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Date : 20180718


Dossier : IMM-5340-17

Référence : 2018 CF 751

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2018

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

SPOORTHY SUSAN DAWALITHA MASAM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  À titre préliminaire et avec le consentement des parties, l’intitulé de la présente demande est modifié afin de refléter le bon défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

[2]  La demanderesse, Spoorthy Susan Dawalitha Masam, est une citoyenne de l’Inde qui est entrée au Canada en tant qu’étudiante le 25 août 2015. Elle demande à la Cour de procéder au contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (agent) par laquelle sa demande de permis de travail postdiplôme a été rejetée. Le Programme de permis de travail postdiplôme permet aux étudiants étrangers ayant obtenu un diplôme dans un établissement postsecondaire canadien participant d’acquérir une expérience de travail au Canada.

[3]  Après son arrivée au Canada, la demanderesse a terminé des programmes dans deux collèges privés de l’Ontario. Elle a d’abord terminé le programme en Autisme et sciences du comportement au George Brown College le 22 avril 2016. Elle a ensuite obtenu un diplôme en Administration des affaires au Canadian College for Higher Studies (CCHS) le 25 août 2017. La demanderesse a présenté une demande de permis de travail postdiplôme le 1er octobre 2017. À ce moment-là, les deux collèges figuraient sur la liste des établissements d’enseignement désignés du site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. C’est le statut du CCHS en tant qu’établissement participant au Programme de permis de travail postdiplôme qui est au cœur de cette affaire.

[4]  Au moyen d’une lettre type datée du 29 novembre 2017, l’agent a refusé la demande de permis de travail postdiplôme de la demanderesse au motif qu’elle n’avait pas présenté sa demande dans le délai imparti de 90 jours après l’achèvement de ses études dans un établissement participant.

[5]  La demanderesse a obtenu des motifs plus détaillés sur la décision grâce aux notes inscrites dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC). Les notes portent sur les deux diplômes décernés à la demanderesse et ont conclu ce qui suit : [traduction]

Le CCHS est un établissement privé qui ne confère aucun diplôme et, à ce titre, ne peut être pris en considération comme un établissement participant pour l’obtention du permis de travail postdiplôme. La cliente a présenté sa demande après les 90 jours suivant l’achèvement de ses études, et n’est donc pas admissible au permis de travail postdiplôme. La demande a été refusée, l’informant de la possibilité de rétablissement de son statut.

[6]  La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agent au motif que la procédure suivie par celui-ci était inéquitable et que la décision en soi était déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, je conclus que le droit de la demanderesse à l’équité procédurale, au moyen du processus de demande d’un permis de travail postdiplôme, n’a pas été enfreint et, ensuite, que la décision de l’agent était raisonnable. Par conséquent, la demande sera rejetée.

I.  Questions en litige

[7]  La demanderesse soulève trois questions dans la présente demande :

  1. L’agent a-t-il enfreint le droit à l’équité procédurale de la demanderesse en ne lui donnant pas l’occasion de répondre aux questions désignées par l’agent qui a refusé sa demande de permis de travail postdiplôme ou en ne lui soumettant pas de motifs suffisants du refus?

  2. La décision de l’agent va-t-elle de façon inéquitable à l’encontre de l’attente légitime de la demanderesse selon laquelle elle pourrait obtenir un permis de travail postdiplôme à l’achèvement de son programme au CCHS?

  3. La décision de l’agent de rejeter la demande de permis de travail postdiplôme de la demanderesse était-elle raisonnable?

II.  Norme de contrôle

[8]  Ces questions d’équité procédurale soulevées par la demanderesse sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Mission Institution c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79; Canadian Pacific Railway Company c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 34). Le contrôle de la Cour est centré sur la procédure et sur la question visant à déterminer si, en prenant en compte des droits formels dont il est question en l’espèce et des autres facteurs contextuels désignés par la Cour suprême du Canada dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux pages 837 à 841, le processus suivi était juste et équitable. En l’espèce, en examinant les deux premières questions susmentionnées, je dois déterminer si le processus suivi par l’agent pour rendre la décision en question était équitable pour la demanderesse dans les circonstances de la présente affaire.

[9]  La norme de révision qui doit être appliquée à la décision de l’agent de l’immigration en l’espèce est la norme de la décision raisonnable (Nookala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1019, au paragraphe 10; Abubacker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1112, au paragraphe 17). Dans les procédures de contrôle judiciaire, la norme de la décision raisonnable exige qu’une décision soit justifiable, intelligible et transparente, et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

III.  Analyse

1.  L’agent a-t-il enfreint le droit à l’équité procédurale de la demanderesse en ne lui donnant pas l’occasion de répondre aux questions désignées par l’agent qui a refusé sa demande de permis de travail postdiplôme ou en ne lui soumettant pas de motifs suffisants du refus?

[10]  La demanderesse allègue que l’agent a enfreint le droit à l’équité procédurale de deux façons. D’abord, la demanderesse affirme que l’agent aurait dû lui donner l’occasion, avant de rendre sa décision, de déterminer si le CCHS était un établissement participant au Programme de permis de travail postdiplôme. La demanderesse se fonde sur les arrêts Yuan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1356, et Popova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 326 (Popova), en évaluant si une l’obligation d’équité existe dans les affaires associées à un permis d’études. Dans Popova, la Cour a affirmé (au paragraphe 11) :

Il existe des circonstances où un agent des visas est tenu d’informer un demandeur des doutes soulevés par sa demande, même si ces doutes proviennent de la propre preuve du demandeur (Rukmangathan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 284, aux paragraphes 22 et 23, précité dans Hassani, au paragraphe 23). C’est le cas en l’espèce. Compte tenu des conclusions du rejet de 2016, je suis convaincu que Mme Popova n’avait aucune raison de croire que ses antécédents d’études seraient fatals à sa nouvelle demande; elle devrait donc avoir eu l’occasion de répondre aux préoccupations de l’agent.

[11]  Bien qu’une obligation d’équité existe à l’égard des demandeurs dans les affaires associées aux permis de travail postdiplôme, l’obligation n’oblige pas un agent à aviser un demandeur d’une préoccupation soulevée directement par les exigences de la législation ou autres lois connexes ni de fournir au demandeur l’occasion de faire des observations concernant la préoccupation (Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283; Penez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1001, au paragraphe 37). Dans chaque affaire, il appartient au demandeur de soumettre à l’agent tous les renseignements en lien avec l’admissibilité de sa demande initiale. C’est dans les affaires où un agent considère les questions ou les faits comme étrangers aux exigences de la demande qu’un agent a l’obligation d’aviser le demandeur de l’enjeu ou de la préoccupation. Dans ces affaires, le demandeur n’aurait pas su que la question ou préoccupation particulière était applicable à sa demande et, en équité, aurait dû avoir l’occasion de soumettre des observations.

[12]  En l’espèce, l’exigence voulant que le CCHS soit un établissement participant au Programme de permis de travail postdiplôme était fondamental pour la détermination de l’agent. L’exigence découle directement des critères d’admissibilité du Programme de permis de travail postdiplôme. Les critères d’admissibilité sont énumérés sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. La demanderesse savait ou aurait dû savoir que l’admissibilité du CCHS serait prise en compte par l’agent. En conséquence, je conclus que l’agent n’avait pas l’obligation de fournir à la demanderesse un préavis de l’inadmissibilité du CCHS ou une occasion de répliquer. Le droit à l’équité procédurale de la demanderesse n’a pas été enfreint.

[13]  Ensuite, la demanderesse soutient que l’agent ne lui a pas fourni de motifs suffisants au moment de rendre la décision. La demanderesse déclare que l’agent n’avait fait allusion qu’à un délai imparti de 90 jours dans la lettre de refus du 29 novembre 2017 et que ce sont les notes du SMGC qui ont fait allusion au fait que le CCHS n’était pas un établissement admissible. Je ne suis pas de cet avis. D’abord, en plus d’énoncer le délai imparti de 90 jours, la lettre de refus précise que l’établissement fréquenté par la demanderesse ne figurait pas dans la liste des établissements des critères d’admissibilité aux fins d’un permis de travail postdiplôme. Bien que le CCHS ne soit pas désigné pas son nom, il ne peut y avoir aucune confusion de la part de la demanderesse puisqu’elle avait présenté sa demande en fonction de l’obtention de son diplôme du CCHS. Ensuite, la demanderesse a demandé de plus amples détails quant aux motifs soumis sous la forme des notes du SMGC (lesquelles ont été annexées au dossier). Les notes du SMGC ont fait spécifiquement allusion au CCHS. En conséquence, la demanderesse a reçu l’entièreté des motifs dans un délai acceptable. Je conclus que le droit à l’équité procédurale de la demanderesse n’a pas été enfreint à cet égard.

2.  La décision de l’agent va-t-elle de façon inéquitable à l’encontre de l’attente légitime de la demanderesse selon laquelle elle pourrait obtenir un permis de travail postdiplôme à l’achèvement de son programme au CCHS?

[14]  L’argument de la demanderesse fondé sur des attentes légitimes comporte deux volets. La demanderesse affirme que le nom du CCHS à titre d’établissement d’enseignement désigné sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a créé une attente légitime selon laquelle la demanderesse serait admissible au permis de travail postdiplôme à l’achèvement de son diplôme au CCHS. La demanderesse affirme également que le fait que d’autres anciens élèves du CCHS aient obtenu un permis de travail postdiplôme signifie que la décision de l’agent en l’espèce n’était pas cohérente avec les décisions antérieures relatives au permis de travail postdiplôme en lien avec le même collège, et ne tient donc pas compte de l’attente légitime selon laquelle le CCHS était un établissement participant.

[15]  Le principe d’attente légitime dérive des exigences de l’équité procédurale. Si une entité ou un agent public a, par sa conduite, amené un individu à s’attendre à ce qu’un processus soit dirigé d’une certaine manière, la Cour protégera l’attente de l’individu. Il s’agit d’un principe procédural uniquement. Il ne crée pas de droits fondamentaux chez l’individu ni il ne garantit un résultat précis (Furey c Conception Bay Centre Roman Catholic School Board, 1993 CarswellNfld 116, au paragraphe 32; dela Fuente c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CAF 186, au paragraphe 9 [Dela Fuente]).

[16]  La majorité des arguments de la demanderesse ne tiennent pas compte de la distinction entre le droit fondamental et le droit procédural. Elle fait valoir son attente légitime comme un droit fondamental. Pour ce seul motif, les arguments de la demanderesse ne peuvent être retenus. De plus, même si la demanderesse soulève une question de procédure, elle n’a désigné aucune déclaration du défendeur qui créerait une attente légitime selon laquelle le processus de demande de permis de travail postdiplôme serait mené d’une manière en particulier.

[17]  Le CCHS figurait dans la liste des établissements d’enseignement désignés sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada au moment où la demanderesse a présenté sa demande de permis de travail postdiplôme. Il n’y a pas de désaccord entre les parties sur cette question. Cependant, l’énumération du CCHS à titre d’établissement d’enseignement désigné ne veut pas dire que le défendeur a désigné le CCHS comme un établissement également admissible aux fins du permis de travail postdiplôme. La liste des établissements d’enseignement désignés établit l’admissibilité aux permis d’études. Elle n’établit pas l’admissibilité aux permis de travail postdiplôme, dont la délivrance est assujettie à des critères différents. Dans son mémoire en réponse, la demanderesse déclare que les lignes directrices opérationnelles d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada « énonçaient d’une façon claire et sans équivoque » que les établissements d’enseignement désignés participaient au Programme de permis de travail postdiplôme, mais elle n’a présenté aucune preuve à l’appui de cette proposition. En effet, l’impression d’écran du site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada soumis par la demanderesse avec son affidavit contient un avertissement en caractères gras rédigé en termes précis à l’intention des postulants leur demandant de s’assurer que leur programme particulier est admissible au permis de travail postdiplôme, car les [traduction] « programmes offerts dans les établissements d’enseignement désignés n’y sont pas tous admissibles ». En l’absence d’observations actives ou, en l’espèce, implicites d’un décideur, l’argument relatif à une attente légitime de la demanderesse ne s’applique pas.

[18]  La demanderesse cite Centre hospitalier Mont-Sinaï c Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41 (Mount Sinai) à l’appui de son argument d’attente légitime. Selon la question dans Mount Sinai, l’hôpital, qui déménageait de Sainte-Agathe à Montréal, avait besoin d’un permis d’exploitation modifié, lequel lui avait été promis à de nombreuses occasions par le ministre. Sans fournir à l’hôpital l’occasion de faire des observations, le ministre a informé l’hôpital que le permis promis ne serait pas délivré. Appliquant la doctrine de préclusion promissoire en droit public et non celle d’attente légitime, la Cour d’appel a ordonné au ministre de délivrer le permis promis. L’appel du ministre a été rejeté par la Cour suprême du Canada, encore une fois non pas sur le fondement de l’attente légitime. Les faits en l’espèce sont différents. Dans Mount Sinai, le ministre avait déclaré clairement et sans ambiguïté que le permis modifié serait délivré. En l’espèce, le défendeur n’a fait aucune déclaration à la demanderesse concernant l’admissibilité du CCHS au permis de travail postdiplôme. Le principe d’attente légitime ni la doctrine de préclusion promissoire en droit public ne soutient la demanderesse. En conséquence, je conclus que la demanderesse n’a pas établi que son droit à l’équité procédurale fondé sur une attente légitime, selon laquelle le CCHS serait traité comme un établissement admissible aux fins de sa demande de permis de travail postdiplôme, avait été enfreint.

[19]  Le deuxième argument de la demanderesse est centré sur son élément de preuve, selon lequel un certain nombre d’anciens étudiants du CCHS qui ont obtenu un diplôme après avoir suivi le même programme que celui de la demanderesse, ont chacun reçu un permis de travail postdiplôme. Elle allègue que la délivrance antérieure de permis de travail postdiplôme aux diplômés du CCHS a créé chez elle l’attente légitime de recevoir un permis de travail postdiplôme.

[20]  Les arguments de la demanderesse ne m’ont pas convaincu pour deux raisons. Essentiellement, la demanderesse allègue que son attente légitime de recevoir un permis de travail postdiplôme, laquelle est fondée sur le succès d’anciens étudiants du CCHS, a créé un droit fondamental à la délivrance du permis. Cet argument a été contredit par la jurisprudence, puisque l’attente légitime est un principe procédural (Dela Fuente, au paragraphe 19). Comme il a été susmentionné dans ces motifs, la demanderesse ne peut pas compter sur le principe pour créer un droit fondamental à la délivrance du permis de travail postdiplôme. Si la demanderesse avait l’intention de faire valoir la doctrine de préclusion promissoire en se fondant sur la délivrance antérieure de permis de travail postdiplôme à d’anciens étudiants du CCHS, j’estime que l’élément de preuve soumis par la demanderesse ne constitue pas une observation claire et sans équivoque formulée par le défendeur à l’intention de la demanderesse par laquelle il est préclus de se soustraire.

[21]  Si la demanderesse fait valoir un argument procédural, selon lequel son attente légitime signifiait que l’agent aurait dû faire part de sa préoccupation concernant le CCHS et lui donner l’occasion de présenter son élément de preuve concernant les anciens étudiants du CCHS, je ne suis pas d’accord pour les motifs exposés ci-dessus. L’agent n’était nullement tenu de solliciter des observations auprès de la demanderesse concernant l’admissibilité du CCHS, car la détermination de cette admissibilité était directement tributaire des critères convenablement établis pour le Programme de permis de travail postdiplôme.

3.  La décision de l’agent de rejeter la demande de permis de travail postdiplôme de la demanderesse était-elle raisonnable?

[22]  La demanderesse invoque un certain nombre d’arguments à l’appui de sa prétention selon laquelle la décision de l’agent était déraisonnable. J’ai examiné chacun des arguments de la demanderesse et évalué la décision de l’agent en fonction des critères d’admissibilité pour le Programme de permis de travail postdiplôme et de la norme de la décision raisonnable. Je conclus que la décision rendue par l’agent était raisonnable.

[23]  La demanderesse allègue d’abord que la décision de l’agent de refuser sa demande de permis de travail postdiplôme était déraisonnable, car elle ne respectait pas les critères d’admissibilité créés et publiés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Elle allègue que les critères d’admissibilité étaient ambigus et exigeaient uniquement qu’elle présente sa demande dans les 90 jours suivant l’achèvement de ses études. Les critères n’exigeaient pas que la demande soit présentée dans les 90 jours suivant l’achèvement de ses études dans un établissement admissible.

[24]  J’estime que cet argument est sans fondement. Les critères d’admissibilité au permis de travail postdiplôme ne sont pas ambigus à cet égard. Les critères exposent d’abord la liste des établissements d’enseignement participant au Programme de permis de travail postdiplôme. La section suivante précise que le candidat doit présenter sa demande de permis de travail postdiplôme dans les 90 jours qui suivent la réception de la confirmation écrite de l’établissement d’enseignement qu’il a terminé avec succès le programme. Il ne fait aucun doute que la confirmation écrite en question doit avoir été reçue d’un établissement admissible (conformément à la liste qui figure immédiatement avant l’exigence de 90 jours), autrement, les critères d’admissibilité deviennent dénués de sens. Les deux exigences ne peuvent être lues de façon isolée.

[25]  La demanderesse se rapporte à la décision de cette cour dans Appidy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1356 (Appidy). Cependant, l’affaire ne soutient pas l’argument selon lequel une demande de permis de travail postdiplôme peut être présentée dans les 90 jours suivant l’obtention du diplôme décerné par un établissement d’enseignement, ce qui est l’essence de l’argument de la demanderesse. Le passage sur lequel se fonde la demanderesse est un extrait en soi des lignes directrices d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Dans Appidy, la Cour ne traitait pas l’argument de la demanderesse. La question présentée à la Cour concernait plutôt la composante de l’apprentissage en ligne des études d’un demandeur particulier et consistait à déterminer si les cours suivis dans deux collèges de l’Ontario pourraient tous deux être pris en compte dans l’évaluation de l’admissibilité au permis de travail postdiplôme. La Cour a déterminé que les cours du demandeur dispensés par les deux collèges devaient être pris en compte pour déterminer l’admissibilité, car les cours suivis au premier collège étaient exigés pour ses études au second collège.

[26]  À titre subsidiaire, la demanderesse allègue que le CCHS figurait et figure toujours sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada en tant qu’établissement d’enseignement désigné. Dans son mémoire en réplique, la demanderesse soutient également qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a énoncé, sans équivoque, que le CCHS, en tant qu’établissement d’enseignement désigné, était un établissement désigné aux fins du Programme de permis de travail postdiplôme.

[27]  La demanderesse a raison de dire que le George Brown College et le CCHS figuraient et figurent toujours sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada en tant qu’établissements d’enseignement désignés. Toutefois, ce fait à lui seul ne signifie pas que le CCHS ou l’un ou plusieurs de ses programmes étaient admissibles au Programme de permis de travail postdiplôme. La liste des établissements d’enseignement désignés se rapporte à la délivrance des permis d’études. Le permis d’études et les programmes menant à un permis de travail postdiplôme sont des programmes distincts ayant des exigences d’admissibilité distinctes. Les établissements d’enseignement désignés ne sont pas tous des établissements admissibles aux fins du Programme de permis de travail postdiplôme. Seuls les établissements d’enseignement désignés (et leurs programmes) qui respectent les critères d’admissibilité propres au Programme de permis de travail postdiplôme rendent les demandeurs admissibles au permis de travail postdiplôme. Ainsi, la désignation du CCHS sur la liste des établissements d’enseignement désignés ne permet pas de déterminer si l’établissement était admissible au permis de travail postdiplôme lorsque la demanderesse a présenté sa demande de permis de travail postdiplôme.

[28]  À part son allusion à la liste des établissements d’enseignement désignés, la demanderesse n’a soumis aucun élément de preuve selon lequel le CCHS était un établissement admissible. Dans son affidavit, la demanderesse atteste que « le George Brown College (campus Waterfront) et le Canadian College for Higher Studies (campus Scarborough) figurent sur la liste des établissements d’enseignement désignés » du site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Elle n’atteste pas que le CCHS figurait sur la liste en tant qu’établissement admissible.

[29]  Le défendeur fait particulièrement allusion à la distinction tirée des critères d’admissibilité d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada entre les établissements publics et les établissements d’enseignement privés, et soutient que la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve selon lequel le CCHS fonctionnait selon les mêmes règles qu’un établissement public. Je suis d’accord avec le défendeur. Outre les questions qu’elle soulève concernant le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, la demanderesse n’a soumis aucun élément de preuve selon lequel l’agent a commis une erreur en concluant que le CCHS n’était pas un établissement admissible.

[30]  La demanderesse soutient également qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ne mentionnait pas sur son site Web que le CCHS n’était pas admissible au Programme de permis de travail postdiplôme. Le dossier ne contient aucune preuve qui appuie ou contredit cette déclaration. Malgré tout, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’était pas tenu d’ajouter une déclaration négative à cet effet sur son site Web. Le site Web énonce les exigences positives relatives à l’admissibilité. La demanderesse était tenue d’assurer son admissibilité et de présenter à l’agent un élément de preuve à l’appui de son admissibilité. Le Ministère n’était pas tenu d’énumérer les établissements ou les programmes non admissibles. Une telle exigence serait indûment onéreuse et contiendrait de nombreuses omissions.

[31]  Enfin, je retourne à l’élément de preuve de la demanderesse quant à la délivrance d’un permis de travail postdiplôme à d’anciens étudiants du CCHS, et à la question qui consiste à déterminer si cet élément de preuve rend la décision de l’agent déraisonnable. À l’appui de sa demande de contrôle judiciaire de la décision, la demanderesse soumet son propre affidavit et les affidavits des agents du CCHS affirmant que d’autres diplômés du CCHS avaient reçu un permis de travail postdiplôme à la fin de leurs études au CCHS. La demanderesse soumet des documents partiellement caviardés de quelques-uns des permis de travail postdiplôme en tant que pièces jointes aux affidavits. L’agent ne disposait pas de ces éléments de preuve.

[32]  L’élément de preuve de la demanderesse, selon lequel des étudiants du CCHS avaient reçu un permis de travail postdiplôme à la fin de leurs études au CCHS, ne rend pas la décision de l’agent déraisonnable. L’agent était tenu d’examiner la demande de permis de travail postdiplôme de la demanderesse en tenant compte des renseignements dont il disposait. La preuve soumise par la demanderesse n’établit pas que le CCHS était un établissement admissible ni que tous ses programmes étaient des programmes admissibles. Le fait qu’un diplômé du CCHS ait obtenu un permis de travail postdiplôme en 2016 n’est pas un facteur déterminant de l’admissibilité de la demanderesse. La copie du permis de travail postdiplôme soumise dans la preuve n’expose aucun détail sur les circonstances particulières de l’étudiant ou du programme terminé. Elle n’indique pas dans quel collège le titulaire a obtenu son diplôme. L’élément de preuve par affidavit des agents du CCHS fait allusion à d’autres étudiants qui ont reçu un permis de travail postdiplôme après avoir obtenu leur diplôme du CCHS, mais, encore une fois, les affidavits fournissent peu de détails. Je conclus que la preuve ne suffit pas pour démontrer une pratique ou une structure incohérente de la part du défendeur quant à la délivrance de permis de travail postdiplôme à des diplômés du CCHS, faisant en sorte que le rejet par l’agent en l’espèce était déraisonnable.

[33]  Pour terminer, je conclus que la décision de l’agent était raisonnable. Le dossier ne contient aucun élément de preuve que l’agent a commis une erreur dans son application des critères d’admissibilité au permis de travail postdiplôme du CCHS. La demanderesse n’a pas établi que le CCHS était un établissement admissible aux fins du Programme de permis de travail postdiplôme. La demanderesse était tenue de présenter sa demande dans les 90 jours suivant l’achèvement de son programme dans un établissement admissible. Elle a terminé son programme au George Brown Collège, un établissement admissible, le 22 avril 2016. Elle a présenté une demande de permis de travail postdiplôme le 1er octobre 2017, bien après la fin du délai imparti de 90 jours.

IV.  Conclusion

[34]  La demande est rejetée.

[35]  Aucune question n’a été proposée aux fins de certification par les parties et aucune question de portée générale n’a été soulevée dans la présente affaire.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5340-17

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Elizabeth Walker »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5340-17

 

INTITULÉ :

SPOORTHY SUSAN DAWALITHA MASAM c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JUILLET 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE :

LE 18 JUILLET 2018

 

COMPARUTIONS :

Saidaltaf Patel

 

Pour la demanderesse

Aleksandra Lipska

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SP Law Office

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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