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Date : 20180612


Dossier : IMM-5231-17

Référence : 2018 CF 612

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2018

En présence de monsieur le juge Grammond

ENTRE :

JEAN DUNESSE THELUSMA

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Thelusma, un citoyen haïtien, revendique le statut de réfugié au Canada. Il affirme que son père a été assassiné en raison de son implication politique et qu’il a lui-même fait l’objet de menaces de mort à la suite d’une plainte qu’il a déposée concernant cet assassinat. Il a quitté Haïti en 2011 et a séjourné aux États-Unis jusqu’en juin 2017, date de son arrivée au Canada.

[2]  La Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR] a rejeté sa demande d’asile le 7 novembre 2017. La SPR a estimé que M. Thelusma n’était pas crédible et que sa demande n’avait pas un minimum de fondement.  La principale raison invoquée par la SPR au soutien de cette conclusion est que M. Thelusma n’avait pas précisé, dans sa demande d’asile, le nom du parti politique auquel appartenait son père. La SPR a également conclu que M. Thelusma s’était contredit quant aux circonstances entourant le dépôt d’une plainte. Enfin, la SPR a affirmé que la crédibilité de M. Thelusma était entachée par le fait qu’il n’avait pas pu dire clairement pourquoi il avait fait une demande d’asile aux États-Unis.

[3]  J’estime que la SPR a rendu une décision déraisonnable en se fondant sur des éléments somme toute mineurs pour nier toute crédibilité au demandeur et déclarer que sa demande n’avait pas un minimum de fondement.

I.  Les conclusions relatives à la crédibilité

[4]  Afin de comprendre pourquoi les conclusions de la SPR concernant la crédibilité de M. Thelusma étaient déraisonnables, il est nécessaire de décrire dès le départ les conditions dans lesquelles l’audience s’est déroulée.

[5]  La langue maternelle de M. Thelusma est le créole. Il a appris l’anglais durant son séjour aux États-Unis, mais parle peu le français. Il a donc eu besoin des services d’un interprète. Or, cet interprète n’était pas présent dans la salle d’audience de la SPR. Il était plutôt au téléphone. La lecture de la transcription de l’audience révèle de fréquentes incompréhensions liées aux difficultés de traduction. Le commissaire, qui comprenait visiblement le créole, a dû corriger plus d’une fois la traduction donnée par l’interprète des propos tenus par M. Thelusma. De plus, l’avocate de M. Thelusma a noté que les réponses traduites par l’interprète semblaient beaucoup plus brèves que ce que M. Thelusma avait dit en créole. L’interprète s’est borné à dire que M. Thelusma se répétait.

[6]  À ce propos, l’extrait suivant de la transcription donne une bonne idée de l’atmosphère générale de l’audience :

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

Puis ça c’est arrivé quand, monsieur, le décès de votre papa?

PAR LA PERSONNE EN CAUSE (au commissaire président)

Le jour où il est mort vous parlez, monsieur le commissaire?

PAR L’INTERPRÈTE (au commissaire président)

Allo?

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

Décès de votre père, alors vous pouvez l’interpréter comme vous voulez.

PAR LE CONSEIL (au commissaire président)

J’ai pas entendu qu’est-ce qu’il a dit.

PAR LA PERSONNE EN CAUSE (au commissaire président)

Alors il dit qu’il n’a pas compris la question, monsieur le commissaire.

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

Quand est survenu le décès de votre père?

PAR LA PERSONNE EN CAUSE (au commissaire président)

Le 23 novembre 2011.

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

Pourquoi vous dites le 23 novembre 2011? Pourquoi vous dites – pourquoi vous êtes sûr que c’est le 23 novembre 2011?

PAR LA PERSONNE EN CAUSE (au commissaire président)

Je suis un peu confus, monsieur le commissaire. C’était le 23 novembre 2010.

[7]  Il faut donc, en analysant le témoignage de M. Thelusma, se garder de sauter aux conclusions et considérer que ce qui peut paraître une contradiction ou une réticence peut simplement s’expliquer par les difficultés de traduction.

A.  L’appartenance du père de M. Thelusma à un parti politique

[8]  J’estime tout d’abord que la SPR ne pouvait raisonnablement conclure à l’absence de crédibilité de M. Thelusma en raison de son incapacité à nommer le parti politique auquel son père a été associé.

(1)  Le déroulement de l’audience et la décision de la SPR

[9]  Dans son formulaire de fondement de demande d’asile [FDA], M. Thelusma a affirmé que son père était un partisan d’un politicien nommé Jean Renel Sénatus et que celui-ci était l’adversaire d’un autre politicien nommé Jude Destiné. À l’audience devant la SPR, le commissaire a interrogé M. Thelusma au sujet du parti politique auquel son père appartenait. Alors que M. Thelusma mentionnait les noms de MM. Sénatus et Destiné, le commissaire a tenu les propos suivants :

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

C’est pour ça que je vous ai demandé est-ce que Jude Destiné, c’est un parti ou bien Jean Renel Sénatus, est-ce un parti? C’est quoi?

PAR LA PERSONNE EN CAUSE (au commissaire président)

Alors, ils faisaient partie d’un parti politique différent, chacun. Alors comme ça, ils étaient face à face, toujours en train de se battre.

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

Vous voyez là encore, vous me donnez raison. Vous n’avez jamais accouché, monsieur, vous ne répondez pas.

Mais de quel parti s’agit-il, monsieur? De quel parti s’agit-il?

Le fondement de votre histoire, mais je l’ai lu, le fondement de cette – de votre histoire c’est que votre papa faisait partie d’un parti politique. Vous n’avez jamais indiqué de quel parti qu’il s’agit.

[10]  M. Thelusma a ensuite mentionné que M. Sénatus était un « Zokiki ». Interprétant cette affirmation comme étant le nom d’un parti politique, le commissaire a alors manifesté son incrédulité au cours de l’échange suivant :

PAR LA PERSONNE EN CAUSE (au commissaire président)

Ah le nom du parti c’est Zokiki et jusqu’à présent, Monsieur Sénatus est sénateur et c’est toujours le même nom.

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

Monsieur, monsieur, donne-moi la preuve qu’il y a un parti en Haïti, un parti politique qui s’appelle Zokiki.

PAR LA PERSONNE EN CAUSE (au commissaire président)

Vous pouvez faire une recherche Google, puis vous allez voir le parti Zokiki.

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

Bon monsieur, c’est pas à moi de faire votre recherche pour vous. Alors, vous devez me montrer qu’il y a un parti politique en Haïti qui s’appelle Zokiki et Jean Renel Sénatus est le parti -- le député, c’est bien ça que vous dites? Jean Renel Sénatus est le député du parti Zokiki, c’est ça?

PAR LA PERSONNE EN CAUSE (au commissaire président)

Alors l’omission vient du fait que même quand j’avais omis de mettre Zokiki ou Unité, j’ai mis quand même le représentant de ces deux partis là. J’ai omis des mettre juste comme ça, mais en mettant Jean Renel Sénatus ou bien Jude Destiné, on allait pouvoir comprendre ce que je voulais dire.

[11]  Le commissaire a ensuite énoncé ses conclusions en des termes qui ne laissent aucune place à l’ambiguïté :

PAR LE COMMISSAIRE PRÉSIDENT (à la personne en cause)

Bon monsieur, vous me dites selon votre histoire là, je vais le lire, pour vous montrer la grossièreté de cette omission et incohérence.

« En 2010 – je lis de votre récit là – en 2010, mon père fût le vice-président d’un parti politique en Haïti. Il allait toujours porter des informations à des – et des commissions pour le député Monsieur Jean Renel Sénatus. Ce parti aurait pour opposant le député Jude Destiné. »

Alors, vous voulez me faire croire que votre papa a été tué parce qu’il était vice-président d’un parti que vous n’avez jamais cité dans votre FDA.

[12]  La décision rendue par la SPR reflète ces interventions du commissaire. En substance, la SPR indique que l’existence du parti politique auquel son père était affilié était au centre de la demande d’asile de M. Thelusma. La SPR estime que M. Thelusma aurait dû mentionner le nom de ce parti politique dans sa demande et lors de son témoignage. La SPR indique en outre que le cartable national de documentation concernant Haïti ne révèle pas l’existence d’un parti politique portant le nom de « Zokiki ».

(2)  L’information disponible au sujet de l’affiliation de M. Sénatus

[13]  Le cartable national de documentation au sujet d’Haïti, tenu à jour par le service de recherche de la CISR, contient deux documents qui établissent que M. Sénatus est bel et bien un politicien haïtien, élu au Sénat en 2015 (http://‌psephos.adam-carr.net/‌countries/‌h/haiti/‌haiti2015senate.txt; http://www.oas.org/documents/eng/press/Informe-Final-Haiti-CP-2017-ENG.pdf). L’un de ces documents mentionne que M. Sénatus s’est présenté sous la bannière « LIDE ». Il est apparemment le seul candidat à s’être présenté sous cette bannière lors des élections sénatoriales de 2015.

[14]  Ces informations étaient à la disposition de la SPR au moment de l’audience.

(3)  La pertinence du nom du parti politique

[15]  Quelles sont les conséquences de ces informations sur l’évaluation de la crédibilité de M. Thelusma par la SPR? En substance, la SPR a exigé que M. Thelusma soit au courant du nom du parti politique auquel son père était affilié en 2010. Puisque celui-ci ne le savait pas, la SPR a conclu que son récit n’avait aucune crédibilité. Bien qu’une telle déduction puisse se justifier dans un contexte canadien, je crois qu’elle est déraisonnable dans un contexte haïtien (Valtchev c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), 2001 CFPI 776 aux paragraphes 6 à 8).

[16]  L’un des documents qui figurent dans le cartable national de documentation au sujet d’Haïti est une étude réalisée en décembre 2016 par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides au sujet des principaux partis politiques d’Haïti. Cette étude affirme d’entrée de jeu que les partis politiques haïtiens sont « innombrables et volatils ». Ainsi,

En mai 2013, le journal Le Nouvelliste a publié une liste de 121 partis reconnus par le Ministère de la Justice. Le professeur Franklin Midy en a dénombré 144 enregistrés, dont 41 ayant un nom créole. Selon lui, un grand nombre d’entre eux sont des partis dévoués au service d’une famille, ou d’un leader unique, tandis que d’autres fonctionnent comme des sociétés anonymes privées.

(Source ‌: https://‌www.ofpra.gouv.fr/‌sites/default/files/‌atoms/files/‌1612_hti_partis_politiques_0.pdf, page 3, références omises)

[17]  De plus, cette étude mentionne que les députés ou les candidats ont une faible allégeance face à leur parti. Ils changent souvent de parti d’une élection à l’autre. En outre, cette étude ne mentionne pas de parti nommé « LIDE » dans la liste des principaux partis politiques actuellement représentés dans les institutions politiques, ni parmi ceux qui ont participé aux élections présidentielles de 2006, de 2010-2011 et de 2015-2016. La seule déduction que l’on peut raisonnablement tirer de tout ceci est que M. Sénatus n’est pas associé à l’un des principaux partis politiques d’Haïti et que le parti sous la bannière duquel il s’est présenté en 2015 est sans doute un parti marginal.

[18]  Que conclure de tout ceci? En 2010, alors que M. Thelusma était âgé de 20 ou de 21 ans, devait-il connaître le nom du parti de M. Sénatus, avec qui son père collaborait? La preuve ne révèle pas quel était ce parti politique. Tout ce que nous savons, c’est que cinq ans plus tard, M. Sénatus s’est présenté sous la bannière d’un parti plus ou moins marginal. Ce parti existait-il en 2010? M. Sénatus y était-il alors affilié? Rien ne permet de le supposer. Dans ce contexte, il est sans doute normal que M. Thelusma ait eu pour réflexe de décrire l’implication politique de son père en renvoyant au nom du candidat que celui-ci soutenait plutôt qu’en nommant un parti politique.

[19]  Le fait que M. Thelusma ait répondu « c’est un Zokiki » après que le commissaire lui ait plusieurs fois demandé le nom du parti politique de M. Sénatus, rend-il M. Thelusma non crédible? Je ne crois pas. Il faut garder à l’esprit les difficultés de traduction qui affectaient l’audience. Il se peut que le concept de parti politique ait mal été traduit. Il se peut également que, face à l’impatience manifeste du commissaire, M. Thelusma ait instinctivement mentionné un mot qui, pour lui, évoquait l’identité politique de M. Sénatus.

[20]  Bref, à mon avis, il était tout à fait impossible de conclure que M. Thelusma n’était pas crédible sur le seul fondement de son incapacité à identifier le parti politique auquel son père était associé ou de sa mention du mot « Zokiki » en réponse aux questions du commissaire. La décision de la SPR à cet égard était déraisonnable.

B.  La « contradiction » au sujet du dépôt d’une plainte

[21]  La SPR a également mentionné que M. Thelusma se serait contredit au sujet de la plainte qu’il aurait formulée contre les assassins de son père. Avec égards, j’ai du mal à comprendre les explications de la SPR à ce sujet.

[22]  Immédiatement après l’assassinat de son père, M. Thelusma a porté plainte auprès d’un juge de paix. Il a fourni à la SPR une copie du procès-verbal dressé par le juge de paix. Il ignore le nom des personnes qui ont assassiné son père et le procès-verbal ne contient rien à ce sujet. Il affirme que par la suite, il a reçu des menaces de cinq personnes en raison du dépôt de cette plainte. Il ignore également l’identité de ces gens.

[23]  Dans ces circonstances, je vois mal comment la SPR pouvait reprocher à M. Thelusma de ne pas savoir contre qui il avait porté plainte.

C.  Le motif de la demande d’asile aux États-Unis

[24]  La SPR a également reproché à M. Thelusma de ne pas avoir été en mesure de dire précisément pourquoi il avait fait une demande d’asile aux États-Unis. La lecture de la transcription révèle à ce sujet un échange plutôt confus. Encore une fois, il est nécessaire de rappeler que les questions du commissaire n’ont peut-être pas été fidèlement traduites et que M. Thelusma n’a peut-être pas compris que le commissaire souhaitait connaître les motifs invoqués au soutien de la demande d’asile présentée aux États-Unis. En réponse, M. Thelusma a décrit les circonstances de son arrivée aux États-Unis, son emprisonnement par les autorités de l’immigration et le fait qu’on lui ait permis de faire une demande d’asile. Il a signalé qu’il avait fait cette demande en prison, avec la seule aide de ses co-détenus qui ne parlaient pas le créole.

[25]  Je ne crois pas que l’on puisse dire que les réponses de M. Thelusma constituaient une contradiction ou une incohérence.

D.  Sommaire

[26]  Il est vrai que le rôle de la SPR consiste, entre autres, à mettre à l’épreuve la crédibilité des demandeurs d’asile afin de s’assurer de la véracité des faits invoqués au soutien de leur demande. Ce processus est d’autant plus important que le témoignage du demandeur est souvent, par la force des choses, le principal, voire le seul élément de preuve concernant sa crainte de persécution.

[27]  Cependant, ce processus de vérification des faits ne peut se fonder uniquement sur des attentes préconçues du commissaire quant à la connaissance de certains faits très précis. En l’espèce, la décision de la SPR est fondée presque entièrement sur l’incapacité de M. Thelusma de nommer le parti politique dont M. Sénatus était membre en 2010. À la lumière de ce que l’on sait sur la dynamique des partis politiques en Haïti, il était tout à fait déraisonnable d’exiger de M. Thelusma qu’il réponde à cette question et de faire échouer sa demande d’asile pour cette seule raison.

II.  La crainte raisonnable de partialité

[28]  M. Thelusma soutient également que la conduite du commissaire de la SPR lors de l’audience a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[29]  À l’image des juges, les décideurs administratifs doivent être impartiaux. Ils doivent aussi agir d’une manière qui démontre aux parties et au public qu’ils n’ont pas de préjugé. On dit souvent, à cet égard, que la justice doit non seulement être rendue, mais qu’elle doit également paraître être rendue.

[30]  Cette exigence fondamentale est reflétée dans une longue chaîne d’arrêts de la Cour suprême du Canada, la dernière en date étant Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, [2015] 2 RCS 282 [Commission scolaire francophone]. Dans cet arrêt, la juge Abella a affirmé qu’il existe une forte présomption d’impartialité judiciaire et qu’en conséquence, la partie qui prétend qu’un juge a agi de façon partiale est assujettie à un fardeau élevé (aux paragraphes 25-26). Pour décrire le contenu de l’exigence d’impartialité, elle cite les propos du juge Cameron de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud :

L’impartialité est cette qualité du juge de faire preuve d’ouverture d’esprit et d’être prêt à se laisser convaincre sans avoir de parti pris pour l’une ou l’autre des parties, ou sans se laisser influencer par ses propres prédilections, idées préconçues et opinions personnelles — il s’agit là de la pierre angulaire d’un système décisionnel civilisé. 

(Commission scolaire francophone au paragraphe 35)

[31]  L’avocate du défendeur rétorque que M. Thelusma aurait dû se plaindre sur-le-champ de la conduite du commissaire et demander à celui-ci de se récuser. Ne l’ayant pas fait, il serait maintenant forclos d’alléguer la partialité du commissaire. En effet, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de notre Cour affirme qu’une personne qui allègue la partialité d’un décideur administratif doit normalement le faire à la première occasion (Bassila c Canada, 2003 CAF 276 au paragraphe 10; Korki c Canada, 2011 CAF 287 au paragraphe 9; Aloulou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1236 au paragraphe 32; Diallo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 401 au paragraphe 14).

[32]  Dans le cas présent, on peut sans doute tracer un parallèle entre les remarques du commissaire, dont j’ai cité certains extraits plus haut, et les commentaires et la conduite qui ont donné lieu à une crainte raisonnable de partialité dans l’arrêt Commission scolaire francophone. Cependant, étant donné que la conduite du commissaire a donné lieu à une décision déraisonnable sur le fond, il ne m’est pas nécessaire trancher la question, et en particulier de décider s’il existait des circonstances permettant de faire exception à la règle normale selon laquelle il aurait fallu soulever la question devant le commissaire.

[33]  J’estime néanmoins utile d’indiquer que les extraits de l’audience que j’ai cités plus haut ne constituent pas un modèle à suivre. Les membres de la SPR devraient adopter un comportement respectueux des demandeurs, même s’ils doivent nécessairement mettre leur crédibilité à l’épreuve.

III.  Conclusion

[34]  Nous ne savons pas si le récit de M. Thelusma est véridique et s’il revendique l’asile à juste titre. Ce que nous savons, c’est que l’audience devant la SPR ne lui a pas permis de présenter les raisons pour lesquelles il craint d’être persécuté. Le commissaire a fondé son jugement au sujet de la crédibilité de M. Thelusma sur des détails. Il n’a pas apprécié le récit de M. Thelusma dans sa globalité. Une nouvelle audience est donc nécessaire afin d’assurer une juste détermination des questions en litige.

[35]  Pour ces raisons, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à un autre membre de la SPR pour être examinée à nouveau.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2. L’affaire est renvoyée à un autre membre de la SPR pour un nouvel examen;

3. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-5231-17

INTITULÉ :

JEAN DUNESSE THELUSMA c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 mai 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

DATE DES MOTIFS :

LE 12 JUIN 2018

COMPARUTIONS :

Constance Connie Byrne

Pour le demandeur

Émilie Tremblay

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand, Deslauriers avocats

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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