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Date : 20171025


Dossier : T-1064-13

Référence : 2017 CF 951

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2017

En présence de monsieur le juge MANSON

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

PFIZER CANADA INC.

défenderesse / demanderesse reconventionnelle

et

PHARMACIA AKTIEBOLAG

demanderesse reconventionnelle

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie de la requête présentée par Apotex Inc. aux termes du paragraphe 75(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [Règles des Cours fédérales] en modification de sa réponse et défense reconventionnelle modifiée.

I.  Faits

[2]  Apotex Inc. (« Apotex ») est une société ontarienne qui fabrique des médicaments « génériques », qui sont semblables à des médicaments déjà commercialisés sous des marques nominales.

[3]  Pfizer Canada Inc. (« Pfizer ») est une société canadienne et Aktiebolag, une société suédoise. Ce sont des filiales de Pfizer Inc., une société pharmaceutique établie aux États-Unis.

[4]  Pfizer détient le brevet canadien numéro 1 339 132 (le « brevet 132 »). Le brevet 132 vise le latanoprost, un médicament servant au traitement du glaucome et de l’hypertension oculaire.

[5]  Apotex soutient que, le 20 juin 2007, sa solution solution « apo-latanoprost », qui est semblable au latanoprost, est devenue admissible à l’approbation aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, CRC, ch 870. Apotex ne pouvait toutefois pas obtenir d’avis de conformité (AC) parce que Pfizer détenait le brevet 132 pour le latanoprost.

[6]  Le 4 mars 2008, Pfizer a reçu un avis d’allégation d’Apotex. Dans cet avis, Apotex alléguait que le brevet 132 était invalide pour plusieurs raisons et que la solution 

« apo‑latanoprost » ne contrefaisait pas ce brevet.

[7]  Bien que Pfizer ait défendu avec succès le brevet 132 devant notre Cour le 26 avril 2010, la Cour d’appel fédérale (CAF), en appel, a conclu à l’absence de prédiction valable que le latanoprost peut être utilisé de façon chronique dans le traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire sans effets secondaires indésirables (Apotex Inc. c Pfizer Canada Inc., 2011 CAF 236 [jugement Latanoprost]).

[8]  Le 9 août 2011, Apotex a obtenu un AC pour l’apo-latanoprost.

[9]  Le 14 juin 2013, Apotex a déposé une déclaration dans laquelle elle demandait des dommages-intérêts pour la période au cours de laquelle l’apo-latanoprost était admissible à l’approbation, mais qu’un AC ne pouvait être obtenu.

[10]  En réponse, Pfizer a déposé une défense et demande reconventionnelle dans laquelle elle soutenait la validité du brevet 132 du fait qu’une instance relative à un AC ne règle pas les questions touchant la contrefaçon et la validité, qu’Apotex l’aurait contrefait si elle était entrée sur le marché avant que le jugement Latanoprost ne soit rendu, et qu’Apotex l’avait contrefait depuis son introduction de l’apo-latanoprost sur le marché.

[11]  Apotex a déposé une réponse selon laquelle le brevet 132 était invalide ou avait été contrefait. Les allégations d’invalidité visaient notamment le non-paiement d’une taxe applicable, le double brevet, l’antériorité, l’absence d’utilité, l’évidence, les revendications excessives et la divulgation insuffisante.

[12]  Le 30 juin 2017, la Cour suprême du Canada (CSC) a rendu son jugement dans AstraZeneca Canada Inc. c Apotex Inc., 2017 CSC 36 [Esomeprazole], dans lequel elle a conclu que la doctrine de la « promesse de brevet » (la « doctrine de la promesse ») est sans fondement dans son application à l’utilité d’une invention brevetée aux termes de l’article 2 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch P‑4 [Loi sur les brevets].

[13]  La CSC a conclu que, bien que la formulation de promesses excessives constitue un méfait, c’est à tort que l’on importe les préoccupations liées à la suffisance de l’utilité applicables au paragraphe 27(3), qui peuvent comprendre les problèmes de formulation de promesses excessives, dans la condition d’utilité énoncée à l’article 2.

[14]  Aux paragraphes 44, 46 et 51 de l’arrêt Esomeprazole, la CSC a écrit :

44  Dans les faits, la doctrine de la promesse importe à tort le par. 27(3)  dans l’art. 2, en exigeant que, pour qu’il soit satisfait à la condition d’utilité énoncée par ce dernier, tout usage divulgué (en application du par. 27(3)) soit démontré ou valablement prédit au moment du dépôt. À défaut d’une telle démonstration ou prédiction, l’ensemble du brevet est invalide, puisqu’il n’a pas été satisfait à la condition préalable à la brevetabilité — soit qu’il existe une invention au sens de l’art. 2 de la Loi.

46  Le régime de la Loi s’attaque au méfait des promesses excessives de plusieurs façons. Le fait de ne pas divulguer adéquatement l’invention en exagérant, par exemple, la teneur de l’invention entraîne des conséquences. La divulgation qui n’est pas juste et entière, ou qui énonce un fonctionnement ou une utilisation non fondée de l’invention, pourrait ne pas satisfaire aux exigences du par. 27(3). Une revendication excessive peut être déclarée invalide; cependant, sous l’effet de l’art. 58 de la Loi sur les brevets, il peut être donné effet aux revendications valides restantes. De plus, suivant l’art. 53 de la Loi, ce méfait peut entraîner la nullité du brevet, lorsque les promesses excessives contenues dans un mémoire descriptif équivalent à une omission ou à une addition « volontairement faite pour induire en erreur ». 

51  Le fait que la doctrine de la promesse ait pour effet de priver une telle invention de la protection conférée par un brevet même si une seule des utilisations « promises » n’a pas été valablement prédite ou démontrée est punitif et n’a aucun fondement dans la Loi. De plus, une telle conséquence est contraire au pacte sur lequel est fondé le droit des brevets et selon lequel les inventeurs doivent faire une divulgation complète en échange d’un monopole limité : British United Shoe Machinery Co. c. A. Fussell & Sons Ltd. (1908), 25 R.P.C 631 (C.A.), p. 650. Le fait d’invalider un brevet uniquement en raison de l’exagération non intentionnelle même d’une seule utilisation découragera le breveté de faire une divulgation complète, alors qu’une telle divulgation est à l’avantage du public. La doctrine de la promesse, dans son application, est incompatible avec l’objet du par. 27(3) de la Loi, qui oblige les inventeurs à « décrire d’une façon [. . .] complète l’invention et son application ou exploitation ». Ainsi, la doctrine de la promesse mine un élément clé du régime établi par la Loi; ce n’est pas une règle de droit valide.

[15]  Le 5 juillet 2017, Apotex a informé Pfizer de son intention de modifier ses actes de procédure en raison de la modification du droit découlant de l’arrêt Esomeprazole. Pfizer a demandé de recevoir les modifications le plus tôt possible, étant donné que les rapports des experts devaient être fournis dans un délai de trois semaines. Pfizer a également exprimé des réserves quant à la perte possible des dates de procès fixées à partir du mois de janvier 2018.

[16]  Le 18 juillet 2017, Apotex a fourni à Pfizer ses modifications proposées, qui étaient nombreuses.

[17]  Le 19 juillet 2017, à une conférence de gestion de l’instance, la Cour a suspendu le délai dont disposaient les parties pour fournir les rapports des experts.

[18]  Le 25 juillet 2017, Pfizer a informé Apotex qu’elle s’opposait à la plupart des modifications et a étayé sa thèse.

[19]  Le 26 juillet 2017, à une conférence de gestion de l’instance, la date du procès a été annulée et la nouvelle date du 5 novembre 2018 a été fixée pour la tenue du procès.

[20]  Le 22 septembre 2017, Apotex a présenté ses nouvelles modifications. Bien que Pfizer ne s’oppose pas à la plupart des modifications proposées, Pfizer conteste trois des nouveaux moyens proposés invoqués par Apotex :

  1. au paragraphe 10B, Apotex allègue que, dans l’environnement « n’eût été » qui a existé de 2007 à 2011, la Cour aurait jugé le brevet de Pfizer invalide en se fondant sur la « doctrine de la promesse », qui constituait le droit applicable au cours de cette période, plutôt que sur le droit actuel énoncé par la CSC dans l’arrêt Esomeprazole. Pfizer soutient qu’Apotex allègue qu’elle aurait pu invalider le brevet de Pfizer en recourant à une doctrine juridique sans fondement, ce qui constitue un moyen vexatoire et ultimement absurde (moyen fondé sur l’« invalidité hypothétique »);

Pfizer affirme qu’en substance Apotex invoque de nouveau la doctrine de la promesse aux paragraphes 136A et 145A et B, en affirmant que le brevet fait des « promesses excessives » parce que les inventeurs n’avaient pas démontré ni valablement prédit l’utilité, ce qui rendait invalides la divulgation et les revendications pour les raisons suivantes :

  1. insuffisance;
  2. portée excessive.

Pfizer soutient qu’Apotex tente à tort par ces modifications de reformuler les arguments relatifs à la doctrine de la promesse que la CSC a rejetés dans l’arrêt Esomeprazole.

[21]  Pfizer demande que lui soient adjugés tous les dépens découlant des modifications et s’oppose aux trois modifications proposées ci-dessus (les « modifications contestées »).

II.  Questions en litige

[22]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Les revendications divulguées dans les modifications contestées révèlent-elles des moyens de défense raisonnables?
  2. Ces modifications causeraient-elles une injustice à Pfizer que des dépens ne pourraient pas réparer et l’autorisation des modifications servirait-elle l’intérêt de la justice?
  3. Pfizer devrait-elle se voir adjuger ses dépens découlant des modifications d’Apotex?

III.  Discussion

A.  Les revendications divulguées dans les modifications contestées révèlent-elles des moyens de défense raisonnables?

[23]  De façon générale, les parties s’entendent sur le droit encadrant les requêtes en modification d’actes de procédure. L’article 75 des Règles des Cours fédérales dispose que la Cour peut autoriser une partie à modifier un acte de procédure « à tout moment, […] aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties ».

[24]  D’abord, la Cour doit être convaincue qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire. Pour décider si l’intérêt de la justice serait servi en autorisant les modifications, la Cour peut tenir compte notamment des facteurs suivants :

  • a) le moment auquel est présentée la requête visant la modification;

  • b) la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l’instruction expéditive de l’affaire;

  • c) la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l’origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu'il serait difficile, voire impossible, de modifier;

  • d) la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l'examen par la Cour du véritable fond du différend.

(Janssen Inc. c Abbvie Corporation, 2014 CAF 242, au paragraphe 3, renvoyant à l’affaire Continental Bank Leasing Corp c La Reine, [1993] A.C.I. no 18 (QL)).

[25]  Qui plus est, la Cour doit être convaincue que d’autoriser les modifications ne causera pas d’injustice que des dépens ne pourraient réparer. Comme il a été affirmé dans l’affaire Canderel Ltée c Canada (CA), [1994] 1 RCF 3, au paragraphe 10 (mentionnée avec approbation dans Merck & Co, Inc. c Apotex Inc., 2003 CAF 488 [affaire Lisinopril], aux paragraphes 30 et 64) :

[…] même s’il est impossible d’énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s’il est juste, dans une situation donnée, d’autoriser une modification, la règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice [note omise]

[26]  Enfin, l’absence de possibilité raisonnable de succès constitue un motif reconnu pour lequel la Cour peut rejeter une requête en modification (Teva Canada Limitée c Gilead Sciences Inc., 2016 CAF 176 [affaire Gilead], au paragraphe 29). La Cour ne se penche sur d’autres questions, comme le préjudice dont pourrait souffrir la partie adverse par suite de la modification, que si la modification a une possibilité raisonnable de succès (affaire Gilead, au paragraphe 31). 

[27]  Pour décider si un moyen offre une possibilité raisonnable de succès, la Cour doit considérer que les faits allégués sont avérés et ne trouver le moyen déraisonnable que si cela est clair et évident, ou qu’il n’existe aucun doute raisonnable, que le moyen ne peut réussir (affaire Lisinopril, au paragraphe 43). Il incombe à la partie qui demande la modification de démontrer une telle possibilité raisonnable de succès (affaire Lisinopril, au paragraphe 46).

[28]  Pfizer soutient qu’aucune des modifications contestées n’a de possibilité raisonnable de succès.

  i.  Invalidité hypothétique

[29]  La modification proposée par Apotex est ainsi libellée :

[Traduction]

[10B] Si Pfizer avait intenté une action hypothétique en contrefaçon de brevet dans l’environnement « n’eût été » en réponse à l’introduction sur le marché par Apotex de l’apo‑latanoprost le 20 juin 2007, ce qui est explicitement nié, cette action en contrefaçon de brevet aurait été instruite, le jugement de première instance relativement à cette action en contrefaçon de brevet et les jugements rendus sur appel de ce jugement auraient été achevés ou rendus, avant le 16 août 2011 ou, de façon subsidiaire, bien avant que la Cour suprême du Canada ne rende son jugement dans AstraZeneca c Apotex, 2017 CSC 36, de sorte que les tribunaux auraient appliqué la « doctrine de la promesse » décrite dans ce jugement dans le cadre de cette action hypothétique en contrefaçon de brevet pour déclarer le brevet 132 invalide. Les tribunaux seraient parvenus à la même conclusion dans le cadre de cette action hypothétique en contrefaçon de brevet que celle à laquelle le dossier de la Cour d’appel fédérale portant le numéro A‑206‑10 (2011 CAF 236), à savoir que le brevet 132 promet de traiter le glaucome et l’hypertension intraoculaire de façon chronique sans entraîner d’effets secondaires indésirables et qu’il n’y a eu aucune démonstration ni prédiction valable de cette utilité promise avant la date de dépôt, ce qui rend le brevet 132 invalide pour cause d’absence d’utilité. Dans l’environnement « n’eût été », Apotex n’aurait donc été jugée comme contrefaisant le brevet 132 si elle avait commencé à commercialiser et à vendre l’apo‑latanoprost le 20 juin 2007 ou à tout moment antérieur à l’obtention de son AC.

[Soulignement ajouté]

[30]  Par conséquent, la thèse d’Apotex porte que, si Pfizer avait intenté une action en contrefaction de brevet en réponse à l’entrée sur le marché d’Apotex en 2007, avant l’arrêt Esomeprazole, la doctrine de la promesse se serait appliquée de façon à invalider le brevet 132.

[31]  En réponse, Pfizer soutient que la Cour n’est nullement placée pour appliquer sciemment des principes juridiques erronés pour statuer sur ce qui se serait produit. La validité du brevet 132 est la question qui se pose; le fait qu’il aurait pu être déclaré invalide sur un autre fondement juridique est sans intérêt.

[32]  Dans une revendication d’indemnité fondée sur l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, la Cour doit examiner un monde hypothétique dans lequel les actions controversées n’ont pas eu lieu (Pfizer Canada Inc. c Teva Canada Limited, 2016 CAF 161 [affaire Venlafaxine], au paragraphe at para 46). Comme l’a déclaré la Cour dans l’affaire Venlafaxine, au paragraphe 50 :

Les deux expressions « aurait eu » et « aurait pu » sont les expressions clés. Les dommages-intérêts compensatoires visent à mettre les demandeurs dans la position où ils auraient été si un tort n’avait pas été commis. Pour le prouver, il faut d’abord démontrer que rien ne les a empêchés d’être dans cette position – c.‑à‑d., ils auraient pu être dans cette position. Et pour prouver que les demandeurs auraient été dans une position donnée, il faut aussi démontrer que les événements auraient eu lieu de telle sorte qu’ils se retrouvent dans cette position – c.‑à‑d., qu’ils auraient été dans cette position.

[33]  Les parties n’ont invoqué aucune jurisprudence qui aiderait vraiment à décider si l’action hypothétique en contrefaçon aurait eu autre issue dans le passé qu’à l’heure actuelle, en raison de la modification du droit applicable – en l’espèce, l’arrêt Esomeprazole rendu par la CSC.

[34]  Apotex soutient que la Cour ne devrait pas « retourner au futur » en vérifiant si la jurisprudence actuelle aurait eu une incidence sur l’issue ou déterminé celle‑ci dans le monde hypothétique « n’eût été » d’il y a une décennie, lorsque le droit, dans sa version alors applicable, portant sur l’utilité et la promesse du brevet était bien fondé et aurait été appliqué dans un contexte autre que le contexte actuel.

[35]  Pfizer réplique qu’il serait absurde d’agir sauf pour appliquer le droit tel qu’il est actuellement et qu’il aurait dû être à la date antérieure, compte tenu de l’arrêt Esomeprazole rendu récemment par la CSC et du fait que les contestations de la validité fondées sur l’absence d’utilité ont été mal traitées par les tribunaux au cours de la période en cause.

[36]  Même si l’argument peut être difficile pour Apotex à avancer en première instance, il ne s’agit pas d’une question assez simple à trancher dans le cadre d’une requête en modification. Il convient que la Cour dispose d’un dossier complet afin de statuer sur ce qui est nul doute une question juridique importante, dont les répercussions seront étendues et de longue durée pour les parties et pour ceux qui sont confrontés à la même question. Elle devrait être laissée à l’appréciation d’un juge de première instance après une plaidoirie finale et dans le contexte des faits et du droit pertinents (Merck & Co, Inc. c Apotex, 2012 CF 454, aux paragraphes 30 et 31, mentionnant l’arrêt Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 1 RCS 959, à la page 980; affaire Fullowka c Whitford, 1996 CanLII 10199 (CA TNO), au paragraphe 22; et arrêt R c Imperial Tobacco Ltée, 2011 CSC 42, au paragraphe 21).

[37]  Le paragraphe 10(B) est autorisé.

  ii.  Insuffisance

[38]  Les modifications proposées par Apotex sont ainsi libellées :

[Traduction]

[145A] Étant donné que le brevet 132 fait des promesses excessives, il contient une divulgation qui n’est pas correcte et complète et énonce un fonctionnement ou une utilisation non fondé de l’invention alléguée, ce qui constitue un défaut de satisfaire aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets (ou de l’article 36 de la Loi sur les brevets dans sa version antérieure à 1989, ou de ces deux dispositions) et rend ainsi le brevet 132 et chaque revendication invalides.

[145B] Selon la description fournie ci‑dessus, le brevet 132 énonce que le latanoprost peut être utile lorsqu’il est administré de façon chronique pour traiter le glaucome et l’hypertension oculaire sans entraîner d’effets secondaires importants. Pour les motifs exposés sous les rubriques « Absence d’utilité » et « Aucune utilité démontrée / absence de prédiction valable », cependant, il n’y a eu aucune démonstration ni prédiction valable de ces revendications avant la date du dépôt du brevet 132 et celles-ci ne se sont en fait jamais matérialisées. Le brevet 132 énonce donc un fonctionnement ou une utilisation non fondé de l’invention, ce qui constitue le méfait des promesses excessives et rend chaque revendication invalide en raison de leur défaut de satisfaire aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets (ou de l’article 36 de la Loi sur les brevets dans sa version existante avant 1989, ou de ces deux dispositions).

[Soulignement ajouté]

[39]  Le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets dispose que le mémoire descriptif doit notamment :

  1. décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;
  2. exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

[40]  Selon la thèse d’Apotex, le brevet 132 faisant des promesses excessives, il contient une divulgation qui n’est pas correcte et complète et énonce un fonctionnement ou une utilisation non fondé de l’invention, ce qui constitue le défaut de satisfaire aux exigences de divulgation énoncées au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

[41]  Pfizer soutient qu’Apotex tente à tort d’intégrer la doctrine de la promesse à l’examen de la suffisance de la divulgation, argument qui a été rejeté dans l’arrêt Esomeprazole. Les tribunaux ont toujours reconnu la distinction entre l’exigence de divulgation énoncée à l’article 27 de la Loi sur les brevets et la condition d’utilité énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Les deux notions juridiques ne peuvent pas être fusionnées.

[42]  Le juge Brown a récemment conclu dans l’affaire Pfizer Canada Iréalisé nc c Apotex Inc, 2017 CF 774 [affaire Pfizer] que, non seulement la doctrine de la promesse n’est-elle pas valable en droit en ce qui a trait à l’utilité, mais la portée excessive des revendications et l’insuffisance des mémoires descriptifs de brevets ne le sont pas non plus, puisque la CSC n’a pas explicitement adopté la doctrine de la promesse relativement à l’interprétation du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets et qu’elle l’aurait fait si telle avait été son intention.

[43]  Dans l’affaire Pfizer, le juge Brown a tiré les conclusions ci‑après aux paragraphes 359, 360, 363 et 365 :

[Traduction]

359  Même si je ne saurais blâmer Apotex pour avoir invoqué sa doctrine des « promesses excessives » compte tenu de l’invitation donnée de présenter d’autres observations sur l’arrêt AstraZeneca, je remarque qu’Apotex n’a pas demandé d’invoquer les « promesses excessives » dans sa lettre du 4 juillet 2017, dans laquelle elle a demandé que l’élargissement des observations postérieures à l’audience : sa demande visait uniquement l’antériorité et l’évidence. Ainsi, bien qu’Apotex ait invoqué l’évidence dans les documents qu’elle a produits après l’audience, elle a été muette sur l’antériorité, en invoquant plutôt le nouvel argument des « promesses excessives ».

360  Je constate également que les prétendues promesses excessives s’apparentent aux arguments fondés sur les promesses avancés par Apotex, qui ne sont plus valables eu égard à l’arrêt AstraZeneca. Si la Cour suprême du Canada avait en fait voulu déclarer que la doctrine de la promesse n’était pas valable en droit en ce qui a trait à l’examen de l’utilité effectué à l’article 2, mais qu’elle l’était en ce qui a trait aux mémoires descriptifs aux termes du paragraphe 27(3), elle l’aurait fait; elle ne l’a pas fait.

363  […] Je ne peux déceler de justification de l’argument selon lequel la Cour suprême a retiré la doctrine de la promesse de l’examen de l’utilité, mais a simultanément exigé qu’elle soit prise en compte, de la manière proposée par Apotex, lors de l’examen du mémoire descriptif. Si tel était le cas, l’un des principaux problèmes sous-jacents relevés par la Cour suprême persisterait, à savoir que « [l]es brevetés seraient ainsi dissuadés d’affirmer que l’invention peut être utilisée à des fins qui ne sont pas suffisamment établies au moment du dépôt si cela risquait d’invalider le brevet dans son ensemble ». Voir l’arrêt AstraZeneca, au paragraphe 45.

365  Je ne vois rien dans l’arrêt AstraZeneca qui modifie ce que je retiens de ce qui précède, à savoir que l’examen des mémoires descriptifs effectué aux termes du paragraphe 27(3) exige que les brevetés définissent la portée exacte et précise de la propriété et du privilège exclusifs revendiqués. De plus, rien dans l’arrêt ne s’écarte du principe selon lequel, aux termes du paragraphe 27(3), « [l]e demandeur doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’invention. Afin d’être complète, [la divulgation] doit remplir deux conditions : l’invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie […]  Le demandeur doit définir la nature de l’invention et décrire la façon de la mettre en opération. Un manquement à la première condition invaliderait la demande parce qu’ambiguë alors qu’un manquement à la seconde l’invaliderait parce que non suffisamment décrite ». Voir l’arrêt Teva, au paragraphe 51, citant l’arrêt Pioneer Hi‑Bred Ltd c Canada (Commissaires des brevets), [1989] 1 RCS 1623, aux pages 1637 et 1638.

[44]  Apotex soutient que, dans la mesure où les motifs de l’affaire Pfizer étayent la thèse selon laquelle la CSC a retiré les promesses excessives comme fondement pour conclure à l’insuffisance ou à la portée excessive parce qu’elle n’a pas mentionné explicitement que l’argument peut être valablement soutenu relativement à ces questions, l’affaire Pfizer exagère le résultat concret de l’arrêt Esomeprazole de la CSC.

[45]  Il est évident que la CSC n’a pas assimilé l’application de la doctrine de la promesse à l’utilité en envisageant que les promesses excessives puissent être un élément déterminant de la validité quant à la divulgation insuffisante aux termes du paragraphe 27(3) ou en raison de la portée excessive de la revendication.

[46]  Apotex affirme que c’est particulièrement vrai lorsque l’on tient raisonnablement compte des observations de la CSC dans l’arrêt Esomeprazole, au paragraphe 46 :

Le régime de la Loi s’attaque au méfait des promesses excessives de plusieurs façons. Le fait de ne pas divulguer adéquatement l’invention en exagérant, par exemple, la teneur de l’invention entraîne des conséquences. La divulgation qui n’est pas juste et entière, ou qui énonce un fonctionnement ou une utilisation non fondée de l’invention, pourrait ne pas satisfaire aux exigences du par. 27(3). Une revendication excessive peut être déclarée invalide; cependant, sous l’effet de l’art. 58  de la Loi sur les brevets, il peut être donné effet aux revendications valides restantes. De plus, suivant l’art. 53 de la Loi, ce méfait peut entraîner la nullité du brevet, lorsque les promesses excessives contenues dans un mémoire descriptif équivalent à une omission ou à une addition « volontairement faite pour induire en erreur ». 

[47]  Apotex soutient également que rien dans l’arrêt Esomeprazole de la CSC n’empêche que les « promesses excessives » soient invoquées pour étayer un argument fondé sur l’insuffisance ou la portée excessive des revendications, comme fonctionnement ou utilisation non fondé de l’invention alléguée, même que cela constitue une « reformulation » de la contestation fondée sur l’inutilité sous une autre forme juridique. Il s’agit d’un moyen de contestation distinct – et d’une question juridique suffisamment importante pour qu’elle ne soit pas radiée sur requête en modification – sur lequel il convient qu’un juge de première instance statue en disposant d’un fondement juridique et factuel complet. Ce n’est pas, Apotex soutient-elle, une modification qui n’a aucune possibilité raisonnable de succès.

[48]  La modification contestée relative à l’insuffisance dans les moyens invoqués par Apotex repose toutefois entièrement sur le même fondement factuel que le moyen fondé sur l’inutilité qui est jugé non valable selon l’arrêt Esomeprazole de la CSC et sur lequel Apotex s’est fondée dans ses moyens déjà invoqués. La modification ne vise pas, en fonction d’un autre fondement factuel, la question de savoir si la divulgation a permis à une personne possédant des connaissances générales et ordinaires dans la science ou le domaine de l’invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation (Pioneer Hi‑Bred Ltd c Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 RCS 1623, au paragraphe 1628).

[49]  Comme la CSC l’a déclaré dans les extraits ci-après des paragraphes 49 à 52 de l’arrêt Teva Canada Ltée c Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60 :

49  Dans l’arrêt Consolboard, notre Cour examine les exigences légales de divulgation qui, au moment des faits considérés, figuraient à l’art. 36.  Malgré des différences de formulation entre cette disposition et l’actuel par. 27(3), l’obligation de divulgation demeure substantiellement la même.

50  Le juge Dickson se penche sur le contenu du mémoire descriptif qui satisfait aux exigences de divulgation.  Il affirme clairement que la nature de l’invention doit y être exposée et qu’il faut examiner le mémoire en entier, revendications comprises, pour établir la nature de l’invention et déterminer si la divulgation est suffisante :

  […]

Le paragraphe 36(1) [maintenant l’article 27] cherche à répondre aux questions suivantes : « En quoi consiste votre invention? Comment fonctionne‑t‑elle? » Quant à chacune de ces questions, la description doit être exacte et complète de sorte que, comme l’exprime le président Thorson dans Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines, Limited [[1947] R.C. de l’É. 306] :

[traduction] … une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande [à la p. 316].

[…]

Depuis cet arrêt, notre Cour continue d’appliquer les principes énoncés par le juge Dickson, ce qui témoigne de la justesse de son analyse : voir, p. ex., Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902, par. 18; Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, par. 52; Pioneer Hi‑Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623 (« Pioneer Hi‑Bred »), p. 1636.

52  Dans les arrêts Consolboard et Pioneer Hi‑Bred, la Cour analyse correctement les exigences de divulgation énoncées au par. 27(3) de la Loi. Il convient de confirmer le raisonnement qu’elle tient dans ces arrêts et de l’appliquer en l’espèce.

[50]  Je suis d’accord avec les propos du juge Pelletier de la CAF dans l’affaire Bristol‑Myers Squibb Canada Co. c Teva Canada Ltée, 2017 CAF 76, au paragraphe 68, selon lesquels [traduction« […] la Cour suprême ne modifie pas le droit substantif par simple implication, surtout lorsqu’elle a fait preuve de prudence à l’égard de la modification dans le même contexte : voir l’affaire Apotex inc. c Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 267, au paragraphe 37 ».

[51]  Cette approche trouve un écho surtout lorsque l’historique du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets et l’interprétation téléologique qu’il a reçue sont pris en compte.

[52]  En l’espèce, le moyen contesté fondé sur l’insuffisance n’offre pas de possibilité raisonnable de succès. Il n’a pas été allégué que Pfizer n’avait pas suffisamment divulgué la teneur de l’invention et son mode d’utilisation possible. Rien n’a modifié le critère applicable à la suffisance d’une divulgation, et il convient de rejeter le moyen contesté invoqué par Apotex.

[53]  La modification contestée relative à l’insuffisance n’est pas autorisée.

  iii.  Portée excessive

[54]  La modification proposée par Apotex est ainsi libellée :

[136A] Comme il a été décrit ci‑dessus, le brevet 132 énonce que le latanoprost peut être administré de façon chronique pour traiter le glaucome ou l’hypertension oculaire sans irritation oculaire importante. Pour les motifs exposés sous les rubriques « Absence d’utilité » et « Aucune utilité démontrée / absence de prédiction valable », il n’y a eu aucune démonstration ni prédiction valable de ces revendications avant la date du dépôt du brevet 132 et ces revendications ne se sont jamais matérialisées. Le brevet 132 énonce donc un fonctionnement ou une utilisation non fondé de l’invention, ce qui constitue le méfait des promesses excessives et rend chaque revendication invalide en raison de sa portée excessive :

a) la revendication 12 (qui vise une composition ophtalmologique thérapeutique contenant du latanoprost destinée au traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire d’une quantité suffisante pour réduire la tension intraoculaire sans irritation oculaire importante) est invalide en raison de sa portée excessive du fait que le glaucome et l’hypertension oculaire sont des maladies chroniques dont le traitement nécessite l’administration chronique d’un médicament, ce qui dépasse la teneur de l’invention réalisée par les inventeurs nommés du brevet 132 parce qu’ils n’avaient pas démontré ni valablement prédit que l’objet de la revendication 12 n’entraînerait pas d’irritation oculaire importante à la suite de l’administration chronique requise pour traiter le glaucome ou l’hypertension oculaire. Le brevet 132 énonce à tort que la composition revendiquée peut être utile de façon chronique dans le traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire sans entraîner d’effets secondaires importants;

b) la revendication 19 (qui vise le latanoprost) est invalide pour cause de portée excessive du fait que le brevet 132 énonce que le latanoprost peut être utile de façon chronique dans le traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire sans entraîner d’effets secondaires importants, ce qui dépasse la teneur de l’invention réalisée par les inventeurs nommés du brevet 132 parce qu’ils n’avaient pas démontré ni valablement prédit que le latanoprost n’entraînerait pas d’irritation oculaire importante ni d’hyperémie conjonctivale à la suite de l’administration chronique requise pour traiter le glaucome ou l’hypertension oculaire. Un composé à l’égard duquel il n’a pas été démontré ni prédit valablement qu’il éviterait ces effets secondaires importants à la suite de l’administration chronique ne peut être utile de façon chronique dans le traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire. De plus, bien que le brevet 132 énonce que la portée de son invention se limite aux composés qui peuvent être utiles de façon chronique dans le traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire sans entraîner d’effets secondaires importants, la revendication 19 revendique un composé sans en limiter les propriétés et sa portée est donc nécessairement excessive relativement à l’invention réalisée ou divulguée;

c) la revendication 31 (qui vise l’utilisation du latanoprost dans le traitement du glaucome et de l’hypertension oculaire) est invalide en raison de sa portée excessive parce que le glaucome et l’hypertension oculaire sont des maladies chroniques dont le traitement nécessite l’administration chronique d’un médicament, ce qui dépasse la teneur de l’invention réalisée par les inventeurs nommés du brevet 132 parce qu’ils n’avaient pas démontré ni valablement prédit que le latanoprost serait utile à la suite de l’administration chronique requise pour traiter le glaucome ou l’hypertension oculaire. Le brevet 132 énonce à tort que le latanoprost peut être utile de façon chronique dans le traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire sans entraîner d’effets secondaires importants;

d) la revendication 38 (qui vise l’utilisation du latanoprost pour traiter le glaucome ou l’hypertension oculaire) est invalide pour cause de portée excessive pour les mêmes motifs qui s’appliquent à la revendication 31.

[Soulignement ajouté]

[55]  Apotex soutient donc que plusieurs revendications faites dans le brevet 132 portent que le latanoprost peut être administré de façon chronique sans irritation oculaire importante, mais qu’il n’y a eu aucune démonstration ni prédiction valable de cet avantage.

[56]  Pfizer soutient qu’il s’agit d’une autre tentative de contourner le raisonnement de la CSC dans l’arrêt Esomeprazole et d’une fusion incorrecte de la portée excessive et de l’utilité, ce qu’Apotex a fait en invoquant les moyens contestés relatifs à l’insuffisance aux termes du paragraphe 27(3). Les thèses qui reposent sur l’utilité comme fondement d’un argument fondé sur la portée excessive sont erronées en droit.

[57]  Selon la jurisprudence constante de la CAF, on jugera qu’une revendication a une portée excessive et qu’elle est donc invalide si elle revendique une propriété ou un privilège exclusif à l’égard de quelque chose que l’inventeur n’a pas réellement inventé, ou à l’égard de quelque chose que l’inventeur n’a pas complètement divulgué dans le brevet (voir, par exemple, l’affaire Pfizer Canada Inc c Canada (Santé), 2007 CAF 209, au paragraphe 116).  

[58]  L’allégation de portée excessive formulée par Apotex offre une possibilité raisonnable de succès. Les revendications faites dans le brevet 132 rapprochent plusieurs fois le latanoprost au [traduction] « traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire sans irritation oculaire importante » et à [traduction] « l’utilisation […] dans le traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire ». Apotex soutient que le latanoprost ne peut être utilisé dans le traitement du glaucome ou de l’hypertension oculaire. Lorsqu’une utilisation revendiquée n’est pas fondée, une allégation de portée excessive peut être accueillie.

[59]  Bien qu’il incombe à Apotex de prouver ce moyen d’invalidité en première instance, ce qui peut être difficile, elle a une possibilité raisonnable de succès. La modification est autorisée.

B.  Ces modifications causeraient-elles une injustice à Pfizer que des dépens ne pourraient pas réparer et l’autorisation des modifications servirait-elle l’intérêt de la justice?

[60]  Ayant statué sur les questions ci‑dessus relatives aux modifications contestées, je conclus que les modifications autorisées ne causeront pas une injustice que des dépens ne pourraient pas réparer et qu’il est dans l’intérêt de la justice d’autoriser les modifications.

[61]  Comme Apotex l’a fait remarquer, n’est pas un préjudice non réparable le préjudice découlant du succès possible du moyen proposé ou du fait que le moyen modifié peut accroître la durée et la complexité du procès. Les parties ont consenti à l’ajournement du procès jusqu’au mois de novembre 2018, de sorte que les délais ne sont plus en cause.  

[62]  De plus, vu que l’arrêt Esomeprazole rendu récemment par la CSC a changé considérablement le droit, et que les modifications contestées autorisées se rapportent à cet arrêt, il convient que notre Cour autorise les modifications.

[63]  Qui plus est, l’absence de préjudice allégué pour Pfizer découlant du prétendu « retard » dans la communication des modifications proposées, le « retard » ne suffit pas pour justifier le refus des modifications.

C.  Pfizer devrait‑elle se voir adjuger ses dépens découlant des modifications d’Apotex?

[64]  Pfizer demande que lui soient adjugés ses dépens découlant des modifications d’Apotex, tels que la modification des actes de procédure, la révision de sa stratégie et de sa production de documents et l’interrogatoire préalable et l’utilisation complémentaires d’experts.

[65]  La modification du droit entraînée par l’arrêt Esomeprazole a nécessité la modification des actes de procédure pour faciliter l’examen par notre Cour des questions en litige sur le fond.

[66]  Des retards et des frais sont toutefois associés à ces modifications. Les modifications initiales étaient nombreuses et ont ajouté plusieurs pages aux actes de procédures. De plus, ce n’est qu’en réponse aux oppositions antérieures de Pfizer qu’Apotex a fini par fournir une version des modifications à laquelle Pfizer a consenti en substance, à l’exception des modifications contestées. Pendant ce temps, la date du procès a été annulée. Il n’est pas certain à quel point l’interrogatoire préalable et l’utilisation complémentaire d’experts peuvent être requis, ou quels dépens il est convenable d’imputer à la modification des actes de procédure sur lesquels se fonde maintenant Apotex. Il est également douteux que certaines ou un bon nombre des modifications découlent réellement de l’arrêt Esomeprazole de la CSC ou qu’elles n’auraient pas pu être apportées bien avant.

[67]  Apotex assumera les dépens de la présente requête et la Cour prendra en considération la possibilité d’adjuger des dépens additionnels pouvant être imputés aux modifications en ce qui a trait aux interrogations préalables et à l’utilisation complémentaire d’experts après les plaidoiries finales lors de l’instruction.


ORDONNANCE dans le dossier portant le numéro T‑1064‑13

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La requête d’Apotex en vue de modifier de nouveau sa réponse et défense reconventionnelle modifiée étant la formule jointe en annexe « A » à la présente ordonnance est accueillie, à l’exception du paragraphe 10B, lequel est radié;

  2. Pfizer disposera de 30 jours suivant la date de la présente ordonnance pour signifier et déposer une autre réponse et défense reconventionnelle modifiée;

  3. Les dépens sont adjugés en faveur de Pfizer dans tous les cas au montant qui sera fixé par le juge de première instance après les plaidoiries finales de l’instruction.

« Michael D. Manson »

Juge


SCHEDULE A


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1064‑13

 

INTITULÉ :

APOTEX INC. c PFIZER CANADA INC. ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 OCTOBRE 2017

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 OCTOBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Harry Radomski

Me Jordan Scopa

pour la demanderesse

MJordana Sanft

Me Tracey Stott

POUR LA DÉFENDERESSE / DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOODMANS

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

NORTON ROSE FULBRIGHT

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE / DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE,

PFIZER CANADA INC.

ORESTES PASPARAKIS

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE,

PHARMACIA AKTIEBOLAG

 

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