Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180802


Dossier : T-2293-12

Référence : 2018 CF 814

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 août 2018

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

PARADIS HONEY LTD.,

HONEYBEE ENTERPRISES LTD.

ET ROCKLAKE APIARIES LTD.

demanderesses

et

SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE ET L’AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La question à trancher dans la présente requête concerne la portée de la production de documents lors de l’étape suivant la certification dans le contexte d’un recours collectif intenté en Cour fédérale.

I.  Aperçu

[2]  Le procureur général du Canada sollicite au nom des défendeurs, Sa Majesté la Reine représentée par le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire et par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (collectivement appelés la Couronne) une ordonnance exigeant que chaque représentante demanderesse (les demanderesses) signifie un affidavit de documents véridique et complet ou, subsidiairement, une ordonnance autorisant le contre-interrogatoire de chacune des demanderesses au sujet de l’affidavit de documents qu’elle a signifié.

[3]  La Couronne soutient que la production de documents des demanderesses n’est pas conforme aux exigences des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), puisque très peu de documents produits portent sur les questions de savoir si des dommages ont été causés et s’ils l’ont été par la Couronne ou par d’autres causes, ou encore sur la question de la valeur des dommages allégués, toutes des questions communes certifiées.

[4]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la requête de la Couronne est bien fondée et qu’une ordonnance enjoignant les demanderesses à déposer un affidavit de documents plus détaillé et de meilleure qualité devrait être accueillie.

II.  Faits

[5]  L’action sous-jacente est une action autorisée en tant que recours collectif, intentée au nom d’apiculteurs commerciaux qui disent avoir subi des dommages en raison des restrictions imposées par la Couronne sur l’importation d’abeilles domestiques provenant des États-Unis. Les trois demanderesses sont des apiculteurs canadiens qui demandent des dommages-intérêts au nom d’un groupe d’environ 1 400 apiculteurs commerciaux pour la négligence alléguée de la Couronne ou la prise de mesures administratives abusives.

[6]  Cette action a été certifiée en tant que recours collectif par le juge Michael Manson, le 17 février 2017 (voir la décision Paradis Honey Ltd. c Canada, 2017 CF 199 (décision Paradis Honey)). Le juge Manson a conclu que les neuf questions communes posées par les demandeurs et énoncées au paragraphe 70 des motifs doivent être autorisés en tant que questions communes, y compris les questions de savoir si la Couronne avait un devoir de diligence à l’égard de chaque apiculteur commercial, si elle a enfreint la norme de soin requise, si ses actions ont provoqué des pertes irrécupérables et à quoi correspond le montant approprié des dommages‑intérêts, y compris les trois volets suivants :

  1. si le total des dommages‑intérêts est offert ou pas et, le cas échéant, quels en sont le fondement et le montant;

  2. quels sont les critères appropriés pour répartir le total des dommages‑intérêt entre les membres du groupe proposé;

c.  autrement, si des dommages‑intérêts individuels doivent être adjugés, quel est le cadre ou quelle est la formule qui permet de les calculer?

[7]  Le juge Manson a affirmé au paragraphe 94 de ses motifs qu’il était approprié de traiter les questions des dommages‑intérêts issues de l’allégation de négligence et l’allégation de mesures administratives abusives comme des questions communes aux fins d’autorisation tout en précisant ce qui suit :

[94]  [...] En particulier, les questions visant à déterminer si le total des dommages‑intérêts est offert au groupe et la façon dont ces dommages‑intérêts devraient être répartis sont des questions communes. Si l’on conclut qu’il est approprié d’accorder des dommages‑intérêts individuels, il faudra peut‑être établir un cadre pour calculer ces dommages‑intérêts selon les sous‑groupes et la Cour pourra apporter les changements requis à l’autorisation à ce moment.

[8]  En février 2018, les trois demanderesses ont signifié leurs affidavits qui énuméraient les documents en leur possession et sous leur garde. Ces affidavits sont reproduits dans le dossier de requête de la Couronne.

[9]  Deux demanderesses, Rocklake Apiaries Ltd. et Honeybee Enterprises Ltd., n’ont pas inscrit de documents relatifs aux dommages-intérêts dans l’annexe 1 de leurs affidavits de documents signifiés respectifs. L’autre demanderesse, soit Paradis Honey Ltd. (Paradis Honey), a signifié un affidavit de documents énumérant 1050 documents pouvant être produits. On y retrouve des états financiers, entre autres un [traduction] « état des résultats comparatif », un [traduction] « bilan comparatif » et un [traduction] « rapport du grand livre » qui ne portent que sur les exercices se terminant les 31 mars 2006 et 2007. Paradis Honey a également énuméré et produit une estimation de ses pertes de profits en 2007, alors que les dommages allégués n’ont pas eu lieu avant 2014. Les documents sources qui sont à la base de ces dossiers n’ont été ni énumérés ni produits.

[10]  Insatisfaite de la production de documents par les demanderesses, la Couronne a déposé la présente requête.

III.  Discussion

A.  Communication de documents dans un recours collectif

[11]  Le droit est bien fixé : une partie à une action a l’obligation d’énumérer et de produire les documents pertinents qui sont en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde. Il est prévu notamment à l’article 223 des Règles que chaque partie signifie aux autres parties un affidavit de documents énumérant tous les documents pertinents qui sont ou ont été en sa possession. Dans le cas d’un recours collectif, l’article 2 des Règles assimile le représentant demandeur à la fois à un « demandeur » à l’égard des points de droit ou de fait communs et à une « partie ».

[12]  L’article 334.11 des Règles prévoit que les règles applicables aux actions s’appliquent aux recours collectifs, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la partie 5.1. Comme aucune règle ne traite précisément de la communication de documents dans le cas d’un recours collectif, ce sont les articles 222 à 233 des Règles qui s’appliquent par défaut. Par conséquent, selon une interprétation ordinaire des Règles, chaque représentant demandeur doit signifier un affidavit de documents qui énumère tous les documents pertinents qui sont ou ont été en sa possession.

B.  Portée de la production documentaire à l’étape des questions communes

[13]  La question en litige entre les parties concerne surtout le critère que notre Cour doit appliquer à la production documentaire dans le cas d’un recours collectif, notamment après la certification des questions et avant la tenue du procès sur les questions communes. Vu l’absence apparente de jurisprudence établie par notre Cour sur la portée de l’obligation des représentants demandeurs dans un recours collectif à produire une documentation pertinente, nous avons examiné les diverses approches adoptées par des tribunaux de provinces canadiennes en la matière.

[14]  En Ontario, la communication est, règle générale, limitée aux questions communes : voir l’arrêt Abdulrahim c Air France, 2010 ONSC 3953, [2010] O.J. no 3126, au paragraphe 21 (arrêt Abdulrahim). Comme le protonotaire MacLeod l’a affirmé dans la décision 1176560 Ontario Ltd. c Great Atlantic & Pacific Co. of Canada Ltd., 2003 CanLII 21408 (ON SC), au paragraphe 6 :

[traduction]

[6]  […] La communication de documents par les représentants demandeurs est limitée à l’étape actuelle de l’espèce par la définition des questions communes. En d’autres mots, les plaidoiries instruisent l’interprétation des questions communes et exposent les faits sur lesquels se fonder, mais une question ne convient à cette étape de l’action que si elle porte sur des questions communes et non sur une réclamation en particulier.

[15]  En Colombie-Britannique, la communication dans un recours collectif a une portée plus large et n’est pas limitée aux seules questions communes : voir l’arrêt Stanway c Wyeth Canada Inc, 2013 BCSC 369, au paragraphe 26 [arrêt Stanway]. Les questions examinées en interrogatoire sont soumises aux principes du caractère substantiel et de la pertinence de la preuve, et ce sont les questions communes autorisées qui permettent d’en établir le caractère substantiel ou la pertinence.

[16]  Pour ce qui est du Québec, la partie d’une action civile a l’obligation continue, aux termes du Code de procédure civile, c C-25.01, de communiquer les documents qu’elle prévoit invoquer ou qui sont demandés par une autre partie tout en étant pertinente à la procédure en cours. La Cour d’appel du Québec a souligné que la procédure de recours collectif ne crée pas et ne modifie pas de droits fondamentaux : voir l’arrêt Imperial Tobacco Canada Ltd. c Létourneau, 2014 QCCA 944 (CanLII), au paragraphe 14.

[17]  La jurisprudence de la Cour sur la portée de la communication de documents est bien établie. La première considération est incontestablement la pertinence. La question de savoir quel document se rapporte vraiment aux questions en litige est tranchée selon le principe suivant : il doit s’agir d’un document dont on peut raisonnablement supposer qu’il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire, ou qui sont susceptibles de le lancer dans une enquête qui pourra produire l’un ou l’autre de ces effets : Novopharm Limited c Eli Lilly Canada Inc., 2008 CAF 287, aux paragraphes 61 à 65. Comme l’affirme la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada c Lehigh Cement Ltd, 2011 CAF 120, au paragraphe 34 : « Pour déterminer s’il est satisfait à ce critère, il convient d’examiner les allégations que la partie qui procède à l’interrogatoire tente d’établir ou de réfuter. »

[18]  La Couronne prétend que l’obligation d’un représentant demandeur de produire les documents pertinents devant notre Cour a une portée plus large que dans certaines provinces et ne se limite pas aux seules questions communes. Elle demande essentiellement à la Cour d’adopter l’approche de la Colombie-Britannique, énoncée dans l’arrêt Stanway, à savoir que la production de documents doit être traitée dans un recours collectif comme s’il s’agissait d’une action conventionnelle. Je ne suis pas d’accord.

[19]  La différence qui existe dans l’approche des autres tribunaux provient en grande partie du fait que les règles de procédure diffèrent. Cependant, selon l’avis général, les documents pertinents aux questions communes doivent être produits par le représentant demandeur. De plus, chaque instance doit être instruite en proportion du montant d’argent en jeu, de l’importance des questions en litige et de la complexité de ces questions.

[20]  Aux paragraphes 12 à 13 du jugement Abdulrahim, le juge Strathy a souligné qu’un recours collectif n’est pas une action ordinaire et qu’il n’y aurait ni gain d’efficacité ni économie à obtenir en procédant à l’interrogatoire des représentants demandeurs sur des questions ne relevant pas des questions communes. Il a même affirmé au paragraphe 21 que cette approche servirait mieux l’objectif de l’économie des ressources et le principe exprimé à l’article 1.04 des Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règl. 194 : « Les présentes règles doivent recevoir une interprétation large afin d’assurer la résolution équitable sur le fond de chaque instance civile, de la façon la plus expéditive et la moins onéreuse. »

[21]  La Cour fédérale a adopté une approche semblable qui se fonde sur la proportionnalité et la raisonnabilité : voir l’article 3 des Règles. La Directive sur la procédure de la Cour fédérale datée du 24 juin 2015 et intitulée « La gestion d’instance : Assurer la proportionnalité dans les litiges complexes en Cour fédérale » met elle aussi l’accent sur le principe de proportionnalité dans les litiges en Cour fédérale. Elle recommande notamment que les parties s’assurent que les mesures prises dans des instances sont proportionnelles, à l’égard des coûts et du temps requis, à la nature et à la complexité du différend.

[22]  Il ressort de la jurisprudence et des Règles que chaque instance instruite en Cour fédérale met en jeu plusieurs considérations de principe en matière de communication de la preuve. D’une part, la Cour veut éviter qu’une demande de documents pertinents à portée trop large ne devienne inéquitable pour les parties et ne compromette de ce fait le caractère commode et efficace de l’audience portant sur l’autorisation du recours collectif. D’autre part, la Cour doit avoir accès à un dossier de la preuve suffisamment étoffé pour pouvoir trancher les questions avec précision.

[23]  Vu les présentes circonstances, je conclus que l’approche qui convient à l’étape suivant l’autorisation du recours collectif consiste à suivre la règle générale selon laquelle la communication de documents doit être liée aux questions communes, sauf exception.

C.  Application des principes aux faits

[24]  La requête de la Couronne aborde l’obligation de base de produire des documents qui soient pertinents pour les questions communes. Il est bien établi que la partie qui demande la production de documents supplémentaires doit présenter des éléments de preuve convaincants tendant à démontrer l’existence de documents qui n’ont été ni relevés ni produits. Le fardeau de prouver que la production d’une autre partie est inadéquate incombe à la partie qui fait cette allégation. À mon avis, la Couronne s’est acquittée de ce fardeau.

[25]  Les demanderesses ont refusé de produire des documents, notamment leurs dossiers financiers personnels au motif qu’ils ne sont pas en rapport avec les questions communes. Elles font valoir la différence importante qui existe entre les « questions communes », qui ont passé l’étape du jugement d’autorisation et qui seront tranchées pour l’ensemble des membres, et les « questions individuelles », propres à chaque membre du recours collectif et qui ne peuvent être tranchées pour l’ensemble des membres. Les demanderesses prétendent que ce sont les experts qui répondront à ces questions en fin de compte.

[26]  Cependant, le fait de procéder selon la méthode des demanderesses priverait la Couronne de ses pleins droits à la communication de la preuve. Cette communication constitue un outil très important de la procédure civile. Son importance est capitale dans des cas comme la présente affaire, où les questions de causalité, du montant des dommages-intérêts et de l’octroi de dommages-intérêts globaux font l’objet d’une opposition farouche.

[27]  En ce qui concerne l’octroi de dommages-intérêts globaux, les demanderesses invoquent la jurisprudence ontarienne pour refuser la production de documents, notamment la décision du juge Perrell de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’arrêt 2038724 Ontario Ltd c Quizno’s Canada Restaurant Corp, 2012 ONSC 6549 (arrêt Quizno’s). Le juge Perrell avait conclu qu’une évaluation globale ne consiste pas à faire le décompte des réclamations individuelles, mais plutôt à évaluer la totalité des revendications de l’ensemble des membres lorsque les faits essentiels permettent d’y arriver avec un niveau de précision raisonnable.

[28]  J’écarte l’arrêt Quizno’s, dans lequel la production de documents avait été importante, puisque, en l’espèce, deux des trois représentantes demanderesses n’ont produit aucun document correspondant à la période pertinente allant de 2006 à 2012. Dans le cas de Paradis Honey, celle-ci n’a produit que des renseignements financiers pour la période allant de janvier à mars 2007 et quelques autres documents relatifs aux pertes demandées. Il est évident qu’il manque des documents pertinents, dont des documents financiers.

[29]  Une partie ne peut refuser de produire des documents simplement en invoquant sa méthode privilégiée pour évaluer les dommages-intérêts allégués. Dans l’arrêt Berry c Pulley et al, 2008 CanLII 53850 (ONSC) (arrêt Berry), la protonotaire Joan M. Haberman a rejeté l’argument d’une évaluation particulière des dommages-intérêts, qui aurait limité l’obligation de produire des documents. Dans cette affaire, le calcul des dommages-intérêts faisait partie des questions communes. Les demanderesses avaient alors demandé une divulgation plus complète sur l’ancienneté et les revenus de tous les défendeurs. Les défendeurs s’y sont opposés en affirmant que leur thèse était que des évaluations individuelles seraient nécessaires. La protonotaire a rejeté cette argumentation en affirmant que, [traduction] « à ce stade », l’autre partie pourrait ne pas être du même avis et que [traduction] « la méthode privilégiée (par les défendeurs) n’est pas un motif suffisant pour restreindre la production, puisque le débat sur la façon de calculer les dommages-intérêts n’a pas encore eu lieu » (arrêt Berry, à la page 10, au 4e paragraphe).

[30]  Pour examiner les dommages-intérêts demandés, le cas échéant, et pour déterminer comment ils peuvent être calculés (en fonction du total ou autre), une cour doit se pencher sur la situation d’un représentant demandeur en particulier, et [traduction] « n’eurent été » les actions prétendument négligentes ou inappropriées, dans quelle situation se trouverait ce représentant demandeur. De plus, la cour doit envisager de quelle manière ces circonstances diffèrent entre les demandeurs d’un même recours collectif. Il s’agit d’un exercice qui ne peut s’exécuter dans un vide factuel.

[31]  Il en va de même en ce qui concerne les questions de causalité et du montant des dommages-intérêts, lesquelles ont été autorisées en tant que questions communes. Comme dans l’affaire Berry, le débat visant à déterminer si les actions de la Couronne ont causé un préjudice aux demandeurs et le calcul des dommages-intérêts n’a pas encore eu lieu. La méthode privilégiée par les demanderesses sur ces questions n’est un motif suffisant pour restreindre la production de documents.

[32]  Vu l’importance des questions communes et en l’absence d’éléments de preuve qui m’indiquerait des coûts élevés de production, je considère que le fait d’imposer la production de documents financiers et d’autres documents pertinents en l’espèce pour ceux qui ont été désignés comme les représentants du recours est une mesure à la fois efficace et équitable. La production adéquate de documents avant la tenue des interrogatoires préalables permet aux parties de se préparer convenablement en vue des interrogatoires.

[33]  Les documents produits par les demanderesses n’incluent pas tous les documents qui portent sur les questions communes. Bien qu’il soit impossible pour la Couronne ou la Cour de connaître avec précision les documents qu’une demanderesse en particulier devrait inscrire sur son affidavit des documents, chaque société devrait avoir, à tout le moins, des états financiers et des documents portant sur ses activités et les dommages subis au cours de la période pertinente.

[34]  Dans l’affidavit déposé à l’appui de la requête d’autorisation, les représentants des sociétés demanderesses ont affirmé avoir pris des mesures pour bien représenter les intérêts du groupe proposé, avoir fourni à leurs avocats de l’information et des renseignements généraux et avoir obtenu des documents et d’autres renseignements à la demande de leurs avocats. Pourtant, deux de ces demanderesses n’ont inscrit aucun document dans leur affidavit de documents et, dans le cas de Paradis Honey, il n’existe que quelques documents visant à indiquer les coûts engagés ou non en vue d’importer des colis d’abeilles ou de reines en provenance des États-Unis ou d’autres pays. Aucune demanderesse n’a produit de documents portant sur leur travail d’apiculteur, le contrôle des espèces nuisibles et des maladies, l’hivernage ni sur le coût des autres intrants. Aucune demanderesse n’a produit de documents portant sur ses ventes. Aucune demanderesse n’a produit de documents portant sur la valeur de ses biens ou sur des échecs commerciaux.

[35]  La Couronne ne demande pas une divulgation démesurée. En l’espèce, 200 millions de dollars sont en jeu. Les questions en litige sont importantes, notamment celle visant à déterminer si l’organisme de réglementation peut causer des dommages indemnisables à des demandeurs comme en l’espèce. Il s’agit de questions de fait et de droit complexes, y compris des questions complexes portant sur les dommages.

[36]  Les documents produits par l’ensemble des demanderesses dans cette action de grande importance sont insignifiants, et même pratiquement inexistants, dans le cas de deux demanderesses, bien moindre que celle qui serait exigée d’un seul demandeur pour une simple affaire de perte de revenus. Il est inconvenant de faire attendre les parties jusqu’aux interrogatoires préalables pour demander alors une production de documents convenable par engagement. La raison d’être de l’exigence imposée à un demandeur d’inscrire et de produire les documents pertinents avant la tenue des interrogatoires préalables va de soi. Sans elle, les défendeurs seraient privés de leurs droits à la communication de la preuve, ce qui occasionnerait des coûts et des délais supplémentaires.


ORDONNANCE dans le dossier T-2293-12

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La requête est accueillie en partie.

  2. Chaque représentante demanderesse devra signifier un affidavit de documents plus détaillé et de meilleure qualité dans un format conforme aux présents motifs.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés pour la présente requête.

« Roger R. Lafrenière »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2293‑12

 

INTITULÉ :

PARADIS HONEY LTD., HONEYBEE ENTERPRISES LTD. ET ROCKLAKE APIARIES LTD. c SA MAJESTÉ LA REINE REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE ET PAR L’AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 juillet 2018

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 août 2018

 

COMPARUTIONS :

Celeste Shankland

Garth Myers

 

Pour les demanderesses

 

Christine Ashcroft

Marlon Miller

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kiskie Minsky LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

Pour les défendeurs

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.