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Date : 20180717


Dossier : T-1608-17

Référence : 2018 CF 746

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

BRENDA JOLY, WILLIAM JOHN ET TREVOR JOHN

 

demandeurs

et

GORDON GADWA, BENJAMIN BADGER, JASON MOUNTAIN ET VERNON WATCHMAKER

 

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Les demandeurs sollicitent, aux termes de l’article 467 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), une ordonnance portant que les défendeurs ont commis un outrage au tribunal pour avoir omis de se conformer à l’ordonnance sur consentement rendue par le juge Lafrenière le 10 novembre 2017 (l’ordonnance du 10 novembre).

[2]  La présente décision fait suite à une instruction ordonnée par le juge Martineau le 19 mars 2018 (l’ordonnance de justifier) enjoignant aux défendeurs de comparaître devant notre Cour pour entendre la preuve de leur outrage aux paragraphes 1 et 4 de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre et pour présenter toute défense à l’égard de leur présumé outrage.

[3]  Le 13 juin 2018, à Edmonton, la Cour a entendu cinq témoins, quatre pour les demandeurs et un pour les défendeurs. Les avocats ont suggéré que les arguments soient présentés après l’audition, au moyen d’observations écrites, et la Cour est d’accord. Ces observations ont été déposées et examinées.

[4]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que les demandeurs ont commis un outrage relativement à l’ordonnance du 10 novembre, et plus précisément, aux paragraphes 1 et 4, comme ils sont énoncés ci-dessous.

II.  Contexte

[5]  La demande ayant donné ouverture à la présente procédure pour outrage au tribunal a été déposée le 23 octobre 2017. Les demandeurs sont Brenda Joly (la chef intérimaire Joly), la conseillère élue et la chef intérimaire nommée par le Conseil de bande de la Kehewin Cree Nation, laquelle fonctionne selon un système d’élections coutumières, aux termes de la Loi sur les Indiens, LRC 1985 c I-5 (la bande de Kehewin), William John et Trevor John, tous deux des conseillers élus de la nation Kehewin.

[6]  Les défendeurs sont Gordon Gadwa (M. Gadwa), un ancien chef et conseiller de la bande de Kehewin, dont l’élection de 2015 à titre de chef et de conseiller a été annulée en raison des manœuvres frauduleuses d’un membre du personnel électoral. M Gadwa a été destitué de son poste de conseiller par une décision unanime rendue par le Conseil de bande le 7 juillet 2016. Les autres défendeurs sont les conseillers Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker, qui ont tous été élus à des postes de conseiller de la bande de Kehewin, en septembre 2015. Je dois ajouter que M. Mountain est très malade et qu’il a été destitué de son poste de conseiller par une résolution du Conseil de bande (RCB) adoptée le 13 mars 2018.

III.  Chronologie des faits ayant mené à l’ordonnance du 10 novembre

[7]  La dernière élection de conseillers, aux termes du [traduction] Code électoral coutumier de la Kehewin Cree Nation (le Code électoral) a été tenue le 1er septembre 2015. Les conseillers Badger, Trevor John, William John, Mountain et Watchmaker ainsi que la chef intérimaire Joly et M. Gadwa ont été élus conseillers pour un mandat de trois ans se terminant en 2018.

[8]  La dernière élection du chef s’est tenue le 29 septembre 2015. M. Gadwa a remporté l’élection avec trois votes de plus que la chef intérimaire Joly. Un appel en matière d’élection contestant le résultat de l’élection du chef de 2015 a été accueilli; le président d’élection a conclu que M. Gadwa avait employé des manœuvres électorales frauduleuses. L’élection a été annulée, et le président d’élection a destitué M. Gadwa de son poste de chef et de conseiller. Le président d’élection a aussi déclaré que la chef intérimaire Joly était élue comme chef de la bande de Kehewin.

[9]  En mai 2016, la juge Strickland a confirmé la destitution prononcée par le président d’élection concernant M. Gadwa à titre de chef, mais elle a annulé la destitution prononcée par le président d’élection concernant M. Gadwa à titre de conseiller. La juge Strickland a également annulé la nomination de la chef intérimaire Joly comme chef et elle a ordonné la tenue d’une nouvelle élection d’un chef.

[10]  En mai 2016, le Conseil de bande a nommé la chef intérimaire Joly pour agir en tant que chef intérimaire jusqu’à la tenue de la nouvelle élection d’un chef.

[11]  En juin 2016, la chef intérimaire Joly a interjeté appel à la Cour d’appel fédérale de la décision de la juge Strickland d’annuler sa nomination de chef ainsi que la destitution, par le président d’élection, de M. Gadwa de son poste de conseiller. Pour sa part, M. Gadwa a interjeté appel de la conclusion de la juge Strickland selon laquelle il avait employé des manœuvres électorales frauduleuses.

[12]  En juin 2016, le Conseil de la bande de Kehewin a examiné une plainte de méfait, de manquement au devoir ou d’inconduite. En juin 2016, le Conseil de bande, dans une décision unanime, a démis M. Gadwa de ses fonctions de conseiller.

[13]  M. Gadwa n’a pas contesté la décision du Conseil de bande de le démettre de ses fonctions de conseiller.

[14]  En juillet 2016, la Cour d’appel fédérale a suspendu la tenue d’une nouvelle élection d’un chef en attendant l’issue de l’appel interjeté par la chef intérimaire Joly et de l’appel incident de M. Gadwa.

[15]  Le 4 octobre 2017, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel de la chef intérimaire Joly. À l’audition, M. Gadwa a abandonné son appel incident devant la Cour d’appel fédérale.

[16]  Compte tenu des allégations selon lesquelles M. Gadwa commettait des irrégularités et se présentait, à tort, comme un conseiller, les demandeurs ont déposé, en octobre 2017, un avis de demande de contrôle judiciaire, afin d’obtenir ce qui suit :

  • une déclaration voulant que M. Gadwa ait cessé d’occuper les fonctions de conseiller de la bande de Kehewin le 7 juillet 2016, lorsqu’il a été destitué par le Conseil de bande, en application du Code électoral;

  • une ordonnance de quo warranto portant que M. Gadwa n’exerce pas de fonctions de conseiller de la bande de Kehewin, et qu’il ne peut pas participer aux réunions du Conseil de la bande de Kehewin ni être pris en compte au moment de constater le quorum;

  • une déclaration portant, qu’aux termes du Code électoral, trois membres du Conseil de bande n’aient pas le pouvoir ou l’autorité de réintégrer une personne dans le Conseil, après qu’elle a été démise de ses fonctions au sein du Conseil, en application de l’article X du Code électoral;

  • une ordonnance enjoignant à M. Gadwa de ne pas se présenter publiquement comme un conseiller en poste de la bande de Kehewin;

  • une déclaration portant qu’aucun clan ou groupe formé de quatre personnes, même si elles sont toutes des conseillers élus, ne puisse se rencontrer comme un [traduction« quorum de quatre » ou comme un soi-disant [traduction] « Quorum du Conseil de bande » et prendre des décisions liant le Conseil de la bande de Kehewin et qu’aucune décision prise par les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker depuis le 4 octobre 2017, avec ou sans M. Gadwa, ne soit valide ni contraignante à l’égard de la bande de Kehewin.

IV.  L’ordonnance du 31 octobre 2017 rendue par le juge Zinn

[17]  À l’occasion de la demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont demandé que des mesures de redressement provisoires soient accordées de manière urgente, à titre ex parte. La requête a été entendue et accueillie par le juge Zinn, qui a rendu l’ordonnance intérimaire suivante, devant prendre fin le 14 novembre 2017 :

LA COUR ORDONNE que :

1.  Il soit interdit par la présente et défendu à l’intimé Gordon Gadwa de :

a)  se présenter au public comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin;

b)  agir comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin;

c)  interférer dans l’administration des affaires financières et des autres affaires de la nation crie Kehewin.

2.  Il soit interdit par la présente et défendu à l’intimé Vernon Watchmaker de :

a)  se présenter au public comme s’il était chef provisoire ou intérimaire de la nation crie de Kehewin;

b)  agir comme s’il était chef provisoire ou intérimaire de la nation crie de Kehewin.

3.  Le « public » mentionné aux paragraphes 1 et 2 comprennent tous les membres de la nation crie de Kehewin, tous les employés et le personnel de la nation crie de Kehewin, le gouvernement fédéral et les gouvernements autochtones, provinciaux, territoriaux et les administrations municipales, leurs ministères, leurs employés et leur personnel, les particuliers et les entreprises qui font des affaires avec la nation crie Kehewin et les médias.

4.  Il soit interdit et défendu aux intimés Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker de :

a)  convoquer des réunions du Conseil;

b)  participer à une réunion quelconque du Conseil qui n’est pas la réunion régulière du Conseil du mardi à 9 h, dans l’immeuble administratif dans la réserve de la nation crie de Kehewin, sauf :

une réunion spéciale a été convoquée par Brenda Joly ou qui est sous sa direction, et un préavis d’au moins 48 heures a été donné à toutes les personnes suivantes : Benjamin Badger, Brenda Joly, Trevor John, William John, Jason Mountain et Vernon Watchmaker par courriel à [...];

(ii)  une réunion d’urgence a été convoquée par l’une des personnes suivantes ou est sous leur direction :

A.  deux (2) personnes parmi Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker et une (1) personne parmi Brenda Joly, Trevor John et William John, ou

B.  deux (2) personnes parmi Brenda Joly, Trevor John et William John et une (1) personne parmi Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker;

et un préavis d’au moins 24 heures a été envoyé par courriel à [...].

5.  La présente ordonnance et l’avis de requête des requérants, les affidavits de Brenda Joly et de Lavonna M. Trenchie à l’appui et l’exposé des faits et du droit puissent être signifiés à l’intimé Gordon Gadwa en les envoyant par courriel à l’adresse [...];

6.  Une copie de la présente ordonnance soit affichée dans un endroit bien en vue dans les bureaux du Conseil de bande.

7.  La présente ordonnance prenne fin le 14 novembre 2017.

8.  Sauf si une date antérieure est établie par le juge responsable de la gestion de l’instance et qu’un avis en conséquence est communiqué à toutes les parties par courriel ou par téléphone, la Cour entende la requête inter partes des requérants prévue par l’article 373 des Règles pour que soit de nouveau rendue la présente ordonnance en attente du jugement définitif dans la présente demande à 10 h, HNE, le 14 novembre 2017, par téléconférence.

V.  L’ordonnance du 10 novembre 2017 rendue par le juge Lafrenière

[18]  Les demandeurs ont ensuite sollicité que l’ordonnance intérimaire prononcée par le juge Zinn soit accordée inter partes et rendue permanente. Les avocats des parties ont discuté de l’affaire, et les défendeurs ont retenu les services de nouveaux avocats. En conséquence, les nouveaux avocats des défendeurs ont informé la Cour que les parties avaient consenti à une autre injonction provisoire reprenant les mêmes mesures injonctives que celles du juge Zinn. Les avocats des défendeurs ont aussi fourni un projet d’ordonnance à la Cour.

[19]  Le juge Lafrenière, ayant demandé que des délais soient fixés pour permettre l’instruction ordonnée de la question, a rendu une ordonnance le 10 novembre 2017, dont l’exécution est maintenant demandée dans la présente procédure pour outrage au tribunal.

[20]  Les mesures injonctives de l’ordonnance du 10 novembre étaient les mêmes que celles contenues dans l’ordonnance prononcée par le juge Zinn. En substance, l’ordonnance du 10 novembre prescrit ce qui suit (en plus des délais) :

LA COUR ORDONNE que :

1.  Il soit interdit par la présente et défendu à l’intimé Gordon Gadwa de :

a)  se présenter au public comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin;

b)  agir comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin;

c)  interférer dans l’administration des affaires financières et des autres affaires de la nation crie Kehewin.

[...]

3.  Le « public » mentionné aux paragraphes 1 et 2 de la présente ordonnance comprennent tous les membres de la nation crie de Kehewin, tous les employés et le personnel de la nation crie de Kehewin, le gouvernement fédéral et les gouvernements autochtones, provinciaux, territoriaux et les administrations municipales, leurs ministères, leurs employés et leur personnel, les particuliers et les entreprises qui font des affaires avec la nation crie Kehewin et les médias.

4.  Il soit interdit et défendu aux intimés Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker de :

a)  convoquer des réunions du Conseil;

b)  participer à une réunion quelconque du Conseil qui n’est pas la réunion régulière du Conseil du mardi à 9 h, dans l’immeuble administratif dans la réserve de la nation crie de Kehewin, sauf :

(i)  une réunion spéciale a été convoquée par Brenda Joly ou qui est sous sa direction, et un préavis d’au moins 48 heures a été donné à toutes les personnes suivantes : Benjamin Badger, Brenda Joly, Trevor John, William John, Jason Mountain et Vernon Watchmaker par courriel à [...];

(ii)  une réunion d’urgence a été convoquée par l’une des personnes suivantes ou est sous leur direction :

A.  deux (2) personnes parmi Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker et une (1) personne parmi Brenda Joly, Trevor John et William John, ou

B.  deux (2) personnes parmi Brenda Joly, Trevor John et William John et une (1) personne parmi Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker, et un préavis d’au moins 24 heures a été envoyé par courriel à [...]

VI.  Demande en vue d’obtenir une ordonnance de justifier

[21]  Compte tenu des allégations selon lesquelles les défendeurs ont enfreint diverses dispositions de l’ordonnance du 10 novembre, les demandeurs ont présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance de justifier contre les défendeurs, aux termes du paragraphe 467(1) des Règles, pour leur enjoindre de justifier pourquoi ils ne devraient pas être déclarés coupables d’outrage au tribunal à l’égard de l’ordonnance du 10 novembre. Les demandeurs ont aussi demandé une autre injonction provisoire, laquelle ne relève pas de l’espèce.

[22]  Le 19 mars 2018, le juge Martineau a conclu qu’il existe une preuve prima facie de l’outrage reproché. Le juge Martineau a ordonné aux défendeurs de comparaître devant la Cour pour entendre la preuve de leur outrage à l’ordonnance du 10 novembre et pour présenter toute défense qu’ils peuvent invoquer à l’égard de leur manquement prima facie aux paragraphes 1 et 4 de ladite ordonnance. Plus précisément, l’ordonnance du juge Martineau prescrit ce qui suit :

[traduction]

1.  Chacun des défendeurs, Gordon Gadwa, Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker, doit :

a)  le 13 juin 2018, à 9 h 30, comparaître devant un juge de notre Cour à l’adresse suivante : Cour fédérale, Scotia Place, Tour 1, 5e étage, 10060, avenue Jasper, Edmonton, en Alberta;

b)  pour entendre la preuve de leur outrage à l’ordonnance de la Cour datée du 10 novembre 2017, plus précisément qu’ils ont signé et publié des documents auxquels ils ont donné suite, lesquels sont joints à l’affidavit de William John, assermenté le 12 mars 2018, comme pièce E et pièce F, de la manière alléguée dans ledit affidavit;

c)  présenter toute défense qu’ils peuvent invoquer contre leur outrage prima facie aux paragraphes 1 et 4 de l’ordonnance du 10 novembre 2017.

[23]  Les présents motifs traitent des issues de l’instruction ordonnée par le juge Martineau.

VII.  Questions en litige

[24]  Les parties ont présenté des observations écrites préalables à l’audition quant à la question de savoir si l’outrage au tribunal est démontré, ainsi que sur la peine appropriée. Toutefois, avant l’audition, j’ai porté à l’attention des avocats des parties la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Winnicki c Canada (Commission des droits de la personne), 2007 CAF 52, où la Cour d’appel fédérale a critiqué la pratique consistant à regrouper les auditions sur l’outrage au tribunal et sur la peine, plus précisément lorsque les observations sur la peine peuvent entraîner des aveux ou des conclusions de culpabilité en ce qui concerne l’auteur allégué de l’outrage : voir les paragraphes 12 à 16. Par conséquent, l’audition devant moi a été scindée : la Cour a entendu les éléments de preuve sur la question de l’outrage, et s’il est jugé qu’il y a eu outrage, la Cour entendra ultérieurement les observations sur la peine et la prononcera.

[25]  Les défendeurs reconnaissent que l’ordonnance du 10 novembre formule de manière claire et non équivoque ce qui doit et ne doit pas être fait; par conséquent, cette exigence de clarté du droit relatif à l’outrage n’est pas en litige : Carey c Laiken, 2015 CSC 17, au paragraphe 33. S’il y avait eu litige, j’aurais conclu que l’ordonnance du 10 novembre formulait de manière claire et non équivoque ce qui pouvait et ne pouvait être fait.

[26]  Plus précisément, le libellé clair du paragraphe 1 de l’ordonnance du 10 novembre interdit au défendeur Gadwa, de manière explicite et non équivoque, de se présenter publiquement comme un conseiller de la Kehewin Cree Nation et d’agir comme s’il en était un conseiller. Le « public » est précisément défini au paragraphe 3, en termes clairs et non équivoques, comme comprenant [traduction] « les membres de la nation crie de Kehewin » ainsi que [traduction] « le gouvernement fédéral et les gouvernements autochtones, provinciaux, territoriaux et les administrations municipales, leurs ministères, leurs employés et leur personnel, les particuliers et les entreprises qui font des affaires avec la nation crie Kehewin ».

[27]  En outre, le libellé clair du paragraphe 4 de l’ordonnance du 10 novembre interdit, de manière explicite et non équivoque, aux défendeurs Badger, Mountain et Watchmaker de convoquer leurs propres réunions du Conseil et de participer à toute réunion du Conseil, outre la réunion régulière du Conseil du mardi ou une réunion spéciale ou d’urgence du Conseil convoquée conformément au paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre 2017, avec un préavis donné à tous les membres élus du Conseil.

[28]  En conséquence, les questions en litige en l’espèce consistent à juger s’il est prouvé hors de tout doute raisonnable que : a) les défendeurs ont été informés de l’ordonnance du 10 novembre, et b) les défendeurs ont commis un outrage au tribunal, aux termes de l’alinéa 466b), pour l’inobservation de l’ordonnance du 10 novembre.

VIII.  Dispositions applicables

[29]  L’alinéa 466b) des Règles prescrit ce qui suit :

Outrage

Contempt

466 Sous réserve de la règle 467, est coupable d’outrage au tribunal quiconque :

466 Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who

...

...

b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

(b) disobeys a process or order of the Court;

[30]  L’article 467 des Règles édicte la procédure à suivre à l’occasion d’une audition pour outrage au tribunal :

Droit à une audience

Right to a hearing

467 (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu’une personne puisse être reconnue coupable d’outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d’une personne ayant un intérêt dans l’instance ou sur l’initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

467 (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court’s own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

b) d’être prête à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

c) d’être prête à présenter une défense.

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

Requête ex parte

Ex parte motion

(2) Une requête peut être présentée ex parte pour obtenir l’ordonnance visée au paragraphe (1).

(2) A motion for an order under subsection (1) may be made ex parte.

Fardeau de preuve

Burden of proof

(3) La Cour peut rendre l’ordonnance visée au paragraphe (1) si elle est d’avis qu’il existe une preuve prima facie de l’outrage reproché.

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

IX.  Procédures en outrage au tribunal

[31]  Les procédures en outrage au tribunal traitent d’une question très sérieuse. L’objet fondamental du pouvoir de la Cour de déclarer une personne coupable d’outrage au tribunal est d’assurer le respect des procédures judiciaires, respect qui à son tour garantit le bon fonctionnement du système judiciaire.

[32]  À l’occasion d’une audition pour outrage, le fardeau de la preuve est le même que celui exigé lors d’un procès criminel, c’est-à-dire une preuve hors de tout doute raisonnable, selon la juge Heneghan dans la décision Canada (Revenu national) c Gray, 2018 CF 549, au paragraphe 28 :

Dans ce type de requête, le fardeau de la preuve repose sur la partie requérante. Selon l’arrêt Bhatnager c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 RCS 217, l’outrage au tribunal est une question criminelle ou quasi criminelle et ses éléments constitutifs doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable.

[33]  Dans la décision Canada (Revenu national) c Bjornstad, 2006 CF 818, la juge Dawson, tel était alors son titre, a affirmé ce qui suit, au paragraphe 4 :

[4]  L’objet fondamental du pouvoir de la Cour de déclarer une personne coupable d’outrage au tribunal est d’assurer le respect des procédures judiciaires, respect qui à son tour garantit le bon fonctionnement du système judiciaire. En bref, le principe de la primauté du droit requiert que les ordonnances judiciaires soient observées.

[34]  Dans la décision Louis Vuitton Malletier, S.A. c Bags O’Fun Inc., 2003 CF 1335, la juge Dawson, tel était alors son titre, expose les principes pertinents, aux paragraphes 6, 7, 8, 14 et 15 :

[6]  L’alinéa 466b) des Règles énonce qu’une personne qui « désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour » est coupable d’outrage au tribunal.

[7]  Les principes pertinents et applicables sont les suivants :

1.  Il incombe à la partie qui allègue l’outrage de prouver celui-ci et la partie accusée d’outrage n’est pas tenue de présenter de preuve à la Cour.

2.  Les éléments constitutifs de l’outrage doivent être établis hors de tout doute raisonnable.

3.  En cas de désobéissance à une ordonnance de la Cour, les éléments à prouver sont l’existence de l’ordonnance, la connaissance de celle-ci par la personne accusée d’outrage et la désobéissance consciente à ladite ordonnance.

4.  La mens rea et la bonne foi sont pertinentes uniquement comme circonstances atténuantes relativement à l’application de sanctions.

Voir les articles 469 et 470 des Règles et Télé-Direct (Publications) Inc. c Canadian Business Online Inc.(1998), 151 F.T.R. 271.

[8]  L’outrage au tribunal est une question très sérieuse. L’objet fondamental du pouvoir de la Cour de déclarer une personne coupable d’outrage au tribunal est d’assurer le respect des procédures judiciaires, respect qui à son tour garantit le bon fonctionnement du système judiciaire.

[...]

[14]  Dans Bhatnager c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 R.C.S. 217, la Cour suprême du Canada a examiné l’exigence selon laquelle une personne doit être au courant de l’existence d’une ordonnance avant de pouvoir être déclarée coupable d’outrage au tribunal relativement à cette ordonnance. Voici comment la Cour s’est exprimée au paragraphe 16 :

D’après la jurisprudence, il n’y a aucun doute que la common law a toujours exigé la signification à personne ou la connaissance personnelle réelle de l’ordonnance d’un tribunal comme condition préalable à la responsabilité pour outrage au tribunal. Il y a près de deux siècles, dans l’arrêt Kimpton c Eve (1813), 2 V. & B. 349, 35 E.R. 352, le lord chancelier Eldon a conclu qu’une partie ne pouvait être tenue responsable d’outrage au tribunal compte tenu de la preuve non contestée qu’elle n’avait jamais eu connaissance de l’ordonnance. Dans l’arrêt Ex parte Langley (1879), 13 Ch. D. 110 (C.A.), le lord juge Thesiger a énoncé le principe suivant à la p. 119 :

[traduction] ... la question dans chaque cas, et selon les circonstances particulières de l’affaire, doit être : y a-t-il eu un avis donné à la personne accusée d’outrage au tribunal qui permette de déduire des faits qu’elle a effectivement reçu un avis de l’ordonnance qui avait été rendue? Et dans une affaire de ce genre, compte tenu du fait qu’il peut y avoir atteinte à la liberté de la personne, je suis d’avis que ceux qui affirment qu’il y a eu un tel avis sont tenus de le démontrer hors de tout doute raisonnable.

Plus récemment, notre Cour a examiné l’exigence en matière de connaissance, relativement à l’outrage au tribunal, dans l’arrêt Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. c Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388, le juge Dickson (maintenant juge en chef), aux p. 396 et 397.

[15]  La Cour a ensuite fait remarquer que la connaissance est souvent prouvée de manière circonstancielle et que, « dans les affaires d’outrage au tribunal, on peut toujours inférer la connaissance lorsque les faits permettant d’appuyer cette inférence sont prouvés : voir Avery c Andrews (1882), 51 L.J. Ch. 414 ».

X.  Discussion

[35]  De l’avis des demandeurs, les quatre défendeurs sont tous passibles d’outrage au tribunal parce qu’ils ont enfreint le paragraphe 1 de l’ordonnance du 10 novembre, et ce, à plusieurs égards. Premièrement, lorsqu’ils ont supposément agi comme conseillers et signé, en date du 31 janvier 2018, ce qui était censé être une RCB, mais qui ne l’était pas et, deuxièmement, lorsqu’ils ont signé, environ à la même date, un document intitulé [traduction] « Destinataires : membres de la bande de Kehewin, Objet : élection générale » en leur soi-disant qualité de [traduction] « dirigeants de la bande de Kehewin » [l’avis]. Il s’agit des pièces F et E, respectivement, de l’affidavit de M. William John, dont il est fait mention au paragraphe 2 de l’ordonnance de justifier rendue par le juge Martineau, le 19 mars 2018.

[36]  Les demandeurs prétendent également que les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker sont passibles d’outrage pour avoir contrevenu à l’ordonnance du 10 novembre en convoquant, le 31 janvier 2018, une réunion privée et en y participant, contrairement au paragraphe 4 de l’ordonnance du 10 novembre et en violation de ce dernier. Personne ne conteste cette allégation, et je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, qu’aucune réunion autorisée du Conseil n’a été tenue le 31 janvier 2018. Seul un Conseil, lors d’une réunion dûment convoquée, peut exercer les pouvoirs qui lui sont conférés aux termes du [traductionCode électoral coutumier de la Kehewin Cree Nation, afin de déclencher des élections, de convoquer des assemblées de mise en candidature et de nommer des membres du personnel électoral. Selon les éléments de preuve, aucun avis de convocation d’une réunion du Conseil, prévue le 31 décembre 2018, n’a été envoyé à aucun des membres du Conseil, comme l’exige le paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre2017. Il ressort clairement des éléments de preuve qu’aucune réunion du Conseil, visant à déclencher des élections générales en mars 2018 et à nommer un président d’élection, n’a été tenue en 2018.

[37]  En outre, je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, qu’aucune réunion du Conseil n’a été tenue depuis le 31 janvier 2018 en conformité avec le paragraphe 4 de l’ordonnance du 10 novembre.

[38]  Les demandeurs invoquent les observations du juge Rothstein dans l’arrêt Long Lake Cree Nation v Canada (Minister of Indian & Northern Affairs), [1995] FCJ No 1020 :

31  À l’occasion, ces conflits peuvent devenir des conflits personnels entre des individus ou des groupes d’individus appartenant à des conseils. Toutefois, les conseils doivent fonctionner en conformité avec la primauté du droit, peu importe que ce soit une loi écrite, le droit coutumier, la Loi sur les Indiens ou d’autres règles de droit qui s’appliquent. Les membres du Conseil et les membres de la Bande ne peuvent créer leurs propres règles de droit. Autrement, l’anarchie régnerait. Le peuple donne aux membres du Conseil le pouvoir de prendre des décisions en son nom et les membres du Conseil doivent s’acquitter de leurs responsabilités en tenant compte du peuple qui l’a élu pour protéger et représenter ses intérêts. La règle fondamentale veut que les conseils de Bande fonctionnent en conformité avec la primauté du droit.

[39]  L’essentiel des observations préalables à l’audition des défendeurs portait qu’ils ignoraient l’existence de l’ordonnance du 10 novembre au moment pertinent et qu’il incombait aux demandeurs d’établir la preuve que les défendeurs étaient au courant de l’ordonnance. En outre, les défendeurs, dans leurs observations écrites préalables à l’audition, ont soutenu la thèse selon laquelle ils n’avaient reçu aucun avis par courriel concernant l’ordonnance du 10 novembre, en ajoutant qu’ils avaient [traduction] « désactiver leur messagerie électronique en raison de courriels non sollicités provenant de diverses personnes ». Dans les documents déposés, les défendeurs ont reconnu qu’ils savaient que les demandeurs avaient présenté une demande à la Cour visant une telle ordonnance, mais ils soutiennent ne pas avoir reçu l’ordonnance du 10 novembre.

[40]  Les défendeurs n’ont pas déposé d’éléments de preuve par affidavit pour appuyer l’observation selon laquelle ils n’étaient pas au courant de l’ordonnance du 10 novembre. En outre, les défendeurs n’ont pas déposé d’éléments de preuve par affidavit pour appuyer qu’ils avaient désactivé leur messagerie électronique. Je tiens à souligner qu’ils n’étaient pas tenus de le faire ni de soumettre aucun élément de preuve que ce soit : ils avaient le droit de garder le silence et de tenir les demandeurs responsables d’établir leur présumé outrage.

[41]  Lors de l’instruction, la thèse originale du conseiller Badger semblait indiquer qu’il n’avait pas été avisé de l’ordonnance du 10 novembre, je conclus toutefois, comme il en sera question ci-dessous, qu’il avait été avisé. Je note que, lors de la preuve verbale, le conseiller Badger n’a pas mentionné avoir désactivé sa messagerie électronique; en l’absence d’éléments de preuve ou d’autres observations, lors de l’audition ou dans les observations subséquentes, je suis d’avis que les défendeurs ont abandonné la défense fondée sur l’absence d’avis par courriel.

A.  Connaissance de l’ordonnance du 10 novembre

[42]  J’ai conclu que chacun des défendeurs était au courant de l’ordonnance du 10 novembre. Il ne fait aucun doute que l’on peut conclure à une telle connaissance dans les circonstances : Carey c Laiken, 2015 CSC 17, au paragraphe 34. Pour les motifs suivants, je conclus qu’une telle connaissance a été démontrée hors de tout doute raisonnable.

[43]  Premièrement, avant que l’ordonnance du 10 novembre n’ait été rendue, les défendeurs ont accepté les modalités précises de l’ordonnance du 10 novembre. Les défendeurs ne reprochent aucune faute professionnelle à leurs avocats; il s’agirait indubitablement d’une faute professionnelle des avocats des défendeurs d’accepter une ordonnance sur consentement sans d’abord la communiquer à leurs clients. Il n’existe pas de tels éléments de preuve en l’espèce. Je ne pense pas qu’un avocat accepterait les modalités d’une ordonnance sans les communiquer à ses clients : c’est ce que, de toute évidence, les défendeurs me demandent de croire.

[44]  Deuxièmement, après que l’ordonnance du 10 novembre a été rendue, les demandeurs l’ont signifié aux avocats des défendeurs. Dès lors, les avocats des défendeurs ont précisément accusé réception de l’ordonnance du 10 novembre. Une fois de plus, sur le plan déontologique, plus particulièrement dans le cas d’une injonction à l’égard de laquelle leurs clients seraient passibles d’outrage, je ne peux conclure, et je n’ai aucun motif de le faire, que les avocats des défendeurs ne leur ont pas envoyé de copies de l’ordonnance du 10 novembre.

[45]  Troisièmement, les demandeurs ont envoyé, par courriel, une copie de l’ordonnance du 10 novembre à chacun des défendeurs, sauf pour M. Gadwa, en utilisant les mêmes adresses électroniques que celles utilisées par les défendeurs pour recevoir les avis relatifs aux activités du Conseil. À une occasion, les défendeurs ont invoqué qu’ils avaient désactivé leur messagerie électronique; je ne suis pas convaincu de cette affirmation, étant donné que trois d’entre eux (les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker) agissent toujours à titre de conseillers et doivent pouvoir communiquer avec leurs membres. Cette allégation n’a pas été défendue à l’audition (où le témoignage du conseiller Badger n’en a pas fait état) ni dans les observations subséquentes. Je comprends qu’il peut en être différent pour M. Gadwa qui n’était pas conseiller à l’époque ni maintenant.

[46]  Quatrièmement, comme des copies de l’ordonnance du 10 novembre ont été déposées dans leur boîte aux lettres respectives au bureau de la bande et que ces dernières ont été vidées, je suis en droit de présumer qu’elles ont été vidées par les défendeurs eux-mêmes, puisque rien n’indique qu’il aurait eu des perturbations concernant le courrier ou les boîtes aux lettres dans les locaux administratifs. Une fois de plus, il peut en être différent pour M. Gadwa qui n’était pas conseiller.

[47]  Cinquièmement, l’ordonnance du 10 novembre a été largement affichée à de nombreux endroits bien en vue sur le territoire de la bande, notamment sur les portes avant et arrière des locaux administratifs de la bande, sur les portes du service des finances, sur les deux portes du centre récréatif, au magasin, et sur les portes de l’école, de la caserne de pompiers, du centre de santé, de la garderie et des bâtiments de Travaux publics, ainsi que dans l’aire d’accueil, où des copies sont restées jusqu’à peu de temps avant l’audition. Je retiens, et les éléments de preuve le démontrent, que des copies ont été affichées peu après l’ordonnance du 10 novembre 2017 et qu’elles sont restées affichées jusqu’au jour précédent l’audition. Je suis d’avis qu’il était difficile de ne pas les voir, puisque chacune des pages de l’ordonnance du 10 novembre était présentée séparément, afin que l’ordonnance complète puisse être lue sans avoir à tourner les pages.

[48]  Sixièmement, l’ordonnance du 10 novembre a été et demeure publiée dans le journal communautaire, le Lakeland Connect, toujours accessible au public.

[49]  Septièmement, à l’époque et encore à la date de l’audition, l’ordonnance du 10 novembre était publiée en ligne, sur trois pages de groupe Facebook différentes consultées par les membres de la bande de Kehewin, notamment les groupes Kehewin Information Network, Kehewin Opinions/concerns et Kehewin Voices.

[50]  Huitièmement, les éléments de preuve veulent que trois conseillers, Mes Badger, Mountain et Watchmaker, aient participé à des réunions du Conseil, dans les locaux administratifs de la bande, les 28 novembre et 12 décembre 2017, et que les conseillers Badger et Watchmaker aient participé à d’autres réunions tenues au centre récréatif, le 15 janvier 2018 et à des réunions du Conseil, dans les locaux administratifs de la bande, les 18 janvier 2018 et 6 mars 2018, à l’occasion desquelles ils auraient passé à côté des copies de l’ordonnance du 10 novembre.

[51]  Le conseiller Badger a choisi de témoigner, bien que, comme il a été mentionné, il n’y était pas tenu. Son avocat lui a demandé à plusieurs reprises et de plusieurs manières différentes s’il était au courant de l’ordonnance du 10 novembre. Il a indiqué qu’il était difficile pour lui de témoigner, compte tenu du changement de chef, de la destitution de M. Gadwa de ses fonctions de conseiller, des avis juridiques contradictoires, du remplacement des avocats et des changements dans sa situation personnelle. Bien que le conseiller Badger se soit souvenu avec assez de précision de l’ordonnance du juge Zinn et du fait qu’elle avait pris fin, il a seulement dit qu’il se « souvenait » de l’ordonnance du 10 novembre. Notamment, le conseiller Badger n’a pas indiqué qu’il n’était pas au courant de l’ordonnance du 10 novembre. Il a mentionné qu’il n’avait pas trouvé de courriel la lui communiquant, ce qui n’est pas pertinent. Il n’a pas mentionné avoir désactivé sa messagerie électronique, comme il était indiqué dans les observations écrites préalables à l’audition présentées en son nom. Lorsque son avocat lui a demandé s’il avait respecté l’ordonnance du 10 novembre après en avoir pris pleinement connaissance, il a répondu qu’il avait essayé. Il a eu tout le loisir de dire qu’il n’était pas au courant de l’ordonnance, mais il ne l’a pas fait. À mon humble avis, ses réponses étaient évasives sur la question essentielle de sa connaissance de l’ordonnance du 10 novembre. J’ai examiné son témoignage et je maintiens ma conclusion qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, qu’il était au courant de l’ordonnance du 10 novembre.

[52]  Les observations subséquentes à l’audition déposées par les défendeurs contiennent une affirmation, fondée sur le témoignage du conseiller Badger, selon laquelle ils n’étaient pas au courant que l’ordonnance du 10 novembre ne comportait pas d’échéance. On prétend qu’ils croyaient non seulement que l’ordonnance comportait une échéance, mais qu’elle était expirée. Il ne s’agit pas là du témoignage offert par le conseiller Badger. Les défendeurs prétendent qu’ils n’ont pas de formation juridique et qu’ils se sont fiés à l’avis verbal de leurs avocats (lesquels ne sont pas les mêmes que lors de l’audition). Je suis d’avis que cette observation n’est pas étayée par les éléments de preuve. Comme le témoignage du conseiller Badger portait à confusion et qu’il était parfois évasif, il n’a pas corroboré l’observation des défendeurs à cet égard.

[53]  Dans les mêmes observations subséquentes à l’audition, les défendeurs soutiennent qu’aucun élément de preuve n’a été présenté quant au fait qu’ils ont pris le temps de lire l’ordonnance, comme publiée dans la communauté, et que même s’ils l’avaient lue, ils n’en auraient pas compris la teneur. Ils pensaient qu’elle prenait fin le 14 novembre 2010. Je rejette cette observation fantaisiste et hypothétique. Chacun des défendeurs est ou a été un conseiller. Le défendeur Gadwa a été le chef de cette Première Nation pendant de nombreuses années. À mon avis, ils sont des dirigeants informés et chevronnés au sein de leur communauté. L’ordonnance du 10 novembre ne contient pas de date d’échéance; en outre, rien dans son contenu ne laisse entendre qu’elle en comporte une. Cet argument n’est pas logique, étant donné que l’ordonnance du 10 novembre visait à reconduire l’ordonnance du 31 octobre, rendue pour quelques jours par le juge Zinn, de manière à la rendre [traduction] « permanente », c’est-à-dire qu’elle ne comporterait pas de date d’échéance, contrairement à l’ordonnance rendue par le juge Zinn.

[54]  De manière générale, les défendeurs prétendent aussi que [traduction] « bien que certaines actions posées aient enfreint l’ordonnance du 10 novembre 2017, elles ne visaient pas à contrevenir intentionnellement à l’ordonnance ». Je suis d’avis que cette observation peut être pertinente pour la peine, mais elle ne réfute pas la présomption générale portant qu’une personne entend provoquer les conséquences naturelles et probables de ses actes. À cet égard, je note aussi qu’il n’est pas nécessaire qu’un auteur allégué d’un outrage ait eu l’intention de contrevenir à l’ordonnance : Burberry Limited c Ramjaun (Laguna Trading), 2016 CF 1188, au paragraphe 19, et voir la décision ASICS Corporation c 9153-2267 Québec inc., 2017 CF 5, au paragraphe 33, laquelle énonce ce qui suit : « Il n’y a aucune exigence additionnelle d’établir une « intention de désobéir », c’est-à-dire le fait de vouloir désobéir à l’ordonnance ou au jugement en question ou de choisir sciemment de le faire ».

[55]  Je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que les défendeurs avaient l’intention coupable nécessaire et qu’ils ont agi de manière intentionnelle en ce qui a trait aux violations de l’ordonnance du 10 novembre démontrées en l’espèce.

[56]  À titre de rappel, je conclus, selon la preuve hors de tout doute raisonnable, que les quatre défendeurs étaient personnellement au courant de l’ordonnance du 10 novembre.

B.  Y a-t-il eu outrage au tribunal, c’est-à-dire violation de l’ordonnance du 10 novembre par l’un ou l’autre des défendeurs?

[57]  Cet élément de l’outrage doit être établi hors de tout doute raisonnable à l’égard de chaque défendeur. Pour les motifs énoncés ci-dessous, je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que chacun des défendeurs a contrevenu à l’ordonnance du 10 novembre.

(1)  M. Gadwa

a)  Signature de la fausse RCB

[58]  Bien que M. Gadwa ait été réintégré dans ses fonctions de conseiller par la juge Strickland, dont la décision du 31 mai 2016 a été confirmée par la Cour d’appel fédérale le 4 octobre 2017, il demeure qu’il a été destitué de ses fonctions de conseiller dans une décision unanime du Conseil en date du 7 juillet 2017. Il n’a pas interjeté appel de cette décision.

[59]  Même s’il a obtenu gain de cause à l’égard de son argument selon lequel il avait agi comme conseiller en raison des changements de fonctions de certains membres du Conseil, lequel argument je ne retiens pas, il demeure que M. Gadwa a enfreint l’ordonnance rendue par le juge Lafrenière le 10 novembre 2017, parce qu’il a signé ladite RCB.

[60]  Dans les observations subséquentes à l’audition, les avocats des défendeurs ont admis, à juste titre selon moi, que [traduction] « M. Gadwa a continué de se présenter comme un conseiller lors des réunions tenues le 29 novembre 2017 et le 31 janvier 2018 ». L’avocate de M. Gadwa prétend qu’il s’agit là d’une démonstration de la mauvaise compréhension, par son client, de la date d’échéance de l’ordonnance du 10 novembre, laquelle échéance n’a pas été fixée. Je ne peux retenir cette défense, puisqu’elle est purement hypothétique en ce qui concerne M. Gadwa.

[61]  Je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que la fausse RCB, datée du 31 janvier 2017, porte la signature de M. Gadwa sur une ligne sous laquelle est imprimé le mot [traduction] « conseiller ». Cette RCB figure sur un formulaire de RCB officiel émanant du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada. Il s’agit de la pièce F de l’affidavit de M. William John, dont il est fait mention au paragraphe 1b) de l’ordonnance de justifier rendue par le juge Martineau. À l’audition, de nombreux témoins informés ont confirmé les éléments de preuve selon lesquels il s’agit bien de la signature de M. Gadwa. Je conclus que la signature de la fausse RCB par M. Gadwa a porté, de manière illégale, les membres de la bande à croire qu’il était conseiller de la bande de Kehewin, alors qu’il ne l’était pas. Pour ces motifs, je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que M. Gadwa est coupable d’outrage au tribunal pour l’inobservation du paragraphe 1a) de l’ordonnance du 10 novembre.

[62]  Je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que M. Gadwa a enfreint le paragraphe 1b) de l’ordonnance du 10 novembre pour avoir agi comme s’il était un conseiller, et ce, en signant la fausse RCB du 31 janvier 2018. Je souligne qu’il a signé son nom sur une ligne, en dessous de laquelle le mot [traduction] « conseiller » est imprimé. Cette RCB figure sur un formulaire de RCB officiel émanant du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada.

b)  Signature de l’avis

[63]  Je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que M. Gadwa a enfreint les paragraphes 1a) et b) de l’ordonnance du 10 novembre en signant l’avis intitulé [traduction] « Destinataires : membres de la bande de Kehewin, Objet : élection générale », soit la pièce E de l’affidavit de M. William John, dont il est fait mention au paragraphe 1b) de l’ordonnance de justifier rendue par le juge Martineau. Cet avis prétend fixer la mise en candidature au 14 mars 2018 et une date d’élection du chef.

[64]  Je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que cet avis porte la signature de M. Gadwa, laquelle a été confirmée par les témoins à l’audition, qui ont reconnu la signature de M. Gadwa. Bien que l’avis ne soit pas daté, il semble avoir été signé le ou vers le 31 décembre 2018, en même temps que la soi-disant RCB portant la même date.

[65]  M. Gadwa a signé cet avis, lequel indique que tous les signataires comptent parmi les [traduction] « dirigeants de la bande de Kehewin ». Bien que, de prime abord, il ne soit pas démontré, hors de tout doute raisonnable, que l’expression [traduction] « dirigeants de la bande de Kehewin » s’applique exclusivement au chef et aux conseillers, je dois aussi tenir compte du contenu de l’avis. À cet égard, je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que les actions soi-disant prises au moyen de l’avis, notamment le déclenchement d’une élection et la fixation des dates y afférant, sont exclusivement réservées au Conseil de cette Première Nation. Par conséquent, je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que M. Gadwa a contrevenu au paragraphe 1a) de l’ordonnance du 10 novembre en signant l’avis et, ce faisant, il « s’est présenté au public comme étant un conseiller ». Je note que dans l’ordonnance du 10 novembre le terme [traduction] « public » est défini comme comprenant les membres de la bande, comme mentionné au paragraphe 16 ci-dessus.

[66]  Quant au paragraphe 1b) de l’ordonnance du 10 novembre, je conclus également qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, qu’en signant cet avis, M. Gadwa « a agi comme s’il était un conseiller ». Pour les motifs énoncés dans le paragraphe précédent, je suis parvenu à cette conclusion sans entretenir aucun doute raisonnable.

c)  Assemblée générale annuelle de la Société Tribal Chiefs Child & Family Services (East)

[67]  Il existe des éléments de preuve non contestés selon lesquels M. Gadwa a participé à l’assemblée générale annuelle de la Société Tribal Chiefs Child & Family Services (East), le 29 novembre 2017. Les éléments de preuve veulent que seulement les chefs et les conseillers aient un droit de vote lors de cette assemblée. Les conseillers Trevor et William John ont témoigné avoir vu M. Gadwa voter sur les décisions prises lors de cette assemblée. Le conseiller Trevor John a mentionné que lorsqu’il a demandé à M. Gadwa, lors de cette assemblée générale annuelle, s’il y participait à titre d’aîné ou de conseiller, ce dernier s’est contenté d’émettre un rire nerveux. On me demande de conclure qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que, ce faisant, M. Gadwa a contrevenu au paragraphe 1a) de l’ordonnance du 10 novembre, puisque ce dernier interdit à M. Gadwa de « se présenter au public comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin ». Je conclus que la preuve démontre, hors de tout doute raisonnable, que M. Gadwa s’est présenté comme s’il était un conseiller et qu’il a, par conséquent, enfreint le paragraphe 1a) de l’ordonnance du 10 novembre en votant sur des décisions lors de l’assemblée générale annuelle de la Société Tribal Chiefs Child & Family Services (East), tenue le 29 novembre 2017.

d)  Résumé concernant M. Gadwa

[68]  En résumé, je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que M. Gadwa est coupable d’outrage au tribunal pour l’inobservation de l’ordonnance du 10 novembre, sur cinq chefs d’accusation. M. Gadwa a enfreint les paragraphes 1a) et b) en signant la RCB. M. Gadwa a enfreint les paragraphes 1a) et b) en signant l’avis. En outre, M. Gadwa a enfreint le paragraphe 1a) en votant sur des décisions à l’assemblée générale annuelle de la Société Tribal Chiefs Child & Family Services (East), le 29 novembre 2017. En conséquence, M. Gadwa est trouvé coupable d’outrage au tribunal sur cinq chefs d’accusation liés à l’ordonnance du 10 novembre.

(2)  Les conseillers Badger, Watchmaker et Mountain

[69]  Le paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre interdit aux conseillers Badger, Mountain et Watchmaker de « participer à une réunion quelconque du Conseil » qui n’est pas la réunion régulière du Conseil du mardi à 9 h, à moins qu’une réunion spéciale ou urgente soit convoquée, au moyen d’une procédure précise. Le paragraphe 4a) de l’ordonnance du 10 novembre interdit également à ces mêmes défendeurs de « convoquer des réunions du Conseil ».

[70]  Par conséquent, je conclus que la réunion du 31 janvier 2018, au cœur du présent examen, n’était ni une réunion spéciale ni une réunion d’urgence; ce fait n’est pas contesté.

a)  Participations à des réunions du Conseil non autorisées

(i)  La fausse RCB

[71]  Je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que chacun des conseillers Badger, Mountain et Watchmaker a enfreint le paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre en signant la prétendue, mais fausse, RCB datée du 31 janvier 2018, comme je viens de l’indiquer pour M. Gadwa. Les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker ont signé la RCB sur un formulaire du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada. Leurs signatures figurent sur des lignes, en dessous desquelles le mot [traduction] « conseiller » est préimprimé.

[72]  Les éléments de preuve présentés lors de l’audition ont permis de démontrer qu’il s’agit des signatures de ces trois conseillers. Les signatures ont été identifiées par des personnes en mesure de savoir à quoi ressemblent les signatures respectives de ces trois conseillers, notamment d’autres signataires autorisés. Bien qu’un doute ait été soulevé concernant la signature du conseiller Badger sur l’avis, et non sur la RCB, le conseiller Trevor John, qui a grandi avec le conseiller Badger, l’a identifiée comme étant celle de ce dernier. En outre, lors de son contre-interrogatoire, le conseiller Badger a admis qu’il s’agissait bien de sa signature.

[73]  Je suis d’avis que la signature de la prétendue, mais fausse, RCB démontre que les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker ont participé à une réunion du Conseil. Je ne peux conclure à une autre interprétation raisonnable que celle portant qu’ils aient signé conjointement la RCB à cette occasion, et ce, sur un formulaire officiel du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada. Par conséquent, chacun d’eux, en signant la RCB, a enfreint le paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre, en ce sens qu’ils ont chacun participé à une réunion du Conseil, alors qu’il leur était interdit de le faire.

b)  L’avis

[74]  Je conclus également qu’il a été démontré, hors de doute raisonnable, que les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker ont contrevenu au paragraphe 4b) en signant l’avis, puisque, pour ce faire, ils ont participé à une réunion du Conseil non autorisée. Bien que, de prime abord, il ne soit pas démontré que l’expression [traduction] « dirigeants de la bande de Kehewin » s’applique exclusivement au chef et aux conseillers, je dois tenir compte du contenu même de l’avis. À cet égard, je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que les actions soi-disant prises au moyen de l’avis et y étant décrites, notamment le déclenchement d’une élection et la fixation des dates y afférant, sont exclusivement réservées au Conseil de cette Première Nation.

[75]  Il est manifeste qu’en se regroupant et en signant le faux avis, les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker ont participé à une réunion du Conseil.

[76]  Je suis d’avis que la signature du prétendu, mais faux, avis, comme c’était le cas pour la RCB, démontre que les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker ont participé à une réunion du Conseil. Je ne peux conclure à une autre interprétation raisonnable que celle portant qu’ils aient signé conjointement l’avis à cette occasion, et ce, sur un formulaire officiel du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada. Par conséquent, chacun d’eux, en signant l’avis, a enfreint le paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre, en ce sens qu’ils ont chacun participé à une réunion du Conseil, alors qu’il leur était interdit de le faire.

[77]  Je comprends et je conclus qu’aucune réunion du Conseil n’a été dûment convoquée pour le 31 janvier 2018. Toutefois, les quatre défendeurs, notamment les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker, ont signé la RCB visant à convoquer une assemblée de mise en candidature concernant des candidats au Conseil et à déclencher une élection générale anticipée du Conseil ainsi qu’une élection générale anticipée du chef. Je conclus que la preuve démontre, hors de tout doute raisonnable, que les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker ont participé à une réunion, où ils ont, à tout le moins, signé la RCB. Ils ne peuvent invoquer que la réunion du Conseil n’a pas été dûment convoquée pour se soustraire aux conséquences découlant du fait qu’ils ont participé à une réunion non dûment convoquée, à l’occasion de laquelle ils ont signé la fausse RCB.

c)  Convocation de réunions du Conseil non autorisées

[78]  Je ne peux conclure qu’il a été démontré, hors de doute raisonnable, que l’un ou l’autre des conseillers Badger, Mountain et Watchmaker a contrevenu au paragraphe 4a) de l’ordonnance du 10 novembre pour avoir convoqué une réunion du Conseil irrégulière. Les éléments de preuve n’établissent pas, à ma satisfaction, l’identité de la personne ayant convoqué la réunion démontrée par la fausse RCB.

[79]  Il convient de mentionner que la réunion d’information destinée à la communauté, tenue le 31 janvier 2018, semble avoir été convoquée après la séance de médiation présidée par la Cour ayant eu lieu plus tôt le même mois. Naturellement, aucun acte répréhensible ne découle de la participation à cette réunion.

d)  Résumé concernant les conseillers Badger, Watchmaker et Mountain

[80]  En résumé, je conclus que chacun des conseillers Badger, Mountain et Watchmaker est coupable d’outrage au tribunal sur deux chefs d’accusation liés à l’ordonnance du 10 novembre. Ils ont chacun, individuellement, contrevenu au paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre en signant la prétendue RCB datée du 31 janvier 2018, puisque, pour ce faire, ils ont participé à une réunion du Conseil non autorisée. Pour les mêmes motifs, ils ont aussi chacun enfreint le paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre en signant l’avis.

C.  Facteurs atténuants

[81]  Dans leurs observations subséquentes à l’audition, les défendeurs ont mentionné plusieurs [traduction] « facteurs atténuants ». Certaines observations reprennent des prétentions déjà examinées ci-dessus, notamment le manque de compréhension de l’ordonnance du 10 novembre. D’autres invoquent la constance et la multiplication des litiges entre ces deux groupes de parties, sans issues apparentes en vue. En toute déférence, certaines des observations ne sont pas recevables par la Cour en l’espèce, puisqu’elles concernent la peine. Comme il a été indiqué à l’audition, les observations au sujet de la peine seront entendues à l’occasion d’une autre audition tenue à Edmonton, dont la date sera fixée par le coordonnateur judiciaire, à moins que les parties souhaitent se fonder sur le dossier et les observations écrites.

[82]  Concernant les litiges entre les deux groupes, ils font l’objet d’une gestion de l’instance selon l’ordonnance rendue par le juge en chef de la Cour. Je porterai les présents motifs à l’attention du juge chargé de la gestion de l’instance à des fins d’examen.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1608-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. Le défendeur Gadwa a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu individuellement aux paragraphes 1a) et b) de ladite ordonnance, en signant la fausse résolution du Conseil de bande datée du 31 janvier 2018, soit la pièce F de l’affidavit de M. William John dont le juge Martineau a fait mention au paragraphe 1b) de son ordonnance de justifier du 19 mars 2018.

  2. M Gadwa a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu individuellement aux paragraphes 1a) et b) de ladite ordonnance, en signant l’avis daté du 31 janvier 2018, soit la pièce E de l’affidavit de M. William John dont le juge Martineau a fait mention au paragraphe 1b) de son ordonnance de justifier du 19 mars 2018.

  3. M Gadwa a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu au paragraphe 1a) de ladite ordonnance, en votant sur des décisions à l’assemblée générale annuelle de la Société Tribal Chiefs Child & Family Services (East), le 29 novembre 2017.

  4. Le défendeur Badger a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu au paragraphe 4 b) de ladite ordonnance, en participant à une fausse réunion du Conseil, lors de laquelle il a signé la fausse RCB, soit la pièce F de l’affidavit de M. William John dont le juge Martineau a fait mention au paragraphe 1b) de son ordonnance de justifier du 19 mars 2018.

  5. Le défendeur Badger a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu au paragraphe 4b) de ladite ordonnance, en participant à une fausse réunion du Conseil, lors de laquelle il a signé l’avis, soit la pièce E de l’affidavit de M. William John dont le juge Martineau a fait mention au paragraphe 1b) de son ordonnance de justifier du 19 mars 2018.

  6. Le défendeur Mountain a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu au paragraphe 4 b) de ladite ordonnance, en participant à une fausse réunion du Conseil, lors de laquelle il a signé la fausse RCB, soit la pièce F de l’affidavit de M. William John dont le juge Martineau a fait mention au paragraphe 1b) de son ordonnance de justifier du 19 mars 2018.

  7. Le défendeur Mountain a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu au paragraphe 4b) de ladite ordonnance, en participant à une fausse réunion du Conseil, lors de laquelle il a signé l’avis, soit la pièce E de l’affidavit de M. William John dont le juge Martineau a fait mention au paragraphe 1b) de son ordonnance de justifier du 19 mars 2018.

  8. Le défendeur Watchmaker a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu au paragraphe 4b) de ladite ordonnance, en participant à une fausse réunion du Conseil, lors de laquelle il a signé la fausse RCB, soit la pièce F de l’affidavit de M. William John dont le juge Martineau a fait mention au paragraphe 1b) de son ordonnance de justifier du 19 mars 2018.

  9. Le défendeur Watchmaker a commis un outrage à l’égard de l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, en ce sens qu’il a contrevenu au paragraphe 4b) de ladite ordonnance, en participant à une fausse réunion du Conseil, lors de laquelle il a signé l’avis, soit la pièce E de l’affidavit de M. William John dont le juge Martineau a fait mention au paragraphe 1b) de son ordonnance de justifier du 19 mars 2018.

  10. Une copie des présents motifs doit être remise au juge chargé de la gestion de l’instance.

  11. Le coordonnateur judiciaire est prié de fixer une date d’audition des observations sur la peine en l’espèce, à moins que les parties souhaitent se fonder sur le dossier et les observations écrites.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1608-17

 

INTITULÉ :

BRENDA JOLY, WILLIAM JOHN ET TREVOR JOHN c GORDAN GADWA, BENJAMIN MOUNTAIN ET VERNON WATCHMAKER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 juin 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

David C. Rolf

 

Pour les demandeurs

 

Loretta J. Pete Lambert

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MLT Aikens LLP

Edmonton (Alberta)

 

Pour les demandeurs

 

Semaganis Worme Legal

Saskatoon (Saskatchewan)

 

Pour les défendeurs

 

 

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