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Date : 20180718


Dossier : IMM-4815-17

Référence : 2018 CF 749

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2018

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

RANJITH KUMARA HERATH MUDIYANSELAGE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le demandeur, Ranjith Kumara Herath Mudiyanselage, a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi (ERAR) de notre Cour rendue en sa défaveur le 29 septembre 2017.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

II.  Énoncé des faits

[3]  Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka. Le 12 novembre 2014, il est arrivé au Canada en compagnie d’un autre citoyen du Sri Lanka, Lakmal Jayanath Ariyarathna. Le demandeur et M. Ariyarathna ont présenté une demande d’asile le 20 décembre 2014, déclarant qu’ils entretenaient une relation homosexuelle et craignaient de retourner dans leur pays d’origine.

[4]  Les deux hommes ont été représentés par un avocat lors de l’audience de la Section de la protection des réfugiés (SPR), dans le cadre de laquelle les deux demandes d’asile ont été jumelées puisqu’ils ont affirmé entretenir une relation. La preuve du demandeur démontre qu’au moment de rencontrer son avocat, son conjoint, M. Ariyarathna, s’occupait de lui traduire les propos.

[5]  À l’audience de la demande d’asile, la SPR a jugé le demandeur non crédible. La décision énonce que des problèmes de crédibilité sont survenus à la lumière du formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA), lequel ne contenait aucune expérience personnelle. De plus, la SPR a affirmé que l’avocat du demandeur avait dû l’inciter à donner des réponses précises sur lui-même au cours de l’audience. Le 3 mars 2015, la SPR a rejeté la demande d’asile en raison du manque de crédibilité des deux hommes.

[6]  Le demandeur et M. Ariyarathna ont retenu les services d’un nouvel avocat et ont interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la Section d’appel des réfugiés (SAR), et lorsque celle-ci a été rejetée le 3 juin 2015, ils ont présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Les observations du demandeur comprennent une déclaration confirmant que la Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation en février 2014, date qui comporte une erreur typographique pour des raisons chronologiques évidentes.

[7]  Les deux hommes ont été informés de la date de leur renvoi du 16 janvier 2016, et ils ont retenu les services d’un nouvel avocat pour la troisième fois afin de demander un sursis à la mesure de renvoi. Le demandeur affirme qu’il comptait sur M. Ariyarathna durant cette période. Bien que le sursis n’ait pas été accordé, ils ne se sont pas présentés pour leur renvoi le 16 janvier 2016. Selon la preuve du demandeur, sa relation avec M. Ariyarathna s’est terminée, et il s’est rendu au Centre d’exécution de la loi du Grand Toronto. À ce moment-là, on lui a remis une demande d’ERAR et il a encore une fois recouru aux services d’un nouvel avocat. Cette demande était pour lui seul et il a reçu une décision d’ERAR défavorable datée du 29 septembre 2017.

[8]  Le 6 février 2018, j’ai accordé un sursis subséquent au renvoi du demandeur, lequel devait avoir lieu le lendemain, soit le 7 février 2018, en attendant le résultat de cette décision.

III.  Questions en litige

[9]  Le demandeur a défini ainsi les questions en litige :

  1. L’agent a-t-il commis une erreur en prenant en compte les déficiences cognitives du demandeur?
  2. L’agent a-t-il commis une erreur en ne considérant pas ou en n’appliquant pas les Procédures portant sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre (Procédures)?
  3. L’agent a-t-il commis une erreur en omettant de tenir une audience?
  4. L’analyse de la preuve par l’agent était-elle déraisonnable?
  5. L’agent a-t-il omis d’examiner l’ensemble de la preuve?

[10]  De nombreuses questions se chevauchent et je les formulerais de la façon suivante :

  1. L’appréciation de la preuve faite par l’agent et son omission d’appliquer les Procédures étaient-elles raisonnables?
  2. Le droit à l’équité procédurale du demandeur a-t-il été enfreint en raison de l’omission de tenir une audience?

IV.  Norme de contrôle

[11]  La norme de contrôle de la façon dont l’agent a apprécié et pris en considération la preuve est celle de la décision raisonnable. [traduction] La décision de tenir une audience est examinée selon la norme de la décision correcte (Cho c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1299, au paragraphe 14; Micolta c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 183, au paragraphe 13; Zmari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 132, au paragraphe 13).

V.  Analyse

Dispositions pertinentes

[12]  Les dispositions pertinentes sont jointes à l’annexe A.

A.  L’appréciation de la preuve faite par l’agent et son omission d’appliquer les Procédures étaient-elles raisonnables?

1)  L’agent a-t-il commis une erreur dans son appréciation de la preuve?

[13]  Le demandeur allègue que l’agent chargé de l’ERAR ne lui a pas permis de soumettre un nouvel élément de preuve, comme l’exige l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). L’un des éléments de preuve en particulier consiste en une évaluation médicale rédigée par le Dr Keefer. Le demandeur a présenté l’évaluation médicale pour montrer qu’il venait tout récemment de recevoir un diagnostic de déficience cognitive.

[14]  Le demandeur voulait que ce rapport médical soit accepté comme élément de preuve de sa déficience cognitive, car celle-ci explique sa difficulté à répondre aux questions de la SPR – une difficulté qui, dit-il, a mené la SPR à conclure à sa non-crédibilité. Par exemple, la SPR a soumis comme motifs que l’audience n’était pas un processus simple, il fallait inciter le demandeur à parler, il était difficile de suivre ses propos et il n’avait rien de substantiel à dire. En réponse à ces conclusions, le demandeur fait valoir que ce rapport médical est un élément de preuve de la réalité : son comportement singulier n’est pas lié à la crédibilité, mais bien à sa déficience cognitive. Le demandeur a énuméré au total neuf citations distinctes en lien avec lesquelles la SPR a eu de la difficulté à comprendre ses réponses. Mais, malgré tout, le demandeur affirme que la décision de l’ERAR a fait mention de la déficience cognitive dans un seul paragraphe avant d’être rejetée.

[15]  Contrairement à l’argument du demandeur, l’agent chargé de l’ERAR a bel et bien accepté le diagnostic médical en tant que nouvel élément de preuve. L’agent chargé de l’ERAR déclare clairement [traduction« J’ai lu et pris en considération ce rapport, mais je conclus qu’il n’a pas dissipé les questions de crédibilité qui préoccupaient le tribunal de la SPR. »

[16]  Le défendeur a fait observer que la conclusion de crédibilité défavorable de l’agent chargé de l’ERAR reposait également sur des renseignements indépendants du témoignage. Par exemple, l’agent chargé de l’ERAR a remis en question le formulaire FDA, car il ne comportait pas tous les détails et renseignements propres au demandeur. Dans ses motifs, l’agent chargé de l’ERAR a également mentionné que la SAR a conclu qu’ [traduction« il n’y avait pratiquement aucun élément de preuve substantiel à l’appui de l’allégation du demandeur selon laquelle il est un homosexuel qui prévoit épouser son ami. » Je partage l’avis du défendeur voulant que le témoignage ne fût pas l’unique motif du rejet de la demande d’asile.

[17]  En résumé, l’agent chargé de l’ERAR a accepté le rapport médical en tant que nouvel élément de preuve, mais il a également établi que le rapport médical n’avait pas dissipé les questions de crédibilité du demandeur. Comme notre Cour ne réévalue pas les éléments de preuve dans le cadre du contrôle judiciaire, cet argument du demandeur doit être rejeté (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 61).

[18]  Je remarque également que le demandeur a informé l’agent chargé de l’ERAR d’un problème potentiel quant à l’incompétence de l’avocat en ce qui concerne le rapport médical. L’avocat du demandeur a expliqué qu’un stagiaire de sa firme s’est vite rendu compte que la difficulté qu’avait le demandeur à répondre aux questions était involontaire. L’avocat a donc pris des dispositions pour que le demandeur se soumette à une évaluation médicale et, selon l’échelle Montreal Cognitive Assessment (MoCA), le résultat obtenu était [traduction] « compatible avec une déficience cognitive moyenne et pouvait expliquer quelques-unes de ses difficultés à répondre aux questions et à se rappeler des faits » et comparable à une démence modérée de la maladie d’Alzheimer. C’était la première fois qu’il consultait un médecin à ce sujet, et son avocat à l’audience de la SPR, M. Hamilton, était au cœur de cet argument sur l’incompétence de l’avocat. Mais l’avocat actuel n’a pas intenté de poursuite contre l’avocat incompétent, par exemple devant notre Cour ou au Barreau. Aucune allégation d’incompétence de l’avocat n’a été faite contre M. Crane, qui était l’avocat à l’audience de la SAR avant qu’ait lieu l’évaluation médicale.

[19]  Au début de l’audience du contrôle judiciaire, j’ai demandé si la compétence de l’avocat posait un problème. Le demandeur a informé la Cour que, bien qu’il n’ait pas renoncé à soulever la question en litige, il avait fait l’allégation dans le contexte de l’audience devant la SPR. Comme il s’agit d’un contrôle judiciaire de la décision relative à l’ERAR, et non de l’audience devant la SPR, il a indiqué qu’aucun avis pendant concernant les allégations d’un avocat incompétent ne m’a été présenté.

[20]  Il semble que le recours intenté par le demandeur consiste en une nouvelle audience de demande d’asile. Mais le but de l’ERAR n’est pas de plaider une demande d’asile qui a été rejetée. Les demandes d’ERAR n’ont pas pour but de faire à nouveau valoir une demande d’asile, mais plutôt de permettre à un demandeur de présenter un nouvel élément de preuve qui traite d’un manque lors de l’audience initiale de la SPR (Sayed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 796, aux paragraphes 19 à 21). L’ERAR évalue également les nouveaux risques qui ont pu surgir après l’audience du statut de réfugié (Kaybaki c Canada (Solliciteur général), 2004 CF 32, au paragraphe 11; Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, au paragraphe 12). Je ferai observer que le demandeur dispose toujours de la possibilité de présenter une demande pour motifs d’ordre humanitaire.

[21]  Le demandeur soutient que l’agent a tiré d’autres conclusions déraisonnables relatives à la preuve. Cet argument se chevauche avec certains autres arguments du défendeur ci-dessous. La portée de l’ERAR est décrite à la Section 3 de la LIPR. L’article 113 de la LIPR revêt une importance particulière et explique, entre autres, que la preuve présentée pour un ERAR doit être nouvelle et que le ministre doit décider si une audience est requise en se fondant sur les critères prévus énoncés dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR).

[22]  En vue de son ERAR, le demandeur a présenté de nombreux éléments de preuve, notamment :

  • Une lettre contenant le diagnostic médical du Dr Chris Keefer datée du 12 avril 2017;
  • Des photographies non datées;
  • Affidavit d’un ami, Kumara Don, daté du 8 mars 2017;
  • Une lettre du groupe de soutien aux réfugiés LGBT du Centre communautaire 519 datée du 22 février 2017;
  • Des lettres d’amis rencontrés au Canada datées des 10, 12, 17 et 26 avril 2017;
  • Une lettre du coordonnateur pour les réfugiés en matière de soutien aux pairs datée du 26 avril 2017;
  • Une lettre du nouvel avocat, M. Loeb, adressée à l’avocat précédent, M. Hamilton, datée du 20 avril 2017;
  • Un affidavit du stagiaire en droit Ayoub Ansari datée du 3 mai 2017;
  • Première lettre de son frère Herath Mudiyanselage Samantha datée du 9 mars 2017;
  • Deuxième lettre de son frère datée du 21 juin 2016;
  • Troisième lettre de son frère datée du 26 juillet 2017;
  • Articles et rapports sur les enjeux auxquels sont confrontés les homosexuels au Sri Lanka.

[23]  L’agent chargé de l’ERAR a examiné si un de ces éléments de preuve était conforme à l’article 113 de la LIPR. Certains des éléments de preuve n’étaient pas nouveaux. Même si la date d’un affidavit est récente, si les renseignements qui s’y trouvent se rapportent à une période antérieure à une décision précédente, un agent chargé de l’ERAR peut raisonnablement décider qu’il ne s’agit pas d’un nouvel élément de preuve comme l’exige la LIPR. C’est ce qui s’est passé à l’égard de l’affidavit de Kumara Don. La décision de la SPR concernant le demandeur est datée du 9 mars 2015, la décision de la SAR est datée du 3 juin 2015 et son ERAR est daté du 29 septembre 2017. Le fait de fournir un affidavit de Kumara Don, assermenté le 8 mars 2017, ne signifie pas nécessairement que l’agent chargé de l’ERAR a la compétence de l’accepter en tant que nouvel élément de preuve aux termes de la LIPR, et, en l’espèce, l’agent chargé de l’ERAR a conclu que la substance de l’affidavit n’était pas nouvelle. Et même si d’autres éléments de preuve ont été acceptés, mais que peu de valeur y ait été accordée en raison d’un manque de détails, c’est le rôle de l’agent chargé de l’ERAR de soupeser la preuve et cela ne veut pas dire que la décision était déraisonnable.

[24]  Le demandeur a fait valoir que l’agent chargé de l’ERAR n’a pas examiné tous les éléments de preuve dans leur ensemble et, par conséquent, a commis « une erreur susceptible de contrôle » (Ogunrinde c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 760, aux paragraphes 50 et 51; Chekroun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 738).

[25]  Je conclus que l’agent chargé de l’ERAR a bel et bien pris en considération la preuve cumulative en se fondant sur la possibilité de le faire dans le cadre d’un ERAR. Encore une fois, la majeure partie des arguments invoqués visent le fait que l’agent chargé de l’ERAR n’a pas remonté dans le temps et tenu une audience de la SPR prenant en compte la déficience cognitive du demandeur. Cela n’est pas le rôle de l’agent chargé de l’ERAR et je ne constate aucune erreur commise par l’agent chargé de l’ERAR.

2)  L’agent a-t-il commis une erreur en ne prenant pas en considération ou en n’appliquant pas les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et en n’appliquant pas les Procédures?

[26]  Le demandeur fait valoir que les Procédures sont applicables aux décisions concernant l’ERAR. Étant donné que l’agent chargé de l’ERAR n’a pas pris en considération les Procédures, il soutient qu’une erreur susceptible de contrôle a été commise. Pour soutenir ce qu’il invoquait, le demandeur s’est fondé sur la décision du juge Brown dans Enam c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 1117 [Enam]. Toutefois, comme le demandeur lui-même l’a fait observer, Enam porte sur le contrôle judiciaire d’une décision de la SAR. Lors de l’audience, j’ai souligné que les Procédures énoncent clairement qu’elles s’appliquent aux décisions de la SAR – plus particulièrement, les Procédures énoncent qu’elles s’appliquent aux quatre sections de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada : la section de l’immigration (SI), la Section d’appel de l’immigration (SAI), la SPR et la SAR – mais, encore une fois, c’est l’ERAR qui est en cause dans le présent contrôle judiciaire. Le demandeur a répliqué que, dans ses observations lors de l’ERAR, son interprétation de la jurisprudence tenait compte que les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe s’appliquent aux décisions de l’ERAR, et il avait donc soutenu par analogie dans ces observations que les Procédures devraient elles aussi s’y appliquer.

[27]  Le défendeur a répondu à ces observations en faisant observer que les Procédures ne s’appliquent pas à l’ERAR, mais, même si elles s’y appliquaient, rien en l’espèce ne laissait croire que l’agent chargé de l’ERAR était dépourvu de compassion à son égard.

[28]  Je suis aussi d’avis que les Procédures ne s’appliquent pas nécessairement à l’ERAR, mais ce n’est pas non plus une erreur de les appliquer à cet examen. En l’espèce, l’agent ne leur a pas mentionné, et j’ajoute que les motifs illustrent la connaissance de l’agent chargé de l’ERAR quant au formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA) du demandeur, qui porte sur sa soi-disant orientation sexuelle, laquelle n’était pas crédible selon les conclusions de la SPR et de la SAR. En plus du fait de n’observer nulle part dans les motifs que l’agent chargé de l’ERAR était dépourvu de compassion à l’égard de la soi-disant orientation sexuelle du demandeur, je ne constate aucune erreur sur ces faits en lien avec le défaut de l’agent chargé l’ERAR d’avoir appliqué les Procédures.

B.  Le droit à l’équité procédurale du demandeur a-t-il été enfreint en raison de l’omission de tenir une audience?

[29]  Le demandeur soutient que l’équité procédurale nécessitait la tenue d’une audience, car sa crédibilité était remise en question. Il renvoie à l’alinéa 113b) de la LIPR, à l’article 167 du RIPR, à l’arrêt Singh c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 RCS 177; à la décision Tekie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 27, aux paragraphes 15 et 16; à la décision Zmari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 132, au paragraphe 17, pour affirmer que, si la crédibilité est une question déterminante, une audience est requise.

[30]  Selon le demandeur, l’agent chargé de l’ERAR a tiré une conclusion déguisée sur la crédibilité en ne croyant pas au nouvel élément de preuve sur l’orientation sexuelle ou aux déclarations assermentées (Uddin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1289, au paragraphe 3 [Uddin]). Le demandeur soutient également que l’attribution de peu de valeur à son élément de preuve sur l’orientation sexuelle est réellement une autre façon de dire que l’agent chargé de l’ERAR ne croyait pas en son élément de preuve.

[31]  Mais, comme l’a expliqué le défendeur, l’agent chargé de l’ERAR n’a pas tiré les conclusions sur la crédibilité, la SPR l’a fait, et la SAR les a confirmées. Ainsi que l’expliquait le juge Zinn dans Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, aux paragraphes 25 à 27, la preuve de la crédibilité peut se voir accorder peu de poids. Contrairement à Uddin, cet agent chargé de l’ERAR a pris en considération des éléments de preuve, comme des lettres d’amis et du Centre communautaire 519, mais a conclu qu’aucun de ces éléments ne satisfaisait au critère de la prépondérance des probabilités, par exemple en raison de renseignements trop vagues. Il s’agissait d’une appréciation de la preuve, et non d’une conclusion en lien avec la crédibilité. L’appréciation de la preuve est une fonction de l’ERAR et non une erreur susceptible de contrôle.

[32]  Le demandeur allègue, comme autre motif pour solliciter une audience, que les affidavits détaillés et assermentés ont été jugés non crédibles. Toutefois, l’agent chargé de l’ERAR n’a pas accepté l’affidavit de Kumara Don en tant que nouvel élément de preuve. Et bien que le demandeur affirme que les motifs ne comprennent aucune mention d’une nouvelle relation, ce renseignement est traité à la page 9 des motifs. L’agent chargé de l’ERAR a cependant conclu que les renseignements de l’affidavit étaient vagues et ne constituaient pas un nouvel élément de preuve. À titre subsidiaire, si l’agent chargé de l’ERAR avait accepté l’affidavit, les renseignements auraient été très généraux, vagues et n’auraient pas contourné la conclusion défavorable de la SPR sur la crédibilité. Pour reprendre les mots du défendeur, [traduction] « la décision repose sur une preuve qui est insuffisante pour dissiper les préoccupations défavorables de la SPR au sujet de la crédibilité. »

[33]  En ce qui a trait à la décision que l’agent chargé de l’ERAR a rendue en s’appuyant sur le dossier sans la tenue d’une audience, compte tenu de ces faits, ce n’est pas une erreur. Bien qu’il puisse y avoir de l’iniquité à la lecture des observations du demandeur, lorsque je les examine plus en profondeur, la soi-disant iniquité résulte d’allégations voilées sur un avocat incompétent au cours des procédures antérieures du demandeur. Il ne s’agit pas d’une situation d’une compétence restreinte de l’agent chargé de l’ERAR ni d’une question à trancher dans le présent contrôle judiciaire. La décision de l’agent chargé de l’ERAR n’est pas déraisonnable.

[34]  En somme, aucune erreur susceptible de révision n’a été commise et la Cour a conclu l’existence d’une justification de la décision, de la transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel. Je conclus que la décision fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47 et 48).

[35]  Aucune question n’est certifiée, car aucune n’a été présentée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4815-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge


ANNEXE A

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Examen de la demande

113 Il est disposé de la demande comme il suit :

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3) — sauf celui visé au sous-alinéa e)(i) ou (ii) —, sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada;

e) s’agissant des demandeurs ci-après, sur la base des articles 96 à 98 et, selon le cas, du sous-alinéa d)(i) ou (ii) :

(i) celui qui est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada pour une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans et pour laquelle soit un emprisonnement de moins de deux ans a été infligé, soit aucune peine d’emprisonnement n’a été imposée,

(ii) celui qui est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, sauf s’il a été conclu qu’il est visé à la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés.

 

Consideration of application

113 Consideration of an application for protection shall be as follows:

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3) — other than one described in subparagraph (e)(i) or (ii) — consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada; and

(e) in the case of the following applicants, consideration shall be on the basis of sections 96 to 98 and subparagraph (d)(i) or (ii), as the case may be:

(i) an applicant who is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years for which a term of imprisonment of less than two years — or no term of imprisonment — was imposed, and

(ii) an applicant who is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, unless they are found to be a person referred to in section F of Article 1 of the Refugee Convention.

 


Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Facteurs pour la tenue d’une audience

167 Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

Hearing — prescribed factors

167 For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4815-17

 

INTITULÉ :

RANJITH KUMARA HERATH MUDIYANSELAGE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 mai 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

Samuel Loeb

Pour le demandeur

Leanne Briscoe

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bureau du droit des réfugiés

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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