Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180725


Dossier : IMM-4-17

Référence : 2018 CF 780

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2018

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE

YANLI YANG

(aussi appelée YANG YANLI)

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’instance

[1]  La demanderesse, Yanli Yang, demande un contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent des visas canadien en poste au Consulat du Canada à Hong Kong (l’agent), qui a rejeté sa demande de visa de résidence permanente présentée au titre de la catégorie « regroupement familial » (la décision). En demandant une dispense pour motifs d’ordre humanitaire, en application du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (la LIPR), la demanderesse a admis ne pas faire partie de la catégorie de la famille.

[2]   La demanderesse est une ressortissante chinoise âgée de 67 ans; elle est médecin, mais est aujourd’hui à la retraite. Sa demande de résidence permanente était parrainée par Mme Yang Yang (la répondante), fille biologique de la demanderesse née en novembre 1979 et maintenant citoyenne canadienne, ainsi que par l’époux de la répondante.

[3]  En 1987, le mari de la demanderesse a eu une liaison qui a mis un terme à leur mariage, lequel s’est terminé par un divorce en décembre. Il a par la suite disparu de la vie de la demanderesse et de la répondante.

[4]  Pour diverses raisons, notamment à cause de la stigmatisation sociale associée au divorce et d’une préoccupation pour le bien-être de la répondante, la demanderesse a demandé l’aide de son frère et de son épouse. Ils ont convenu, d’un mutuel accord, qu’ils adopteraient la répondante, alors âgée de sept ans. À l’époque, les adoptions non officielles étaient fréquentes en Chine, car il n’existait aucun processus légal d’adoption.

[5]  À la fin de 1993, les parents adoptifs de la répondante ont déménagé au Japon. Cependant, comme la répondante fréquentait à l’époque une des plus prestigieuses écoles de Chine, elle est restée en Chine avec la demanderesse et ses grands-parents. Lorsque ses parents adoptifs sont déménagés au Canada, en 1999, elle les a accompagnés à titre d’enfant à charge.

[6]  La répondante a fait la rencontre de son mari en 2006. Leur premier enfant est né en 2009 et le deuxième, en 2012. C’est alors que la répondante a commencé à éprouver de vives douleurs et à présenter des symptômes de troubles mentaux. La douleur dans ses genoux était parfois si intense qu’elle devait rester alitée. La répondante a consulté un praticien de médecine traditionnelle chinoise (MTC) et elle a commencé à noter une amélioration de son état à l’automne 2013.

[7]  Au début de 2013, la répondante a reçu un diagnostic de fibromyalgie, une maladie incurable. Elle s’est inscrite à un groupe de soutien aux personnes atteintes de fibromyalgie, au Toronto Rehabilitation Institute de l’Université de Toronto, et a assisté à plusieurs séances visant à apprendre à vivre avec cette affection. La répondante a ultérieurement reçu un diagnostic d’anxiété sévère et d’apnée du sommeil légère.

[8]  Une précédente demande de résidence permanente au titre de la catégorie « regroupement familial », qui avait été présentée par la demanderesse pour des considérations d’ordre humanitaire, avait été refusée en août 2013 pour les motifs suivants : les parents et le frère de la demanderesse vivaient en Chine; il n’avait pas été clairement établi que la demanderesse et la répondante avaient maintenu un contact régulier, ni que la répondante avait rendu visite régulièrement à la demanderesse après son immigration au Canada; et rien n’indiquait qu’il existait des liens étroits entre la demanderesse et les deux enfants de la répondante. La répondante a demandé un contrôle judiciaire de ce refus, mais l’autorisation a été refusée.

[9]  Le 25 janvier 2016, dans le cadre de l’affaire à l’étude, une lettre relative à l’équité procédurale a été envoyée à la demanderesse, lui confirmant qu’elle n’était pas un membre de la catégorie « regroupement familial », que ce soit à titre de parent ou de membre de la famille de la répondante. La lettre mentionnait également que les considérations d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisantes pour justifier la prise de mesures spéciales. La demanderesse a eu droit à une période de 30 jours pour présenter d’autres renseignements.

[10]  L’une des préoccupations particulières soulevées dans la lettre concernait les liens entre la demanderesse et les enfants de la répondante; il semblait peu vraisemblable qu’il puisse exister entre eux de forts liens affectifs, compte tenu de l’âge de ces enfants et du peu de temps qu’ils avaient passé avec la demanderesse. La lettre précisait en outre que la demanderesse semblait bien établie, financièrement, en Chine et qu’elle ne ferait pas face à des difficultés excessives dans ce pays s’il lui était refusé d’immigrer au Canada. La lettre mettait également en doute l’allégation voulant que la demanderesse ait été la principale personne s’étant occupée des différents aspects de la vie de la répondante, avant son immigration au Canada en 1999. La lettre précisait en effet que la répondante avait 19 ans lorsqu’elle est venue de son plein gré au Canada avec ses parents adoptifs et qu’il n’était [traduction] « pas déraisonnable de croire que ses parents adoptifs n’avaient jamais cessé de s’acquitter de leurs rôles et de leurs responsabilités de parents dans la vie de la répondante ».

[11]  Le 8 avril 2016, l’avocat a répondu à chacune des préoccupations soulevées dans la lettre relative à l’équité procédurale et a produit des documents supplémentaires. L’avocat a fait valoir qu’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire était justifiée, parce qu’il existait des liens familiaux étroits entre la demanderesse et la répondante, ainsi qu’une situation familiale de fait. Des renseignements ont été présentés sur l’intérêt supérieur des deux petits-enfants de la demanderesse, ainsi que sur les difficultés qu’éprouvaient la demanderesse et la répondante du fait de leur séparation continue, difficultés exacerbées par la maladie de la répondante.

[12]  Le 10 novembre 2016, la décision a été communiquée à l’avocat de la demanderesse. Après avoir énoncé divers articles de la LIPR en application desquels la demanderesse n’était pas admissible au titre de la catégorie « regroupement familial », et la répondante n’était pas admissible pour agir à titre de répondant, l’agent a conclu ce qui suit :

[traduction] Compte tenu de tous les documents et renseignements disponibles, je ne suis pas convaincu qu’il existe des motifs suffisants et convaincants au titre de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni des considérations d’ordre humanitaire suffisantes en l’espèce, pour justifier l’adoption de mesures spéciales levant votre interdiction de territoire au Canada. Par conséquent, je refuse votre demande.

[13]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie pour les motifs qui suivent.

II.  Questions en litige et norme de contrôle

A.  Questions en litige

[14]  La demanderesse a soulevé trois questions. À mon avis, toutefois, le règlement dans cette affaire se résume à déterminer si la décision est raisonnable.

[15]  La demanderesse fait valoir que l’une des questions vise à déterminer si l’agent a appliqué le bon critère, à savoir celui énoncé dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909 [Kanthasamy], pour déterminer si la dispense pour considérations d’ordre humanitaire devrait être accordée.

[16]  Après avoir fait un examen approfondi des motifs de la décision, je suis d’avis que l’agent a fait une interprétation erronée du critère à remplir pour accorder une dispense pour considérations d’ordre humanitaire, en cherchant d’une manière déraisonnable à déterminer si les « difficultés » étaient suffisantes pour accorder une telle dispense.

[17]  La demanderesse allègue également que la décision est déraisonnable, parce que les principales conclusions de l’agent sont fondées sur des erreurs liées à la preuve, notamment des erreurs de fait substantielles et une interprétation erronée de la preuve.

[18]  Enfin, la demanderesse fait valoir que la manière dont l’agent a recueilli et traité la preuve soulève une question d’équité procédurale, l’agent ayant formulé ce qui s’apparente à des conclusions voilées quant à sa crédibilité malgré plusieurs déclarations sous serment présentées par la demanderesse et n’ayant pas donné à la demanderesse la possibilité de répondre.

[19]  Le défendeur rétorque que toutes ces questions ont été soulevées dans la lettre relative à l’équité procédurale et que, quoi qu’il en soit, aucune entrevue n’était justifiée.

[20]  La question relative à la question d’équité procédurale repose essentiellement sur l’allégation de l’agent selon laquelle aucun élément de preuve fiable n’a été présenté à l’appui de bon nombre des motifs invoqués par la demanderesse en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale. La demanderesse soutient pour sa part que, puisque des déclarations sous serment ont été présentées à l’appui de la preuve, l’agent a dû tirer des conclusions non fondées quant à sa crédibilité.

[21]  Les questions qui, selon la demanderesse, constituent des erreurs dans l’appréciation de la preuve se résument en fait à savoir si l’issue de la décision est raisonnable. Comme j’ai conclu que la décision est déraisonnable, je n’ai pas à déterminer si l’agent a tiré des conclusions voilées quant à la crédibilité, en contravention à l’équité procédurale.

[22]  En examinant le caractère raisonnable de la décision, je chercherai d’abord à déterminer si l’agent a bien appliqué le critère énoncé dans Kanthasamy, puis j’examinerai les erreurs liées à la preuve commises par l’agent.

B.  La norme de contrôle

[23]  La Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait d’un agent au sujet d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable : Kanthasamy, au paragraphe 44.

[24]  Le caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de celle-ci, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir].

[25]  Si les motifs, lorsqu’ils sont lus dans leur ensemble, « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables, les motifs répondent alors aux critères établis dans Dunsmuir » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708.

III.  L’agent a-t-il appliqué l’approche énoncée dans l’arrêt Kanthasamy?

[26]  L’une des principales objections de la demanderesse est que l’agent n’a pas examiné les considérations d’ordre humanitaire dans leur ensemble, mais a plutôt établi des seuils de difficulté à atteindre, omettant ainsi de suivre l’analyse prescrite dans Kanthasamy.

[27]  La demanderesse invoque à l’appui le fait que l’agent n’a mentionné aucun des éléments positifs qu’elle a présentés. La demanderesse fait valoir que l’agent a rejeté ses considérations d’ordre humanitaire en les examinant de manière distincte et en créant des seuils implicites de difficultés en regard desquels chaque facteur a été examiné puis rejeté. Elle allègue que les considérations n’ont pas été examinées comme un tout.

[28]  Les parties rappellent à la Cour que, dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême a approuvé le langage utilisé dans Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration) (1970), 4 A.I.A 338, [1970] IABD no 1 (QL) [Chirwa], selon lequel l’expression « considérations d’ordre humanitaire » s’entend :

« des faits établis par la preuve, de nature à inciter tout homme raisonnable [sic] d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne — dans la mesure où ses malheurs “justifient l’octroi d’un redressement spécial” aux fins des dispositions de la Loi. [...] La Commission reconnaît que cette définition « implique un certain élément de subjectivité », mais elle dit qu’il doit aussi y avoir des éléments de preuve objectifs pour que la mesure spéciale soit accordée [...]

Kanthasamy, au paragraphe 13, citant Chirwa, à la page 350.

[29]  L’avocat du défendeur fait valoir que la demanderesse n’a pas présenté suffisamment de preuve pour justifier une dispense pour considérations d’ordre humanitaire et que l’agent n’a pas établi de seuils arbitraires, ni n’a procédé à une segmentation de la preuve. Le défendeur soutient plutôt que l’agent a séparé les éléments présentés par la demanderesse de manière à structurer les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) pour examiner les observations de la demanderesse.

[30]  Dans Marshall c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 72, 49 Imm LR (4th) 53 [Marshall], notre Cour, au sujet de l’arrêt Kanthasamy, a conclu que les agents doivent tenir compte de l’approche Chirwa, en plus des facteurs traditionnels de difficulté. Elle a déclaré qu’une cour de révision doit « avoir une raison de croire que les agents ont fait leur travail, autrement dit, que les agents chargés des demandes pour motifs d’ordre humanitaire ont tenu compte, outre les difficultés, de facteurs humanitaires au sens plus élargi » : Marshall, au paragraphe 33. Ainsi qu’il est expliqué dans la section qui suit, le défaut de l’agent de tenir compte d’éléments de preuve importants rend la décision déraisonnable. Cela amène également la Cour à penser que l’agent n’a pris en compte aucune des considérations d’ordre humanitaire et qu’il a uniquement tenu compte des difficultés.

[31]  Cette préoccupation apparaît à la lecture des notes du SMGC qui indiquent que, bien que l’agent ait déclaré avoir examiné les éléments de preuve (rapports médicaux, affidavits, lettres d’appui) pour déterminer si les circonstances étaient suffisantes pour justifier une dispense, il semble n’avoir tenu compte d’aucun facteur humanitaire au sens plus élargi. L’agent a donc omis d’appliquer l’approche énoncée dans l’arrêt Kanthasamy, ce qui rend sa décision indéfendable en droit et déraisonnable selon Dunsmuir : Lobjanidze c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 1098, au paragraphe 12, 55 Imm LR (4th) 287.

[32]  En toute justice pour l’agent, je note toutefois que l’arrêt Kanthasamy a été rendu le 10 décembre 2015, soit après la présentation de la demande pour motifs d’humanitaire, mais onze mois avant que l’agent rende sa décision. Or, comme l’a souligné le juge Brown dans Lobjanidze, au paragraphe 11, la décision en l’espèce a été prise à une époque où les délégués du ministre étaient peut-être encore à faire la transition vers l’acceptation complète de la décision dans Kanthasamy. Cette observation pourrait peut-être aider à expliquer l’importance indue que l’agent a accordée aux difficultés (conformément aux lignes directrices), mais elle ne change pas le fait que, dans son évaluation des considérations d’ordre humanitaire, l’agent était tenu d’examiner non seulement les difficultés, mais aussi l’ensemble des éléments présentés pour déterminer si une dispense était justifiée en accord avec l’arrêt Kanthasamy.

IV.  L’agent a-t-il formulé des conclusions de fait sans tenir compte des éléments de preuve qui lui avaient été présentés?

[33]  Dans Zlotosz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 724, 282 ACWS (3d) 594 [Zlotosz], le juge Diner a confirmé que Chirwa prévoit ce qu’il a qualifié comme étant les « deux critères clés » mentionnés dans Kanthasamy, à savoir : 1) un motif pour que la mesure spéciale soit accordée et 2) des éléments de preuve objectifs suffisants. Le juge Diner a aussi déclaré ce qui suit :

[L]’exercice du pouvoir discrétionnaire fondé sur les considérations d’ordre humanitaire implique ultimement un certain élément de subjectivité dans l’analyse. En d’autres mots, un autre agent aurait pu en venir à une autre conclusion en soupesant la preuve différemment.

Zlotosz, au paragraphe 18.

[34]  Pour examiner ces deux critères clés, l’agent doit examiner les éléments de preuve, énoncer les conclusions de fait qui s’imposent, puis soupeser les résultats. La décision de l’agent commande la déférence, mais seulement dans la mesure où elle repose sur les éléments de preuve et qu’elle en découle.

[35]  La demanderesse conteste plusieurs conclusions de fait de l’agent. Par conséquent, les alinéas 18.1(3)b) et 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7 (la Loi), s’appliquent :

Pouvoirs de la Cour fédérale

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

Powers of Federal Court

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

. . .

. . .

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

Motifs

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

Grounds of review

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 . . .

. . .

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

[36]  L’agent a énoncé six motifs pour conclure qu’il n’existait pas de motifs suffisants et convaincants selon le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni de considérations d’ordre humanitaire, pour justifier une dispense de l’application des dispositions de la LIPR. La demanderesse soutient que l’agent a commis plusieurs erreurs liées à la preuve en formulant chacune de ces conclusions.

[37]  Ayant conclu que l’agent n’a pas appliqué l’approche prescrite dans Kanthasamy, je suis d’avis que cela est suffisant pour accueillir le présent contrôle judiciaire à l’encontre seulement de deux conclusions formulées par l’agent sans tenir compte des documents versés au dossier.

[38]  La demanderesse allègue premièrement que l’agent a tiré des conclusions déraisonnables au sujet des circonstances de l’adoption de la répondante.

[39]  La demanderesse soutient deuxièmement que, du fait de sa première conclusion, l’agent a, de manière raisonnable, fait abstraction des liens émotifs entre la demanderesse et la répondante.

A.  L’adoption de la répondante

[40]  Il apparaît utile à cette étape d’énoncer les conclusions formulées par l’agent relativement à l’adoption de la répondante et aux liens affectifs entre la répondante et la demanderesse. Pour ce faire, je reprendrai textuellement les notes inscrites dans le SMGC. Je suis d’avis que les abréviations utilisées par l’agent, dans la version anglaise, peuvent facilement être comprises. J’ai toutefois séparé les différents points soulevés par l’agent en paragraphes distincts pour en faciliter la lecture :

Extrait de la conclusion n:

[traduction]

La répondante a soumis une autre déclaration solennelle datée du 2 avril 2016 dans laquelle elle explique les circonstances ayant mené à son adoption par son oncle maternel, ainsi que ses liens affectifs avec la demanderesse principale (DP). Jusqu’à maintenant, aucun élément de preuve fiable n’a été présenté à notre bureau pour corroborer le type et le degré de stigmatisation sociale à laquelle la répondante aurait pu être exposée à l’époque, en tant qu’enfant de 8 ans vivant en Chine, si elle n’avait pas été adoptée par son oncle maternel en 1987.

Aucun élément de preuve présenté à ce jour ne prouve que la DP a été la principale responsable de la répondante, de 1994 à 1999. Comme la DP travaillait durant la semaine et qu’elle résidait pendant ce temps à l’hôpital, alors que la répondante habitait avec ses grands-parents, il est raisonnable de croire que les grands-parents ont été les principaux responsables de la répondante en l’absence de ses parents adoptifs, de 1994 à 1999.

Comme la répondante était déjà une adulte de 19 ans au moment où elle a immigré au Canada avec ses parents adoptifs, il n’est pas raisonnable de croire qu’elle n’avait aucune idée que son émigration au Canada avec ses parents adoptifs pourrait signifier une séparation permanente d’avec la DP.

La DP n’a fourni à ce jour aucun élément de preuve fiable attestant de l’existence de solides liens affectifs entre elle et la répondante.

[41]  La conclusion no 3 commence par mettre en doute le type et le degré de stigmatisation à laquelle la répondante, alors un enfant de huit ans, aurait pu être exposée en Chine en 1987 à la suite du divorce de ses parents. Or, la déclaration solennelle de la répondante, datée du 2 avril 2016 et à laquelle l’agent renvoie, traite expressément au paragraphe 4 du type et du degré de stigmatisation dont la répondante aurait pu être victime si elle n’avait pas été adoptée :

[traduction] Bien que mon oncle m’ait adoptée, il l’a fait pour nous aider, ma mère et moi, et principalement pour me protéger de la stigmatisation sociale dont sont victimes les enfants de parents divorcés. Durant mon enfance, ma famille n’a cessé de me répéter que je ne devais dire à personne que mes parents étaient divorcés, parce que les gens vous regardaient alors différemment et que vous deveniez l’objet de commérages, car le divorce était considéré comme honteux à l’époque. Les gens posent des questions gênantes aux petits enfants de parents divorcés et formulent des commentaires sévères au sujet des enfants élevés par un seul parent. L’adoption m’a épargné toutes ces difficultés, car personne ne savait que je venais d’une famille brisée.

[42]  Le père adoptif de la répondante, qui était son oncle et le frère de la demanderesse, a présenté une déclaration écrite en 2010, conjointement avec la première demande pour considérations d’ordre humanitaire, et toute cette documentation a aussi été remise à l’agent. Dans cette déclaration, le père adoptif décrit que l’adoption d’enfants entre membres d’une même famille n’était pas inhabituelle en Chine à l’époque, et que c’était une pratique acceptée. Il a indiqué ce qui suit : [traduction« [m]a femme et moi ne pouvions accepter que l’enfant soit l’objet de commérages, qu’il se sente inférieur aux autres et qu’il subisse des préjudices psychologiques à cause du divorce de ses parents » et « l’objectif de toute notre famille était de réduire les préjudices causés à l’enfant par le divorce ».

[43]  En plus de cette preuve subjective, d’importants éléments de preuve objectifs sur la stigmatisation associée au divorce ont aussi été présentés. Ces éléments décrivaient également comment la perception du divorce n’a commencé à changer qu’au début du présent siècle, soit quelque vingt ans après le divorce de la demanderesse, en 1987. Ces documents incluent des articles érudits, des articles de journaux et des articles publiés sur Internet sur les effets du divorce sur les femmes et les enfants en Chine.

[44]  À titre d’exemple, un article publié en 2007 dans le journal Marriage & Family Review, vol. 42, no 3, intitulé « Impacts of Parents’ Divorce on Chinese Children: A Model with Academic Performance as a Mediator », comporte une section décrivant les contextes culturels en Chine. Le résumé présenté au tout début de cet article explique ce qui suit :

[traduction] Cette étude a examiné les effets du divorce des parents sur le bien-être des enfants chinois. [...] Le bien-être des enfants issus de familles divorcées a été comparé à celui des enfants vivant avec leurs deux parents ou dont l’un des deux parents était décédé. Les résultats montrent que les effets négatifs du divorce sur le bien-être des enfants se répercutent sur le rendement à l’école. L’attitude discriminatoire de la société envers le divorce et les familles monoparentales nuit profondément au bien-être des enfants.

[45]  Dans le corps du texte, une discussion sur la stigmatisation sociale du divorce, intitulée « Social Stigma of Divorce », note ce qui suit :

La stigmatisation associée au divorce est grande et elle peut parfois ruiner la réputation et la carrière d’une personne. Bien que la société chinoise soit devenue plus tolérante envers les familles monoparentales, l’attitude négative globale au sujet du divorce peut causer un haut niveau de stress aux personnes divorcées et à leurs enfants.

[46]  Il est impossible de savoir, à la lecture des motifs de l’agent entrés dans les notes du SMGC, si l’agent a lu l’un ou l’autre de ces documents. Ce qui ne fait aucun doute, c’est que l’agent n’en mentionne aucun. L’agent note toutefois ceci dans sa conclusion n3 :

Jusqu’à maintenant, aucun élément de preuve fiable n’a été présenté à notre bureau pour corroborer le type et le degré de stigmatisation sociale à laquelle la répondante aurait pu être exposée à l’époque, en tant qu’enfant de 8 ans vivant en Chine, si elle n’avait pas été adoptée par son oncle maternel en 1987.

[47]  Sauf le respect que je vous dois, si des déclarations sous serment, des lettres des membres de la famille, des articles de journaux et des articles érudits, tous attestant de la nature et du type de stigmatisation et des répercussions auxquelles une femme divorcée et son enfant peuvent être exposés en Chine, ne représentent « aucun élément de preuve fiable », on peut se demander quels éléments de preuve auraient pu satisfaire l’agent. Le fait que l’agent n’a même pas pris acte de ces éléments de preuve qui contredisent directement sa déclaration nous amène à conclure, soit que l’agent n’a pas lu ces éléments de preuve pertinents, soit qu’il a choisi, délibérément et pour des raisons inconnues, de les passer sous silence.

[48]  Heureusement, il n’est pas nécessaire de déterminer quel est le cas en l’espèce. Il est un fait établi que, « plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée “ sans tenir compte des éléments dont il [disposait] ” » et que, « l’obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés » : Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, [1998] ACF no 1425, au paragraphe 17 (QL) (CF).

[49]  En l’espèce, la Cour n’hésite pas à inférer que l’agent a formulé une conclusion de fait erronée, dans la conclusion n3, sans tenir compte des éléments de preuve au dossier.

B.  Les liens affectifs entre la répondante et la demanderesse

[50]  La conclusion de l’agent selon laquelle aucun élément de preuve fiable n’appuie le type de stigmatisation sociale à laquelle la répondante aurait été exposée est déterminante pour ses autres conclusions.

[51]  À la lecture des notes du SMGC, le thème principal qui se dégage des conclusions semble être une critique à l’endroit de la décision de donner la répondante en adoption, en 1987. La demanderesse a volontairement donné son enfant en adoption et la répondante a quitté sa mère de plein gré. Le meilleur exemple illustrant ce fait nous vient du résumé présenté près de la fin de la conclusion n6 :

[traduction] La demanderesse principale a choisi de rompre son lien parent-enfant avec la répondante, lorsqu’elle a permis à un membre de sa famille d’adopter la répondante, et la répondante a elle-même choisi, à l’âge de 19 ans, de quitter la Chine et d’immigrer au Canada avec ses parents adoptifs, en sachant qu’elle devait ainsi quitter la demanderesse principale qui restait en Chine et que leur séparation pourrait être permanente.

[52]  Des phrases comme [traduction] « elle a permis à un membre de sa famille d’adopter la répondante » et [traduction] « la répondante a elle-même choisi, à l’âge de 19 ans, de quitter » sont chargées de valeurs. Lorsqu’on y ajoute le rejet, par l’agent, de la stigmatisation associée au divorce comme motif d’adoption, les termes utilisés par l’agent à la conclusion n6 donnent à penser que la demanderesse et la répondante ne se souciaient guère l’une de l’autre. La conclusion dans ce contexte semble également porter un jugement sur une situation qui, comme l’indiquent les éléments de preuve, était courante en Chine à l’époque et qui, selon les parties, était alors la meilleure solution pour toutes les personnes concernées.

[53]  Plus important encore, cette conclusion n’est pas corroborée par les éléments de preuve au dossier, mais va plutôt à l’encontre de ces éléments.

[54]  La demanderesse et la répondante ont toutes deux présenté des déclarations disant que la demanderesse et son frère, le père adoptif, élevaient la répondante ensemble. Dans une lettre de novembre 2013 adressée aux autorités canadiennes de l’immigration, la demanderesse a déclaré ce qui suit : [traduction« [m]a fille n’a pas été adoptée parce que je l’ai abandonnée; mon grand amour pour elle lui a au contraire permis d’être aimée et soutenue par davantage de personnes; notre relation mère-fille n’a jamais fondamentalement changé et nos liens affectifs mère-fille n’ont jamais été atténués, que ce soit à cause de l’amour de ses parents adoptifs ou de la grande distance qui nous séparait. »

[55]  Dans sa déclaration solennelle du 2 avril 2016, la répondante explique la nature de ses liens avec sa mère biologique, la demanderesse, ainsi qu’avec ses parents adoptifs. Elle mentionne que, puisque son père biologique était absent de sa vie, son oncle est devenu un père substitut et elle le considère toujours comme son père. Elle ajoute que la femme de son oncle n’a pas pris la place de sa mère, mais qu’elle est plutôt devenue en quelque sorte une belle-mère. La répondante explique qu’elle considère toujours la demanderesse comme sa mère, parce que celle-ci est demeurée présente dans sa vie et qu’elle a toujours su que la demanderesse était sa mère biologique. Elle confirme également que, de 1994 à 1999, la demanderesse a été la principale personne qui s’est occupée d’elle lorsque ses parents adoptifs vivaient au Japon.

[56]  De plus, dans sa déclaration de novembre 2013, la demanderesse explique la nature et l’importance de sa relation avec la répondante, en ces termes : [traduction] « [c]omme tout le monde le sait, le lien affectif qui unit une mère et sa fille est un instinct animal fondamental qui existe dès la naissance, et l’unification d’une mère et de sa fille relève du bon sens et est conforme à la nature humaine. En tant que retraitée, ma situation en Chine est assurée et très stable; cependant, ma fille, qui vit au loin dans un pays étranger, me manque de plus en plus à mesure que je vieillis, et ma fille ne cesse de s’inquiéter pour moi. Ce type de douleur causée par la séparation est amère; j’ai donc décidé de présenter une demande de réunification avec ma fille ».

[57]  L’agent avait le droit de prendre en compte et de soupeser la déclaration de la demanderesse et la déclaration solennelle de la répondante, et il était tenu par la loi de le faire. En revanche, l’agent n’avait pas le droit de faire abstraction de leurs éléments de preuve ou, en omettant d’y faire quelque référence, de rejeter en quelque sorte ces éléments. Le défaut de discuter de ces éléments de preuve directement pertinents non seulement répond au critère dans Cepeda-Gutierrez, mais aussi va à l’encontre de l’approche prescrite dans Chirwa.

[58]  Comme elle l’a fait dans l’affaire précitée, la Cour n’hésite pas à inférer de l’omission de ces importants éléments de preuve dans les motifs de discussion que l’agent a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments de preuve qui lui avaient été présentés.

[59]  En examinant la relation entre la demanderesse et la répondante, uniquement comme une ancienne relation mère-fille ne répondant pas aux dispositions relatives à la catégorie « regroupement familial » selon l’article 117 de la LIPR, l’agent a complètement fait abstraction du fait que l’article 25, et les lois précédentes qui ont mené à son adoption, ont été promulguées dans un but précis. Dans l’arrêt Kanthasamy, la juge Abella passe en revue l’historique de la disposition et explique les raisons qui ont mené à l’ajout de la disposition législative initiale de laquelle découle l’article 25, en citant les commentaires formulés dans les Débats de la Chambre des communes, le 20 février 1967 :

La loi établit des règles générales visant ceux qui peuvent venir au Canada et s’y établir. Les règles sont nécessairement générales. Elles ne sauraient prévoir exactement toute la gamme des circonstances personnelles. Elles doivent pouvoir être infléchies selon les mérites de chaque cas particulier. Il peut y avoir des motifs dictés par l’humanité ou la compassion pour laisser entrer des gens qui, règle générale, seraient inadmissibles.

[Souligné dans l’original.]

Kanthasamy, au paragraphe 12.

[60]  C’est cette interprétation, selon laquelle l’article 25 vise à fournir une voie pour se soustraire à la rigoureuse application de la LIPR lorsque des considérations d’ordre humanitaire le justifient, qui semble faire défaut lorsqu’on examine les motifs de l’agent et l’insistance déraisonnable avec laquelle il a cherché à démontrer ce qui était absent de la relation entre la demanderesse et la répondante plutôt que d’établir ce en quoi consistait cette relation.

V.  Conclusion

[61]  Plutôt que d’examiner si la relation entre ces deux adultes – la mère biologique et sa fille – donnait lieu à des considérations d’ordre humanitaire, l’agent a appliqué le critère relatif aux difficultés et s’est concentré sur le fait que l’adoption non officielle avait éliminé la relation parent-enfant. Bien que cette approche puisse être juste, techniquement, pour déterminer si une personne fait partie de la catégorie « regroupement familial », elle peut également offrir un exemple classique de la raison pour laquelle les motifs d’ordre humanitaire ont été introduits dans la loi : c’est-à-dire pour offrir un moyen d’assouplir l’application rigide de la loi.

[62]  En l’espèce, cette approche est d’autant plus déraisonnable, en ce qui concerne l’examen des considérations d’ordre humanitaire, que l’agent a omis de tenir compte, dans son analyse, d’importants éléments de preuve qui contredisaient directement plusieurs de ses conclusions.

[63]  Pour tous ces motifs, et en application de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi, je conclus que la décision est fondée sur des conclusions de fait erronées, formulées sans que l’agent tienne compte des éléments de preuve qui lui ont été présentés et, en application du paragraphe 18.1(3) de la Loi, la Cour choisit d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire afin qu’elle soit réexaminée par un autre agent.

[64]  Compte tenu de l’incidence de l’arrêt Kanthasamy sur l’analyse exigée d’un agent en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR et compte tenu de la nature et de l’étendue des éléments de preuve dont l’agent doit tenir compte dans l’examen d’une telle demande, la demanderesse doit être autorisée à soumettre d’autres éléments de preuve, à mettre à jour les éléments de preuve existants et à formuler des observations nouvelles ou supplémentaires, avant que l’affaire soit réexaminée par un autre agent.

[65]  Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale aux fins de certification, et les faits en l’espèce n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour un nouvel examen.

  2. Compte tenu de l’incidence de l’arrêt Kanthasamy sur l’analyse exigée d’un agent en application du paragraphe 25(1) de la LIPR et compte tenu de la nature et de l’étendue des éléments de preuve dont un agent doit tenir compte dans l’examen d’une telle demande, la demanderesse doit être autorisée à soumettre d’autres éléments de preuve, à mettre à jour les éléments de preuve existants et à formuler des observations nouvelles ou supplémentaires avant que l’affaire soit réexaminée par un autre agent.

  3. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-4-17

 

 

INTITULÉ :

YANLI YANG (AUSSI APPELÉE YANG YANLI) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 juillet 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

Samuel Plett

 

Pour la demanderesse

 

Sally Thomas

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Desloges Law Group Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.