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Date : 20180420


Dossiers : T-2111-16

T-460-17

Référence : 2018 CF 432

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 20 avril 2018

En présence de monsieur le juge Fothergill

Dossier : T-2111-16

ENTRE :

SHERRY HEYDER

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier : T-460-17

ET ENTRE :

LARRY BEATTIE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs dans ces deux projets d’action collective ont déposé une requête par écrit, conformément à la partie 5.1 et l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue d’obtenir une ordonnance déclarant que :

  • a) Koskie Minsky LLP et Raven, Cameron, Ballantyne & Yazback LLP/S.R.L. représenteront les demandeurs dans les affaires Heyder c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no T-2111-16) et Beattie c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no T-460-17);

  • b) aucune autre action collective ne sera entendue par la Cour fédérale relativement aux faits plaidés dans l’affaire Heyder c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no T-2111-16) et Beattie c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no T-460-17) sans l’autorisation de la Cour;

  • c) l’ordonnance est prononcée nunc pro tunc, en date du 23 mars 2018, date du dépôt de la requête.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente requête est accueillie.


II.  Contexte

[3]  Les présents projets d’action collective concernent des allégations de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle et de discrimination fondée sur le sexe faites par des femmes et des hommes, membres actifs ou anciens membres des Forces armées canadiennes.

[4]  Six recours collectifs qui se chevauchent ont été intentés à la fin de 2016 et au début de 2017 dans différentes provinces du Canada. En septembre 2017, les demandeurs dans les présentes instances ont signé une convention de consortium avec les demandeurs des actions collectives connexes (convention de consortium). Les autres actions faisant l’objet de la convention de consortium sont les suivantes : Graham v Attorney General of Canada (dossier de la Cour no 13-80853-CP) devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario; Rogers v The Attorney General of Canada (dossier de la Cour no 457658) devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse; Alexandre Tessier c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no 200-06-000209-174) devant la Cour supérieure du Québec; Peffers v The Attorney General of Canada (dossier de la Cour no 165018) devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique (collectivement, les actions provinciales).

[5]  Les parties à la convention de consortium ont accepté que les dossiers de la Cour no T-2111-16 et T-460-17 soient entendus au nom d’actions nationales, et que les actions provinciales soient suspendues. Les instances devant la Cour fédérale sont actuellement suspendues afin de permettre aux parties de prendre part à des discussions de règlement exploratoires.

[6]  Le procureur général du Canada a refusé de présenter des observations concernant le pouvoir discrétionnaire de la Cour d’accueillir ou de rejeter la requête en distribution, malgré qu’il ait été invité à le faire. L’avocat représentant le procureur général souligne qu’ils ont précédemment convenu de ne pas prendre position concernant la requête, mais on ne sait pas avec certitude pourquoi cela les empêche d’aider la Cour à déterminer quels sont les principes et points à considérer pertinents. Il est regrettable que l’analyse de la Cour n’ait pu profiter du point de vue du procureur général.

III.  Analyse

[7]  Selon les demandeurs, le pouvoir discrétionnaire de la Cour d’accueillir ou de rejeter la requête en distribution d’un projet d’action collective devrait être exercé en tenant compte des considérations suivantes, lesquelles ne sont pas exhaustives :

  • a) l’ordonnance est-elle dans l’intérêt supérieur des demandeurs, des membres du groupe et du défendeur?;

  • b) l’ordonnance va-t-elle dans le sens de l’engagement pris par la Cour fédérale d’assurer une gestion solide de l’instance?;

  • c) l’ordonnance est-elle le reflet de la compétence nationale unique de la Cour fédérale?;

  • d) l’ordonnance encourage-t-elle les objectifs d’économie des ressources judiciaires et permet-elle d’éviter la multiplicité des instances?

[8]  Ces considérations découlent en grande partie de la jurisprudence ontarienne (voir, par exemple, Mancinelli v Barrick Gold Corporation, 2016 ONCA 571, au paragraphe 13). Les objectifs stratégiques de la partie 5.1 des Règles des Cours fédérales sont inspirés de ceux de la Loi de 1992 sur les recours collectifs, LO 1992, c 6, soit l’économie des ressources judiciaires, l’accès à la justice et la modification des comportements (Murphy c. Compagnie Amway Canada, 2015 CF 958, au paragraphe 34). Par conséquent, je conviens que les considérations proposées par les demandeurs sont appropriées.

[9]  Si j’applique ces considérations en l’espèce, je suis convaincu qu’accueillir la requête en distribution des projets d’action collective de la manière demandée est dans l’intérêt supérieur des demandeurs, des membres du groupe et du défendeur. Les dispositifs sur la gestion des instances des alinéas 387a) et 387b) des Règles des Cours fédérales ont pour but de faciliter le règlement hâtif des litiges. L’ordonnance en distribution demandée par les demandeurs permettra, entre autres, d’éviter que soient intentées des actions collectives qui se chevauchent, et qui pourraient avoir pour effet d’interrompre les discussions de règlement actuellement en cours.

[10]  L’ordonnance demandée ne portera pas atteinte aux membres du groupe. Un demandeur éventuel peut demander l’autorisation d’intenter une procédure qui en chevauche une autre, s’il existe des raisons impérieuses de le faire. Si les présentes instances sont certifiées, les Règles des Cours fédérales exigent que les membres du groupe soient autorisés à se retirer, si c’est ce qu’ils souhaitent. Si des membres du groupe se retirent, ils ne seront pas liés par l’issue des actions collectives, et pourront intenter une poursuite ailleurs.

[11]  L’ordonnance demandée est conforme à l’article 3 et à l’alinéa 385(1)a) des Règles des Cours fédérales, qui favorisent une solide gestion des instances, afin d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[12]  Fait important, l’ordonnance demandée favorise l’exercice efficace de la compétence de la Cour fédérale en matière d’actions collectives nationales. Lors des discussions qui ont précédé l’adoption de la Loi sur la Cour fédérale, LC 1970-71-72, c 1, le ministre de la Justice à l’époque a fait valoir que la Cour fédérale avait été créée pour atteindre deux objectifs : faire en sorte que les particuliers« puissent recourir à une cour nationale exerçant une compétence nationale, pour faire valoir une réclamation concernant des questions qui comportent souvent des éléments nationaux » et permettre « aux plaideurs qui demeurent dans des régions éloignées l’une de l’autre [de trouver] là un forum commun et commode pour faire valoir leurs droits légitimes » (Débats de la Chambre des communes, vol. V, 2e sess., 28e lég., 25 mars 1970, p. 5473). L’ordonnance demandée reconnaît les dimensions nationales des revendications et facilite un règlement rapide du litige en offrant aux membres du groupe qui demeurent dans des régions éloignées l’une de l’autre un forum commun et commode pour faire valoir leurs droits légitimes.

[13]  Enfin, l’ordonnance demandée est conforme aux objectifs d’économie des ressources judiciaires et permet d’éviter la multiplicité des instances. Subordonner le dépôt de toute instance qui en chevaucherait une autre à l’autorisation de la Cour favorisera un usage efficient des ressources judiciaires.

IV.  Conclusion

[14]  La requête en distribution des demandeurs concernant les projets d’action collective est accueillie.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. Koskie Minsky LLP et Raven, Cameron, Ballantyne & Yazback LLP/S.R.L. représenteront les demandeurs dans les affaires Heyder c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no T-2111-16) et Beattie c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no T-460-17);

  2. aucune autre action collective ne sera entendue par la Cour fédérale relativement aux faits plaidés dans l’affaire Heyder c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no T-2111-16) et Beattie c. Le procureur général du Canada (dossier de la Cour no T-460-17) sans l’autorisation de la Cour;

  3. la présente ordonnance est prononcée nunc pro tunc, en date du 23 mars 2018, date du dépôt de la requête.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T-2111-16, T-460-17

DOSSIER :

T-2111-16

INTITULÉ :

SHERRY HEYDER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

DOSSIER :

T-460-17

INTITULÉ :

LARRY BEATTIE c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EN APPLICATION DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES, EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO).

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

DATE DES MOTIFS :

Le 20 avril 2018

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Kirk M. Baert

Jonathan Ptak

Garth Myers

Pour les demandeurs

Andrew Raven

Andrew Astritis

Pour les demandeurs

Christine Mohr

R. Jeff Anderson

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KOSKIE MINSKY LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les DEMANDEURS

RAVEN, CAMERON, BALLANTYNE & YAZBECK LLP/s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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