Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180525

Dossier : T-1043-12

Référence : 2018 CF 542

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2018

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

SAFE GAMING SYSTEM INC

demanderesse

et

SOCIÉTÉ DES LOTERIES DE L’ATLANTIQUE, SOCIÉTÉ DES JEUX DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE ET TECH LINK INTERNATIONAL ENTERTAINMENT LIMITED

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Les actes de procédure  3

II. Sommaire des issues de la présente action  4

III. Énoncé des faits  5

A. Les parties  5

B. Le brevet 238  7

IV. Témoins experts en matière de jeux de hasard sécuritaires s’exprimant sur la contrefaçon et la validité  9

A. Témoins experts de la demanderesse  9

(1) M. David Hodgins  9

(2) M. Hugh Smith  10

B. Témoins experts des défenderesses  11

(1) Stacy Friedman  11

(2) M. Mark Griffiths  11

V. Témoins des faits  12

A. Témoins des faits de la demanderesse  12

(1) Richard A. Johnson  12

(2) Steve Keech  13

B. Témoins des faits des défenderesses  14

(1) Mark Gwynn  14

(2) Byron Bridger  14

(3) Paul Vermette  15

(4) Rumin Binder  15

(5) Bob Mackinnon  16

C. Témoins experts – Dommages-intérêts  17

(1) M. Chris Vellturo pour la demanderesse  17

(2) Russell Parr pour les défenderesses  17

VI. Le cadre législatif  18

VII. Analyse  19

A. Le droit sur l’interprétation des revendications  19

(1) La date pertinente  23

(2) Personne versée dans l’art  23

(3) Application précise des revendications  27

(a) Interprétation des revendications : les étapes  27

(i) Première étape de l’interprétation des revendications : faire ressortir les expressions et les termes  27

(ii) Deuxième étape de l’interprétation des revendications : recenser les éléments essentiels et non essentiels  28

(b) Interprétation des revendications  30

(4) Revendication 1  33

(5) Revendication 6 :  42

B. Le droit sur la validité – principes se rapportant à l’utilité, à l’ambiguïté, à l’évidence, à l’antériorité, à l’objet non brevetable et au caractère suffisant  45

(1) Utilité  45

(2) Suffisance de la divulgation  54

C. Évidence  61

(1) Déterminer l’idée originale des revendications en cause  69

(2) Recenser les différences, s’il y en a, qui existent entre l’état de la technique et l’idée originale  69

(3) A-t-il fallu recourir à un degré d’inventivité?  70

D. Antériorité  70

E. Contrefaçon  72

VIII. Mesures de réparation  77

IX. Redressement  77

I.  Les actes de procédure

[1]  La présente action concerne le brevet canadien no 2 331 238, intitulé en français « Système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard » [le brevet 238]. Le brevet 238, déposé au Canada le 17 janvier 2001, revendique la priorité par rapport à la demande de brevet américain no 60/177 182, laquelle a délivré le brevet américain no 6 629 890. À ce sujet, la date de priorité du brevet 238 est le 20 janvier 2000. La demande de brevet canadien a été publiée le 20 juillet 2001 et le brevet a été délivré le 28 mars 2006. Safe Gaming System Inc. [Safe Gaming] est la titulaire actuelle du brevet 238.

[2]  La demanderesse, Safe Gaming System Inc., a son établissement principal à Las Vegas, dans l’État du Nevada, aux États-Unis. Les défenderesses sont la Société des jeux de la Nouvelle-Écosse (maintenant appelée la Société des loteries et du casino de la Nouvelle-Écosse [la Société des jeux]), la Société des loteries de l’Atlantique [SLA] et Tech Link International Entertainment Limited [Techlink].

[3]  La demanderesse allègue que les défenderesses ont contrefait le brevet 238 en concevant et en mettant en œuvre la technologie liée au jeu responsable connue sous le nom de « My-Play ».

[4]  Les demanderesses font valoir que le système My-Play ne contrefait pas le brevet 238, et elles présentent une demande reconventionnelle selon laquelle le brevet 238 est invalide, du fait qu’il comporte un défaut de nouveauté, qu’il est évident, insuffisant et trop vaste, qu’il n’est pas valablement prédit et que son objet est non brevetable.

[5]  Il faut féliciter les avocats des deux parties pour leur excellent travail en ce qui a trait à la défense et à la présentation à la Cour de documents, de recueils et d’autres outils.

[6]  Les questions litigieuses suivantes ont été soulevées dans la présente action :

  1. La revendication 6 du brevet 238 est-elle valide?
  2. Le système My-Play contrefait-il la revendication 6 du brevet 238?
  3. Si la revendication 6 du brevet 238 est valide et contrefaite, quel est le montant des redevances approprié pour quantifier les dommages?

II.  Sommaire des issues de la présente action

[7]  Le brevet 238 est invalide pour cause d’inutilité et d’insuffisance de divulgation.

[8]  Même si le brevet 238 était valide, le système My-Play ne le contrefait pas.

[9]  Aucuns dommages-intérêts ne sont accordés.

[10]  Les défenderesses ont droit aux dépens relativement à l’action et à la demande reconventionnelle. Si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant des dépens, je dois recevoir les observations des défenderesses dans les trente (30) jours suivant la date du présent jugement. Les observations ne doivent pas comporter plus de dix (10) pages, en plus du projet de mémoire de frais. La demanderesse doit déposer et signifier ses observations sur les dépens, comptant au plus dix (10) pages (de même que le projet de mémoire de frais), dans les quinze (15) jours suivant la réception des observations des défenderesses. Les défenderesses peuvent déposer des observations en réponse d’au plus cinq (5) pages dans les sept (7) jours suivant la réception des observations de la demanderesse.

III.  Énoncé des faits

A.  Les parties

[11]  Safe Gaming se décrit comme une exécutante de solutions technologiques qui offrent des mesures de protection aux consommateurs s’adonnant aux jeux de hasard, et dont le but social ultime est de réduire les risques liés aux jeux de hasard.

[12]  La Société des jeux est une société d’État de la Nouvelle-Écosse régie par la Gaming Control Act (loi provinciale sur la réglementation du jeu), 1994-1995, ch. 4, art. 1 [Gaming Control Act], et elle s’acquitte des fonctions de gestion des jeux de hasard réglementés dans la province de la Nouvelle-Écosse. La Société des jeux dirige et gère les jeux de hasard en Nouvelle-Écosse, aux fins de maintien. Elle décrit le jeu sain comme un grand nombre de joueurs pariant de petites sommes d’argent, plutôt qu’un petit nombre de joueurs pariant de fortes sommes d’argent. La Société des jeux est également responsable des loteries à billets, des paris sportifs, des établissements de casinos et de la présence des jeux en ligne. La province de la Nouvelle-Écosse ne participe ni au plan opérationnel annuel ni à l’orientation stratégique de la Société des jeux. Avant 2012, les membres du conseil d’administration de la Société des jeux étaient de simples citoyens nommés par décret. Maintenant, les membres du conseil d’administration sont des sous-ministres nommés en vertu d’une loi.

[13]  La Société des jeux est aussi l’une des quatre actionnaires de la SLA ainsi qu’une gestionnaire/exploitante en Nouvelle-Écosse aux termes d’une convention de mandat conclue avec la SLA. La Société des jeux ne paie pas la SLA pour des services d’exploitation; la SLA aide la Société des jeux dans la préparation des budgets.

[14]  La SLA est une personne morale constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC (1985), c C-44, et elle administre les activités quotidiennes de plusieurs secteurs d’activités des jeux de hasard différents en Nouvelle-Écosse. La SLA est une mandataire de la Société des jeux.

[15]  La Société des jeux, par l’intermédiaire de la SLA, sa mandataire, offre aux Néo-Écossais des produits liés aux jeux de hasard socialement responsables. La Société des jeux et la SLA offrent elles-mêmes aux Néo-Écossais, ou par l’intermédiaire de leurs sociétés affiliées et mandataires, des produits et des services liés aux jeux de hasard, notamment des terminaux de loterie vidéo (TLV), des billets de loterie et des produits liés aux paris sportifs.

[16]  Techlink était une société privée appartenant à des intérêts canadiens, dont les activités portaient sur la recherche et le développement en matière de jeux de hasard, et elle a créé pour l’industrie du jeu des systèmes et des produits axés sur le jeu responsable. Lors du procès, M. Rubin a affirmé que Techlink a cessé ses activités en 2015, et les éléments de preuve montrent qu’elle a fait faillite.

B.  Le brevet 238

[17]  La figure 1 du brevet 238 est jointe à l’annexe. Le même ordinogramme trouve au-dessus de l’abrégé.

[18]  L’abrégé du brevet 238 décrit cette technologie de la manière suivante :

Un système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard, électroniques ou autres, pouvant s’appliquer à toutes les formes de jeux de hasard, est présenté. Le système comprend un site Internet et un logiciel de contrôle connexe, qui est un portail servant d’interface de « jeu de hasard sécuritaire » entre des personnes jouant à des jeux de hasard en ligne et des sites Internet de jeux de hasard. Le système permet également aux joueurs se trouvant dans des établissements de jeux de hasard physiques de s’inscrire sur le système pour jouer en sécurité sur des terminaux vidéo ou à des tables de jeu. Le logiciel de portail et les composants répartis du système surveillent les transactions de jeu d’une personne et fournissent des alertes à cette personne lorsqu’elle atteint ou dépasse des limites de perte, des limites de temps, des changements de comportement de jeu ou d’autres services connexes.

[19]  Les revendications 1 et 6 sont en litige.

[20]  Revendication 1 :

[traduction]

Une méthode contenue dans un système informatique jumelée à un réseau de télécommunications mondial visant la surveillance, la régulation et la cessation des activités liées aux jeux de hasard d’une personne. La méthode comporte les étapes suivantes :

a)  mettre en place, dans une base de données, un dossier unique pour la personne et accepter au moins une caractéristique du profil sélectionnée à laquelle la personne a donné son accord dans le dossier unique, la ou les caractéristiques du profil sélectionnées parmi le groupe de caractéristiques comprennent des facteurs personnels, financiers, sociaux, psychologiques, ainsi que des facteurs liés à la vitesse de jeu, à la qualité des décisions et à des paramètres précis de contrôle du jeu;

b)  fournir des moyens uniques pour permettre à la personne de trouver, dans la base de données, le dossier unique du joueur contenant au moins une caractéristique du profil;

c)  fournir à un site de jeu sélectionné l’accès à au moins une partie de la base de données ainsi qu’un logiciel d’exploitation pour la surveillance et la cessation des activités de jeu de la personne;

d)  fournir au site de jeu sélectionné les moyens d’identification, par l’intermédiaire de la personne, pour lancer les activités de jeu;

e)  surveiller, au moyen du logiciel d’exploitation, les activités de jeu entre la personne possédant un dossier unique et des caractéristiques de profil dans ladite base de données et le site de jeu sélectionné;

f)  permettre la régulation des activités de jeu de la personne, laquelle comprend au moins une mesure sélectionnée parmi un groupe de mesures composé de ce qui suit : surveillance des changements dans le comportement de jeu, dans la vitesse de jeu, dans la qualité des décisions et surveillance des limites sur le plan financier et de la durée totale; et permettre au logiciel d’exploitation de mettre fin aux activités de jeu de la personne lorsque celle-ci s’écarte d’au moins une des caractéristiques de profil sélectionnées du joueur, dans la base de données.

[21]  Revendication 6 :

La méthode de la revendication 1 pour laquelle la fourniture de l’accès à au moins une partie de la base de données et du logiciel d’exploitation à chaque site de jeu sélectionné
comprend la copie, sur un serveur du site de jeu sélectionné, d’une partie de la base de données et du logiciel d’exploitation pour la surveillance et la cessation des activités de jeu de certaines personnes.

IV.  Témoins experts en matière de jeux de hasard sécuritaires s’exprimant sur la contrefaçon et la validité

A.  Témoins experts de la demanderesse

(1)  M. David Hodgins

[22]  M. Hodgins est psychologue clinicien agréé et professeur à l’Université de Calgary, où il a dirigé la faculté de psychologie de 2011 à 2016. Il est titulaire d’un doctorat en psychologie clinique de l’Université Queen’s et il a publié plus de 150 articles évalués par les pairs, dont la majorité traite des dépendances et du jeu compulsif. Il est un psychologue clinicien agréé qui exerce en pratique privée depuis 1991. Il est spécialisé dans les comportements de dépendance, notamment l’alcoolisme et le jeu compulsif, ainsi que les troubles mentaux accompagnant souvent ces dépendances.

[23]  Depuis 2001, M. Hodgins coordonne la recherche à l’Alberta Gaming Research Institute, au centre de l’Université de Calgary. En 2010, le National Center for Responsible Gaming des États-Unis lui a décerné le prix pour contribution exceptionnelle à l’avancement de la science pour son étude du jeu pathologique. Il est également membre du comité de rédaction de plusieurs revues spécialisées importantes axées sur le jeu et les dépendances, et ses travaux dans ce domaine ont été largement publiés.

[24]  M. Hodgins a été reconnu comme psychologue expert en matière de jeu compulsif.

(2)  M. Hugh Smith

[25]  M. Smith est professeur titulaire à l’Université d’État Polytechnique de la Californie (California Polytechnic State University), au sein du département des sciences informatiques de l’école de génie. Il est titulaire d’un baccalauréat ès arts en sciences informatiques de l’Université Xavier ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat en sciences informatiques de l’Université d’État du Michigan. M. Smith est actuellement directeur du programme de génie informatique à la California Polytechnic.

[26]  Avant de travailler en milieu universitaire, M. Smith a travaillé au Merrell Dow Research Institute à titre d’analyste de programmes, puis il s’est joint à la société Proctor & Gamble Company. M. Smith a reçu de nombreux prix, dont celui du professeur de l’année du département des sciences informatiques de la California Polytechnic, en 2006, ainsi que le prix de l’enseignement de l’école de génie, en 2002.

[27]  M. Smith est reconnu comme un expert en sciences informatiques, en conception de logiciels, en équipements informatiques et en réseautique, y compris les systèmes d’exploitation et les bases de données serveur client et répartis.

B.  Témoins experts des défenderesses

(1)  Stacy Friedman

[28]  M. Friedman est titulaire d’un baccalauréat ès arts en sciences informatiques avec grande distinction de l’Université Harvard. Il est un concepteur de jeux de casino professionnel et un mathématicien possédant plus de 18 ans d’expérience en conception de jeux de casino réglementés et en mathématique liée aux jeux de hasard. Il a été concepteur de logiciels pendant plus de 15 ans.

[29]  En 1998, M. Friedman a commencé sa carrière professionnelle dans l’industrie des jeux de casino au sein de la société Silicon Gaming, en tant que concepteur et développeur de TLV. En 2001, il a ouvert un cabinet de services-conseils en conception et en analyse de jeux de casino, Olympian Gaming, LLC, à Lake Oswego, en Oregon, dont il est toujours le président.

[30]  M. Friedman a été reconnu comme expert en sciences informatiques et en génie logiciel, particulièrement en ce qui concerne les jeux de hasard et les systèmes électroniques de perception des paris, y compris les systèmes en réseau.

(2)  M. Mark Griffiths

[31]  M. Griffiths est professeur en matière de dépendances comportementales à l’Université Nottingham Trent, et il est actuellement directeur de l’International Gambling Research Unit (unité de recherche internationale sur les jeux de hasard). D’avril 2002 à octobre 2015, M. Griffiths a été professeur au sein du programme d’études sur les jeux de hasard, à l’Université Nottingham Trent.

[32]  En 1987, M. Griffiths a reçu un baccalauréat avec mention en psychologie de l’Université de Bradford et, en 1991, un doctorat en psychologie de l’Université d’Exeter. Il est psychologue agréé et membre de la British Psychological Society (Société britannique de psychologie), de la Royal Society of Arts (Société royale des arts) et de l’Academy of Social Sciences (Académie des sciences sociales). M. Griffiths mène des recherches sur les jeux de hasard depuis 1987, et ses travaux sont largement publiés dans le domaine.

[33]  M. Griffiths a été reconnu comme expert en jeu compulsif, spécialisé en suivi comportemental.

V.  Témoins des faits

A.  Témoins des faits de la demanderesse

(1)  Richard A. Johnson

[34]  Richard A. Johnson est l’unique inventeur du brevet 238 et il est le chef de la direction de Safe Gaming. Il est un ingénieur professionnel dont l’expérience en télécommunication s’échelonne sur 50 ans. Il a enseigné la technologie des communications et il a agi comme consultant en la matière à l’échelle internationale.

[35]  Le 17 janvier 2001, M. Johnson a déposé une demande relative au brevet 238 et il revendique la priorité en se fondant sur la demande de brevet américain no 60/177 182 (portant la date de priorité du 20 janvier 2000), laquelle a délivré le brevet américain no 6 629 890. La demande de brevet canadien a été mise à la disponibilité du public le 20 juillet 2001, et le brevet a été délivré le 28 mars 2006. Le 20 septembre 2004, M. Johnson a cédé à Safe Gaming ses droits par rapport à la demande de brevet 238.

[36]  Le commissaire aux brevets a autorisé le brevet 238, lequel a été délivré pour une durée de 20 ans à partir de la date du dépôt de la demande. En l’espèce, seules la revendication indépendante 1 et sa revendication dépendante 6 sont en cause dans le présent procès.

[37]  M. Johnson a été un témoin clair et crédible.

(2)  Steve Keech

[38]  M. Keech est titulaire d’un baccalauréat en commerce de l’Université McMaster et d’une maîtrise en informatique. M. Keech a été président d’Amtote International, une société qui a mis en œuvre le système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard de 2006 à juillet 2016.

[39]  Les responsabilités de M. Keech, à titre de président d’Amtote, comprenaient notamment la définition de stratégies, les changements techniques et la négociation de nouveaux projets commerciaux. Amtote se charge aussi des paris à cotes fixes, des paris mutuels et du pourcentage de traitement.

[40]  En juillet 2016, M. Keech est devenu vice-président directeur du groupe Stronach, qui est engagé dans les courses de chevaux et les jeux de hasard. Le groupe Stronach détient les installations destinées aux courses de chevaux des Stronach (qui comprennent les élevages, les hippodromes, Amtote et les bovins à viande). M. Keech s’occupe maintenant d’établir les stratégies et les contrôles plutôt que les renseignements opérationnels.

[41]  M. Keech a été un témoin clair et crédible.

B.  Témoins des faits des défenderesses

(1)  Mark Gwynn

[42]  M. Gwynn est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université St. Mary’s. Il travaille pour la Société des jeux depuis avril 2006. Il a été analyste d’entreprise puis gestionnaire principal des jeux de hasard de destination, et il a supervisé la mise en œuvre du système Informed Player Choice, devenu par la suite My-Play, et qui sera appelé My-Play dans la décision, par souci de commodité. En septembre 2015, il est devenu le gestionnaire principal des jeux de casino au sein de la Société des jeux.

[43]  M. Gwynn a été un témoin clair et crédible.

(2)  Byron Bridger

[44]  M. Bridger travaille pour la SLA depuis mai 2000. Il est directeur de commercialisation de la SLA pour les établissements de jeux de hasard de destination. La SLA assure la planification et l’exploitation des TLV pour les actionnaires, et M. Bridger s’occupe principalement des TLV. La SLA compte environ 500 employés et elle exploite autour de 1 000 entreprises comportant plus ou moins 7 000 TLV. Ces biens ne se trouvent pas seulement en Nouvelle-Écosse; la SLA acquiert des TLV et des logiciels qu’elle offre ensuite à des entreprises à l’étranger. L’un des rôles opérationnels de la SLA comprend la publication d’appels d’offres et la conclusion de contrats avec des distributeurs.

[45]  M. Bridger a été un témoin clair et crédible.

(3)  Paul Vermette

[46]  M. Vermette est titulaire d’un baccalauréat avec très grande distinction en sciences informatiques de l’Université du Nouveau-Brunswick. Il a commencé à travailler pour la SLA autour de 2006, au sein de laquelle il est maintenant directeur des technologies en milieu de travail, et il est responsable du soutien technique TI et sur place, ainsi que de l’analyse et des renseignements opérationnels de l’entreprise. M. Vermette a auparavant travaillé pour Spielo pendant quatre ans, en tant qu’architecte technique de logiciels pour les TLV.

[47]  M. Vermette a été un témoin clair et crédible.

(4)  Rumin Binder

[48]  M. Binder est un ingénieur concepteur, qui agit maintenant à titre de directeur de l’ingénierie des TLV pour la Compagnie canadienne des billets de banque. Il s’est joint à Techlink en 2001, où il a travaillé pendant presque 15 ans comme directeur de la technologie. Techlink distribuait des TLV ainsi que des solutions technologiques liées au jeu responsable, comme un système de divertissement destiné aux chambres d’hôtel qui permettait aux joueurs de contrôler leur pratique de jeu.

[49]  M. Binder a été un témoin clair et crédible.

(5)  Bob Mackinnon

[50]  M. Mackinnon est le président-directeur général de la Société des jeux, à laquelle il s’est joint en novembre 2003. Il fait partie de son équipe de direction depuis 2006. À partir de 2004, il a été chargé du jeu responsable et membre du conseil d’administration pour superviser et approuver les stratégies générales, veiller à ce que les contrôles et les politiques soient mis en œuvre et efficaces et s’assurer du rendement du chef de la direction. Son témoignage était très précis et mesuré, en plus d’être professionnel et véridique.

[51]  M. Mackinnon a été un témoin clair et crédible.

C.  Témoins experts – Dommages-intérêts

(1)  M. Chris Vellturo pour la demanderesse

[52]  M. Vellturo est le fondateur et président de Quantitative Economic Solutions, LLC, une société de conseil en microéconomie. En 1989, il a reçu son doctorat en sciences économiques du Massachusetts Institute of Technology. Il est spécialisé notamment en organisation industrielle et en économétrie.

[53]  M. Vellturo a étudié la valorisation de la propriété intellectuelle et l’évaluation des dommages économiques résultant de la contrefaçon. Dans ce contexte, M. Vellturo a étudié les équipements et les logiciels, les semiconducteurs, les produits de consommation, les produits pharmaceutiques, les appareils médicaux et les médicaments en vente libre, entre autres choses.

[54]  M. Vellturo a été reconnu comme expert en matière de sciences économiques, de dommages liés aux brevets et de redevances raisonnables en ce qui a trait à la contrefaçon de brevet.

(2)  Russell Parr pour les défenderesses

[55]  M. Parr est président d’IRPA Inc., une société de conseil indépendante qui offre des services de consultation, dont des analyses financières et des évaluations de valorisation relatives à la propriété intellectuelle. M. Parr est titulaire d’un baccalauréat ès sciences en génie électrique et d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université Rutgers. Mr. Parr est un analyste financier agréé, un évaluateur principal accrédité et un concessionnaire de licences professionnel certifié. M. Parr a publié trois livres portant sur les taux de redevances, dans lesquels la propriété individuelle est brevetée.

[56]  M. Parr a été reconnu comme expert en matière de valorisation de brevets et de détermination des dommages liés à la propriété intellectuelle, y compris les redevances raisonnables dans les cas de contrefaçon.

[57]  Des renseignements confidentiels concernant les dommages-intérêts ont été divulgués lors du témoignage, mais comme je n’en accorde pas, il n’est pas nécessaire que la présente décision, en tout ou en partie, soit gardée confidentielle.

VI.  Le cadre législatif

[58]  Un brevet protège une invention en lui accordant un monopole, conformément à l’article 42 de la Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4 [Loi sur les brevets]. La demanderesse allègue que le système My-Play des défenderesses contrevient au monopole lié au brevet 238, et ces dernières soutiennent, dans leur demande reconventionnelle, que le brevet 238 est invalide. Avant de trancher l’une ou l’autre de ces questions, la Cour doit d’abord interpréter les revendications, afin de comprendre la portée de la protection accordée par la Loi sur les brevets. Une fois que la Cour a interprété les revendications, elle doit comparer les brevets en litige pour décider si le brevet 238 a été contrefait, et si sa validité peut être examinée.

VII.  Analyse

A.  Le droit sur l’interprétation des revendications

[59]  L’interprétation des revendications est une question de droit, et la détermination de la portée des revendications est, par conséquent, une fonction judiciaire. Les témoignages d’experts peuvent éclairer la Cour, mais c’est le libellé des revendications qui leur confère leur signification, non les experts (Rhoxalpharma inc. c. Novartis Pharmaceuticals Canada inc., 2005 CAF 11, au paragraphe 53). L’interprétation des revendications précède l’examen des questions de contrefaçon et de validité en litige, et cette même interprétation s’applique à ces deux questions litigieuses (Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1725, au paragraphe 10, conf. par 2007 CAF 1).

[60]  La Cour suprême du Canada (CSC) a établi les règles d’interprétation des revendications dans trois arrêts : l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, aux paragraphes 49 à 55 [Whirlpool]; l’arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, aux paragraphes 44 à 54 [Free World Trust], et l’arrêt Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 RCS 504, au paragraphe 27 [Consolboard].

[61]  Les principes découlant de ces décisions se résument comme suit :

  • Les revendications sont lues du point de vue de la personne versée dans l’art [PVA] (qui possède les connaissances générales courantes). Elles sont interprétées comme elles ont été libellées à la date de publication, de façon éclairée et téléologique, avec un esprit disposé à comprendre.
  • Il faut favoriser l’équité et la prévisibilité en préservant l’intention de l’inventeur. Une preuve de cette intention est tirée du libellé des revendications, d’une façon qui est favorable à l’atteinte de l’objectif de l’inventeur.
  • La divulgation et les revendications révèlent la nature de l’invention, et même si l’interprétation des revendications ne doit pas être bienveillante ni sévère, elle doit être raisonnable et équitable tant pour le titulaire du brevet que pour le public.

[62]  À l’aide de ces principes, la Cour réalise une analyse téléologique pour décider de la portée de la revendication du point de vue de la PVA (Zero Spill Systems (Int’l) Inc. c. Heide, 2015 CAF 115, au paragraphe 41 [Zero Spill]; ABB Technology AG c. Hyundai Heavy Industries Co., Ltd., 2013 CF 947, au paragraphe 25). Bien que la PVA possède les connaissances générales courantes en matière d’interprétation de revendications, cette interprétation ne doit pas s’effectuer en fonction de l’art antérieur, puisque cet aspect sera pris en compte dans l’analyse sur l’invalidité (Zero Spill, aux paragraphes 41 et 51).

[63]  De nombreux tribunaux décrivent judicieusement les revendications comme des limites et ils expliquent que leur interprétation consiste à chercher ce qui se trouve entre les limites, toute partie à l’extérieur de ces limites n’est pas protégée et, par conséquent, ne peut pas être contrefaite (Frac Shack Inc. c. AFD Petroleum Ltd, 2017 CF 104, au paragraphe 231 [Frac Shack]).

[64]  Il est utile de fournir des précisions concernant certains renseignements portant sur la manière dont les brevets sont structurés, puisque ces renseignements sont pertinents pour l’interprétation des revendications. Une définition d’une « description » d’un brevet est fournie à l’article 2 des Règles sur les brevets, DORS/96-423 [Règles sur les brevets], qui explique qu’il s’agit d’une « partie du mémoire descriptif distincte des revendications ». Ces deux parties – les revendications et la description – forment le « mémoire descriptif » Compte tenu de la jurisprudence antérieure, il convient de mentionner que [traduction] « divulgation » était le terme employé auparavant, plutôt que « description ». Par exemple, dans l’arrêt Consolboard, à la page 520, on a dit que le mémoire descriptif du brevet était composé de la divulgation et des revendications.

[65]  Ces deux parties du mémoire descriptif sont aussi indiquées dans les Règles sur les brevets et dans la Loi sur les brevets. Par exemple, l’alinéa 80(1)e) des Règles sur les brevets prescrit que la description contient une brève description des figures contenues dans les dessins, le cas échéant. En outre, l’article 2 des Règles sur les brevets dispose qu’un mémoire descriptif doit être conforme aux paragraphes 27(3) et (4) de la Loi sur les brevets. Les paragraphes 27(3) et (4) de la Loi sur les brevets sont compris dans l’annexe de la présente décision.

[66]  Le mémoire descriptif est pertinent pour l’interprétation des revendications, mais ce n’est pas le cas de l’historique des poursuites relatif au brevet. Il s’agit d’une différence entre le droit des brevets du Canada et des États-Unis; alors que les tribunaux américains interprètent les revendications à l’aide de l’historique des poursuites, les tribunaux canadiens abordent l’interprétation des revendications comme un critère objectif, qui est évalué du point de vue de la PVA interprétant les revendications. Les tribunaux canadiens peuvent aussi recourir au mémoire descriptif, si les revendications sont incertaines et ambiguës (Eurocopter c. Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 113, au paragraphe 42 [Eurocopter]). Interpréter les revendications en tenant compte de l’historique des poursuites constitue une erreur au Canada (Free World Trust, au paragraphe 66).

[67]  Par conséquent, les défenderesses prétendent que le témoignage de l’expert de la demanderesse, M. Smith, est vicié, puisqu’il a reçu une copie de l’historique des poursuites avant de rédiger son rapport d’interprétation des revendications et qu’il l’a utilisé. En revanche, l’expert des défenderesses, M. Friedman, n’a pas reçu l’historique des poursuites et il a rédigé son rapport à double insu. L’historique des poursuites peut influer sur l’opinion d’un expert ou jouer sur la valeur probante, puisque la PVA ne connaîtrait pas, bien sûr, l’historique des poursuites ni les changements apportés. Comme je préfère la preuve d’expert de M. Friedman sur la question concernée, l’allégation selon laquelle M. Smith a utilisé l’historique des poursuites est sans conséquence sur l’issue en l’espèce.

[68]  Les experts s’entendent en grande partie sur l’interprétation de la revendication, mais les quelques points, questions et éléments sur lesquels leur opinion diffère sont les suivants : a) la question de savoir si [traduction] « le système expert » ou [traduction] l’« évaluation » dont il est question dans la revendication 1 sont des éléments essentiels (ou si chaque étape est essentielle); b) la question de savoir si les étapes de la revendication 1 doivent être effectuées dans un ordre précis; 3) la question de savoir si l’ensemble des facteurs énoncés dans les groupes sont des éléments essentiels; et 4) la question de savoir si toutes les étapes de la méthode sont réalisées de manière informatique.

[69]  En ce qui concerne la validité et la contrefaçon, tant M. Friedman que M. Griffiths, pour les défenderesses, et tant M. Hodgins que M. Smith, pour la demanderesse, possèdent l’expertise pertinente pour les questions en la matière, et ils sont qualifiés pour formuler des opinions d’expert. Je conclus qu’ils possèdent tous des éléments de preuve qui sont utiles, et les présents motifs indiqueront où je retiens l’élément de preuve présenté par l’un d’eux plutôt que celui d’un autre.

(1)  La date pertinente

[70]  Avec le temps, [traduction] « le sens de certaines expressions ou de certains termes particuliers peut changer, selon l’état de la technique » (Stephen J Perry et T Andrew Currier, Canadian Patent Law, 2e éd. (Ontario: Lexis Nexis Canada, 2014), à la section 15.23). Par conséquent, les revendications sont interprétées du point de vue de la PVA à la date pertinente. En l’espèce, les parties et leurs experts ont analysé les questions en litige en utilisant la date de publication du 20 juillet 2001, qui est la date pertinente pour l’interprétation des revendications (Whirlpool, au paragraphe 56).

(2)  Personne versée dans l’art

[71]  Puisque les revendications sont destinées à la PVA, la Cour les interprète du point de vue de la PVA (Whirlpool, au paragraphe 53). En conséquence, la première étape de l’interprétation des revendications consiste, pour la Cour, à déterminer qui est la PVA.

[72]  La Cour suprême du Canada a apporté des précisions sur la PVA dans l’arrêt Whirlpool, aux paragraphes 53 et 74 : la PVA n’a pas l’esprit inventif, mais elle est raisonnablement au courant des progrès réalisés dans le domaine, elle comprend « la nature et la description de l’invention » et elle met en œuvre le brevet de manière judicieuse.

[73]  Comme l’a expliqué le juge Manson dans la décision Frac Shack, les parties peuvent présenter des éléments de preuve à la Cour pour l’aider à décider de qui représente la PVA :

[120]  La tâche d’un expert qualifié consiste à aider la Cour à déterminer qui est une personne versée dans l’art (PVA), ce qu’elle aurait su au moment pertinent (c.‑à‑d. les connaissances générales courantes), et les questions d’interprétation relatives aux brevets en litige [...].

[74]  Je souligne que la Loi sur les brevets ne déclare pas que la PVA est l’inventeur. Dans la décision Frac Shack, au paragraphe 120, le juge Manson a expliqué ce qui suit : « Il n’est pas nécessaire que les témoins se prononçant sur le sujet soient des PVA, dans la mesure où ils peuvent présenter une preuve adéquate sur les connaissances d’une PVA au moment pertinent ». En conséquence, bien que M. Johnson, l’inventeur du brevet 238, ait été présent au procès, les témoignages d’autres témoins sont utiles à l’interprétation des revendications, laquelle est effectuée du point de vue de la PVA.

[75]  Les parties ont convenu que la PVA possède des connaissances en matière d’informatique, de programmation informatique, de conception de logiciels et de jeu compulsif.

[76]  La demanderesse prétend qu’étant donné que M. Johnson, l’inventeur lui-même, ne connaissait pas les jeux de hasard, la PVA consiste en une équipe formée de la [traduction] « personne qualifiée sur le plan technique » et de la [traduction] « personne qualifiée sur le plan des jeux de hasard ». Elle soutient que la personne qualifiée sur le plan technique possède des connaissances en matière d’informatique, de programmation informatique et de conception de logiciels, et que la personne qualifiée sur le plan des jeux de hasard possède des connaissances en matière de jeu compulsif. En fonction de cette distinction, la demanderesse a demandé que je ne préfère pas l’expert des défenderesses (M. Friedman) à leur propre expert (M. Smith) au motif que M. Friedman connaît les jeux de hasard, contrairement à M. Smith.

[77]  M. Smith a expliqué que le membre de l’équipe compétente spécialisé en informatique serait titulaire d’un baccalauréat en sciences informatiques ou en génie informatique, ou il posséderait un ensemble de compétences équivalentes acquises par son travail dans le domaine de la réseautique. Normalement, il aurait quelques années d’expérience dans l’industrie, en conception de systèmes de réseautique, et il posséderait des compétences techniques précises en matière de réseaux et de bases de données de télécommunication. M. Hodgins a expliqué que le membre de l’équipe compétente spécialisé dans le jeu compulsif posséderait plusieurs années d’expérience en pratique clinique ou en recherche dans le domaine. Cette personne pourrait détenir un diplôme d’études supérieures en psychologie ou un diplôme de premier cycle en médecine, avec une spécialité en psychiatrie.

[78]  M. Griffiths a reconnu que la PVA devrait posséder des compétences en conception de logiciels ainsi qu’une expertise en psychologie liée au jeu compulsif. M. Friedman a affirmé que la PVA serait une équipe composée d’un concepteur de logiciels et d’une personne ayant une formation en psychologie. M. Friedman a affirmé que le concepteur de logiciels devrait au moins posséder un diplôme de premier cycle en sciences informatiques et de trois à cinq ans d’expérience de travail. M. Griffiths a ajouté que la PVA devrait être un psychologue possédant au moins quelques années d’expérience en recherche ou en traitement portant sur le jeu compulsif. Toutefois, ce membre de l’équipe ne serait pas forcément titulaire d’un doctorat en psychologie ou psychologue clinicien. M. Griffiths a conclu que la PVA, grâce à des études ou à une expérience de travail équivalente, aurait possédé des connaissances liées à la psychologie générale du jeu compulsif et aux outils de dépistage diagnostique que les psychologues utilisent habituellement pour diagnostiquer les troubles mentaux de dépendance, y compris le jeu compulsif et pathologique.

[79]  Sur ces faits, les parties conviennent que la PVA, que ce soit une équipe ou une personne fictive, possède une expertise en matière de sciences informatiques (information/technologie) et de jeu compulsif. Les parties ne s’entendent pas (bien que je constate qu’il s’agit d’éléments très subtils) sur l’expertise précise exigée dans chacun de ces domaines. Les parties sont d’accord avec les opinions de M. Griffiths et de M. Friedman, qu’elles retiennent, en ce qui concerne les points divergents et, comme je suis d’accord avec elles, je conclus que la PVA aurait possédé des connaissances liées aux jeux de casino et à l’industrie des jeux de hasard. Grâce à cette combinaison de témoignages d’experts, je conclus que la PVA doit présenter les caractéristiques suivantes :

  • Posséder un diplôme de premier cycle en sciences informatiques, en informatique ou en génie informatique ou avoir acquis des compétences équivalentes au moyen d’une formation et d’une éducation, mais sans avoir obtenu un diplôme.
  • Posséder de trois à cinq ans d’expérience de travail en tant que concepteur de logiciels. Bien que M. Smith ait émis l’opinion que l’expérience en matière de jeux de casino est utile sans être nécessaire, je ne partage pas cet avis. Une PVA devrait avoir de l’expérience en développement ou en conception de systèmes de réseautique, y compris les systèmes répartis, les réseaux de télécommunication et les bases de données. Je suis d’accord avec M. Friedman qu’une PVA devrait connaître les jeux de casino.
  • Posséder quelques années d’expérience en recherche clinique sur le jeu compulsif. Cela comprend l’utilisation de méthodes de dépistage ou de tests diagnostiques ciblant les troubles mentaux et disponibles au moment pertinent, la recherche sur les problèmes de dépendance et le jeu pathologique ainsi que le traitement d’un joueur compulsif.
  • Posséder une formation en psychologie. La PVA possède une combinaison de formation théorique formelle et d’expérience de travail. Cela comprendrait un psychologue clinicien titulaire d’un doctorat en psychologie ou un médecin spécialiste en psychiatrie.

(3)  Application précise des revendications

(a)  Interprétation des revendications : les étapes

(i)  Première étape de l’interprétation des revendications : faire ressortir les expressions et les termes

[80]  La première étape consiste à faire ressortir, de la revendication de la demanderesse, les expressions et les termes descriptifs qui déterminent les éléments de l’invention (Free World Trust, au paragraphe 68). Cette analyse doit être effectuée en conformité avec l’article 12 de la Loi d’interprétation, LCR (1985), c I-21, lequel dispose que les mots sont interprétés d’une manière « qui [est] compatible avec la réalisation de [leur] objet ». En outre, lors de l’interprétation téléologique des revendications, si ces dernières sont incertaines et ambiguës, la Cour peut recourir à la divulgation pour obtenir du contexte permettant de les interpréter (Bombardier Recreational Products Inc. c. Arctic Cat Inc., 2017 CF 207, au paragraphe 296 [Bombardier Recreational Products]).

[81]  Lors de l’analyse de ces termes, la Cour doit aussi faire preuve d’un [traduction] « esprit désireux de comprendre ». Cela signifie que l’on doit tenir compte du but et de l’intention de l’auteur (arrêt Whirlpool, au paragraphe 49). Connaître le but permet d’interpréter les termes en contexte. Cela aide la Cour à faire une interprétation « raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public » (arrêt Whirlpool, au paragraphe 49, citant le juge Dickson dans l’arrêt Consolboard, aux paragraphes 520 et 521).

(ii)  Deuxième étape de l’interprétation des revendications : recenser les éléments essentiels et non essentiels

[82]  Le processus pour recenser les expressions et les termes essentiels et non essentiels a été résumé brièvement par la Cour d’appel fédérale [CAF] dans l’arrêt Halford c. Seed Hawk Inc., 2006 CAF 275 [Halford] :

[13]  Le tribunal qui interprète les revendications d’un brevet doit établir quels éléments de l’invention sont essentiels. Cette décision dépend du libellé des revendications, interprété de manière téléologique, et éclairée par les éléments de preuve qui établissent comment la personne versée dans l’art comprendrait lesdites revendications : Whirlpool, au paragraphe 45. Un élément donné peut être déclaré essentiel sur le fondement de l’intention de l’inventeur, telle qu’il l’exprime dans les revendications ou telle qu’on peut l’en déduire, ou sur la base d’éléments de preuve touchant le point de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art au moment de la publication du brevet qu’une variante de cet élément modifierait le fonctionnement de l’invention : Free World, aux paragraphes 31 et 55.

[83]  Et comme l’a décrit le juge Binnie dans l’arrêt Free World Trust, au paragraphe 20 :

Compte tenu de la preuve d’expert entendue en première instance concernant le sens des termes utilisés et vu la compréhension que pouvait en avoir à la date du brevet un travailleur moyen versé dans l’art des appareils d’électromagnétothérapie et ayant les connaissances usuelles des personnes travaillant dans ce domaine, il appert que certains éléments des brevets 156 et 361 sont essentiels pour que l’appareil fonctionne comme l’a prévu l’inventeur et conformément aux revendications, et que d’autres ne le sont pas. Les éléments non essentiels peuvent être substitués ou omis sans que la construction ou le fonctionnement de l’invention décrite dans les revendications n’en soit substantiellement modifié.

[Non en gras dans l’original.]

[84]  En résumé, un élément est non essentiel si, selon une interprétation contextuelle de la revendication, l’intention de l’inventeur était qu’il soit non essentiel (arrêt Whirlpool, au paragraphe 68; Halford, au paragraphe 13); ou si la PVA comprenait que la substitution de cet élément ne modifierait pas le fonctionnement de l’invention (Free World Trust, au paragraphe 20).

[85]  En l’espèce, les défenderesses prétendent que tous les éléments étaient essentiels, et la demanderesse affirme que certains ne l’étaient pas. Après avoir entendu la preuve des experts, je conclus que chacun des éléments de la revendication, comme elle est interprétée (ci-dessous), est un élément essentiel. Chaque étape de la revendication est un élément essentiel, puisqu’une PVA n’aurait pas compris que certaines des étapes ne constituaient pas des éléments essentiels et que chaque élément est essentiel au fonctionnement du système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard.

(b)  Interprétation des revendications

[86]  Un esprit désireux de comprendre « prête nécessairement une grande attention au but et à l’intention de l’auteur » (Whirlpool, à l’alinéa 49 (c)). En l’espèce, le but du brevet 238 est de surveiller les activités de jeux de hasard pour réduire le jeu compulsif. (Dans la présente décision, j’utilise le terme « réduire », mais il n’est pas défini, et il pourrait facilement être remplacé par « aider », « atténuer », « diminuer », « limiter » ou par plusieurs autres synonymes.)

[87]  Le brevet 238 indique qu’il doit être exécuté au moyen d’une [traduction] « méthode contenue dans un système informatique jumelée à un réseau de télécommunications mondial visant la surveillance, la régulation et la cessation des activités liées aux jeux de hasard d’une personne », puis il établit les étapes de la méthode. D’un point de vue général, la description indique que la méthode est entièrement mise en œuvre par un système expert proposant des paramètres limitatifs, en fonction des réponses du joueur à une évaluation, y compris tout paramètre [traduction] « prévu par la loi ou juridictionnel, ainsi que les directives et les normes conservées dans le système ». Une fois que les paramètres sont établis, le logiciel peut montrer des écarts par rapport à la norme ou aux paramètres établis et repérer des problèmes, selon une comparaison du comportement surveillé avec la base de connaissances. Ce système établit une communication entre les jeux de hasard terrestres, sur Internet et en ligne, de manière à pouvoir suivre [traduction] « la durée de jeu, les dépenses et d’autres comportements d’un joueur, comme la vitesse de jeu et la qualité des décisions liées au jeu ».

[88]  Compte tenu de ce qui précède, il serait clair pour une PVA que le brevet 238 a besoin de l’inscription des joueurs pour atteindre son but. La description indique que la méthode privilégiée veut que les utilisateurs s’inscrivent personnellement sur le site Web de Safe Gaming. Toutefois, il est aussi possible de s’inscrire par téléphone ou par l’intermédiaire d’entités tierces, comme [traduction] « un organisme gouvernemental, une société de jeux, un site de jeu en ligne ou une société émettrice de cartes de crédit peuvent être autorisés à aider l’utilisateur à s’inscrire ».

[89]  La description du brevet 238 indique également que l’inscription comporte la présentation à l’utilisateur [traduction] « d’un questionnaire à remplir en ligne ». En outre, la description explique que [traduction] « ces paramètres de contrôle du jeu sont utilisés dans le logiciel de surveillance, qui suit les activités de jeu et intervient, le cas échéant ». Autrement dit, il est nécessaire d’obtenir ces renseignements pour que [traduction] « l’évaluation » des facteurs personnels, financiers, sociaux et psychologiques de l’utilisateur ait lieu; l’évaluation détermine les [traduction] « paramètres de contrôle du jeu » qui devraient être mis en œuvre.

[90]  Comme il a été expliqué ci-dessus, les paramètres sont proposés en fonction de certains facteurs, notamment les réponses de l’utilisateur et la loi. Les montants d’argent et les allocations de temps constituent certains des paramètres suggérés. En outre, la vulnérabilité au jeu compulsif peut être évaluée en temps réel, et des mesures peuvent être suggérées. Finalement, l’utilisateur doit accepter ces limites et, une fois les vérifications et l’enquête de crédit terminées, des numéros de compte et des mots de passe uniques permanents sont attribués. Il est possible que l’utilisateur se voie délivrer une carte à puce encodée. Le système est ensuite en mesure de surveiller et de réguler (au moyen d’avertissements lorsque les limites sont atteintes) les activités de jeu de cette personne et d’y mettre fin lorsque les paramètres sont satisfaits.

[91]  Ce système doit fonctionner continuellement pour surveiller et contrôler les activités de jeu en tout temps. Le brevet 238 énonce que l’évaluation initiale doit être mise à jour périodiquement, à la demande de l’utilisateur ou à l’initiative du système. Cette mesure permet de tenir à jour le système en ce qui a trait au statut social ou économique de l’utilisateur et à sa vulnérabilité au jeu compulsif. Divers rapports liés aux activités de jeu peuvent être produits, et des services connexes sont offerts en matière [traduction] « de formation, de sensibilisation, d’aiguillage vers de l’aide professionnelle requise, de directives sur le jeu sécuritaire et d’autres aspects ».

[92]  La description comprend un ordinogramme du processus général de l’invention indiqué sous l’en-tête [traduction] « Description des réalisations préférentielles », à la sous-section [traduction] « Utilisation du système »

[93]  En résumé, le but du brevet 238 est de surveiller et de réguler le comportement de jeu et d’y mettre un terme lorsqu’il présente un problème, notamment dans les établissements physiques et à l’égard des jeux sur Internet, des TLV et d’autres jeux de hasard en ligne.

[94]  Aux fins de la présente décision, je me fonderai sur les ordinogrammes des revendications de M. Friedman et de M. Griffiths concernant les revendications 1 et 6 et je les retiendrai. Je m’appuie sur ces ordinogrammes de revendications parce que je conclus que la PVA aurait une connaissance de l’industrie du jeu, laquelle est comprise dans ces ordinogrammes. En outre, je suis d’accord avec M. Friedman que l’interprétation proposée par M. Smith ne tient pas compte du but de l’inventeur indiqué dans le mémoire descriptif et qu’elle considère la PVA comme possédant des connaissances générales courantes au moment pertinent, alors que je crois que ce n’était pas le cas. Bien entendu, les connaissances dont on dispose aujourd’hui pour l’évaluation, le suivi comportemental, le traitement et les données concernant le jeu compulsif sont très poussées, mais je ne peux conclure que les éléments de preuve montrent que ces connaissances faisaient partie des connaissances générales courantes au moment pertinent. Une fois de plus, j’estime que le témoignage de M. Smith était crédible, et je crois que les opinions des experts divergent sur la question de savoir si leur analyse est fondée sur le fait que la PVA aurait posséder des connaissances en matière de jeux de hasard.

(4)  Revendication 1

[95]  Le préambule indique que l’invention consiste en un système informatique, connecté à ce que l’on connaît comme le Web, qui surveille et régule les activités de jeu d’une personne et y met fin; et pour ce faire, la méthode comporte les étapes suivantes :

[traduction] Une méthode contenue dans un système informatique jumelée à un réseau de télécommunications mondial visant la surveillance, la régulation et la cessation des activités liées aux jeux de hasard d’une personne. La méthode comporte les étapes suivantes :

[96]  L’alinéa a) de la revendication 1 indique ce qui suit :

mettre en place, dans une base de données, un dossier unique pour la personne et accepter au moins une caractéristique du profil sélectionnée à laquelle la personne a donné son accord dans le dossier unique, la ou les caractéristiques du profil sélectionnées parmi le groupe de caractéristiques comprennent des facteurs personnels, financiers, sociaux, psychologiques, ainsi que des facteurs liés à la vitesse de jeu, à la qualité des décisions et à des paramètres précis de contrôle du jeu;

[97]  Voici mon interprétation de la revendication 1 :

  • a) [traduction] « Dossier unique » : S’entend de la manière dont un dossier est créé pour une personne en particulier qui veut s’adonner aux jeux de hasard. Le dossier unique est versé dans une base de données, de laquelle il peut être récupéré à une date ultérieure. Le sens ordinaire du terme « dossier unique » veut que chaque personne ait un dossier qui lui correspond, puisqu’il s’agit du sens téléologique du terme « unique »; autrement dit, il renvoie à un dossier par personne. Pour la réalisation du but de surveillance, de régulation et de cessation du jeu compulsif, un utilisateur doit forcément commencer par se soumettre à une évaluation personnelle qui crée le dossier unique. Compte tenu de la description écrite du brevet 238 et comme le confirme l’ordinogramme, pour créer un dossier unique, l’utilisateur doit se soumettre à une évaluation qui aborde tous les facteurs acceptés. Le diagramme montre que les fichiers des paramètres constituent l’étape consécutive à une évaluation de l’inscription. Comme il est indiqué dans l’ordinogramme, le système informatique doit régler les fichiers des paramètres en fonction de l’évaluation. Ce n’est qu’à ce moment que des connaissances spécialisées seraient nécessaires pour savoir ce qui réduirait (régulerait) le jeu compulsif de cette personne.

  • b) [traduction] Caractéristique du profil sélectionnée avec l’aval de la personne : Une fois que le système informatique a établi les paramètres, l’utilisateur doit accepter l’un des sept facteurs de profil énoncés. Dans l’ordinogramme, cette étape est intitulée [traduction] « Approbation des paramètres et réservation du compte lié au système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard ». Ainsi, après qu’au moins l’un des facteurs de profil est accepté, il est versé dans le dossier unique. Cela permet au système de savoir quand mettre fin au jeu, puisqu’il saura que la limite, fixée par le paramètre, est atteinte.

  • c) Sélectionnées parmi le groupe de caractéristiques composé de : J’ai interprété cette expression en tenant compte du but du brevet 238 qui consiste à réduire le jeu compulsif. Ce brevet dresse une liste des caractéristiques de profil parmi laquelle l’utilisateur peut en choisir au moins une, et l’évaluation personnelle de chaque utilisateur mène à la création d’un dossier unique. Le brevet mentionne que même le choix d’une seule de ces caractéristiques permettra au système de surveiller et de réguler les activités de jeu et d’y mettre fin, de manière à réduire le jeu compulsif. Parmi ces caractéristiques, les quatre premières consistent en des entrées actives et les trois dernières consistent en des paramètres limitatifs. Je suis d’accord avec M. Griffiths que la formulation [traduction] « parmi le groupe de caractéristiques composé de » signifie que les sept caractéristiques peuvent être sélectionnées. L’évaluation pose des questions sur les sept facteurs, puis le système expert fournit à l’utilisateur les limites à établir. Ce n’est qu’à ce moment que l’utilisateur est en mesure de choisir les paramètres devant faire l’objet d’une surveillance, d’une régulation et d’une cessation.

  • d) Composé de facteurs personnels, financiers, sociaux, psychologiques ainsi que de facteurs liés à la vitesse de jeu, à la qualité des décisions et à des paramètres précis de contrôle du jeu : Les experts, M. Griffiths et M. Hodgins, étaient généralement d’accord sur le sens de certains des sept termes, mais ils ne s’entendaient pas sur les définitions des termes suivants : [traduction] « facteurs sociaux », « qualité des décisions », « vitesse de jeu » et « paramètres précis de contrôle du jeu ». Aucun de ces termes n’est défini dans le brevet 238 et aucun exemple n’est fourni. Malgré la lecture des revendications, le sens de ces termes est demeuré vague, alors le recours à la description a permis d’obtenir des éléments de contexte. Les sept facteurs et leur interprétation se trouvent ci-dessous :

  • e) « Facteurs personnels » : Le terme [traduction] « personnel » se trouve au paragraphe 20 de la divulgation, mais il est utilisé pour modifier trois autres facteurs contenus dans la liste, soit [traduction] « les facteurs personnels de l’utilisateur sur les plans financier, social et psychologique ». Je conclus que les « facteurs personnels » consistent en une fonction de saisie qui fait partie de la création du dossier unique, mais qu’ils ne peuvent pas faire partie des paramètres limitatifs. Par exemple, le nom, l’adresse, l’état matrimonial, l’origine ethnique ou le sexe forment un facteur personnel qui peut être saisi pour créer le dossier unique, mais si ce facteur est choisi, il ne peut servir de paramètre limitatif dans le but de réduire le jeu compulsif.

  • f) « Facteurs financiers » : Ils seraient composés de renseignements sur le revenu et la situation financière concernant les actifs et les passifs.

  • g) « Facteurs sociaux » : M. Hodgins a allégué que ces facteurs comprennent l’état matrimonial, la consommation ou l’abus d’alcool ou d’autres drogues et le niveau de soutien social. En revanche, M. Griffiths a conclu que la consommation d’alcool ou de drogues constitue un facteur psychologique. Je suis d’accord avec M. Griffiths. J’interprète les facteurs sociaux comme comprenant la question de savoir si l’utilisateur joue habituellement seul ou avec d’autres personnes, le groupe d’amis de l’utilisateur, si la famille de l’utilisateur tolère le jeu, si l’utilisateur joue habituellement en ligne, hors ligne ou des deux manières et si l’utilisateur vit ou travaille près d’établissements de jeu ou s’il a accès aux jeux de hasard en ligne.

  • h) « Facteurs psychologiques » : Ces facteurs sont composés des facultés mentales, des traits de caractère comme la témérité ou l’impulsivité, de la consommation ou de l’abus de drogues ou d’alcool et du niveau de vulnérabilité au jeu compulsif.

  • i) « Qualité des décisions » : Le facteur portant sur la qualité des décisions doit être interprété dans le contexte du jeu compulsif; il renvoie à des décisions comme celles de savoir si un joueur aurait dû garder une carte, miser 10 000 $ sur le pari de course hippique externe dont les probabilités de gagner étaient de 50 contre 1 sur le billet du trifecta, parier qu’une équipe sortira gagnante en sachant que le gardien de but est blessé. Ce terme est très vague et il n’est pas défini dans le brevet.

  • j) « Vitesse de jeu » : La vitesse de jeu des utilisateurs lors de tout jeu auquel ils participaient.

  • k) « Paramètres précis de contrôle du jeu » : Déterminer le moment où une limite est atteinte, de manière à mettre fin au jeu.

[98]  L’alinéa b) de la revendication 1 indique ce qui suit :

[traduction] Fournir des moyens uniques pour permettre à la personne de trouver, dans la base de données, le dossier unique du joueur contenant au moins une caractéristique de profil.

[99]  Le terme [traduction] « moyens uniques » est un nom d’utilisateur ou un mot de passe, ou les deux, qui pourraient être encodés dans une carte à puce, et un [traduction] « dossier unique » a été créé dans le cadre du processus d’inscription et d’évaluation qui comportait la sélection d’au moins une caractéristique de profil.

[100]  L’alinéa c) de la revendication 1 indique ce qui suit :

Fournir à un site de jeu sélectionné l’accès à au moins une partie de la base de données ainsi qu’un logiciel d’exploitation pour la surveillance et la cessation des activités de jeu de la personne.

[101]  Cela est interprété comme signifiant que le système informatique, prévu dans le préambule, fournit le code logiciel au site de jeu sélectionné par l’utilisateur, lequel site peut ensuite surveiller l’activité de jeu et y mettre fin. Le système informatique doit fournir le logiciel d’exploitation au site de jeu.

[102]  L’alinéa d) de la revendication 1 indique ce qui suit :

[traduction] Fournir au site de jeu sélectionné, par l’intermédiaire de la personne, les moyens d’identification nécessaires pour lancer les activités de jeu.

[103]  Je conclus que cela signifie que l’utilisateur saisit, par exemple, son nom d’utilisateur et son mot de passe auprès du site, ou sur le site, où il s’apprête à jouer, et que cela constitue le lien vers son identification unique.

[104]  L’alinéa e) de la revendication 1 indique ce qui suit :

[traduction] Surveiller, au moyen du logiciel d’exploitation, les activités de jeu entre la personne possédant un dossier unique et des caractéristiques de profil dans ladite base de données et le site de jeu sélectionné.

[105]  Les renseignements décrits à l’alinéa c) de la revendication 1 ont déjà été obtenus, alors le logiciel d’exploitation fourni au site de jeu par le système informatique (comme il est décrit dans le préambule) est en mesure de surveiller les activités de jeu d’un utilisateur à un site de jeu ou sur un tel site. Ma conclusion selon laquelle les étapes doivent être réalisées dans un ordre donné (les renseignements décrits à l’alinéa c) de la revendication 1 sont d’abord obtenus) est confirmée dans l’ordinogramme, et la PVA le comprendrait forcément.

[106]  L’alinéa f) de la revendication 1 indique ce qui suit :

permettre la régulation des activités de jeu de la personne, laquelle comprend au moins une mesure sélectionnée parmi un groupe de mesures composé de ce qui suit : surveillance des changements dans le comportement de jeu, dans la vitesse de jeu, dans la qualité des décisions et surveillance des limites sur le plan financier et de la durée totale; et permettre au logiciel d’exploitation de mettre fin aux activités de jeu de la personne lorsque celle-ci s’écarte d’au moins une des caractéristiques de profil sélectionnées du joueur, dans la base de données.

[107]  Voici mon interprétation de l’alinéa f) de la revendication 1 :

  • a) La régulation des activités de jeu est le deuxième des trois buts du brevet 238. Pour permettre la régulation, le système doit surveiller les limites établies par les paramètres et reconnaître à quel moment elles sont atteintes. La ou les activités précises qui sont régulées sont déterminées après l’évaluation, et la base de connaissances spécialisées a établi la cible qui doit être régulée pour réduire le jeu compulsif. Cette cible a été acceptée par l’utilisateur (voir à l’alinéa a) de la revendication 1 ci-dessus), stockée dans la base de données de cet utilisateur particulier (dans le système informatique), puis envoyée au site de jeu, conformément à l’alinéa c) de la revendication 1.

  • b) Composé de la surveillance des changements dans le comportement de jeu, dans la vitesse de jeu et dans la qualité des décisions, et de la surveillance des limites sur le plan financier et de la durée totale. Les experts sont d’accord pour dire que la majorité des termes utilisés dans le brevet 238 devraient être interprétés selon leur sens habituel. Toutefois, l’alinéa f) de la revendication 1 contient plusieurs termes non définis dont le sens est vague; j’ai donc jugé nécessaire de recourir à la description pour obtenir des éléments de contexte.

  • i) Surveillance des changements dans le comportement de jeu. Il est difficile d’interpréter ce terme dans la mesure où le comportement de jeu n’est pas l’un des sept facteurs de profil choisis en application de l’alinéa a) de la revendication 1, bien que le site de jeu surveille tout changement dans le comportement de jeu de l’utilisateur comme il est décrit dans son dossier unique, qui se trouve dans la base de données. Le comportement de jeu comprend plusieurs éléments d’un éventail d’agissements, notamment un tic nerveux lors d’un bluff ou le fait de lancer les dés avec vigueur après avoir parié plus que ce que l’on peut payer.

  • ii) Surveillance des changements dans la vitesse de jeu. Cet élément comporte les mêmes questions que celles énoncées ci-dessus. Ce terme n’est pas défini dans le brevet, et la « vitesse de jeu » n’est pas un facteur de profil pouvant être sélectionné au cours de l’évaluation. Ce terme doit être interprété comme comprenant la vitesse et la lenteur à laquelle un jeu de hasard est joué, c’est-à-dire tout agissement allant du lancement de dés lors du jeu de la roulette, à la vitesse à laquelle les cartes sont jouées lors d’une partie de poker.

  • iii) Surveillance des changements dans la qualité des décisions. Cet élément comporte aussi les mêmes questions, puisqu’il n’est pas défini dans le brevet. La qualité des décisions a été interprétée précédemment dans le contexte du jeu compulsif, et il renvoie à des décisions comme celles de savoir si un joueur aurait dû garder une carte, miser 10 000 $ sur le pari de course hippique externe dont les probabilités de gagner étaient de 50 contre 1 sur le billet du trifecta, parier qu’une équipe sortira gagnante en sachant que le gardien de but est blessé. Vu les observations ci-dessus, le terme ne peut qu’être interprété comme renvoyant à la surveillance des changements dans la qualité des décisions, lesquels ont été déterminés par le système expert après l’évaluation, compte tenu des connaissances limitées concernant le jeu compulsif au moment pertinent.

  • iv) Surveillance de la limite pécuniaire. Cela signifierait que l’utilisateur (ou, selon la description, une entité comme une société émettrice de cartes de crédit) aurait choisi ce facteur et aurait accepté un montant d’argent qui, une fois atteint, entraînerait l’arrêt du jeu. Comme le système informatique envoie les données au site de jeu, il semblerait que cela pourrait se produire chaque fois que l’utilisateur change de site; par conséquent, il ne s’agirait pas d’une limite pécuniaire pour un seul lieu ou un seul type de site de jeu, mais plutôt d’une limite cumulative propre à l’utilisateur.

  • v) Surveillance de la durée totale. Cela signifie qu’un utilisateur ou une entité, comme il est indiqué dans la description, ont choisi la période pendant laquelle ils peuvent jouer, et le jeu prend fin lorsque cette période est écoulée. Il semble que cela comprend tous les modes et les lieux de jeu, étant donné que le qualificatif « totale » est utilisé.

  • c) Permettre au logiciel d’exploitation de mettre fin aux activités de jeu de la personne lorsqu’elle s’écarte d’au moins une des caractéristiques de profil de joueur sélectionnées se trouvant dans la base de données. Ce système d’exploitation aurait envoyé au site de jeu au moins l’un des profils choisis pour la régulation et, une fois cette limite atteinte, le jeu se terminerait. Une PVA comprendrait qu’il serait mis fin à tous les jeux dès l’atteinte d’une seule limite de régulation du profil surveillée par le système.

(5)  Revendication 6 :

[108]  La revendication 6 dépend de la revendication 1 et elle est libellée comme suit :

[traduction] La méthode de la revendication 1 pour laquelle la fourniture de l’accès à au moins une partie de la base de données et du logiciel d’exploitation à chaque site de jeu sélectionné comprend la copie, sur un serveur du site de jeu sélectionné, d’une partie de la base de données et du logiciel d’exploitation pour la surveillance et la cessation des activités de jeu de certaines personnes.

[109]  Je souligne que l’épellation « gaining » en anglais doit être une erreur d’orthographe, puisqu’il s’agit d’un terme non défini et inconnu d’une PVA. L’auteur aura voulu dire « gaming site » (« établissement de jeu » en français).

[110]  Concernant l’interprétation des termes de la revendication dépendante 6, je suis d’accord avec l’interprétation de M. Friedman.

[111]  L’interprétation proposée par M. Smith veut que la revendication 6 comprenne toutes les étapes de la revendication 1, puis elle rend cette dernière moins générale en restreignant la portée de ses alinéas c), d), e) et f). M. Smith a noté que cela ressort de la formulation de la revendication 6, où il est mentionné ce qui suit : [traduction] « [...] la copie, sur un serveur de l’établissement de jeu sélectionné, d’une partie de la base de données et du logiciel d’exploitation pour la surveillance et la cessation des activités de jeu de certaines personnes ».

[112]  La revendication 6 est censée restreindre l’alinéa c) de la revendication 1, où il est indiqué, sans fournir de précisions, que le système informatique mentionné dans le préambule envoie le logiciel d’exploitation à l’établissement de jeu. Selon la restriction, une PVA saurait maintenant [traduction] « qu’au moins une partie de la base de données ainsi que le logiciel d’exploitation » seraient envoyés précisément au serveur de chaque établissement de jeu sélectionné.

[113]  Comme l’a souligné M. Friedman, le problème que pose l’interprétation de M. Smith est que le système n’a copié aucun logiciel pour effectuer la surveillance des activités de jeu de certaines personnes et y mettre fin, comme il a été allégué.

[114]  Cette interprétation pose aussi problème parce que ni le terme [traduction] « chaque », accompagnant l’expression [traduction] « établissement de jeu sélectionné », ni l’ajout de l’expression selon laquelle au moins une partie de la base de données ainsi que le logiciel d’exploitation seraient envoyés au [traduction] « établissement de jeu sélectionné » ne restreignent l’alinéa c) de la revendication 1. La seule différence réelle est qu’ils sont maintenant envoyés au serveur de l’établissement de jeu que l’utilisateur a sélectionné. Aussi, il n’est pas clair si [traduction] « l’établissement de jeu sélectionné » renvoie au même emplacement que celui mentionné dans la revendication 1, et il n’est pas clair non plus si, dans l’alinéa c) de la revendication 1, le système d’exploitation du site de jeu exécute le logiciel d’exploitation ailleurs que sur un serveur, alors que la revendication 6 précise que le logiciel d’exploitation est envoyé au serveur. La seule interprétation possible veut que chaque fois qu’un établissement de jeu est sélectionné, le système informatique principal envoie la copie d’au moins une partie de la base de données ainsi que le logiciel d’exploitation au serveur dudit établissement de jeu.

[115]  En ce qui concerne le recours à la description pour obtenir des éléments de contexte, l’esquisse est utile. Le dessin est complet et comporte des flèches qui me permettent de conclure qu’un ordre d’exécution des étapes est indiqué.

[116]  Selon une autre interprétation proposée par M. Smith, avec laquelle je ne suis pas d’accord, une PVA comprendrait que l’accès serait fourni en copiant au moins une partie de la base de données, ainsi que le logiciel d’exploitation, sur un serveur d’un établissement de jeu sélectionné, lequel offrait des ressources ou des services partagés à la demande des clients. Je ne suis pas d’accord parce que la revendication 6 n’indique pas que le serveur offre des ressources ou des services partagés, à la demande des clients, et cela ne ferait pas partie des connaissances générales courantes d’une PVA.

[117]  En 2000, la PVA aurait su qu’il était possible d’effectuer un téléchargement à distance, ou encore, à partir d’un CD ou d’une clé USB. En outre, à ce moment, l’Internet était lent, particulièrement pour un fichier important, de même que l’accès à l’Internet par ligne commutée. Par conséquent, comme l’a dit M. Smith, il était possible pour une personne d’effectuer cette étape, mais je retiens l’interprétation de M. Friedman selon laquelle l’étape de la revendication 6 de [traduction] « [...] copier une partie de la base de données et le logiciel d’exploitation [...] » serait effectuée par un système informatique. Selon cette interprétation téléologique, cette étape serait effectuée par un système informatique plutôt que par une personne.

B.  Le droit sur la validité – principes se rapportant à l’utilité, à l’ambiguïté, à l’évidence, à l’antériorité, à l’objet non brevetable et au caractère suffisant

(1)  Utilité

[118]  L’article 2 de la Loi sur les brevets précise qu’une invention doit présenter le caractère de la nouveauté et de l’utilité. La présomption veut que le brevet 238 soit utile, et il incombe aux défenderesses de prouver qu’il n’avait pas d’utilité (Eli Lilly Canada inc. c. Novopharm Limited, 2010 CAF 197, au paragraphe 107).

[119]  Récemment, la Cour suprême du Canada a clarifié l’état du droit sur l’utilité, dans l’arrêt AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2017 CSC 36 [AstraZeneca], qui a été publié après la tenue du présent procès. Des parties de cet arrêt se trouvent en annexe. Bien que l’arrêt AstraZeneca ait été publié après le présent procès, d’autres observations n’étaient pas nécessaires, puisque les parties avaient déjà fourni des arguments et le fondement factuel complet requis pour décider de l’utilité.

[120]  Il est nécessaire d’aborder la question de savoir si l’utilité est évaluée en fonction de chaque revendication prise individuellement ou en se fondant sur l’ensemble du brevet. Premièrement, l’arrêt AstraZeneca indique que l’objet de l’invention proposée doit être déterminé, et non l’objet de chaque revendication. Logiquement, l’objet du brevet demeure le même pour l’ensemble des revendications. En outre, le libellé de l’article 2 de la Loi sur les brevets est différent de celui des paragraphes 28.2 et 28.4, lequel a déjà amené les tribunaux à décider que l’évidence et la nouveauté sont évaluées en fonction de chaque revendication prise individuellement. Par conséquent, l’analyse de l’utilité examine le brevet dans son ensemble.

[121]  Au procès, les défenderesses ont soutenu qu’il y avait, à la date de dépôt, absence de prédiction valable selon laquelle les cinq étapes pourraient être réalisées et se traduire par une méthode de travail. La demanderesse a affirmé que l’utilité essentielle concernait la surveillance, la régulation et la cessation des activités de jeu d’une personne, et que cette utilité essentielle était atteinte.

[122]  La première étape de l’analyse portant sur l’utilité consiste à déterminer l’objet de l’invention. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada, « [...] en définitive, chaque invention ne se rapporte qu’à un seul objet, et il suffit d’une utilisation de cet objet, démontrée ou valablement prédite à la date de dépôt, pour que l’invention soit utile au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’art. 2 » (AstraZeneca, aux paragraphes 49 et 54).

[123]  L’objet du brevet 238 comprend un système expert qui possède des connaissances sur les utilisateurs de manière individuelle (obtenues après une évaluation) pour toute installation de jeu (Internet, terminaux vidéo et tables de jeu dans des établissements physiques) et qui surveille les changements dans le comportement de jeu. Le système expert détermine les limites qui s’imposent pour une personne en particulier (en se fondant sur la vulnérabilité de cette personne) et met fin au jeu lorsque ces limites personnelles sont atteintes. En bref, l’objet du brevet 238 consiste en un système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard destiné au jeu compulsif.

[124]  La deuxième étape de l’analyse portant sur l’utilité consiste à déterminer si l’objet de l’invention est utile. En d’autres termes, la Cour doit « se demander si cet objet est utile – c’est‑à‑dire, se demander s’il peut donner un résultat concret ». Une utilisation potentielle peut ne pas donner un résultat concret, une parcelle d’utilité suffit. Le but de cette seconde étape est de prévenir les inventions fantaisistes, hypothétiques ou inutilisables et de s’assurer de l’utilité. Bien qu’une parcelle d’utilité suffise, elle doit être liée à la nature de l’objet (AstraZeneca, aux paragraphes 55 et 57).

[125]  L’utilité essentielle invoquée par la demanderesse n’est pas pratique, car elle n’est pas liée à la nature de l’objet; elle est bien trop générale. La demanderesse fait valoir que l’utilité consiste à surveiller et à réguler le jeu d’une personne et d’y mettre fin. La demanderesse soutient que le témoin expert des défenderesses, M. Griffiths, a établi la prédiction valable, puisqu’il a reconnu qu’en 2001, une PVA aurait pu créer un système informatique capable d’exécuter les fonctions nécessaires à l’utilité essentielle.

[126]  Il s’agit d’une déclaration très générale, et je conclus que l’objet de l’invention était la surveillance, la régulation et la cessation des activités de jeu compulsif, et non simplement le jeu de l’ensemble des personnes, comme l’a prétendu la demanderesse. La nature de l’objet concerne une personne qui a un problème de jeu compulsif, ou une personne dont le comportement doit être surveillé pour éviter le jeu compulsif.

[127]  Je suis également en désaccord avec la demanderesse lorsqu’elle soutient que l’opinion de M. Griffiths, selon laquelle quelqu’un pourrait concevoir un système réparti qui mettrait fin au jeu si une personne choisissait un sexe donné comme facteur, s’inscrit dans la portée de l’objet du brevet. Par exemple, le fait que quelqu’un aurait pu, au moment pertinent, concevoir un programme qui aurait mis fin au jeu si un utilisateur avait été reconnu comme étant d’un sexe donné ne démontre pas un lien d’utilité avec la nature de l’objet, qui porte sur le jeu compulsif.

[128]  En outre, si l’invention pouvait mettre fin au jeu en fonction de l’âge du joueur, à la date du dépôt, cela ne concerne pas l’objet des revendications, soit le jeu compulsif. En conséquence, l’utilité essentielle invoquée par la demanderesse n’est pas pratique compte tenu de l’objet du brevet 238, et elle ne satisfait pas au critère énoncé dans l’arrêt AstraZeneca. L’invention revendiquée au moment pertinent ne serait pas en mesure de surveiller et de réguler les activités de jeu ou d’y mettre fin, de manière à réduire le jeu compulsif.

[129]  En ce qui a trait aux observations des défenderesses concernant la prédiction valable, ces dernières prétendent que l’utilité est correctement entendue comme la surveillance, la régulation et la cessation du jeu compulsif d’une personne, en fonction d’au moins une caractéristique de profil sélectionnée dans la liste indiquée à l’alinéa a) de la revendication 1.

[130]  La décision de principe sur cette prédiction valable est l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, au paragraphe 70 [Wellcome]. Qu’il existe ou non une prédiction valable est une conclusion de fait qui exige que des éléments de preuve soient présentés relativement à ce qui était connu à la date de priorité (au paragraphe 70). En l’absence de prédiction valable, le brevet est invalide (Wellcome, au paragraphe 56).

[131]  La règle de la « prédiction valable » établit un équilibre entre deux intérêts publics opposés : l’intérêt public à ce que les inventions soient divulguées rapidement et l’intérêt public qu’il y a à éviter de consentir un monopole pour une désinformation. Cela fait partie de la contrepartie qu’un inventeur offre en échange du monopole. Il ne suffit pas que le résultat s’avère exact, car la prédiction valable n’est pas une question de chance ou de spéculation (Wellcome, aux paragraphes 66, 69, 83 et 84).

[132]  Le degré de divulgation nécessaire pour prédire valablement l’utilité du brevet dépend des connaissances de la PVA (Eurocopter, au paragraphe 152). Si la prédiction valable repose sur des données qui ne font pas partie des connaissances générales courantes, « il se peut fort bien que la divulgation dans le mémoire descriptif soit exigée pour étayer une prédiction valable » (Eurocopter, au paragraphe 153).

[133]  Finalement, dans l’arrêt Wellcome, au paragraphe 70, le juge Binnie a établi trois exigences pour s’assurer d’une prédiction valable :

Premièrement, la prédiction doit avoir un fondement factuel.

Deuxièmement, à la date de la demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et « valable » qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité.

Troisièmement, il doit y avoir divulgation suffisante. En général, il n’est pas nécessaire que l’inventeur fournisse une explication théorique de la raison pour laquelle l’invention fonctionne.

[134]  En l’espèce, l’inventeur n’a pas démontré une prédiction valable à la date de priorité (le 20 janvier 2000), car il n’avait pas un raisonnement clair et valable qui permettait d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité, pour les motifs suivants :

  1. L’inventeur, M. Johnson, a indiqué qu’il avait conçu l’invention sur son ordinateur personnel sans l’architecture de réseau requise pour un système réparti. Il a démontré qu’un écolier aurait pu effectuer le travail de programmation. Il a démontré que l’invention n’était pas au point et qu’il ne s’agissait que d’une idée. De plus, il a dit qu’il ne s’agissait pas de l’invention complète.
  2. Bien que l’inventeur ait affirmé qu’une évaluation de l’inscription constituait une étape dans son ordinogramme, il a démontré qu’il ne connaissait rien de l’évaluation de l’inscription.
  3. L’ordinogramme compris dans le brevet n’était pas au point, et même s’il comporte bel et bien des flèches indiquant une procédure à suivre, le témoignage de M. Johnson au procès a démontré que l’ordre de l’ordinogramme (voir l’annexe) ne serait pas forcément respecté puisqu’il existe maintenant des méthodes différentes de procéder.
  4. Aucun programme n’avait été inventé avant janvier 2001, lorsque M. Johnson a déposé son brevet visant à surveiller la vitesse de jeu d’une personne, et le brevet 238 ne comportait pas de critères à remplir concernant la vitesse de jeu du joueur qui entraînait l’arrêt du jeu.
  5. L’inventeur ne disposait pas d’une base de données ou d’un autre outil pour surveiller la vitesse de jeu, la qualité des décisions, le comportement de jeu, les probabilités de jeu et la qualité du jeu.
  6. Le prototype n’était pas connecté à un environnement de jeu. Les essais consistaient à saisir des valeurs de contrôle pour voir si le jeu serait interrompu une fois la valeur dépassée.
  7. À l’époque de l’invention, l’inventeur n’avait ni conçu un programme qui interromprait le jeu en fonction d’un changement dans la vitesse de jeu du joueur ni prévu des seuils d’interruption permettant de mettre fin au jeu. En outre, il n’y avait aucune méthode permettant d’évaluer la qualité des décisions prises par un joueur ni aucune façon de surveiller les changements ou les seuils d’interruption établis afin de mettre fin au jeu.
  8. Aucun essai n’avait été effectué sur le système pour mesurer sa capacité à réduire le jeu compulsif.

[135]  Les défenderesses ont soutenu qu’il n’existait pas de données empiriques démontrant que les cinq étapes pourraient être réalisées et se traduire par une méthode de travail. En l’absence de fondement factuel, elles ont soutenu qu’une prédiction valable ne pouvait exister, et que la régulation du jeu compulsif, au moyen de ces cinq étapes, n’avait pas d’utilité dans le brevet 238.

[136]  Je suis d’accord avec les défenderesses et je retiens les opinions de M. Griffiths et de M. Friedman, lesquels sont tous deux d’avis que l’invention en l’espèce n’a pas été valablement prédite ou suffisamment divulguée pour démontrer une parcelle d’utilité.

[137]  Le brevet concerné permet une surveillance générale, mais une PVA, au moment pertinent, ne possédait pas les outils psychologiques pour surveiller et réduire le jeu compulsif, et l’utilité n’est pas valablement prédite ou démontrée. Au mieux, la PVA pourrait surveiller les gestes posés par le joueur, mais elle ne saurait pas ce qui est sécuritaire pour une personne (et ce qui est sécuritaire pour une personne peut ne pas l’être pour une autre).

[138]  En outre, en 2001, une PVA n’aurait pas conçu un champ de données de suivi comportementales pour faciliter la conception de mesures visant à réguler les activités de jeu d’un joueur, ou pour ajuster ces mesures aux jeux ou aux paris auxquels il s’adonnait. Par exemple, comment une PVA aurait-elle pu surveiller les changements dans la qualité des décisions d’un joueur sans références (y compris physiologiques) pour le jeu et le joueur en question? Le brevet 238 ne comprend pas les comparateurs de référence nécessaires, et ces derniers n’auraient pas fait partie des connaissances générales de la PVA. Même si le brevet permettait de surveiller les facteurs nécessaires, le fait que deux personnes dépensent chacune 100 $ par jour ne réduit pas le jeu compulsif; en effet, si l’une d’entre elles est bénéficiaire d’aide sociale, cette activité pourrait être problématique, ce qui pourrait ne pas être le cas de l’autre si elle est bien nantie. Une fois de plus, en 2001, il n’existait pas d’outils pour évaluer le jeu ou établir des limites en vue de réduire le jeu compulsif, comme l’exigeait le brevet 238. Il existait quelques outils de dépistage concernant le jeu, par exemple l’instrument de dépistage du jeu South Oaks Gambling Screening et l’indice canadien du jeu excessif (ICJE), mais ils étaient encore à l’état embryonnaire et incomplets, et il n’existait pas de données à long terme, au moment pertinent.

[139]  Par conséquent, l’utilité du brevet 238 ne répond pas à l’article 2 de la Loi sur les brevets, et le brevet est invalide. Si la revendication 1 est invalide à cet égard, il en va de même pour la revendication 6, car cette dernière ne restreint pas la revendication 1 sur ce point. Je conclus que le brevet 238 ne comporte pas même une parcelle d’utilité, et je suis justifié par les opinions de M. Friedman et de M. Griffiths, dont j’adopte le raisonnement.

[140]  Un brevet en mesure de faire ce que le présent brevet prétend faire serait très utile en matière de « jeu compulsif ». Toutefois, ce n’est pas le cas du présent brevet, et il n’a pas été valablement prédit, même quand je tente d’interpréter les termes de la manière la plus téléologique possible. Au moment pertinent, on en savait peu sur le « jeu compulsif », et les tests de dépistage étaient encore au stade embryonnaire. Ensuite, la simple impossibilité de ce que l’invention peut faire, selon le brevet, et ce qu’elle peut vraiment faire, font que l’utilité du présent brevet est difficile à dégager étant donné la divulgation insuffisante (cette question est abordée de manière plus approfondie ci-dessous). Le témoignage de M. Johnson confirme que le brevet n’était pas en mesure de faire ce qu’il affirmait pouvoir faire, puisqu’il n’était pas au point.

[141]  Le présent brevet ne peut être mis en œuvre, car une PVA serait incapable de programmer un système informatique pour effectuer les tâches qu’il affirme pouvoir réaliser.

(2)  Suffisance de la divulgation

[142]  En application du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, les revendications et le mémoire descriptif doivent décrire d’une façon exacte et complète l’invention. Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets déclare que « [le] mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ». Si une revendication d’un brevet réclame plus, ou est plus large, que ce qui a été inventé ou divulgué, elle peut être jugée invalide (Pfizer Canada Inc. c. Canada (Santé), 2007 CAF 209, au paragraphe 115; Amfac Foods Inc v Irving Pulp & Paper Ltd (1986), 12 CPR (3d) 193 (CAF)).

[143]  Aux termes de l’article 58 de la Loi sur les brevets, les revendications qui ne satisfont pas aux exigences de divulgation peuvent être dissociées de celles qui sont trop générales (AstraZeneca, au paragraphe 46). Par conséquent, l’ensemble d’un brevet peut être invalidé pour ce motif.

[144]  La divulgation suffisante fait partie de la contrepartie que doit offrir le titulaire du brevet pour obtenir le monopole, et il s’agit du pivot du régime des brevets (Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, aux paragraphes 31 et 32). L’objectif de la divulgation est de s’assurer qu’une PVA peut « utiliser pleinement l’invention sans avoir à faire montre d’un esprit inventif » (Pfizer Canada inc. c. Canada (Santé)), 2008 CAF 108, au paragraphe 64).

[145]  La Cour suprême du Canada a expliqué le critère de la divulgation suffisante dans l’arrêt Pioneer Hi‑Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 RCS 1623, à la page 1638, en affirmant qu’un mémoire descriptif établit la manière dont une invention est fabriquée et explique la façon dont elle est mise en œuvre :

[L]e demandeur doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’invention. Afin d’être complète, celle-ci doit remplir deux conditions : (1) l’invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie; et (2) le demandeur doit définir la nature de l’invention et décrire la façon de la mettre en opération. Un manquement à la première condition invalide la demande parce qu’ambiguë alors qu’un manquement à la seconde l’invalide parce que non suffisamment décrite. Quant à la description, elle doit permettre à une personne versée dans l’art ou le domaine de l’invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation.

[Renvois omis].

[146]  La demanderesse fait valoir que des connaissances générales courantes auraient permis à la PVA de combler les lacunes du brevet 238. Dans la décision Astrazeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2015 CF 322, le juge Barnes a expliqué que la PVA possède des « connaissances de base et une expérience considérables », et que les revendications ne sont pas d’une portée excessive parce qu’elles laissent à la PVA « le soin d’éviter des choix inappropriés et connus » (aux paragraphes 276 et 277).

[147]  Toutefois, je suis d’accord avec les défenderesses, qu’en l’espèce, la PVA doit faire plus que de mettre à profit ses connaissances et son expérience; elle doit [traduction] « entreprendre un projet de recherche important pour “comprendre” comment mettre en œuvre la méthode revendiquée ». Il en est ainsi parce que les revendications ne définissent pas certains termes essentiels comme [traduction] « caractéristiques de profil sélectionnées ou ne contiennent pas les renseignements concernant la manière de sélectionner les caractéristiques de profil. Le brevet 238 ne définit pas non plus beaucoup d’autres termes, comme [traduction] « facteurs personnels », « facteurs financiers », « facteurs sociaux » et « facteurs psychologiques » (qui comportent des centaines de variables possibles), ainsi que [traduction] « vitesse de jeu », « surveillance des changements dans la vitesse de jeu » (qui varie selon le jeu) et [traduction] « qualité des décisions ».

[148]  Dans la décision Bombardier Recreational Products, au paragraphe 568, le juge Roy a conclu que la divulgation était insuffisante si la PVA doit mener un projet de recherche pour fabriquer l’invention :

[568]  [...] Qu’est-ce qui est divulgué? Rien. Le seul élément de preuve est l’espèce n’est pas que la personne versée dans l’art aurait à entreprendre un projet de recherche mineur, ce qui est déjà trop Teva, au paragraphe 75). C’est un grand projet de recherche.

[149]  L’invention doit enseigner une nouvelle solution à un problème. Il s’agit de la raison d’être de la contrepartie. La demanderesse a décrit les alinéas a) et f) de la revendication 1 comme des revendications Markush. Qu’il s’agisse ou non de revendications Markush, les éléments essentiels sont illimités, ce qui rend la divulgation insuffisante. Par conséquent, je suis d’accord avec les demanderesses que la divulgation de la revendication 1, en l’espèce, était insuffisante, plus particulièrement dans le cas des alinéas a) et f) de la revendication 1. Je ne crois pas non plus qu’il s’agisse d’une revendication Markush, mais je n’ai pas à trancher cette question, puisque mon interprétation est claire quant au fait que les étapes devaient être effectuées dans un ordre donné.

[150]  Plus précisément, l’opinion de M. Griffiths, avec laquelle je suis d’accord, veut que les termes suivants, contenus dans les alinéas a) et f) de la revendication 1, soient ambigus, indéterminés ou non définis dans le brevet 238 : [traduction]

a)  caractéristique de profil;

b)  facteurs sociaux;

c)  facteurs psychologiques;

d)  vitesse de jeu;

e)  qualité des décisions;

f)  paramètres précis de contrôle du jeu;

g)  surveillance des changements dans le comportement de jeu;

h)  surveillance de la qualité des décisions.

[151]  Par exemple, concernant la vitesse de jeu, la divulgation est silencieuse sur la manière de surveiller des changements à l’égard de différents jeux. Au moment pertinent, la PVA n’aurait pas possédé les données ou les résultats de recherche sur la manière dont le système expert aurait utilisé les changements dans la vitesse de jeu pour établir les écarts devant faire l’objet d’une régulation. La divulgation ne comprend pas non plus le degré d’écart devant être établi par le système expert en ce qui concerne les changements liés à la vitesse de jeu.

[152]  En outre, il n’existe pas de données pour montrer que la vitesse de jeu pour certains jeux a un lien avec la question de savoir si le joueur souffre d’un problème de jeu compulsif, et encore moins pour être en mesure de la surveiller. Par exemple, une personne pourrait jouer sur un TLV mille fois en une heure, mais elle ne pourrait pas le faire à une table de jeu de roulette. Autre exemple, si la personne joue au blackjack à une table complète, il y a plus de mains à gérer, alors elle joue moins de mains en une heure, mais si un joueur se retire, elle peut jouer plus de mains, et sa vitesse de jeu augmente. Alors, comment cet écart peut-il être surveillé et comment la vitesse de jeu peut-elle être régulée ou interrompue? Ces situations ne répondraient pas à l’objet de réduction du jeu compulsif, car la vitesse de jeu au blackjack n’est pas nécessairement révélatrice de la plupart des joueurs aux prises avec un problème de jeu compulsif, et il ne s’agirait pas d’un élément abordé par les tests de dépistage pour chaque jeu de hasard, au cours de la période pertinente. En conséquence, je ne suis pas d’accord avec la demanderesse que les connaissances générales courantes [traduction] « combleraient les lacunes ».

[153]  De même, concernant la qualité des décisions, le brevet 238 ne divulgue pas en quoi consiste une décision de qualité, et les possibilités sont innombrables. La question de savoir en quoi consiste la [traduction] « qualité de décision » et la manière de la surveiller ne font pas l’objet d’une divulgation. Selon l’opinion de M. Hodgins, une PVA serait en mesure de comprendre que, par exemple, [traduction] « la qualité des décisions » englobe les distorsions cognitives, comme les illusions de contrôle d’un joueur. Je crois que les deux experts ont donné des exemples semblables pour mettre en lumière l’illusion de contrôle, qui peut comprendre toutes sortes de situations allant de la croyance de jouer à une machine chanceuse à la vitesse à laquelle le joueur appuie sur le bouton ou encore le fait de porter des chaussettes chanceuses. M. Griffiths a qualifié l’idée de porter des chaussettes chanceuses de problème de corrélation illusoire. Le brevet ne définit pas le terme « qualité de décision » et n’indique pas la manière de la mesurer, pas plus que les règles pour établir l’écart. Le brevet suppose qu’une personne possède déjà toutes ces connaissances. Au moment pertinent, une PVA n’aurait pas possédé ces connaissances et, par conséquent, la divulgation est insuffisante.

[154]  La description n’explique pas suffisamment l’invention et elle n’indique pas la manière dont l’invention est produite ou fabriquée, comme l’exige la Loi sur les brevets, en échange de l’octroi du monopole. La PVA ne pourrait pas non plus mettre l’invention en œuvre, au moyen des seules instructions contenues dans la divulgation.

[155]  Après avoir interprété le brevet 238, je conclus qu’il n’est pas suffisamment descriptif pour qu’une PVA soit en mesure de comprendre la manière dont l’invention est définie. Cette dernière n’est pas suffisamment expliquée, puisque les termes sont ambigus et de portée trop large, de sorte qu’ils donnent lieu à un nombre illimité de scénarios, en plus de ne pas fournir de renseignements sur la façon d’établir des limites réelles pour la surveillance, la régulation et la cessation des activités de jeu, dans le but de réduire le jeu compulsif.

[156]  Bien que M. Griffiths ait convenu, lors de son contre-interrogatoire, que certains des facteurs pourraient servir de paramètres limitatifs (et même s’il a reconnu, lorsqu’on lui a demandé, qu’une méthode informatique pouvant détecter si un joueur joue à la maison ou au casino pourrait servir de paramètres limitatifs, et que le joueur pourrait se faire demander s’il souffre de dépression ou s’il est touché par plusieurs de ces facteurs), il n’en demeure pas moins que les termes, comme ils ont été interprétés, sont de portée tellement large et donnent ouverture à un tel nombre infini de scénarios qu’ils sont ambigus.

[157]  En outre, au moment pertinent, une PVA ne possédait pas les données sur le jeu compulsif nécessaires pour connaître les facteurs permettant de réduire le jeu compulsif. La science ou les données sur Internet ou en ligne concernant le jeu compulsif n’existaient pas. Au moment pertinent, il existait peut-être certains renseignements limités sur le jeu compulsif, mais ils n’étaient pas suffisants pour que la PVA comprenne le brevet 238.

[158]  Le brevet ne décrit pas l’invention et ne définit pas la façon de la produire ou de la fabriquer, et l’allégation d’invalidité pour ambiguïté concernant la revendication 1 et sa revendication dépendante 6 est accueillie en l’espèce.

[159]  Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada, il est possible de dissocier les revendications insuffisantes de celles qui sont suffisantes, au sens de l’article 58 de la Loi sur les brevets. Toutefois, en l’espèce, la revendication 6 ne précise ni ne restreint les éléments ambigus contenus dans la revendication 1. Par conséquent, la revendication 6 ne peut être conservée malgré sa dissociation de la revendication 1, et elles sont toutes deux invalides.

C.  Évidence

[160]  Le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets dispose que les inventions ne doivent pas être évidentes du point de vue de l’art antérieur, à la date de la revendication. En l’espèce, la date de la revendication est la date de priorité du 20 janvier 2000, au sens du paragraphe 28.1 de la Loi sur les brevets. Le caractère de l’évidence est analysé sans rétrospective, et il s’agit d’un critère difficile à satisfaire (Frac Shack, au paragraphe 205).

[161]  Le libellé du paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets indique que l’évidence est évaluée en fonction de chaque revendication prise individuellement. Cela est attribuable à la relation entre les revendications indépendantes et dépendantes. Comme la portée des revendications dépendantes est plus restreinte que celle des revendications indépendantes, il est possible que la revendication dépendante plus restreinte échappe à l’art antérieur et demeure inventive. Le défaut de tenir compte de chacune des revendications prétendument évidentes est une erreur de droit et, par conséquent, les revendications 1 et 6 doivent être évaluées (Zero Spill, aux paragraphes 81 à 83, 89, 94).

[162]  La demanderesse a fait valoir que l’invention n’était pas évidente. Elle affirme que, même si l’art intérieur comprenait des systèmes « Lasseters Online » et « ACES », il s’agit dans les deux cas de systèmes centralisés. La demanderesse prétend que cela distingue l’invention du brevet 238, laquelle est un système réparti, et qu’aucun élément de l’art antérieur ne fonctionne comme le système décrit dans la revendication 6.

[163]  Les défenderesses soutiennent que les revendications 1 et 6 étaient évidentes. Concernant la revendication 1, les défenderesses prétendent qu’il n’y a pas de différence entre les témoignages de M. Smith et de M. Hodgins concernant les connaissances de la PVA et le brevet en soi, lorsqu’ils disent [traduction] « qu’il n’y a rien à craindre quant à l’existence d’autres éléments évidents. Ils y sont déjà ».

[164]  Pour décider si l’invention était évidente, la Cour suprême du Canada a expliqué un critère à quatre volets dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 6, aux paragraphes 67 à 69 [Sanofi] : [traduction]

(1) a)   Identifier la « personne versée dans l’art ».

 b)  Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)  Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)  Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4)  Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelconque inventivité?

4 (1)  Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

4 (2)  Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

4 (3)  L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[165]  Le juge O’Reilly a succinctement résumé le critère dans la décision E. Mishan & Sons, Inc. c. Supertek Canada Inc., 2014 CF 326, au paragraphe 129, conf. par 2015 CAF 163. Le libellé de la partie (d) a été interjeté en appel, mais confirmé par la Cour d’appel fédérale :

[129]  Pour déterminer l’évidence, la Cour doit :

a)  identifier la personne fictive qui est versée dans l’art;

b)  déterminer les connaissances générales courantes pertinentes et les antériorités qui représentent l’état de la technique;

c)  déterminer l’idée originale des revendications en cause;

d)  recenser les différences, s’il y en a, qui existent entre l’état de la technique et l’idée originale;

e)  en ce qui concerne ces différences, a-t-il fallu recourir à un degré d’inventivité pour arriver à l’invention revendiquée et, plus précisément, des questions telles que les suivantes peuvent être posées :

  était-ce plus ou moins évident?

  quel effort, ordinaire ou non, a-t-il fallu déployer?

  quelle était la raison pour trouver une solution?

[166]  Le critère peut comprendre la question de savoir de quelle manière l’inventeur a élaboré l’invention. Si elle a été inventée rapidement, facilement, directement ou à peu de frais, il peut s’agir alors d’une étape évidente. L’invention peut être non évidente si l’inventeur a effectué des recherches en vain (Sanofi, au paragraphe 71).

[167]  L’art antérieur à l’étape 3 du critère de l’évidence est examiné différemment que par rapport à la nouveauté. En ce qui concerne la nouveauté, la divulgation doit avoir lieu dans une publication. En revanche, la Cour peut conclure à l’évidence compte tenu de l’ensemble de l’art antérieur connu de la PVA à la date pertinente prévue par la loi, comme il est indiqué aux alinéas 23.3a) et b) de la Loi sur les brevets. Le processus a été décrit comme axé sur une « mosaïque des réalisations antérieures pertinentes ainsi que sur les connaissances générales courantes » (Alcon Canada Inc. c. Apotex Inc., 2014 CF 791, au paragraphe 208). Si la défense fait valoir une mosaïque, elle doit alors démontrer « non seulement l’existence de réalisations antérieures, mais aussi la manière dont la personne normalement versée dans l’art aurait été amenée à combiner les éléments pertinents provenant de la mosaïque des réalisations antérieures » (Laboratoires Servier c. Apotex Inc., 2008 CF 825, au paragraphe 254). Les éléments de preuve d’experts sont utiles pour démontrer l’art antérieur (Apotex Inc. c. Canada (Santé), 2007 CAF 243, au paragraphe 19).

[168]  Identifier la PVA : La PVA consiste en une équipe de personnes possédant un diplôme de premier cycle en sciences informatiques, en technologie de l’information, en génie, ou une équivalence de formation et d’éducation. La PVA possède également de trois à cinq ans d’expérience de travail en tant que concepteur de logiciels et quelques années d’expérience en recherche clinique liée au jeu compulsif, en plus d’une formation en psychologie et des connaissances en matière de jeux de hasard.

[169]  Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes et les antériorités qui représentent l’état de la technique : Compte tenu des dates pertinentes différentes liées à l’interprétation des revendications et à l’évidence, les connaissances générales courantes peuvent être différentes dans certains cas (Donald MacOdrum, Fox on the Canadian Law of Patents, 5e éd. (Toronto : Carswell, 2013), 4:13(b)). Toutefois, en l’espèce, les éléments de preuve que j’ai retenus veulent que les connaissances générales courantes soient les mêmes entre la courte période allant de la date de priorité (revendication) à la date de publication. En conséquence, bien que les opinions d’experts parlent parfois de la période comme allant jusqu’en juin 2001, cela importe peu en l’espèce.

[170]  L’opinion de M. Hodgins veut que [traduction] « M. Griffiths se soit concentré sur ce que l’état de la technique ne comprenait pas plutôt que sur ce qu’il comprenait au moment pertinent, en soulignant, au paragraphe 29, “qu’à la fin de 2001, le secteur des études sur le jeu compulsif était encore un nouveau secteur possédant relativement peu d’études épidémiologiques à grande échelle” ». M. Hodgins n’était pas d’accord avec cette opinion et il a déclaré que le secteur était [traduction] « déjà raisonnablement bien établi à ce moment ». M. Hodgins a déclaré que, parce que M. Griffiths s’était limité aux jeux de hasard en ligne, il n’était pas d’accord avec sa preuve selon laquelle il n’existait pas d’études empiriques sur la psychologie du jeu durant la période allant de janvier 2000 à juillet 2001. Il reconnaît que la psychologie et la recherche concernant les jeux de hasard en ligne étaient très récentes en 2000-2001, mais que ce n’était pas le cas en matière de jeux de hasard de manière plus générale. Il a mentionné que de nombreuses études, réalisées par les pairs avant 2001, ont publié [traduction] « des travaux de recherche scientifique sur les problèmes de jeu », et il fait référence à une revue scientifique spécialisée intitulée Journal of Gambling Studies (auparavant intitulée Journal of Gambling Behavior), ainsi qu’à des articles publiés dans des revues reconnues comme le British Journal of Psychology, l’American Journal of Psychiatry, le British Journal of Addition, Addictive Behaviours et le Psychology of Addictive Behaviors. Par conséquent, M. Hodgins a conclu que, même si l’article universitaire de M. Griffiths a peut-être été le premier portant sur le jeu sur Internet, il n’était pas le premier en matière de jeux de hasard.

[171]  Il était d’accord avec M. Griffiths que l’outil de dépistage existait, mais il a aussi souligné que l’état de la technique, au moment pertinent, disposait d’autres outils (comme l’ICJE et l’Indice de gravité du jeu compulsif). Il a exprimé l’avis qu’une PVA comprendrait que ces outils comportent des limites, mais qu’ils pourraient [traduction] « servir à prédire la vulnérabilité d’une personne à éprouver des problèmes de jeu compulsif et servir, dans le cadre d’une stratégie globale, à fournir de la rétroaction et à limiter le jeu d’une personne ». Toutefois, M. Hodgins est plus d’accord avec M. Friedman pour dire que [traduction] « le jeu pathologique était un problème de santé publique répandu au 20 janvier 2000 » et que de [traduction] « multiples États australiens avaient publié des politiques et des recommandations visant la réduction du jeu compulsif, et il y est question, en particulier, d’une loi adoptée par l’État du Queensland en 1998, ainsi que d’un rapport publié en Nouvelle-Galles du Sud qui traitait des paris sur Internet et de la fonction servant à établir des limites dans les systèmes de jeu ».

[172]  M. Friedman a exprimé l’avis que les systèmes de jeu mis en réseau existaient dans les années 1980 et qu’ils étaient bien connus en janvier 2000. Il croit qu’ils se présentaient sous deux formes à ce moment : les établissements de jeu conventionnels (une connexion était établie entre les systèmes centraux et les terminaux informatiques publics des machines à sous ou des tables de jeu) et l’industrie des casinos sur Internet. Concernant les établissements de jeu conventionnels, des réseaux surveillaient les activités des joueurs sur les machines de jeu à des fins d’octroi de compléments. Ce système détermine aussi les résultats des jeux, contrairement à la technologie intégrée directement à une machine (comme une machine à sous classique). M. Friedman était d’avis que toutes les transactions de jeu sur Internet sont facilement surveillées et qu’elles sont suivies systématiquement, puisque toutes les transactions liées aux casinos sur Internet sont attribuables à un joueur précis qui doit se connecter avant de jouer. En 2000, les paris de casino sur Internet étaient habituellement effectués au moyen d’un compte de joueur capitalisé au préalable et tenu directement par le casino sur Internet. Cela exigeait de suivre les transactions des joueurs.

[173]  En outre, selon M. Friedman, au 20 janvier 2000, on commençait à comprendre que le jeu pathologique était un problème de santé publique. Il a cité plusieurs rapports gouvernementaux pour illustrer cet argument, notamment un rapport australien datant de 1999 publié par les industries du jeu de l’Australie, des recommandations en matière de jeu compulsif formulées par le National Council des États-Unis, ainsi qu’un rapport canadien de 1996 traitant de l’instrument de dépistage du jeu South Oaks Gambling Screen comme outil pour évaluer le jeu compulsif. M. Friedman s’est aussi servi d’un article de 2012 sur [traduction] « l’engagement préalable » en matière de jeu, qui fait référence à d’autres articles universitaires antérieurs à 2000. Il se fonde sur la Queensland Australia Interactive Gambling (Player Protection) Act de 1998 ainsi que sur une recommandation d’un fournisseur (Access Systems Pty Ltd.) pour faire valoir que le jeu compulsif et ses solutions potentielles faisaient déjà l’objet de discussions avant janvier 2000.

[174]  M. Griffiths était quelque peu en désaccord avec M. Friedman, en concluant qu’à la fin de 2001, les études sur le jeu étaient encore un secteur en émergence comptant relativement peu d’études épidémiologiques à grande échelle. Selon M. Griffiths, au moment où le brevet 238 a été enregistré, il n’existait qu’une revue scientifique spécialisée dans l’étude scientifique du jeu, soit le Journal of Gambling Studies, auparavant appelé le Journal of Gambling Behavior. Il poursuit en soulignant que jusqu’en juillet 2001, aucune étude empirique n’avait été publiée sur la psychologie du jeu compulsif en ligne. M. Griffiths explique qu’il a publié la toute première étude sur le sujet en octobre 2001. M. Griffiths affirme qu’au cours de la période entre 2000 et 2001, il n’existait pas d’études scientifiques généralement acceptées se penchant sur la psychologie des joueurs compulsifs jouant en ligne, et que les indicateurs comportementaux pour ces joueurs étaient inconnus sur le plan empirique.

[175]  M. Griffiths précise que les instruments de dépistage destinés au jeu compulsif s’intéressaient aux conséquences de ce dernier, étant donné que les données de transaction informatisées ne permettent pas de surveiller les conséquences du jeu compulsif d’une personne. M. Griffiths ajoute ensuite qu’un problème de jeu compulsif ne peut être dégagé des seules données transactionnelles. Il était d’accord qu’au cours de la période allant jusqu’en juillet 2001, l’état de la technique ne comprenait pas d’études publiées qui présentaient des données d’identification sur les habitudes des joueurs pouvant être observées dans un environnement en ligne, et qui auraient indiqué des problèmes de jeu compulsif chez des personnes précises.

[176]  L’historique des poursuites peut être utilisé pour des questions de validité (Free World Trust, au paragraphe 66, faisant référence à la décision Foseco Trading AG v Canadian Ferror Hot Metal Specialties, Ltd (1991), 36 CPR (3d) 35 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 46 et 47). Les défenderesses prétendent que l’historique des poursuites montre que l’art antérieur comprenait le brevet américain Walker, portant le numéro 6012983, lequel a été délivré le 11 janvier 2000, soit neuf jours avant la date de priorité du 20 janvier 2000 de Safe Gaming. En outre, les défenderesses font valoir que deux systèmes, ACES et Lasseters Online, font partie de l’art antérieur et qu’ensemble, ils divulguent l’ensemble des éléments de la revendication 1, rendant ainsi le brevet 238 évident.

[177]  Je me fonderai sur les conclusions de M. Griffiths concernant l’art antérieur au moment pertinent, puisqu’il tient compte à la fois de l’état de la technique concernant le jeu compulsif de manière générale et le jeu compulsif sur Internet et en ligne, au moment pertinent.

(1)  Déterminer l’idée originale des revendications en cause

[178]  L’idée originale des deux revendications concerne la régulation, la surveillance et la cessation du jeu des joueurs compulsifs, réalisées au terme d’une évaluation des utilisateurs pour établir un dossier unique et établir des paramètres limitatifs.

(2)  Recenser les différences, s’il y en a, qui existent entre l’état de la technique et l’idée originale

[179]  L’historique des poursuites illustre que le Bureau canadien des brevets a conclu que le brevet Walker ne concernait pas la régulation des activités de jeu, ne comprenait pas une évaluation et ne surveillait pas les changements dans la vitesse de jeu, la qualité des décisions, la limite pécuniaire ou la durée. De plus, comme l’a souligné la demanderesse, les systèmes Lasseters Online et ACES sont différents, du fait qu’ils sont tous deux centralisés.

(3)  A-t-il fallu recourir à un degré d’inventivité?

[180]  L’art antérieur à la date de priorité n’était pas évident, et il a été constaté seulement après une recherche très attentive. En outre, l’ajout de l’évaluation ne constituait pas une étape évidente à partir du brevet Walker, et il a nécessité une étape inventive. Les efforts déployés pour chercher les autres renseignements s’étendaient bien au-delà d’un effort routinier. Il a fallu effectuer des recherches rigoureuses et diligentes pour obtenir les renseignements requis, à une époque où les connaissances sur le jeu compulsif en étaient à leurs balbutiements, et ces recherches n’auraient pas révélé un art antérieur rendant le présent brevet évident. L’examen concernant l’évidence doit être effectué en fonction de chaque revendication prise individuellement. En l’espèce, comme la revendication indépendante 1 est non évidente, sa revendication dépendante 6 plus étroite est aussi non évidente. Je suis d’accord avec la demanderesse que le brevet 238 est non évident compte tenu de l’art antérieur au moment pertinent.

D.  Antériorité

[181]  Bien que les deux concepts d’évidence et d’antériorité semblent similaires, ils sont différents. L’arrêt Eurocopter explique la différence de la manière suivante : « Alors qu’en matière d’antériorité la question est de savoir si l’invention a antérieurement été accessible au public, en matière d’évidence il s’agit de déterminer si l’invention était évidente et, par conséquent, ne comportait aucune étape inventive » (au paragraphe 118). Contrairement à l’évidence, la nouveauté (ou l’antériorité) signifie que l’invention revendiquée n’a pas été rendue publique dans une seule publication, avant la date pertinente.

[182]  Le seuil à franchir pour établir l’antériorité est élevé. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Free World Trust, (citant l’arrêt Beloit Canada Ltd c. Valmet OY, (1986), 8 CPR (3d) 289, à la page 297) :

Il faut en effet pouvoir s’en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l’invention revendiquée sans l’exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d’une clarté telle qu’une personne au fait de l’art qui en prend connaissance et s’y conforme arrivera infailliblement à l’invention revendiquée.

Seules les compétences mécaniques sont requises, pas l’inventivité.

[Non en gras dans l’original.]

[183]  Je conclus que l’art antérieur ne comportait pas une publication permettant à une PVA de comprendre la manière de faire fonctionner cette invention. De plus, en l’espèce, le brevet 238 n’échouerait pas pour le motif de l’antériorité, alors qu’il n’a pas fait l’objet d’une divulgation suffisante et qu’il n’est pas utile. Malgré l’ensemble de l’art antérieur publié au moment pertinent, l’invention n’aurait pas pu être conçue. Sur cet aspect, je suis d’accord avec M. Hodgins et son examen approfondi, qui ont mené à la conclusion que l’art antérieur n’a pas enseigné le système du brevet 238.

[184]  Contrairement à M. Smith, je n’ai pas compris les revendications comme visant la fabrication d’un système destiné aux joueurs, alors je ne suis pas d’accord avec l’argument de M. Friedman selon lequel l’art antérieur en général, et plus particulièrement les systèmes Lasseters Online et ACES, ont précédé la revendication 1. L’examen concernant la nouveauté doit être effectué en fonction de chaque revendication prise individuellement, mais il n’est pas nécessaire d’examiner la revendication 6, car les défenderesses ont contesté la nouveauté seulement à l’égard de la revendication 1 (et, en outre, la revendication 6 est dépendante de la revendication 1 que j’ai tranchée comme étant nouvelle). Je conclus que le brevet 238 n’est pas invalide pour cause d’antériorité.

E.  Contrefaçon

[185]  Je conclus que le brevet 238 est invalide. Bien que ma conclusion d’invalidité signifie qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les allégations de contrefaçon, j’expliquerai brièvement mon analyse démontrant les raisons pour lesquelles le brevet 238 n’a pas été contrefait, même s’il avait été valide.

[186]  La même interprétation des revendications s’applique aux questions de la contrefaçon (Frac Shack, au paragraphe 134). Le brevet 238 est contrefait seulement si tous les éléments essentiels de la revendication se retrouvent dans le produit My-Play des défenderesses (Free World Trust, aux paragraphes 31 et 68). Les revendications ont déjà été interprétées et tous les éléments sont essentiels. Le fardeau de démontrer que tous ces éléments essentiels ont été contrefaits repose sur la norme de preuve civile, soit la prépondérance des probabilités (Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence)), 2015 CSC 3). Comme la demanderesse a maintenant restreint les questions en litige, il ne reste plus qu’à déterminer si la revendication 6 est contrefaite, en l’espèce.

[187]  Ma conclusion sur la contrefaçon veut que les éléments de preuve ne satisfassent pas au fardeau de la preuve requis, et je conclus qu’aucun élément essentiel du brevet n’a été contrefait par le système My-Play que les défenderesses ont développé.

[188]  Le système My-Play a été conçu par Techlink (3 juin 2004), après avoir déposé une demande de propositions [DP] pour un dispositif de jeu responsable. Les témoignages de M. Vermette et de M. Binder sont acceptés comme démontrant exactement comment le système My-Play a été développé et exploité sur le plan technique, jusqu’à ce qu’il soit abandonné. Les deux témoins étaient crédibles et bien informés. Un résumé général se trouve ci-dessous, mais il ne traite aucunement de l’ensemble des éléments de preuve présentés concernant le système My-Play, et je me fonderai sur les témoignages de M. Vermette et de M. Binder à l’audience pour ce qui est des détails précis.

[189]  Ce système a d’abord été baptisé Informed Player Choice System (choix du joueur avisé), et il a été déployé en 2009. En février 2010, il a été rebaptisé My-Play. Le témoignage de M. Mackinnon démontrait que le système My-Play visait les utilisateurs de jeux de hasard ne présentant que peu ou pas de risque, et il ne concernait en rien le jeu compulsif. Il a été mis à l’essai à l’occasion de ce qui a été appelé [traduction] « l’essai Windsor », mené en 2005. Il comprenait un outil de suivi, une limite pécuniaire, une fonction permettant de s’auto-exclure pendant 48 heures et il ne visait que les TLV. Le système a été installé en août 2010. Il a d’abord été facultatif, en 2012, puis il est devenu obligatoire pendant un certain temps. Le 22 août 2014, il est redevenu facultatif parce que les recettes provenant des TLV ont chuté, de même que pour d’autres motifs liés à l’utilisation des cartes (un joueur pouvait en détenir un grand nombre).

[190]  Les cartes d’utilisateur à usage unique étaient préchargées avec des dossiers vides, avant que l’utilisateur ne s’inscrive au système My-Play. Le dossier n’était pas associé au joueur, mais plutôt à la carte à usage unique (contrairement au « dossier unique » du système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard). Les cartes du système My-Play n’étaient pas destinées à la personne. Il ne comportait pas non plus de dossier unique pour une personne, du fait qu’elle pouvait disposer de plusieurs cartes d’accès. Comme le système My-Play n’est pas personnalisé en fonction du joueur et qu’il ne crée pas de dossier unique, il ne contrefait pas le brevet 238.

[191]  En outre, le système My-Play ne procède pas à une évaluation spécialisée du joueur. La demanderesse a souligné que les revendications du brevet 238 ne contiennent pas le terme [traduction] « évaluation ». En termes simples, l’interprétation des revendications a montré que, même si le brevet du système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard n’emploie pas le terme « évaluation » dans la revendication en cause, la PVA comprendrait que le dossier unique est créé au moyen d’une évaluation – cet élément essentiel ne fait pas partie du brevet pour le système My-Play. Je conclus que le système My-Play n’exige aucune évaluation. Il ne comprend pas un système expert comme celui du système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard, qui contient une base de connaissances servant à la surveillance, à la régulation et à la cessation des activités de jeu. Il peut surveiller et interrompre les activités de jeu seulement si une personne établir une limite de manière volontaire. Ces éléments ne répondent pas au critère pour conclure à une contrefaçon.

[192]  Le système My-Play n’exige pas non plus une sélection d’une caractéristique de profil. Il ne procède pas à la surveillance, à la régulation et à la cessation des activités de jeu en fonction de facteurs personnels, sociaux, psychologiques, ainsi qu’en fonction de la vitesse de jeu et de la qualité des décisions. Le système My-Play peut surveiller et interrompre les activités de jeu lorsque l’utilisateur indique volontairement qu’il souhaite être interrompu une fois qu’une limite pécuniaire est atteinte ou qu’un délai est écoulé. Toutefois, ces indications sont saisies par les utilisateurs eux-mêmes, après qu’ils ont inséré la carte de joueur, et il n’existe pas de limites liées à l’interruption suggérées ou autrement régulées. Il a été démontré que les défenderesses ont découvert que certains joueurs utilisaient jusqu’à 25 cartes chacun, mais peut-être aussi qu’ils ne les utilisaient même pas. Les cartes du système My-Play étaient à usage unique et facultatives, pour la plupart.

[193]  Le système My-Play disposait d’une fonction de limite pécuniaire qui pouvait être fixée volontairement par un joueur, mais cela ne contrefait pas le brevet 238, du fait que les deux systèmes ne fonctionnaient pas de la même manière. Le système My-Play forçait une personne à encaisser, mais seulement si elle avait perdu le pari qui faisait en sorte que sa limite était dépassée, plutôt que de l’empêcher de parier si la mise l’amenait à dépasser sa limite. Il permettait la mise parce que si le joueur gagnait, il demeurait sous la limite établie volontairement. Bien que similaires, ces éléments ne répondent pas au critère pour conclure à une contrefaçon.

[194]  Le système My-Play ne dispose pas d’une limite de jeu totale en fonction du délai écoulé comme le système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard, qui permettait d’interrompre le jeu lorsque le délai était écoulé. La fonction limitant le délai du système My-Play était simple et elle a été utilisée pendant de nombreuses années, comme l’a démontré l’art antérieur, en plus d’être entièrement facultative. Je ne conclus pas que cette fonction, bien que comparable à celle du système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard, contrefait le brevet 238.

[195]  Le logiciel My-Play était installé, par une personne, sur le dispositif de jeu responsable au site de jeu, alors que la copie dont il est question dans la revendication 6 fait en sorte que le logiciel ait été installé par un système informatique. Le système SOGORO (le système principal) n’envoyait pas le logiciel, et les éléments de preuve ont permis de conclure qu’une personne l’installait sur le dispositif de jeu responsable. Le système My-Play ne copiait pas non plus le logiciel d’exploitation pour la surveillance et l’interruption des activités de jeu des personnes sur un serveur au site de jeu. Un affichage n’est pas la même chose qu’un logiciel. Je conclus que le dispositif de jeu responsable n’est pas un serveur parce qu’un seul client y est relié. Le ratio est d’un dispositif de jeu responsable par TLV.

[196]  De même, aucune des cinq mesures de surveillance énoncées à l’alinéa f) de la revendication 1 du brevet 238 n’est requise pour le système My-Play, alors qu’au moins l’une d’entre elles est essentielle pour le brevet relatif au système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard.

[197]  Même si le système My-Play disposait d’une fonction liée à une limite pécuniaire, elle n’était pas fixée jusqu’à ce que la carte soit insérée dans le dispositif de jeu responsable. En outre, le joueur, s’il le souhaitait, pouvait alors sélectionner une limite pécuniaire, mais, évidemment, il pouvait ensuite utiliser une carte différente et continuer de jouer après l’atteinte de la limite. Cela ne contrefait pas le brevet 238 puisque, même si le système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard n’avait pas utilisé cette limite, ces renseignements auraient déjà été stockés au moment du réglage des paramètres d’interruption par le système informatique.

[198]  Les défenderesses allèguent qu’elles ont conçu leur propre système en fonction de leurs besoins et de leur modèle d’affaires. À la lumière des éléments de preuve qui m’ont été présentés, je suis d’accord avec les défenderesses.

[199]  Le système My-Play ne correspond pas à la portée du brevet 238.

[200]  Je conclus que le système My-Play des défenderesses ne contrefait pas la revendication 6 du système de contrôle sécuritaire pour jeux de hasard, et je rejette la présente action.

VIII.  Mesures de réparation

[201]  Je conclus que le brevet 238 est invalide, et même s’il était valide, je conclus que le système My-Play ne contrefait pas le brevet 238. Par conséquent, je n’ai pas à déterminer si Safe Gaming Systems Inc a droit aux mesures de réparation demandées. Aucuns dommages-intérêts ne sont accordés.

IX.  Redressement

[202]  Les défenderesses ont droit à une déclaration selon laquelle les revendications 1 et 6 du brevet no 2 331 238 sont invalides, nulles et inopérantes et l’ont toujours été. L’action en contrefaçon de la demanderesse est rejetée.

[203]  Les défenderesses ont droit aux dépens relativement à l’action et à la demande reconventionnelle. Si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant des dépens, je dois recevoir les observations des défenderesses dans les trente (30) jours suivant la date du présent jugement (lesquelles ne doivent pas contenir plus de 10 pages, en plus du projet de mémoire de frais). La demanderesse doit déposer et signifier ses observations sur les dépens, comptant au plus dix (10) pages (de même que le projet de mémoire de frais), dans les quinze (15) jours suivant la réception des observations des défenderesses. Les défenderesses peuvent déposer des observations en réponse d’au plus cinq (5) pages dans les sept (7) jours suivant la réception des observations de la demanderesse.


Jugement dans le dossier T-1043-12

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. L’action est rejetée et la demande reconventionnelle est accueillie.

  2. Les défenderesses ont droit à une déclaration selon laquelle les revendications 1 et 6 du brevet no 2 331 238 sont invalides, nulles et inopérantes et l’ont toujours été.

  3. Les défenderesses ont droit aux dépens relativement à l’action et à la demande reconventionnelle. Si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant des dépens, je dois recevoir les observations des défenderesses dans les trente (30) jours suivant la date du présent jugement (lesquelles ne doivent pas contenir plus de 10 pages, en plus du projet de mémoire de frais). La demanderesse doit déposer et signifier ses observations sur les dépens, comptant au plus dix (10) pages (de même que le projet de mémoire de frais), dans les quinze (15) jours suivant la réception des observations des défenderesses. Les défenderesses peuvent déposer des observations en réponse d’au plus cinq (5) pages dans les sept (7) jours suivant la réception des observations de la demanderesse.

« Glennys L. McVeigh »

Juge


ANNEXE

Figure 1 du brevet 238


AstraZeneca Canada Inc c. Apotex Inc., 2017 CSC 603

52 Le libellé de l’art. 2 de la Loi donne le fondement au type d’utilité qui est pertinent en exigeant que ce soit l’objet de l’invention ou de son amélioration qui soit utile. Pour que l’objet fonctionne en tant que solution ingénieuse à un problème concret, l’invention doit avoir une utilisation pertinente réelle et qui ne soit pas dénuée d’utilité. Comme l’a conclu le juge Binnie dans AZT, un brevet “est un moyen d’encourager les gens à rendre publiques les solutions ingénieuses apportées à des problèmes concrets, en promettant de leur accorder un monopole limité d’une durée limitée” : par. 37, je souligne.

[52] The words in s. 2 of the Act ground the type of utility that is pertinent by requiring that it is the subject-matter of an invention or improvement thereof that must be useful. For the subject-matter to function as an inventive solution to a practical problem, the invention must be capable of an actual relevant use and not be devoid of utility. As stated by Justice Binnie in AZT, a patent “is a method by which inventive solutions to practical problems are coaxed into the public domain by the promise of a limited monopoly for a limited time” (para. 37, (emphasis added)).

53 Ce qui constitue une utilité acceptable variera en fonction de l’objet de l’invention cerné à la suite de l’interprétation des revendications. Ainsi, la portée des utilisations potentielles acceptables pour qu’il soit satisfait à la condition énoncée à l’art. 2 est limitée -- ce n’est pas n’importe quelle utilisation qui suffira. Puisqu’il est exigé que l’utilité de l’invention proposée soit liée à la nature de l’objet, une invention proposée ne peut être sauvée par une utilité qui n’a aucun lien avec lui. Il ne suffit pas que la personne voulant faire breveter une machine fasse valoir qu’elle est utile en tant que presse-papier.

[53] Utility will differ based on the subject-matter of the invention as identified by claims construction. Thus, the scope of potentially acceptable uses to meet the s. 2 requirement is limited – not any use will do. By requiring the usefulness of the proposed invention to be related to the nature of the subject-matter, a proposed invention cannot be saved by an entirely unrelated use. It is not sufficient for a patentee seeking a patent for a machine to assert it is useful as a paperweight.

54 Pour déterminer si un brevet divulgue une invention dont l’utilité est suffisante au sens de l’art. 2, les tribunaux doivent procéder à l’analyse suivante. Ils doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile -- c’est-à-dire, se demander s’il peut donner un résultat concret?

[54] To determine whether a patent discloses an invention with sufficient utility under s. 2, courts should undertake the following analysis. First, courts must identify the subject-matter of the invention as claimed in the patent. Second, courts must ask whether that subject-matter is useful — is it capable of a practical purpose (i.e. an actual result)?

55 La Loi ne prescrit pas le degré d’utilité requis. Elle ne prévoit pas non plus que chaque utilisation potentielle doit être réalisée -- une parcelle d’utilité suffit. Une seule utilisation liée à la nature de l’objet est suffisante, et l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, par. 56.

[55] The Act does not prescribe the degree or quantum of usefulness required, or that every potential use be realized — a scintilla of utility will do. A single use related to the nature of the subject-matter is sufficient, and the utility must be established by either demonstration or sound prediction as of the filing date (AZT, at para. 56).

57 Par conséquent, l’application de la condition d’utilité prévue à l’art. 2 doit être interprétée conformément à l’objectif qu’il vise, soit empêcher qu’un brevet soit octroyé pour une invention fantaisiste, hypothétique ou inutilisable.

[57] The application of the utility requirement in s. 2 , therefore, is to be interpreted in line with its purpose — to prevent the patenting of fanciful, speculative or inoperable inventions.

58 Même si l’utilité de l’objet est une exigence pour que le brevet soit valide, le breveté n’est pas tenu de divulguer l’utilité de l’invention pour satisfaire aux exigences énoncées au par. 2. Comme l’a affirmé le juge Dickson dans Consolboard :

...je ne donne pas aux derniers mots du par. 36(1) [aujourd’hui le par. 27(4)] une interprétation qui oblige l’inventeur à décrire, dans sa divulgation ou ses revendications, en quoi l’invention est nouvelle et de quelle manière elle est utile. Il doit dire ce qu’il revendique avoir inventé. [p. 526]

[58] Even though utility of the subject-matter is a requirement of patent validity, a patentee is not required to disclose the utility of the invention to fulfill the requirements of s. 2. As was stated by Dickson J. in Consolboard:

I do not read the concluding words of s. 36(1) [now s. 27(4)] as obligating the inventor in his disclosure or claims to describe in what respect the invention is new or in what way it is useful. He must say what it is he claims to have invented. [p. 526]

 


Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4.

Définitions

2 Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. (invention)

Definitions

2 In this Act, except as otherwise provided,

invention means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter; (invention)

Mémoire descriptif

27 (3) Le mémoire descriptif doit :

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

c) s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;

d) s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.

Specification

27 (3) The specification of an invention must

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.

Revendications

27 (4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

Claims

27 (4) The specification must end with a claim or claims defining distinctly and in explicit terms the subject-matter of the invention for which an exclusive privilege or property is claimed.

Objet non divulgué

28.2 (1) L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

a) plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

(…)

Subject-matter of claim must not be previously disclosed

28.2 (1) The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada (the “pending application”) must not have been disclosed

(a) more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant, in such a manner that the subject-matter became available to the public in Canada or elsewhere;

(b) before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the subject-matter became available to the public in Canada or elsewhere;

Objet non évident

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

Invention must not be obvious

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

(a) information disclosed more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1043-12

 

INTITULÉ :

SAFE GAMING SYSTEM INC c. SOCIÉTÉ DES LOTERIES DE L’ATLANTIQUE ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

Du 23 au 26 mai, du 29 au 31 mai, les 1er et 2 juin, les 5 et 6 juin et le 22 juin 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 mai 2018

 

COMPARUTIONS :

Tim Gilbert

Nisha Anand

Colin Carruthers

Andrea Rico Wolf

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kevin LaRoche

Kirsten Crain

Christine Pallotta

Jeffrey Gordon

POUR LES DÉFENDERESSES

Société des loteries de l’Atlantique et Société des loteries et du casino de la Nouvelle-Écosse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GILBERT’S LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

BORDEN LADNER GERVAIS S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

Société des loteries de l’Atlantique et Société des loteries et du casino de la Nouvelle-Écosse

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.