONAL, CILAG AG et JANSSEN PHARMACEUTICA NV

Kiernan Murphy

Benjamin Pearson

Breveté ajouté en application

du paragraphe 55(3) de la Loi sur les brevets

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aitken Klee LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour la défenderesse/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

MILLENNIUM PHARMACEUTICALS, INC.

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Avocats

Ottawa (Ontario)

et

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

JANSSEN INC., CILAG GMBH INTERNATIONAL, CILAG AG et JANSSEN PHARMACEUTICA NV

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

Breveté ajouté en application

du paragraphe 55(3) de la Loi sur les brevets

 

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