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Date : 20180615


Dossier : T-1419-16

Référence : 2018 CF 618

Ottawa (Ontario), le 15 juin 2018

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

EVEDA NOSISTEL

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La demanderesse, Mme Eveda Nosistel, est une ancienne employée au sein du Service correctionnel Canada [SCC] où elle occupait un poste de gestionnaire financier. Mme Nosistel s’adresse à la Cour pour demander le contrôle judiciaire d’une décision prise par le SCC en juillet 2016 aux termes de laquelle le SCC ne donne pas suite à trois griefs [Griefs] qu’elle a déposés relativement au traitement de ses plaintes de harcèlement psychologique [Décision]. Au moyen des Griefs, Mme Nosistel souhaitait faire valoir que la haute direction du SCC aurait enfreint les règles d’équité procédurale et de justice naturelle dans le traitement des plaintes de harcèlement qu’elle a logées en juillet 2013 à l’encontre de quatre de ses anciens collègues au sein du SCC. Ces plaintes avaient fait l’objet d’une décision du SCC en septembre 2015 qui reprenait les conclusions de quatre rapports résultant de l’enquête en milieu de travail menée suite aux allégations de Mme Nosistel [Rapports d’enquête]. Tant les Rapports d’enquête que la décision de septembre 2015 avaient conclu que les plaintes de Mme Nosistel n’étaient pas fondées.

[2]  Dans son avis de demande déposé en août 2016, Mme Nosistel recherche une large panoplie de conclusions allant de l’obtention de la reconnaissance d’irrégularités et de manquements aux principes de justice naturelle dans la gestion de ses plaintes de harcèlement jusqu’à un redressement intégral de son intégrité et de sa réputation ainsi que l’assurance d’une restitution équitable. Dans son mémoire des faits et du droit qui a suivi en juin 2017, Mme Nosistel dresse une liste encore plus longue de remèdes recherchés. Outre une déclaration à l’effet que le SCC a rendu une décision entachée d’une erreur de droit à l’égard d’un de ses Griefs et n’a pas observé les règles d’équité procédurale, elle demande notamment à la Cour d’annuler les conclusions des Rapports d’enquête et les décisions qui sont reliées au traitement de ses plaintes de harcèlement, et de lui octroyer une indemnisation incluant, entre autres, sa perte de salaire depuis août 2013 ainsi que des dommages punitifs. À cet égard, Mme Nosistel demande à la Cour de transformer sa demande de contrôle judiciaire en action comme le permet le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [LCF].

[3]  À titre de représentant du SCC, le procureur général du Canada [PGC] reconnaît que les Griefs de Mme Nosistel n’ont pas fait l’objet de décisions en bonne et due forme aux termes du régime formel de traitement des griefs prévu par la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, LC 2003, c 22, art 2 [LRTFP] et par la Convention entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne des agents financiers de 2013 [Convention] applicable à Mme Nosistel. Le PGC accepte donc que l’affaire soit renvoyée au SCC pour reconsidération par une partie impartiale, c’est-à-dire par une personne n’ayant pas été impliquée dans le dossier de Mme Nosistel jusqu’à présent. Toutefois, le PGC s’oppose aux autres conclusions recherchées par Mme Nosistel.

[4]  À l’audience devant cette Cour et dans ses soumissions écrites postérieures à son avis de demande, Mme Nosistel a fait valoir que la décision à l’origine de sa demande de contrôle judiciaire ne serait pas la Décision de juillet 2016 relative à ses Griefs, mais plutôt la décision du SCC de septembre 2015 acceptant les Rapports d’enquête et rejetant ses plaintes de harcèlement. De fait, dit Mme Nosistel, sa demande veut contester les manquements aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle qui, selon elle, auraient infecté tout le processus de traitement de ses plaintes de harcèlement psychologique par le SCC, de l’enquête elle-même à l’ensemble des décisions qui en ont découlé.

[5]  Une chose ressort du dossier soumis par Mme Nosistel: il est loin d’être limpide. Les propres procédures de Mme Nosistel sont au mieux fluctuantes et créent un climat de confusion quant à l’objet réel de sa demande de contrôle judiciaire. Le PGC acquiesce à retourner l’affaire au SCC pour que le décideur administratif puisse rendre les décisions qu’il a omis de produire sur les Griefs de Mme Nosistel. Mais Mme Nosistel dit rechercher davantage et soutient que, somme toute, ce n’est pas ce que vise sa demande de contrôle judiciaire. Dans ce contexte, je partage l’avis du PGC voulant que la demande de Mme Nosistel soulève les trois principales questions en litige suivantes :

  • Quel est l’objet de la demande de contrôle judiciaire soumise à la Cour par Mme Nosistel?

  • Considérant le consentement du PGC à ce que l’affaire soit retournée au SCC pour que les Griefs de Mme Nosistel soient dûment traités selon la procédure applicable, quelles mesures correctives la Cour doit-elle imposer?

  • Y a-t-il lieu de convertir la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel en action?

[6]  Pour les motifs qui suivent, la demande de Mme Nosistel sera partiellement accueillie. En effet, je suis d’avis que, dans les circonstances, l’affaire doit être retournée au SCC pour que la procédure de traitement des Griefs déposés par Mme Nosistel suive son cours, et que des décisions à leur égard soient rendues par le SCC conformément à la procédure administrative en place. Contrairement aux prétentions de Mme Nosistel, la présente demande de contrôle judiciaire ne porte pas sur les Rapports d’enquête, sur le processus de traitement de ses plaintes de harcèlement ou sur la décision de septembre 2015 du SCC les rejetant. L’objet de la demande concerne plutôt la décision du SCC relative à ses Griefs, en fait l’absence de décisions sur leur mérite. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que les conditions soient réunies pour que la Cour prononce le verdict dirigé souhaité par Mme Nosistel et rende les différentes ordonnances correctives qu’elle recherche. C’est au SCC – et non à la Cour – qu’il appartient d’évaluer les Griefs de Mme Nosistel et de d’abord déterminer si ses récriminations relatives au traitement de ses plaintes de harcèlement psychologique et au processus suivi sont fondées. Enfin, pour des raisons tant procédurales que de fond, il ne s’agit pas d’une situation où la Cour devrait exercer sa discrétion pour convertir la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel en action.

II.  Contexte

A.  Les faits

[7]  En juillet 2013, Mme Nosistel dépose une plainte de harcèlement psychologique contre quatre employés et collègues du SCC. Cette plainte est déclarée admissible en août 2013 et une enquête est alors menée par une consultante externe au SCC à compter d’octobre 2013. Puisque cette enquête vise quatre personnes, quatre rapports d’enquête distincts sont préparés et achevés en août 2015. Les Rapports d’enquête concluent tous que les plaintes de harcèlement de Mme Nosistel sont sans fondement. Le 2 septembre 2015, le SCC rend une décision acceptant les conclusions telles que formulées dans les Rapports d’enquête. Puisque les Rapports d’enquête doivent être caviardés pour en extraire l’information de nature confidentielle, ils ne sont finalisés que le 30 septembre 2015, et la décision de SCC de les accepter est communiquée à Mme Nosistel au début du mois d’octobre 2015. En juin 2015, soit avant la publication des Rapports d’enquête, Mme Nosistel démissionne de ses fonctions au sein du SCC et quitte la fonction publique fédérale.

[8]  Mme Nosistel dépose trois griefs individuels dans le cadre du traitement de ses plaintes de harcèlement. À chaque occasion, elle se prévaut de la procédure de griefs prévue à l’article 208 de la LRTFP et à l’article 17 de la Convention.

[9]  Un premier grief portant sur le traitement subi par Mme Nosistel au cours de l’enquête sur ses plaintes est préparé le 10 février 2015, soit avant que les Rapports d’enquête ne soient complétés. Mme Nosistel y allègue qu’elle n’a pas été soutenue lors de l’enquête, qu’on ne lui a pas permis d’accéder aux documents à des moments décisifs et opportuns lors du processus, et que la consultante et rédactrice des Rapports d’enquête n’a pas suffisamment considéré certains incidents. Le statut de ce grief demeure ambigu. Mme Nosistel explique dans son mémoire de juin 2017 que le grief aurait été « avorté » (soit par elle ou par le SCC, ce que la preuve au dossier ne permet pas de déterminer). Pour sa part, le PGC fait valoir que Mme Nosistel n’a jamais franchi l’étape de la transmission de son grief au second palier de la procédure de griefs, tel que le prévoit l’article 17.10 de la Convention, et qu’en l’absence d’instructions de la part de Mme Nosistel, ce grief n’aurait pas fait l’objet d’une décision dans le cadre du règlement des griefs prévu à la Convention. Chose certaine, rien dans la preuve au dossier ne montre que le grief a effectivement été traité par le SCC.

[10]  Le 18 novembre 2015, Mme Nosistel dépose un autre grief relativement aux Rapports d’enquête. Dans ce second grief, elle allègue plusieurs manquements dans le traitement de ses plaintes de harcèlement, conteste la conclusion voulant que ses plaintes ne soient pas fondées, et invoque l’absence apparente « d’intégrité, d’intégralité et d’impartialité » dans le processus et les Rapports d’enquête. Le grief contient non seulement une série d’allégations à l’égard de l’enquête, mais aussi des allégations qui semblent déborder le strict cadre des Rapports d’enquête, comme « l’abus de pouvoir et la mauvaise foi » pratiqués par les dirigeants du SCC à son égard.

[11]  La Commissaire adjointe responsable de la gestion des ressources humaines du SCC, Mme Elizabeth Van Allen, répond au grief de Mme Nosistel le 28 janvier 2016, informant cette dernière que son grief n’est pas recevable. Dans sa lettre, Mme Van Allen explique que, selon la LRTFP, un « ancien fonctionnaire ne peut déposer de grief que lorsqu’il fait l’objet d’une mesure disciplinaire portant sur une suspension, ou les licenciements, visés aux alinéas 12(1)c), d) ou e) de la Loi sur la gestion des finances publiques » et que, puisque le libellé du grief ne porte sur aucun de ces chefs, il est invalide. La Commissaire adjointe ajoute que, même si elle n’a pas raison, les objets de la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada sont de favoriser les conditions propices à un milieu de travail sûr et respectueux et de rétablir des relations de travail harmonieuses, et que « cette politique ne s’applique pas à un ancien fonctionnaire ».

[12]  Comme l’a admis le PGC dans son mémoire des faits et du droit de juin 2017 et ses soumissions devant la Cour, ces affirmations de la Commissaire adjointe étaient erronées en droit. Encore une fois, compte tenu de la réponse de Mme Van Allen, aucune décision sur le mérite de ce second grief de Mme Nosistel n’a cependant été rendue par le SCC dans le cadre de la procédure de règlement des griefs établie par la LRTFP et la Convention, et à laquelle Mme Nosistel avait eu recours.

[13]  Le 4 mars 2016, Mme Nosistel dépose un troisième grief dans lequel elle fait référence à ce qu’elle prétend être son « congédiement déguisé » de la part du SCC en juin 2015, et ce, en raison des mêmes allégations qu’elle avait tenté de faire valoir dans ses deux griefs précédents. En pièces jointes à ce grief de mars 2016 se trouvent d’ailleurs ses premier et deuxième griefs de février et novembre 2015. Dans une lettre datée du 3 mars 2016 et adressée au Commissaire du SCC, M. Don Head, et jointe à son grief, Mme Nosistel explique que « toutes les interactions et démarches au sein du SCC sembl[aient] avoir été teinté [sic] de mauvaise foi, d’un manque de transparence, d’équité procédurale, de rigueur et d’impartialité ». Mme Nosistel ajoute qu’elle fait dorénavant appel à M. Head par le biais de ce dernier grief afin qu’il puisse remédier à « l’inaction, l’ingérence ainsi que la mauvaise foi et l’orientation choisie par la direction pour ‘gérer’ [son] cas » qui auraient occasionné son départ de la fonction publique après près de dix années de service.

[14]  Le 29 mars 2016, M. Head répond qu’il accuse réception de la lettre de Mme Nosistel et indique avoir été informé que la Commission canadienne des droits de la personne avait entamé un processus d’enquête suite à une plainte que Mme Nosistel leur aurait transmise. Le Commissaire explique que le SCC allait « collaborer et fournir à la Commission tout renseignement et document nécessaire à leur enquête ». La réponse de mars 2016 de M. Head ne renseigne guère sur le traitement de ce troisième grief de Mme Nosistel.

[15]  Le 14 juin 2016, Mme Nosistel fait un suivi auprès du Commissaire concernant sa lettre du 29 mars. Elle explique dans cette nouvelle lettre adressée à M. Head que « le but de la dernière correspondance était de [lui] demander d’adresser les conséquences des irrégularités observées lors du traitement inique des recours internes » qu’elle avait entamés, qu’elle a soumis de nouveau « les griefs non adressés par la direction », et qu’elle écrit pour s’enquérir de sa position et de ses intentions en référence aux prochaines étapes.

[16]  Vers le 27 juillet 2016, le Commissaire répond à Mme Nosistel. La réponse de M. Head est courte et laconique. M. Head se contente de dire, en moins de deux lignes, « que le processus suivi pour répondre à vos griefs était conforme aux politiques ». Visiblement, dans sa réponse, M. Head ne donne pas suite à l’un ou l’autre des trois Griefs formulés par Mme Nosistel. Cette décision de M. Head refusant d’intervenir dans les Griefs est celle qui est à l’origine du présent recours devant la Cour, et à laquelle l’avis de demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel réfère d’ailleurs expressément. Là encore, une chose est claire: aucune décision sur le mérite du troisième grief de Mme Nosistel n’a été émise par le SCC dans le cadre de la procédure de règlement des griefs établie par la LRTFP et la Convention. Le PGC le reconnaît.

B.  Les autres ordonnances au dossier

[17]  La demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel a déjà donné lieu à plusieurs ordonnances de la Cour, lesquelles éclairent davantage le contexte un peu inusité du présent dossier et la nature des questions en litige que la Cour doit maintenant trancher. Trois ordonnances méritent d’être mentionnées, et il importe de s’y arrêter.

(1)  L’ordonnance du juge Roy

[18]  Le 31 janvier 2017, le juge Roy a d’abord rendu une ordonnance rejetant une requête préliminaire présentée par le PGC visant à faire rejeter la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel (Nosistel c Canada (Procureur général), 2017 CF 122 [Nosistel]). Le PGC alléguait que la décision dont le contrôle judiciaire est demandé par Mme Nosistel n’aurait pas été rendue par  un office fédéral, et qu’au surplus, la demande serait hors délai. Dans son ordonnance, le juge Roy détermine que, malgré un manque de transparence et une demande de contrôle judiciaire qu’il qualifie de confuse et brouillonne, le recours de Mme Nosistel ne semble pas dénué de tout fondement, au point de le rejeter au stade préliminaire. Selon le juge Roy, il est manifeste que certains des Griefs de Mme Nosistel n’ont pas été traités par le SCC.

[19]  Dans son ordonnance, le juge Roy se penche notamment sur l’objet de la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel. Il indique que la demande de Mme Nosistel est « ostensiblement relative à une ‘décision’ qu’aurait prise […] M. Don Head » bien qu’il ne soit pas clair de quelle décision il s’agit (Nosistel aux para 1, 2). Le juge Roy répète sans détour, à plusieurs paragraphes de son ordonnance, que la demande de Mme Nosistel porte sur les Griefs déposés et non sur la décision du SCC de septembre 2015 acceptant les Rapports d’enquête. Compte tenu de la position adoptée subséquemment par Mme Nosistel dans son mémoire de juin 2017 et à l’audience devant cette Cour au sujet de la portée de sa demande, il est utile de citer les passages pertinents de l’ordonnance du juge Roy. Ainsi, le juge Roy écrit que :

  • « [l]a décision du 2 septembre 2015 n’est pas celle qui fait l’objet du contrôle judiciaire et il y a lieu de bien faire la différence » [je souligne] (Nosistel au para 16);

  • « [c]e qui est en cause ce sont les trois griefs que le Commissaire, à tort ou à raison, n’a pas traités. C’est là, à mon avis, l’objet de cette demande de contrôle judiciaire » [je souligne] (Nosistel au para 18);

  • « [l]e Commissaire était alerté de l’existence de 3 griefs. Celui du 18 novembre 2015 aurait pu avoir fait l’objet d’une décision en janvier 2016. […] Quant aux deux autres griefs, le dossier ne révèle pas comment ils ont été traités. Là sont des enjeux de la demande de contrôle judiciaire » [je souligne] (Nosistel au para 25).

[20]  L’ordonnance du juge Roy établit donc clairement – et de façon répétée – que le traitement des Griefs constitue le véritable enjeu et l’objet de la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel. Compte tenu du caractère nébuleux et mouvant de l’avis de demande déposé par Mme Nosistel, le juge Roy invite aussi cette dernière à en délimiter plus précisément les contours. Or, loin d’obtempérer à cette suggestion, Mme Nosistel a plutôt embué davantage le dossier en énonçant, dès les premiers mots de son mémoire de juin 2017, que sa demande de contrôle judiciaire contestait le processus d’enquête sur ses plaintes de harcèlement et la décision du SCC de septembre 2015 les rejetant. Ce faisant, elle ignorait cavalièrement les conclusions indiscutables du juge Roy sur l’objet de sa demande. J’y reviens plus loin.

[21]  J’observe tout de même dès maintenant que Mme Nosistel n’a pas jamais porté la décision du juge Roy en appel; tout au contraire, elle y a fait abondamment référence tant dans son mémoire de juin 2017 qu’à l’audience devant la Cour.

(2)  L’ordonnance du juge LeBlanc

[22]  Le 11 avril 2017, le juge LeBlanc a rendu une seconde ordonnance dans le dossier. Il y rejette une deuxième requête du PGC qui souhaitait acquiescer partiellement à jugement dans cette affaire en proposant que l’affaire soit retournée au SCC pour que celui-ci statue sur les Griefs de Mme Nosistel. Mme Nosistel s’opposait à cette requête, car le remède proposé par le PGC se limitait à renvoyer l’affaire au SCC envers qui, à tort ou à raison, elle n’a plus confiance, et qu’il laissait en plan les autres réparations que Mme Nosistel recherche véritablement. Dans son ordonnance, le juge LeBlanc se dit d’avis que la solution partielle au litige proposée par le PGC ne ferait pas progresser le dossier. De surcroît, le juge LeBlanc note que le pouvoir de redressement de la Cour demeure essentiellement de nature discrétionnaire et qu’il existe d’autres formes de réparation à la disposition de la Cour, y compris le « verdict dirigé » quand les circonstances le commandent (D’Errico c Canada (Procureur général), 2014 CAF 95 [D’Errico] aux para 16-17, 20). Le juge LeBlanc décide donc de laisser au juge du fond le soin de résoudre l’ensemble du dossier et les différentes mesures de redressement souhaitées par Mme Nosistel.

(3)  L’ordonnance du protonotaire Morneau

[23]  La troisième ordonnance qu’il faut mentionner intervient le 11 octobre 2017, sous la plume du protonotaire Morneau. Le protonotaire Morneau y rejette une requête interlocutoire de Mme Nosistel visant à faire sanctionner des irrégularités et inconduites qui auraient été commises par le SCC et les avocats du PGC dans le pilotage du dossier. Par sa requête, Mme Nosistel demandait entre autres la permission de soumettre un affidavit complémentaire « à la lumière des événements significatifs qui se sont produits après le dépôt de son dossier du demandeur » et pour tenir compte de la « tactique déconcertante » du SCC qui a repris dans son dossier des éléments que le juge LeBlanc avait rejetés dans son ordonnance.

[24]  Dans sa décision, le protonotaire Morneau refuse notamment de permettre la production de l’affidavit complémentaire faisant référence à certaines irrégularités alléguées, car Mme Nosistel n’avait pas fait état d’une situation remplissant les conditions pour autoriser le dépôt d’un tel affidavit. Mécontente du résultat, Mme Nosistel en appelle mais, dans une ordonnance datée du 24 novembre 2017, le juge Locke maintient la décision du protonotaire Morneau (Nosistel c Canada (Procureur général), 2017 CF 1068 [Nosistel 2]). Mme Nosistel a aussi tenté de porter l’ordonnance du juge Locke en appel mais, dans une ordonnance rendue le 25 mai 2018, la Cour d’appel fédérale rejette la requête de Mme Nosistel visant une prorogation des délais pour déposer un avis d’appel de la décision du juge Locke (Eveda Nosistel c Service correctionnel Canada et al (25 mai 2018), Ottawa, CAF, 18-A-13 (requête en prorogation de délais) [Nosistel CAF]).

(4)  Le dossier T-536-17

[25]  Outre ces ordonnances qui ponctuent le présent dossier, il convient aussi de souligner que, le 12 avril 2017, Mme Nosistel a déposé une deuxième demande de contrôle judiciaire devant cette Cour, dans le dossier T-536-17. Mme Nosistel y demande qu’une décision du SCC refusant de lui communiquer des renseignements personnels suite à une demande d’accès à l’information soumise en juin 2013 soit annulée et que le ministre responsable lui fournisse les documents et les informations qu’elle réclame. Une ordonnance du juge Annis datée du 10 octobre 2017 rejetant un appel de Mme Nosistel à l’encontre d’une décision de la protonotaire Tabib est désormais devant la Cour d’appel fédérale dans cette affaire. La protonotaire Tabib avait autorisé le ministre à déposer un affidavit confidentiel de documents faisant l’objet de cet autre litige.

[26]  Ce second recours n’a toutefois pas d’incidence sur le présent dossier.

C.  Les dispositions pertinentes

[27]  La LRTFP est la principale loi au cœur du présent litige. Cette loi établit le régime de relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale et prévoit notamment un système de règlement des différends liés aux conditions d’emploi des fonctionnaires fédéraux, incluant une procédure de griefs. Les dispositions pertinentes de la LRTFP se retrouvent aux articles 208, 209, 214 et 236 de la loi, qui portent sur les griefs individuels et la procédure à leur égard. Afin de ne pas alourdir inutilement le texte, ces articles sont reproduits dans leur totalité à l’Annexe I jointe aux présents motifs. Ils établissent le régime particulier de la LRTFP pour le traitement des griefs et définissent la portée du droit des employés de la fonction publique de présenter un grief individuel concernant toute décision ou action de l’employeur ayant trait à leurs « conditions d’emploi ». Les trois Griefs déposés par Mme Nosistel l’ont été sous l’article 208 de la LRTFP.

[28]  Les dispositions de la LRTFP doivent être lues conjointement avec l’article 17 de la Convention portant sur la procédure de règlement des griefs, et qui concerne les agents financiers du gouvernement fédéral comme Mme Nosistel. Encore une fois, les dispositions pertinentes de l’article 17 sont reproduites à l’Annexe I.

D.  La norme de contrôle

[29]  Compte tenu de l’admission du PGC à l’effet que le SCC a omis de rendre les décisions qui s’imposaient sur les Griefs de Mme Nosistel et que le demande de contrôle judiciaire doit donc être accueillie au moins en partie pour cette raison, la question de la norme de contrôle applicable n’est pas réellement un enjeu dans le cadre du présent dossier.

[30]  Qu’il suffise de dire que, lorsqu’une demande de contrôle judiciaire soulève des questions portant sur l’équité procédurale, la légalité de la décision en cause doit s’analyser selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Quand la norme de la décision correcte s’applique, aucune déférence n’est de mise, et la Cour doit entreprendre sa propre analyse et substituer sa décision à celle du décideur administratif en cas de désaccord (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 50). En fait, la question qui se pose alors est de savoir si le processus suivi par le décideur a été équitable; ainsi, la Cour doit établir si le processus en cause a atteint le niveau d’équité nécessaire dans le contexte des droits touchés (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1 au para 115). Autrement dit, la question soulevée par l’obligation d’équité procédurale n’est pas tant de savoir si la décision était « correcte », mais plutôt de déterminer si le processus adopté par le décideur présentait le degré requis d’équité (Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153 au para 21; Varadi c Canada (Procureur général), 2017 CF 155 au para 26; Aleaf c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 445 au para 21).

III.  Analyse

A.  L’objet de la demande de Mme Nosistel

[31]  La première question en litige que soulève la demande de contrôle judiciaire logée par Mme Nosistel concerne l’objet même de sa demande et la décision administrative au sujet de laquelle elle recherche l’intervention de la Cour.

(1)  Les prétentions de Mme Nosistel

[32]  Dans son avis de demande d’août 2016, Mme Nosistel faisait explicitement référence à la Décision de juillet 2016 du Commissaire de ne pas donner suite aux Griefs qu’elle avait déposés et disait que sa demande concernait cette décision. Mais, dès le premier paragraphe de son mémoire de juin 2017, Mme Nosistel affirmait plutôt à la Cour que sa demande conteste « le processus de traitement de la plainte de harcèlement psychologique, le processus d’enquête, la décision résultant du rapport final ainsi que les préjudices émanant et subis ». À l’audience devant la Cour, Mme Nosistel a réitéré que, selon elle, sa demande portait sur les manquements à l’équité procédurale intervenus dans tout le processus d’enquête sur ses plaintes de harcèlement et dans les décisions qui ont en découlé.

[33]  Dans son ordonnance de janvier 2017, et à la seule lecture de l’avis de demande de Mme Nosistel, le juge Roy parlait déjà d’une demande qui baignait dans la confusion (Nosistel aux para 22, 24). Je dois constater qu’avec ses soumissions écrites et orales, loin de clarifier son recours comme le juge Roy l’avait pourtant invitée à le faire, Mme Nosistel brouille encore davantage les cartes quant à l’objet de sa demande.

[34]  Pour les raisons qui suivent, je suis d’avis que Mme Nosistel a tort de prétendre que sa demande concerne le processus de traitement de ses plaintes de harcèlement ou la décision du SCC de septembre 2015 acceptant les conclusions des Rapports d’enquête. Comme le PGC le souligne à juste titre, Mme Nosistel confond le processus de traitement de ses plaintes avec le processus de traitement de ses Griefs. Or, seuls le processus de traitement de ses Griefs et l’absence de décisions du SCC à leur égard sont en cause dans le présent litige.

(2)  La conclusion du juge Roy

[35]  S’il y avait un doute à cet égard, le juge Roy l’a entièrement dissipé dans son ordonnance de janvier 2017. Comme le juge Roy l’affirme à plusieurs reprises, la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel porte sur la Décision rendue en juillet 2016 par le Commissaire et sur le défaut du SCC de traiter ses Griefs. D’ailleurs, tel que mentionné précédemment, l’ordonnance du juge Roy précise expressément, à pas moins de trois endroits, que la décision du SCC de septembre 2015 déterminant que les plaintes de harcèlement n’étaient pas fondées n’est pas l’objet du présent contrôle judiciaire (Nosistel aux para 16, 18, 25). L’ordonnance du juge Roy établit donc sans conteste que la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel ne porte pas sur la décision de septembre 2015, sur les événements menant à ses plaintes de harcèlement et aux Rapports d’enquête, ou encore sur le processus suivi lors de l’enquête.

[36]  Si Mme Nosistel était en désaccord avec cette détermination ou croyait que le juge Roy avait erré en concluant ainsi, la démarche à prendre était d’en appeler de son ordonnance. Elle ne l’a pas fait, et la question de l’objet de la demande de Mme Nosistel est maintenant chose jugée. Il n’y a pas lieu d’y revenir.

[37]  J’avoue qu’il est d’ailleurs étonnant de voir, dans ses soumissions écrites et à l’audience devant la Cour, Mme Nosistel se fonder comme elle le fait sur les extraits de l’ordonnance du juge Roy qu’elle juge favorables à sa cause, tout en choisissant de tourner le dos de façon aussi directe et désinvolte à la conclusion rendue sur la portée de sa demande, que le juge Roy a pourtant considéré opportun et nécessaire de répéter à trois reprises dans son ordonnance. N’en déplaise à Mme Nosistel, une ordonnance de la Cour n’est pas un menu à la carte où une partie peut piger ce qui sourit à son appétit du moment et le refermer ensuite en ignorant ce qui lui convient moins.

(3)  La prescription et l’absence de demande de prorogation

[38]  À tout événement, si tant est que l’objet de la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel et la décision qui en est la source devaient réellement être le processus d’enquête sur ses plaintes de harcèlement ou la décision du SCC de septembre 2015 confirmant leur rejet, ceci ne serait pas d’un grand secours pour Mme Nosistel, car sa demande de contrôle judiciaire serait alors de toute façon prescrite aux termes de la LCF. En effet, Mme Nosistel avait connaissance du processus d’enquête sur ses plaintes et de la décision de septembre 2015 du SCC depuis le mois d’octobre 2015 (ou, à tout le moins, au moment de son grief du 18 novembre 2015), soit plus de dix mois avant le dépôt de sa demande de contrôle judiciaire effectué en août 2016. Or, le paragraphe 18.1(2) de la LCF est clair: une demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les 30 jours suivant la première communication de la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire.

[39]  J’ajoute qu’aucune demande de prorogation de délai n’a été présentée ou formulée par Mme Nosistel au sujet de la décision du SCC de septembre 2015 et du processus d’enquête y ayant mené. Je ne peux m’empêcher de souligner que ceci est d’autant plus notoire dans le présent dossier que Mme Nosistel était bien familière avec ce mécanisme procédural. En effet, dans le cadre de la requête en rejet dont le juge Roy avait été saisi en janvier 2017, Mme Nosistel avait pris soin de faire une telle demande de prorogation de délai au cas où c’eût été la décision de la Commissaire adjointe du 28 janvier 2016 sur son second grief dont contrôle judiciaire aurait dû être demandé (Nosistel au para 20). À l’inverse, ni demande effective de prorogation de délai, ni aucune intention de présenter une telle demande n’apparaît au dossier eu égard à la décision du SCC de septembre 2015 ou au processus d’enquête sur les plaintes de Mme Nosistel.

[40]  Pour ces raisons, il ne fait aucun doute à mes yeux que l’objet de la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel ne peut que se limiter aux décisions du SCC sur les Griefs de Mme Nosistel. La Cour n’a donc pas à se prononcer, à ce stade-ci, sur les nombreuses récriminations que Mme Nosistel nourrit à l’égard de la décision du SCC de septembre 2015 acceptant les conclusions des Rapports d’enquête ou du processus d’enquête sur ses plaintes de harcèlement. Je ne dis pas que les arguments que Mme Nosistel martèle au sujet des manquements à l’équité procédurale et de l’impartialité qui auraient pu teinter le processus d’enquête ou corrompre la décision du SCC ne pourraient pas s’avérer valables. Mais ce n’est pas à la Cour d’en décider à ce stade, et Mme Nosistel cogne à la mauvaise porte en voulant les faire valoir dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire qu’elle a intentée dans le présent dossier.

(4)  La décision Renaud

[41]  À l’audience devant la Cour, Mme Nosistel a longuement tablé sur la décision de la juge Gagné dans Renaud c Canada (Procureur général), 2013 CF 18 [Renaud] pour appuyer sa position voulant que la Cour peut et doit se prononcer sur les manquements aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle qu’elle invoque. Je ne suis pas d’accord avec la lecture que Mme Nosistel fait de ce jugement et, à mon avis, il s’agit là d’une décision qui, pour tout dire, ne la sert pas vraiment. Dans l’affaire Renaud, à l’instar de la situation de Mme Nosistel, une demanderesse se représentant seule (Mme Renaud) avait allégué une série de manquements à l’équité procédurale à l’égard de la procédure suivie dans le traitement de ses plaintes de harcèlement par un office fédéral (Renaud aux para 67, 80). Cependant, la demande de contrôle judiciaire dont la juge Gagné était saisie portait sur une décision rejetant les griefs de Mme Renaud au dernier palier de la procédure de griefs. Il est donc clair que, dans ce cas, la procédure interne de règlement des griefs adoptée en vertu de l’article 208 de la LRTFP avait effectivement été suivie, qu’une décision avait été rendue au dernier palier par le décideur administratif, et que la Cour n’avait été saisie de la demande de contrôle judiciaire qu’à la fin de la procédure de griefs prévue en vertu de la LRTFP. La décision examinée par la juge Gagné n’était pas la procédure adoptée dans le traitement des plaintes de harcèlement de Mme Renaud ou les manquements allégués à l’équité procédurale, mais bien la décision du décideur administratif rejetant ses griefs (Renaud au para 71).

[42]  D’ailleurs, la juge Gagné avait explicitement déclaré « bien fondé » l’argument du défendeur voulant que la Cour doive se « limiter dans sa révision aux décisions rendues par le décideur administratif au dernier palier des griefs » et que les conclusions des rapports d’enquête ne devaient pas « être directement attaqués par voie d’une demande de contrôle judiciaire », vu la procédure de griefs ouverte à Mme Renaud (Renaud aux para 68-69).

[43]  Je reconnais que, dans sa demande de contrôle judiciaire, Mme Renaud invoquait « le non-respect des principes d’équité procédurale à différentes étapes du processus d’enquête et du traitement de ses griefs » (Renaud au para 2). Et, pour déterminer s’il y avait lieu d’accorder la demande de contrôle judiciaire, la juge Gagné a jugé sage d’examiner plus soigneusement la procédure suivie, y compris la conduite de l’enquête ayant mené au rejet des plaintes de Mme Renaud, puisque le décideur administratif dans cette affaire s’en était remis essentiellement à la procédure et aux conclusions des rapports d’enquêtes pour rendre sa décision dans le cadre de la procédure de griefs (Renaud au para 71). Néanmoins, la juge Gagné stipule sans équivoque que son jugement dans le cadre du contrôle judiciaire analyse la décision sur les griefs [je souligne]. D’ailleurs, elle ajoute qu’une demande de contrôle judiciaire attaquant des décisions portant sur des rapports préliminaires – qui n’avaient toujours pas fait l’objet d’une décision au dernier palier comme prévu dans la LRTFP – « était clairement prématurée » (Renaud au para 70).

[44]  C’est précisément cette décision sur le mérite des Griefs de Mme Nosistel qui est manquante ici, et cette absence distingue profondément les faits du dossier de Mme Nosistel de ceux qui prévalaient dans la décision Renaud. Comme l’admet le PGC, aucune décision sur les trois Griefs de Mme Nosistel n’a été prise par le SCC, et cela suffit pour accorder la demande de contrôle judiciaire et retourner l’affaire au décideur administratif. L’exercice d’analyser les circonstances de la plainte auquel s’est adonnée la juge Gagné dans l’affaire Renaud pour déterminer si le contrôle judiciaire recherché devait être accordé n’a donc tout simplement pas besoin d’être entrepris ici: le PGC reconnaît d’entrée de jeu qu’il y a eu entorse au processus de griefs, que les décisions qui auraient dû être produites ne l’ont pas été, que les preuves et les arguments de Mme Nosistel n’ont pas été dûment considérés, et que l’affaire doit être renvoyée au SCC pour que celui-ci décide du mérite des Griefs de Mme Nosistel.

B.  Les conditions du renvoi au SCC et les mesures correctives

[45]  La deuxième question en litige que soulève la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel porte sur la nature des mesures correctives que la Cour devrait ordonner dans son jugement.

(1)  Le consentement du PGC

[46]  Le PGC reconnaît qu’aucun des trois Griefs de Mme Nosistel n’a fait l’objet d’une réponse en bonne et due forme traitant du mérite de ses allégations, conformément à la procédure de griefs prévue par la LRTFP et la Convention. Le premier grief du 10 février 2015 serait demeuré au premier palier du processus de grief et le PGC concède qu’il n’a pas fait l’objet d’une décision. La décision de Mme Van Allen portant sur le second grief du 18 novembre 2015 était entachée d’une erreur de droit, car Mme Nosistel avait le droit de déposer un grief portant sur une situation qui aurait eu lieu au cours de son emploi, et ce, sans égard à sa fin d’emploi subséquente (R c Lavoie, [1978] 1 CF 778 (CAF) au para 10; Price c Canada (Procureur général), 2016 CF 649 aux para 23-32). En ce qui a trait au troisième grief daté du 3 mars 2016, le PGC admet également qu’aucune décision n’a été rendue à son égard.

[47]  Qui plus est, le PGC reconnaît le droit de Mme Nosistel à ce que des décisions justes et équitables, prises au terme d’une analyse qui soit fondée sur les faits de son dossier et qui considère les arguments qu’elle désire présenter, soient rendues concernant chacun de ses trois Griefs. Le PGC est d’avis que le remède approprié à la demande de contrôle judiciaire en l’espèce est de renvoyer l’affaire au décideur administratif, soit le SCC, pour que les trois Griefs soient traités conformément à la procédure de règlement des griefs applicable.

[48]  Mme Nosistel soutient que ce à quoi consent le PGC demeure cependant insuffisant et elle réclame davantage de la Cour. Elle plaide que la Cour devrait elle-même se prononcer sur l’objet de ses Griefs et sur le processus d’enquête entourant ses plaintes de harcèlement, constater les manquements à l’équité procédurale qui l’ont miné, et décréter l’annulation de la décision de septembre 2015 du SCC. Elle ajoute qu’elle n’a pas confiance dans tout processus qui pourrait impliquer ou émaner du SCC, incluant la procédure de griefs, et que la Cour devrait intervenir sur le fond des questions qu’elle soulève.

[49]  Je ne partage pas l’avis de Mme Nosistel. Oui, le SCC a fait défaut de se prononcer sur les Griefs de Mme Nosistel, et il s’agit assurément là d’une erreur qui justifie la Cour d’intervenir et de casser la décision du SCC sur le traitement des Griefs de Mme Nosistel. Mais ce n’est pas à la Cour de déterminer leur mérite sans laisser d’abord la chance au SCC de rendre une décision à leur sujet.

(2)  Le contrôle judiciaire et l’épuisement des recours

[50]  Un contrôle judiciaire porte sur la légalité d’une décision administrative, et non sur l’opportunité de la décision. Il n’appartient pas à une cour de révision de choisir la solution qui serait la plus appropriée dans les circonstances. C’est particulièrement vrai lorsque, comme c’est le cas ici, le décideur administratif ne s’est même pas encore prononcé sur les enjeux soulevés. La norme en matière de contrôle judiciaire est de renvoyer l’affaire pour réexamen par le décideur administratif concerné, et non à la Cour de statuer sur le fond de l’affaire. La Cour d’appel fédérale a fréquemment rappelé qu’il ne revient pas aux cours de justice de substituer leur opinion à celle d’un décideur administratif, mais que leur rôle se limite à contrôler la légalité de la décision (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Yansane, 2017 CAF 48 [Yansane] au para 15; Gauthier c Canada (Procureur général), 2008 CAF 75 au para 48; Ouellette c Canada (Procureur général), 2012 CF 801 au para 34). Ce principe découle de la volonté des cours de justice de laisser une seconde chance aux décideurs administratifs de se prononcer sur le fond de l’affaire, particulièrement lorsque les questions tombent manifestement dans le champ d’expertise et de spécialisation que le législateur leur a conféré (D’Errico aux para 15-17).

[51]  Dans le présent dossier, la LRTFP établit un régime détaillé pour régler les litiges liés aux conditions d’emploi des employés de la fonction publique fédérale, au moyen d’une procédure de griefs. L’article 236 de la LRTFP empêche d’ailleurs cette Cour de se saisir des questions soulevées par Mme Nosistel et qui font l’objet de ses Griefs. Lorsque la loi prévoit un processus administratif qui consiste en une série de décisions et de recours, il doit être suivi jusqu’au bout, à moins de circonstances exceptionnelles, avant de demander aux cours de justice d’intervenir. Les parties doivent épuiser toutes les voies de recours utiles lorsque le législateur a confié le pouvoir de prendre des décisions à des décideurs administratifs plutôt qu’aux tribunaux judiciaires: « […] à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui-ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés » (Canada (Agence des services frontaliers) c CB Powell Limited, 2010 CAF 61 [CB Powell] au para 31). Mme Nosistel ne peut donc pas contourner la procédure de griefs prévue par la LRTFP et la Convention par le biais de sa demande de contrôle judiciaire (Vaughan c Canada, 2005 CSC 11 [Vaughan] aux para 30-40; Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10 au para 52; Alliance de la fonction publique du Canada c Canada (Conseil du trésor), 2001 CFPI 568 au para 65, conf par 2002 CAF 239).

[52]  Ce principe, connu sous le nom de la doctrine de l’épuisement des recours administratifs, milite en faveur de la non-ingérence des cours de révision dans le processus administratif de règlement des griefs (CB Powell aux para 30-31). Ce principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire ou prématuré a notamment été reconnu eu égard à la procédure de griefs articulée à la LRTFP. Dans l’affaire Vaughan, la Cour suprême a ainsi affirmé que « les tribunaux nuisent à l’efficacité des relations de travail lorsqu’ils se placent en concurrence avec le mécanisme prévu par la loi » (Vaughan au para 37); les tribunaux doivent plutôt « s’en remettre à la procédure de règlement des griefs prévue à la LRTFP » (Vaughan au para 33).

[53]  Je reconnais que ce principe de l’épuisement des recours admet certaines exceptions. Toutefois, les situations autorisant à mettre de côté cette règle générale ont une portée étroite étant donné le seuil élevé du critère permettant de qualifier une circonstance d’exceptionnelle (CB Powell au para 33). Les circonstances exceptionnelles peuvent surgir dans les très rares décisions où une cour accorde un bref de prohibition ou une injonction contre des décideurs administratifs avant ou une fois que le processus administratif est entamé. À l’opposé, des préoccupations soulevées au sujet de l’équité procédurale ou de l’existence d’un parti pris ou de partialité « ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant aux parties de contourner le processus administratif dès lors que ce processus permet de soulever des questions et prévoit des réparations efficaces » (CB Powell au para 33). Aucune exception permettant d’écarter l’exigence d’épuisement des recours n’existe ici.

(3)  La question du verdict dirigé

[54]  S’appuyant notamment sur l’ordonnance du juge LeBlanc, Mme Nosistel maintient que son dossier devrait tout de même faire l’objet d’un verdict dirigé de la part de la Cour, aux termes duquel la Cour devrait dicter les conclusions et ordonner des mesures correctives à l’image des réparations qu’elle demande. Je ne suis pas d’accord.

[55]  Dans l’affaire McIlvenna c Banque de Nouvelle-Écosse (Banque Scotia), 2017 CF 699 [Banque Scotia], le juge Boswell explique que le pouvoir de la Cour de rendre un « verdict dirigé » découle de l’alinéa 18.1(3)b) de la LCF qui prévoit que la Cour peut, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, « déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées […] toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral » [je souligne]. Cependant, la Cour doit exercer un degré élevé de retenue en donnant des instructions qui s’apparentent à une décision imposée, puisque la Cour pourrait accomplir indirectement ce qu’elle n’a pas la compétence de faire directement dans un contrôle judiciaire, soit substituer sa propre décision à celle du décideur administratif en l’obligeant à tirer une conclusion précise (Banque Scotia au para 56; Turanskaya v Canada (Minister of Citizenship and Immigration) (1995), 111 FTR 314 (CF 1ère inst) au para 6, conf par (1997) 145 DLR (4th) 259 (CAF)).

[56]  Il est bien acquis que la possibilité de rendre un verdict dirigé, parfois aussi appelé verdict commandé ou imposé, demeure « un pouvoir exceptionnel ne devant être exercé que dans les cas les plus clairs » et dans un contexte où les questions à trancher sont suffisamment simples pour permettre de disposer de l’affaire au fond (Canada (Ministre du développement des ressources humaines) c Rafuse, 2002 CAF 31 [Rafuse] aux para 13-14; Freeman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1065 aux para 78-80). La réserve que doit afficher la Cour est d’autant plus requise dans les cas où la question en litige est de nature essentiellement factuelle (Rafuse au para 14). Cette Cour s’est d’ailleurs montrée hésitante à rendre un verdict dirigé lorsque des questions de fait s’avèrent importantes pour la décision à rendre et qu’il y a une ambiguïté dans la preuve (Banque Scotia au para 62; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 757 au para 53; Xin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1339 au para 6). En fait, « [i]l en va ainsi tout particulièrement en ce qui concerne l’admissibilité et l’appréciation des preuves, qui se trouve au cœur même du mandat confié aux décideurs administratifs » (Yansane au para 18).

[57]  Constituent des circonstances exceptionnelles ouvrant la porte à un verdict dirigé les situations où le résultat d’une décision sur le fond est inévitable et où la trame factuelle en cause ne peut déboucher que sur une seule solution (D’Errico au para 16) [je souligne]. S’il y avait un doute quant à la nature fort étroite du créneau offert aux cours de justice pour émettre un verdict dirigé dans des demandes de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale l’a réitéré et reconfirmé tout récemment dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Allard, 2018 CAF 85 [Allard]. La juge Gleason y rappelle que, même si la Cour qui procède à un contrôle judiciaire peut ordonner une réparation à sa discrétion et ordonner un résultat particulier, ce n’est que dans des circonstances bien particulières qu’il convient de donner des directives à un décideur administratif sur la façon de trancher une question qui relève de sa compétence (Allard aux para 44-45; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c LeBon, 2013 CAF 55 aux para 13-14). La juge Gleason ajoute que, même s’il n’est pas possible de catégoriser toutes les situations susceptibles de constituer des circonstances clairement exceptionnelles et propices à une réparation particulière, ce pouvoir discrétionnaire ne devrait être exercé que lorsqu’une seule issue possible raisonnable s’offre au décideur (Allard au para 45) [je souligne]. Dans les cas où, comme en l’espèce, « les questions en litige sont hautement factuelles et nécessitent une expertise spécialisée importante, la cour effectuant le contrôle devrait hésiter à conclure à l’existence d’une seule telle issue » (Allard au para 45).

[58]  Il est manifeste que la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel ne correspond pas à une situation d’exception où le résultat des décisions à venir du SCC sur le fond des Griefs de Mme Nosistel est inévitable, et où une seule interprétation ou solution est envisageable eu égard aux circonstances et à la preuve au dossier. Rien ici ne justifie cette Cour de donner des instructions précises scellant l’issue des décisions à rendre sur les Griefs de Mme Nosistel. En effet, le dossier, tel que constitué, ne permet pas de tirer des conclusions claires et sans équivoques qui permettraient de fixer les réponses à donner sur le fond des récriminations de Mme Nosistel. Tout bien considéré, je ne suis aucunement persuadé que le dossier de preuve sur les Griefs de Mme Nosistel ne peut aboutir qu’à un seul résultat. En fait, puisque les Griefs n’ont pas encore mené à une quelconque décision de la part du SCC, le dossier de preuve est à tous égards incomplet et incertain, et une analyse des arguments soulevés par Mme Nosistel et de la preuve sur le déroulement de l’enquête pourrait conduire à plusieurs avenues de solution possibles.

[59]  Dans le cas de Mme Nosistel, c’est aux personnes investies de l’autorité de décider des griefs qu’il appartient d’abord d’apprécier les preuves pertinentes et de décider si les motifs qu’elle invoque pour contester les Rapports d’enquête et le processus suivi tiennent la route ou non. Une fois que ces décideurs se seront acquittés de leur tâche, la procédure administrative prévue par la loi sera alors épuisée, et ce sera à ce moment que, si elle s’estime lésée, Mme Nosistel pourra introduire une instance en contrôle judiciaire contestant la légalité de ces décisions.

[60]  Je note par ailleurs que Mme Nosistel n’a fourni aucun exemple de précédent où, lorsqu’il existe une procédure de griefs qui n’a pas été proprement utilisée et qui n’a pas encore débouché sur une décision sur le mérite des griefs en cause, l’affaire n’aurait pas été renvoyée au décideur administratif pour que celui-ci puisse procéder à l’examen du dossier, et où la Cour se serait plutôt interposée et substituée au décideur pour rendre la décision qui lui aurait semblé appropriée. La Cour n’en a trouvé aucun non plus.

(4)  La portée de la procédure de griefs et les « conditions d’emploi »

[61]  Je m’arrête un moment pour traiter du nouvel argument présenté par Mme Nosistel à l’audience devant cette Cour, soit l’allégation voulant que la procédure de règlement des griefs prévue aux articles 208 et 209 de la LRTFP et à l’article 17 de la Convention ne lui serait pas applicable parce qu’elle serait une personne exclue de cette procédure. Je laisse de côté le fait que Mme Nosistel n’avait jamais soulevé cet argument avant l’audience (ce qui suffirait pour ne pas en traiter), mais je note quand même d’entrée de jeu que Mme Nosistel n’a référé la Cour à aucune autorité appuyant sa position voulant qu’elle ne puisse pas se prévaloir de la procédure de griefs. En fait, dans ses soumissions orales sur le sujet, Mme Nosistel n’a évoqué qu’un article des dispositions transitoires de la LRTFP, soit l’article 49, lequel ne trouve pas vraiment application ici.

[62]  Encore une fois, ce nouvel argument de Mme Nosistel a de quoi surprendre et laisse profondément perplexe. Jamais dans son mémoire de juin 2017 ni dans son avis de demande d’août 2016 Mme Nosistel n’a-t-elle laissé planer ou suggérer que la procédure de griefs vers laquelle elle s’est elle-même tournée à trois occasions ne lui était pas ouverte. Tout au contraire, elle a toujours agi comme si elle pouvait y faire appel. Elle y réfère abondamment dans son mémoire: elle parle d’une « procédure de règlement des griefs qu’elle a suivi avec diligence et dans les délais prescrits » (para 3) et de « griefs formels » (para 117); elle mentionne ses trois Griefs à plusieurs endroits et elle se plaint du refus du SCC de les traiter. Après avoir cité la procédure de griefs à profusion dans ses soumissions écrites, et y avoir eu recours trois fois sans jamais soulever de doute quant à la légitimité du processus ou à l’opportunité d’y recourir, il est pour le moins étonnant de voir Mme Nosistel faire volte-face comme elle l’a fait à l’audience sur ce point.

[63]  À tout événement, je ne souscris pas à la position de Mme Nosistel voulant que le dossier ne pourrait pas être retourné au SCC pour un nouvel examen au motif qu’elle ne serait pas assujettie aux procédures prévues à la LRTFP et à la Convention parce que le poste qu’elle occupait jadis serait exclu de cette procédure de griefs. Comme l’avocate du PGC l’a démontré avec justesse lors de l’audience, la LRTFP et la jurisprudence enseignent plutôt que « le législateur a décidé d’accorder un ‘droit de grief’ relativement à plusieurs questions qui se rapportent aux conditions d’emploi à tous les fonctionnaires, y compris ceux qui ne sont pas représentés par un agent négociateur ni parties à une convention collective » (Chamberlain c Canada (Procureur général), 2015 CF 50 au para 39). Le droit de tout fonctionnaire de présenter un grief est énoncé à l’article 208 de la LRTFP. De plus, l’alinéa 208(1)b) dispose que le fonctionnaire peut déposer un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé « par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi ». Il s’agit d’une disposition qui a une large portée, et qui permet le dépôt d’un grief concernant plusieurs questions relatives aux conditions d’emploi de tout fonctionnaire.

[64]  En d’autres mots, même si le poste de Mme Nosistel était un poste exclu, Mme Nosistel bénéficiait en pratique des mêmes conditions de travail que les autres fonctionnaires de son niveau qui sont couverts par une convention collective, incluant le droit de déposer un grief individuel si elle s’estime lésée par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi (Gagnon c Canada (Procureur général), 2017 CF 373 [Gagnon] aux para 6, 16). Comme l’a bien fait valoir l’avocate du PGC lors de l’audience, il est clair que les articles 208 et 209 de la LRTFP sont ouverts à Mme Nosistel et que les postes exclus des conventions collectives sont couverts par la procédure de griefs. Même le processus d’arbitrage de griefs l’est sauf pour ce qui est de l’exception du paragraphe 209(1) exigeant la participation et l’aval d’un agent négociateur.

[65]  Par ailleurs, il ne fait aussi pas de doute que, contrairement à ce qu’allègue Mme Nosistel, la situation dont elle se plaint est un « fait portant atteinte à ses conditions d’emploi » couvert par l’article 208 de la LRTFP. Le différend à la source de tous les recours entrepris par Mme Nosistel découle de sa relation employeur-employé et du contexte de travail dans lequel œuvrait Mme Nosistel au sein du SCC. Ses plaintes de harcèlement psychologique visaient des collègues de travail et l’environnement de travail prétendument toxique dans lequel elle disait évoluer. Ses récriminations quant à l’équité du processus d’enquête suivi et à la décision de Mme Van Allen acceptant les conclusions des Rapports d’enquête tirent leur raison d’être des conditions d’emploi de Mme Nosistel. Il m’apparaît donc indéniable que les plaintes qui ont fait l’objet de ses Griefs, et qu’elle a articulées et développées elle-même dans ses trois formulaires de grief, constituent des « faits[s] portant atteinte à ses conditions d’emploi » dont elle pouvait se plaindre dans le cadre du régime prévu par la LRTFP et la Convention pour le règlement des griefs.

[66]  La jurisprudence enseigne que la brochette de conflits reliés aux « conditions d’emploi » et pouvant faire l’objet de la procédure de griefs prévue à l’article 208 de la LRTFP est vaste (Bron c Canada (Attorney General), 2010 ONCA 71 aux para 15, 30). Ainsi, la Cour d’appel du Québec a jugé que la notion de grief est très étendue et vise tout fait que le salarié estime lésionnaire ou préjudiciable à ses conditions d’emploi ou de travail incluant, entre autres, les litiges liés au harcèlement, aux menaces, à l’intimidation ou aux atteintes à la réputation (Cyr c Radermaker, 2010 QCCA 389 au para 20; Barber c JT, 2016 QCCA 1194 [Barber] au para 38;  Goulet c Mondoux, 2010 QCCA 468 au para 6). La définition de « condition d’emploi » peut ainsi inclure : 1) des directives sur le réaménagement des effectifs pour des postes jugés « exclus » d’une convention collective, puisque celles-ci seraient une partie intégrante du contrat de travail de l’employé (Appleby-Ostroff c Canada (Procureur général), 2011 CAF 84 aux para 26, 30); 2) les avantages ou services fournis par l’employeur à ses fonctionnaires, tels que des consultations en vertu Politique sur le programme d’aide aux employés (Barber au para 38); ou 3) la cote de fiabilité du fonctionnaire, cette dernière pouvant constituer une condition d’emploi essentielle pour certains postes au sein de l’administration publique centrale (Varin c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2016 CF 213 au para 2).

[67]  Somme toute, il est acquis que la procédure de griefs interne se rapporte à toute circonstance ou question ayant une incidence sur les modalités ou « conditions » de travail, et que cela peut inclure les cas de discrimination, de mauvaise foi ou de harcèlement fondés sur les relations de travail (Green c Canada (Agence des services frontaliers), 2018 CF 414 aux para 11-16; Gagnon au para 16). Certes, Mme Nosistel allègue des manquements à l’équité procédurale dans le processus d’évaluation et d’enquête sur ses plaintes de harcèlement psychologique mais, loin d’être divorcées du cadre de son emploi, ses plaintes y sont au contraire directement et intimement liées. Compte tenu du libellé large de l’article 208, je ne vois pas en quoi ses Griefs ne seraient pas reliés aux conditions d’emploi de Mme Nosistel.

(5)  Les craintes de partialité

[68]  Je ne suis pas non plus convaincu que le manque de confiance et les craintes de partialité évoquées par Mme Nosistel à l’égard du SCC suffisent pour ne pas retourner l’affaire au décideur administratif. Dans Vaughan, la Cour suprême a servi une mise en garde contre le recours aux tribunaux pour court-circuiter la procédure de griefs sans renvoi à l’arbitrage qui y est prévue. Elle a également statué que l’absence de recours devant un décideur indépendant sous le régime de l’ancien article 91 (l’actuel article 208 de la LRTFP) est insuffisante en soi pour justifier l’intervention des tribunaux, autre que dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[69]  De plus, de manière générale, les actes de procédures déposés par Mme Nosistel ne permettent pas d’établir les faits substantiels sur lesquels elle fonde ses multiples allégations de partialité et de mauvaise foi de la part du SCC. La preuve m’apparaît aussi insuffisante pour soutenir l’argument voulant que presque tous les dirigeants du SCC seraient en conflit d’intérêts ou de mauvaise foi vis-à-vis Mme Nosistel. On ne peut pas présumer qu’il existe un conflit d’intérêts dans un contexte de traitement de griefs : la Cour suprême a ouvertement rejeté la thèse voulant qu’il existe un « préjugé institutionnel » dans la mise en œuvre des procédures de règlement des griefs en vertu de la LRTFP par des hauts fonctionnaires, peu importe le ministère ou l’organisme (Vaughan au para 37).

[70]  Il aurait fallu que Mme Nosistel présente des faits qui révèlent un problème de conflit plus particulier et individualisé (comme dans les cas de dénonciateur) pour que d’autres considérations entrent en jeu (Vaughan au para 37). Bien que les Griefs de Mme Nosistel aient fait l’objet d’un traitement inadéquat au sein du SCC, les allégations de partialité, de conflit d’intérêts et de mauvaise foi que tente de faire valoir Mme Nosistel demeurent vagues et imprécises, et se rapportent tant à ses anciens collègues au sein du SCC qu’aux décideurs en l’espèce. Je dois constater que toutes ces questions soulevées par Mme Nosistel sont de nature essentiellement factuelle, et ses allégations de partialité n’autorisent pas, à ce stade, à discréditer tout le processus de règlement des griefs au point de convaincre la Cour de ne pas retourner l’affaire au SCC.

[71]  Cela dit, compte tenu de la nature des allégations avancées par Mme Nosistel dans ses Griefs, des mesures de précaution sont bien sûr de mise pour éliminer la possibilité qu’un futur décideur ait des idées préconçues à l’égard de Mme Nosistel ou de ses Griefs. En l’occurrence, comme le PGC l’a d’ailleurs proposé, l’affaire doit assurément être renvoyée à un décideur n’ayant pas jusqu’à présent été impliqué dans le dossier de Mme Nosistel. Il ne fait aucun doute que Mme Nosistel a droit de bénéficier d’un processus impartial d’examen de ses Griefs, ce que le SCC lui a refusé jusqu’à maintenant.

[72]  C’est précisément ce que l’ordonnance que va rendre la Cour dans le présent jugement lui offrira. La Cour ordonnera donc que la présente affaire soit retournée à un décideur du SCC, indépendant de Mme Nosistel et situé au dernier palier de la procédure de griefs, pour qu’il entende et considère les trois Griefs de Mme Nosistel et les allégations qu’elle veut faire valoir à l’encontre du processus d’enquête ayant mené à la décision du SCC de septembre 2015 acceptant les conclusions des Rapports d’enquête. Mme Nosistel aura alors toute l’opportunité, comme l’a d’ailleurs reconnu l’avocate du PGC lors de l’audience, pour se faire entendre et soulever les manquements à l’équité procédurale et les irrégularités dont elle se plaint et sur lesquels le SCC ne s’est pas encore prononcé. Elle pourra d’ailleurs déposer son dossier et les documents qu’elle croit nécessaires pour contester les manquements allégués dans le processus ayant mené aux Rapports d’enquête et à la décision du SCC d’en accepter les conclusions. Mais elle doit d’abord épuiser ces recours prévus par la procédure de griefs avant de se tourner vers la Cour.

C.  La conversion en action

[73]  La troisième question en litige porte sur la demande de Mme Nosistel de convertir sa demande de contrôle judiciaire en action. Mme Nosistel souhaite que sa cause soit instruite en tant qu’action en vertu du paragraphe 18.4(2) de la LCF au motif qu’elle pourra ainsi obtenir des dommages-intérêts en réparation des dommages « directs et indirects, tant moraux que financiers » qu’elle aurait subis en raison des Rapports d’enquête qu’elle considère injustes et du « congédiement déguisé » qui s’en serait suivi. Mme Nosistel dit qu’elle invoque donc le paragraphe 18.4(2) de la LCF par souci d’efficience (Canada (Procureur général) c TeleZone Inc, 2010 CSC 62 [TeleZone]; Nu-Pharm Inc c Canada (Procureur général), 2010 CSC 65; Canada c Grenier, 2005 CAF 348).

[74]  Je ne suis pas d’accord avec Mme Nosistel, et je ne suis pas convaincu que, dans les circonstances du présent dossier, il y ait lieu d’exercer ma discrétion pour permettre la conversion souhaitée par Mme Nosistel. Et ce, pour des raisons tant de fond que de procédure.

(1)  La conversion n’est pas indiquée en l’espèce

[75]  Sur le fond, la conversion de la présente demande de contrôle judiciaire en action n’est ni indiquée ni équitable dans les circonstances.

[76]  Le pouvoir discrétionnaire d’instruire une demande de contrôle judiciaire en tant qu’action permet de faire exception à la règle générale voulant que les procédures de contrôle judiciaire se déroulent de façon sommaire (Slansky c Canada (Procureur général), 2013 CAF 199 [Slansky] au para 56). Il est en effet bien reconnu que cette Cour n’est généralement pas habilitée à octroyer des dommages-intérêts dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (TeleZone aux para 26, 52). Le paragraphe 18.4(2) de la LCF n’impose pas de limites en ce qui a trait aux considérations que la Cour doit analyser pour invoquer cette exception à la règle. La jurisprudence enseigne d’ailleurs que cette disposition devrait être interprétée de façon large et libérale afin de faire la promotion de l’accès à la justice et de la transparence gouvernementale (Meggeson c Canada (Procureur général), 2012 CAF 175 [Meggeson] au para 38; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Hinton, 2008 CAF 215 au para 44; Drapeau v Canada (Minister of National Defence) (1995), 179 NR 398 (CAF)).

[77]  Ceci étant, une conversion d’un contrôle judiciaire en action ne s’opère pas de plein droit et la Cour n’est investie du pouvoir discrétionnaire de l’accepter que si « elle l’estime indiqué », chaque cas étant tributaire des faits et des circonstances qui lui sont propres (Association des Crabiers Acadiens Inc c Canada (Procureur général), 2009 CAF 357 [Crabiers Acadiens] aux para 35-37). La Cour d’appel fédérale rappelle que cette exception ne peut être invoquée que très rarement, et uniquement dans un contexte où la Cour fait face à des cas d’envergure exceptionnelle (Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 au para 104; Slansky au para 56).

[78]  Ainsi, la conversion d’un contrôle judiciaire en action s’opère dans des rares situations d’exception que la Cour d’appel fédérale a décrites comme suit : 1) lorsqu’une demande de contrôle judiciaire ne fournit pas de garanties procédurales suffisantes lorsqu’on cherche à obtenir un jugement déclaratoire; 2) lorsque les faits permettant à la Cour de prendre une décision ne peuvent pas être établis d’une manière satisfaisante par simple affidavit; 3) lorsqu’il y a lieu de faciliter l’accès à la justice et d’éviter des coûts et des délais inutiles; ou 4) lorsqu’il est nécessaire de remédier aux lacunes qu’une demande de contrôle judiciaire présente en matière de réparation, tel l’octroi de dommages-intérêts (Crabiers Acadiens au para 39).

[79]  Ces situations d’exception n’existent pas dans le dossier de Mme Nosistel. Ce n’est pas un cas où la demande de contrôle judiciaire ne fournit pas de garanties procédurales suffisantes, où les faits permettant à la Cour de prendre une décision ne peuvent pas être établis d’une manière satisfaisante par simple affidavit, et où une conversion en action faciliterait l’accès à la justice et éviterait des coûts et des délais inutiles. De plus, il ne s’agit pas d’un dossier où, considérant la preuve devant elle, la Cour pourrait même considérer l’octroi de dommages-intérêts à ce stade des procédures.

[80]  Le dossier préparé par Mme Nosistel, aussi détaillé soit-il sur le plan de la trame factuelle présentée au moyen de son affidavit d’octobre 2016 et de son mémoire de juin 2017, n’offre aucune preuve qui pourrait permettre à la Cour d’octroyer des dommages-intérêts. En effet, Mme Nosistel n’a déposé aucun témoignage, aucun affidavit ni aucun autre document (outre des allégations vagues et générales et sa propre correspondance) au sujet des dommages-intérêts auxquels elle prétend avoir droit. Rien dans son affidavit du mois d’octobre 2016 ne fait référence ou n’évoque de quelconques dommages qu’elle aurait pu subir ni n’en fournit quelque détail que ce soit. La seule référence se trouve au paragraphe 164 de son mémoire de juin 2017, mais aucune preuve n’est fournie quant aux indemnisations auxquelles Mme Nosistel prétend avoir droit. D’ailleurs, apparemment devenue consciente de cette lacune suite à l’audience devant la Cour, Mme Nosistel a tenté de pallier ce défaut en envoyant à la Cour, après la fin de l’audience, une lettre dans laquelle, entre autres, elle cherchait à étoffer davantage ses réclamations et sa preuve de dommages-intérêts. Ce dépôt tardif de nouveaux éléments de preuve qui n’étaient pas au dossier n’a pas été accepté par la Cour.

[81]  Il s’ensuit que la Cour ne dispose pas des éléments qui lui permettraient de pouvoir décider des dommages-intérêts réclamés par Mme Nosistel. De plus, au risque de me répéter, un régime administratif spécifique existe pour traiter les griefs de Mme Nosistel et les récriminations qu’elle y décline, et il est disponible; Mme Nosistel doit d’abord épuiser les recours qui y sont prévus et obtenir une décision du SCC sur le mérite de ses griefs avant de s’adresser à la Cour pour réclamer des dommages-intérêts qui pourraient résulter d’une faute ou d’un manquement du SCC. Cette procédure administrative de griefs fournit un recours en réparation qui n’a pas encore été entièrement exploité par Mme Nosistel. La cause d’action sous-jacente aux dommages-intérêts que Mme Nosistel souhaite réclamer découle de la démarche qu’aurait empruntée le SCC dans le cadre du processus d’enquête, que Mme Nosistel considère bancale et préjudiciable, et c’est ce qui doit être analysé par le décideur administratif dans le cadre de la procédure de griefs.

[82]  En l’espèce, les remèdes « classiques » dont dispose la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire sont du reste tout à fait appropriés. La Cour se chargera de renvoyer l’affaire au SCC afin que le décideur administratif puisse lui-même veiller à ce que le traitement des Griefs de Mme Nosistel suive son cours selon la procédure prévue à la LRTFP et à l’article 17 de la Convention. Il incombera alors à Mme Nosistel de faire valoir ses prétentions dans le cadre de la procédure de griefs en vertu du régime décrit dans la Convention et la LRTFP.

(2)  L’absence de requête pour la conversion en action

[83]  D’autre part, la demande de conversion en action de Mme Nosistel souffre d’un épineux défaut au plan procédural. Mme Nosistel a décidé d’attendre à la onzième heure pour ajouter cette réclamation et cette conclusion dans son mémoire de juin 2017, à la toute fin de celui-ci (aux para 164-167). Ni son avis de demande d’août 2016 ni le principal affidavit de Mme Nosistel d’octobre 2016 ne mentionnent une telle demande de conversion en action ou ne réfèrent à l’option du paragraphe 18.4(2) de la LCF. De plus, aucune requête sollicitant l’autorisation de la Cour pour instruire la demande de contrôle judiciaire comme s’il s’agissait d’une action n’a été faite par Mme Nosistel.

[84]  Un survol de la jurisprudence enseigne que la conversion d’un contrôle judiciaire en action en vertu du paragraphe 18.4(2) de la LCF se fait normalement par le biais d’une requête présentée avant l’audience sur le fond. Le juge ou le protonotaire qui entend la requête en dispose alors par voie d’ordonnance (Slansky aux para 6-8; Brake c Canada (Procureur général), 2018 CF 484 au para 1; BBM Canada c Research in Motion Limited, 2011 CF 960 aux para 1, 5; Vézina c Canada (Défense), 2011 CF 79 au para 2). Par exemple, dans l’affaire Meggesson devant la Cour d’appel fédérale, l’appelante sollicitait à la fois des recours relevant du droit administratif qui lui auraient permis d’obtenir la réparation pécuniaire qu’elle demandait dans le cadre de la procédure de règlement des griefs et, alternativement, des dommages-intérêts advenant que ses arguments relevant du droit administratif ne soient pas retenus (Meggesson au para 39). Autrement dit, si la cour de première instance concluait que le décideur administratif avait à raison décliné sa compétence pour accorder les indemnités et les prestations perdues qu’elle réclamait dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, l’appelante cherchait alors la possibilité de poursuivre ses demandes pécuniaires devant la Cour fédérale en demandant à la Cour d’instruire sa demande comme s’il s’agissait d’une action (Meggesson au para 28). Or, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il aurait fallu, même dans les circonstances de cette affaire, ajourner l’audience relative à la demande de contrôle judiciaire et ordonner à l’appelante de présenter dans un délai prescrit une requête sollicitant l’autorisation d’instruire la demande comme s’il s’agissait d’une action, à défaut de quoi sa réclamation pécuniaire serait réputée abandonnée dans le cadre de la demande (Meggesson au para 40).

[85]  Je suis d’accord avec le PGC que le véhicule utilisé par Mme Nosistel pour faire sa demande de conversion, soit son mémoire des faits et du droit, n’est pas approprié car il ne fournit en rien les éléments qui pourraient permettre à la Cour de trancher la question des dommages-intérêts. De plus, la Cour ne pourrait accepter une telle demande au stade de l’audition sur le fond et simplement opérer une transformation de la demande de contrôle judiciaire en action afin d’octroyer des dommages-intérêts, sans se trouver alors à nier les droits procéduraux du PGC et l’empêcher de présenter la preuve qu’il pourrait souhaiter déposer en réponse aux allégations de Mme Nosistel à ce chapitre. Ainsi, du côté tant de Mme Nosistel que du PGC, la Cour ne dispose pas d’un dossier et des éléments de preuve qui lui permettraient de décider du bien-fondé des réclamations de dommages-intérêts faites par Mme Nosistel.

[86]  Enfin, je ne peux manquer d’observer que tous les chefs de dommages-intérêts sommairement identifiés par Mme Nosistel renvoient à des considérations hautement factuelles reliées au processus d’enquête sur ses plaintes de harcèlement et aux décisions du SCC qui en découlent, lesquelles débordent largement l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie.

D.  L’affidavit additionnel

[87]  J’ajoute un commentaire sur les documents additionnels que Mme Nosistel a voulu déposer lors de l’audience devant la Cour. Mme Nosistel a tenté de soumettre en preuve un affidavit additionnel au motif qu’il pouvait démentir certaines « allégations » mises de l’avant par le PGC. Il était manifeste des propos de Mme Nosistel que l’affidavit et la preuve additionnelle qu’elle voulait déposer visaient le même objet que l’affidavit supplémentaire dont le protonotaire Morneau avait refusé la production dans son ordonnance du 11 octobre 2017. Cette question d’un affidavit additionnel avait donc déjà fait l’objet d’une ordonnance du protonotaire Morneau, d’une ordonnance du juge Locke confirmant la décision du protonotaire Morneau (Nosistel 2 aux para 18-19) et, depuis l’audience, d’une ordonnance de la Cour d’appel refusant à Mme Nosistel l’autorisation de se pourvoir en appel de ces décisions (Nosistel CAF). Il y a donc encore une fois chose jugée sur cette demande de Mme Nosistel pour déposer une preuve additionnelle : « [u]ne fois tranché, un différend ne devrait pas généralement pas être soumis à nouveau aux tribunaux au bénéfice de la partie déboutée au détriment de la partie qui a eu gain de cause » (Danyluk c Ainsworth Technologies Inc, 2001 CSC 44 au para 18; Régie des rentes du Québec c Canada Bread Company Ltd, 2013 CSC 46 au para 24; Eli Lilly Canada Inc v Teva Canada Limited, 2018 FCA 53 aux para 50-54). Il n’y aucune raison de déroger de cette règle, et la preuve additionnelle que voulait soumettre Mme Nosistel était irrecevable en l’instance.

[88]  Cela dit, je note par ailleurs que Mme Nosistel avait l’opportunité de pouvoir interroger les affiants du PGC sur leurs déclarations si elle considérait celles-ci comme erronées ou trompeuses. Toutefois, Mme Nosistel ne s’est pas prévalue de cette option qui lui était ouverte. Enfin, je rappelle deux choses. D’une part, les considérations factuelles reliées au processus d’enquête sur les plaintes de harcèlement de Mme Nosistel et aux décisions du SCC qui en découlent débordent l’objet de la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie. D’autre part, Mme Nosistel aura aussi la possibilité de faire valoir ces points (et les éléments de preuve qui y sont reliés) lors de la procédure de griefs que le SCC devra maintenant mettre en branle suite aux présents motifs pour considérer les Griefs de Mme Nosistel au mérite.

[89]  Je signale en terminant qu’en s’en prenant comme elle le fait au comportement des procureurs du SCC et du PGC, Mme Nosistel se méprend sur la portée de l’ordonnance du juge LeBlanc. Mme Nosistel reproche en effet au PGC d’avoir repris dans son dossier en défense sa position quant à l’offre de règlement partiel que le juge LeBlanc avait refusé d’accepter. Toutefois, en décidant comme il l’a fait, le juge LeBlanc a simplement conclu qu’un jugement partiel ne portant que sur certains éléments du dossier n’était pas dans l’intérêt de la justice. Il n’a aucunement empêché le PGC de faire valoir ces mêmes arguments devant le juge du fond et de présenter son acquiescement à une partie de la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel comme solution acceptable au litige.

IV.  Conclusion

[90]  Considérant le manque de transparence dont le SCC a fait preuve et l’admission du PGC quant au défaut du SCC de traiter les Griefs de Mme Nosistel, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. L’affaire doit être renvoyée au SCC afin qu’un délégué du Commissaire n’ayant pas été impliqué dans le dossier puisse donner suite aux Griefs de Mme Nosistel aux termes de la LRTFP et de l’article 17 de la Convention, et les traiter conformément à la procédure de griefs en place. Étant donné l’ampleur des délais déjà encourus dans cette affaire, les décisions disposant des trois Griefs devront être des décisions au dernier palier de la procédure de griefs et devront être rendues à l’intérieur d’un délai de soixante (60) jours suivant la date du jugement de cette Cour.

[91]  Cependant, et contrairement aux prétentions de Mme Nosistel, la présente demande de contrôle judiciaire ne porte pas sur les Rapports d’enquête ou sur la décision de septembre 2015 du SCC rejetant ses plaintes de harcèlement. L’objet de la demande concerne l’absence de décisions du SCC relativement aux Griefs, et c’est la seule chose que la Cour doit trancher. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que les conditions soient réunies pour que la Cour prononce le verdict dirigé souhaité par Mme Nosistel et rende les autres ordonnances correctives qu’elle recherche. C’est plutôt au SCC qu’il appartiendra d’évaluer les Griefs de Mme Nosistel et de déterminer si, en regard de la preuve, ses récriminations relatives au traitement de ses plaintes de harcèlement psychologique et au processus ayant mené à la décision de septembre 2015 du SCC sont fondées. Enfin, pour des raisons tant procédurales que de fond, il ne s’agit pas d’une situation où la Cour estime indiqué de convertir la demande de contrôle judiciaire de Mme Nosistel en action.

[92]  Tel que le stipule le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, l’octroi de dépens relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Ici, je suis d’avis que Mme Nosistel a droit à des dépens même si elle n’a que partiellement gain de cause, et j’estime qu’un montant de 1 500$ constitue des dépens adéquats dans les circonstances. Je note au passage que le PGC avait déjà proposé que des dépens de cet ordre soient adjugés à Mme Nosistel dans le cadre de sa requête visant à obtenir un jugement partiel. Cela dit, je ne partage pas l’avis de Mme Nosistel voulant que des dépens plus élevés ou des honoraires extrajudiciaires seraient de mise dans les circonstances. Je ne décèle aucune conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante qui pourrait le justifier. De plus, Mme Nosistel a largement contribué à la lourde confusion qui a obscurci le présent dossier depuis son tout début, en modulant et modifiant la portée de son avis de demande au fur et à mesure que les procédures avançaient devant la Cour, et en faisant fi d’éléments clés contenus à l’ordonnance du juge Roy. Les délais et la multiplication des étapes qui ont plombé l’avancement et la résolution de ce litige ont été causés par les deux parties dans le présent dossier.


JUGEMENT au dossier T-1419-16

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse, Eveda Nosistel, est accueillie en partie;

  2. La décision de la Commissaire adjointe du Service correctionnel Canada rendue en janvier 2016 et celles du Commissaire du Service correctionnel Canada rendues en mars et juillet 2016 sont annulées;

  3. Les griefs soumis par la demanderesse en date du 10 février 2015, du 18 novembre 2015 et du 4 mars 2016 sont retournés au Service correctionnel Canada, au dernier palier de la procédure de griefs, pour que le Service correctionnel Canada, par l’entremise d’un décideur indépendant et impartial n’ayant jamais été impliqué dans le dossier de la demanderesse, procède à leur analyse et rende des décisions en bonne et due forme quant au mérite des questions soulevées par la demanderesse dans ses griefs;

  4. Les décisions sur les griefs de la demanderesse devront être rendues à l’intérieur d’un délai de soixante (60) jours suivant la date du présent jugement;

  5. La demanderesse a droit à des dépens de 1 500 $.

 « Denis Gascon »

Juge


ANNEXE I

Les dispositions pertinentes de la LRTFP se lisent comme suit :

Griefs individuels

Individual Grievances

Présentation

Presentation

Droit du fonctionnaire

Right of employee

208 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

208 (1) Subject to subsections (2) to (7), an employee is entitled to present an individual grievance if he or she feels aggrieved

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

(i) a provision of a statute or regulation, or of a direction or other instrument made or issued by the employer, that deals with terms and conditions of employment, or

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award; or

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

(b) as a result of any occurrence or matter affecting his or her terms and conditions of employment.

Réserve

Limitation

(2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(2) An employee may not present an individual grievance in respect of which an administrative procedure for redress is provided under any Act of Parliament, other than the Canadian Human Rights Act.

[…]

[…]

Renvoi à l’arbitrage

Reference to Adjudication

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

Reference to adjudication

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

209 (1) An employee who is not a member as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(c) in the case of an employee in the core public administration,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(i) demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that Act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, or

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

(ii) deployment under the Public Service Employment Act without the employee’s consent where consent is required; or

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(d) in the case of an employee of a separate agency designated under subsection (3), demotion or termination for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

[…]

[…]

Décision définitive

Binding Effect

Décision définitive et obligatoire

Decision final and binding

214 Sauf dans le cas du grief individuel qui peut être renvoyé à l’arbitrage au titre des articles 209 ou 238.25, la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable en la matière est définitive et obligatoire et aucune autre mesure ne peut être prise sous le régime de la présente loi à l’égard du grief en cause.

214 If an individual grievance has been presented up to and including the final level in the grievance process and it is not one that under section 209 or 238.25 may be referred to adjudication, the decision on the grievance taken at the final level in the grievance process is final and binding for all purposes of this Act and no further action under this Act may be taken on it.

[…]

[…]

Absence de droit d’action

No Right of Action

Différend lié à l’emploi

Disputes relating to employment

236 (1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits — actions ou omissions — à l’origine du différend.

236 (1) The right of an employee to seek redress by way of grievance for any dispute relating to his or her terms or conditions of employment is in lieu of any right of action that the employee may have in relation to any act or omission giving rise to the dispute.

Les dispositions pertinentes de la Convention se lisent comme suit :

Article 17 - Procédure de règlement des griefs

Article 17: grievance procedure

17.01 En cas de fausse interprétation ou application injustifiée présumées découlant des ententes conclues par le Conseil national mixte de la fonction publique sur les clauses qui peuvent figurer dans une convention collective et que les parties à cette dernière ont ratifiées, la procédure de règlement des griefs sera appliquée conformément à la partie 15 des règlements du Conseil national mixte.

17.01 In cases of alleged misinterpretation or misapplication arising out of agreements concluded by the National Joint Council (NJC) of the Public Service on items which may be included in a collective agreement and which the parties to this agreement have endorsed, the grievance procedure will be in accordance with section 15.0 of the NJC By-Laws.

Griefs individuels

Individual grievances

17.02 Sous réserve de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et conformément aux dispositions dudit article, l’employé-e peut présenter un grief contre l’Employeur lorsqu’il ou elle s’estime lésé :

17.02 Subject to and as provided in Section 208 of the Public Service Labour Relations Act, an employee may present an individual grievance to the Employer if he or she feels aggrieved:

 

a) par l’interprétation ou l’application à son égard : soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’Employeur concernant les conditions d’emploi; ou soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale; ou

a. by the interpretation or application, in respect of the employee, of: a provision of a statute or regulation, or of a direction or other instrument made or issued by the Employer, that deals with terms and conditions of employment; or a provision of the collective agreement or an arbitral award; or

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

b. as a result of any occurrence or matter affecting his or her terms and conditions of employment

[…]

[…]

Procédure de règlement des griefs

Grievance procedure

17.05 Pour l’application du présent article, l’auteur du grief est un employé-e ou, dans le cas d’un grief collectif ou de principe, l’Association est l’auteur du grief.

17.05 For the purposes of this Article, a grievor is an employee or, in the case of a group or policy grievance, the Association.

17.06 Il est interdit à toute personne de chercher, par intimidation, par menace de renvoi ou par toute autre espèce de menace, à amener un employé-e s’estimant lésé à renoncer à son grief ou à s’abstenir d’exercer son droit de présenter un grief, comme le prévoit la présente convention.

17.06 No person shall seek by intimidation, by threat of dismissal or by any other kind of threat to cause a grievor or the Employer to withdraw a grievance or refrain from exercising the right to present a grievance, as provided in this collective agreement.

17.07 Les parties reconnaissent l’utilité des discussions informelles entre les employé-e-s et leurs superviseurs et entre l’Association et l’Employeur de façon à résoudre les problèmes sans avoir recours à un grief officiel. Lorsqu’un avis est donné qu’un employé-e ou l’Association, dans les délais prescrits dans la clause 17.15, désire se prévaloir de cette clause, il est entendu que la période couvrant la discussion initiale jusqu’à la réponse finale ne doit pas être comptée comme comprise dans les délais prescrits lors d’un grief.

17.07 The parties recognize the value of informal discussion between employees and their supervisors to the end that problems might be resolved without recourse to a formal grievance. When the parties agree in writing to avail themselves of an informal conflict management system established pursuant to section 207 of the PSLRA, the time limits prescribed in this Grievance Procedure are suspended until either party gives the other notice in writing to the contrary.

[…]

[…]

17.10 La procédure de règlement des griefs comprend trois (3) paliers au maximum. Ces paliers sont les suivants :

17.10 There shall be no more than a maximum of three (3) levels in the grievance procedure. These levels shall be as follows:

a. Palier 1 - premier palier de la direction;

a. level 1: first level of management;

b. Palier 2 - palier intermédiaire de la direction;

b. level 2: intermediate level of management;

c. Palier final - le premier dirigeant ou l’administrateur général ou son représentant autorisé.

c. final level: Chief Executive or deputy head or an authorized representative.

17.11 Aucun représentant de l’Employeur ne pourra entendre le même grief à plus d’un palier de la procédure de règlement des griefs.

17.11 No Employer representative may hear the same grievance at more than one level in the grievance procedure

[…]

[…]

17.17 À tous les paliers de la procédure de règlement des griefs sauf le dernier, l’Employeur répond normalement à un grief dans les dix (10) jours qui suivent la date de présentation du grief, et dans les trente (30) jours si le grief est présenté au dernier palier, sauf s’il s’agit d’un grief de principe, auquel l’Employeur répond normalement dans les trente (30) jours. L’Association répond normalement à un grief de principe présenté par l’Employeur dans les trente (30) jours.

17.17 The Employer shall normally reply to a grievance at any level of the grievance procedure, except the final level, within ten (10) days after the grievance is presented, and within thirty (30) days where the grievance is presented at the final level except in the case of a policy grievance, to which the Employer shall normally respond within thirty (30) days. The Association shall normally reply to a policy grievance presented by the Employer within thirty (30) days.

17.19 La décision rendue par l’Employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs est définitive et exécutoire pour l’employé-e, à moins qu’il ne s’agisse d’un type de grief qui peut être renvoyé à l’arbitrage

17.19 The decision given by the Employer at the final level in the grievance procedure shall be final and binding upon the employee unless the grievance is a class of grievance that may be referred to adjudication.

[…]

[…]

17.24 Lorsqu’un employé fait l’objet d’un licenciement ou rétrogradation motivé déterminé aux termes des alinéas 12(1)c), d) et e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, la procédure de règlement des griefs énoncée dans la présente convention s’applique, sauf que le grief devra être présenté au dernier palier seulement.

17.24 Where the Employer demotes or terminates an employee for cause pursuant to paragraph 12(1)(c), (d) or (e) of the Financial Administration Act, the grievance procedure set forth in this Agreement shall apply except that the grievance shall be presented at the final level only.

[…]

[…]

17.26 L’employé-e s’estimant lésé qui ne présente pas son grief au palier suivant dans les délais prescrits est jugé avoir abandonné le grief à moins que, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, il ait été incapable de respecter les délais prescrits.

17.26 Any grievor who fails to present a grievance to the next higher level within the prescribed time limits shall be deemed to have abandoned the grievance unless, due to circumstances beyond the grievor’s control, the grievor was unable to comply with the prescribed time limits.

Référence

Reference to adjudication

17.27 (a) Lorsqu’un grief a été présenté jusqu’au dernier palier inclusivement de la procédure de règlement des griefs au sujet : de l’interprétation ou l’application d’une disposition de la présente convention ou d’une décision arbitrale s’y rattachant, ou d’un licenciement ou une rétrogradation aux termes des alinéas 12(1)c), d) ou e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, ou d’une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire, et que le grief n’a pas été réglé à sa satisfaction, ce dernier peut être référé à l’arbitrage aux termes des dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de ses règlements d’application.

17.27 (a) Where a grievance has been presented up to and including the final level in the grievance procedure with respect to: the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award; a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty; demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, and the grievance has not been dealt with to the grievor’s satisfaction, it may be referred to adjudication in accordance with the provisions of the Public Service Labour Relations Act and Regulations.

(b) La partie qui soulève une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans le cadre du renvoi à l’arbitrage d’un grief collectif en donne avis à la Commission canadienne des droits de la personne conformément aux règlements.

(b) When an individual or a group grievance has been referred to adjudication and a party to the grievance raises an issue involving the interpretation or application of the Canadian Human Rights Act, that party must, in accordance with the regulations, give notice of the issue to the Canadian Human Rights Commission.

(c) La Commission canadienne des droits de la personne peut, dans le cadre de l’arbitrage, présenter ses observations relativement à la question soulevée.

(c) The Canadian Human Rights Commission has standing in adjudication proceedings for the purpose of making submissions regarding an issue referred to in paragraph (b).

(d) L’alinéa a) ci-dessus n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur : soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique; ou soit toute mutation effectuée sous le régime de cette loi, sauf celle du fonctionnaire qui a présenté le grief.

(d) Nothing in paragraph (a) above is to be construed or applied as permitting the referral to adjudication of an individual grievance with respect to: any termination of employment under the Public Service Employment Act; or any deployment under the Public Service Employment Act, other than the deployment of the employee who presented the grievance.

17.28 Avant de renvoyer à l’arbitrage un grief individuel portant sur une question visée au sous-alinéa 17.27a)(i), l’employé-e doit obtenir l’accord de l’Association de représenter l’employé-e dans la procédure d’arbitrage.

17.28 Before referring an individual grievance related to matters referred to in subparagraph 17.27(a)(i), the employee must obtain the approval of the employee’s bargaining agent to represent the employee in the adjudication proceedings.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1419-16

 

INTITULÉ :

EVEDA NOSISTEL c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 mai 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Eveda Nosistel

 

Pour lA DEMANDERESSE

(EN SON PROPRE NOM)

Kétia Calix

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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