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Date : 20180717


Dossier : IMM-56-18

Référence : 2018 CF 740

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

JANJEEVAN KUMAR BAINS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Janjeevan Kumar Bains, est un citoyen canadien de 43 ans qui, en novembre 2013, a présenté une demande visant à parrainer son épouse, Pooja Bains, citoyenne de 31 ans de l’Inde, afin qu’elle obtienne la résidence permanente au Canada. Un agent du bureau des visas de New Delhi a rejeté la demande de parrainage, au motif que le mariage visait principalement à permettre à Mme Bains d’acquérir le statut d’immigrante au Canada ou que le mariage n’était pas authentique. Le demandeur a fait appel auprès de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada à l’encontre d’une décision rendue par l’agent des visas le 3 décembre 2014. La SAI a rejeté l’appel du demandeur dans une décision rendue le 6 décembre 2017. Le demandeur présente maintenant une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAI, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). Il demande à la Cour d’annuler la décision de la SAI et de renvoyer l’affaire afin qu’elle soit réexaminée par un autre commissaire de la SAI.

I.  Contexte

[2]  Le demandeur est arrivé au Canada en décembre 2003, après avoir été parrainé par sa première épouse. Il semble que le demandeur et son épouse se sont séparés presque immédiatement après son arrivée au Canada, ou même qu’ils n’ont jamais vécu ensemble; ils ont divorcé en 2008. En janvier 2006, le demandeur a plaidé coupable à des accusations d’agression sexuelle et de contacts sexuels sur une jeune fille de 13 ans; il s’est vu infliger une peine de 9 mois avec sursis et a été soumis à la probation pour une période de 18 mois. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a préparé un rapport en application du paragraphe 44 (1) de la LIPR, mais aucune action n’a été entreprise sur la base de ce rapport. En raison de sa condamnation, le demandeur a dû attendre cinq ans après la fin de sa période de probation afin de pouvoir parrainer Mme Bains pour l’obtention d’un statut de résidente permanente au Canada en application de l’alinéa 133(2)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement].

[3]  Le demandeur et sa femme ont fait connaissance en décembre 2009 et se sont mariés en janvier 2010. Mme Bains n’avait jamais été mariée auparavant. Elle a donné naissance à une fille, Aniya, le 3 mars 2013; le résultat d’un test d’ADN a indiqué que le demandeur est le père d’Aniya. Le demandeur a présenté, le 19 novembre 2013, une demande pour parrainer sa femme afin qu’elle obtienne la résidence permanente au Canada. Elle a par la suite été convoquée à une entrevue au bureau des visas de New Delhi. À la fin de l’entrevue, l’agent des visas n’était pas convaincu que Mme Bains envisageait de vivre avec le demandeur au Canada en tant que son épouse. Le 1er février 2014, l’agent des visas a rejeté la demande de parrainage en application du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, au motif que le mariage visait principalement à permettre à Mme Bains d’acquérir le statut d’immigrante au Canada, ou qu’il n’est pas authentique. L’agent des visas a relevé les problèmes suivants : (i) le mariage a été célébré très rapidement, seulement quelques jours après leur première rencontre; (ii) les âges, niveaux d’éducation et états matrimoniaux respectifs du demandeur et de Mme Bains ne sont pas compatibles du point de vue d’un mariage arrangé traditionnel; (iii) au cours de l’entrevue, Mme Bains a affirmé à tort que le demandeur avait été innocenté des accusations criminelles déposées contre lui; (iv) elle a ultérieurement reconnu que le demandeur avait été condamné au criminel, mais elle n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi elle et sa famille acceptait qu’elle se marie avec une personne reconnue coupable d’une infraction sexuelle contre un enfant; (v) elle semblait posséder peu de renseignements au sujet du demandeur et de ses antécédents.

II.  Décision de la SAI

[4]  Dans sa décision du 6 décembre 2017, la SAI a mentionné qu’il incombait au demandeur de démontrer que le paragraphe 4(1) du Règlement ne s’appliquait pas. La SAI a conclu que le demandeur n’a pas respecté son obligation puisque ni lui ni son épouse ne sont des témoins crédibles. Plus particulièrement, la SAI entretenait des doutes au sujet du premier mariage du demandeur, de son dossier criminel et de son niveau de compatibilité avec son épouse.

[5]  La SAI a déterminé que la preuve qui lui a été présentée appuyait la conclusion que le premier mariage du demandeur n’était pas authentique et qu’il avait été conclu uniquement à des fins d’immigration. Bien que les documents liés au divorce du demandeur puissent laisser à penser qu’il a cohabité avec sa première femme au Canada pendant environ un mois, d’autres renseignements indiquaient que sa première épouse a disparu après son arrivée, et qu’il n’a eu aucun contact avec elle de quelque façon que ce soit. À son audience devant la SAI, le demandeur a affirmé qu’à son arrivée au Canada, il a demeuré avec sa sœur et a rencontré sa première épouse à quelques reprises avant qu’elle disparaisse. Lorsqu’il a été questionné au sujet de ces renseignements contradictoires, le demandeur a indiqué qu’il avait menti au juge de la cour criminelle et à son agent de probation parce qu’il croyait que ces derniers communiqueraient avec sa première épouse et que cette dernière divulguerait ses problèmes criminels à d’autres personnes en Inde. La SAI a également souligné que Mme Bains avait indiqué à l’agent des visas que le demandeur avait vécu avec sa première épouse pendant un an. La SAI a conclu que le comportement du demandeur, incluant le fait qu’il soit demeuré au Canada et qu’il n’ait déployé aucun effort pour retrouver son épouse prétendument disparue, était cohérent avec une situation de mariage de convenance. La SAI a reconnu que même si la preuve qu’un mariage précédent a été contracté aux fins d’immigration n’offre pas un fondement suffisant pour conclure qu’un mariage subséquent n’est pas authentique, ce facteur et les renseignements contradictoires fournis par le demandeur au sujet de son premier mariage ont miné de façon importante sa crédibilité générale.

[6]  La SAI s’est ensuite penchée sur le dossier criminel du demandeur, en se posant les deux questions clés suivantes : Qu’est-ce que le demandeur a dit à Mme Bains et sa famille au sujet de son infraction criminelle? Pourquoi Mme Bains et sa famille ont-elles accepté qu’un mariage soit conclu avec un délinquant sexuel? La SAI a cité des extraits des notes présentes dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC), dans lesquels Mme Bains a fourni des renseignements contradictoires à l’agent des visas au sujet de la condamnation du demandeur : a) elle a initialement affirmé que cette condamnation criminelle résultait [traduction] « d’une bagarre »; lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle utilisait le terme « bagarre » pour caractériser une agression sexuelle, elle a répondu que c’est le premier mot qui lui est venu spontanément à l’esprit; b) elle a affirmé que le demandeur lui a dit qu’il avait été accusé à tort d’agression sexuelle, puis lui a ensuite indiqué qu’il avait été déclaré non coupable; c) après avoir discuté avec le demandeur au cours de leur première rencontre, elle a conclu qu’il n’était pas le type de personne capable de commettre une agression sexuelle; d) elle a mentionné qu’elle savait que le demandeur avait un dossier criminel, mais ignorait qu’il fallait être reconnu coupable d’un crime pour avoir ce type de dossier; e) dans un premier temps, elle a mentionné que c’est en raison de son dossier criminel que le demandeur a retardé son parrainage, mais a affirmé ultérieurement que ce report était également attribuable au fait qu’elle souhaitait terminer une maîtrise en administration des affaires (« MBA »); f) elle a informé ses parents au sujet du dossier criminel, mais ils ne se sont pas opposés au mariage et ont affirmé que c’était sa décision à elle.

[7]  Au cours de son témoignage devant la SAI, Mme Bains a indiqué qu’elle avait été informée de la condamnation du demandeur pour agression sexuelle seulement au cours de leur première rencontre, affirmant que cette affaire était du passé et que le demandeur ne lui avait jamais dit qu’il avait été accusé à tort. Au cours de l’entrevue, lorsqu’on l’a questionnée au sujet de l’incohérence de ses propos par rapport à ses déclarations précédentes, Mme Bains a indiqué qu’elle s’était mal exprimée au cours de sa rencontre avec l’agent des visas parce qu’elle était nerveuse. Selon la SAI, la déclaration de Mme Bains voulant que la condamnation soit un événement non important faisant partie du passé du demandeur laisse entendre que cette relation comptait peu pour elle et qu’elle s’est mariée à des fins d’immigration. La SAI a conclu son évaluation du dossier criminel du demandeur en indiquant que le témoignage de vive voix de Mme Bains n’avait pas la [traduction] « moindre crédibilité ».

[8]  La SAI a amorcé son évaluation de la compatibilité entre le demandeur et son épouse en mentionnant la préoccupation de l’agent des visas sur le fait qu’il est inhabituel, dans le cas de mariages arrangés traditionnels indiens, qu’il y ait des écarts sur le plan de l’âge, de l’éducation et des antécédents conjugaux entre les membres du couple. La SAI a trouvé inhabituel qu’une femme qui se marie pour la première fois épouse un homme divorcé plus âgé et moins éduqué, qui a été reconnu coupable d’agression sexuelle sur un enfant. Même si la SAI a reconnu que les normes culturelles en matière de mariage ne sont pas des éléments déterminants pour établir l’authenticité d’un mariage, elle a conclu qu’en l’espèce, les incohérences et le dossier criminel auraient normalement mis fin à toute discussion de mariage; de plus, la SAI a mentionné que Mme Bains n’a pas été en mesure de fournir une explication crédible indiquant pourquoi elle accepterait de se marier avec un délinquant sexuel après avoir discuté avec lui pendant seulement environ une heure.

[9]  La SAI n’a pas abordé les écarts entre les documents de parrainage et le témoignage au sujet des dates et de la chronologie associées au mariage parce que ces écarts étaient « mineurs ». La SAI a accepté les éléments de preuve indiquant que le demandeur était le père d’Aniya, mais a fait remarquer que la naissance d’un enfant n’est pas une preuve concluante de l’authenticité d’un mariage. La SAI a terminé la présentation des raisons motivant le rejet de l’appel en indiquant ce qui suit : [traduction]

[34]  J’estime que le demandeur et Mme Bains ne sont pas crédibles. Je suis également convaincu que Mme Bains a été sciemment malhonnête au cours de son entrevue au sujet des antécédents criminels du demandeur et que son premier mariage est vraisemblablement un mariage de complaisance conclu à des fins d’immigration. Le fait qu’ils aient eu un enfant ensemble ne suffit pas à contrebalancer les aspects problématiques de cet appel; plus particulièrement la forte propension au mensonge de Mme Bains et du demandeur.

[35]  Les éléments de preuve dont je dispose favorisent la conclusion que le mariage a été conclu à des fins d’immigration et l’absence de témoignages crédibles ne me permet pas de conclure que le mariage est maintenant authentique.

III.  Questions en litige

[10]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève trois questions qui peuvent être énoncées de façon générale comme suit :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. La décision de la SAI est-elle déraisonnable?

  3. Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

IV.  Analyse

A.  Norme de contrôle

[11]  La norme applicable au contrôle judiciaire de la décision de la SAI est la norme de la décision raisonnable (voir Le c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 330, au paragraphe 3, 2016 WDFL 2283). La norme de la décision raisonnable charge la cour de la révision d’une décision administrative quant à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » et elle doit déterminer « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [2008] 1 RCS 190). Ces critères sont respectés si les motifs « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16 [2011] 3 RCS 708). De plus, « si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable », et il n’entre pas « dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve » : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 et 61, [2009] 1 RCS 339 [Khosa].

[12]  La norme de contrôle applicable à une allégation de manquement à l’équité procédurale est celle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79, [2014] 1 RCS 502; Khosa, au paragraphe 43. La Cour doit s’assurer que la démarche empruntée pour examiner la décision faisant l’objet du contrôle a atteint le niveau d’équité exigé dans les circonstances de l’espèce (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 115, [2002] 1 RCS 3). Le cadre analytique n’est pas tant la norme de la décision correcte ou de la décision raisonnable, mais plutôt une question d’équité et de justice fondamentale. Par conséquent, comme l’a récemment observé la Cour d’appel fédérale, [traduction] « même si la terminologie employée peut sembler étrange, “la norme de la décision correcte reflète mieux cet exercice de révision”, même si, à vrai dire, aucune norme de révision n’est appliquée » (Canadian Pacific Railway Company c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 54, [2018] ACF no 382). Cela est particulièrement vrai dans les cas où le manquement allégué consiste en une omission involontaire plutôt qu’en un choix procédural délibéré. Autrement dit, une procédure qui est inéquitable n’est ni raisonnable ni correcte, tandis qu’une procédure équitable sera toujours à la fois raisonnable et correcte. De plus, une cour de révision accordera une attention respectueuse aux procédures d’un décideur et elle n’interviendra que lorsque ces procédures sortent des limites de la justice naturelle (Bataa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 401, au paragraphe 3, [2018] ACF no 403).

B.  La décision du commissaire est-elle déraisonnable?

(1)  Observations des parties

[13]  Le demandeur affirme que la décision de la SAI manque de transparence, d’intelligibilité et de justification parce qu’elle n’explique pas comment la déclaration de Mme Bains que le dossier criminel du demandeur n’est « pas important maintenant » appuie la conclusion qu’elle s’est mariée avec le demandeur uniquement pour venir au Canada et qu’elle n’attache aucune importance à cette relation. Le demandeur est d’avis que la conclusion de la SAI fait fi des éléments de preuve démontrant la véracité de la relation entre lui et Mme Bains, y compris des photographies de leur mariage, leur comportement après le mariage et le fait qu’ils ont eu un enfant ensemble. Selon le demandeur, la SAI agit comme une « police morale » et sa conclusion amène au résultat absurde que toute personne qui se marie avec un délinquant sexuel doit certainement avoir un motif inavoué. Le demandeur prétend que la SAI a tiré une conclusion négative quant à la crédibilité de Mme Bains en s’appuyant sur le fait qu’il lui avait donné de l’information inexacte au sujet des accusations criminelles dont il faisait l’objet et que Mme Bains ne connaissait pas le droit criminel au Canada. Il a ajouté que, par conséquent, puisqu’il lui avait donné des renseignements incorrects, voire même faux, la SAI a agi de façon déraisonnable en tirant cette conclusion négative concernant la crédibilité de Mme Bains.

[14]  Le défendeur soutient qu’il était loisible à la SAI de tirer ces conclusions sur la crédibilité en raison des antécédents du demandeur en matière d’immigration et des témoignages du couple, et parce que les observations du demandeur ne représentent rien de plus qu’une demande de réévaluation de la preuve de « vive voix » pour arriver à une conclusion différente sur la crédibilité. Plus particulièrement, le défendeur soumet que la SAI pouvait s’interroger sur les motifs qui ont poussé Mme Bains à se marier avec un délinquant sexuel après l’avoir rencontré pendant une heure et avoir été informée de ses antécédents criminels. Le défendeur est d’avis qu’il était loisible à la SAI de tirer ses conclusions en matière de crédibilité puisque Mme Bains avait indiqué à l’agent des visas que le demandeur l’avait informée qu’il avait été accusé à tort, alors qu’il ne lui a jamais dit cela. Selon le défendeur, l’enquête de la SAI portait sur l’intention du mariage et n’avait rien à voir avec le retard à déposer une demande de parrainage ou le fait d’agir comme « police morale ». Le défendeur détermine qu’en l’absence de justification de la part de Mme Bains au sujet de ses motifs pour se marier avec le demandeur, les conclusions de la SAI sont raisonnables.

(2)  Analyse

[15]  Les conclusions sur la crédibilité fondées sur la preuve de vive voix sont au cœur de la compétence de la SAI et cette dernière a droit à une grande déférence en ce qui concerne l’évaluation de la crédibilité et l’importance accordée à la preuve (voir : Imran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 916, au paragraphe 21, [2016] ACF no 1075; ainsi que Bielecki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 442, au paragraphe 32, 166 ACWS (3d) 305).

[16]  En l’espèce, la « forte propension au mensonge » du demandeur et de son épouse était telle que la SAI n’a pas été en mesure de conclure, malgré le fait qu’un enfant est né du mariage, que ce mariage était authentique et qu’il n’a pas été conclu à des fins d’immigration. Les arguments du demandeur au sujet des conclusions de la SAI sur la crédibilité de Mme Bains se résument essentiellement à l’affirmation qu’elle a communiqué avec sincérité le mensonge que le demandeur lui a raconté au sujet de son dossier criminel; ces arguments ne sont pas convaincants, plus particulièrement parce qu’au cours de son témoignage devant la SAI, elle a admis que le demandeur ne lui a jamais dit qu’il avait été accusé à tort.

[17]  Je suis d’accord avec le défendeur que les observations du demandeur constituent une demande de réévaluation de la preuve de vive voix pour arriver à une conclusion différente sur la crédibilité. Il revient à la SAI, et non à la Cour, de déterminer l’importance devant être accordée à la preuve. De plus, contrairement aux prétentions du demandeur, la SAI n’agissait pas comme une « police morale » ou n’insinuait pas qu’un mariage conclu avec un délinquant sexuel ne soit pas authentique. Il n’était ni déraisonnable (ni en l’espèce inéquitable) de questionner Mme Bains pour savoir pourquoi elle accepterait de se marier à une personne une heure après avoir appris que cette personne a été reconnue coupable d’agression sexuelle sur un mineur.

C.  Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

[18]  Le demandeur allègue que la SAI a fait fi des éléments de preuve démontrant l’authenticité de ce mariage avec Mme Bains, y compris la correspondance entre lui et Mme Bains, ainsi que des éléments de preuve associés au mariage en tant que tel, qui ont été reconnus dans les notes du SMGC. Le demandeur a allégué qu’un décideur de la Cour qui ne tient pas compte d’éléments de preuve considérés comme pertinents commet un manquement à l’équité procédurale, et qu’en l’espèce, la SAI a fait preuve de partialité en émettant un jugement moral au sujet du demandeur en tant que délinquant sexuel. Le défendeur ne discute pas de cette question directement autrement qu’en mentionnant que toutes les observations du demandeur sont des contestations de l’appréciation des éléments de preuve par la SAI.

[19]  Les arguments du demandeur sur cette question sont dénués de fondement. Le demandeur s’est fondé à tort sur l’affaire Hailu c Canada (Solliciteur général), 2005 CF 229, 137 ACWS (3d) 373. Cette affaire portait sur l’obligation d’un agent des visas de motiver sa décision et le pouvoir discrétionnaire d’évaluer les observations dans le contexte d’examen des risques avant renvoi. Elle ne traite nullement de la question à savoir si le fait de ne pas tenir compte d’éléments de preuve constitue un manque à l’équité procédurale ou à la justice naturelle.

[20]  Quant à l’allégation du demandeur voulant que la SAI ait fait preuve de partialité fondée sur un jugement moral le qualifiant de délinquant sexuel, celle-ci est également sans fondement. Le demandeur n’a fourni aucun argument pour satisfaire au critère objectif de la crainte raisonnable de partialité en l’espèce. À mon avis, le simple fait que la SAI se soit demandé pourquoi Mme Bains et sa famille accepteraient qu’un mariage soit conclu avec un délinquant sexuel ne constitue pas une preuve de partialité.

V.  Conclusion

[21]  En l’espèce, je conclus que la décision de la SAI était raisonnable. Les motifs soulevés par la SAI pour rejeter l’appel du demandeur sont transparents, intelligibles et justifiables, et sa décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[22]  Comme aucune des parties n’a proposé de question à certifier d’importance générale, aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-56-18

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire et il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-56-18

 

INTITULÉ :

JANJEEVAN KUMAR BAINS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 juillet 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

J.S. Mangat

 

Pour le demandeur

 

Laoura Christodoulides

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mangat Law Professional Corporation

Avocats

Mississauga (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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