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Date : 20180619


Dossier : T-1129-17

Référence : 2018 CF 630

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 juin 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

STEELBIRD GHETTO PROPERTIES LLC

demanderesse

et

BEAU’S ALL NATURAL

BREWING COMPANY LTD.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Steelbird Ghetto Properties LLC demande une ordonnance de radiation de la marque de commerce B-SIDE BREWING LABEL, enregistrée au nom de Beau’s All Natural Brewing Company Ltd (marque de commerce canadienne enregistrée sous le no LMC950, 300). Steelbird soutient que Beau’s n’avait pas le droit d’enregistrer la marque B-Side, parce que Steelbird employait cette marque avant en liaison avec du vin, que la marque créée de la confusion avec la marque de Steelbird, et que Beau’s a fourni une date inexacte du premier emploi de la marque.

[2]  À l’appui de sa demande, Steelbird a déposé des éléments de preuve documentaire et des observations écrites. Elle a également présenté des observations orales. Beau’s n’a pas répondu. Selon les documents dont je suis saisi, j’estime que la demande de Steelbird devrait être accueillie, parce que la marque enregistrée de Beau’s est similaire au point de créer de la confusion avec une marque employée antérieurement par Steelbird. La marque enregistrée de Beau’s devrait donc être radiée. Steelbird soulève trois questions :

  1. Steelbird a-t-elle été la première à employer la marque B-Side?

  2. La marque B-Side de Beau’s crée-t-elle de la confusion avec la marque de Steelbird?

  3. Dans sa demande de marque de commerce, Beau’s a-t-elle fourni une date inexacte du premier emploi de la marque?

[3]  Steelbird reconnaît que la troisième question en litige soulève une question nouvelle concernant l’interprétation de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T-13 (voir l’annexe pour obtenir la liste des dispositions citées). Étant donné que je ne dispose pas d’arguments contraires, je refuse d’examiner la troisième question. J’examinerai donc les première et deuxième questions.

II.  Contexte

[4]  En 2015, Beau’s a demandé l’enregistrement de la marque de commerce B-Side pour être employée en liaison avec l’exercice de promotion des bières artisanales de l’Ontario. Beau’s a allégué avoir employé la marque depuis juillet 2013.

[5]  Steelbird ne s’est pas opposée à l’enregistrement, mais elle a écrit à Beau’s en juillet 2016, remettant en question l’emploi revendiqué de la marque et transmettant une copie de sa propre demande de marque de commerce pour B-Side. Beau’s a répondu en soulignant qu’elle avait employé la marque en liaison avec sa Kissmeyer Nordic Pale Ale. Steelbird a répondu que les inscriptions de Beau’s auprès de la Régie des alcools de l’Ontario n’appuyaient pas sa demande. La page Web de la LCBO affichait plutôt une date de lancement du produit Kissmeyer en novembre 2014, et l’étiquette, de toute façon, n’arborait pas la marque B-Side. Steelbird a demandé à Beau’s de retirer sa demande, mais cette dernière ne l’a pas fait. Beau’s a obtenu son numéro d’enregistrement en septembre 2016.

A.  Première question – Steelbird a-t-elle été la première à employer la marque B-Side?

[6]  Steelbird a présenté des éléments de preuve sous forme de factures, de registres des ventes et de photos de bouteilles de vin arborant la marque B-Side. Selon la preuve présentée, par l’intermédiaire de son titulaire de licence Don Sebastiani & Sons International Wine Negociants (DSS), Steelbird a employé la marque B-Side en tant que marque de commerce au Canada en liaison avec du vin depuis 2011, au moins deux ans avant tout emploi de la marque par Beau’s. DSS a vendu du cabernet B-Side en Colombie-Britannique de 2011 à 2014, en Ontario en 2013 et en 2015, et au Québec en 2013.

[7]  Beau’s n’avait pas le droit d’enregistrer une marque de commerce qui créait de la confusion avec une marque antérieurement employée par une autre personne (alinéa 16(1)a)). Comme Steelbird employait antérieurement la marque B-Side, la prochaine question est celle de savoir si les marques étaient similaires au point de créer de la confusion.

B.  Deuxième question – La marque B-Side de Beau’s crée-t-elle de la confusion avec la marque de Steelbird?

[8]  On considère qu’une marque créée de la confusion si « l’acheteur occasionnel plutôt pressé » est susceptible d’être amené à conclure à tort que les produits des parties proviennent de la même source (Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, aux paragraphes 51 à 56. Un certain nombre de facteurs réglementaires m’amènent à conclure qu’un acheteur pressé déduirait probablement que le vin de Steelbird et la bière de Beau’s étaient vendus par la même entreprise (paragraphe 6(5)).

[9]  Premièrement, la marque B-Side est intrinsèquement distinctive lorsqu’elle s’applique à des boissons alcoolisées. Elle ne fait allusion ni au produit ni à ses caractéristiques. Il s’agit d’un terme utilisé en rapport avec les disques de vinyle, et non les boissons.

[10]  Deuxièmement, la marque B-Side a été employée par Steelbird pendant plusieurs années, plus longtemps que par Beau’s. Les consommateurs peuvent avoir établi une certaine association avec les produits de Steelbird.

[11]  Troisièmement, les deux produits sont des boissons alcoolisées et appartiennent donc à la même catégorie de marchandises (Mark Anthony Properties Ltd c. Nichol, [2008] COMC no 141, au paragraphe 24; Leroy SA c. Alberta Distillers Limited, [1994] COMC no 25, au paragraphe 17).

[12]  Quatrièmement, les marchandises des parties seraient vraisemblablement vendues dans les mêmes magasins et restaurants, dans diverses provinces. À titre d’exemple, en 2015 et 2016, la LCBO a vendu les deux produits. De plus, les deux produits entreraient dans la catégorie supérieure, vu leurs prix : la bouteille vin de Steelbird est vendue 34 $ ou 35 $ et le prix de la bouteille de bière Kissmeyer de Beau’s est de 6,45 $.

[13]  Cinquièmement, il est évident qu’il y a une très forte ressemblance entre la marque B-Side de Steelbird et la marque enregistrée de Beau’s. Elles sont essentiellement identiques.

[14]  Par conséquent, j’estime que la marque enregistrée de Beau’s créait de la confusion avec la marque préexistante de Steelbird.

III.  Conclusion et disposition

[15]  Selon la preuve présentée, la marque enregistrée de Beau’s a été employée antérieurement par Steelbird, et cette marque est similaire au point de créer de la confusion avec la marque de Steelbird. Par conséquent, je dois accueillir la demande Steelbird et ordonner que la marque de Beau’s soit radiée du registre des marques de commerce. Steelbird a demandé à la Cour de se pencher sur la question des dépens après le prononcé du jugement. En ce qui concerne les dépens, je tiendrai compte de toutes les observations des parties, présentées dans un délai de 10 jours.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1129-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est accueillie.

  2. Les parties peuvent présenter des observations concernant les dépens dans un délai de 10 jours.

« James W. O’Reilly »

Juge


ANNEXE

Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13

Trade-marks Act, RSC 1985, c T-13

Éléments d’appréciation

What to be considered

6(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

6(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

Registration of marks used or made known in Canada

16 (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces produits ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

16 (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those goods or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person

Contenu d’une demande

Contents of application

30 Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

30 An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

a) un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des produits ou services spécifiques en liaison avec lesquels la marque a été employée ou sera employée;

(a) a statement in ordinary commercial terms of the specific goods or services in association with which the mark has been or is proposed to be used;

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande;

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of goods or services described in the application;

c) dans le cas d’une marque de commerce qui n’a pas été employée au Canada mais qui est révélée au Canada, le nom d’un pays de l’Union dans lequel elle a été employée par le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, et la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs l’ont fait connaître au Canada en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande, ainsi que la manière dont ils l’ont révélée;

(c) in the case of a trade-mark that has not been used in Canada but is made known in Canada, the name of a country of the Union in which it has been used by the applicant or his named predecessors in title, if any, and the date from and the manner in which the applicant or named predecessors in title have made it known in Canada in association with each of the general classes of goods or services described in the application;

d) dans le cas d’une marque de commerce qui est, dans un autre pays de l’Union, ou pour un autre pays de l’Union, l’objet, de la part du requérant ou de son prédécesseur en titre désigné, d’un enregistrement ou d’une demande d’enregistrement sur quoi le requérant fonde son droit à l’enregistrement, les détails de cette demande ou de cet enregistrement et, si la marque n’a été ni employée ni révélée au Canada, le nom d’un pays où le requérant ou son prédécesseur en titre désigné, le cas échéant, l’a employée en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande;

(d) in the case of a trade-mark that is the subject in or for another country of the Union of a registration or an application for registration by the applicant or the applicant’s named predecessor in title on which the applicant bases the applicant’s right to registration, particulars of the application or registration and, if the trade-mark has neither been used in Canada nor made known in Canada, the name of a country in which the trade-mark has been used by the applicant or the applicant’s named predecessor in title, if any, in association with each of the general classes of goods or services described in the application;

e) dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié;

(e) in the case of a proposed trade-mark, a statement that the applicant, by itself or through a licensee, or by itself and through a licensee, intends to use the trade-mark in Canada;

f) dans le cas d’une marque de certification, les détails de la norme définie que l’emploi de la marque est destiné à indiquer et une déclaration portant que le requérant ne pratique pas la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de produits ou ne se livre pas à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée;

(f) in the case of a certification mark, particulars of the defined standard that the use of the mark is intended to indicate and a statement that the applicant is not engaged in the manufacture, sale, leasing or hiring of goods or the performance of services such as those in association with which the certification mark is used;

g) l’adresse du principal bureau ou siège d’affaires du requérant, au Canada, le cas échéant, et si le requérant n’a ni bureau ni siège d’affaires au Canada, l’adresse de son principal bureau ou siège d’affaires à l’étranger et les nom et adresse, au Canada, d’une personne ou firme à qui tout avis concernant la demande ou l’enregistrement peut être envoyé et à qui toute procédure à l’égard de la demande ou de l’enregistrement peut être signifiée avec le même effet que si elle avait été signifiée au requérant ou à l’inscrivant lui-même;

(g) the address of the applicant’s principal office or place of business in Canada, if any, and if the applicant has no office or place of business in Canada, the address of his principal office or place of business abroad and the name and address in Canada of a person or firm to whom any notice in respect of the application or registration may be sent, and on whom service of any proceedings in respect of the application or registration may be given or served with the same effect as if they had been given to or served on the applicant or registrant himself;

h) sauf si la demande ne vise que l’enregistrement d’un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque

(h) unless the application is for the registration only of a word or words not depicted in a special form, a drawing of the trade-mark and such number of accurate representations of the trade-mark as may be prescribed; and

i) une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services décrits dans la demande.

(i) a statement that the applicant is satisfied that he is entitled to use the trade-mark in Canada in association with the goods or services described in the application.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1129-17

 

INTITULÉ :

STEELBIRD GHETTO PROPERTIES LLC c. BEAU’S ALL NATURAL BREWING COMPANY LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 mai 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Paul Smith

 

Pour la demanderesse

 

Non représenté

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMITHS IP

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour la demanderesse

 

VALADARES LAW PROFESSIONAL CORPORATION

Ottawa (Ontario)

Pour la défenderesse

 

 

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