Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180621


Dossier : IMM-4358-17

Référence : 2018 CF 640

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2018

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

HANAD AHMED IBRAHIM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Hanad Ahmed Ibrahim (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 20 septembre 2018 par un délégué du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur), au titre de l’alinéa 115(2)a) de la Loi sur l’immigration et le statut de réfugié, LC 2001, c 27 (la Loi). La décision en question est communément appelée un « avis de danger ».

[2]  Le demandeur est citoyen de la Somalie. Un avis de danger antérieur rendu par un autre délégué du défendeur a été annulé par notre Cour en 2015; voir la décision Ibrahim c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1033.

[3]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur affirme que le délégué a manqué à l’obligation d’équité procédurale en s’appuyant sur un article de presse qui constituait un élément de preuve extrinsèque et qui n’était pas accessible au public au moment où l’avis de danger a été émis. Il affirme également que le délégué a conclu de manière déraisonnable, entre autres, que le demandeur aurait accès à des soins adéquats de santé mentale en Somalie.

[4]  Le régime législatif permettant de rendre un avis de danger comporte trois étapes. D’abord, le délégué doit établir que la personne satisfait aux critères de l’alinéa 115(2)a) de la Loi selon lesquels la personne concernée est interdite de territoire pour des raisons de grande criminalité et constitue un danger pour le public. Si la preuve en est faite, il incombe alors à la personne concernée de démontrer l’existence du risque visé à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 (la Charte).

[5]  Si ce risque est établi, le délégué doit mettre en balance le danger posé par la personne et le risque visé à l’article 7 de la Charte.

[6]  En l’espèce, le demandeur ne conteste pas la conclusion du délégué, selon laquelle il est visé par l’alinéa 115(2)a) de la Loi. Il avance plutôt que le délégué a commis une erreur en concluant qu’il ne serait pas exposé à un risque s’il était renvoyé en Somalie.

[7]  Les questions d’équité procédurale sont sujettes à révision en regard de la norme de la décision correcte; voir la décision rendue dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339. L’avis de danger, sur le fond, est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable; voir l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 et la décision Galvez Padilla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2014] 4 FCR 24.

[8]  Selon l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, la décision d’un décideur doit être justifiée, transparente et intelligible, et appartenir aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[9]  À la lumière de la preuve par affidavit présentée par le demandeur, à savoir la déclaration sous serment d’Amanda Bitton, je conclus que l’article de presse sur lequel s’est appuyé le délégué concernant l’accessibilité des services de santé mentale à l’hôpital Amison constitue un « élément de preuve extrinsèque », comme l’a fait remarquer le juge Noel dans la décision Ogunyinka c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 595, aux paragraphes 21 à 21.

[10]  Le délégué a commis une erreur en s’appuyant sur cet élément de preuve sans avis préalable au demandeur et sans lui fournir la possibilité d’y répondre.

[11]  Je conclus également, à la lumière de la preuve, que le délégué a omis de tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents présentés quant à l’accessibilité des services de santé mentale en Somalie, en particulier de la preuve contradictoire concernant l’accessibilité de tels services de santé.

[12]  À mon avis, ces erreurs rendent la décision déraisonnable au sens de l’arrêt Dunsmuir, précité.

[13]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du délégué est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre délégué pour une nouvelle détermination. Aucune question n’est soulevée pour être certifiée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER 4358-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT : La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du délégué est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre délégué pour une nouvelle détermination. Aucune question n’est soulevée pour être certifiée.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4358-17

 

INTITULÉ :

HANAD AHMED IBRAHIM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 juin 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Anthony Navaneelan

 

Pour le demandeur

 

Gregory G. George

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bureau du droit des réfugiés

Aide juridique de l’Ontario

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.