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Date : 20180717


Dossier : IMM-4740-17

Référence : 2018 CF 743

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

HAJDAR KRASNIQI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La présente affaire concerne une décision (la décision) d’un directeur adjoint d’un programme de migration de rejeter une demande de permis de séjour temporaire (PST) présentée en application du paragraphe 24(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), LC 2001, c 27. La disposition est rédigée comme suit :

Permis de séjour temporaire

24 (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire — titre révocable en tout temps.

[2]  Le demandeur, Hadjar Krasniqi, est un citoyen du Kosovo et le mari d’une citoyenne canadienne. Il a vécu et travaillé au Royaume-Uni de décembre 2007 jusqu’en août 2013, alors qu’il a tenté de quitter le pays avec des documents falsifiés. Il a été condamné à neuf mois de prison, mais a demandé à être envoyé chez lui au Kosovo et y est retourné en novembre 2013. Il a par la suite fait une demande pour venir au Canada, et a demandé un PST afin de contourner son interdiction de territoire pour criminalité.

[3]  Le décideur a rejeté la demande de PST du demandeur, estimant que ces permis ne doivent être délivrés que dans des circonstances exceptionnelles ou lorsque les intérêts pressants du Canada sont servis. Le demandeur cherche maintenant à obtenir un contrôle judiciaire de la décision devant notre Cour.

II.  Les faits

[4]  Le demandeur est un citoyen du Kosovo âgé de 36 ans. Il est marié à Nora Hashani (Mme Hashani), qui est sa répondante, et citoyenne canadienne habitant à Mississauga, en Ontario.

[5]  Le demandeur est arrivé au Royaume-Uni le 21 décembre 2007 avec un visa de visiteur d’une durée de six mois. Pour entrer au Royaume-Uni, il a utilisé un document de voyage de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK), étant donné que le Kosovo n’avait pas encore statut de pays reconnu. Après un mois au Royaume-Uni, il a appris que son père était malade et avait reçu un diagnostic de cancer. Comme son père ne pouvait travailler, il incombait dorénavant au demandeur d’être le soutien de famille (en tant qu’enfant aîné de sexe masculin). Il a trouvé du travail dans le milieu de la construction, et ses revenus ont servi à soutenir la famille.

[6]  Le document de voyage du demandeur est arrivé à échéance durant son séjour au Royaume-Uni. Comme il voulait retournait au Kosovo mais n’avait pas de papiers d’identité valides, il a demandé l’aide d’un ami. Cet ami a accepté de lui procurer une « carte d’identité européenne » qui permettait au demandeur de voyager par autobus en dehors du Royaume-Uni. Le 21 août 2013, le demandeur a été arrêté au port de Douvres parce qu’il avait en sa possession de faux documents d’identité, et il a été accusé de [traduction] « possession intentionnelle de documents d’identité ». Il a plaidé coupable aux accusations et a été condamné à neuf mois de prison. Il est retourné au Kosovo le 27 novembre 2013.

[7]  En février 2014, Mme Hashani a parrainé le demandeur pour qu’il obtienne un visa de résident permanent au titre du regroupement familial. Mme Hashani a demandé qu’il soit également envisagé la possibilité de délivrer un PST. Le demandeur a été appelé pour une entrevue à Pristina, au Kosovo, le 17 juin 2015, à laquelle il s’est présenté.

[8]  La demande a été initialement rejetée dans une lettre datée du 8 juin 2016, laquelle indiquait que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour criminalité. Le demandeur a demandé à interjeter appel de cette décision à la Cour fédérale au motif que la décision contenait une analyse entachée d’erreur concluant que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour criminalité, qu’on avait appliqué le mauvais critère juridique concernant la délivrance d’un PST, et que la décision était somme toute déraisonnable. Le défendeur a réglé l’affaire en acceptant que la décision soit annulée et que l’affaire soit renvoyée pour un réexamen par un autre décideur. Le demandeur s’est donc désisté de sa demande de contrôle judiciaire.

[9]  Dans deux lettres distinctes datées du 13 septembre 2017, les demandes présentées par le demandeur pour obtenir un visa de résident permanent et un PST ont été rejetées. Les lettres étaient accompagnée de notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), lesquelles font partie des motifs de la décision. La lettre concernant la demande de visa de résident permanent indique que la demande est rejetée en application de l’alinéa 36(2)b) de la LIPR, parce que le demandeur a été déclaré coupable d’une infraction criminelle, qui si elle avait été commise au Canada, constituerait une infraction punissable par mise en accusation. La lettre concernant la demande de PST est rédigée par un directeur adjoint d’un programme de migration qui n’est pas nommé. Elle fait également référence à l’interdiction de territoire du demandeur pour criminalité, en application de l’alinéa 36(2)b) de la LIPR, et le directeur adjoint du programme de migration estime qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs pour justifier la délivrance du PST.

[10]  Les notes du SMGC qui sont jointes à la lettre indiquent qu’aucune question n’a été soulevée quant à l’authenticité du mariage du demandeur. Le décideur ayant rédigé les notes compare l’infraction pour laquelle le demandeur a été reconnu coupable à son équivalent au Canada, soit une infraction pour « emploi, possession ou trafic d’un document contrefait », visée par l’article 368 du Code criminel. Le décideur exprime ensuite le point de vue que ces actes, s’ils avaient été commis au Canada, pourraient entraîner une déclaration de culpabilité. Le décideur indique ensuite que des motifs [traduction] « impérieux » justifient la délivrance d’un PST, et il met en balance les différents facteurs :

[traduction] D’une part, je reconnais que la relation entre le client et son épouse citoyenne canadienne a été jugée authentique, que la conjointe à charge pourrait connaître certains problèmes financiers aggravés par une séparation, et que le client n’a aucun dossier criminel connu entre 2014 et 2017. D’autre part, il existe des motifs raisonnables de croire que le client a affiché une tendance à ne pas se conformer aux lois du Royaume-Uni : il a prolongé son séjour après l’expiration de son visa, il a travaillé sans permis, il a utilisé et eu en sa possession de faux documents, infractions qui s’étendent sur une période de cinq à six ans. [...] Le mépris du client pour les lois du Royaume-Uni en matière d’immigration et d’emploi pourrait raisonnablement être interprété comme un mépris des lois en général. Les circonstances atténuantes présentées par le client (qui doit payer les médicaments de son père et soutenir les autres membres de la famille) peuvent raisonnablement être considérées comme des arguments de complaisance manquant de crédibilité.

[…]

[S]a répondante confirme dans un affidavit daté du 30 décembre 2016 qu’elle pourrait retourner au Kosovo; même s’ils ont soulevé à mon intention certaines difficultés liées au déménagement, le client et sa répondante n’ont fourni aucun renseignement pour appuyer leur prétention selon laquelle la répondante serait exposée à des conditions assez défavorables au pays. Par conséquent, la possibilité d’un déménagement n’a pas été écartée en tant qu’option s’offrant au client et à sa répondante.

[Notes du SMGC, dossier certifié du tribunal (DCT), p. 20 à 21]

[11]  Le décideur conclut en affirmant qu’il n’est [traduction] « pas convaincu qu’il existe des raisons suffisamment impérieuses pour justifier la délivrance d’un PST » (Notes du SMGC, DCT, p. 21).

III.  Questions en litige

[12]  Tout d’abord, on ne sait pas avec certitude quelle décision le demandeur souhaite contester. L’avis de demande contient une requête pour une ordonnance de mandamus obligeant un tribunal différemment constitué à rendre une décision concernant la demande pour obtenir la résidence permanente ou un PST. Toutefois, les documents écrits du demandeur semblent traiter exclusivement de la demande de PST. C’est pourquoi mon analyse portera exclusivement sur le rejet de la demande de PST.

[13]  Le demandeur avance deux motifs à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire : 1) la décision est erronée parce qu’elle ne tient pas compte des lignes directrices ministérielles pour la délivrance d’un PST, et 2) la décision est déraisonnable compte tenu des circonstances factuelles en l’espèce.

IV.  Norme de contrôle

[14]  L’évaluation par un agent d’immigration de l’admissibilité d’un demandeur à un PST, en application du paragraphe 24(1) de la LIPR, est une question hautement discrétionnaire qui commande l’application de la norme de la décision raisonnable (Vaguedano Alvarez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 667 [Vaguedano], au paragraphe 18.

V.  Analyse

A.  L’omission d’appliquer les lignes directrices était-elle une erreur de droit?

[15]  J’ai reformulé la première question du demandeur pour plus de clarté : L’omission par le décideur d’appliquer les lignes directrices constitue-t-elle une erreur de droit?

[16]  Le demandeur affirme que la décision est erronée parce que le décideur n’a pas tenu compte des lignes directrices ministérielles concernant la délivrance d’un PST dans les cas d’interdiction de territoire pour criminalité. Le demandeur accepte le fait qu’un décideur n’est pas lié par les lignes directrices, mais soutient qu’elles doivent être prises en considération et cite les décisions Sitarul c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1067 [Sitarul], et Martin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 422 [Martin], pour appuyer sa position.

[17]  Le défendeur soutient que les lignes directrices ne sont pas la loi, qu’elles ne lient pas le ministre, et ne peuvent entraver l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un agent. Le défendeur affirme en outre que la délivrance d’un PST est une décision hautement discrétionnaire et que les demandeurs doivent prouver l’existence de « raisons impérieuses » pour être autorisés à entrer au Canada malgré qu’ils soient interdits de territoire.

[18]  Le renvoi par le demandeur à la décision Sitarul ne m’a pas convaincu. Cette affaire concerne une demande de résidence permanente. De plus, dans cette affaire, le décideur a pris en considération les lignes directrices pertinentes (dans ce cas concernant la réunification de la famille avec [traduction] « le dernier membre de la famille vivant encore à l’étranger »), mais a appliqué la politique de façon incorrecte. Cette affaire se distingue de l’affaire en l’espèce, où le demandeur a omis d’appliquer les lignes directrices dans leur ensemble. De la même façon, la décision Martin n’appuie pas la proposition qu’un décideur doit prendre en considération les lignes directrices quand il rend une décision concernant un PST; dans cette affaire, le juge Shore a plutôt annulé la décision parce qu’il n’était pas convaincu que l’agent eût « tenu compte de la preuve et des facteurs applicables, dans leur ensemble » : Martin, au paragraphe 30.

[19]  Je ne suis également pas convaincu par l’argument du défendeur selon lequel les demandeurs doivent prouver l’existence de « raisons impérieuses » pour recevoir un PST. Même si les juges, dans la majeure partie de la jurisprudence de la Cour fédérale, semblent avoir appliqué un tel critère, j’adopterai le point de vue énoncé par le juge Harrington dans la décision Palmero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1128, au paragraphe 21:

Je suis préoccupé par le fait que les lignes directrices traitent des « raisons impérieuses », alors que la LIPR elle-même ne le fait pas. Non seulement les lignes directrices ne sont pas la loi, mais elles ne peuvent aller au-delà des limites de la loi.

[20]  La jurisprudence de la Cour fédérale indique qu’un décideur n’a pas l’obligation légale de prendre en considération et d’appliquer les lignes directrices; on a souvent répété que les lignes directrices ne sont pas des lois, qu’elles ne lient ni le ministre ni ses mandataires et ne confèrent aucun droit, dans le contexte d’une demande de PST : Vaguedano, au paragraphe 35; Shabdeen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 303, au paragraphe 16. Toutefois, la Cour a également reconnu qu’un décideur doit néanmoins tenir compte des circonstances pertinentes et des raisons invoquées par un demandeur lorsqu’il évalue son admissibilité à un PST : Zlydnev c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 604, au paragraphe 20; Mousa v. Canada (Immigration, Refugees and Citizenship), 2016 FC 1358, au paragraphe 9; Ali c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 784, au paragraphe 12. À mon avis, cette obligation couvre toute circonstance ou raison pertinente, qu’elles soient ou non précisées dans les lignes directrices.

[21]  En somme, je ne crois pas que le défaut du décideur de tenir compte des lignes directrices est une erreur de droit comme telle. Conclure autrement serait restreindre de façon inadmissible le pouvoir discrétionnaire du décideur. Lors d’un contrôle judiciaire, la Cour devrait plutôt chercher à déterminer si le décideur a raisonnablement tenu compte des circonstances et des raisons appuyant la demande de PST du demandeur; il s’agit là de l’argument présenté par le demandeur dans son second motif justifiant un contrôle judiciaire.

B.  La décision est-elle déraisonnable?

[22]  Le demandeur affirme que la décision est déraisonnable parce qu’elle confond la criminalité du demandeur avec le fait qu’il est demeuré au Royaume-Uni sans statut, ajoutant que ses observations traitaient précisément des facteurs contextuels pertinents au crime (gravité de l’infraction, possibilité d’une criminalité future, temps écoulé depuis l’incident, etc.). Le demandeur soutient que son infraction criminelle concernait un seul incident et était survenue à la suite d’une série de circonstances très particulière, et souligne que les infractions en matière d’immigration ne font généralement pas l’objet d’une sanction pénale au Canada. Le demandeur relève trois autres prétendues erreurs. Premièrement, le demandeur affirme qu’il n’a pas eu la possibilité de répondre à la conclusion du décideur, selon laquelle ses déclarations quant aux raisons pour lesquelles il était resté au Royaume-Uni étaient [traduction] « des arguments de complaisance manquant de crédibilité » (Notes du SMGC, DCT, p. 21). Deuxièmement, le demandeur affirme que le décideur a de façon déraisonnable conclu que la déclaration du demandeur selon laquelle il était [traduction] « sans emploi » ne concordait pas avec la déclaration de sa femme selon laquelle il était incapable de trouver un [traduction] « emploi continu ». Finalement, le demandeur affirme qu’il était déraisonnable de la part du décideur de conclure que Mme Hashani pouvait simplement retourner au Kosovo, compte tenu des éléments de preuve montrant qu’elle a très peu de lien avec le pays.

[23]  Le défendeur affirme que le décideur n’a pas omis de tenir compte des circonstances propres au demandeur, affirmant que ses motifs illustrent bien pour quelle raison des « raisons impérieuses » d’accorder un PST n’existent pas en l’espèce. Le défendeur affirme que le décideur a bien pris en considération le fait que le demandeur n’a pas quitté le Royaume-Uni à l’expiration de son statut, et s’appuie sur la décision de la Cour dans l’affaire Rodgers c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1093, au paragraphe 10, pour affirmer que le défaut de se conformer aux lois de l’immigration est pertinent quand vient le temps se demander s’il faut ou non accorder un PST.

[24]  Quant à la question de la criminalité, le défendeur n’a pas analysé l’argument du demandeur. Pour le défendeur, il est correct d’avancer que le décideur peut s’appuyer sur l’historique d’immigration pour justifier sa décision. Toutefois, l’argument du demandeur est que le décideur a confondu la criminalité du demandeur (possession d’un document frauduleux en septembre 2013) avec son historique d’immigration (il a prolongé son séjour après l’expiration de son visa et il a travaillé sans permis). La lettre du décideur fait clairement référence à la possibilité de délivrer un permis de séjour temporaire pour contourner l’interdiction de territoire du demandeur pour criminalité, mais les notes du SMGC indiquent que la conduite criminelle du demandeur a été prise en considération, tout comme son historique d’immigration. Alors que la première infraction est de nature criminelle, la dernière infraction est contraire à la loi, mais la décision n’indique aucune appréciation de la distinction. Ce flou entourant les questions est tel qu’à mon avis, le décideur n’a pas effectué l’analyse nécessaire de la conduite criminelle du demandeur, alors qu’il aurait dû prendre en considération certains facteurs, comme ceux énumérés dans les lignes directrices (par exemple, le temps écoulé depuis l’infraction, le litige ou le risque causé par la présence du demandeur au Canada, ses habitudes de comportement criminel, etc.). Par conséquent, la décision manque de transparence et d’intelligibilité et doit être renvoyée pour une nouvelle détermination.

[25]  Je suis en outre d’accord avec l’argument du demandeur, selon lequel le décideur n’a pas pris dûment en considération les circonstances familiales du couple. On indique dans la décision que Mme Hashani [traduction] « pourrait retourner au Kosovo » et qu’aucun renseignement n’a été fourni [traduction] « pour appuyer leur prétention selon laquelle la répondante serait exposée à des conditions assez défavorables au pays » (Notes du SMGC, DCT, p. 21). Le demandeur ne semble pas avoir soulevé la question des conditions défavorables au Kosovo; je ne comprends donc pas pourquoi le décideur s’est senti obligé de faire un commentaire sur ce point. Mme Hashani soulève plutôt dans son affidavit du 30 décembre 2016 certaines préoccupations quant à des difficultés importantes : elle devrait quitter son emploi, sa maison, la plupart des membres de sa famille et, fait peut-être plus important encore, la société canadienne au sein de laquelle elle a pu s’intégrer au cours des 25 dernières années, elle qui n’a que 34 ans. Le décideur avait l’obligation de prendre en considération ces circonstances et ces motifs avant de rendre une décision concernant la demande de PST, mais l’analyse anémique rapportée dans la décision – qui se limite à deux phrases – montre que le décideur ne s’est pas soucié des difficultés auxquelles serait exposée Mme Hashani si elle devait retourner au Kosovo. Il convient de mentionner que les prétentions de Mme Hashani exposées dans son affidavit sont étayées par la preuve documentaire (documents relatifs à la location d’un condo, dossiers d’emploi, déclarations de revenus, etc.). À mon avis, l’analyse du décideur à cet égard est déraisonnable et doit être corrigée par une nouvelle détermination.

VI.  Conclusion

[26]  Le décideur a confondu la question de la criminalité du demandeur avec la nature illégale de son séjour au Royaume-Uni; le directeur adjoint du programme de migration aurait dû prendre en considération les circonstances entourant la criminalité du demandeur, puis aborder séparément la question du travail illégal et du séjour illégal du demandeur au Royaume-Uni.

[27]  En outre, l’analyse faite par le décideur de la situation de Mme Hashani était totalement insuffisante et démontre un manque d’appréciation total des circonstances qui lui sont propres. Bien qu’il fasse référence à des « raisons impérieuses » (raisons que j’ai décrites comme problématiques un peu plus haut), le juge Shore a écrit dans la décision souvent citée Farhat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1275, au paragraphe 22 : « [f]ondamentalement, le permis de séjour temporaire permet aux agents d’intervenir dans des circonstances exceptionnelles tout en remplissant les engagements sociaux, humanitaires et économiques du Canada [non souligné dans l’original] ». À mon avis, la présente affaire porte potentiellement sur ces trois critères, et je pense qu’une analyse approfondie de ces intérêts aurait pu donner un résultat différent.

VII.  Question à certifier

[28]  La Cour a demandé aux avocats des deux parties s’il y avait des questions nécessitant une certification. Ils ont affirmé qu’il n’y avait aucune question à certifier et je suis d’accord.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4740-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La décision portant sur la demande de permis de séjour temporaire du demandeur est annulée et l’affaire est renvoyée aux fins d’un nouvel examen par un autre décideur, conformément aux présents motifs.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad Ahmed »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4740-17

INTITULÉ :

HAJDAR KRASNIQI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 mai 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

DATE DES MOTIFS :

Le 17 juillet 2018

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

Pour le demandeur

John Loncar

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee & Company

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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