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Date : 20180810


Dossier : T-159-17

Référence : 2018 CF 825

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 août 2018

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

DAVID M. ROBINSON

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  APERÇU

[1]  Le demandeur, M. David M. Robinson (M. Robinson) sollicite, en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985 c F‑7, le contrôle judiciaire d’une décision rendue par René Phaneuf (le décideur), un chef d’équipe du Centre d’expertise d’allègement pour les contribuables au sein de la Direction générale des appels de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), agissant en tant que dépositaire du pouvoir du ministre du Revenu national (le ministre). Le décideur a examiné la demande d’allègement au second palier de M. Robinson, par laquelle il sollicite le réexamen de la décision d’allègement au premier palier, soit le refus de la demande d’allègement des pénalités et des intérêts ayant été imposés en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985 c 1 (5e suppl.) (la LIR) relativement à l’année d’imposition 2008.

[2]  Dans sa lettre du 3 janvier 2017, le décideur a informé M. Robinson qu’il n’exercerait pas son pouvoir discrétionnaire pour annuler des pénalités ou des intérêts autres que ce qui avait déjà été annulé relativement à l’année d’imposition de 2008 de M. Robinson ni pour y renoncer (la décision).

[3]  M. Robinson affirme que le décideur a commis une erreur susceptible de révision, car il n’a pas examiné certains faits et a mal interprété certains autres, lesquels auraient pu avoir une incidence sur la question de savoir si un allègement aurait dû être accordé.

[4]  Dans son avis de demande, M. Robinson soutient en outre que l’ARC a peut-être manqué à ses obligations de diligence et à celles prévues par la loi et qu’elle a peut-être agi de mauvaise foi ou de façon répréhensible. Ces allégations n’ont pas été soulevées à l’audience.

[5]  M. Robinson demande que la décision soit déclarée déraisonnable et à ce que notre Cour rende une ordonnance qui annule tous les intérêts et toutes les pénalités ou renvoie la décision à l’ARC pour réexamen. Il demande également que notre Cour ordonne un sursis des recouvrements dans l’intervalle, la libération des titres ou des privilèges y afférents et l’attribution des dépens sur la base avocat-client.

[6]  Le ministre s’oppose à la demande. Il est d’avis que la décision rendue par le décideur de ne pas accorder d’allègement était raisonnable puisque M. Robinson n’a pas déposé sa déclaration 2008 à temps ou dans les délais accordés par diverses prolongations. Le ministre soutient en outre que tous les délais ultérieurs découlant des actions de l’ARC ne changent pas le fait que M. Robinson n’a pas déposé sa déclaration à temps et n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que l’imposition d’intérêts et de pénalités lui occasionnerait des difficultés financières. De plus, le ministre soutient que les considérations et la conclusion du décideur sont raisonnables compte tenu des lignes directrices administratives relativement à l’allègement pour les contribuables.

[7]  La présente demande est rejetée pour les motifs qui suivent. La décision était raisonnable, ce qui est le cas également de la recommandation reçue par le décideur et énoncée sur la fiche de renseignements concernant l’allègement (la fiche de renseignements) avant la prise de décision. Elle a tenu compte adéquatement des circonstances personnelles de M. Robinson et des dispositions d’allègement pour les contribuables énoncées dans les lignes directrices de la Circulaire d’information IC07-1 – Dispositions d’allègement pour les contribuables, datée du 31 mai 2007 (les lignes directrices) [une mise à jour des lignes directrices a eu lieu le 18 août 2017]. Les arguments présentés par M. Robinson ont été examinés et les motifs fournis étaient intelligibles, justifiés et transparents. Comme elle appartient aux issues possibles et acceptables au regard des faits et du droit, la décision respecte la norme requise de la décision raisonnable.

II.  RÉSUMÉ DES FAITS

A.  La déclaration T1

[8]  Le 8 février 2010, M. Robinson a produit sa déclaration de revenus T1 (la déclaration) pour 2008. L’échéance du dépôt était le 30 avril 2009 pour les employés et le 15 juin 2009 pour les travailleurs autonomes.

[9]  Quelle que soit la date limite de production, l’échéance pour le paiement de l’impôt que M. Robinson devait faire à l’ARC pour l’année d’imposition 2008 était le 30 avril 2009.

[10]  Lorsqu’il a produit sa déclaration, M. Robinson n’a remboursé aucune partie de la somme due selon la déclaration, soit 65 642,12 $.

[11]  En 2008, M. Robinson, avocat de profession, était un entrepreneur indépendant qui fournissait des services de négociation et de gestion de contrats à des entreprises. À ce titre, il était travailleur autonome. Malheureusement, l’une des entités avec lesquelles M. Robinson faisait affaire a produit un feuillet T4 montrant qu’il avait reçu des revenus d’emploi de plus de 200 000 $. Il a fallu un certain temps à M. Robinson pour résoudre le problème de ce feuillet, de même qu’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt (la CCI).

[12]  L’ARC a communiqué avec M. Robinson en septembre 2009 pour lui demander le pourquoi de la non-production de sa déclaration. À ce moment, M. Robinson a répondu qu’il ne l’avait pas fait pour cause de maladie, qu’il n’avait pas travaillé en 2007 et qu’il était devenu travailleur autonome en 2008. Dans les explications qui ont suivi, M. Robinson a indiqué que le délai de production était dû à l’inaccessibilité de données comptables.

[13]  L’ARC a fait parvenir une demande de production à M. Robinson en octobre 2009, suivie d’une deuxième demande en novembre 2009. M. Robinson a répondu qu’il envoyait des renseignements à son comptable. L’ARC lui a ensuite accordé la date limite du 22 janvier 2010 pour produire sa déclaration afin d’éviter un avis de non-production.

[14]  Le 26 janvier 2010, M. Robinson a demandé à l’ARC une prolongation. Il a obtenu un délai jusqu’au 5 février 2010 pour produire sa déclaration.

[15]  C’est à ce moment, selon M. Robinson, que l’ARC aurait commis des erreurs susceptibles de révision qui ont fait en sorte que la décision ait été fondée sur ce qu’il appelle une erreur de fait fatale.

[16]  M. Robinson affirme que, le 5 février 2010, il a eu une conversation avec une agente de l’ARC chargée des non-déclarants, Mme Miske, à qui il aurait demandé une adresse pour la livraison de sa déclaration par service de messagerie. Selon lui, elle lui aurait dit de déposer la déclaration à la chute à documents du bureau de l’ARC situé à Calgary, et une entente verbale aurait été conclue en vue de prolonger la date limite jusqu’au 8 février 2010, ce qui lui laisserait le temps de déposer sa déclaration personnellement.

[17]  M. Robinson a livré sa déclaration personnellement dans la chute à documents le jour ouvrable suivant, soit le lundi 8 février 2010.

[18]  D’après cette déclaration, qui comprenait le feuillet T4, M. Robinson a eu des revenus d’entreprise et non des revenus d’emploi. M. Robinson n’a pas offert d’explication au fait qu’il fournissait un feuillet T4 indiquant des revenus d’emploi en même temps qu’il déclarait être travailleur autonome.

B.  L’avis de cotisation de non-déclarant

[19]  La déclaration a été acheminée par l’ARC à Winnipeg en vue du traitement général et non pas à Mme Miske. Par la suite, le 12 février 2010, n’ayant pas reçu la déclaration, l’agente chargée des non-déclarants a demandé le calcul de la cotisation de M. Robinson à titre de non-déclarant. Par conséquent, le 11 mars 2010, l’ARC a délivré un avis de cotisation pour l’année 2008 (à titre de non-déclarant) à M. Robinson, qui était fondé sur le feuillet T4 et d’autres documents déposés au dossier à l’ARC, sans tenir compte de la déclaration, laquelle n’avait pas été reçue par le personnel traitant les avis de non-déclarants.

[20]  L’avis de cotisation de non-déclarant affiche un revenu total de 294 798 $ et un montant dû de 121 224,92 $, dont 101 846,99 $ correspond à l’impôt à payer par M. Robinson. La différence entre ces deux sommes représentait une pénalité pour production tardive de 14 258,58 $ qui, selon l’avis, combine 14 % de l’impôt impayé au 30 avril 2009 aux intérêts sur arriérés de 5 119,35 $ accumulés jusqu’à la date de l’avis. L’avis de cotisation de non-déclarant mentionne que les intérêts sur arriérés sont composés quotidiennement au taux prescrit. Ce taux ne fait toutefois pas partie de l’avis.

[21]  À la réception de l’avis de cotisation de non-déclarant, M. Robinson a communiqué avec l’ARC le 17 mars 2010 et a fait parvenir par courriel une copie de sa déclaration horodatée, indiquant 12 h 15, le 8 février 2010.

[22]  Le bureau de l’ARC de Calgary a reçu la déclaration le 31 mars 2010. Cette fois, c’est un agent chargé des non-déclarants qui a examiné la déclaration. Selon la lettre du 14 décembre 2012, en réponse à la plainte de M. Robinson relative au niveau de service, la déclaration a été inscrite au dossier par l’ARC le 31 mars 2010 sans être acceptée ou traitée au motif que le feuillet T4 de Starco Engineering n’y était pas joint.

C.  La nouvelle cotisation

[23]  Le 15 novembre 2010, le Centre fiscal de Winnipeg a fait parvenir une lettre à M. Robinson pour l’informer qu’une nouvelle cotisation avait été établie à partir de sa déclaration et de la date de dépôt du 8 février 2010 et qu’un avis de nouvelle cotisation lui serait envoyé par la poste. Cette lettre a confirmé qu’un feuillet T4 de revenu d’emploi se trouvait dans les dossiers de l’ARC et informait M. Robinson que si le feuillet avait été délivré par erreur, celui-ci devrait communiquer avec le délivreur aux fins de correction.

[24]  Le 16 novembre 2010, un avis de nouvelle cotisation (la nouvelle cotisation) a été délivré dans lequel la date de dépôt était le 8 février 2010. Par cette nouvelle cotisation, son revenu était de 258 051 $ et le montant d’impôt était passé de 101 846,99 $ à 83 308,83 $. Les pénalités avaient diminué de 14 258,58 $ pour s’établir à 11 660,24 $. De même, le montant des intérêts avait diminué de 1 702,49 $. Le nouveau montant dû était de 101 585,51 $, soit un peu plus de 20 000 $ de moins que le montant dû aux termes de l’avis de cotisation de non-déclarant. L’avis mentionne également que le paiement doit être fait au plus tard le 6 décembre 2010 pour éviter les frais d’intérêts supplémentaires.

D.  L’offre de règlement

[25]  M. Robinson a déposé un avis d’opposition le 21 février 2011. L’ARC a offert de traiter les revenus comme des revenus de travailleur autonome. M. Robinson a refusé l’offre parce qu’elle l’aurait obligé à renoncer à tous ses droits d’interjeter appel et que la renonciation aux intérêts et aux pénalités ne faisait pas partie de l’offre.

[26]  Le 3 janvier 2013, la nouvelle cotisation faisant état de revenus d’emploi a été confirmée par l’ARC. Une telle confirmation s’explique du fait que l’ARC avait demandé des renseignements à plusieurs reprises, mais que M. Robinson l’avait informée qu’il n’avait pas tous les reçus. La nouvelle cotisation a été confirmée par l’ARC [traduction] « vu l’absence de documents venant étayer clairement les rajustements ».

E.  La Cour canadienne de l’impôt

[27]  M. Robinson a interjeté appel auprès de la CCI soit le 28 mars 2013, soit le 9 avril 2013, les parties ne s’entendant pas sur cette date. Aucune question ne dépend de la date réelle du dépôt de l’appel; il n’est donc pas nécessaire de résoudre la divergence.

[28]  Le 31 octobre 2013, un jugement de consentement a fait l’objet d’un accord et a été officialisé par la CCI le 9 janvier 2014. Dans ce jugement de consentement, le revenu d’emploi devenait un revenu d’entreprise. De plus, il a été autorisé de déduire, du revenu d’entreprise, une somme de 28 000 $ en tant que dépenses d’entreprise et d’appliquer 28 354 $ en pertes autres qu’en capital.

[29]  Le jugement n’a pas abordé les questions d’intérêts, de pénalités et de dépens et ne contenait aucun exposé des faits.

[30]  Avant l’appel auprès de la CCI, M. Robinson avait déposé le 10 décembre 2012 une plainte relative au service à l’encontre de l’ARC et une plainte officielle auprès de l’ombudsman. Peu après le dépôt de l’appel auprès de la CCI, M. Robinson a été informé que, selon l’enquête de l’ombudsman, l’avis de cotisation de non-déclarant avait été délivré par suite d’une erreur qui s’était produite dans les salles de courrier, entraînant ainsi l’acheminent de la déclaration au mauvais endroit.

F.  La deuxième nouvelle cotisation

[31]  Le 24 mars 2014, comme le lui demandait le jugement de consentement rendu par la CCI, un deuxième avis de nouvelle cotisation (ADNC-CCI) a été délivré. Le revenu brut de M. Robinson avait diminué de 258 051 $ pour s’établir à 230 051 $ et les déductions du revenu net avaient augmenté de 325 $ pour s’établir à 28 679 $. Le revenu taxable a ainsi diminué de 247 654 $ pour atteindre 191 300 $. Le calcul de l’impôt est passé de 83 308,83 $ pour atteindre 61 482,77$. Par conséquent, la pénalité pour production tardive a été réduite de 11 660,24 $ pour se chiffrer à 8 702,34 $ et les intérêts sur les arriérés ont été réduits de 4 106,92 $.

[32]  Globalement, l’ADNC-CCI a réduit le montant dû par M. Robinson de 28 890,88 $. Le solde révisé était de 91 524,10 $, pénalités et intérêts compris. L’ADNC-CCI a indiqué que le solde était exigible en totalité au plus tard le 14 avril 2014, faute de quoi d’autres frais d’intérêts s’appliqueraient.

[33]  M. Robinson n’avait effectué aucun paiement en date du 14 avril 2014.

G.  Demande d’allègement pour les contribuables au premier palier et premier paiement d’impôt

[34]  En juin 2014, un mois avant d’effectuer le premier paiement d’impôt, M. Robinson a déposé une demande d’allègement pour les contribuables au premier palier afin de solliciter l’annulation de sa pénalité pour production tardive de 8 702,34 $ et des intérêts sur arriérés de 23 715,09 $. Cette demande a été refusée le 25 mars 2015 en raison notamment du manquement de M. Robinson à produire sa déclaration à temps et à payer l’impôt qu’il devait qui n’était pas attribuable à une erreur ou à un retard de la part de l’ARC.

[35]  Le 10 juillet 2014, l’ARC a reçu un paiement de 59 820,97 $ de M. Robinson. L’ARC a procédé à divers transferts internes pour faire en sorte que la partie de la somme due au titre de l’impôt soit payée en totalité.

[36]  M. Robinson n’a effectué aucun paiement sur la pénalité ni sur les intérêts d’arriérés qui demeurent impayés et sur lesquels les intérêts composés continuent à s’accumuler quotidiennement.

H.  Demande d’allègement pour les contribuables au second palier

[37]  En juin 2016, M. Robinson a déposé une demande d’allègement pour les contribuables au second palier. Il sollicitait l’annulation des pénalités et des intérêts accumulés et la renonciation aux pénalités et aux intérêts à venir qui pourraient s’accumuler en attente du règlement de sa demande d’allègement.

[38]  Selon la demande de M. Robinson, les faits établis par la Cour de l’impôt ont été énoncés incorrectement lors de l’examen au premier palier. De plus, M. Robinson y a soutenu que, étant âgé de 60 ans, il était un aîné et qu’il avait un revenu limité et, étant donné le privilège sur sa maison et la saisie-arrêt qui avait eu lieu, ses ressources financières étaient restreintes. Il a également soutenu qu’il avait été obligé d’amener le litige concernant le revenu d’entreprise jusqu’à la Cour de l’impôt et que le comportement de l’ARC, notamment le fait d’avoir égaré sa déclaration de revenus, constitue un manquement au devoir de diligence à son égard qui, vu dans son ensemble, devrait selon lui faire annuler toutes les pénalités et tous les intérêts.

[39]  M. Robinson a affirmé que, lors du litige à la Cour de l’impôt, l’avocat du défendeur l’avait assuré que la question des pénalités et des intérêts serait résolue de manière administrative après le jugement. Il a de plus assuré que s’il n’avait pas gain de cause, l’affaire servirait d’exemple pour son député lui permettant de montrer la nécessité d’une loi qui imposerait une obligation de diligence à l’ARC.

[40]  Enfin, comme l’ARC avait saisi ses comptes bancaires et enregistré un privilège sur sa maison, ce qui a eu pour effet d’abaisser sa cote de solvabilité, M. Robinson a soutenu qu’il n’était plus en mesure d’obtenir du financement pour payer les pénalités et les intérêts dus, ce qui a mené à des difficultés financières.

[41]  Comme il a été mentionné précédemment, la décision de refuser la demande d’allègement pour les contribuables au second palier est la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

III.  LA DÉCISION

[42]  Pour rendre la décision, le décideur avait devant lui la demande d’allègement de M. Robinson, y compris son argumentation et les documents justificatifs, notamment des extraits de jurisprudence sur des questions fiscales. Mentionnons également la fiche de renseignements ainsi que la recommandation voulant que la demande d’allègement soit rejetée. Ces renseignements ainsi que les autres documents contenus dans le dossier certifié du tribunal font partie du dossier accessible au présent contrôle aux fins de consultation et pouvant servir à comprendre les motifs de la décision pour en évaluer le caractère raisonnable : Stemijon Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, paragraphe 37, 341 DLR (4th) 710 (Stemijon).

A.  La fiche de renseignements

[43]  La fiche de renseignements énumère les faits pertinents présentés par M. Robinson et d’autres faits provenant des dossiers de l’ARC. Elle recense l’historique d’observation de la LIR et relève que les activités de recouvrement remontent aussi loin qu’en 1995 pour ce compte. Il y est également mentionné que M. Robinson avait reçu des mises en garde juridiques verbales et écrites portant sur le solde impayé, que des ordonnances de saisie-arrêt avaient été délivrées et que M. Robinson n’avait pas tenu ses promesses de production et de paiement.

[44]  La fiche de renseignements indique que M. Robinson a fait l’objet de vérifications pour la période de 2011 à 2013, après quoi son revenu a été augmenté, certaines déductions lui ont été refusées, et des pénalités pour faute lourde lui ont été imposées pour chaque année. Il y est mentionné toutefois que ces nouvelles cotisations ont été contestées.

[45]  La fiche indique à propos de l’année d’imposition 2008 que le seul paiement volontaire de M. Robinson a été reçu le 10 juillet 2014 et qu’il n’a pas répondu avec rapidité aux demandes de production. De plus, les mises en garde juridiques verbales et écrites concernant les paiements sont restées lettre morte.

[46]  La fiche de renseignements relève que la question concernant le moment et la date de production de la déclaration a été résolue et que les pénalités et les intérêts supplémentaires ont été annulés par l’avis de nouvelle cotisation délivré le 16 novembre 2010.

[47]  La question du feuillet T4 et des dépenses d’entreprise admissibles a elle aussi été résolue, et les pénalités et les intérêts en lien avec cette question ont été annulés le 24 mars 2014 lorsque l’ADNC-CCI a été délivré.

[48]  Concernant les circonstances qui auraient empêché M. Robinson de s’acquitter de ses obligations fiscales et la question de savoir si celles-ci étaient indépendantes de sa volonté, la fiche de renseignements a fait état d’une grande chronologie d’événements depuis le 30 avril 2009, date limite du premier paiement d’impôt de 2008. Il y est mentionné qu’au moment de la production de la déclaration, M. Robinson n’a fourni aucune information expliquant les raisons de son incapacité à payer l’impôt dû inscrit sur la déclaration.

[49]  La fiche de renseignements mentionne également que M. Robinson s’est vu infliger une pénalité à l’instar de tous les autres contribuables qui ont produit une déclaration tardive affichant des impôts dus.

[50]  L’examinateur a conclu que l’ARC n’avait pas causé de retard et n’avait pas eu d’incidence sur l’imposition de pénalités ou d’intérêts en arriérés à M. Robinson. Il a noté que le compte de TPS avait été examiné aux fins d’allègement et réglé séparément.

[51]  L’examinateur a également noté que, lorsqu’il a reçu des occasions pour payer le solde dû, M. Robinson n’a donné aucune raison expliquant la production tardive et il n’a effectué aucun paiement.

[52]  Pour ce qui est des difficultés financières, la fiche de renseignements indique que M. Robinson a dit qu’il était un aîné ayant un revenu limité et des ressources financières restreintes, du fait que l’ARC avait déposé un privilège contre sa maison et saisi ses comptes bancaires. Il a été souligné que M. Robinson n’avait pas fourni d’autres renseignements en réponse à la lettre du 7 septembre 2016 qui lui était adressée et qui lui demandait de fournir des documents à l’appui de son allégation de difficultés financières.

[53]  Il en a été conclu que les difficultés financières n’étaient pas fondées. L’examen des déclarations de revenus de M. Robinson et de sa femme montre que le revenu du ménage permettait de subvenir aux besoins de base. En 2014, il dépassait de peu les 109 000 $ et, en 2015, il dépassait les 131 000 $, tandis que les contributions aux REER s’élevaient respectivement à 25 865,72 $ et à 51 347,42 $.

[54]  Enfin, il a été noté que même si M. Robinson avait mentionné son âge à titre de facteur, aucune explication n’a été trouvée pour faire le lien entre son âge et sa capacité à payer l’impôt.

B.  La décision

[55]  Le décideur a noté dès le début que le paragraphe 220(3.1) de la LIR lui conférait le pouvoir discrétionnaire d’annuler les pénalités et les intérêts en tout ou en partie. Il a énoncé par la suite que ces montants peuvent être annulés s’ils découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, des actions de l’ARC, de l’incapacité de payer du contribuable ou de difficultés financières. Pour éviter la question litigieuse soulevée dans l’arrêt Stemijon, il a également admis qu’il est possible d’accueillir les demandes d’allègement qui ne correspondent pas à ces situations préétablies.

[56]  Dans la décision, il a été tenu compte que la déclaration n’a pas été reçue à temps, M. Robinson ayant demandé et obtenu deux fois une prolongation du délai à une date précise, et ce, sans jamais respecter la date limite.

[57]  Dans la décision, il est affirmé que lorsque la déclaration a été reçue le 8 février 2010, celle-ci [traduction] « n’a pas été égarée, mais bien acheminée au traitement ». Il a été noté que M. Robinson met beaucoup d’importance à la qualification des faits.

[58]  Le décideur a aussi observé que la déclaration de février a été évaluée en novembre 2010 et que, à ce moment-là, le calcul des intérêts et des pénalités a tenu compte de la date véritable de la déclaration, soit le 8 février 2010.

[59]  Dans la décision, il a été considéré que le feuillet T4 de 2008 qui était joint à la déclaration indiquait des revenus d’emploi et non des revenus de travailleur autonome. Il y est noté que ce point litigieux a été abordé par l’opposition, l’appel et le jugement de la Cour de l’impôt, dans lequel les intérêts et les pénalités ont fait l’objet d’un autre rajustement afin de tenir compte de l’impôt à payer, en fonction des revenus considérés comme des revenus d’entreprise.

[60]  Pour soutenir cette thèse, M. Robinson avait déposé avec sa demande d’allègement des citations extraites des jugements Leroux c Canada Revenue Agency, 2014 BCSC 720; 2014 DTC 5068 et Canada c Scheuer, 2016 CAF 7, 2016 DTC 5011. Le décideur a indiqué qu’il avait pris connaissance de ces affaires sans trouver de lien entre les faits de celles-ci et la situation de M. Robinson. Dans la décision, il a été noté que M. Robinson a été informé à plusieurs reprises que l’intérêt courait sur le solde dû et qu’il a également été informé de la façon de réduire l’accumulation d’intérêts.

[61]  M. Robinson a aussi allégué que l’ARC avait violé la Charte des droits du contribuable en ne respectant pas l’obligation de diligence à son égard prescrite par la loi. Dans la décision, il est confirmé que ces préoccupations avaient déjà été abordées par les lettres du 14 décembre 2012 et du 18 décembre 2015, écrites en réponse aux plaintes de M. Robinson relativement au niveau de service.

[62]  Pour ce qui est de l’affirmation de M. Robinson, à savoir qu’il a soixante ans et qu’il est un aîné, le décideur s’est montré d’accord avec la cotisation proposée par l’examinateur, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de lien intrinsèque entre l’âge de M. Robinson et sa capacité à payer l’impôt dû. Le décideur a également mentionné que M. Robinson n’avait pas fourni les renseignements financiers supplémentaires demandés dans la lettre du 7 septembre 2016.

[63]  À l’égard des difficultés financières, il a été conclu dans la décision que le revenu du ménage formé par M. Robinson et son épouse, selon les déclarations fiscales du couple et les renseignements au dossier, suffisait à subvenir aux besoins élémentaires du couple.

[64]  Selon la conclusion tirée dans la décision, si M. Robinson pensait que le ministre n’avait pas bien exercé son pouvoir discrétionnaire en rendant la décision en question, il pouvait déposer une demande de contrôle judiciaire. De plus, il y est noté que l’intérêt composé quotidiennement s’est accumulé sur le solde impayé et qu’il est possible de discuter d’arrangement de paiement en communiquant avec une personne nommée au numéro de téléphone mentionné. M. Robinson a également reçu un autre numéro de téléphone pour parler à une autre personne dans le cas où il aurait des questions relativement à la décision.

IV.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET LIGNES DIRECTRICES

[65]  La LIR prescrit des dispositions d’allègement pour les contribuables au paragraphe 220(3.1) et les lignes directrices sont énoncées dans les Dispositions d’allègement pour les contribuables. Vous trouverez des extraits à l’annexe A. Pour faciliter la lecture, des parties pertinentes de la LIR et des lignes directrices ont été reproduites dans les présents jugement et motifs.

A.  La LIR

[66]  En résumé, pour ce qui est des intérêts et des pénalités, le paragraphe 220(3.1) de la LIR confère au ministre du Revenu national le pouvoir discrétionnaire, sur demande du contribuable faite à l’intérieur d’un délai prescrit, renoncer en tout ou en partie à un montant de pénalités payable ou l’annuler en tout ou en partie.

[67]  Les articles 161 et 162 de la LIR disposent de la responsabilité et du calcul des intérêts et des pénalités.

[68]  Aux termes de l’article 161, si, après la date d’exigibilité du solde, soit le 30 avril 2009 dans le cas de M. Robinson, le solde excède toute somme déjà payée, notamment au moyen d’acomptes trimestriels ou à la production de la déclaration, les intérêts sont payables au taux prescrit. De plus, si le contribuable est tenu de payer des acomptes provisionnels et que la date limite n’est pas respectée, les intérêts sont payables sur le montant en retard et les intérêts sont aussi payables sur la pénalité pour production tardive.

[69]  L’article 162 dispose que toute personne ne produisant pas sa déclaration à l’échéance exigée par la LIR doit payer une pénalité dont le montant est établi par les dispositions de l’article. Le montant de la pénalité peut augmenter en cas de récidive de non-production au cours des trois années d’imposition précédentes.

B.  Les lignes directrices (version du 31 mai 2007)

[70]  Les dispositions des lignes directrices permettent d’orienter l’exercice du pouvoir discrétionnaire par le décideur, le délégué du ministre. Elles présentent diverses situations pour lesquelles il serait souhaitable d’accorder un allègement des pénalités et des intérêts.

[71]  Elles font état de trois situations précises pour lesquelles une mesure d’allègement des pénalités et des intérêts peut être justifiée. Ces situations sont énoncées au paragraphe 23 des lignes directrices :

a)  circonstances exceptionnelles;

b)  actions de l’ARC;

c)  incapacité de payer ou difficultés financières.

[72]  Si l’allègement demandé relève de l’une des situations énumérées au paragraphe 23, les facteurs énoncés au paragraphe 33 des lignes directrices doivent être examinés pour déterminer s’il y a lieu de renoncer aux pénalités et aux intérêts ou de les annuler. Il faut savoir, entre autres, si le contribuable a respecté ses obligations fiscales par le passé, s’il a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés et s’il a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

[73]  Le paragraphe 24 rappelle le large pouvoir général du ministre consistant à accorder un allègement en application du paragraphe 220(3.1) de la LIR si la situation du contribuable n’est pas visée par le paragraphe 23.

[74]  Les circonstances exceptionnelles mentionnées au paragraphe 23 sont décrites au paragraphe 25 comme étant des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Voici une brève liste non exhaustive d’exemples :

a)  une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, telle qu’une inondation ou un incendie;

b)  des troubles civils ou l’interruption de services, tels qu’une grève des postes;

c)  une maladie grave ou un accident grave;

d)  des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate.

[75]  Lorsque l’incapacité de payer est confirmée, le paragraphe 27 des lignes directrices énumère des facteurs pour envisager l’annulation des intérêts ou leur renonciation, en tout ou en partie. Le paragraphe 28 explique que l’annulation d’une pénalité en raison d’une incapacité de payer ou de difficultés financières n’est pas envisagée à moins que des circonstances exceptionnelles (décrites au paragraphe 25) n’aient empêché le respect des lois. Cela dit, l’allègement peut être justifié si l’application des pénalités mettait en danger la continuité de l’exploitation d’une entreprise, des emplois et du bien-être de la collectivité dans son ensemble.

[76]  Le paragraphe 32 oriente le contribuable dans sa demande d’allègement en relevant le type de renseignements servant à appuyer sa demande. Par exemple, le contribuable doit indiquer toutes les circonstances énoncées au paragraphe 23 et les accompagner d’une description complète et exacte des faits et des motifs afin d’appuyer sa demande d’allègement. Il doit aussi fournir tous les documents pertinents, une divulgation financière complète et une explication décrivant comment les circonstances ont nui à la capacité du contribuable à respecter ses obligations fiscales.

[77]  Si l’existence de difficultés financières est un motif de la demande, il est recommandé d’inclure un arrangement de paiement raisonnable, un état des revenus et des dépenses ainsi qu’un état des actifs et des passifs.

V.  QUESTION EN LITIGE ET NORME DE CONTRÔLE

[78]  Les deux parties et moi-même sommes d’avis que la seule question à trancher pour la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la décision était raisonnable. Pour trancher cette question, il faut déterminer entre autres si le décideur a exercé raisonnablement le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par la LIR et s’il a tenu compte des lignes directrices.

[79]  M. Robinson soutient que la décision est fondée sur une erreur de fait fatale qui aurait teinté la décision au point de la rendre déraisonnable. Selon lui, pour en arriver à cette décision, le décideur n’a pas examiné convenablement les faits suivants :

  1. la cotisation de non-déclarant fait partie des situations indépendantes de sa volonté;

  2. une erreur de fait vitale a été commise dans la décision puisqu’il y est affirmé que la déclaration [traduction] « n’a pas été égarée »;

  3. le décideur a porté une attention excessive sur l’historique d’observation de M. Robinson.

[80]  Il est bien établi que le caractère raisonnable d’une décision découle tient principalement à la justification de celle-ci, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 (Dunsmuir).

[81]  Si les motifs, lorsque lus dans leur ensemble, « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables, les motifs répondent alors aux critères établis dans Dunsmuir » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708.

[82]  La jurisprudence de notre Cour portant sur les décisions d’allègement pour les contribuables nous éclaire elle aussi.

[83]  Par exemple, pour procéder au présent contrôle, je tiens compte des paroles de la juge St-Louis qui a récemment affirmé ce qui suit lors du contrôle de la décision rendue par le délégué du ministre relativement au paragraphe 220(3.1) : « Le rôle de la Cour n’est pas de soupeser la preuve [...] mais plutôt d’examiner si le représentant du ministre “a apprécié correctement les éléments de preuve dont il disposait, et que la décision n’était pas fondée sur des considérations inappropriées ou étrangères à l’objet de la loi” » : Easton c Canada (Agence du revenu), 2017 CF 113, paragraphe 43, 2017 DTC 5014 (renvois internes omis).

[84]  De plus, il a été établi (1) que les dispositions du paragraphe 220(3.1) de la LIR confèrent un pouvoir discrétionnaire au ministre, sans que cela aboutisse à une conclusion particulière, et (2) que l’exigence de payer des pénalités et des intérêts pour production tardive découle de l’application de la LIR et non d’un pouvoir discrétionnaire quelconque. Le pouvoir du ministre conféré par la LIR se borne à octroyer un allègement à titre exceptionnel lorsque celui-ci ou son délégué détermine qu’elle est justifiée : Jenkins c Canada, 2007 CF 295, paragraphe 13, 2007 DTC 5193.

[85]  « Le délégué ne doit donc pas se limiter au fait qu’un contribuable a ou n’a pas produit sa déclaration de revenus à temps. L’ensemble de la situation personnelle, fiscale et financière du contribuable doit être considéré, ce qui inclut dans le présent dossier toute cause raisonnable d’empêchement du contribuable de produire une déclaration ou/et de payer l’impôt, les intérêts ou les pénalités ayant pu être imposés à la suite d’une cotisation arbitraire » : 2750-4711 Québec inc c Canada (Procureur général), 2016 CF 579, paragraphe 7, 2016 DTC 5085.

[86]  Si une erreur de fait a été commise par un décideur, la décision qui en a découlé est déraisonnable si le décideur a mal apprécié les faits importants en rendant sa décision : Johnston c Canada, 2003 FCT 713, paragraphe 29, 2003 DTC 5494.

VI.  DISCUSSION

[87]  Durant toute la discussion qui suit, il est important de se rappeler qu’il faut présumer que le décideur a examiné tous les éléments de preuve présentés, y compris l’argumentation et les documents de M. Robinson et la fiche de renseignements : Smith c Canada Agence du revenu, 2009 CF 694, paragraphes 21 et 22, 2009 DTC 5187.

A.  La cotisation de non-déclarant constitue-t-elle un événement indépendant de la volonté de M. Robinson?

[88]  Dans l’avis de demande et le mémoire des faits et du droit subséquent, M. Robinson présente un aperçu des motifs du présent contrôle judiciaire. Il y indique que sa thèse est celle d’une erreur commise par l’ARC qui, par le traitement de la déclaration produite, [traduction] « a enclenché une série d’événements qui ont précipité l’imposition d’intérêts et de pénalités, ce qui a eu pour effet de prolonger le litige avec l’ARC ».

[89]  M. Robinson y explique que sa déclaration a été égarée [traduction] « sans qu’il n’y soit pour rien », et que, à cet égard, la cotisation de non-déclarant constitue une circonstance indépendante de sa volonté. Il soutient, par conséquent, qu’il aurait dû recevoir un allègement pour l’ensemble des frais d’intérêt appliqués et la pénalité pour production tardive.

[90]  M. Robinson ajoute que si la déclaration avait été remise à Mme Miske comme il était prévu, l’avis de cotisation de non-déclarant n’aurait jamais été délivré. Il fait valoir que la cotisation de non-déclarant a été la cause des pénalités et des intérêts qui lui ont été imposés et que sa délivrance constitue une erreur commise par l’ARC.

1)  Les liens de causalité allégués

[91]  À l’audience, lorsqu’il devait expliquer à la Cour le lien de causalité entre la délivrance de l’avis de cotisation de non-déclarant et la revendication de M. Robinson selon laquelle il aurait droit à un allègement pour compenser les conséquences de la production tardive, l’avocat de M. Robinson a fait valoir que le montant d’impôt à payer selon l’avis de non-déclarant était beaucoup plus important que celui de la déclaration de M. Robinson, un montant, donc, qui se devait d’être erroné. Le montant d’impôt de l’avis de non-déclarant était tellement plus élevé que celui de la déclaration produite qu’il a amené M. Robinson à ne rien payer.

[92]  Selon l’argument avancé, le litige qui s’en est suivi est une conséquence directe de la délivrance de l’avis de cotisation de non-déclarant.

2)  Les événements n’étaient pas indépendants de la volonté de M. Robinson.

a)  Les lignes directrices

[93]  Le paragraphe 25 des lignes directrices montre en exemple des circonstances pouvant être indépendantes de la volonté du contribuable : une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, l’interruption de services, tels qu’une grève des postes, des maladies ou accidents graves, des troubles émotifs sévères ou souffrances morales graves, tels qu’un décès dans la famille.

[94]  M. Robinson n’a invoqué aucune de ces circonstances et il n’existe rien au dossier qui laisse supposer qu’elles s’appliqueraient.

[95]  La réaction de M. Robinson à l’avis de cotisation de non-déclarant a été de n’effectuer aucun paiement pendant plus de cinq ans après la date limite. Dans sa demande d’allègement à titre de contribuable, M. Robinson ne dit pas qu’une des circonstances énumérées au paragraphe 25 l’a empêché d’observer ses obligations fiscales. Il blâme l’ARC d’avoir l’avis de cotisation de non-déclarant.

[96]  Il ne donne aucune raison pour ne pas avoir payé l’impôt de 2008 au moment où il a produit initialement sa déclaration. La seule explication donnée est que M. Robinson a décidé après coup de ne pas payer l’impôt de 2008 parce qu’il croyait que l’avis de cotisation de non-déclarant était erroné.

[97]  Même s’il croyait que l’avis de cotisation de non-déclarant n’était pas fondé, M. Robinson n’avait pas le droit légalement de ne pas payer son impôt; les dispositions de la LIR s’appliquent toujours à l’absence de paiement lorsque le solde est dû, ce qui a des conséquences financières fâcheuses.

b)  Les dispositions de la LIR

[98]  Selon l’énoncé de la décision, ce qui a causé l’imposition d’intérêts et de pénalités à M. Robinson, c’est la production tardive de sa déclaration (avec correction de la date de production), l’inclusion inexpliquée du feuillet T4 (avec correction ultérieure) et le non-paiement de l’impôt dû selon la déclaration au moment de la production.

[99]  Le paragraphe 152(3) établit clairement que la responsabilité de payer l’impôt ne découle pas d’une cotisation, notamment lorsque celle-ci est inexacte :

Responsabilité indépendante de l’avis

(3) Le fait qu’une cotisation est inexacte ou incomplète ou qu’aucune cotisation n’a été faite n’a pas d’effet sur les responsabilités du contribuable à l’égard de l’impôt prévu par la présente partie.

Liability not dependent on assessment

(3) Liability for the tax under this Part is not affected by an incorrect or incomplete assessment or by the fact that no assessment has been made.

 

3)  La décision

[100]  La lecture de la décision nous indique que le décideur maîtrisait bien l’historique fiscal de M. Robinson de façon générale et détaillée relativement à l’année d’imposition 2008. Il y est noté que la date limite de la déclaration était le 15 juin 2009 et que la date limite pour le paiement de l’impôt était le 30 avril 2009. L’ARC a communiqué à plusieurs reprises avec M. Robinson à l’automne 2009 pour lui demander de produire une déclaration et, finalement, pour lui demander de produire une déclaration au plus tard le 22 janvier 2010. Le 26 janvier 2010, il a demandé une autre prolongation jusqu’au 5 février 2010, ce qui lui a été accordé, mais la déclaration n’a pas été reçue à cette date.

[101]  La fiche de renseignements indique que M. Robinson n’a pas été pénalisé à cause de la façon dont il avait qualifié son revenu, mais à cause de sa production tardive. Comme le solde était dû au moment de la déclaration, la pénalité a été infligée à juste titre.

[102]  La fiche de renseignements reconnaît par la suite que la question de savoir si le revenu de M. Robinson était un revenu d’emploi ou un revenu d’entreprise a été résolue lors de l’appel, et que la nouvelle cotisation qui a été établie admettait le revenu d’entreprise et autorisait les dépenses déductibles. Le montant des pénalités et des intérêts a été modifié en fonction du nouveau montant d’impôt à payer.

[103]  Étant donné ces faits, les dispositions législatives et les lignes directrices, je juge que les motifs soulignés dans la fiche de renseignements en vue de rejeter la demande de M. Robinson constituaient des justifications raisonnables :

[traduction]
aucun retard de la part l’ARC n’a eu d’incidence sur l’imposition de pénalités ou d’intérêts en arriérés. [...] Le montant des intérêts et des pénalités imposés au contribuable était entièrement dépendant de sa volonté. Il n’a invoqué aucune circonstance pour expliquer la production tardive de sa déclaration. Il a eu l’occasion de payer son solde d’impôt calculé, a été informé des conséquences du cumul des intérêts, mais aucun paiement n’a été effectué.

[104]  Étant donné le large pouvoir discrétionnaire à la disposition du décideur et étant donné qu’il voyait la recommandation proposée dans la fiche de renseignements, il était également raisonnable pour le décideur de rejeter les arguments voulant que les montants d’intérêts et de pénalités à payer aient été causés par une erreur de la part de l’ARC ou par la délivrance de l’avis de non-déclarant au lieu des actions de M. Robinson lui-même. C’était le choix personnel de M. Robinson de ne pas payer les intérêts accumulés et les pénalités pendant toute la période du litige l’opposant à l’ARC, allant même jusqu’au dépôt de sa deuxième demande d’allègement pour les contribuables.

[105]  Même si la délivrance de l’avis de cotisation de non-déclarant était qualifiée de circonstance indépendante de la volonté de M. Robinson, celle-ci n’avait aucune portée importante sur le litige opposant M. Robinson et l’ARC. Aux termes du paragraphe 152(3), l’impôt de M. Robinson devait être payé au plus tard le 30 avril 2009, et ce, même si le solde dû de l’avis de non-déclarant était inexact. En concluant que le montant indiqué par l’avis de cotisation de non-déclarant était inexact et trop élevé pour s’en acquitter, seul M. Robinson a fait le choix de ne pas payer d’impôt et de ne pas payer les intérêts et les pénalités, même s’il avait la possibilité de faire un paiement complet ou partiel en sachant que l’excédent lui serait remboursé, intérêts compris. Dans la décision, ces choix ont été reconnus et, vu le caractère discrétionnaire de la demande d’allègement, il était raisonnable de la part du décideur de conclure que les événements n’étaient pas indépendants de la volonté de M. Robinson pour ainsi rejeter la demande d’allègement.

B.  Une erreur de fait fatale a-t-elle été commise dans la décision?

1)  L’expression [traduction] « n’a pas été égarée »

[106]  Il est soutenu que l’affirmation inexacte du décideur dans la décision selon laquelle la déclaration [traduction] « n’a pas été égarée » suffit à établir le caractère déraisonnable de la décision. M. Robinson affirme que le fait d’avoir égaré sa déclaration est un fait pertinent constituant l’erreur de l’ARC sur laquelle se fonde sa demande d’allègement. Ce fait n’ayant pas été pris en compte par le décideur, la décision [traduction] « n’appartenait pas aux issues possibles acceptables [...] puisqu’elle était fondée visiblement sur une mauvaise appréciation des faits ».

[107]  Compte tenu de cette erreur factuelle, il vaut mieux se pencher sur le fond plutôt que sur la forme pour se demander si cette erreur a eu une incidence sur la décision. Quelle que soit la signification accordée au mot « égarée », la Cour doit se pencher sur ce qui suit : la question de savoir si la déclaration a été acheminée au service approprié dès le 8 février 2010 ou à une date ultérieure a-t-elle eu une incidence importante sur la décision ou sur le calcul des intérêts et des pénalités?

[108]  À mon avis, il est très évident que la réponse est non.

[109]  La demande d’allègement de M. Robinson visait l’annulation complète des pénalités et des intérêts, passés et futurs, en raison [traduction] « de négligence administrative, de cotisations erronées, de retards et de circonstances exceptionnelles imputables à l’Agence du Revenu du Canada (ARC), ce que la Cour canadienne de l’impôt a confirmé ».

[110]  Dans ses observations écrites, M. Robinson souligne à juste titre que des pénalités et des intérêts peuvent faire l’objet d’une annulation ou d’une renonciation lorsque ces pénalités et intérêts découlent principalement d’actions prises par l’ARC. En fait, ce facteur est énoncé au paragraphe 26 des lignes directrices.

[111]  Pourtant, en l’espèce, l’imposition de pénalités et d’intérêts découle principalement, en fait, uniquement (vu les rajustements antérieurs) du fait de la production tardive de la déclaration de M. Robinson et du non-paiement de l’impôt qu’il devait en raison de son revenu en 2008. Le 16 novembre 2010, les pénalités et les intérêts imposés en raison de l’avis de cotisation de non-déclarant ont tous été annulés et rajustés pour tenir compte de la déclaration produite le 8 février 2010. Les intérêts et les pénalités qui demeurent découlent de deux actions de M. Robinson : d’abord la production le 8 février 2010 d’une déclaration dont la date limite était le 15 juin 2009 et ensuite le non-paiement de l’impôt dû sur le revenu de 2008 au 30 avril 2009.

[112]  Selon ma compréhension, l’argumentation de M. Robinson suit un fil continu : l’avis de cotisation de non-déclarant n’aurait pas été délivré si l’agent visant les non-déclarants avait su que la déclaration avait été produite le 8 février 2010 et que la délivrance de la cotisation de non-déclarant était indépendante de sa volonté, lui donnant ainsi droit à un allègement des intérêts et des pénalités relativement à l’année d’imposition 2008 malgré l’absence de lien avec l’avis de cotisation de non-déclarant. L’argument de l’erreur de fait avancé par le demandeur, qui repose sur l’utilisation du mot [traduction] « égarée » dans la décision, semble être présenté comme « preuve irréfutable » que le décideur a mal apprécié son argumentation.

[113]  Il ne fait aucun doute que le décideur a bien apprécié la série d’événements et les arguments avancés par M. Robinson, car ceux-ci ont tous été entièrement exposés dans la fiche de renseignements et font l’objet de renvois dans la décision. De plus, il est clairement énoncé dans la décision que l’erreur initiale avait été entièrement corrigée. Ces considérations sont aussi le fondement ayant servi à conclure que les événements n’étaient pas indépendants de la volonté de M. Robinson.

[114]  Je conclus à la fin de l’examen du dossier qu’il n’existe aucun élément démontrant que le décideur a mal apprécié les faits substantiels ou que les mots ayant servi à décrire le retard de livraison de la déclaration à l’interne ont eu une incidence quelconque sur la décision. Le décideur a noté que la date de production a été modifiée au 8 février 2010 dès l’évaluation de la déclaration et que les sommes dues ont été recalculées en fonction de cette date. En voilà un fait substantiel.

2)  L’allégation d’erreurs commises par l’ARC

[115]  M. Robinson est également préoccupé par le fait que chacun des deux examens de demande d’allègement ait reconnu que la déclaration avait été acheminée à un autre endroit, sans reconnaître qu’une erreur avait été commise par l’ARC.

[116]  Comme il a déjà été mentionné, d’après le paragraphe 26 des lignes directrices, les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation « si ces pénalités et ces intérêts découlent principalement d’actions prises par l’ARC ». Ces actions susceptibles d’entraîner un allègement pourraient être des « erreurs de traitement » ou des « retards de traitement, qui ont fait en sorte que le contribuable n’a pas été informé d’une somme due dans un délai raisonnable ».

[117]  M. Robinson a été informé régulièrement du solde dû et a reçu des demandes verbales et écrites pour qu’il verse ce montant. De plus, il a régulièrement été mis au courant que l’intérêt était composé quotidiennement et s’accumulait. La fiche de renseignements reconnaît que M. Robinson invoque les motifs d’erreur, de retard et d’autres circonstances pour demander un allègement et signale que ces questions avaient déjà été traitées et que les montants des pénalités et des intérêts ont été infirmés lorsque l’ADNC-CCI a été délivré.

[118]  Le consentement à jugement déposé auprès de la Cour canadienne de l’impôt ne contient aucun fait et n’impute aucune faute aux parties. M. Robinson n’a pas fait de paiement sur l’impôt dû pour l’année 2008 avant la délivrance de l’ADNC-CCI. Par le rajustement des intérêts et des pénalités en fonction de la somme convenue comme le revenu imposable de M. Robinson au moment de la délivrance de l’ADNC-CCI, les conséquences financières découlant de tout événement antérieur ont été éliminées.

[119]  À mon avis, pour les motifs déjà énoncés, il était raisonnable de conclure que, du point de vue du décideur, aucune action prise par l’ARC concernant le traitement de la déclaration de M. Robinson pour l’année d’imposition 2008 ne peut être la cause première ou principale des pénalités et des intérêts qui lui ont été imposés. Pour cette raison, étant donné le large pouvoir discrétionnaire que lui confère la LIR, il appartenait aux issues possibles et acceptables de conclure que les mesures d’allègement n’étaient pas justifiées.

C.  Le décideur n’a pas accordé une importance excessive aux inobservations passées

[120]  Dans son mémoire des faits et du droit, M. Robinson soutient que le décideur n’a pris en compte que le retard de la production de la déclaration tout en faisant fi des événements qui se sont déroulés après la production. Selon lui, l’avis de cotisation de non-déclarant était une évaluation arbitraire faite à l’encontre d’un [traduction] « contribuable pleinement conforme » et sa délivrance est une erreur commise alors que le demandeur suivait les instructions de Mme Miske, soit de déposer la déclaration dans la chute à documents.

[121]  Je ne vais pas discuter à nouveau de l’argument sur l’avis de non-déclarant ni de la livraison de la déclaration à l’interne.

[122]  La nouveauté à examiner pour ce motif se trouve dans l’allégation de M. Robinson, écrite dans les observations présentées au décideur, voulant qu’il soit un [traduction] « contribuable pleinement conforme ». Cette affirmation met en jeu carrément l’historique d’observation de M. Robinson. Pour cette raison, il était tout à fait raisonnable d’aborder l’historique d’inobservation du demandeur dans la fiche de renseignements. Après examen, le dossier des inobservations passées appuie raisonnablement la décision discrétionnaire de ne pas accorder l’allègement.

[123]  Les lignes directrices indiquent à l’alinéa 33a) que le respect des obligations fiscales passées est un facteur à prendre en considération pour statuer sur une demande d’allègement. De même, le fait d’avoir, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance est à prendre en considération selon l’alinéa 33b).

[124]  Comme le démontre la preuve au dossier, M. Robinson a produit ses déclarations en retard pour les années d’imposition 1982, 1984, 1985, 1986, 1988, 1991, 1992, 1993, 1998, 2004, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2012. Il a reçu des pénalités pour production tardive qui étaient liées au solde en souffrance pour les années d’imposition 1991, 1992, 1998, 2004, 2008 et 2012. Compte tenu de ces antécédents, M. Robinson était très conscient des conséquences financières d’une production tardive et du non-paiement du solde d’impôt en souffrance.

[125]  Il ne fait aucun doute que M. Robinson a délibérément laissé subsister un solde en souffrance pendant près de six ans.

[126]  En réalité, M. Robinson demande à la Cour de réévaluer les éléments de preuve présentés au décideur. Il ne s’agit pas du rôle de la Cour et, qui plus est, l’historique de M. Robinson en matière d’inobservation et de non-paiement est à la fois notable et pertinent, et il soutient la décision rendue.

[127]  Le décideur a reconnu que M. Robinson a avancé d’autres facteurs pour justifier sa demande d’allègement, notamment le fait d’avoir 60 ans, d’être un aîné et d’éprouver des difficultés financières. Les renseignements supplémentaires servant à appuyer ces motifs ont été demandés, sans avoir été fournis. Il a donc été raisonnable pour le décideur de rejeter ceux-ci.

[128]  Étant donné les antécédents douteux de M. Robinson à la fois en matière de production et de paiement de l’impôt, je suis dans l’incapacité de souscrire à l’avis du demandeur, selon lequel la décision de ne pas accorder d’allègement n’appartient pas aux issues possibles et acceptables du décideur. De plus, cette décision est justifiée, transparente et intelligible, particulièrement eu égard au dossier présenté au décideur.

VII.  Résumé

[129]  La décision prise par l’ARC d’annuler les intérêts est une laissée au pouvoir discrétionnaire conféré par la LIR, pouvoir qui doit être exercé raisonnablement, puisqu’il autorise des mesures d’allègement exceptionnelles : voir les décisions Amoroso c Canada (Procureur général), 2013 CF 157, paragraphe 50, 2013 DTC 5044, citant Jim’s Pizza (1980) ltd c Canada (Agence du revenu du Canada), 2007 CF 782, paragraphe 13, 2007 DTC 5506.

[130]  C’était le choix personnel de M. Robinson de ne pas payer d’impôt du tout lorsqu’il a reçu l’avis de cotisation de non-déclarant. Il a choisi de ne pas tenir compte du fait que la déclaration qu’il a produite montre qu’il devait 65 642,12 $. Il a choisi de ne pas verser de paiement d’impôt au moment où il a produit la déclaration. Ce choix et celui de ne pas payer à partir de la date à laquelle le solde était dû à l’origine a eu pour conséquence des pénalités et des frais d’intérêts évalués d’après le revenu établi par l’avis de cotisation de non-déclarant, lesquels ont été revus à la baisse par la suite pour tenir compte de la date de production du 8 février 2010 et d’une nouvelle qualification du revenu qui devenait alors revenu d’entreprise.

[131]  Le décideur a rejeté, avec raison, chacun des arguments de M. Robinson voulant que les pénalités et les intérêts en souffrance à la demande d’allègement au second palier soient la faute de l’ARC.

[132]  L’ironie de l’affaire, c’est que l’impôt à payer par M. Robinson était moindre en bout de compte que dans sa déclaration de 2008. Si ce n’était des pénalités pour production tardive et des intérêts, l’ARC aurait pu devoir une somme à M. Robinson s’il avait payé son impôt au moment de produire sa déclaration. Telle n’est pas la faute de l’ARC.

[133]  Voyez les mots de la Cour d’appel fédérale qui était alors saisie d’une affaire différente, mais quelque peu semblable :

Ceux qui, comme Mme Telfer, choisissent de ne pas payer une dette fiscale dans l’attente qu’une décision soit rendue dans une cause liée ne peuvent normalement pas prétendre qu’ils n’ont pas d’intérêts à payer. S’ils avaient payé rapidement les sommes réclamées, et qu’ils avaient eu gain de cause plus tard, le ministre aurait été dans l’obligation de rembourser les montants versés en trop avec intérêts (voir Comeau c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 271, 2005 D.T.C. 5489, au paragraphe 20). Le taux d’intérêt relativement élevé imposé aux contribuables vise de toute évidence à les encourager, dans leur propre intérêt, à payer rapidement leurs dettes fiscales.

Canada (Agence du revenu) c Telfer, 2009 CAF 23, paragraphe 35, 2009 DTC 5046.

[134]  Lorsque M. Robinson n’a pas payé son impôt pour l’année 2008 le jour de l’échéance et qu’il n’a pas produit sa déclaration 2008 à temps, il a mis en branle lui-même la série d’événements qui étaient, selon lui, indépendants de sa volonté. Lorsque, par la suite, il a produit sa déclaration plus de six mois après l’échéance, en y incluant un feuillet T4 délivré à tort, et sans avoir payé d’impôt encore, il a exacerbé le problème.

[135]  La présente demande est rejetée. À la lumière de tous les faits en l’espèce et pour les motifs énoncés, je ne peux conclure que le décideur a exercé déraisonnablement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a rejeté la demande de M. Robinson sollicitant l’annulation ou la renonciation aux pénalités et aux intérêts imposés en application de la LIR relativement à l’impôt cotisé pour l’année d’imposition 2008.

[136]  Les parties se sont entendues sur le fait qu’aucuns dépens ne seront adjugés, peu importe l’issue de l’affaire.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-159-17

LA COUR rejette la présente demande, sans dépens.

« E. Susan Elliott »

Juge


ANNEXE A

Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu :

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

Waiver of Penalty or Interest

(3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partner-ship) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwith-standing subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

Voici d’autres paragraphes pertinents tirés des lignes directrices :

Partie II

Lignes directrices concernant l’annulation ou la renonciation aux pénalités et aux intérêts

[…]

Situations dans lesquelles un allègement des pénalités et des intérêts peut être justifié

23. Le ministre peut accorder un allègement de l’application des pénalités et des intérêts lorsque les situations suivantes sont présentes et qu’elles justifient l’incapacité du contribuable à s’acquitter de l’obligation ou de l’exigence fiscale en cause :

a) circonstances exceptionnelles;

b) actions de l’ARC;

c) incapacité de payer ou difficultés financières.

24. Le ministre peut également accorder un allègement même si la situation du contribuable ne se trouve pas parmi les situations mentionnées au paragraphe 23.

Circonstances exceptionnelles

¶ 25. Les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, lorsqu’ils découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s’acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi sont les suivantes, sans être exhaustives:

a) une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, telle qu’une inondation ou un incendie;

b) des troubles publics ou l’interruption de services, tels qu’une grève des postes;

c) une maladie grave ou un accident grave;

d) des troubles émotifs sévères ou une souffrance morale grave, tels qu’un décès dans la famille immédiate.

Actions de l’ARC

¶ 26. Les pénalités et les intérêts peuvent également faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation si ces pénalités et ces intérêts découlent principalement d’actions prises par l’ARC, telles que :

a) des retards de traitement, qui ont fait en sorte que le contribuable n’a pas été informé d’une somme en souffrance dans un délai raisonnable;

b) des erreurs dans la documentation mise à la disposition du public, ce qui a amené des contribuables à soumettre des déclarations ou à faire des paiements en se fondant sur des renseignements inexacts;

c) des renseignements inexacts qu’un contribuable a reçus, comme dans le cas où l’ARC a informé, par erreur, un contribuable qu’aucun acompte provisionnel n’était requis pour l’année en cours;

d) des erreurs de traitement;

e) des renseignements fournis en retard, comme dans le cas où un contribuable n’a pas pu faire les paiements appropriés d’acomptes provisionnels ou d’arriérés, parce que les renseignements nécessaires n’étaient pas disponibles;

f) des retards indus pour régler une opposition ou un appel, ou la réalisation d’une vérification.

Incapacité de payer ou difficultés financières

¶ 27. Il peut être approprié, lorsque l’incapacité de payer tous les montants dus est confirmée, de considérer la renonciation ou l’annulation aux intérêts, en tout ou en partie, pour permettre au contribuable de régler son compte. Par exemple :

a) lorsque les mesures de recouvrement ont été suspendues à cause de l’incapacité de payer et qu’un montant considérable d’intérêts s’est accumulé ou s’accumulera;

b) lorsque la démonstration de la capacité de payer d’un contribuable exige une prolongation de l’arrangement de paiements, on peut considérer la renonciation aux intérêts, en tout ou en partie, pour la période allant du début des paiements jusqu’à ce que le solde soit acquitté, aussi longtemps que les paiements convenus sont faits à temps et que l’observation des termes de la Loi est maintenue;

c) lorsque le paiement des intérêts accumulés causerait une incapacité prolongée (difficultés financières) à subvenir aux besoins essentiels, tels que la nourriture, les soins médicaux, le transport, ou le logement, on peut considérer l’annulation des intérêts accumulés, en tout ou en partie.

¶ 28. De façon générale, on ne considèrera pas l’annulation d’une pénalité en raison d’une incapacité de payer ou de difficultés financières à moins que des circonstances exceptionnelles, telles qu’elles sont décrites au paragraphe 25, aient empêché l’observation. Cependant, des situations exceptionnelles peuvent donner lieu à l’annulation totale ou partielle des pénalités. Par exemple, lorsqu’une entreprise a des difficultés financières extrêmes et que l’application des pénalités mettrait en danger la continuité de son exploitation, des emplois et du bien-être de la collectivité dans son ensemble, on peut considérer un allègement des pénalités.

Présenter une demande

32. Les contribuables devraient indiquer toutes les circonstances (liste au paragraphe 23) qu’ils ont l’intention d’invoquer dans leur demande initiale. Il est important que les contribuables fournissent à l’ARC une description complète et exacte de ces circonstances afin d’expliquer pourquoi leur situation mériterait un allègement. Pour appuyer une demande, les contribuables devraient fournir tous les renseignements pertinents, y compris les suivants, s’il y a lieu :

a) le nom, l’adresse, le numéro de téléphone, le numéro d’assurance sociale, le numéro de compte, le numéro de la société de personnes, le numéro de compte de fiducie, le numéro d’entreprise ou tout autre numéro d’identification-impôt attribué par l’ARC au contribuable;

b) les années d’imposition ou exercices visés;

c) les faits et les raisons appuyant que les intérêts ou les pénalités découlent principalement de facteurs indépendants de la volonté du contribuable ou sont le résultat d’actions de l’ARC;

d) une explication décrivant comment les circonstances ont nui à la capacité du contribuable à respecter ses obligations fiscales;

e) les faits et les raisons appuyant l’incapacité de payer les intérêts ou les pénalités imposés au contribuable ou qui seront imposés;

f) tous les documents pertinents, tels que des certificats de décès, des rapports de médecin ou des rapports d’assurance, pour appuyer les faits et les raisons;

g) dans les cas impliquant des difficultés financières (incapacité de payer), un arrangement de paiement sensé qui couvre au moins la partie de l’impôt et la pénalité, s’il y a lieu, et une divulgation financière complète, comprenant un état des revenus et des dépenses, ainsi qu’un état des actifs et des passifs;

h) les détails appuyant les renseignements inexacts fournis par l’ARC sous forme de réponses écrites, rensei-gnements publiés ou autres preuves objectives;

i) lorsque les renseignements inexacts fournis par l’ARC l’ont été de vive voix, le contribuable devrait fournir tous les détails recueillis, tels que la date, l’heure, le nom du fonctionnaire de l’ARC à qui il a parlé et les détails de la conversation;

j) un historique complet des événements, y compris les mesures qui ont été prises (p. ex. les paiements et arrangements de paiements) et le moment où elles ont été prises afin de régler l’inobservation.

Part II

Guidelines for the Cancellation or Waiver of Penalties and Interest

[…]

Circumstances Where Relief From Penalty and Interest May Be Warranted

23. The Minister may grant relief from the application of penalty and interest where the following types of situations exist and justify a taxpayer’s inability to satisfy a tax obligation or requirement at issue:

(a) extraordinary circum-stances

(b) actions of the CRA

(c) inability to pay or financial hardship

24. The Minister may also grant relief if a taxpayer’s circumstances do not fall within the situations stated

in ¶ 23.

Extraordinary Circumstances

¶25. Penalties and interest may be waived or cancelled in whole or in part where they result from circumstances beyond a taxpayer’s control. Extraordinary circumstances that may have prevented a taxpayer from making a payment when due, filing a return on time, or otherwise complying with an obligation under the Act include, but are not limited to, the following examples:

(a) natural or man-made disasters such as, flood or fire;

(b) civil disturbances or disruptions in services, such as a postal strike;

(c) a serious illness or accident; or

(d) serious emotional or mental distress, such as death in

the immediate family.

Actions of the CRA

¶26. Penalties and interest may also be waived or

cancelled if the penalty and interest arose primarily because of actions of the CRA, such as:

(a) processing delays that result in the taxpayer not being informed, within a reasonable time, that an amount was owing;

(b) errors in material available to the public, which led taxpayers to file returns or make payments based on incorrect information;

(c) incorrect information provided to a taxpayer, such as in the case where the CRA wrongly advises a taxpayer that no instalment payments will be required for the current

year;

(d) errors in processing;

(e) delays in providing information, such as when a taxpayer could not make the appropriate instalment or arrears payments because the necessary information was not available; or

(f) undue delays in resolving an objection or an appeal, or in completing an audit.

Inability to Pay or Financial Hardship

¶27. It may be appropriate, in circumstances where there is a confirmed inability to pay all amounts owing, to consider waiving or cancelling interest in whole or in part to enable taxpayers to pay their account. For example:

(a) when collection had been suspended due to an inability to pay and substantial interest has accumulated or will accumulate;

(b) when a taxpayer’s demonstrated ability to pay requires an extended payment arrangement, consideration may be given to waiving all or part of the interest for the period from when payments start until the amounts owing are paid, as long as the agreed payments are made on time and compliance with the Act is maintained; or

(c) when payment of the accumulated interest would cause a prolonged inability to provide basic necessities (financial hardship) such as food, medical help, transportation, or shelter, consideration may be given to cancelling all or part of the total accumulated interest.

¶28. Consideration would not generally be given to

cancelling a penalty based on an inability to pay or financial

hardship unless an extraordinary circumstance, as described in ¶ 25 has prevented compliance. However, there may be exceptional situations that may give rise to cancelling penalties, in whole or in part. For example, when a business is experiencing extreme financial difficulty, and enforcement of such penalties would jeopardize the continuity of its operations, the jobs of the employees, and the welfare of the community as a whole, consideration may be given to providing relief of the penalties.

Making a Request

32. Taxpayers should include all the circumstances (as listed in ¶ 23) that they intend to rely on in their initial request. It is important that taxpayers provide the CRA with a complete and accurate description of their circumstances to explain why their situation should merit relief. To support a request, taxpayers should provide all relevant information including the following, where applicable:

(a) the name, address, telephone number, social insurance number, account number, partnership number, trust account number, and business number or any other identification tax number assigned by the CRA to the taxpayer;

(b) the tax year(s) or fiscal period(s) involved;

(c) the facts and reasons supporting that the interest or penalties were either mainly caused by factors beyond the taxpayer’s control, or were as a result of actions of the CRA;

(d) an explanation of how the circumstances affected the taxpayer’s ability in meeting their tax obligation;

(e) the facts and reasons supporting the taxpayer’s inability to pay the interest or penalties levied, or to be levied;

(f) any relevant documentation such as death certificates, doctor’s statements, or insurance statements to support the facts and reasons;

(g) in cases involving financial hardship (inability to pay), a meaningful payment arrange-ment which covers at least the tax and the penalty part, if applicable, and full financial disclosure including a statement of income and

expenses, as well as a statement of assets and liabilities;

(h) supporting details of incorrect information given by the CRA in the form of written answers, published informa-tion, or other objective evidence;

(i) where incorrect information given by the CRA is of a oral nature, the taxpayer should give all possible details they have documented, such as date, time, name of the CRA official spoken to, and details of the conversation;

and

(j) a complete history of events including what measures were taken (e.g., payments and payment arrangements) and when they were taken to resolve the non-compliance.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-159-17

 

INTITULÉ :

DAVID M. ROBINSON c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 décembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 août 2018

 

COMPARUTIONS :

Rami Pandher

 

Pour le demandeur

 

Peter Basta

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shea Nerland LLP

Barristers and Solicitors

Calgary, Alberta

 

For The Applicant

 

Attorney General of Canada

Edmonton, Alberta

For The Respondent

 

 


 

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