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Date : 20180712


Dossier : IMM-131-18

Référence : 2018 CF 730

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

ANASS EL KAMEL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Contexte

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la mesure d’exclusion prise contre le demandeur, Anass El Kamel, le 29 décembre 2017, par le délégué du ministre [délégué] d’avoir jugé que le rapport aux termes du paragraphe 44(1) [Rapport 44] de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] établi par l’agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [agent] était fondé en faits et en droit.

[2]  Les faits pertinents sont les suivants.

[3]  Le 29 août 2017, le demandeur entre au Canada en provenance du Maroc et obtient un permis d’études valide jusqu’au 31 juillet 2021, conformément à l’article 216 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR]. Aux termes du paragraphe 220.1(1) du RIPR, le demandeur devait être inscrit dans un établissement d’enseignement désigné, soit à l’Université de Moncton, et y demeurer inscrit jusqu’à ce qu’il termine ses études. Au surplus, il devait suivre activement un cours ou son programme d’études.

[4]  Le 29 décembre 2017, le demandeur se présente en compagnie de son consultant en immigration au point d’entrée de Saint-Bernard-de-Lacolle afin de présenter une demande pour modifier son permis d’études. L’Agent rencontre le demandeur en entrevue pour effectuer son contrôle dans le but de déterminer si le demandeur a le droit d’entrer au Canada.

[5]  Lors de l’entrevue, le demandeur déclare ce qui suit:

a)  Il n’a jamais assisté à ses cours à l’Université de Moncton ou voyagé à Moncton depuis son arrivée au Canada.

b)  À son arrivée au Canada, il avait eu de la fièvre à cause d’une hypoglycémie liée au diabète. En raison de cela, il se sentait trop malade pour voyager à Moncton, et est donc demeuré à Montréal.

c)  Il a communiqué avec l’Université de Moncton pour se retirer du programme d’études pour la session d’automne.

d)  Il s’est senti mieux après deux semaines suivant son arrivée au Canada et après avoir annulé ses études pour la session d’automne.

e)  Il préférait rester à Montréal puisque son frère vivait à proximité.

f)  Au début du mois de novembre 2017, il a commencé à travailler pour Impark à Montréal.

g)  Il avait fait une demande auprès de l’Institut Teccart, qui a confirmé son admissibilité au programme DEP en soutien informatique.

h)  Le programme d’études qu’il complètera au Canada lui importait peu. Il voulait simplement compléter rapidement un programme d’études pour pouvoir, par la suite, postuler la résidence permanente au Canada.

[6]  L’Agent rédige un Rapport 44 concernant le demandeur, voulant que celui-ci est interdit de territoire puisqu’en contravention de l’article 41 et du paragraphe 29(2) de la LIPR, vu son défaut de respecter les conditions du paragraphe 220.1(1) du RIPR.

[7]  Le même jour, le délégué prononce une mesure d’exclusion en conformité avec le paragraphe 44(2) de la LIPR et l’alinéa 228.1(c)(v) du RIPR. Le demandeur obtient tout de même l’autorisation à entrer au Canada pour un contrôle complémentaire auprès d’un autre agent d’exclusion et ce, en vertu de l’article 23 de la LIPR.

[8]  Le demandeur présente une demande de contrôle judiciaire au motif que l’agent a commis une erreur de vice de forme, qu’il n’a pas respecté les principes de justice naturelle, notamment l’attente légitime et le droit à un décideur impartial et dénué de préjugés, que sa demande de modifier son permis d’études n’a pas été traitée sur le fond et que la décision de l’interdiction de territoire est déraisonnable.

II.  Analyse

[9]  La décision d’un agent d’établir un rapport aux termes du paragraphe 44(1) de la LIPR et celle d’un délégué du ministre de prononcer une mesure d’exclusion sur la foi d’un tel rapport est susceptible de révision selon la norme du caractère raisonnable. Lorsque la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, la Cour fera preuve de déférence à l’égard de la décision de l’agent d’immigration et évitera d’intervenir (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47; Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 aux para 43-44).

[10]  Dans sa demande, ainsi que ses prétentions écrites et orales, le demandeur n’identifie aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée que le délégué aurait tirée de façon abusive ou arbitraire en concluant que le Rapport 44 était fondé en faits et en droit. En fait, le demandeur a reconnu lors de l’audience que l’agent et le délégué ne faisaient qu’appliquer la loi.

[11]  Lorsqu’un étranger ne respecte pas les conditions imposées par la loi et les règlements, il s’expose à ce qu’une mesure d’exclusion soit prise à son endroit aux termes de l’article 41 de la LIPR. La Cour trouve bien malheureux que le demandeur ait consulté un consultant en immigration qui l’a mal conseillé, étant d’ailleurs convaincue que le demandeur a agi de bonne foi. Toutefois, l’ignorance de la loi et une représentation déficiente ne justifient pas à eux seules le défaut de respecter les conditions du paragraphe 220.1(1) du RIPR.

[12]  Les questions d’équité et de justice naturelle sont des questions de droit soumises à la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 12). Le demandeur soutient qu’il a démontré sa bonne foi et a réitéré son intention entière et ses démarches sérieuses et sans équivoque de garder son statut d’étudiant. Il invoque l’article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 (« Charte ») et soutient que le visa canadien octroyé à un étranger en sol canadien lui permet de circuler librement au Canada, de voyager et de retourner au Canada et d’entrer au pays par n’importe quel point d’entrée.

[13]  Les arguments du demandeur ne peuvent être retenus. Même si les détenteurs de permis d’études jouissent aux termes du paragraphe  6(2) de la Charte de certains droits à la liberté de circulation, seuls les citoyens se voient conférer au paragraphe 6(1) le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir : Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 RCS 711, aux paragraphes 26 et 32. De plus, aux termes du paragraphe 11(1) de la LIPR, un étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander les visas et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la loi. Aux termes des articles 15 à 20 de la LIPR, le contrôle s’effectue à l’arrivée au Canada à un point d’entrée. Les éléments de preuve ne permettent pas de conclure qu’il y a eu déni de justice naturelle en l’espèce.

[14]  Il n’y a donc pas lieu d’intervenir en l’instance. La décision du délégué est transparente et intelligible et constitue non seulement une issue possible acceptable compte tenu du droit applicable et de la preuve au dossier, mais une conclusion inévitable étant donné que le demandeur n’a plus de statut légal au Canada. Dans son ensemble, la décision rendue est raisonnable.

[15]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT au dossier IMM-131-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. L’intitulé de la cause est modifié immédiatement pour remplacer « Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » par « Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile».

  3. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Roger R. Lafrenière »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-131-18

 

INTITULÉ :

ANASS EL KAMEL c LE MINISTRE DE LA SECURITE PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JUILLET 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 JUILLET 2018

 

COMPARUTIONS :

Anass El Kamel

 

Pour SON PROPRE COMPTE

 

Andéa Shahin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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