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Date : 20180601


Dossier : IMM-5367-16

Référence : 2018 CF 569

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2018

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

THECLA SENDWA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La demanderesse, Thecla Sendwa (Mme Sendwa), demande le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). La demanderesse a interjeté appel d’une décision d’un agent d’immigration du Haut-Commissariat du Canada au Kenya, qui avait refusé une demande de résidence permanente présentée par la nièce de la demanderesse, et la SAI a rejeté cet appel (la décision). L’appel à l’étude de la SAI était une nouvelle détermination rendue après qu’un appel à la SAI rejeté antérieurement avait été infirmé par le juge Shore dans la décision Sendwa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 216, 39 Imm LR (4th) 328 [Sendwa 1].

II.  Intitulé modifié

[2]  Même si le défendeur est couramment désigné comme le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada, en droit il demeure le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration : Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, au paragraphe 5(2) et Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), au paragraphe 4(1).

[3]  Par conséquent, dans le cadre de ce jugement, l’intitulé de la cause est modifié pour tenir compte du nom du défendeur comme le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

III.  Exposé des faits

[4]  Mme Sendwa est citoyenne canadienne depuis 2014. Elle n’a pas de proches parents au Canada. Elle a fait une demande pour parrainer sa nièce, laquelle est citoyenne de la Tanzanie, au titre de la catégorie du regroupement familial en application de l’alinéa 117(1)h) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR).

A.  La première décision de la SAI

[5]  La première décision de la SAI, rendue par un autre tribunal, a rejeté la demande de parrainage, car les parents de Mme Sendwa étaient tous deux vivants.

[6]  L’argument de Mme Sendwa était que son père ne passerait pas d’examen médical si elle demandait à le parrainer et que sa mère serait par conséquent interdite de territoire à titre de personne à charge accompagnatrice. La SAI a cependant accepté la thèse du ministre voulant qu’il n’y ait pas d’obligation que la catégorie de personnes pour qui un parrainage doit être sollicité avant de considérer tout autre membre de la parenté, aux termes de l’alinéa 117(1)h) du RIPR, doit en fait être admissible au Canada pour être prise en compte aux termes de cet alinéa.

[7]  L’interprétation donnée à l’alinéa 117(1)h) par ce tribunal de la SAI était qu’il « [fait] mention de la capacité d’un répondant de parrainer ses parents ». Il a été convenu que le but de cette disposition n’était pas de traiter de questions d’admissibilité ou d’interdiction de territoire.

[8]  En ce qui concerne l’état de santé et l’admissibilité des parents de Mme Sendwa, la SAI a conclu que le fait qu’ils seraient interdits de territoire n’était qu’hypothétique. Le tribunal a ajouté que « quoi qu’il en soit », étant donné que les parents de Mme Sendwa peuvent être parrainés, sa nièce est exclue de la catégorie du regroupement familial au titre du sous-alinéa 117(1)h)(ii) du RIPR.

B.  La décision dans Sendwa 1

[9]  Devant le juge Shore, Mme Sendwa a affirmé que l’alinéa 117(1)h) du RIPR ne faisait pas partie d’une hiérarchie exigeant que le répondant n’y ait recours uniquement s’il avait premièrement tenté de parrainer des membres de sa parenté pour lesquels les alinéas 117(1)a) à g) s’appliquaient et qu’il n’avait pas réussi. Elle a également soutenu que la SAI avait interprété l’alinéa 117(1)h) du RIPR du point de vue d’un membre de la famille qui pourrait éventuellement être parrainé et non du point de vue du citoyen ou du résident permanent au Canada qui se trouvait sans proche parent au Canada et qui cherchait à parrainer un membre de sa parenté.

[10]  En accueillant le contrôle judiciaire, le juge Shore a conclu qu’une lecture simple des versions française et anglaise du sous-alinéa 117(1)h)(ii) du RIPR « illustre la capacité d’un demandeur à parrainer la demande d’entrée au Canada d’un étranger ». Il a convenu que l’analyse de la demande de parrainage devrait être réalisée du point de vue de la personne qui parraine le membre de la famille et a conclu que le sous-alinéa 117(1)h)(ii) ne traite pas de la recevabilité éventuelle d’un étranger ou de la capacité de l’étranger à être parrainé.

C.  La décision actuelle de la SAI faisant l’objet du contrôle

[11]  Lors du nouvel examen, la SAI a conclu que Mme Sendwa n’aurait probablement pas été admissible financièrement à parrainer le membre de sa famille l’année où elle a fait la demande pour parrainer sa nièce. Le tribunal a conclu toutefois que l’analyse ne s’arrêtait pas là. Si une demande visant à parrainer ses parents avait été présentée, et refusée, Mme Sendwa aurait pu interjeter appel à la SAI en application du paragraphe 63(1) du RIPR. Un tel appel aurait pu être accueilli pour des motifs d’ordre humanitaire en application de l’alinéa 67(1)c) du RIPR. Aux termes du paragraphe 70(1) du RIPR, un agent examinant le dossier d’un étranger aurait été lié par la décision rendue en appel par la SAI.

[12]  En étudiant l’interdiction de territoire possible du père de Mme Sendwa pour motifs sanitaires, la SAI a noté que la décision Sendwa 1 avait examiné les versions anglaise et française du RIPR et avait noté que l’interdiction de territoire n’était pas une question pertinente dans l’examen de la capacité de Mme Sendwa à parrainer ses parents. La SAI a également conclu que si cela était pertinent, Mme Sendwa pouvait se prévaloir des dispositions du RIPR relatives à l’appel et avancer des motifs d’ordre humanitaire qui pourraient justifier la prise de mesures spéciales afin de surmonter une conclusion d’inadmissibilité financière ou d’interdiction de territoire pour motifs sanitaires.

[13]  La SAI a reconnu qu’elle avait reçu la directive d’examiner la question de savoir si Mme Sendwa était (même) admissible à parrainer ses parents (ou en position de le faire). Cependant, puisque Mme Sendwa avait fait la déclaration selon laquelle elle n’avait pas l’intention de parrainer ses parents, le tribunal, à la lumière des éléments de preuve dont il disposait, n’était pas en mesure d’explorer pleinement cette question. La SAI a finalement conclu que Mme Sendwa ne s’était pas acquittée du fardeau de prouver que la décision de l’agent n’était pas valide en droit.

IV.  Le régime législatif concernant le parrainage de membres de la parenté au Canada

[14]  Le régime législatif régissant le parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial est long. Seuls les articles de la LIPR et du RIPR susceptibles d’influer la demande de parrainage de Mme Sendwa sont mentionnés ci-dessous.

A.  Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)

[15]  Le paragraphe 12(1) de la LIPR – Regroupement familial – prévoit que la sélection d’un étranger comme appartenant à la catégorie du regroupement familial se fait en fonction de sa relation avec un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada.

[16]  Le paragraphe 14(2) de la LIPR prévoit ensuite que les règlements peuvent établir et régir des catégories de résidents permanents ou d’étrangers, dont celles visées à l’article 12, et qu’ils peuvent comprendre des dispositions concernant le parrainage, les engagements ainsi que la sanction découlant de leur inobservation.

B.  Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR)

[17]  Le paragraphe 10(4) du RIPR prévoit que la demande faite par l’étranger au titre de la catégorie du regroupement familial doit être précédée ou accompagnée de la demande de parrainage. Autrement dit, l’étranger ne peut pas présenter une demande de visa de résident permanent avant le dépôt d’une demande de parrainage.

[18]  Les paragraphes 70(1) et (2) du RIPR traitent de la délivrance d’un visa de résident permanent et ils indiquent les catégories de personnes qui peuvent demander un tel visa. En général, un agent délivre un visa de résident permanent à un étranger si l’étranger a présenté sa demande à titre de la catégorie du regroupement familial, qu’il a été considéré comme tel et qu’il n’est pas interdit de territoire. L’étranger doit également satisfaire aux critères de sélection applicables et aux autres exigences pour appartenir à la catégorie.

C.  La catégorie du regroupement familial

[19]  L’article 116 confirme que la catégorie du regroupement familial est une catégorie prévue en application du paragraphe 12(1) de la LIPR et que les exigences requises en qualité de membre de la catégorie du regroupement familial pour devenir un résident permanent sont énoncées à la section 1 de la partie 7 – Regroupement familial – qui englobe les articles 116 à 122.

[20]  Le paragraphe 117(1) établit aux alinéas a) à g) diverses relations familiales avec le répondant : « [a]ppartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants... ».

[21]  Les relations figurant aux alinéas a) à g), par leur libellé, peuvent comprendre des membres consanguins de la parenté, tels que « les enfants de l’un ou l’autre des parents du répondant ». Comme le libellé est quelque peu difficile à lire, j’ai exposé les relations en utilisant un langage courant. Pour appartenir à la catégorie du regroupement familial aux termes de ces alinéas, l’étranger doit avoir un lien de parenté avec le répondant en tant que :

  • - un époux, conjoint de fait ou partenaire conjugal;

  • - un enfant à charge;

  • - un parent ou un grand-parent;

  • - un frère ou une sœur de moins de dix-huit ans;

  • - une nièce ou un neveu de moins de dix-huit ans;

  • - un petit-enfant de moins de dix-huit ans;

  • - une personne de moins de dix-huit ans que le répondant compte adopter au Canada.

Le lien d’adoption exige que certaines conditions soient respectées, comme le fait que l’adoption ne vise pas principalement l’acquisition d’un statut en vertu de la LIPR.

[22]  Le présent contrôle judiciaire s’adresse particulièrement à l’alinéa 117(1)h) :

117 (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

h) tout autre membre de sa parenté, sans égard à son âge, à défaut d’époux, de conjoint de fait, de partenaire conjugal, d’enfant, de parents, de membre de sa famille qui est l’enfant de l’un ou l’autre de ses parents, de membre de sa famille qui est l’enfant d’un enfant de l’un ou l’autre de ses parents, de parents de l’un ou l’autre de ses parents ou de membre de sa famille qui est l’enfant de l’un ou l’autre des parents de l’un ou l’autre de ses parents, qui est :

(i) soit un citoyen canadien, un Indien ou un résident permanent,

(ii) soit une personne susceptible de voir sa demande d’entrée et de séjour au Canada à titre de résident permanent par ailleurs parrainée par le répondant.

117 (1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

(h) a relative of the sponsor, regardless of age, if the sponsor does not have a spouse, a common-law partner, a conjugal partner, a child, a mother or father, a relative who is a child of that mother or father, a relative who is a child of a child of that mother or father, a mother or father of that mother or father or a relative who is a child of the mother or father of that mother or father

(i) who is a Canadian citizen, Indian or permanent resident, or

(ii) whose application to enter and remain in Canada as a permanent resident the sponsor may otherwise sponsor.

[23]  Le paragraphe 117(9) – Restrictions – indique les personnes qui ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant. Par exemple, si l’étranger est l’époux du répondant et qu’il a moins de dix-huit ans, il ne sera pas considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial.

[24]  En application de l’article 120, à moins que le répondant ait conclu l’engagement prescrit et que ce dernier soit toujours valide et qu’il satisfasse toujours aux exigences de l’article 133 – Exigences : répondant – un visa de résident permanent ne sera pas délivré au membre parrainé de la catégorie du regroupement familial ou il ne deviendra pas un résident permanent, le cas échéant. La personne peut être parrainée, mais elle ne peut pas recevoir un visa si l’engagement du répondant n’est plus en vigueur.

D.  Répondants

[25]  Les règles concernant les répondants de la catégorie du regroupement familial figurent à la section 3 de la partie 7. Elles englobent les articles 130 à 137. Là encore, seuls les articles qui peuvent être pertinents en l’espèce seront mentionnés.

[26]  Le paragraphe 130(1) prévoit qu’afin de parrainer un étranger comme appartenant à la catégorie du regroupement familial, un répondant doit être un citoyen canadien ou un résident permanent qui est âgé d’au moins dix-huit ans et qui réside au Canada. De plus, le répondant doit avoir rempli une demande de parrainage à l’égard d’un membre de la catégorie du regroupement familial conformément aux exigences de l’article 10 qui porte sur la forme et le contenu d’une demande.

[27]  Le paragraphe 130(3) prévoit que le répondant qui est devenu résident permanent ou citoyen canadien après avoir été parrainé à titre d’époux ne peut pas parrainer un étranger comme appartenant à la catégorie du regroupement familial à titre d’époux à moins d’avoir été un résident permanent, un citoyen canadien ou une combinaison des deux, pendant au moins les cinq ans précédant le dépôt de sa demande de parrainage.

[28]  L’article 133 porte l’en-tête « Exigences : répondant ». Le paragraphe 133(1) requiert la preuve que, de la date du dépôt de la demande jusqu’à celle de la décision, le répondant respecte certaines exigences, notamment qu’il :

  • - satisfaisait aux exigences de l’article 130 (était âgé d’au moins 18 ans, était citoyen canadien ou résident permanent, avait déposé une demande de parrainage conformément à l’article 10);

  • - avait l’intention de remplir les obligations qu’il a prises dans son engagement;

  • - n’a pas fait l’objet d’une mesure de renvoi;

  • - n’a pas été détenu dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction;

  • - n’a pas été déclaré coupable, sous le régime du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, des diverses infractions énoncées, à moins que la réhabilitation – sauf révocation ou nullité – ait été octroyée – ou un verdict d’acquittement a été rendu en dernier ressort à l’égard de l’infraction ou que plus de cinq ans se sont écoulés depuis la fin de la peine imposée;

  • - n’a pas manqué, soit à un engagement de parrainage, soit à une obligation alimentaire imposée par un tribunal, soit au remboursement d’une créance dont il est redevable à Sa Majesté du chef du Canada;

  • - n’a pas été un failli non libéré;

  • - n’a pas été bénéficiaire d’assistance sociale, sauf pour cause d’invalidité.

[29]  Comme le démontre la liste ci-dessus, les exigences relatives au parrainage comprennent une stabilité financière suffisante pour supporter le membre de la catégorie du regroupement familial parrainé ainsi que les membres de sa famille, le cas échéant. Sont particulièrement importantes pour la demande de Mme Sendwa, les exigences de la division 133(1)j)(i)(A) prévoyant que pour parrainer sa nièce, elle devrait avoir un revenu total au moins égal à son revenu vital minimum (tel que défini à l’article 2 du RIPR), tandis que pour parrainer ses parents, Mme Sendwa devrait avoir un revenu total au moins égal à son revenu vital minimum, majoré de 30 % : subdivision 133(1)j)(i)(B)(I).

[30]  L’article 134 établit les règles de calcul du revenu qui doivent être utilisées pour déterminer le revenu total d’un répondant. Les règles sont détaillées. Essentiellement, le répondant doit fournir un avis de cotisation établi par le ministre du Revenu national pour l’année d’imposition précédente, duquel seront déduites diverses allocations ou toute somme au titre de l’assistance sociale reçues d’une province ou du gouvernement du Canada. Si toutefois le répondant parraine un parent ou un grand-parent, les avis de cotisation pour chacune des trois années d’imposition consécutives précédant la date de dépôt de la demande de parrainage doivent alors être produits.

[31]  Avant qu’une décision ne soit rendue sur la demande, un agent peut exiger des éléments de preuve du revenu à jour si plus de douze mois se sont écoulés depuis que la demande de parrainage a été déposée.

[32]  Comme il a été mentionné précédemment, les dispositions législatives traitant de la personne qui peut être parrainée comme appartenant à la catégorie du regroupement familial et de la personne qui peut agir à titre de répondant sont détaillées. La capacité financière du répondant est importante, tout comme son observation des dispositions de la LIPR et du Code criminel.

V.  Questions en litige

[33]  Au cours de l’audience, Mme Sendwa a abandonné trois de ses arguments. Elle n’a défendu aucun argument de partialité institutionnelle par la SAI et n’a plus demandé de jugement déclaratoire. La question de savoir si la préclusion s’appliquait a également été retirée.

[34]  Après l’audition de l’affaire, Mme Sendwa a envoyé une correspondance concernant son allégation de partialité. Le ministre n’a pas envoyé de commentaire à la Cour à propos de cette correspondance. À l’examen de cette correspondance, la Cour ne considère pas que la partialité institutionnelle devrait être examinée davantage. Mme Sendwa a fourni des extraits de correspondance du vice-président de la SAI relativement à la formation d’un tribunal composé de trois commissaires dans une affaire visée par l’alinéa 117(1)h). Ces extraits, lorsqu’ils sont lus dans leur ensemble, ne démontrent pas de partialité institutionnelle ou personnelle. Il est clairement énoncé dans les extraits fournis que [traduction] « c’est au tribunal de décider comment traiter cela en fin de compte ». Il est convenu que la communication du vice-président demandait des recommandations relativement à des commissaires pour siéger sur un tribunal de trois personnes qui étaient [traduction] « appropriées pour cette tâche » en ce qui a trait à l’alinéa 117(1)h). Cela ne constitue pas une preuve de partialité. Puisque la question envisagée est une question d’interprétation, il est tout à fait raisonnable qu’un tribunal administratif tente de mettre ceux de ses commissaires qui conviennent le plus pour une telle fonction sur un tel tribunal. De même, le fait que le vice-président dise qu’il [traduction] « rédigerait un ensemble de motifs sur cette question » ne constitue pas la preuve de jugement préalable de la question en litige par l’institution. Par ailleurs, aucun des extraits fournis à la Cour n’avait été envoyé par le commissaire du tribunal dont la décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire et le simple fait qu’une correspondance ait été envoyée entre le commissaire qui a entendu l’appel de Mme Sendwa à la SAI et le conseiller juridique de la Commission ne suggère pas raisonnablement qu’il avait arrêté son opinion ou qu’il était partial. Pour ce motif, en plus du fait que les plaidoiries orales avaient déjà été entendues, la correspondance de Mme Sendwa du 15 juillet 2018 ne sera pas traitée davantage.

[35]  Tel qu’il a été établi à l’audience, Mme Sendwa fait valoir que les questions faisant l’objet du contrôle judiciaire sont les suivantes :

  1. La décision doit-elle être annulée puisque le commissaire du tribunal de la SAI était partial?

  2. La SAI a-t-elle refusé adhérer à la doctrine du stare decisis?

  3. La SAI a-t-elle mal interprété ou mal appliqué les dispositions législatives?

[36]  Le ministre fait valoir que la seule question à trancher est de savoir si la décision était raisonnable.

[37]  La question de savoir si la décision est raisonnable comprend une évaluation des autres questions présentées par Mme Sendwa ainsi que de divers arguments qu’elle a avancés au soutien d’une interprétation législative différente de celle de la SAI.

VI.  La norme de contrôle

[38]  Le traitement de l’allégation de partialité par la SAI est susceptible de révision en regard de la norme de la décision correcte puisqu’il s’agit d’une question d’équité procédurale (Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79, [2014] 1 RCS 502).

[39]  La norme de contrôle de la décision par la SAI a été précisée dans la décision Sendwa 1 comme étant la norme de la décision raisonnable, car la SAI interprétait sa loi constitutive. Néanmoins, l’avocat de Mme Sendwa a fait valoir que chacune des trois questions en litige qu’elle avait identifiées comprenait des erreurs de droit et qu’elles devaient faire l’objet d’un contrôle judiciaire en regard de la norme de la décision correcte.

[40]  La Cour suprême du Canada a clairement établi dans plusieurs affaires récentes que lorsqu’un tribunal administratif interprète sa loi constitutive, il y a une présomption réfutable que la norme de contrôle soit la norme de la décision raisonnable : Wilson c. Énergie Atomique du Canada Ltée, 2016 CSC 29, [2016] 1 RCS 770; Edmonton (Ville) c. Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd., 2016 CSC 47, [2016] 2 RCS 293; Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, [2015] 2 RCS 3.

[41]  Il y a quatre catégories en vertu desquelles la présomption peut être réfutée. Celles-ci sont les suivantes : 1) les questions constitutionnelles concernant le partage des compétences; 2) les questions touchant véritablement à la compétence; 3) les questions de droit générales qui sont à la fois d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise de l’arbitre; 4) les questions concernant la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 58 à 61, [2008] 1 RCS 190  [Dunsmuir].

[42]  Mme Sendwa affirme que lorsque la SAI a énoncé que « le législateur n’avait pas l’intention de donner à la décision d’un agent concernant la situation financière du répondant un caractère déterminant quant à la capacité du répondant », elle s’était fondée sur l’existence d’un droit d’appel à la SAI au paragraphe 63(1) de la LIPR. Elle note qu’il n’y a aucune obligation de poursuivre un appel et elle suggère que, par conséquent, lorsque la SAI a décidé qu’il conviendrait de considérer au-delà de la simple inadmissibilité financière à parrainer, la SAI a imposé une obligation d’interjeter appel qui dépassait sa compétence. La présente question en litige est considérée comme une question de droit générale importante, car la LIPR parle d’un droit d’appel, et non d’une obligation d’interjeter appel et d’autres lois contiennent un libellé identique ou similaire.

[43]  Je considère, vu les faits de l’affaire, qu’aucune des conditions qui réfuteraient la présomption d’examen selon la norme de la décision raisonnable n’est présente. Trois des quatre catégories ne sont pas présentes du tout. La seule catégorie possible est la question de savoir si la décision soulève une question de droit générale à la fois d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise du décideur. Même si elle pouvait être d’une importance capitale, l’interprétation de la disposition relative à l’appel de la LIPR et l’application de l’alinéa 117(1)h) du RIPR ne sont pas étrangères au domaine d’expertise du décideur. À moins que la question de droit générale ne soit à la fois d’une importance capitale et étrangère à l’expertise du décideur, la présomption n’est pas réfutée : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654, au paragraphe 46.

[44]  Par conséquent, la norme de contrôle pour toutes les questions autres que l’allégation de partialité est la norme de la décision raisonnable.

[45]  Le caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de celle-ci, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, au paragraphe 47.

[46]  Si les motifs, lorsqu’ils sont lus dans leur ensemble, « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables, les motifs répondent alors aux critères établis dans Dunsmuir » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708.

VII.  Le commissaire du tribunal de la SAI était-il partial?

A.  Arguments de Mme Sendwa

[47]  Même si Mme Sendwa a abandonné plusieurs arguments dès le début de l’audience, elle n’a pas reculé sur sa position selon laquelle un commissaire du tribunal affecté à l’audition de sa nouvelle détermination était partial.

[48]  Avant l’audition de la nouvelle détermination, l’avocat de Mme Sendwa a écrit au président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) demandant la récusation du commissaire du tribunal affecté à l’audition de son appel pour deux raisons. Une raison était que lors d’une conférence préalable à l’audience, le commissaire avait fait référence à la décision Sendwa 1 comme étant « mieux que rien ». L’autre raison était que la CISR avait convoqué un tribunal spécial composé de trois commissaires afin de traiter un autre appel interjeté aux termes de l’alinéa 117(1)h), car la décision Sendwa 1 avait modifié la jurisprudence. Le commissaire affecté à l’audition de la nouvelle détermination de Mme Sendwa faisait également partie de ce tribunal. Mme Sendwa croyait qu’en raison de cette affectation, le commissaire du tribunal serait partial et qu’il essaierait de faire en sorte que la même interprétation soit retenue dans les deux décisions.

[49]  Une fois les plaidoiries orales complétées en l’espèce, l’avocat de Mme Sendwa a déposé une décision rendue par le vice-président de la SAI dans laquelle ce dernier avait conclu qu’après la décision Sendwa 1, il existait des avis partagés dans la jurisprudence au sein de la Cour en ce qui concerne l’alinéa 117(1)h) : Ende c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CanLII 42825, Dossier de la SAI no MB6-07260 (Ende). Elle a fait valoir que, étant donné que la SAI dans la décision Ende avait préféré suivre la jurisprudence de la Cour dans la décision Nguyen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2003 CF 1re inst. 325, 231 FTR 51 (Nguyen) plutôt que la décision dans Sendwa 1, cela appuyait ses allégations de partialité.

B.  La conclusion de la SAI au sujet de la partialité

[50]  Avant d’examiner le fond de la question de la demande de parrainage, la SAI a abordé les allégations d’une perception de partialité, la traitant comme une demande de récusation la visant. Le commissaire a précisé que son choix de mots « mieux que rien » était une tentative de transmettre en langage clair sa crainte que la décision Sendwa 1 laissait sans réponse le rôle et le pouvoir discrétionnaire de la SAI à surmonter l’échec d’un demandeur à satisfaire aux exigences en matière de niveau de revenu nécessaire. La demande d’observations à propos de ce pouvoir discrétionnaire a été faite pour assurer l’équité procédurale aux parties, car le commissaire estimait qu’il s’agissait d’une question laissée sans réponse dans Sendwa 1.

[51]  Le commissaire a également noté que le tribunal formé de trois commissaires n’avait pas encore examiné l’affaire dont il serait saisi, et que cette tâche était différente de celle dont il devait tenir compte dans la nouvelle détermination.

[52]  Après avoir fait référence au critère en matière de partialité énoncé par notre Cour – savoir si une personne raisonnable, bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, penserait que le tribunal était probablement partial (Lawal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 861, au paragraphe 40, 174 ACWS (3d) 1137) – le commissaire du tribunal a conclu que Mme Sendwa n’avait pas présenté d’élément de preuve substantiel qu’il ne statuerait pas sur le pourvoi de manière impartiale et indépendante. Il a rejeté la demande de récusation le visant.

C.  La SAI ne s’est pas révélée partiale

[53]  En tout respect, le fait qu’un autre commissaire de la SAI, qui n’était pas le décideur dans l’affaire dont notre Cour est saisie, ait décidé de ne pas suivre la décision Sendwa 1 ne peut pas, à mon avis, appuyer ou confirmer les allégations de partialité formulées par Mme Sendwa. La décision Ende examine la décision Sendwa 1 en détail. Elle est postérieure d’environ un an à la décision faisant l’objet du contrôle. Ce tribunal de la SAI a préféré, pour les motifs qu’il a énoncés, suivre la jurisprudence de notre Cour exposée dans la décision Nguyen, qui avait pris une approche différente pour interpréter une mouture antérieure de la disposition en litige relative au parrainage dont le libellé diffère légèrement et dont les seuils en ce qui concerne l’âge sont différents.

[54]  Relativement au tribunal composé de trois commissaires, la Cour n’a été saisie d’aucune preuve démontrant qu’un commissaire du tribunal pouvait contrôler, ou être contrôlé, par les autres commissaires du tribunal composé de trois personnes. Rien n’indique non plus que la CISR avait l’intention d’ignorer ou d’infirmer la décision Sendwa 1 en convoquant un tribunal composé de trois commissaires, ce que la Cour a appris ne s’était pas réalisé. L’allégation de Mme Sendwa selon laquelle être un commissaire du tribunal composé de trois personnes porterait préjudice d’une manière quelconque au commissaire affecté à sa nouvelle détermination contre ses observations a été faite sans fondement et elle était de nature purement spéculative.

[55]  À mon avis, la conclusion du tribunal selon laquelle Mme Sendwa n’avait pas présenté de preuve suffisante démontrant qu’il ne statuerait pas sur le pourvoi de manière impartiale et indépendante était correcte.

VIII.  La SAI a-t-elle refusé d’adhérer à la doctrine du stare decisis?

A.  Arguments de Mme Sendwa

(1)  L’admissibilité par rapport à la capacité

[56]  L’argument fondé sur le principe du stare decisis avancé par Mme Sendwa est que la SAI n’a pas évalué son admissibilité financière, comme indiqué dans la décision Sendwa 1. Au lieu, la SAI a parlé de sa capacité à parrainer ses parents et de sa capacité à satisfaire aux exigences de revenu vital minimum pour les parrainages de parents. Il a été suggéré qu’en réalité, la SAI avait réécrit la décision Sendwa 1 et avait ignoré la directive claire qu’elle contenait.

(2)  L’effet de la décision dans Sendwa 1

[57]  De plus, Mme Sendwa a fait valoir que la décision Sendwa 1 avait [traduction] « déjà statué sur la façon d’interpréter l’alinéa 117(1)h) » et, en n’évaluant pas l’admissibilité de Mme Sendwa à parrainer, la SAI avait commis un abus de procédure en l’obligeant à remettre en litige sa plainte devant notre Cour après qu’elle ait déjà été jugée dans Sendwa 1.

[58]  Mme Sendwa était tellement convaincue que la décision Sendwa 1 était la réponse à son souhait de parrainer sa nièce qu’elle avait informé la SAI au moyen d’une lettre datée du 30 juin 2016 qu’aucune audience n’était nécessaire. Le motif était que [traduction] « des éléments de preuve incontournables avaient été présentés à la [SAI] établissant qu’elle était financièrement admissible à parrainer sa nièce même si elle n’était pas admissible à parrainer l’un de ses deux parents ou les deux ». Mme Sendwa a indiqué que la SAI avait simplement à appliquer le RIPR conformément aux motifs donnés dans la décision Sendwa 1. Cette hypothèse semble également avoir contribué au fait que Mme Sendwa n’a pas fourni d’élément de preuve et d’observations à la SAI à propos de la façon dont devrait être traitée la question d’un appel possible à la SAI pour des motifs d’ordre humanitaire afin d’atténuer l’inadmissibilité à parrainer si jugée applicable.

B.  Le principe du stare decisis ne s’appliquait pas à l’évaluation par la SAI de la décision Sendwa 1 lors de la nouvelle détermination.

[59]  Même si les mots « admissibilité » et « capacité » ont une signification différente, aucun d’entre eux n’est employé dans la LIPR ou le RIPR concernant les dispositions en matière de parrainage. À mon avis, en fonction de ces faits et compte tenu du libellé des dispositions législatives et du langage employé dans les motifs de la décision Sendwa 1, l’utilisation de l’un ou l’autre de ces mots n’a aucune incidence.

[60]  Des mots autres que « admissible » ont été utilisés par la Cour dans la décision Sendwa 1 pour expliquer la décision selon laquelle l’alinéa 117(1)h) devait être examiné du point de vue du répondant, et non de celui de l’étranger. Il a été fait mention de la « capacité » d’un demandeur à parrainer un étranger et, en citant un paragraphe de la décision Jordano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1143, 235 ACWS (3d) 1074 (Jordano), « s’il est possible de parrainer » a été souligné. Il a été établi que la SAI n’avait pas tenu compte de la question de savoir si le répondant serait « admissible à parrainer ses parents (ou en position de le faire) » [non souligné dans l’original]. Ces références à d’autres termes pour décider si Mme Sendwa était en position de parrainer ses parents laissent entendre qu’il n’était pas inapproprié de considérer la capacité parallèlement à l’admissibilité.

[61]  Le nœud du problème est que la décision Sendwa 1 n’obligeait pas la SAI à tenir compte uniquement de l’admissibilité, ce qui est l’interprétation à laquelle souscrit Mme Sendwa. Si la décision Sendwa 1 avait émis des instructions ou des directives explicites dans le dispositif formel du jugement obligeant certaines conclusions, la SAI aurait alors été liée par celles-ci; en l’absence d’une telle déclaration explicite, de simples recommandations ou commentaires formulés par la Cour constituent des remarques incidentes que la SAI devrait prendre en compte, mais dont elle n’était pas tenue suivre : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Yansané, 2017 CAF 48, au paragraphe 19, 26 Admin LR (6th) 267 (Yansané). La question certifiée dans l’arrêt Yansané a été reformulée de façon à en écarter la référence aux conclusions de fait. La réponse indiquait ensuite qu’en l’absence d’un verdict dirigé, les motifs et les conclusions du jugement accueillant le contrôle judiciaire lors d’une nouvelle détermination, ainsi que les directives ou instructions explicitement formulées par la Cour dans le dispositif de son jugement, doivent toujours être respectées (voir le paragraphe 27).

[62]  Le dispositif formel dans la décision Sendwa 1 ne contenait aucun énoncé explicite autre qu’il devrait y avoir un tribunal différemment constitué : … [L]a demande de contrôle judiciaire est accordée et doit être réexaminée par un tribunal différemment constitué.

 Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

[63]  Comme je l’expliquerai plus loin, la SAI s’est conformée au raisonnement du jugement de la décision Sendwa 1 voulant que les demandes de parrainage soient examinées du point de vue du répondant, et non du point de vue de l’étranger. La SAI a noté que dans Sendwa 1, la décision antérieure de la SAI avait été [traduction] « prise en défaut. [...] pour ne pas avoir examiné si la demanderesse “était (même) admissible à parrainer ses parents (ou en position de le faire)” ». Par conséquent, le tribunal de la SAI a énoncé que « [à] la lumière de cette conclusion, j’ai axé mon analyse ci-dessous sur la question de savoir si l’appelante serait admissible à parrainer ses parents ou en position de le faire. » C’est précisément ce qu’a fait la SAI, conformément à l’arrêt Yansané. La SAI « [s’est] conform[ée] aux motifs et aux conclusions du jugement accueillant le contrôle judiciaire » et elle a examiné, mais n’était pas liée par elles, les directives et les instructions explicitement énoncées dans le jugement de Sendwa 1 : Yansané, au paragraphe 27.

[64]  La SAI a tenu compte de la nécessité d’examiner l’admissibilité financière de Mme Sendwa. Elle a reconnu que si elle avait parrainé ses parents, Mme Sendwa n’aurait pas satisfait aux exigences financières prévues au RIPR. Elle a noté que Mme Sendwa considérait cela comme étant la fin de l’affaire, mais a conclu, étant donné l’esprit de la LIPR et du RIPR, que le droit de Mme Sendwa d’interjeter appel signifiait que son auto-évaluation n’était pas déterminante.

[65]  À mon avis, la référence isolément de la considération de savoir si Mme Sendwa était « admissible » à parrainer ses parents est, pour reprendre les mots du juge de Montigny dans l’arrêt Yansané, au mieux un commentaire ou une recommandation qui n’est pas contraignant(e). L’analyse au paragraphe 21 de la décision Sendwa 1 indique que la SAI avait rejeté la demande de parrainage « au simple motif que ses parents étaient en vie ». Le paragraphe ajoute ensuite que la SAI n’avait pas examiné la question de savoir si Mme Sendwa « était (même) admissible à parrainer ses parents (ou en position de le faire) » [non souligné dans l’original]. À la suite de quoi elle conclut que « [p]ar conséquent, la décision de la SAI est déraisonnable ». Étant donné que le juge Shore a inclus la référence à « ou en position de le faire », il est raisonnable de prendre l’énoncé du paragraphe 21 comme ne s’agissant pas simplement de l’« admissibilité », mais en fait comme ayant un aspect plus large.

[66]  Étant donné qu’il n’y avait pas d’instruction contraignante dans la décision Sendwa 1, la SAI ne pouvait pas violer le principe du stare decisis. Toutefois, même s’il s’appliquait, la SAI avait tenu compte des questions soulevées dans Sendwa 1 et, comme il est indiqué ci-dessous, elle a raisonnablement conclu que la présence du droit d’interjeter appel signifiait que Mme Sendwa [traduction] « pourrait par ailleurs parrainer » ses parents.

IX.  La SAI a-t-elle raisonnablement interprété et appliqué la Loi?

[67]  Deux arguments principaux ont été soulevés par Mme Sendwa sur la question.

[68]  Le premier porte sur l’énoncé de la SAI selon lequel un droit d’appel signifie que la décision d’un agent n’est pas déterminante. Le second porte sur l’opinion de Mme Sendwa selon laquelle avec les années, les agents d’immigration, la SAI et notre Cour avons tous mal interprété l’article 117 du RIPR afin de créer une hiérarchie des membres de la parenté qui peuvent être parrainés, mais que cette hiérarchie n’existe pas dans la législation.

A.  Le droit d’interjeter appel

(1)  Arguments de Mme Sendwa

[69]  Mme Sendwa affirme que l’existence d’un droit d’interjeter appel à la SAI dans la LIPR ne crée aucune obligation d’interjeter appel. Par conséquent, la suggestion par la SAI que la décision d’un agent d’immigration de refuser une demande présentée au titre de la catégorie du regroupement familial ne soit pas déterminante est contraire à la législation.

[70]  Mme Sendwa fournit deux exemples de situations où la décision d’un agent est déterminante. En application du paragraphe 11(2) de la LIPR, un agent ne peut pas délivrer un visa à un étranger si le répondant ne se conforme pas aux exigences applicables au parrainage de la Loi. En application de la division 133(1)j)(i)(B) du RIPR, la demande de parrainage ne sera autorisée par un agent que si le répondant se conforme à la fourniture du revenu total requis par cette division.

[71]  Mme Sendwa soutient que puisque le paragraphe 63(1) dit « peut interjeter appel », cela donne le droit au répondant d’interjeter appel, mais pas l’obligation d’interjeter appel. De la façon que Mme Sendwa interprète la décision, la SAI a conclu que le droit d’interjeter appel devait être épuisé avant qu’elle ne puisse déterminer si elle ne pourrait pas « par ailleurs parrainer » son père et sa mère.

[72]  Mme Sendwa critique la SAI pour avoir réalisé une analyse superficielle de la législation sur trois alinéas, dans laquelle elle affirme que le commissaire du tribunal avait ignoré les mots, l’esprit et les objectifs de la LIPR, ainsi que l’intention du législateur. Elle indique que le libellé de l’article 133 du RIPR est obligatoire et précis, y compris ses modifications détaillées d’octobre 2013 qui augmentaient le revenu minimum nécessaire de 30 % pour parrainer des parents et doublaient le nombre d’années de responsabilité financière, de 10 à 20 ans.

[73]  Sa plaidoirie conclut en disant que l’objectif de la réunification des familles est miné lorsque, avant de pouvoir parrainer un membre de la parenté en application de l’alinéa 117(1)h), un demandeur est forcé de présenter une demande de parrainage des parents, sachant que le demandeur n’est pas admissible financièrement à les parrainer, pour ensuite interjeter un appel coûteux de l’inadmissibilité financière à la SAI.

(2)  Les arguments du ministre

[74]  La réponse du ministre est que Mme Sendwa a confondu le processus d’interprétation de la réglementation avec le processus de son application aux faits. Lorsqu’il a fait référence à un appel comme étant une façon de déterminer l’admissibilité à parrainer, le ministre affirme que la SAI définissait simplement l’ampleur de la « capacité » du répondeur à parrainer, tel qu’il est indiqué dans la décision Sendwa 1.

(3)  L’interprétation de la SAI du droit d’interjeter appel est raisonnable.

[75]  Contrairement à la croyance de Mme Sendwa, les exemples fournis ne démontrent pas que la décision de l’agent est déterminante. Tant aux termes du paragraphe 11(2) de la LIPR que de la division 133(1)j)(i)(B) du RIPR, un appel à la SAI est disponible. Une fois que la SAI rend une décision, il est possible de présenter une demande de contrôle judiciaire. Selon la question présentée lors du contrôle judiciaire, il peut y avoir une nouvelle possibilité d’interjeter appel de la décision à la Cour d’appel fédérale (CAF) en certifiant une question. Si une décision est rendue par la CAF, alors il y a également une possibilité que la Cour suprême du Canada entende l’affaire. Jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue, la question à l’étude n’a pas été déterminée.

[76]  Le paragraphe 63(1) de la LIPR prévoit précisément que quiconque a déposé une demande de parrainage d’un étranger au titre du regroupement familial a le droit d’interjeter appel d’une décision de ne pas délivrer à l’étranger un visa de résident permanent. Il s’agit en fait de la disposition sur laquelle s’est appuyée Mme Sendwa pour saisir la SAI de l’affaire dans Sendwa 1.

[77]   Mme Sendwa fait valoir qu’un appel est un droit discrétionnaire et non une obligation. Quoi qu’il en soit, il s’agit néanmoins d’une avenue dont elle disposait et qui aurait pu la « placer en position [...] de parrainer ses parents », comme il a été mentionné dans la décision Sendwa 1, au paragraphe 21, surmontant ainsi son inadmissibilité.

[78]  Le fait que Mme Sendwa peut choisir de ne pas interjeter appel, ou que le résultat d’un appel ne favorise pas sa thèse, ne change pas le fait qu’en interjetant appel de la décision de la SAI, elle pourrait être en mesure de parrainer ses parents. La question de savoir si les parents de Mme Sendwa sont admissibles n’est pas une considération à cette étape-ci : Sendwa 1, aux paragraphes 15 et 19.

[79]  La conclusion de la SAI selon laquelle un droit statutaire d’appel offre à un répondant un moyen par lequel le rejet d’un agent de la demande de parrainage peut être renversé est raisonnable. Mme Sendwa a elle-même fait valoir que « par ailleurs », placé au milieu de « pourrait par ailleurs parrainer » signalait une autre manière ou d’autres moyens. Elle cite également la décision Jordano dans laquelle le juge Annis assimile « par ailleurs » à « au titre d’autres dispositions » du RIPR. À mon avis, un appel est une autre manière ou un autre moyen par lequel une demande de parrainage rejetée peut être renversée.

[80]  Pour les motifs qui précèdent, même si elle peut ne pas être l’interprétation qui vient spontanément à l’esprit en examinant la signification de « pourrait par ailleurs parrainer », je suis dans l’incapacité de dire que l’interprétation de la SAI n’appartient pas aux issues possibles acceptables se justifiant au regard des faits et du droit.

B.  Historiquement, l’article 117 n’a pas été mal interprété

[81]  L’alinéa 117(1)h) vise à permettre à un répondant de parrainer un membre de sa parenté, quel que soit son âge. Je désignerai cette personne comme un parent générique. Dans l’alinéa 117(1)h), il y a aussi un groupe de parents énumérés qui comprend tous ces membres de la parenté qui figurent aux alinéas 117(1)a) à g), mais sans les critères limitants de ces alinéas comme l’âge ou la dépendance. Par exemple, l’alinéa 117(1)b) énonce que l’enfant à charge du répondant appartient à la catégorie du regroupement familial. Cependant, à l’alinéa 117(1)h), la référence vise simplement un enfant; il n’y a pas de mention voulant que l’enfant soit à charge. J’appellerai ce groupe les parents énumérés.

[82]  La nièce de Mme Sendwa ne pouvait pas être admissible à titre de membre de la catégorie du regroupement familial aux termes du sous-alinéa 117(1)f)(ii), car elle avait plus de dix-huit ans et son père et sa mère étaient vivants. Par conséquent, pour être parrainée à titre de membre de la catégorie du regroupement familial, elle devait appartenir à la catégorie d’un parent générique, tel qu’il est prévu au sous-alinéa 117(1)h)(ii), dont les parties pertinentes dans son cas sont les suivantes :

117 (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

h) tout autre membre de sa parenté, sans égard à son âge, à défaut  … de l’un ou l’autre de ses parents, qui est :

(i) soit un citoyen canadien, un Indien ou un résident permanent,

 (ii) soit une personne susceptible de voir sa demande d’entrée et de séjour au Canada à titre de résident permanent par ailleurs parrainée par le répondant.

117 (1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

(h) a relative of the sponsor, regardless of age, if the sponsor does not have . . . a mother or father . . .

(i) who is a Canadian citizen, Indian or permanent resident, or

(ii) whose application to enter and remain in Canada as a permanent resident the sponsor may otherwise sponsor.

(1)  La thèse de Mme Sendwa

[83]  Mme Sendwa soutient qu’au fils des ans, depuis la décision Nguyen, l’interprétation de l’alinéa 117(1)h) tant par la SAI que par notre Cour, a été fautive. La jurisprudence a laissé entendre qu’il y avait une hiérarchie de membres de la parenté qu’elle doit épuiser avant de pouvoir parrainer sa nièce non orpheline âgée de plus de 18 ans. Mme Sendwa fait valoir qu’en tirant la conclusion selon laquelle elle devait d’abord tenter de parrainer ses parents avant de pouvoir parrainer sa nièce, la SAI avait réécrit l’article 117 et elle l’a fait sans appliquer les principes d’interprétation des lois.

[84]  Dans la décision Sendwa 1, Mme Sendwa a fait valoir que la SAI avait adopté erronément l’argument du ministre selon lequel l’alinéa 117(1)h) illustre la capacité du répondant à parrainer quelqu’un et qu’il ne vise pas la question de l’admissibilité ou de l’inadmissibilité.

[85]  Même si elle a réussi à faire renvoyer l’affaire afin qu’une nouvelle détermination soit rendue, Sendwa 1 énonce clairement que ni la version française, ni la version anglaise de la disposition illustre l’admissibilité possible d’un étranger ou sa capacité à être parrainé : Sendwa 1, au paragraphe 19. Cela ne veut pas dire que l’admissibilité n’est pas pertinente dans le régime législatif global; elle est prise en considération dans le cadre de la demande de l’étranger qui doit être présentée conformément au paragraphe 11(1) de la LIPR. Aux termes du paragraphe 11(1), un agent peut délivrer le visa de résident permanent (ou autre) s’il est convaincu que l’étranger n’est pas inadmissible et qu’il se conforme aux exigences de la Loi.

[86]  À la suite de la décision Sendwa 1, Mme Sendwa semble maintenant dire qu’une fois qu’il est déterminé qu’elle est financièrement inadmissible à parrainer ses parents, elle a le droit de parrainer n’importe quel membre de sa parenté. Si cela n’est pas le cas, elle affirme alors qu’une hiérarchie incorrecte a été créée.

[87]  Mme Sendwa a fait valoir, dans le cadre de son dossier de demande, les arguments qui ont été présentés par les deux parties dans la décision Sendwa 1. Tout comme elle avait fait valoir dans la décision Sendwa 1, Mme Sendwa affirme qu’une hiérarchie incorrecte a été créée depuis la décision Nguyen, car l’alinéa 117(1)h) ne limite pas son parrainage à un cas où elle n’a pas de père et de mère à parrainer. En fait, elle soutient qu’après une lecture attentive de l’alinéa 117(1)h), le sens ordinaire est qu’elle peut parrainer sa nièce.

[88]  Pour en venir à cette interprétation, Mme Sendwa affirme que si aucun membre de la parenté n’était admissible à habiter au Canada à titre de citoyen canadien, de résident permanent ou d’Indien aux termes de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, ch. I-5, comme il est énoncé au sous-alinéa 117(1)h)(i) du RIPR, tout autre parent pourrait alors être parrainé en vertu de l’alinéa 117(1)h). Elle affirme que la fausse interprétation alléguée a sa source dans la fausse interprétation de la phrase « par ailleurs parrainée » du sous-alinéa (ii).

(2)  Les arguments du ministre et l’argument de Mme Sendwa en réponse à cet argument

[89]  S’appuyant sur le principe du stare decisis, le ministre affirme que l’interprétation de ce qui est maintenant l’alinéa 117(1)h), qui se trouvait à l’origine à l’alinéa h) de la définition du paragraphe 2(1) « parent » (Règlement de 1978 sur l’immigration, DORS/78-172 [Règlement de 1978], a été appliquée de façon constante par la SAI depuis sa création en 2003 jusqu’à la décision Sendwa 1.

[90]  Le ministre affirme que les deux sous-alinéas de l’alinéa 117(1)h) sont appliqués ensemble. Si aucun des parents énumérés n’est déjà citoyen canadien, Indien ou résident permanent, Mme Sendwa ne peut pas alors simplement parrainer n’importe quel membre de sa parenté si elle peut par ailleurs parrainer un ou plusieurs membres des parents énumérés.

[91]  Le ministre souligne qu’il est réellement dangereux d’interpréter l’alinéa 117(1)h) pour conclure qu’un répondant n’ayant aucun membre de sa parenté au Canada puisse simplement choisir de parrainer n’importe quel membre de sa parenté, de n’importe quel âge, en fonction de l’intention autodéterminée du répondant de ne pas parrainer des parents énumérés qui sont membres du regroupement familial comme indiqué aux alinéas 117(1)a) à g) qui pourraient par ailleurs être parrainés.

[92]  Pour appuyer le fait que cette interprétation ne pourrait pas être juste, le ministre évoque le projet de loi d’initiative parlementaire C-272, lequel a été mis de l’avant en 2004, mais a été rejeté à l’étape de la deuxième lecture. Le projet de loi proposait l’ajout d’un droit de parrainer un membre additionnel de la parenté. Le ministre soutient que si les dispositions existantes figurant à l’alinéa 117(1)h permettaient déjà un tel élargissement de la catégorie du regroupement familial lorsqu’un répondant n’a pas de membre de la parenté qui est ou pourrait être citoyen canadien, Indien ou résident permanent, la modification n’aurait pas été sollicitée.

[93]  Mme Sendwa affirme que la SAI n’aurait pas dû suivre la décision Nguyen, car le juge Gibson a précisément affirmé dans cette décision qu’« un nouveau texte législatif et réglementaire complet a été établi [...] je conclus que la décision que je rends en l’espèce peut difficilement être considérée comme ayant une “portée générale” », au paragraphe 27. Elle affirme que la SAI et la Cour ont commis une erreur en appliquant une jurisprudence dépassée comme la décision Nguyen aux décisions subséquentes qui ont pris l’alinéa 117(1)h) en compte.

[94]  Le ministre réplique que la décision Nguyen, ainsi que les affaires subséquentes, continuent d’être pertinentes après le nouveau règlement qui contient une disposition de forme et de substance similaire.

(3)  Analyse

[95]  Il n’est pas contesté que si un ou plusieurs membres des parents énumérés à l’alinéa 117(1)h) sont déjà citoyens canadiens, Indiens ou résidents permanents, aucun parent générique ne peut ensuite être parrainé en application de l’alinéa 117(1)h). Ceci est conforme au principe de la réunification des familles, car la réunification n’est pas requise puisqu’une certaine forme d’unification ou de réunification entre une personne et un membre de sa famille, soit a déjà eu lieu parce qu’ils sont au Canada, soit peut avoir lieu, car ils ont le droit d’habiter au Canada.

[96]  Cependant, aux termes du sous-alinéa 117(1)h)(i), si tous les parents énumérés figurant à l’alinéa 117(1)h) ne sont pas citoyens canadiens, Indiens ou résidents permanents, le sous-alinéa 117(1)h)(ii) entre en jeu.

[97]  La question est de déterminer comment interpréter le mot « ou » figurant à la fin du sous-alinéa (i) [de la version anglaise]. Une fois que le sous-alinéa 117(1)h)(i) est épuisé, est-ce que Mme Sendwa est libre de parrainer n’importe quel membre de sa parenté? Ou, si elle peut « par ailleurs parrainer » n’importe lequel des parents énumérés à l’alinéa 117(1)h), est-elle empêchée de parrainer un parent générique?

[98]  Malgré la certitude de Mme Sendwa voulant que le sous-alinéa 117(1)h)(ii) soit une disposition additionnelle et distincte lui permettant de simplement parrainer sa nièce quand aucun membre du groupe de parents énumérés n’est visé, ou ne pourrait être visé, par le sous-alinéa 117(1)h)(i), je ne peux pas, pour les motifs ci-après, souscrire à son interprétation. À mon avis, dans le contexte global de la présente législation, le sens ordinaire et grammatical de l’ensemble de l’article 117 du RIPR signifie que les deux sous-alinéas s’appliquent aux parents énumérés. Un parent générique ne peut être parrainé que lorsque personne ne peut être parrainé du groupe de parents énumérés.

(a)  Que signifie « ou » au sous-alinéa 117(1)h)(i) [version anglaise]?

[99]  L’interprétation de Mme Sendwa est que les sous-alinéas 117(1)h)(i) et (ii) étant séparés par le mot « ou », ils sont des solutions mutuellement exclusives. S’il n’y a pas de parent énuméré qui est, ou pourrait être, un Canadien, un Indien ou un résident permanent comme l’exige le sous-alinéa (i), n’importe quel parent générique peut alors être parrainé aux termes du sous-alinéa (ii).

[100]  Ce n’est pas aussi simple que cela. La professeure Ruth Sullivan explique de la manière suivante les différentes façons selon lesquelles le mot « ou » pourrait être interprété :

[traduction]

Comme Reed Dickerson le souligne, au sens ordinaire chacun de ces mots a deux sens distincts et par conséquent chacun est une source fréquente d’ambiguïté [...] Si l’auteur entend le « ou » inclusif (A ou B ou les deux) ou le « ou » exclusif (A ou B, mais pas les deux), n’est pas toujours clair [...] Il y a une incertitude correspondante, bien que moins fréquente, de l’utilisation du « et ».

 Il n’est donc pas toujours évident si l’auteur entend le « et » solidaire (A et B, conjointement et solidairement) ou le « et » conjoint (A et B conjointement, mais pas solidairement).

Utiliser « ou » dans un sens inclusif, comme utiliser « et » dans un sens conjoint et solidaire, est grammaticalement correct conformément à l’usage à la fois populaire et juridique. Décrire cet usage en disant que « ou » signifie « et » ou que « et » signifie « ou » est inexact et trompeur [...]. Une partie prétend que « ou » est exclusif, alors que l’autre prétend qu’il est « inclusif ». En optant pour ce dernier sens, le tribunal n’interprète pas « ou » comme « et », elle interprète « ou » inclusivement.

Mme Dickerson souligne également que dans la législation, « ou » tend à être utilisé inclusivement et « et » tend à être utilisé conjointement et solidairement.

[Italiques dans l’original; je souligne.]

Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statues, 6e édition. (Markham, Ont. : LexisNexis Canada, 2014), à la page 101.

[101]  Mme Sendwa voudrait que « ou » soit interprété exclusivement de sorte que, soit le sous-alinéa 117(1)h)(i), soit le sous-alinéa 117(1)h)(ii), puisse s’appliquer, mais pas les deux. À mon avis, l’interprétation appropriée est de les lire inclusivement comme « A ou B ou les deux ». Mes raisons motivant cette opinion se retrouvent dans la discussion ci-dessous.

(b)  L’application du sous-alinéa 117(1)h)(ii) aux faits de Mme Sendwa

[102]  Même si le sous-alinéa 117(1)h)(ii) n’a pas été vu souvent par la Cour, il a été examiné à plusieurs reprises au fil des ans. Toutes les interprétations antérieures, autres que celle de la décision Sendwa 1, sont opposées à Mme Sendwa.

[103]  Dans la décision Nguyen, le juge Gibson a expressément abordé l’alinéa 117(1)h) précédent, qui était à cette époque l’alinéa h) d’une définition retrouvée au paragraphe 2(1) du Règlement de 1978. Les différences entre l’alinéa 117(1)h) actuel et l’alinéa h) sont négligeables pour l’analyse en l’espèce. L’alinéa h) prévoit qu’un membre de la parenté peut être parrainé lorsque le répondant n’a pas de parent énuméré qui est un citoyen canadien, un résident permanent ou « soit dont il peut par ailleurs parrainer la demande d’établissement ».

[104]  Le juge Gibson a conclu, à la lecture de la législation et de la jurisprudence de la SAI ainsi que de notre Cour, que l’alinéa h) était un « mécanisme de dernier ressort » à utiliser « lorsqu’il n’y a aucune personne mentionnée aux alinéas a) à g) de la définition qu’il “[...] peut par ailleurs parrainer” », au paragraphe 17.

[105]  Comme il a été mentionné précédemment, Mme Sendwa affirme que la décision Nguyen était erronée. Elle soulève la question de savoir si le sous-alinéa 117(1)h)(ii) est une disposition autonome qui lui permet de parrainer n’importe quel membre de sa parenté si aucun de ses parents énumérés n’est visé au sous-alinéa 117(1)h)(i) parce qu’il est citoyen canadien, Indien ou résident permanent ou est privé d’un tel statut.

[106]  En éliminant les mots qui ne s’appliquent pas à la situation de Mme Sendwa, l’alinéa 117(1)h), énoncerait :

Regroupement familial

117(1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

h) tout autre membre de sa parenté, sans égard à son âge, à défaut [...] de l’un ou l’autre de ses parents ...

(ii) soit une personne susceptible de voir sa demande d’entrée et de séjour au Canada à titre de résident permanent par ailleurs parrainée par le répondant.

[107]  Les mots « une personne susceptible de voir sa demande » s’appliquent à la mère ou au père du répondant; ils précisent que si le répondant peut par ailleurs parrainer sa mère ou son père, un parent générique du répondant n’est alors pas un membre de la catégorie du regroupement familial. À mon avis, selon une interprétation ordinaire, le libellé n’est pas ambigu et il ne requiert pas une analyse ou une interprétation plus approfondie.

[108]  En d’autres mots, en paraphrasant le sous-alinéa 117(1)h)(ii), afin d’être un membre de la catégorie du regroupement familial, la nièce de Mme Sendwa doit être :

un membre de la parenté de Mme Sendwa, peu importe l’âge; et, Mme Sendwa ne doit pas avoir un époux, un conjoint de fait, un partenaire conjugal, un enfant, une mère ou un père, un frère ou une sœur, une nièce ou un neveu, un grand-parent ou l’enfant d’un grand-parent qu’elle peut par ailleurs parrainer pour entrer et séjourner au Canada.

[109]  La hiérarchie à laquelle Mme Sendwa s’oppose fait partie intégrante de la législation. Si l’un des parents énumérés à l’alinéa 117(1)h) peut par ailleurs être parrainé, comme faisant partie par exemple de l’un des alinéas a) à g), la condition qui est au centre de l’alinéa h), « à défaut de », n’est pas respectée.

[110]  La façon par laquelle Mme Sendwa pourrait par ailleurs parrainer sa mère ou son père découle de l’alinéa 117(1)c) comme appartenant à la catégorie du regroupement familial et, par conséquent ils peuvent être parrainés d’une manière autre qu’en application de l’alinéa h).

(c)  Le parrainage d’un membre de la catégorie du regroupement familial a plusieurs dimensions.

[111]  Dans le contexte du parrainage d’un membre de la catégorie du regroupement familial, il est reconnu que l’un des objectifs des dispositions de la LIPR est « de veiller à la réunification des familles au Canada » : voir l’alinéa 3(1)d). Même si le mot « familles » n’est pas défini, l’expression « membre de la parenté » est définie à l’article 2 de la LIPR :

membre de la parenté signifie une personne unie à l’intéressé par les liens du sang ou de l’adoption. (relative)

[112]  De cette définition, nous savons par exemple qu’un membre de la parenté n’est pas une personne qui est liée à une autre personne seulement par le mariage.

[113]  Le régime législatif définissant un membre de la catégorie du regroupement familial est d’abord énoncé aux alinéas 117(1)a) à g) du RIPR. Les membres de la catégorie du regroupement familial ont des liens très précis comme un époux, une mère, un père, un grand-parent, un enfant à charge, certaines personnes orphelines de moins de dix-huit ans (frère, sœur, nièce, neveu, petit-enfant) ou une personne de moins de dix-huit ans dont le répondant entend adopter au Canada.

[114]  L’époux d’un répondant, qui comprend maintenant un partenaire conjugal ou un conjoint de fait, appartient à la catégorie du regroupement familial du fait de sa relation avec le répondant, même si l’époux peut être exclu de la catégorie du regroupement familial dans certains cas.

[115]  À un moment dans le temps, en voulant appartenir à la catégorie du regroupement familial, l’âge de la personne peut être un critère, tout comme son état matrimonial antérieur. Par exemple, au paragraphe 117(9), un certain nombre de relations exclues sont inscrites dont la plupart traitent de l’époux, du conjoint de fait ou du partenaire conjugal d’un répondant. Il est explicitement stipulé que les personnes visées à l’une des dispositions figurant au paragraphe 117(9) « ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant ».

[116]  La première de ces dispositions du paragraphe 117(9) est celle d’un époux, d’un conjoint de fait ou d’un partenaire conjugal, âgé de moins de dix-huit ans. Même s’ils devraient normalement appartenir à la catégorie du regroupement familial aux termes de l’alinéa 117(1)a), ils peuvent néanmoins être exclus de la catégorie du regroupement familial en raison de leur âge. Dans ce cas, le RIPR prévoit que le répondant ne peut pas par ailleurs parrainer son époux, son conjoint de fait ou son partenaire conjugal.

[117]  Cet exemple permet d’illustrer que la phrase « par ailleurs parrainer » contient à la fois une dimension inclusive et exclusive pour les membres potentiels de la catégorie du regroupement familial. Un droit d’appel peut être un moyen de parrainer un membre de la parenté en surmontant une inadmissibilité du répondant. Ou, il peut aider un étranger par ailleurs interdit de territoire à être reçu pour des motifs humanitaires.

[118]  La LIPR est entrée en vigueur le 28 juin 2002 après des consultations exhaustives ayant commencées dès 1996. Elle a remplacé la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, laquelle avait aussi fait l’objet de consultations exhaustives avant son adoption. Le rôle du tribunal, particulièrement relativement à la définition de membre de la catégorie du regroupement familial par le truchement de l’alinéa h), était noté dans la décision Nguyen, au paragraphe 15, citant de la décision Rafizade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 30 Imm. L.R. (2d) 261 (C.F. 1re inst.), 1995 CarswellNat 1126, au paragraphe 13.

Il n’incombe pas à la Cour d’étendre la portée de la notion de la famille, aux fins de l’immigration, au-delà de ce que le législateur a jugé opportun.

[119]  Malgré les arguments abondants et déterminés présentés par Mme Sendwa, je ne suis pas d’avis que la décision est déraisonnable. À mon avis, la SAI a interprété et appliqué de manière raisonnable le paragraphe 117(1), conformément à l’objectif de la réunification des familles, après avoir examiné les dispositions de la LIPR et du RIPR en général et particulièrement celles du regroupement familial.

[120]  Il était aussi raisonnable pour la SAI de conclure, d’après les éléments de preuve et les arguments dont elle était saisie, que l’agent d’immigration n’était pas fautif en droit, en fait ou en droit et en fait, et de conclure à juste titre qu’il n’y avait pas eu de manquement à la justice naturelle.

[121]  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs exposés au présent jugement.

X.  Question certifiée possible

[122]  L’avocat de Mme Sendwa a indiqué à l’audience de cette affaire qu’elle pourrait vouloir poser une question certifiée. Elle aura jusqu’au 8 juin 2018 pour proposer une question grave de portée générale qui permettrait de présenter un appel devant la Cour d’appel fédérale. Dans ce cas, elle doit signifier et déposer des observations écrites qui ne doivent pas dépasser cinq pages avant 16 h 30, heure normale de l’Est, le 8 juin 2018.

[123]  Si une telle question est posée, le ministre aura alors jusqu’au 15 juin 2018 à 16 h 30 heure normale de l’Est pour répondre au moyen de la signification et du dépôt d’observations écrites ne dépassant pas également cinq pages.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5367-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. Le nom du défendeur est remplacé par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. L’avocat de Mme Sendwa aura jusqu’au 8 juin 2018 pour proposer une question grave de portée générale qui permettrait de présenter un appel devant la Cour d’appel fédérale.

  4. Dans ce cas, elle doit signifier et déposer des observations écrites qui ne doivent pas dépasser cinq pages avant 16 h 30, heure normale de l’Est, le 8 juin 2018.

  5. Si une telle question est posée, le ministre aura jusqu’au 15 juin 2018 à 16 h 30 heure normale de l’Est pour répondre au moyen de la signification et du dépôt d’observations écrites qui ne doivent pas dépasser cinq pages également.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5367-16

 

INTITULÉ :

THECLA SENDWA c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 juin 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 1er juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Shannon Black

 

Pour la demanderesse

 

Kristina Dragaitis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shannon Black

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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