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Date : 20180507


Dossier : T-56-15

Référence : 2018 CF 485

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 mai 2018

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

MIPS AB

demanderesse

et

BAUER HOCKEY LTD. et BAUER HOCKEY, LLC

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu  2

II. Questions en litige  5

III. Analyse  6

A. Inventeurs et propriétaires des brevets Bauer  6

(1) Contribution de MIPS à l’idée originale des brevets Bauer  7

(a) Contexte relatif à MIPS  7

(b) Contexte relatif à Bauer  10

(c) Première réunion tenue le 16 novembre 2010 et événements subséquents  21

(d) Première réunion tenue le 30 mars 2011 et événements subséquents  28

(e) Troisième réunion tenue les 11 et 12 juillet 2011 et événements subséquents  32

(f) La loi telle qu’elle s’applique aux présents faits  35

(2) Accords conclus entre les parties  38

B. B. Témoignages d’experts présentés au procès  40

C. Personne versée dans l’art  44

D. Connaissances générales courantes  45

E. Interprétation des revendications – principe juridique  47

F. Brevet MIPS 542  51

(1) Interprétation du brevet MIPS 542  51

(a) Revendication 1 du brevet MIPS 542  51

(b) Revendication 3 – « où le dispositif de fixation est fixé à la couche d’absorption d’énergie ou à la coque externe au moyen d’au moins un élément de fixation »  63

(c) Revendication 4 – « où l’élément de fixation est capable d’absorber l’énergie et les forces en se déformant de manière élastique, semi-élastique ou plastique »  64

(d) Revendication 5 – « l’élément de fixation comprend au moins un élément de suspension »  65

(e) Revendication 6 – « où le dispositif facilitant le coulissement constitue un matériau à faible friction »  65

(2) Contrefaçon du brevet MIPS 542  66

(a) Contrefaçon – Principes juridiques  66

(b) Casques RE-AKT et RE-AKT 100 de Bauer  68

(3) Validité du brevet MIPS 542  80

(a) Antériorité  81

(b) Évidence  84

(c) Revendications de portée excessive par rapport à l’invention créée  89

G. Brevets Bauer  93

(1) Interprétation des brevets de Bauer  94

(a) Revendication 1 du brevet Bauer 316  94

(b) Revendication 9 du brevet Bauer 316  99

(c) Revendication 11 du brevet Bauer 316  100

(d) Revendication 14 du brevet Bauer 316  101

(e) Revendication 16 du brevet Bauer 316  101

(2) Validité des brevets Bauer  102

(a) Évidence  102

(b) Double brevet  105

IV. Conclusion  109

I.  Aperçu

[1]  MIPS AB était une société suédoise plutôt petite au moment où elle a déposé sa demande pour ce qui allait devenir le brevet canadien no 2 798 542 [brevet MIPS 542], intitulé « Casque doté d’un dispositif facilitant le coulissement placé dans une couche d’absorption d’énergie. La technologie du brevet MIPS 542 est utilisée pour absorber l’énergie de rotation dans toutes sortes de casques de sport [également connu sous le nom de technologie MIPS II]. MIPS est maintenant une société cotée en bourse et un leader mondial en matière de technologie novatrice liée aux casques de sport.

[2]  À la fin de 2016, MIPS avait conclu des contrats de licence avec 45 partenaires différents, représentant 212 modèles de casques différents et 1,7 million d’unités vendues annuellement.

[3]  En février 2017, Bauer Hockey Ltd. et Bauer Hockey, LLC [collectivement, « Bauer »], ont acquis tous les actifs appartenant aux défenderesses d’origine dans le cadre d’une vente autorisée par la Cour supérieure de justice de l’Ontario, réalisée en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, LRC (1985), c C-36. Bauer est l’un des plus grands fabricants et distributeurs d’équipement de hockey et de produits connexes dans le monde entier. Bauer a demandé et obtenu le brevet canadien no 2 784 316 [brevet Bauer 316] et, par la suite, les brevets divisionnaires n° 2 821 540 [brevet Bauer 540], 2 838 103 [brevet Bauer 103] et 2 847 669 [brevet Bauer 669], lesquels sont tous intitulés « Casque de sport avec protection contre les impacts par rotation » [collectivement, les « brevets Bauer »].

[4]  MIPS demande par la présente une déclaration selon laquelle Bauer, et plus particulièrement ses casques de hockey RE-AKT et RE-AKT 100, contrefait le brevet MIPS 542, ainsi qu’une injonction permanente visant à empêcher Bauer de fabriquer, de distribuer, de vendre ou de mettre à la disposition du public les casques relevant de la portée de toute revendication du brevet MIPS 542.

[5]  MIPS demande en outre que les brevets Bauer soient déclarés invalides, principalement pour cause d’évidence et de double brevet.

[6]  À titre subsidiaire, MIPS demande une déclaration selon laquelle ses employés sont les véritables inventeurs ou coinventeurs de l’objet revendiqué dans les brevets Bauer, ainsi qu’une ordonnance : i) radiant les noms des propriétaires et inventeurs actuels des brevets Bauer en les remplaçant par le nom de MIPS et ceux de ses employés; ou ii) ajoutant ses employés en tant que coinventeurs et remplaçant le nom de Bauer par celui de MIPS en tant que seul propriétaire des brevets Bauer.

[7]  Bauer, en revanche, nie avoir volé la technologie de MIPS et insiste sur le fait que la doublure flottante SUSPEND-TECH dans ses deux casques RE-AKT et RE-AKT 100 a été entièrement développée par ses employés. Elle nie avoir enfreint l’une quelconque des revendications du brevet MIPS 542 et ajoute que, quoi qu’il en soit, le brevet MIPS 542 est invalide pour cause d’antériorité et d’évidence, et ses revendications ont une portée excessive par rapport à l’invention créée.

[8]  Je propose de renverser l’ordre des demandes de réparation de MIPS et de commencer par son allégation selon laquelle Bauer a volé sa technologie. Il faudra donc examiner les faits de l’espèce et, plus précisément, les relations d’affaires entre les parties à un moment donné. Nous examinerons les différentes étapes de développement des casques RE-AKT et RE-AKT 100 pour tenter d’établir une distinction entre ce qui s’est réellement passé et ce qui peut être tout simplement une coïncidence ou une fausse perception. Une partie des éléments de preuve présentés devant la Cour est contredite, mais en discutant de cette preuve ci-dessous, j’exposerai le cadre factuel d’après ce qui s’est produit selon moi, en me fondant sur l’ensemble de la preuve présentée.

[9]  Toutefois, même si la Cour constate que Bauer a développé son propre produit sans l’aide de MIPS, la question de savoir si elle contrefait le brevet MIPS 542 demeure étant donné que, si ce brevet est valide, il a priorité sur le lancement des casques RE-AKT et RE-AKT 100 et sur les brevets Bauer.

II.  Questions en litige

[10]  La présente cause soulève trois questions principales ainsi que les sous-questions suivantes :

A.  Qui sont les inventeurs et les propriétaires des brevets Bauer?

  • 1) Quelle contribution à l’idée originale des brevets Bauer, le cas échéant, MIPS a-t-elle faite?

  • 2) Quels sont les droits découlant des accords conclus entre les parties?

B.  Bauer vend-il des casques faisant l’objet d’un brevet valide appartenant à MIPS (le brevet MIPS 542)?

  • 1) Quel est l’objet des revendications du brevet MIPS 542? (interprétation des revendications)

  • 2) Les casques Bauer RE-AKT et/ou RE-AKT 100 relèvent-ils de l’objet du brevet MIPS 542? (contrefaçon du brevet MIPS 542)

  • 3) L’objet du brevet MIPS 542 est-il nouveau et non évident et les revendications ont-elles une « portée » appropriée? (validité du brevet MIPS 542)

C.  Bauer a-t-elle droit à ses propres droits de brevet sur la protection contre les impacts par rotation, compte tenu de l’antériorité de l’invention et des divulgations faites par MIPS?

  • 1) Quel est l’objet des revendications des brevets Bauer? (interprétation des revendications du brevet 316 de Bauer)

  • 2) L’objet des brevets de Bauer est-il non évident compte tenu des produits de MIPS sur le marché? (validité des brevets de Bauer)

  • 3) Les brevets 540, 103 et 669 de Bauer [les brevets divisionnaires de Bauer] comportent-ils des « éléments brevetables distincts » de l’objet du brevet 316 de Bauer? (double brevet)

III.  Analyse

A.  Inventeurs et propriétaires des brevets Bauer

[11]  MIPS demande une déclaration selon laquelle, si la Cour constate que l’une ou plusieurs des revendications des brevets Bauer sont valides, elle détient un droit de propriété partiel, sinon total, dans le ou les brevets respectifs par voie i) du transfert de titre en raison de la contribution à l’idée originale des employés de MIPS; ou ii) des accords conclus entre les parties.

(1)  Contribution de MIPS à l’idée originale des brevets Bauer

(a)  Contexte relatif à MIPS

[12]  M. Peter Halldin est l’un des actionnaires et fondateurs de MIPS. Il a été son chef de la direction de 2001 à 2009 et agit maintenant à titre de chef de la direction technologique. Il est titulaire d’un doctorat en génie biomécanique de l’Institut royal de technologie KTH de Stockholm, en Suède. Son directeur de thèse a été le professeur Hans von Holst, un neurochirurgien à l’hôpital Karolinska de Stockholm qui, à l’époque, s’intéressait et travaillait à la prévention des blessures à la tête et au cou en combinant des compétences médicales et techniques.

[13]  Le brevet américain n° 6 658 671 [le brevet I de MIPS] (recueil conjoint de documents [RCD] 1876 ou pièce déposée lors de l’instruction [PDI] 14, onglet B), déposé en décembre 1999, sur lequel M. Halldin et M. von Holst ont été désignés à titre d’inventeurs, est le fruit du travail accompli par M. Halldin à KTH. Nous examinerons le brevet I de MIPS plus en détail lorsque nous nous pencherons sur l’art antérieur, mais il suffit de dire à ce stade qu’il donne une description d’un casque de protection se composant d’une coque externe et d’une coque interne, avec un dispositif facilitant le coulissement entre la coque externe rigide et la couche d’absorption (ou entre deux couches de matériau d’absorption d’énergie). Ce coulissement a pour but de réduire l’énergie de rotation (faite d’une combinaison d’accélération linéaire et angulaire), qui est reconnue depuis un certain temps pour causer des commotions et d’autres lésions cérébrales.

[14]  M. Halldin était un motocycliste; il a donc concentré ses recherches initiales sur les casques de moto. Les rapports de l’époque indiquaient qu’un accident de motocyclette était le plus susceptible d’entraîner un impact sur la tête à un angle de 30 degrés (dans le cas où un impact de 90 degrés constitue un impact direct vers le bas). Vers l’an 2000, il a travaillé avec un professeur britannique pour développer un banc d’essai pour vérifier la protection de l’impact par rotation, selon lequel on laissait tomber un casque installé sur une fausse tête sur une plaque coulissante accélérée par un cylindre pneumatique. Peu de temps après, M. Sven Kleiven, un collègue de KTH, a présenté sa thèse de doctorat sur la modélisation numérique de la tête et du cerveau humains. Une forme de tête utilisant la modélisation de M. Kleiven et le banc d’essai développé au Royaume-Uni ont été utilisés pour mettre à l’essai les prototypes MIPS I.

[15]  MIPS a été fondée en tant que société privée en 2001. Le brevet I de MIPS a été accordé en Suède en septembre 2002 et aux États-Unis en décembre 2003.

[16]  Le casque équestre EQ1 (RCD-1205), le premier casque incorporant la technologie MIPS I, a été lancé en 2007, mais a été abandonné en 2008 après que MIPS eut rencontré des problèmes de qualité de production en Chine. Ce casque a été fabriqué par MIPS et vendu sous cette marque.

[17]  En 2009, MIPS a modifié sa stratégie commerciale pour devenir une « marque secondaire », en accordant des licences d’utilisation de sa technologie aux fabricants de casques. Son premier client fut Back on Track qui a utilisé la technologie MIPS I pour son casque équestre EQ2 (RCD-1204). Cette même année, le casque Receptor Backcountry de POC (RCD-2058, PDI -30) qui utilisait la technologie MIPS I, a été lancé en vue d’une utilisation en surf des neiges.

[18]  Cependant, à l’époque, les casques moulés faisaient partie des nouvelles tendances et représentaient un défi que MIPS a jugé qu’elle devait relever en offrant une nouvelle solution; la technologie MIPS I ne pouvait pas être mise en œuvre dans un casque moulé.

[19]  En octobre ou en novembre 2009, après avoir effectué divers essais, M. Halldin et l’équipe de recherche et de développement de MIPS ont découvert ce qui allait devenir la technologie MIPS II. En effet, ils ont découvert qu’il était possible d’insérer un dispositif de fixation de la tête dans un casque moulé afin d’obtenir un coulissement à l’intérieur du casque plutôt que dans la doublure intérieure du casque ou, en d’autres termes, pour obtenir un mouvement relatif entre la tête de l’utilisateur et le casque plutôt qu’entre la coque externe et la couche d’absorption d’énergie.

[20]  Au début de 2010, MIPS a mis à l’essai son prototype MIPS II à l’intérieur des casques de bicyclette Biltex. L’objectif principal de cet essai était d’évaluer si la nouvelle technologie MIPS II pouvait réduire l’énergie de rotation par un mouvement relatif.

[21]  La demande de brevet suédoise pour la technologie MIPS II a été déposée le 7 mai 2010 et une demande de brevet américain a été déposée le 12 mai 2010. D’août à novembre de cette année-là, MIPS a publié des documents promotionnels et a participé à plusieurs foires commerciales du vélo pour présenter sa technologie MIPS II. MIPS a présenté un casque de vélo de Limar (RCD-243) avec un prototype MIPS II et un casque de vélo P-Nut de Lazer (RCD-1073) équipé du dispositif de fixation jaune MIPS, ainsi qu’une vidéo promotionnelle d’un enfant portant un casque P-Nut de Lazer équipé de la technologie MIPS (RCD-167). La promotion par MIPS de sa nouvelle technologie s’est poursuivie tout au long de 2011. Cependant, la technologie MIPS II n’a pas été offerte sur le marché avant février 2012.

(b)  Contexte relatif à Bauer

[22]  Au cours de la période concernée, l’équipe de développement du casque Bauer était composée de Jean-François Laperrière (directeur du développement de l’équipement de protection et ingénieur mécanique), de Marie-Claude Généreux (ingénieure principale en développement de produits), de Jacques Durocher (concepteur industriel principal) et de Denis Côté (technicien en conception industrielle et développeur de casques de hockey).

[23]  Le développement des casques de hockey chez Bauer commence plus de deux ans avant leur lancement et il suit un cycle de développement précis comprenant les onze étapes et délais suivants :

1.  Recherche avancée : base continue

2.  Préparation de la définition de produit : de janvier à juin (année 1)

3.  Conception du casque : de mars à septembre (année 1)

4.  Ingénierie du casque : de septembre (année 1) à mai (année 2)

5.  Outillage et production de prototypes : de décembre (année 1) à janvier (année 2)

6.  Essais : de février à mai (année 2)

7.  Gel de la conception et certification : de mai à juin (année 2)

8.  Développement des autres tailles : de juin à novembre (année 2)

9.  Présentation du nouveau casque aux principaux clients : de septembre à octobre (année 2)

10.  Début de la production : novembre (année 2)

11.  Le casque est vendu sur le marché du détail : d’avril à mai (année 3)

[24]  Du point de vue de la conception et de la commercialisation, les trois critères les plus importants dans le développement d’un nouveau casque de hockey sont l’ajustement, le confort et le poids.

[25]  Cependant, pour l’équipe de recherche et de développement, la protection est le critère le plus crucial. À partir de 2006-2007, M. Laperrière et Mme Généreux ont commencé à assister à des conférences et à des réunions de certification où, de plus en plus, le sujet d’intérêt tournait autour des commotions cérébrales subies par les joueurs de hockey et la gestion de l’énergie de rotation afin de prévenir les commotions.

[26]  Au camp de produits Bauer de juin 2007, une présentation PowerPoint (RCD-1404) portait sur une étude sur les commotions cérébrales de M. Patrick J. Bishop, président du comité de l’Association canadienne de normalisation (CSA), qui établit des normes pour les casques de hockey et les masques protecteurs, ainsi qu’une étude de M. Blaine Hoshizaki, de l’Université d’Ottawa, sur l’utilisation de différents matériaux pour gérer les forces d’impact à différents niveaux d’énergie.

[27]  En mai 2008, Mme Généreux a assisté au 5e Symposium international sur la sécurité dans le hockey sur glace. Lors de cette conférence, Philippe Rousseau, un étudiant de M. Hoshizaki, a présenté une nouvelle façon de tester les casques qui introduisait un composant d’accélération angulaire. Les méthodes d’essai précédentes ne prenaient en compte que les composants linéaires.

[28]  En décembre de la même année, un article intitulé « A Comparison of Peak Linear and Angular Head Form Accelerations Using Ice Hockey Helmets » (une comparaison des accélérations linéaires et angulaires maximales avec fausses têtes d’essai dans l’utilisation de casques de hockey sur glace) a été publié par M. Hoshizaki et ses étudiants. Selon M. Laperrière, c’est grâce à cet article que Bauer a d’abord appris que l’utilisation d’une doublure plus douce comme le nitrate de vinyle [NV] ou le PORON, au lieu d’une doublure plus dure comme le polypropylène expansé [EPP], pouvait offrir une meilleure protection contre les effets d’un impact par rotation.

[29]  Tout en étant conscient des onze étapes de développement abordées ci-dessus, c’est au cours de l’été de 2009 que M. Durocher a commencé à travailler sur la conception du casque de prochaine génération [casque de PG] qui serait finalement connu sous le nom de RE-AKT (RCD-1931, 1252), et qui devait être lancé pendant la saison de retour au hockey 2012 [RAH12]. En tant que concepteur, il mettait l’accent sur l’ajustement, le confort et le poids. En outre, le service de la commercialisation lui a demandé de se concentrer sur le positionnement du casque sur la tête, qui devait ne pas dépasser la hauteur d’un doigt au-dessus des sourcils afin d’être attrayant pour les joueurs de hockey professionnels. Cette qualité est importante, puisqu’un casque qui est porté par des joueurs de hockey professionnels se vendra.

[30]  En juin 2009, une présentation PowerPoint a été présentée au camp de produits de Bauer (RCD-2000). La présentation portait sur le lancement du casque durant la saison de RAH11 – un modèle connu sous le nom de HH9900 –, mais également sur les premières étapes de développement du casque de PG/RE-AKT. La présentation PowerPoint résumait diverses technologies et matériaux envisagés pour la fabrication des casques à venir, y compris l’utilisation de la mousse en PORON XRD. M. Durocher a déclaré que la leçon à retenir de cette présentation PowerPoint était que : i) la mousse en PORON XRD fonctionne mieux à faible vitesse et à faible énergie; ii) combiner la mousse en PORON XRD avec un autre type de mousse pour réduire son poids peut constituer une bonne idée; et iii) la mousse en PORON XRD est très spongieuse, de sorte qu’elle pourrait potentiellement remplacer la mousse de confort en polychlorure de vinyle [PVC]. La suggestion générale était que la mousse en PORON XRD constituait la meilleure option pour optimiser les bénéfices et l’effet sur les performances à différents niveaux d’énergie.

[31]  Mme Généreux a déclaré qu’à la fin de 2009 et au début du 2010, la perspective générale sur l’effet des impacts par rotation sur les commotions cérébrales était qu’il s’agissait d’un tout nouveau domaine qui devait être exploré, et que de nouvelles méthodes d’essai devaient être mises au point. Le passage de la mise à l’essai des composants linéaires à la mise à l’essai des composants angulaires/de rotation ne faisait que commencer et il n’y avait, pour l’instant, aucun consensus sur la meilleure façon d’effectuer les essais pour prendre en compte cet élément.

[32]  Ce n’est qu’au début de 2010 que débute la conception officielle du casque RE-AKT, avec les commentaires de l’équipe d’ingénieurs. Le 12 janvier, une présentation PowerPoint intitulée « Camp II du produit de casque – RAH12 » (RCD-1438) a été présentée au camp de produits. La présentation faisait référence au projet conjoint entre Bauer et l’Université McGill afin de déterminer une nouvelle façon de mesurer les forces d’impact subies par les joueurs de hockey. Elle discutait également de l’utilisation de la mousse en PORON XRD à l’intérieur d’un casque de hockey. La présentation faisait un résumé des quatre formes différentes de PORON XRD considérées par Bauer : feuilles de mousse, mousse à plat, mousse à plat injectée, mousse moulée en 3D XRD et mousse injectée en XRD. Enfin, la présentation résumait les avantages et les inconvénients du nouveau concept de doublure en EXPANCEL.

[33]  De façon générale, le casque RE-AKT comprenait les nouvelles fonctionnalités suivantes :

  • La forme de tête a été retravaillée pour améliorer l’ajustement et le confort;

  • Un nouveau système de blocage longitudinal, au centre du casque, a été introduit;

  • La version 3 de la serrure occipitale a été développée. Il n’y avait maintenant qu’un seul bouton central pour ajuster la serrure occipitale et le rembourrage;

  • Une nouvelle fonction de protection de l’oreille a été ajoutée;

  • La doublure flottante SUSPEND-TECH, faite de mousse en PORON XRD, a été introduite;

  • Pour la couche d’absorption d’énergie, le EPP a été abandonné en faveur de la mousse en EXPANCEL puisqu’il s’agit d’un matériau plus léger qui réagit mieux aux impacts;

  • Le casque se porte très près de la tête et descend très bas sur celle-ci;

  • Un nouveau mécanisme a été ajouté pour mieux ajuster le casque à la tête de l’utilisateur.

[34]  Ce qui est important pour nous, c’est que la première version de la doublure flottante SUSPEND-TECH présentée dans une présentation PowerPoint de mars 2010 (RCD-1450, diapositive 27) comprenait des cylindres ou des saillies de 12 mm qui ont été élargies pour entrer en contact avec la coque externe par les trous ou cavités correspondants dans la doublure en EXPANCEL :

[35]  M. Durocher a expliqué que la doublure flottante SUSPEND-TECH comportait, selon lui, deux avantages principaux. Tout d’abord, le fait que la doublure de confort flottait au lieu d’être collée à la couche d’absorption d’énergie a résolu un problème que Bauer avait tenté de régler pendant plusieurs années, alors que la doublure se décollait de la couche d’absorption d’énergie et se collait à la tête de l’utilisateur. Deuxièmement, le fait d’utiliser le PORON XRD comme matériau pour la doublure flottante poursuivait un double objectif : absorber les impacts de haute et de faible intensité et agir à titre de doublure de confort.

[36]  Il est important de noter que le PORON XRD est un matériau breveté exclusif fabriqué par Rogers Corporation et ses sous-traitants, et qu’il est offert surtout en jaune.

[37]  Au camp de produits de juin 2010, l’équipe de développement RE-AKT a d’abord avancé l’idée que le concept de doublure flottante de M. Durocher pouvait aussi aider à gérer les forces de rotation. Cette hypothèse a été influencée par divers rapports et études émanant du laboratoire de M. Hoshizaki, qui indiquaient que les doublures souples (comme celles en mousse de NV) offrent une meilleure protection contre les impacts par rotation que les doublures rigides (comme celles en EPP). M. Laperrière a déclaré dans son témoignage que lui et son équipe ont compris des travaux de M. Hoshizaki que pour gérer avec succès les forces de rotation, il était nécessaire de compter sur un revêtement qui non seulement exerce une compression, mais se déforme le long de chaque axe pour être en mesure d’absorber les forces linéaires et de rotation.

[38]  L’équipe a également discuté d’un projet que Bauer voulait entreprendre avec le laboratoire de M. Hoshizaki. En fait, un document joint à une correspondance par courriels de juin à juillet 2010 entre Bauer (M. Laperrière) et l’Université d’Ottawa (M. Hoshizaki) (RCD-1487) définit la portée de ce projet comme suit :

[traduction] Améliorer la protection et la sécurité des joueurs de hockey en développant un nouveau protocole d’essai mesurant la performance des casques. Ce protocole inclura les critères traditionnels liés à la performance de l’accélération linéaire ainsi que de l’accélération angulaire, qui, selon nous, devraient faire partie des critères mesurant la performance des casques de hockey sur glace. Il comprendra également l’utilisation de l’analyse par éléments finis d’un modèle cérébral pour évaluer et quantifier l’effet des impacts sur le cerveau.

[39]  L’équipe a en outre conclu qu’elle devrait dire au service de la commercialisation de réviser sa définition de produit pour inclure le détournement des forces de rotation en tant que caractéristique du casque RE-AKT (voir les notes de Mme Généreux, RCD-1323, PDI-55).

[40]  Le prototype de la doublure flottante SUSPEND-TECH a été fabriqué en juillet 2010 par PolyWorks, sous-traitant de Rogers (RCD-1476). Le poids était tel que le souhaitait Bauer, mais le coût de production de la doublure était extrêmement élevé.

[41]  Peu après, Bauer a intégré ce prototype dans un casque Bauer 7500 (RCD-1250). Le modèle a été assemblé par Feng Tay, le fabricant de Bauer en Asie.

[42]  Au cours du mois d’août 2010, l’équipe de recherche et développement a insisté pour que le projet avec l’Université d’Ottawa voie le jour, car elle voulait vraiment être en mesure de démontrer la capacité du casque à gérer les forces de rotation et avait besoin d’un partenaire d’essai pour être en mesure d’y arriver. Malheureusement, Bauer a reçu la confirmation que le laboratoire de M. Hoshizaki avait signé un accord d’essai similaire avec son concurrent, CCM.

[43]  Ces nouvelles ont augmenté la pression sur M. Laperrière et sur son équipe pour qu’ils trouvent un autre partenaire d’essai le plus rapidement possible.

[44]  Au début de septembre 2010, l’équipe de développement a commencé à penser à d’autres options d’essai et a dressé la liste des laboratoires avec qui entrer en contact (RCD-1497). Cette liste comprenait MIPS, l’Université McGill, Biokinetics, Simbex, une université au Royaume-Uni et M. Bishop à l’Université de Waterloo.

[45]  Le 7 septembre 2010, Mme Généreux a envoyé un courriel au professeur David Pearsall à l’Université McGill (RCD-1499). Elle a mentionné que Bauer cherchait un partenaire scientifique pour l’aider à développer des méthodes d’essai afin de montrer l’effet des accélérations angulaires sur les casques de hockey pendant un impact. Elle a également indiqué qu’elle avait entendu parler de MIPS, une société suédoise qui a développé un système réduisant l’accélération angulaire lors de l’impact. Elle lui a demandé s’il connaissait cette entreprise, ainsi que sa technologie et ses méthodes d’essai.

[46]  Également, au cours du mois de septembre 2010, l’équipe de recherche et de développement a discuté de la nécessité de réviser la conception de la doublure flottante en vue de minimiser le coût prohibitif des pièces et de surmonter les problèmes techniques rencontrés par Feng Tay. La doublure EXPANCEL avec cavités était trop fragile (voir les notes de Mme Généreux, RCD-1323, PDI-60) et il a été décidé d’abandonner la doublure flottante qui comportait des saillies de 12 mm et de simplifier la conception. M. Durocher a proposé une nouvelle idée d’une doublure EXPANCEL avec de petites cavités et d’une doublure flottante SUSPEND-TECH avec de petites fossettes qui s’adaptent aux cavités correspondantes.

[47]  Bien que Bauer ait compris en quoi consistaient les problèmes de fabrication à l’automne 2010, ce n’est qu’en janvier 2011 que M. Durocher a mis au point ses dessins de conception en 2D de la doublure flottante SUSPEND-TECH comportant de petites fossettes (RCD-1784) :

[48]  Le 21 septembre 2010, M. Laperrière a envoyé le courriel suivant à l’adresse générale de MIPS (RCD-193) :

[traduction]

Objet : Système MIPS dans un casque de hockey Bauer

Bonjour,

Je suis responsable du développement du nouveau casque chez Bauer. Bauer fabrique des casques de hockey et nous aimerions en savoir plus sur votre système de protection MIPS. Est-il possible d’obtenir quelques échantillons de l’ensemble de composants MIPS, de sorte que nous puissions évaluer la possibilité d’utiliser ce système dans notre casque? [sic]

N’hésitez pas à communiquer avec moi par courriel ou par téléphone au [numéro de téléphone omis].

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués.

jf

[49]  Le contenu de ce courriel a eu des répercussions importantes sur les perceptions des parties quant aux besoins et aux intentions de Bauer à l’époque. Considérant l’objet du courriel et la stratégie commerciale et la mission de MIPS, M. Johan Thiel, maintenant PDG de MIPS, mais qui était à l’époque responsable des ventes et de la commercialisation, a compris que Bauer était intéressée à mettre en œuvre la technologie MIPS dans les casques Bauer. Cependant, et comme le démontre la preuve, Bauer peut avoir été intéressée, ou du moins curieuse, au sujet de la technologie MIPS mais, à court terme, elle était beaucoup plus intéressée par ses méthodes d’essai et ses installations. M. Laperrière a déclaré que son choix de mots (« Système MIPS dans un casque de hockey Bauer ») visait à déclencher une réponse plus rapide de la part de MIPS que s’il avait fait uniquement référence à la capacité d’essai de MIPS. Non seulement le témoignage de M. Laperrière à ce sujet était crédible et non contredit, mais il était corroboré par les autres éléments de preuve et par les accords conclus plus tard par les parties.

[50]  À la suite du contact initié par Bauer, une première rencontre entre Bauer et MIPS a été fixée au 16 novembre 2010 à l’installation de Bauer à Saint-Jérôme (Québec).

[51]  En préparation de cette réunion, MM. Laperrière et Durocher ont examiné le site Web de MIPS qui, à l’époque, renvoyait uniquement à sa technologie MIPS I. La demande de brevet concernant la technologie MIPS II avait été déposée en mai 2010, mais n’avait pas encore été accordée et ses revendications étaient toujours confidentielles.

[52]  D’une manière très subtile, MIPS laisse entendre que la fonction de coulissement de la technologie MIPS I peut avoir influencé la décision de Bauer de passer d’un système de saillies de 12 mm à un système de petites fossettes dans sa doublure flottante SUSPEND-TECH, afin de provoquer un mouvement relatif. Toutefois, et comme il sera discuté plus en détail ci-dessous, MIPS emprunte une voie quelque peu dangereuse, car cela pourrait donner du poids à l’argument de Bauer voulant que le brevet MIPS 542 soit invalide pour cause d’évidence. De plus, comme on l’a vu ci-dessus, la preuve établit que les raisons du changement sont plutôt liées aux coûts de fabrication et aux problèmes techniques rencontrés dans le cadre du développement du prototype.

(c)  Première réunion tenue le 16 novembre 2010 et événements subséquents

[53]  Lors de cette réunion, M. Laperrière, Mme Généreux et M. Durocher étaient présents au nom de Bauer et M. Thiel était présent au nom de MIPS.

[54]  M. Thiel a présenté MIPS et sa technologie à l’aide d’une présentation PowerPoint (RCD-172). Lors de son témoignage en interrogatoire principal, il a mis l’accent sur la diapositive 18 – « MIPS moulé » – qui montrait la technologie MIPS II et le mouvement relatif créé entre le dispositif de fixation et la couche d’absorption d’énergie. Cette diapositive a été ajoutée à une présentation PowerPoint existante qui datait d’août 2010 et qui portait sur la technologie MIPS I. M. Thiel a admis en contre-interrogatoire que la technologie MIPS II n’était pas disponible sur le marché à ce moment-là et qu’il n’était pas encore certain que les technologies MIPS I ou MIPS II pouvaient être mises en œuvre dans un casque de hockey à deux coquilles.

[55]  Il convient de noter que les deux présentations se trouvaient sur l’ordinateur portable de M. Thiel, la présentation avec la diapositive 18 et celle sans cette diapositive, et qu’aucun des représentants de Bauer ne se rappelle avoir vu la diapositive 18, que l’on peut voir ci-dessous :

 

[56]  M. Thiel a également apporté avec lui un grand sac d’échantillons de casques. Il avait avec lui le casque Receptor Backcountry de POC doté de la technologie MIPS I (RCD-2058) et un casque P-Nut de Lazer intégrant la technologie MIPS II (RCD-1073). M. Thiel a déclaré dans son témoignage qu’il n’avait montré le P-Nut de Lazer que brièvement, car le casque appartenait à Lazer et était simplement un prototype; aucun accord de commercialisation n’avait encore été signé entre Lazer et MIPS. Il a admis que les seuls produits commercialisés à l’époque utilisaient la technologie MIPS I.

[57]  Du côté de Bauer, M. Laperrière et Mme Généreux ont pris des notes au cours de la réunion (RCD-20 et 2124 respectivement).

[58]  Les notes de M. Laperrière comprennent notamment l’indication [traduction] « Coût – entre 10 et 15 US » qui renvoie à une estimation allant de 10 000 $ à 15 000 $ US pour que MIPS assure la mise à l’essai initiale, une somme que Bauer était disposée à payer.

[59]  M. Laperrière se rappelle avoir informé M. Thiel au début de la réunion au sujet de la politique stricte de Bauer en matière de confidentialité et de non-divulgation. Il a dit à M. Thiel que, puisque les parties n’avaient pas signé d’accord de non-divulgation (AND), il ne pouvait pas discuter de quelque produit Bauer que ce soit qui n’était pas encore sur le marché. Il a demandé à M. Thiel de faire de même en ce qui concerne les produits MIPS. Il s’est également rappelé avoir accepté le projet en deux étapes, la phase 1 se rapportant à des mises à l’essai et la phase 2 portant sur l’intégration de la technologie MIPS dans un casque Bauer. M. Laperrière a déclaré dans son témoignage que lui et M. Thiel ont discuté de la phase 2 du fait que Bauer a amorcé des pourparlers avec MIPS en vue d’une collaboration. Cependant, il a ajouté qu’ils doutaient tous deux que la technologie MIPS commercialisée à l’époque puisse être mise en œuvre dans un casque de hockey ajustable à deux coquilles. M. Thiel leur a dit que MIPS n’avait pas effectué d’essais relativement à d’autres parties du casque dans le passé, mais semblait très ouverte et réceptive à la possibilité de le faire pour Bauer.

[60]  Mme Généreux ne mentionne que deux brevets MIPS : le brevet MIPS I et un brevet américain pour un « système de suspension en caoutchouc » qui n’est pas en litige dans le présent dossier. Elle a admis avoir été informée que la technologie MIPS I misait sur un mouvement de rotation de la coque externe et que ce mouvement était associé à l’idée d’une réduction de l’énergie de rotation transmise au cerveau.

[61]  Nous pouvons aussi lire dans ses notes : [traduction] « [M. Thiel] pourrait travailler à titre d’expert-conseil pour mettre à l’essai nos propres casques » et « ajouter la technologie MIPS à un casque ». Ce qu’elle a retenu de cette réunion était qu’il était possible d’utiliser les services de MIPS pour mettre à l’essai les casques Bauer. En ce qui concerne la mise en œuvre de la technologie MIPS dans les casques Bauer, elle y a vu une option potentiellement à bien plus long terme, étant donné le manque d’expérience de MIPS dans le domaine des casques de hockey.

[62]  M. Durocher a confirmé que M. Thiel a présenté la société MIPS, son contexte, la capacité de son laboratoire, les recherches qui l’ont amenée à mesurer les forces de rotation, les technologies liées aux casques que l’entreprise a développées ainsi que les produits qui en découlent. Il a compris que, à ce moment-là, la technologie présentée par M. Thiel ne pouvait être adaptée à un casque de hockey ajustable à deux coquilles. Cependant, M. Thiel a dit qu’il était heureux d’essayer de trouver une solution; il a donc demandé qu’on lui prête un casque Bauer 7500 pour qu’il l’apporte en Suède.

[63]  M. Durocher et Mme Généreux ne se rappellent pas avoir vu un casque lors de cette réunion; M. Laperrière ne se rappelle pas avoir vu un casque de surf des neiges doté de la technologie MIPS I.

[64]  Au début du janvier 2011, Bauer a fait un suivi auprès de MIPS : [traduction] « Avez-vous été en mesure de modifier le casque que je vous ai donné lors de notre dernière réunion, [puisque] nous aimerions élaborer un protocole d’essai pour un casque de hockey et nous aimerions voir si votre système MIPS pourrait être mis en œuvre dans notre casque? Pourriez-vous nous dire si votre entreprise souhaite toujours travailler avec nous et nous fournir une échéance et les coûts préliminaires pour réaliser ce projet? » (Courriel de M. Laperrière, RCD-297).

[65]  Pendant ce temps chez MIPS, le développement du casque RED HiFi de Burton avait commencé et devait être prêt pour le salon Snowsports Industries America [SIA] de Denver qui devait avoir lieu du 27 au 31 janvier 2011. Ce casque intégrait la technologie MIPS II et incluait un dispositif de fixation jaune avec doublure de confort et deux éléments de fixation (RCD-2086) :

[66]  Ce casque RED HiFi de Burton a également été présenté en février 2011 au salon ISPO de Munich.

[67]  Chez Bauer, l’équipe a continué à développer le casque RE-AKT. Dans un camp de produits tenu en janvier 2011, une présentation PowerPoint a été présentée (RCD-1990). Cette présentation portait sur la technologie MIPS, aux recherches scientifiques qui y avaient été menées et à son système breveté de gestion des forces de rotation doté d’un système de couches à faible friction. La date de lancement de la mise en œuvre de cette technologie dans les casques Bauer a été désignée BTH14. Une autre diapositive faisait référence à une relation à phases multiples entre MIPS et Bauer, y compris à la négociation d’un accord de partenariat et à la mise à l’essai des casques Bauer. L’un des points centrés de cette diapositive mentionnait ceci : [traduction] « Envisagez la possibilité d’utiliser le système breveté MIPS ».

[68]  Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, c’est également en janvier 2011 que M. Durocher a préparé ses dessins de conception en 2D de la doublure flottante SUSPEND-TECH comportant de petites fossettes au lieu des saillies de 12 mm (RCD-1791). Une doublure EXPANCEL sans cavités a également été conçue, puisque le plan consistait désormais à faire correspondre à la main les cavités aux petites fossettes.

[69]  M. Durocher a expliqué que le dimensionnement de ce dernier prototype s’écartait un peu des dimensions des casques Bauer et l’assise était trop haute par rapport à la tête. M. Durocher avait donc besoin de modifier le prototype. Deux prototypes différents ont été mis à l’essai à l’interne : l’un était doté de cavités dans la doublure EXPANCEL, tandis que l’autre n’en avait pas (RCD-2003). Des commentaires ont été sollicités par le service de commercialisation.

[70]  Mme Généreux a préparé, en mars 2011, des dessins de la doublure EXPANCEL avec de petites cavités (RCD-2044). Ces cavités étaient destinées à faire de la place pour les fossettes correspondantes sur la doublure SUSPEND-TECH, dans un effort visant à améliorer l’ajustement du casque.

[71]  Durant cette période, les procès-verbaux de la réunion (voir par exemple RCD-1526 et 1527) indiquent que M. Durocher avait encore besoin de travailler sur la conception pour améliorer la taille et l’ajustement du casque RE-AKT.

[72]  À compter du 17 mars 2011, les parties ont signé un accord de non-divulgation préalablement à la tenue de la prochaine réunion (RCD-324). Le contenu de cet accord de non-divulgation sera abordé plus tard.

(d)  Première réunion tenue le 30 mars 2011 et événements subséquents

[73]  Lors de la réunion tenue à Saint-Jérôme, M. Laperrière, Mme Généreux et M. Ken Covo (vice-président, Recherche et développement) étaient présents au nom de Bauer et M. Thiel était présent au nom de MIPS. Mme Généreux et M. Covo ont tous deux pris des notes au cours de la réunion (RCD-1565 et 1969 respectivement).

[74]  Les parties ont convenu d’une proposition de projet ce jour-là, bien que celle-ci n’ait été signée que le 11 mai 2011 (RCD-538 et 1591). La portée du projet a été divisée en trois phases :

[traduction]

Portée du projet

Le projet se divise en trois phases. MIPS mènera les projets sur les casques fournis par Bauer aux fins précises définies ci-dessous.

À court terme

Phase 1 : dans le but de réaliser une étude préliminaire portant sur trois casques Bauer et un casque MIPS.

Phase 2 : axer davantage le protocole d’essai sur le hockey et continuer avec la mise à l’essai du casque Bauer avec et sans la technologie MIPS et comparer avec les casques des concurrents. La modélisation par éléments finis sera exécutée et d’autres conclusions ou rapports plus approfondis seront fournis.

À long terme

Phase 3 : un plan de deux ans afin de développer le protocole d’essai et le casque en collaboration avec Bauer. Cette phase sera réalisée selon une approche étape par étape. Par un mandat clairement défini, des sous-projets seront mis en place et un devis sera préparé séparément.

[75]  L’essai de la phase 1 devait être effectué sur un casque Bauer RE-AKT assemblé, ainsi que sur des casques HH5100 et HH7500. Bauer devait également fournir à MIPS un casque HH7500 désassemblé afin qu’il soit doté de la technologie MIPS et mis à l’essai. Cette phase devait être réalisée entre le 1er mai et le 15 juillet 2011.

[76]  L’essai de la phase 2 devait être effectué sur un casque RE-AKT assemblé, ainsi que sur des casques de la concurrence aux fins de comparaison. Cette phase comprenait un casque RE-AKT désassemblé afin qu’il soit doté provisoirement de la technologie MIPS et mis à l’essai. Cette deuxième phase devait se dérouler du 15 juillet au 1er octobre 2011.

[77]  Des témoins de Bauer se sont rappelé avoir discuté principalement du protocole durant cette deuxième réunion. Toutefois, leurs notes confirment le témoignage de M. Thiel, selon lequel la technologie MIPS II a été sommairement discutée. Dans les notes de Mme Généreux, on peut lire ceci : [traduction] « MIPS II : épaisseur de 0,7 mm à 0,8 mm – avec mouvement élastique de 10 mm – semble suffisant pour réduire la force de rotation de 50 % ». Dans les notes de M. Covo, il est indiqué ce qui suit : [traduction] « la couche à friction faible de 7-8 mm; 10-15 mm montre un déplacement – casque multi-impact MIPS II par rapport au casque à impact unique (casque antichoc) – fixations en caoutchouc ». Nous savons qu’à cette époque, MIPS n’avait travaillé que sur des casques à impact unique, tels que des casques de moto, de ski et de vélo.

[78]  D’autre part, les notes de Mme Généreux indiquent ce qui suit : [traduction] « Voir le casque Burton Red », ce qui laisse entendre que le casque Burton n’a pas été montré et qu’elle en a pris bonne note pour plus tard, étant donné que le casque intégrait la technologie MIPS II dont on avait sommairement discuté au cours de la réunion.

[79]  Le 8 avril 2011, à la suite de problèmes d’assemblage et de difficultés techniques avec le prototype RE-AKT, Bauer a demandé et reçu des échantillons de la doublure flottante SUSPEND-TECH sans fossettes de la part de Feng Tay aux fins de mise à l’essai.

[80]  La théorie avancée par MIPS concernant sa contribution à l’idée originale de la doublure flottante SUSPEND-TECH ou le fait qu’elle en serait la propriétaire dépend du fait que les fossettes ont été enlevées à la suggestion de MIPS. Sa thèse initiale a été exprimée dans sa déclaration ayant été modifiée à trois reprises (paragraphes 21 et 23) et se lit comme suit :

[traduction]

[...] en outre, au-delà de la portée des essais initialement prévus, le 22 juin 2011, un employé de MIPS, nommé Daniel Lanner, a déterminé que le casque RE-AKT devait être modifié pour permettre un mouvement relatif entre la surface extérieure du dispositif de fixation et les autres parties du casque. Cette modification, telle que déterminée par MIPS, a effectivement convaincu Bauer d’éliminer l’idée de passer au système MIPS en enlevant les bosses que Bauer avait incluses sur la surface extérieure du dispositif de fixation du casque RE-AKT. Ce système, dont les bosses ont été enlevées, a été mis à l’essai plus tard et inclus dans les résultats de l’essai.

[...]

Les 10 et 11 juillet 2011, M. Laperrière et Mme Généreux ont visité l’installation de MIPS à Stockholm, en Suède. Au cours de la réunion de deux jours, MIPS a expliqué les essais et a fait une démonstration complète du casque HH7500 en sa version modifiée par MIPS afin d’inclure le système de protection contre l’impact par rotation MIPS. MIPS a également recommandé à Bauer d’enlever les bosses incluses par Bauer sur le dispositif de fixation RE-AKT.

[Non souligné dans l’original.]

[81]  Cependant, la décision de Bauer de retirer les fossettes a été prise le 1er juin 2011 (RCD-1605), les dessins de conception assistée par ordinateur [CAO] de Mme Généreux de la doublure EXPANCEL ont été révisés en conséquence le 10 juin 2011 (RCD-1809, 1811 et 1813) et M. Durocher a révisé ses dessins CAO pour la doublure flottante le 13 juin 2011 (RCD-1621).

[82]  Entre-temps, le 3 juin 2011, M. Durocher a finalisé son formulaire de divulgation de l’invention (RCD-1609), qui a été révisé le 7 juin 2011 (RCD-1613 et 1614). Le principe établi dans ce document consistait en un système permettant à la tête de se déplacer dans le casque pendant un impact angulaire, limitant ainsi le mouvement du cerveau à l’intérieur du crâne. La forme initiale ne comportait pas de fossettes, mais la version révisée, elle, en comportait. M. Durocher a expliqué qu’il voulait que la divulgation soit aussi large que possible, car, contrairement à M. Laperrière et à Mme Généreux, il croyait encore que les fossettes pouvaient améliorer la protection contre les impacts de faible énergie sans trop compromettre l’ajustement.

[83]  À la lumière des éléments de preuve susmentionnés, MIPS a modifié son approche au procès (abandonnant la position selon laquelle MIPS n’avait déterminé que le 22 juin que les fossettes devaient être enlevées). M. Thiel a témoigné qu’au cours d’une conversation téléphonique qu’il a eue avec M. Laperrière le 10 juin 2011, il a recommandé que les fossettes soient enlevées de la doublure flottante SUSPEND-TECH. M. Laperrière et Mme Généreux ne se souviennent pas avoir reçu de recommandation de la part de MIPS sur la suppression des fossettes avant la réunion de juillet 2011 à Stockholm.

[84]  La Cour préfère le témoignage de Bauer sur ce point, non seulement parce qu’il est compatible avec les plaidoiries originales de MIPS, mais aussi parce qu’il est conforme à l’impression qu’a eue MIPS lorsqu’elle a d’abord reçu, le 2 juin 2011, des échantillons du casque RE-AKT avec les fossettes et les cavités correspondantes. À ce moment-là, l’équipe de gestion de MIPS s’est demandé si cette version de la doublure flottante SUSPEND-TECH contrevenait au brevet MIPS 542. Si l’impression était que la doublure flottante SUSPEND-TECH dotée de fossettes pouvait contrefaire le brevet, pourquoi suggérer de faire obstacle à [traduction] « la décision de Bauer de passer au système MIPS [...] » comme on l’a vu au paragraphe 21 de la déclaration modifiée à trois reprises de MIPS? Selon toute vraisemblance, la suggestion de MIPS n’aurait pas été faite avant la première discussion des parties sur une éventuelle contrefaçon lors de la réunion de juillet 2011 à Stockholm.

[85]  Le 7 juillet 2011, MIPS a reçu de nouveaux échantillons du casque RE-AKT avec les fossettes et les cavités correspondantes aux fins d’une mise à l’essai. Toutefois, la preuve démontre que la boîte contenant ces échantillons n’a pas été ouverte avant la réunion de juillet à Stockholm.

(e)  Troisième réunion tenue les 11 et 12 juillet 2011 et événements subséquents

[86]  M. Laperrière et Mme Généreux ont assisté à la troisième réunion à Stockholm pour le compte de Bauer. Le premier jour, ils ont rencontré M. Thiel dans le laboratoire de MIPS sur le campus KTH. Ils ont vu la plate-forme d’essai et le modèle de cerveau et ils ont convenu d’apporter des modifications au protocole d’essai pour la phase 2, afin de mieux reproduire les conditions réelles dans le cadre desquelles les casques de hockey subissent des impacts.

[87]  Le deuxième jour, ils ont visité Niklas Steenberg, alors PDG de MIPS, M. Thiel et M. Daniel Lanner, chef de produit, au bureau de MIPS au centre de Stockholm. MIPS a présenté les résultats des essais de la phase 1 et a discuté des essais de la phase 2. Pendant le dîner, où il a choisi de prendre le poulet au lieu de la salade de betteraves avec fromage de chèvre et noix, M. Lanner a dit aux représentants de Bauer qu’il avait coupé les fossettes des échantillons du casque RE-AKTA afin de réduire la friction et d’améliorer les résultats des essais, suggérant à Bauer d’intégrer ce changement à l’avenir. Selon M. Lanner, M. Laperrière a été surpris puisqu’il pensait qu’une friction élevée était mieux qu’une faible friction pour absorber l’énergie de rotation. M. Lanner a admis avoir été informé plus tard que MIPS avait en fait déjà reçu des échantillons du casque RE-AKT sans fossettes.

[88]  Au cours du même mois, la vidéo promotionnelle de MIPS montrant le casque P-Nut de Lazer doté de la technologie MIPS II est devenue disponible sur YouTube (RCD-377).

[89]  Le 27 juillet 2011, Bauer a déposé sa demande de brevet américain provisoire, dont elle réclame la date de priorité pour les brevets Bauer (RCD-1059 et 1238).

[90]  Toutes les discussions des parties à partir de ce moment, concernant principalement la phase 3 de leur projet, portaient sur la question fondamentale de la contrefaçon. MIPS voulait que Bauer reconnaisse que le casque RE-AKT, et finalement le casque RE-AKT 100, intégrait la technologie MIPS II, alors que Bauer avait insisté sur le fait que les casques RE-AKT étaient le résultat de sa propre technologie de gestion d’impact par rotation. Par conséquent, leur relation a pris fin en janvier 2012 sans que les parties n’aient jamais conclu d’accord sur la portée de la phase 3 de leur projet.

[91]  De ce qui précède, je note quelques événements ou coïncidences qui ont contribué à la perception erronée qu’a MIPS des faits de l’espèce. À titre d’exemple :

  • Le fait que le premier courriel de M. Laperrière a mentionné l’intérêt de Bauer pour la technologie de MIPS plutôt que pour ses capacités de mise à l’essai a déformé la perception de MIPS quant à sa relation avec Bauer. Cependant, il est devenu clair après la première réunion que Bauer démontrait un intérêt à court terme pour les services de mise à l’essai de MIPS. C’est ce qui pourrait expliquer en partie pourquoi M. Laperrière a dû faire un suivi à plusieurs reprises avec MIPS afin de finalement fixer la deuxième réunion et pourquoi l’intérêt de MIPS semblait avoir diminué. Quoi qu’il en soit, la portée du mandat à court terme accordé à MIPS est clairement limitée dans le devis signé lors de la mise à l’essai des casques existants et des casques RE-AKT de Bauer;

  • Dès réception des premiers échantillons du casque RE-AKT – avec les fossettes – la direction de MIPS a soulevé, à l’interne, la question de la contrefaçon. Le fait que la doublure flottante SUSPEND-TECH, tout comme le dispositif de fixation de MIPS, est principalement jaune semble avoir contribué à cette réaction. Mais comme nous l’avons indiqué ci-dessus, le PORON XRD est un matériau breveté et il est offert en jaune;

  • L’équipe d’essai de MIPS a seulement ouvert la boîte contenant les deuxièmes échantillons du casque RE-AKT après la réunion de juillet à Stockholm au cours de laquelle on a discuté de la suppression des fossettes. Toutefois, la preuve non contredite démontre que la boîte avait été reçue par MIPS avant la réunion.

(f)  La loi telle qu’elle s’applique aux présents faits

[92]  Un inventeur est en règle générale présumé être le titulaire de l’invention, à moins qu’il ou elle n’ait été embauché dans le but exprès de faire des inventions.

[93]  Dans l’arrêt Apotex Inc. C. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77 (aux paragraphes 96-97, 100 et 102), la Cour suprême du Canada, sous la plume du juge Binnie, a défini la paternité de l’invention de la façon suivante :

[96]  L’expression « paternité de l’invention » n’est pas définie dans la Loi, et sa définition doit, par conséquent, être inférée de divers articles. Par exemple, la définition du mot « invention », à l’art. 2, nous permet d’inférer que l’inventeur est la personne ou les personnes qui ont conçu la réalisation, le procédé, la machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, « présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité ». Par conséquent, la question qu’il faut se poser en définitive est la suivante : Qui est l’auteur de l’idée originale?

[97]  [...] Il ne suffit donc pas d’avoir une bonne idée (ou, pour reprendre l’expression utilisée dans l’arrêt Christiani, précité, p. 454, [traduction] « de dire qu’une idée nous est venue à l’esprit »); cette idée lumineuse doit prendre « une forme définie et pratique » (ibid.). Il va sans dire que, dans l’intervalle qui sépare la conception et la brevetabilité, l’inventeur peut avoir recours aux services d’autres personnes qui peuvent être très compétentes, mais ces autres personnes ne seront des coinventeurs que si elles ont participé à la conception de l’invention plutôt qu’à sa vérification. Comme le juge Jenkins le fait remarquer dans l’affaire May & Baker Ltd. c. Ciba Ltd. (1948), 65 R.P.C. 255 (Ch. D.), p. 281, la [traduction] « découverte des qualités utiles », que doit avoir une invention, [traduction] « doit être faite par l’inventeur, par opposition à la simple vérification par ce dernier de prédictions antérieures ».

[...]

[100]  [...] Si Glaxo/Wellcome avait prédit valablement que l’AZT pourrait guérir la nausée résultant de l’état d’apesanteur dans l’espace, elle aurait peut-être besoin de la NASA et de tous ses experts de l’aérospatiale pour « établir » l’utilité du médicament, ce qui ne ferait pas pour autant de la NASA un coinventeur.

[...]

[102]  Nul doute que la lignée cellulaire ATH8 conçue par les Drs Broder et Mitsuya du NIH était originale et qu’elle offrait un cadre d’essais que Glaxo/Wellcome ne pouvait pas reproduire dans ses locaux. Comme nous l’avons vu, ceux‑ci ont obtenu un brevet pour cette réalisation. Cependant, les titulaires d’un brevet pour une invention utile pour effectuer des tests ne deviennent pas, en raison des tests qu’ils ont effectués au moyen de cette invention, des coinventeurs de chaque idée valable ainsi testée.

[94]  Les faits dans la présente cause ne soutiennent pas l’affirmation de MIPS selon laquelle ses employés ont inventé ou même participé à l’invention des brevets Bauer. Ils ont mis à l’essai le casque RE-AKT avec et sans les fossettes et les cavités correspondantes, mais ils ne sont pas à l’origine de l’idée originale que l’on y trouve, et ils n’ont pas eu l’idée d’enlever les fossettes pour améliorer la gestion de l’impact par rotation. Par suite de cette conclusion, MIPS ne peut être titulaire ou titulaire partielle des brevets Bauer.

[95]  Avant la réunion du 16 novembre 2010, la seule technologie MIPS offerte sur le marché était la technologie MIPS I. La preuve établit très clairement que la technologie MIPS I ne constituait pas la source d’inspiration de M. Durocher pour sa première version de la doublure flottante SUSPEND-TECH avec des saillies de 12 mm et des cavités correspondantes dans la doublure EXPANCEL.

[96]  Bauer savait aussi, avant la réunion du 16 novembre 2010, que la conception de M. Durocher pouvait gérer les impacts par rotation en plus d’améliorer la protection contre les impacts linéaires, de haute et de faible intensité. Cette croyance provient des travaux de M. Hoshizaki qui ont démontré que les doublures plus souples sont plus performantes que les doublures plus rigides en matière de protection contre les impacts par rotation.

[97]  En outre, SUSPEND-TECH était une doublure flottante à partir du moment où elle a été conçue pour la première fois et a toujours été en mesure de se déplacer par rapport à la matière d’absorption d’énergie, mais à des degrés différents.

[98]  La preuve établit également clairement que Bauer a changé sa conception, passant de saillies de 12 mm aux petites fossettes en raison des difficultés de fabrication rencontrées avec la doublure EXPANCEL trop fragile pour résister à la présence de multiples cavités. Mme Généreux a déclaré dans son témoignage, et en fait elle en a fait la démonstration pendant le procès, que l’EXPANCEL est un matériau très friable. Pendant la fabrication, le matériau n’est pas encore couvert par un film « non tissé » et il éclate lorsqu’il est démoulé. Bauer a donc été informée par Feng Tay qu’elle avait besoin de modifier et de simplifier sa conception.

[99]  Enfin, les éléments de preuve établissent que les fossettes ont finalement été enlevées pour résoudre les problèmes liés à l’ajustement. Mme Généreux avait eu des difficultés avec le positionnement des cavités. Il lui a fallu un certain temps pour déterminer le positionnement exact et choisir quelles cavités devaient être oblongues afin que toutes les fossettes demeurent dans leurs cavités correspondantes lorsque le casque est ajusté. L’équipe de développement de Bauer travaillait avec des prototypes SUSPEND-TECH avec et sans fossettes avant la recommandation de MIPS de les enlever. À la lumière de ce que je retiens de la preuve selon laquelle la recommandation de MIPS a d’abord été faite lors de la réunion à Stockholm de juillet 2011, lorsque MIPS a initialement soulevé la question de la contrefaçon, il est clair que la décision de Bauer de se débarrasser des fossettes a été prise avant la recommandation de MIPS.

[100]  Pour ces motifs, la Cour conclut que MIPS n’a pas contribué à l’idée originale des brevets Bauer.

(2)  Accords conclus entre les parties

[101]  Une autre exception au principe selon lequel un inventeur est présumé être le titulaire d’une invention est lorsqu’il existe un contrat explicite à l’effet contraire.

[102]  Premièrement, à la suite du devis signé par les parties au cours de la réunion du 30 mars 2011, il est clair que les parties n’étaient pas entièrement parvenues à un accord sur les conditions relatives à la phase 3 du projet. Comme la preuve l’indique, Bauer ne s’attendait pas à doter ses casques de la technologie MIPS avant la mise en marché du casque BTH14. Et comme il a été mentionné précédemment, les parties n’ont jamais convenu des conditions de la phase 3, puisqu’elles n’ont pas été en mesure de résoudre la présumée question de la contrefaçon. Par conséquent, MIPS n’a jamais développé de système pour les nouveaux casques de Bauer. Elle a procédé à des essais à l’égard du casque HH7500 qui avait été temporairement équipé d’un dispositif de fixation jaune MIPS standard. Elle a également mis à l’essai le casque RE-AKT en collant la doublure flottante SUSPEND-TECH à la couche d’absorption d’énergie EXPANCEL et en y ajoutant un dispositif de fixation jaune MIPS standard. Mais tout cela faisait partie des essais des phases 1 et 2, et non du développement de la phase 3.

[103]  En outre, l’article 7 de l’accord de non-divulgation signé par les parties le 17 mars 2011 (RCD-324) traite de la propriété intellectuelle de chaque partie respectivement :

[traduction]

7. Propriété intellectuelle : propriété des inventions

a. Les parties conviennent que la transmission de renseignements confidentiels en vertu du présent accord par BAUER ne crée aucun droit de propriété ou de licence à l’égard de MIPS et BAUER se réserve tous les brevets, secrets commerciaux et tous les autres droits de propriété qu’il pourrait avoir.

b. MIPS continuera d’être titulaire de tous les droits relatifs à la technologie et les droits de propriété intellectuelle (« droits de PI ») se rattachant à la technologie MIPS.

c. MIPS continuera d’être titulaire de tous les droits relatifs à la technologie et les droits de PI à l’égard de toutes les améliorations apportées à la technologie et aux composants MIPS, quel que soit la personne qui en assure le développement.

d. BAUER continuera d’être titulaire de tous les droits relatifs à la technologie et les droits de PI à l’égard de toutes les améliorations apportées à la technologie BAUER pour les pièces du casque BAUER.

[104]  Cette disposition indique que, même si l’idée d’enlever les fossettes provenait de MIPS, ce qui ne constitue pas la conclusion de la Cour, les droits de PI dans les brevets Bauer seraient toujours dévolus à Bauer.

[105]  Enfin, les parties ont réitéré leurs intentions en ce qui a trait à la propriété intellectuelle dans l’accord de consultation qu’elles ont signé le 1er septembre 2011 (en vigueur le 15 mars 2011) (RCD-643) :

[traduction]

5. PROPRIÉTÉ DE LA TECHNOLOGIE, DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET DES RÉSULTATS DES PROJETS; AUCUNE LICENCE

5.1 Rapports d’essai. Sauf indication contraire dans une commande liée au projet, les rapports d’essai particuliers que MIPS soumettra en vertu des présentes deviendront la propriété du groupe Bauer lors de la soumission desdits rapports, sous réserve des dispositions de l’article 5.3 ci-dessous [traitant de la technologie MIPS et des améliorations qui y sont apportées].

5.2 Pièces Bauer et IP et améliorations apportées à celles-ci. Le groupe Bauer continuera d’être titulaire de tous les droits liés à la technologie du groupe Bauer et des droits de propriété intellectuelle du groupe Bauer dans tous les casques appartenant au groupe Bauer et dans toutes les améliorations apportées à cette technologie ou à ces pièces de casque qui ne comprennent ni ne comportent aucune technologie MIPS.

[106]  Comme je suis d’avis que MIPS n’a pas participé à la mise au point du casque RE-AKT ou dans le cadre d’un des brevets Bauer, toute amélioration de la technologie Bauer – comme la suppression des fossettes – appartient manifestement à Bauer.

B.  Témoignages d’experts présentés au procès

[107]  MIPS a fait entendre deux témoins experts, M. Rémy Willinger et M. Michael Lowe.

[108]  M. Willinger est professeur à l’Université de Strasbourg, en France, où il dirige, depuis 2000, un groupe de recherche spécialisé dans la biomécanique des traumatismes crâniens. Il a obtenu son diplôme en génie civil de l’École nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg en 1983. Il a en outre obtenu son doctorat sur les forces musculaires dans une articulation et sur la modélisation des lois régissant le comportement des muscles de l’Université de Strasbourg en 1988.

[109]  M. Willinger compte plus de vingt-cinq ans d’expérience dans la biomécanique des impacts à la tête et au cou et le développement de systèmes de protection pour la tête et le cou. Son travail comprend la simulation de traumatismes crâniens et cervicaux réels pour établir les critères relatifs aux blessures causées à la tête et au cou. Son travail porte également sur la modélisation par éléments finis du corps humain, qui entraîne le développement de systèmes perfectionnés de modélisation informatique pour évaluer les effets des impacts à la tête et au cou du corps humain. Le groupe de recherche de M. Willinger a collaboré avec des fabricants de voitures et de casques et a contribué au développement et à la mise à l’essai de systèmes de protection adaptés à leurs environnements d’impact particuliers.

[110]  Au procès, M. Willinger a été reconnu compétent pour témoigner à titre d’ingénieur, de professeur et d’expert en biomécanique des traumatismes crâniens et en évaluation des casques, fort d’une expertise spécifique dans la modélisation par éléments finis et la mise à l’essai physique des casques.

[111]  M. Lowe compte plus de vingt ans d’expérience dans le développement de casques de sport. Il est actuellement expert-conseil en développement de produits, et fournit des conseils sur le développement de casques pour le hockey, le football et les sports motorisés. Avant d’occuper ce poste, il a travaillé pour un certain nombre de fabricants de casques dans différentes fonctions de direction. Il a obtenu un baccalauréat ès sciences en conception industrielle de l’Université d’État de San Jose en 1995. M. Lowe détient cinq brevets aux États-Unis concernant les casques et la protection contre les impacts.

[112]  Au procès, M. Lowe a été reconnu compétent pour témoigner à titre de concepteur industriel et d’expert en conception et commercialisation de casques, fort d’une expertise dans le hockey, la crosse, le football, le vélo, le surf des neiges et les sports motorisés.

[113]  Bauer a fait entendre deux témoins experts, M. Christopher Withnall et le Dr Jeffrey Scott Delaney.

[114]  M. Withnall est un ingénieur professionnel travaillant dans le domaine spécialisé de la biomécanique des impacts sur le corps humain depuis plus de vingt-sept ans. Son travail porte principalement sur la conception et la mise à l’essai de casque, ainsi que sur la prévention des blessures associées aux impacts sur le corps humain. Il est un employé et un actionnaire minoritaire de Biokinetics and Associates Ltd., un organisme de recherche et de développement qui mène ses propres travaux de recherche et de développement et fournit des services de mise à l’essai à des tiers. Fait aucunement lié à l’affaire qui nous intéresse, Biokinetics and Associates Ltd. a déjà effectué des essais sur des casques pour MIPS et Bauer.

[115]  M. Withnall est président du groupe de travail de l’Association canadienne de normalisation (CSA) sur la mesure de l’accélération de rotation en vue d’appliquer la cinématique de rotation dans les normes de hockey sur glace. Il participe depuis 1995 à l’élaboration des normes relatives aux casques de l’America Standards for Testing and Materials [ASTM], où il travaille actuellement sur les questions d’accélération de rotation. Il est un inventeur nommé relativement à de nombreux brevets américains et canadiens relatifs aux casques et aux méthodes d’essai qui s’y rattachent.

[116]  Au procès, M. Withnall a été reconnu compétent pour témoigner à titre d’ingénieur professionnel, fort d’une expertise i) en conception, construction et mise à l’essai de casques, y compris les casques pour le transport, les sports (y compris le hockey et le football), la police et les militaires, et ii) dans le domaine de la biomécanique des impacts sur le corps humain, y compris la biomécanique des lésions cérébrales induites par inertie causées par des commotions cérébrales légères et des lésions catastrophiques.

[117]  Dr Delaney est médecin d’urgence et spécialiste en médecine sportive et professeur agrégé à la division de médecine d’urgence de l’Université McGill, où il enseigne depuis 1997. Il a obtenu son doctorat en médecine de l’Université McGill en 1991 et a obtenu une bourse en médecine sportive en 1997. Ses intérêts de recherche sont axés sur les commotions cérébrales et les blessures cervicales.

[118]  Au procès, le Dr Delaney a été reconnu compétent pour témoigner à titre de médecin praticien en médecine d’urgence et en médecine sportive, fort d’une expertise dans l’étude et le traitement des traumatismes crâniens et des lésions cervicales chez les populations des départements sportifs universitaires et des services d’urgence.

C.  Personne versée dans l’art

[119]  La personne versée dans l’art, qui peut comporter une équipe, est la personne fictive à travers le regard de laquelle un brevet doit être interprété et l’état de la technique doit être pris en considération. La personne versée dans l’art est dépourvue d’esprit inventif et d’imagination, mais elle est raisonnablement diligente lorsqu’il s’agit de maintenir à jour sa connaissance des progrès réalisés dans le domaine en cause. Elle ne représente pas le plus faible dénominateur commun du groupe, mais plutôt la personne ordinaire ou moyenne.

[120]  Il n’y a eu guère de différend entre les parties en ce qui concerne le destinataire théorique des brevets. La personne fictive moyennement versée dans l’art a été définie par les experts de la façon suivante (Rapport d’expert Willinger [PDI-10] aux paragraphes 49 à 51; voir aussi le rapport d’expert Lowe [PDI-45] aux paragraphes 25 à 31 et les réponses au rapport Withnall [PDI-73] au paragraphe 10) :

[traduction]

49.  La personne ou l’équipe de personnes versées dans l’art inclurait une personne ayant une formation universitaire en conception industrielle ou en génie mécanique, ou une personne ayant l’expérience pratique équivalente en tant que concepteur de produits industriels dans l’industrie des casques ou en milieu universitaire. Cette expérience inclurait la conception de l’apparence et de la forme des casques dans divers sports et la façon dont tous les composants sont intégrés dans une unité fonctionnelle. Un concepteur de produits aurait généralement connaissance du comportement mécanique des matériaux et des procédés de fabrication utilisés pour fabriquer des casques. Le concepteur de produits serait en mesure de comprendre les différents choix de matières premières, les problèmes liés à la fabrication, l’outillage requis, et le matériel de fabrication, ainsi que les coûts associés à ces choix de conception.

50.  La personne ou l’équipe de personnes versées dans l’art comprendrait également une personne ayant une compréhension de la biomécanique et des mécanismes qu’impliquent les lésions cérébrales. Il s’agirait d’une personne ayant un diplôme en biomécanique ou en génie biomécanique, ou une personne ayant le même niveau d’expérience dans l’industrie ou en milieu universitaire. Cette expérience inclurait une compréhension des différents types d’impacts auxquels les casques peuvent être exposés, de la performance des composants du casque pendant l’impact et de la façon dont cette performance a des répercussions sur la tête et le cerveau.

51.  L’expérience ci-dessus permettrait de comprendre également que les normes d’essai relatives aux casques établissent quels sont les niveaux d’exposition jugés acceptables en ce qui a trait aux impacts linéaires et, lorsqu’il existe des normes, en ce qui concerne les impacts obliques (exprimés en termes de force tangentielle). La personne versée dans l’art serait en mesure d’évaluer les normes relatives aux casques et aurait une connaissance des normes appropriées qu’un casque doit respecter pour être mis sur le marché. La personne versée dans l’art comprendrait les normes de certification, y compris les méthodes d’essai employées, et serait en mesure de déterminer quelles sont les caractéristiques nominales nécessaires pour satisfaire à la norme.

D.  Connaissances générales courantes

[121]  Les « connaissances générales courantes » sont les connaissances que possède en général la personne versée dans l’art au moment pertinent, y compris ce que cette personne peut raisonnablement savoir et être en mesure de découvrir. Les connaissances générales courantes peuvent être dérivées de la question pratique de savoir ce que connaîtrait la personne versée dans l’art. Ce n’est pas la même chose que les « connaissances publiques » ou l’« état de la technique » (Uponor AB c. HeatLink Group Inc, 2016 FC 320, aux paragraphes 46 à 48). Alors que les connaissances générales courantes peuvent inclure des renseignements provenant de l’« état de la technique », tout simplement parce que l’information est connue des spécialistes, cela ne signifie pas nécessairement que ces connaissances sont devenues si largement connues qu’elles font partie intégrante de la connaissance générale courante.

[122]  M. Willinger et M. Lowe ont défini les connaissances générales communes dans leurs rapports respectifs et M. Withnall n’a pas réellement contesté leur définition.

[123]  La personne versée dans l’art serait rompue à l’utilisation et à la conception des casques, et aurait une bonne connaissance d’une variété de sports et d’activités où le port d’un casque est nécessaire. La personne versée dans l’art aurait une bonne connaissance des composants courants trouvés dans les casques de sport. Ces composants comprennent : une coque externe, faite d’une ou de deux pièces (un casque de hockey comprend généralement deux coques réglables); une couche d’absorption d’énergie; une doublure de confort ou un rembourrage de confort; et diverses méthodes pour ajuster la taille ou ses différents composants.

[124]  La personne versée dans l’art aurait également une bonne connaissance des principes de la physique et des principes mécaniques qui entrent dans la conception du casque. La personne versée dans l’art saurait que la conception d’un casque implique une évaluation des conditions d’impact auxquelles la tête du corps humain peut être assujettie, selon l’activité en question. La personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que les impacts sont généralement évalués en fonction de la vitesse initiale de la tête portant un casque juste avant l’impact. La personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre qu’il existe trois principaux types de mécanismes de blessures à la tête : les fractures du crâne, l’hématome sous-dural et les blessures neurologiques, comme les commotions cérébrales.

[125]  La personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que les casques sont généralement conçus pour protéger contre les impacts linéaires, soit des impacts perpendiculaires à la surface assujettie à l’impact. Toutefois, depuis les années 2010-2011, la personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que les casques doivent également être conçus pour protéger contre les impacts par rotation, qui sont responsables des lésions cérébrales graves, y compris les commotions cérébrales. Les impacts par rotation sont également connus sous le nom d’impacts obliques ou tangentiels. Un impact par rotation peut être décrit comme un impact arrivant à un angle par rapport à la surface assujettie à l’impact. Par conséquent, depuis les années 2010-2011, la personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que les casques doivent également inclure des composants visant à offrir une protection contre l’accélération de rotation vers le cerveau.

[126]  La personne versée dans l’art connaîtrait les différentes normes de certification qui doivent être respectées pour qu’un casque soit vendu commercialement, et elle serait en mesure de comprendre que les normes peuvent différer selon le territoire géographique. La personne versée dans l’art serait également en mesure de comprendre les différentes méthodes d’essai des casques utilisées pour respecter ces normes de certification.

E.  Interprétation des revendications – principe juridique

[127]  Dans l’arrêt Wellcome Foundation, précité, la Cour suprême du Canada décrit le système de brevets du Canada comme étant fondé sur un « engagement » aux termes duquel un inventeur se voit octroyer des droits exclusifs de monopole sur une invention, mais seulement en échange d’une divulgation complète et franche de cette invention :

[37] Comme on l’a dit à maintes reprises, le brevet n’est pas une distinction ou une récompense civique accordée pour l’ingéniosité. C’est un moyen d’encourager les gens à rendre publiques les solutions ingénieuses apportées à des problèmes concrets, en promettant de leur accorder un monopole limité d’une durée limitée. La divulgation est le prix à payer pour obtenir le précieux droit de propriété exclusif qui est une pure création de la Loi sur les brevets.

[128]  L’exigence de divulgation est énoncée au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4. L’alinéa 27(3)a) exige d’un inventeur que son mémoire descriptif « décri[v]e d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur ». L’alinéa 27(3)b) exige de l’inventeur qu’il expose clairement le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une invention, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention.

[129]  Pour respecter cet engagement, l’inventeur est tenu de décrire son invention d’une façon suffisamment détaillée pour permettre à la personne versée dans l’art d’utiliser, une fois la période de monopole terminée, l’invention avec le même succès que l’inventeur au moment où la demande a été déposée (Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, aux paragraphes 70 et 71).

[130]  La première étape dans le cadre d’un litige en matière de brevet consiste à interpréter les revendications en litige. Elles doivent recevoir la même interprétation aux fins des examens sur la contrefaçon et la validité (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, au paragraphe 43 et à l’alinéa 49b)). Toutefois, les revendications ne doivent pas être interprétées sans comprendre où se situent les différends entre les parties, ou « là où le bât blesse » (Valence Technology Inc. c. Phostech Lithium Inc., 2011 CF 174, au paragraphe 62, conf. par 2011 CAF 237).

[131]  Le brevet compte deux sections distinctes : les revendications et la description ou la divulgation (Règles sur les brevets, DORS/96-423, article 2 et Loi sur les brevets, paragraphes 27[3) et 27(4)). Les revendications sont le point de départ qui définit le monopole légal (Roger T Hughes et al., Hughes and Woodley on Patents, 2e éd. (Toronto : LexisNexis, 2005) [feuilles mobiles mises à jour en 2018], à la page 305). Si le libellé des revendications est clair et sans ambiguïté, il n’est pas nécessaire de recourir à la description. La description peut autrement être utilisée pour aider à comprendre les termes ambigus utilisés dans les revendications, mais jamais dans le but d’en modifier la portée ou l’étendue. En d’autres termes, elle pourrait aider à comprendre la signification des mots des revendications choisis par le breveté (Hughes, précité, à la page 316).

[132]  La Loi sur les brevets et l’interprétation téléologique exigée par la Cour suprême du Canada dans Free World Trust c. Électro Santé Inc. (2000 CSC 66, aux paragraphes 30 et 31) exigent l’adhésion au libellé des revendications, qui favorise l’équité et la prévisibilité. La teneur d’une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l’objet, plutôt que de recevoir une interprétation purement littérale.

[133]  Une interprétation téléologique donne un sens aux mots utilisés dans les revendications en ce qui concerne l’intention de l’inventeur, telle qu’elle est divulguée dans le brevet. L’analyse recense les mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention. Les éléments d’une revendication sont présumés essentiels. Pour qu’un élément soit jugé non essentiel, une preuve suffisante doit établir que la personne versée dans l’art comprendrait que l’omission ou la substitution d’un composant donné n’aurait aucun effet sur le fonctionnement de l’invention (Free World Trust, précité, au paragraphe 31).

[134]  L’hypothèse selon laquelle les revendications ne sont pas redondantes est connue comme étant le principe de la « différenciation des revendications » et a été bien expliquée par notre Cour dans Halford c. Seed Hawk Inc., (2004 FC 88, conf. par 2006 CAF 275) :

[93] Dans sa forme la plus simple, la différenciation des revendications exige uniquement que [traduction] « les restrictions d’une revendication ne soient pas considérées comme faisant partie d’une revendication générale ». Un commentaire plus approfondi sur la différenciation des revendications est donné dans D.M.I., Inc. c. Deere & Co. :

[traduction] La Cour de district a dit ce qui suit : « En règle générale, une restriction ne peut être attribuée à une revendication afin d’éviter la contrefaçon [...] Puisque, comme dans le cas présent, la restriction qui ferait partie d’une revendication se trouve déjà dans une autre revendication, la règle est beaucoup plus que « générale ». Elle est fixe. Elle est établie depuis longtemps. Elle a un statut immuable et universellement applicable assez rare parmi les règles de droit. Sans cette règle, toute la structure législative et réglementaire régissant la rédaction, la présentation, l’examen, la reconnaissance et la force exécutoire des revendications s’effondrerait. Cette cour a confirmé le maintien de la règle [...]. En fait, dans Kalman, cette Cour a cité avec approbation cet énoncé clair de la règle trouvée dans Deere & Co. c. International Harvester Co. :

Lorsque certaines revendications sont étendues et d’autres limitées, les restrictions de la revendication limitée ne peuvent pas être considérées comme faisant partie de la revendication étendue pour éviter l’invalidité ou la contrefaçon.

[Renvois omis.]

[135]  Enfin, la personne versée dans l’art abordera les revendications et la divulgation d’un brevet avec « un esprit désireux de comprendre, et non avec un esprit désireux de ne pas comprendre » (Lister c. Norton Brothers & Co (1886), 3 RPC 199 (Ch D) au paragraphe 203). La personne versée dans l’art tentera de réussir; la personne versée dans l’art n’est pas celle qui recherche les difficultés ou vise l’échec (Free World Trust, précité, au paragraphe 44).

F.  Brevet MIPS 542

(1)  Interprétation du brevet MIPS 542

[136]  Seules les revendications du brevet MIPS 542 qui contiennent des points de discorde entre les parties seront abordées dans la présente section.

(a)  Revendication 1 du brevet MIPS 542

[137]  La revendication 1 du brevet MIPS 542 se lit comme suit, avec les points de discorde énoncés en caractères gras, afin d’insister sur leur importance :

[traduction] Un casque comprenant : une couche d’absorption d’énergie comprenant un matériau d’absorption d’énergie qui absorbe l’énergie par compression du matériau d’absorption d’énergie, la couche d’absorption d’énergie comprenant une surface interne et une surface externe placée à l’opposé de la surface interne, de telle sorte que la surface interne soit adaptée pour être plus près de la tête de l’utilisateur du casque que la surface externe et que la surface interne soit orientée vers le dispositif de fixation; un dispositif de fixation prévu pour fixer le casque à la tête de l’utilisateur; et un dispositif facilitant le coulissement, lequel est placé entre la surface interne de la couche d’absorption d’énergie et le dispositif de fixation, et qui est fixé à au moins un des dispositifs de fixation ou à la surface interne de la couche d’absorption d’énergie afin de fournir une bonne capacité de coulissement entre la couche d’absorption d’énergie et le dispositif de fixation.

[138]  Le « dispositif de fixation » envisagé dans la revendication 1 est un nouveau concept pour les casques. Il ne s’agit pas d’un terme couramment utilisé dans l’industrie et il ne doit pas être confondu avec un système de rétention, comme une jugulaire. Le paragraphe 10 du brevet MIPS 542 aide le lecteur à comprendre ce qui ne constitue pas un dispositif de fixation : [traduction] « les jugulaires ou des dispositifs semblables ne sont pas des dispositifs de fixation selon la réalisation actuelle du casque ». Cela est également cohérent avec la figure 2 du brevet MIPS 542 (RCD-986), qui montre le dispositif de fixation (3).

[139]  Cette distinction, cependant, ne signifie pas, comme l’a suggéré M. Withnall, que le dispositif de fixation a une fonction supplémentaire, soit celle de retenir le casque sur la tête de l’utilisateur. Et cela ne signifie pas non plus que le casque peut être porté sans jugulaire. En fait, un casque de vélo MIPS II sans jugulaire ne serait probablement pas conforme aux normes de l’industrie.

[140]  Cela dit, M. Willinger a décrit le dispositif de fixation comme fournissant une surface d’interface entre la tête de l’utilisateur et le casque pour permettre une interaction avec la couche d’absorption d’énergie. M. Willinger a ajouté qu’il s’agit d’un élément structurel nécessaire du casque décrit dans le brevet, puisqu’il fournit une surface ancrée sur la tête de l’utilisateur qui peut interagir avec la surface interne de la couche d’absorption d’énergie. Pour illustrer son point, M. Willinger a décrit le dispositif de fixation comme un capuchon qui permet d’« ancrer » le casque sur la tête de l’utilisateur. Il a déclaré que la tête de l’utilisateur doit être [traduction« solidement maintenue en place par le dispositif de fixation lorsque le casque est porté » (PDI-10, aux paragraphes 75 et 78).

[141]  M. Lowe a interprété le « dispositif de fixation » comme exigeant qu’il soit « accouplé » à la tête de l’utilisateur, et qu’il « [demeure] accouplé à la tête de l’utilisateur lors d’un impact sur le casque » (PDI-45, au paragraphe 65), permettant le coulissement entre le dispositif de fixation et le rembourrage interne. Pour M. Lowe, avant la technologie MIPS II, il n’y avait aucun composant supplémentaire entre le rembourrage de confort et la couche de gestion de l’énergie. Le dispositif de fixation a été introduit par l’inventeur à titre de nouveau composant d’accouplement à la tête pour créer une interface entre la tête et la couche de gestion de l’énergie pour permettre le désaccouplement au cours d’un impact tangentiel. Lors de l’impact, le but du dispositif de fixation est de créer une surface de désaccouplement qui glisse d’abord, avant qu’un coulissement entre la tête et le dispositif de fixation se produise.

[142]  Cependant, lorsqu’on examine la question de la contrefaçon, les deux experts de MIPS ont donné une interprétation plus large du dispositif de fixation et ont minimisé le degré de fixation nécessaire afin d’atteindre l’objectif de l’invention. Ils ont fait valoir ce qui suit :

  • une fixation temporaire ou [traduction] « à impact seul » suffit;

  • le dispositif de fixation n’a besoin que d’être [traduction] « posé sur et autour de la tête de l’utilisateur »;

  • le dispositif de fixation doit seulement être [traduction] « configuré pour s’adapter à la tête de l’utilisateur ou du moins à une partie de la tête de l’utilisateur »;

  • le dispositif de fixation ne doit être que le composant qui est [traduction] « posé le plus près de la tête de l’utilisateur ».

[143]  D’autre part, M. Withnall a interprété le [TRADUCTION] « dispositif de fixation fourni pour la fixation du casque à la tête de l’utilisateur » de la revendication 1 comme exigeant que le dispositif de fixation fournisse une fixation ou un accouplement à la tête de l’utilisateur, de telle sorte qu’un alignement fiable et sûr du casque sur la tête de l’utilisateur soit maintenu avant et pendant un impact.

[144]  Tous les experts s’entendent pour dire que le dispositif de fixation doit maintenir sa position pendant un impact afin que le désaccouplement se fasse entre le casque et le dispositif de fixation, du moins avant qu’un désaccouplement ne survienne entre le dispositif de fixation et la tête de l’utilisateur. Les figures 3 et 4 du brevet MIPS 542 montrent ce qui se déroule au cours d’un impact. Le dispositif de fixation (3) maintient sa position sur la tête de l’utilisateur malgré un impact oblique (la flèche « I »), pour que la couche d’absorption d’énergie (2) et la coque externe (1) glissent par rapport au dispositif de fixation (3) et se désaccouplent de la tête de l’utilisateur.

[145]  À mon avis, le brevet MIPS 542 ne prévoit pas de fixation temporaire ou à impact seul. Le dispositif de fixation doit être accouplé à la tête de l’utilisateur sur la majeure partie de la surface couverte par le casque. Afin d’atteindre cet objectif, et de rester fixées à la tête de l’utilisateur pendant le désaccouplement dans une direction donnée, toutes les parties du dispositif de fixation doivent rester solidaires entre elles. Les références dans le mémoire descriptif à un capuchon ou à un serre-tête confirment que le dispositif de fixation doit s’adapter à la tête de l’utilisateur (comme un capuchon) ou du moins à une partie de la tête de l’utilisateur (comme le serre-tête montré dans la plupart des figures relatives au brevet MIPS 542).

[146]  Premièrement, non seulement les mots « au moment de l’impact » ou une expression similaire est absente de la revendication 1, mais les figures 2 et 3 du brevet MIPS 542 démontrent que le dispositif de fixation fournit le même niveau de fixation à la tête de l’utilisateur tant avant que pendant un impact.

[147]  Deuxièmement, l’interprétation initiale et plus restrictive du dispositif de fixation prévue par les experts de MIPS est plus conforme au libellé clair de la revendication 1.

[148]  Troisièmement, je suis d’accord avec M. Withnall qu’étant donné qu’il est impossible de prédire l’angle d’un impact et que le coulissement ou le désaccouplement est multidirectionnel, il est important que le dispositif de fixation maintienne le casque dans la bonne position avant un impact afin que l’invention fonctionne.

[149]  Par conséquent, je suis d’avis qu’une personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que le dispositif de fixation n’est pas ce qui maintient le casque sur la tête de l’utilisateur au moment de l’impact, mais plutôt ce qui reste la plupart du temps en place sur la tête de l’utilisateur lorsque, au moment d’un impact, le casque tourne sur la tête de l’utilisateur dans une direction donnée. Le dispositif de fixation est donc ce qui permet le désaccouplement complet et non partiel entre le casque et la tête de l’utilisateur lorsque la tête est soumise à un impact par rotation.

[150]  Le dispositif facilitant le coulissement est fixé sur au moins un des dispositifs de fixation ou sur la surface interne de la couche d’absorption d’énergie pour permettre une bonne capacité de coulissement.

[151]  Le débat concernant la signification de ce composant de la revendication 1 est crucial, car il permettra de confirmer si oui ou non la friction est un des mécanismes divulgués par l’inventeur pour absorber l’énergie de rotation.

[152]  Selon les experts de MIPS, un dispositif facilitant le coulissement favorise ou permet simplement un déplacement relatif entre le dispositif de fixation et le reste du casque. Ils sont d’avis que le dispositif n’est pas tenu d’améliorer la capacité de coulissement et que, bien qu’une faible interaction par frottement soit préférable, cela n’est pas nécessaire.

[153]  Ils s’appuient sur les cinq différents endroits du brevet MIPS 542 où le dispositif facilitant le coulissement est mentionné, et à chaque endroit, la description utilise les mots [traduction] « favorise » ou « permet » une capacité de coulissement, plutôt que de maximiser cette capacité de coulissement ou d’en minimiser la friction. Selon les termes du brevet (au paragraphe 15) : [traduction] « Le dispositif facilitant le coulissement donne au casque une fonction (capacité de coulissement) ». Sans un dispositif facilitant le coulissement dans le casque, cette fonctionnalité est, selon eux, absente.

[154]  Ils ajoutent que le dispositif facilitant le coulissement peut se composer d’un matériau à faible friction, mais cela n’est pas nécessaire. Les matériaux à faible friction potentiels peuvent comprendre ce qui suit : un polymère cireux, comme le PTFE (Téflon), le PFA (perfluoroalkoxy), le FEP (éthylène-propylène fluoré), le PE (polyéthylène) et le PeHpm (polyéthylène de masse moléculaire très élevée), ou un matériau en poudre, qui pourrait être infusé avec un lubrifiant (voir le paragraphe 44 du brevet MIPS 542). Ces experts sont d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que le type de dispositif facilitant le coulissement dépendrait de l’application pour laquelle le casque sera utilisé et de l’ampleur des impacts prévus, et qu’il comprendrait comment accorder le type de matériau et la friction qui en résulte pour l’application sur laquelle ils travaillent.

[155]  D’autre part, M. Withnall fait valoir que l’utilisation du terme « dispositif facilitant le coulissement » laisse entrevoir un composant séparé du casque qui permet le coulissement et il soutient que la revendication favorise une interaction à faible friction entre le dispositif de fixation et la couche d’absorption d’énergie. Selon Bauer, la friction ne constitue donc pas un moyen important de réduire l’énergie de rotation dans la technologie MIPS II.

[156]  Premièrement, je ne suis pas d’accord avec MIPS que, sans dispositif facilitant le coulissement, la fonction que constitue la capacité de coulissement de l’invention serait absente. Étant donné que le dispositif de fixation n’est pas solidaire à la couche d’absorption d’énergie, le mouvement ou la capacité de coulissement serait possible sans dispositif facilitant le coulissement, quoique dans une moindre mesure.

[157]  Deuxièmement, je ne suis pas d’avis qu’un dispositif facilitant le coulissement ne favorise que la capacité de coulissement. À mon avis, il doit faciliter, permettre ou promouvoir le coulissement entre les deux surfaces ou le rendre plus facile que sans sa présence.

[158]  La définition de friction de l’ASTM International est la suivante : [traduction]

La friction est la force de résistance qui se produit lorsqu’une surface d’une substance glisse ou tend à glisser sur une surface limitrophe de cette substance ou d’une autre substance.

(Norme ASTM D1894, 1993, « Standard Test Method for Static and Kinetic Coefficients of Friction of Plastic Film and Sheeting », ASTM International, West Conshohocken, PA, 1993).

[Non souligné dans l’original.]

[159]  Plus il y a de coulissement entre deux surfaces, et moins il y aura de résistance et par conséquent, moins il y aura de friction. La capacité de coulissement et la friction sont, selon cette définition, inversement proportionnelles.

[160]  D’autre part, afin de créer une friction, ce qu’il faut, c’est deux surfaces qui glissent ou tendent à glisser les unes contre les autres. Dès que les surfaces glissent, une friction survient – dont le niveau dépendra du niveau de résistance.

[161]  Il est important de souligner que tous les experts s’entendent sur le fait que la plupart des impacts ont des composantes linéaires et tangentielles. Ils conviennent également que plus la quantité d’énergie d’impact linéaire est élevée, plus il y aura de frottement ou de résistance entre le dispositif de fixation et la couche d’absorption d’énergie, entraînant moins de désaccouplement.

[162]  Compte tenu de ces notions, je suis d’accord avec les experts de MIPS que la personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que la friction est l’un des moyens de gérer l’énergie de rotation telle qu’il est divulgué dans le brevet MIPS 542. Cette personne comprendrait que le dispositif facilitant le coulissement est ajouté à au moins une surface pour faciliter la capacité de coulissement et pour contrecarrer la résistance créée par la composante linéaire d’un impact.

[163]  Je suis donc d’accord avec le fait que l’interaction à faible friction est seulement une « meilleure manière » ou réalisation préférentielle de l’invention. L’élément important de l’invention est de diminuer la résistance entre les deux surfaces (le dispositif de fixation et la couche d’absorption d’énergie) afin d’entraîner le désaccouplement. Le type de dispositif facilitant le coulissement, et son coefficient de friction, dépendront de l’application pour laquelle le casque sera utilisé et de l’ampleur des impacts prévus.

[164]  Tout d’abord, les mots utilisés dans la revendication 1, de la manière indiquée ci-dessus, suggèrent que l’inventeur voulait faciliter, aider, promouvoir ou favoriser le coulissement entre les deux surfaces. En d’autres mots, l’inventeur voulait trouver une façon de réduire la résistance ou la friction.

[165]  Deuxièmement, tous les renvois faits dans le mémoire descriptif à cette fonctionnalité laissent entendre que l’objectif est de faciliter le coulissement afin de permettre le désaccouplement. Dans tous les casques, l’inventeur utilise le mot « pourrait » et fournit des options. Par exemple, le paragraphe 40 indique ce qui suit : [traduction] « Le dispositif facilitant le coulissement pourrait être un matériau ayant un faible coefficient de friction ou être enduit d’un matériau à faible friction [...] Il est par ailleurs concevable que le coulissement soit facilité par la structure du matériau de sorte que les fibres glissent l’une contre l’autre » [non souligné dans l’original]. Bien entendu, le mémoire descriptif ne dit nulle part quelle friction moyenne ou élevée constitue une option pour obtenir la fonctionnalité souhaitée : la capacité de coulissement. La raison en est que la capacité de coulissement et le désaccouplement sont essentiels à l’invention.

[166]  Contrairement à d’autres demandes de brevet MIPS (RCD -996, PDI-41) qui suggèrent que, aux fins de ces inventions, un faible coefficient de friction se situe préférablement entre 0,05 et 0,3 mais n’est pas plus élevé que 0,3, le brevet MIPS 542 ne divulgue aucun coefficient de friction particulier. M. Halldin et M. Laperrière, qui peuvent tous deux être considérés comme des personnes versées dans l’art, ont déclaré dans leur témoignage que, à leur avis, un faible coefficient de friction est inférieur à 0,3.

[167]  À mon avis, la personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que la revendication 1 du brevet MIPS 542 exige un dispositif facilitant le coulissement qui réduit la friction, sans nécessairement viser un coefficient de friction qui en découle au-dessous de 0,3. Si l’invention exige d’atteindre un coefficient de friction donné, l’inventeur l’aurait mentionné.

[168]  Enfin, la personne versée dans l’art ne comprendrait pas qu’il y aurait absence de friction par suite de la diminution de la résistance entre les deux surfaces afin d’accroître la capacité de coulissement ou de permettre le désaccouplement – surtout avec la présence d’un composant à impact linéaire élevé.

(b)  Revendication 3 – « où le dispositif de fixation est fixé à la couche d’absorption d’énergie ou à la coque externe au moyen d’au moins un élément de fixation »

[169]  Les parties conviennent que l’expression « éléments de fixation » n’est pas celle qui a été couramment utilisée dans l’antériorité au moment pertinent et qu’une personne versée dans l’art saurait que ces éléments remplissent deux fonctions : i) ils relient le dispositif de fixation à la couche d’absorption d’énergie; et ii) ils absorbent l’énergie de rotation générée par un impact oblique sur le casque. Cependant, cette deuxième fonction n’est pas expressément abordée dans la revendication 3.

[170]  La divergence réside dans le fait que, pour Bauer, les éléments de fixation sont un élément essentiel de l’invention du brevet MIPS 542 et une personne versée dans l’art comprendrait que ces éléments doivent être présents dans toutes les réalisations. Comme l’expert de Bauer est d’avis que la friction et la déformation du dispositif de fixation ne constituent pas des façons importantes de réduire l’énergie de rotation dans le brevet MIPS 542, la déformation ou l’étirement des éléments de fixation doit être le plus efficace possible, sinon le seul moyen de réduire l’énergie de rotation. Sans ces éléments, l’invention ne fonctionnerait tout simplement pas.

[171]  En réponse, MIPS soutient que son brevet est correctement rédigé. Elle soutient également qu’une personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que les éléments de fixation ne constituent pas l’aspect clé du brevet MIPS 542 et que le système pourrait encore fonctionner sans leur présence. Le nœud de l’invention est le mouvement relatif entre le dispositif de fixation et le rembourrage interne. Sans les éléments de fixation, l’énergie est toujours absorbée par la chaleur due à la friction.

[172]  Comme je suis d’avis que le mouvement relatif permettant le désaccouplement engendrera une friction au cours d’un impact par rotation, je suis également d’avis que la personne versée dans l’art, avec un esprit désireux de comprendre, serait en mesure de comprendre que l’invention pourrait fonctionner sans élément de fixation. Comme la Cour doit présumer que les revendications ne sont pas redondantes et que la différenciation des revendications exige que la restriction d’une revendication fasse « partie » d’une revendication générale, je suis également d’avis que les éléments de fixation sont une caractéristique ou une réalisation supplémentaire qui peut être ajoutée à la revendication 1.

(c)  Revendication 4 – « où l’élément de fixation est capable d’absorber l’énergie et les forces en se déformant de manière élastique, semi-élastique ou plastique »

[173]  Lorsqu’ils sont présents, les éléments de fixation peuvent être adaptés de façon à absorber l’énergie et les forces lors d’un impact au casque en se déformant de manière élastique, semi-élastique ou plastique. Les éléments de fixation peuvent également être hyper élastiques, de telle sorte que le matériau absorbe l’énergie de manière élastique tout en se déformant partiellement d’un point de vue plastique, sans être complètement endommagé.

[174]  Là encore, le principe de la différentiation de la revendication exige que les revendications 1 et 3 soient interprétées comme n’exigeant pas que les éléments de fixation absorbent l’énergie.

(d)  Revendication 5 – « l’élément de fixation comprend au moins un élément de suspension »

[175]  La personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que l’« élément de suspension » de la revendication 5 est une réalisation de l’« élément de fixation », qui prévoit la séparation entre le dispositif de fixation et la couche d’absorption d’énergie ou la coque externe, remplissant ainsi une fonction de suspension.

(e)  Revendication 6 – « où le dispositif facilitant le coulissement constitue un matériau à faible friction »

[176]  Comme il est indiqué ci-dessus, l’utilisation d’un matériau à faible friction constitue un moyen d’obtenir une capacité de coulissement ou de réduire la résistance entre le dispositif de fixation et la couche d’absorption d’énergie, mais ce n’est pas le seul. Par exemple, une autre façon d’obtenir une capacité de coulissement ou de réduire la résistance serait d’utiliser un matériau avec une structure de fibres, où les fibres glissent l’une contre les autres.

(2)  Contrefaçon du brevet MIPS 542

(a)  Contrefaçon – Principes juridiques

[177]  L’article 42 de la Loi sur les brevets confère au breveté le droit d’empêcher les autres, pour la durée du brevet, de fabriquer, de construire, d’exploiter ou de vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention. La contrefaçon est un acte qui nuit à la pleine jouissance du monopole conféré en application de cet article (Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, au paragraphe 34).

[178]  L’intention de Bauer, qu’elle soit délibérée ou non, est sans importance pour la question de savoir s’il y a contrefaçon (Apotex Inc. c. AstraZeneca Canada Inc., 2017 CAF 9, au paragraphe 77).

[179]  Il incombe à la partie qui invoque la contrefaçon, soit en l’occurrence MIPS, d’établir, selon la prépondérance des probabilités, la contrefaçon de son brevet (Eli Lilly and Company c. Apotex Inc., 2009 CF 991, au paragraphe 211, conf. par 2010 CAF 240). Un breveté aura préséance même si une seule revendication valable est contrefaite.

[180]  La contrefaçon est une question mixte de droit et de fait. Une fois que les revendications sont interprétées (une question de droit), la contrefaçon est déterminée en comparant le procédé ou le produit présumément contrefait avec les mots utilisés dans les revendications (une question de fait), interprétées correctement (Whirlpool, précité, au paragraphe 76). Il faut se rappeler ceci :

i)  le sujet de l’analyse est le produit réel de la défenderesse (en l’espèce les casques RE-AKT et RE-AKT 100 de Bauer), et non un brevet qui peut décrire ce produit (Lapierre c. Echochem International Inc., 2002 CFPI 617, aux paragraphes 4 à 6, citant Free World Trust); et

ii)  le produit du défendeur est comparé à la ou aux revendications de brevet affirmées en cause, et non aux produits commerciaux du breveté (tels que les casques qui intègrent la technologie MIPS II) (Lammli c. Cousins, 2002 CFPI 437, aux paragraphes 11 et 15 à 17).

[181]  Dans la présente section, le développement du produit de Bauer, tel qu’il a été examiné ci-dessus, n’est pas pertinent.

[182]  L’article 32 de la Loi sur les brevets énonce que même si la défenderesse a apporté une amélioration à l’invention brevetée (et détient des brevets dans ces améliorations), elle n’obtient aucun droit en vertu de l’invention originale. La Cour doit examiner le produit dans son ensemble (y compris les modifications ou améliorations qui y ont été apportées) et déterminer si ce produit contrefait les revendications en cause. L’ajout de fonctionnalités à un appareil qui utilise l’invention brevetée ne permet pas d’éviter pas la contrefaçon : « Ajouter l’ingéniosité au vol ne saurait justifier celui-ci » (SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2001 CFPI 770, aux paragraphes 60 et 61, conf. par 2002 CAF 216).

[183]  Plus précisément, la contrefaçon se produit lorsque le produit de la défenderesse comprend tous les éléments essentiels d’une revendication de brevet. Le remplacement ou l’omission d’éléments non essentiels ne permettrait pas d’éviter la contrefaçon (Free World Trust, précité, à l’alinéa 31 f) et au paragraphe 68).

(b)  Casques RE-AKT et RE-AKT 100 de Bauer

[184]  La thèse formulée par MIPS est que les casques RE-AKT et RE-AKT 100 contrefont le brevet MIPS 542 parce qu’ils comprennent une nouvelle structure (la doublure flottante SUSPEND-TECH) qui se trouve entre la tête de l’utilisateur et la couche d’absorption d’énergie et qui, lors d’un impact oblique, permet un mouvement de coulissement relatif entre cette structure et la couche d’absorption d’énergie. Cette protection contre l’impact par rotation était nouvelle pour Bauer et a été introduite sur le marché par Bauer après que MIPS eut déjà déposé une demande pour obtenir des droits exclusifs sur ce qui est devenu le brevet MIPS 542 au Canada.

[185]  Selon MIPS, les doublures flottantes SUSPEND-TECH et SUSPEND-TECH 2 des casques RE-AKT et RE-AKT 100, respectivement, sont « des dispositifs de fixation » selon l’emploi de ce terme dans les revendications du brevet MIPS542. Les doublures flottantes SUSPEND-TECH et SUSPEND-TECH 2 des casques RE-AKT se trouvent entre la tête de l’utilisateur et la couche d’absorption d’énergie. Elles reposent sur et autour de la tête de l’utilisateur lorsque le casque est porté et assure un ancrage au moment de l’impact. Les deux doublures fournissent une surface d’interface entre la tête de l’utilisateur et le casque pour permettre une interaction avec la couche d’absorption d’énergie du casque. Les doublures flottantes SUSPEND-TECH et SUSPEND-TECH 2 sont configurées pour s’adapter à la tête de l’utilisateur ou du moins, à une partie de la tête, de sorte que MIPS soutient qu’elles constituent manifestement des dispositifs de fixation.

[186]  Dans le but d’illustrer ce point, MIPS compare d’abord son dispositif de fixation P-Nut de Lazer (tel que reproduit dans le rapport d’expert de M. Willinger (PDI-10), à la page 83) avec une capture d’écran de la doublure flottante SUSPEND-TECH de la vidéo promotionnelle du casque RE-AKT de Bauer (RCD-1937) :

 

[187]  MIPS fait une deuxième comparaison entre l’image du dispositif de fixation MIPS II, tel qu’il figure dans son matériel promotionnel (RCD-172, diapositive 22) et l’image de la doublure flottante SUSPEND-TECH 2 du casque RE-AKT 100 (PDI-86) :

 

[188]  On peut facilement comprendre pourquoi ces images ont été mises côte à côte par MIPS : la couleur jaune et la forme du dispositif de fixation et de la doublure flottante SUSPEND-TECH leur donnent une certaine similitude apparente. Pourtant, la couleur est une simple coïncidence, résultant de l’image de marque de MIPS et du choix d’une tierce partie pour Bauer. Quant à la forme commune de ces dispositifs, elle est facilement expliquée par le fait que les deux sont des composants d’un casque qui est porté sur la tête.

[189]  Cependant, l’apparence de ces dispositifs n’est pas ce qui doit être évalué et comparé, mais plutôt la façon dont les inventions fonctionnent.

[190]  Comme il a été indiqué ci-dessus, aux fins de contrefaçon, le produit de Bauer doit être comparé aux revendications du brevet MIPS 542 en cause et non aux produits commerciaux de MIPS. De plus, ce sont les casques RE-AKT et RE-AKT 100 de Bauer qui sont en litige, et non un croquis reproduit dans l’un des brevets Bauer ou sur une image figurant dans un catalogue promotionnel donné.

[191]  Bien que je n’aie pas à me prononcer sur cette question, j’ai tendance à être d’accord avec M. Withnall qu’il est loin d’être évident, lorsqu’on regarde uniquement le dispositif de fixation P-Nut de Lazer, qu’il s’agit d’un dispositif qui est envisagé par les revendications du brevet MIPS 542. Il nous faudrait voir le dispositif de fixation inséré dans le casque afin d’évaluer si, lorsqu’il est combiné avec ses autres composants (comme les petites courroies en plastique qui maintiennent les pièces du dispositif de fixation ensemble), il forme un capuchon ou un serre-tête qui resterait accouplé à la tête lors de l’impact.

[192]  À mon avis, la doublure flottante SUSPEND-TECH, installée dans le casque RE-AKT de Bauer, n’est pas un dispositif de fixation. Il ne remplit pas de fonction de fixation conformément au brevet MIPS 542. Il ne s’accouple pas à la tête avant l’impact et ne reste pas entièrement accouplé à la tête au moment de l’impact, car il reste nécessairement fixé à la périphérie du casque. Comme tous les casques de hockey, le casque RE-AKT est conçu pour être fixé à la tête de l’utilisateur avec une combinaison de mécanismes d’ajustement serrés et d’une jugulaire. Ce sont les mécanismes qui assurent l’alignement fiable et sûr du casque sur la tête de l’utilisateur avant et pendant un impact, et non la doublure flottante SUSPEND-TECH.

[193]  La doublure flottante SUSPEND-TECH est composée de différentes bandes souples en PORON XRD cousues ensemble. Ces bandes ou parties de la doublure flottante SUSPEND-TECH ne sont pas solidaires les unes avec les autres. Elles se déplacent les unes par rapport aux autres.

[194]  Il est vrai que la doublure flottante SUSPEND-TECH est partiellement accouplée à la tête de l’utilisateur au moment de l’impact, mais comme elle est fabriquée de PORON XRD souple, le reste de la doublure flottante s’étire et se déforme par suite de : i) son accouplement partiel à la tête; et ii) sa fixation à la périphérie du casque. L’ancrage partiel et « à impact seul » à la tête de l’utilisateur ne suffit pas à assimiler la doublure flottante SUSPEND-TECH à un dispositif de fixation.

[195]  Je suis d’accord avec les experts de MIPS que la preuve ne démontre pas que la doublure flottante SUSPEND-TECH absorbe une quantité importante d’énergie linéaire. Cependant, en plus d’offrir une protection contre les impacts linéaires minimaux et une protection contre les impacts par rotation, il agit comme rembourrage de confort du casque. La doublure flottante SUSPEND-TECH ne s’attache pas à la tête de l’utilisateur, mais plutôt au casque à titre de rembourrage de confort. Autrement dit, le simple fait que la doublure flottante SUSPEND-TECH n’est pas complètement solidaire à la couche d’absorption d’énergie – comme si elle était collée – n’est pas suffisant pour en faire un dispositif de fixation selon le brevet MIPS 542. La caractéristique que constitue le mouvement relatif n’est pas suffisante non plus. La doublure flottante SUSPEND-TECH ne fonctionne tout simplement pas de la même manière que le dispositif de fixation du brevet MIPS 542.

[196]  Je suis aussi d’avis que tous les commentaires ci-dessus s’appliquent également à la doublure flottante SUSPEND-TECH 2, même si sa forme ressemble davantage à celle d’un capuchon ou d’un serre-tête.

[197]  Étant donné que le dispositif de fixation est un élément crucial de toutes les revendications du brevet MIPS 542, le fait de conclure que les doublures flottantes SUSPEND-TECH et SUSPEND-TECH 2 ne sont pas des dispositifs de fixation permet également de conclure que les casques RE-AKT et RE-AKT 100 de Bauer ne contrefont pas le brevet MIPS 542.

[198]  Je vais néanmoins poursuivre et examiner les positions des parties en ce qui concerne les autres éléments litigieux du brevet MIPS 542 : le « dispositif facilitant le coulissement », les « éléments de fixation » et l’« élément de suspension ».

[199]  Les experts de MIPS sont d’avis que les casques RE-AKT et RE-AKT 100 comprennent tous deux des « dispositifs facilitant le coulissement » entre la surface intérieure de la couche d’absorption d’énergie et la doublure flottante SUSPEND-TECH. Ils ont désigné le premier dispositif facilitant le coulissement comme étant la matière textile noire douce et lisse apposée à l’arrière de la doublure flottante SUSPEND-TECH qui y est collée ou soudée. Cette matière interagit avec la surface opposée de la couche d’absorption d’énergie pour favoriser le mouvement relatif entre la doublure flottante SUSPEND-TECH et la surface interne de la couche d’absorption d’énergie (c.-à-d. pour fournir une capacité de coulissement). De plus, le rembourrage EXPANCEL est recouvert d’un film non tissé. Ils ont considéré ce film comme étant un dispositif facilitant le coulissement.

[200]  M. Willinger et M. Lowe ont tous deux décrit la matière textile noire douce et lisse sur la doublure flottante SUSPEND-TECH comme étant un matériau à faible friction selon la texture du matériau au toucher et son interaction avec la surface correspondante du rembourrage en EXPANCEL.

[201]  Toutefois, les experts de MIPS n’ont pas tenu compte des raisons qui ont motivé la décision de Bauer de choisir ces matériaux pour ses casques RE-AKT et RE-AKT 100. M. Laperrière et Mme Généreux ont tous deux expliqué que le PORON XRD étant une mousse perméable, elle ne convient pas à l’intérieur d’un casque de hockey, car elle retient l’eau et la sueur. Le casque doit comprendre une sorte de couverture. Dans sa première version certifiée du casque RE-AKT, les deux côtés de la doublure flottante SUSPEND-TECH étaient recouverts du même TPUR (polyuréthanne thermoplastique) ou d’une matière semblable au caoutchouc. À la demande du fournisseur qui éprouvait des problèmes de fabrication et un taux élevé de rejets, la matière textile noire douce et lisse a remplacé le TPUR sur un côté de la doublure flottante SUSPEND-TECH. Aucune explication réelle n’a été donnée quant à la raison pour laquelle Bauer a choisi de recouvrir l’intérieur de la doublure flottante SUSPEND-TECH avec cette matière, mais, comme l’indiquent les résultats des essais présentés ci-dessous, cette décision n’a eu aucune incidence réelle sur la capacité de coulissement.

[202]  En fait, l’argument de MIPS est en partie contredit par le coefficient de friction interne de Bauer qui indique que la matière textile noire douce et lisse sur la doublure flottante SUSPEND-TECH a un coefficient de friction, lorsqu’il est frotté contre une surface en aluminium, de 0,387 par rapport à 0,354 lorsqu’il est recouvert de TPUR :

[203]  Comme le film non tissé apposé sur le rembourrage en EXPANCEL, son coefficient de friction a été mesuré à 0,398. Mais les mêmes résultats d’essai montrent également que l’ajout du film non tissé à rembourrage en EXPANCEL réduit son coefficient de friction par rapport à la matière textile noire douce et lisse de plus de la moitié (de 1,406 à 0,554).

[204]  Cette mise à l’essai du coefficient de friction a été le seul type d’essai effectué par Bauer à l’appui de ses propres demandes de brevets, de sorte que ces résultats devraient être suffisants pour confirmer que la matière textile noire douce et lisse sur la doublure flottante SUSPEND-TECH n’a eu aucune incidence sur la capacité de coulissement, par rapport au TPUR. Les résultats de l’essai confirment également que l’ajout du film non tissé sur le rembourrage en EXPANCEL a eu une incidence importante sur la capacité de coulissement.

[205]  Aucun essai de ce type n’a été effectué sur le casque RE-AKT 100. Seuls les experts de MIPS ont témoigné qu’il est apparent au toucher qu’il y aura davantage de coulissement avec le casque RE-AKT 100 qu’avec le casque RE-AKT. Selon eux, le premier dispositif facilitant le coulissement du RE-AKT 100 est une matière textile jaune apposée sur la surface de la doublure flottante SUSPEND-TECH 2 qui fait face à la couche d’absorption d’énergie. Cette matière semble être la même matière qui est utilisée dans le casque RE-AKT (c’est-à-dire une matière douce et lisse). Le deuxième dispositif facilitant le coulissement du casque RE-AKT 100 est la matière « très lisse » qui a été appliquée à la couche d’absorption d’énergie du casque RE-AKT 100. Cette matière a pour but de favoriser le mouvement relatif entre les deux surfaces, comme cela se produirait en cas d’impact oblique.

[206]  MIPS n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour me convaincre que les casques RE-AKT et RE-AKT 100 contiennent un dispositif facilitant le coulissement tel qu’il a été divulgué dans le brevet MIPS 542.

[207]  La matière textile noire douce et lisse apposée sur un côté du PORON XRD qui constitue la doublure flottante SUSPEND-TECH semble avoir un coefficient de friction à peine plus élevé que celle du côté recouvert de TPUR (0,387 contre 0,354 lorsqu’il est comparé à l’aluminium et 0,554 contre 0,524 lorsqu’il est comparé au rembourrage en EXPANCEL recouvert d’un film non tissé).

[208]  En ce qui concerne le film non tissé couvrant le rembourrage en EXPANCEL, je ne suis pas convaincu qu’il a été ajouté afin de favoriser la capacité de coulissement. La preuve établit que le rembourrage en EXPANCEL doit être recouvert afin de maintenir sa structure; le film non tissé est, en ce sens, une partie de la structure. Comme l’a démontré Mme Généreux au cours de son témoignage, l’EXPANCEL est une matière très fragile et friable qui se brise facilement par une simple pression des doigts. On peut donc dire que le film non tissé remplit une fonction différente de celle de faciliter le coulissement : celui d’assurer l’intégrité de la couche d’absorption d’énergie. Il se peut aussi que le film non tissé ait été choisi pour contribuer à l’esthétique du casque, car le film a une finition douce et brillante. Aucune preuve n’a été présentée que le film non tissé a une surface de friction inférieure à celle de tout autre film ou matériau qui aurait pu être utilisé pour maintenir l’intégrité de la couche d’absorption du casque RE-AKT. Afin de déterminer si le film non tissé facilite le coulissement, il aurait fallu le comparer avec un autre matériau qui aurait pu être utilisé pour maintenir l’intégrité de l’EXPANCEL, et non avec le rembourrage en EXPANCEL non couvert lui-même.

[209]  Pour les raisons énoncées ci-dessus, je suis d’avis que MIPS n’a pas rempli le fardeau de prouver que les casques de RE-AKT et RE-AKT 100 de Bauer ont un [traduction] « dispositif facilitant le coulissement [...] pour assurer une capacité de coulissement » tel qu’il est énoncé dans la revendication 1 du brevet MIPS 542.

[210]  Enfin, MIPS affirme que les casques RE-AKT et RE-AKT 100 ont des « éléments de fixation ». Ses experts ont considéré les parties élastiquement déformables en PORON XRD situées à l’avant et à l’arrière du casque RE-AKT (et SUR les côtés du casque RE-AKT 100) qui relient la doublure flottante SUSPEND-TECH au reste du casque comme étant des éléments de fixation de la manière prévue par la revendication 3 du brevet MIPS 542.

[211]  Selon cette théorie, la personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que les parties en PORON XRD de la doublure flottante SUSPEND-TECH qui sont collées en périphérie du casque se déforment d’un point de vue élastique lors d’un impact oblique. Ces éléments de fixation sont intégrés dans la doublure flottante SUSPEND-TECH répondent aux critères suivants : i) ils font partie du dispositif de fixation; et ii) ils constituent des éléments de fixation. Le casque RE-AKT 100 comporte deux éléments de fixation supplémentaires, constitués de pièces en plastique noir résistantes et rigides qui sont vissées à la coque du casque et qui se connectent également aux parties du casque en PORON XRD.

[212]  Comme ces éléments de fixation se déforment et dissipent l’énergie lors de l’impact, MIPS affirme qu’ils contrefont également la revendication 4 du brevet MIPS 542.

[213]  Je ne partage pas l’opinion de MIPS.

[214]  Tout d’abord, le brevet MIPS 542 ne suggère en aucune façon qu’une partie du dispositif de fixation puisse aussi être un élément de fixation. Non seulement s’agit-il d’un composant distinct du casque, mais contrairement au dispositif de fixation, l’élément de fixation n’est pas un élément essentiel de la revendication indépendante 1.

[215]  Quant aux pièces en plastique plat qui relient la doublure flottante SUSPEND-TECH 2 sur les côtés du casque RE-AKT 100, elles pourraient être considérées comme remplissant la première fonction de l’élément de fixation visée par la revendication 3 du brevet MIPS 542 : connecter le dispositif de fixation à la couche d’absorption d’énergie. Toutefois, elles ne peuvent pas être considérées comme ayant rempli la deuxième fonction de l’élément de fixation couverte par la revendication 4 du brevet MIPS 542 : absorber l’énergie générée par un impact oblique sur le casque.

[216]  Ces pièces en plastique plat sont « prises en sandwich » entre les protège-oreilles en plastique rigide du casque et sa coque extérieure en plastique dur. Ils sont tenus là par des vis. Je suis d’accord avec Bauer que puisque la majorité des pièces de plastique plat ne sont pas exposées, elles ne feraient pas l’objet d’une déformation ou d’un déplacement, afin d’absorber l’énergie de rotation générée par un impact.

[217]  Je suis également d’accord que ces pièces en plastique plat sont faites d’un matériau qui est beaucoup moins résistant que le PORON XRD. Par conséquent, les parties de raccordement de la doublure flottante SUSPEND-TECH s’étirent ou se déforment bien avant n’importe quelle partie des pièces en plastique plat.

[218]  Enfin, si une partie de la pièce en plastique plat devait s’étirer ou se déformer d’une manière importante, elle le ferait d’un point de vue plastique. Dans ce cas, le morceau de plastique plat devrait être remplacé, et le casque ne pourrait pas être utilisé à nouveau jusqu’à ce qu’il ait été remplacé. Ce casque ne serait pas adapté pour être utilisé en tant que casque de hockey multi-impact.

[219]  Par conséquent, si je devais conclure que : i) la doublure flottante SUSPEND-TECH 2 est un dispositif de fixation tel qu’il est divulgué dans le brevet MIPS 542, et ii) le casque RE-AKT 100 est doté d’un dispositif facilitant le coulissement, je conclurais que les pièces en plastique noir plat qui relient la doublure flottante SUSPEND-TECH 2 au casque RE-AKT 100 sont des éléments de fixation comme le prévoit la revendication 3 du brevet MIPS 542 (fonction de connexion), mais non comme le prévoit sa revendication 4 dépendante (fonction d’absorption d’énergie).

(3)  Validité du brevet MIPS 542

[220]  Puisque les brevets dûment publiés sont présumés valables, le fardeau de la preuve, dans la présente section, se déplace et incombe à Bauer, la partie alléguant l’invalidité.

[221]  Bauer fait valoir, et doit prouver, que le brevet MIPS 542 est invalide pour cause d’antériorité et d’évidence, et parce que ses revendications ont une portée excessive par rapport à l’invention créée. Dans sa procédure initiale, Bauer a également affirmé que le brevet MIPS 542 était également invalide pour cause d’inutilité. Ce dernier argument a été à juste titre abandonné au procès.

(a)  Antériorité

[222]  L’objet d’une revendication doit être nouveau, ce qui signifie qu’il ne doit pas se heurter à une antériorité. Le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

a. « [l] » objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas [...] avoir fait [...] l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada [...]; »

i. par le demandeur, de façon directe ou autrement, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande appropriée [(alinéa 28.2(1)a)¸ ou

ii. par une autre personne, avant la date de la revendication de la demande [(alinéa 28.2(1)b)] et

b. l’objet de la revendication ne doit pas être divulgué dans une demande de brevet au Canada, qui a été déposée par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt est antérieure à la date de la revendication de la demande [alinéas 28.2(1)c) et d)].

[223]  Comme il est indiqué dans Fox on the Canadian Law of Patents : [traduction] « Il ne suffit pas de mettre en évidence l’invention de façon générale ou de décrire de façon générale le concept de base de l’invention, ou de simplement suggérer quelque chose à partir duquel le brevet en cause a pu évoluer » (Donald H. MacOdrum, Fox on the Canadian Law of Patents, 5e éd. (Toronto : Thompson Reuters, 2017) (feuilles mobiles 2017-6), ch. 5, à la page 35).

[224]  Dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, au paragraphe 49, la Cour suprême du Canada a établi une approche à deux volets relativement à l’antériorité :

  1. la référence à l’art antérieur doit communiquer ce qui une fois réalisé contreferait la revendication en cause (divulgation);

  2. l’art antérieur doit permettre à la personne versée dans l’art de réaliser cet objet (c.-à-d., travailler l’invention) sans trop d’essais successifs (caractère réalisable).

[225]  Il est en règle générale difficile d’établir l’antériorité. Il ne suffit pas de trouver les « fragments » de l’invention dans un dossier d’antériorité – il faut trouver tous les renseignements dont une personne versée dans l’art a besoin, en pratique, pour produire l’invention dans une seule publication (Free World Trust, précité, aux paragraphes 25 et 26).

[226]  Tel que nous l’avons exposé ci-dessus, le dispositif de fixation est l’élément le plus essentiel de l’invention divulguée dans le brevet MIPS 542. À ce titre, il faudrait qu’il soit antériorisé pour que le brevet soit invalide sur ce point. Je suis d’accord avec MIPS qu’aucune des références citées à l’art antérieur ne divulgue un dispositif de fixation situé entre la tête de l’utilisateur et la couche d’absorption d’énergie, comme l’exige la revendication indépendante 1 du brevet MIPS 542.

[227]  Le brevet américain no 4 185 331, également connu sous le nom de brevet Nomiyama, divulgue un dispositif principal comprenant deux serre-tête – une bande interne et une bande externe – favorisant un mouvement libre entre les deux. Lors d’un impact, la bande externe tourne autour de la bande interne sur un roulement à rouleaux :

[228]  Bien que ce dispositif de tête, ou « mode de montage », ressemble à un capuchon et a une forme similaire à celle du dispositif de fixation du brevet MIPS 542, il ne prévoit pas de dispositif de fixation du casque sur la tête de l’utilisateur. Cela dit, je suis d’avis que ce dispositif de tête n’est pas un casque. Comme le seul matériau d’absorption d’énergie se trouve dans les deux couches du serre-tête, il ne protègerait la tête contre les impacts radiaux que localement. À ce titre, il ne se qualifierait pas, à mon avis, en tant que casque protecteur.

[229]  De plus, le brevet Nomiyama ne permet pas le désaccouplement multidirectionnel de la couche d’absorption d’énergie du dispositif de fixation, mais il n’autorise que le désaccouplement sur un seul axe (autour de la tête).

[230]  Les deux seuls autres éléments de l’état de la technique mentionné par Bauer en vue de l’analyse de l’antériorité sont le brevet américain no 6 658 671, également connu sous le nom de brevet Von Holst ou brevet MIPS 1, et la publication américaine 2004/0117896, également connue sous le nom de publication Madey. Pourtant, M. Withnall a reconnu que si la Cour interprétait le dispositif de fixation divulgué dans le brevet MIPS 542 de manière restrictive, c’est-à-dire d’une manière qui ne couvrirait pas un composant tel que la doublure flottante SUSPEND-TECH de Bauer, les revendications du brevet MIPS 542 n’auraient pas été antériorisées par le brevet MIPS 1 ou la publication Madey.

[231]  Comme la Cour n’a pas conservé l’interprétation plus large du dispositif de fixation suggérée par les experts de MIPS aux fins de contrefaçon, l’argument de Bauer relatif à l’invalidité pour cause d’antériorité peut être résolu.

(b)  Évidence

[232]  L’article 28.3 de la Loi sur les brevets dispose que l’évidence porte sur la question de savoir si la personne versée dans l’art dépourvue d’imagination et d’esprit inventif serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet :

Objet non évident

Invention must not be obvious

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication : a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

(a) information disclosed more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.

 

[233]  Une allégation d’évidence peut être fondée sur des connaissances générales courantes seulement ou sur l’antériorité en combinaison avec des connaissances générales courantes (Eli Lilly, précitée, au paragraphe 415).

[234]  Toute information ou référence à l’art antérieur à laquelle avait accès le public peut être examinée. On peut également invoquer une combinaison ou une « mosaïque » de références à l’art antérieur, s’il est raisonnable de s’attendre à ce que la personne versée dans l’art ait trouvé ces documents dans le cadre d’une recherche diligente (Pollard Banknote Limited c. BABN Technologies Corp., 2016 CF 883, au paragraphe 194) et ait examiné les documents cités dans leur ensemble (Eli Lilly, précitée, aux paragraphes 416 à 419).

[235]  Lorsque la référence à l’art antérieur invoquée consiste en l’affichage public d’un produit, la question est de savoir si les éléments pertinents de l’invention ont été révélés à la personne versée dans l’art (Easton Sports Canada Inc. c. Bauer Hockey Corp, 2011 CAF 83, aux paragraphes 65 à 68).

[236]  Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo (précité, au paragraphe 67), l’enquête sur l’évidence peut adopter une approche en quatre volets :

1)  Identifier la « personne versée dans l’art » et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

2)  Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

3)  Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

4)  Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelconque inventivité?

[237]  La Cour d’appel fédérale a récemment ajouté qu’il n’existe pas de [traduction] « règle rudimentaire et rigide » unique ou d’approche catégorique en ce qui a trait à l’évidence. L’analyse devrait plutôt être abordée de façon [traduction] « globale et souple » (Bristol-Myers Squibb Canada Co c. Teva Canada Limited, 2017 CAF 76, aux paragraphes 59 à 62).

[238]  En fin de compte, ce qui importe dans l’analyse de l’évidence est la différence entre ce qui est revendiqué et l’art antérieur. Ainsi que l’a fait remarquer le juge Pelletier dans l’arrêt Bristol-Myers (précité, aux paragraphes 65 à 68), l’analyse de l’évidence pose la question de savoir si la distance entre deux points – l’état de l’art antérieur à la date pertinente et l’invention telle qu’elle est divulguée par le brevet – peut être comblée par la personne versée dans l’art qui n’utilise que les connaissances générales courantes mises à sa disposition.

[239]  Ayant conclu que, à l’exception de la revendication 5 du brevet MIPS 542, chacune des autres revendications était soit i) antériorisée par le brevet Nomiyama; soit ii) antériorisée par le brevet MIPS 1 et la publication Madey – si le dispositif de fixation est interprété assez largement pour couvrir la doublure flottante SUSPEND-TECH, Bauer et son expert ont concentré leur argumentation relative à d’évidence sur la revendication 5 du brevet MIPS 542 et sur l’« élément de suspension ».

[240]  M. Withnall invoque la publication américaine 2004/0250340, également connue sous le nom de publication Piper, qui divulgue un « rivet » (321) qui soutient le poids de la couche externe (314) à partir de la couche interne (313) sur la tête de l’utilisateur :

[241]  M. Withnall est donc d’avis qu’il aurait été évident pour une personne versée dans l’art de combiner les enseignements relatifs au rivet de la publication Piper avec les enseignements relatifs au dispositif de fixation – s’ils sont interprétés de façon large – du brevet MIPS 1 et de la publication Madey, pour en arriver à un casque qui comprend l’« élément de suspension » de la revendication 5 du brevet MIPS 542, sans exiger aucun degré d’inventivité.

[242]  M. Withnall considère également le casque de construction typique comme révélant un grand nombre des éléments des revendications du brevet MIPS 542, le plus important étant la coque externe et l’élément de suspension de la revendication 5. Par conséquent, il estime qu’il aurait été évident pour une personne versée dans l’art de combiner les enseignements relatifs au dispositif de suspension révélés par le casque de construction avec les enseignements du brevet MIPS 1 ou de la publication Madey.

[243]  La contestation fondée sur l’évidence du brevet MIPS 542 est vouée à l’échec pour la même raison que la contestation fondée sur l’antériorité : le brevet Nomiyama ne divulgue pas de dispositif de fixation qui prévoit la fixation du casque à la tête de l’utilisateur. Quant au casque de construction, il ne permet pas le désaccouplement entre un dispositif de fixation et le reste du casque, car les deux composants n’ont pas été conçus pour se toucher. La coque externe doit rester suspendue pour protéger la tête de l’utilisateur contre les chutes d’objets. En outre, lorsqu’il est interprété de manière restrictive, le dispositif de fixation ne figure pas dans le brevet MIPS 1 ou dans la publication Madey.

[244]  Toutefois, si je devais conclure que l’une des antériorités divulguait un dispositif de fixation tel qu’il est divulgué dans le brevet MIPS 542, je conviendrais que la revendication 5 serait invalide pour cause d’évidence. Je ne vois aucune différence majeure entre l’élément de suspension qui y est divulgué et le rivet divulgué dans la publication Piper. Ces deux éléments remplissent une fonction de suspension et les deux comportent deux parties : une fixée à la couche d’absorption d’énergie ou à la coque externe et l’autre fixée au dispositif de fixation (lorsqu’on en donne une interprétation large).

(c)  Revendications de portée excessive par rapport à l’invention créée

[245]  Les revendications d’un brevet ne peuvent pas excéder l’invention créée par le ou les inventeur(s), ou l’invention décrite dans le mémoire descriptif. La nature de l’invention est une question de fait. Ce qui a été divulgué constitue une question de droit portant sur l’interprétation de la divulgation et une conclusion permettant d’établir ce qu’elle dit. Dans les deux cas, une comparaison s’impose avec les revendications en cause afin d’établir si la portée de la revendication excède ce que l’inventeur ou les inventeurs ont véritablement créé ou ce que prévoit la divulgation. (Pfizer Canada Inc. c. Canada (Santé), 2008 CF 11, aux paragraphes 45 et 46).

[246]  Si les revendications sont valablement prédites et que le mode de réalisation de l’invention est suffisamment divulgué, alors les revendications ne peuvent pas avoir une portée excessive. (Gilead Sciences, Inc. c. Idenix Pharmaceuticals Inc., 2015 CF 1156, au paragraphe 784).

[247]  Une revendication a une portée excessive lorsqu’elle omet de revendiquer un élément essentiel de l’invention créée ou divulguée. L’analyse doit donc être faite par rapport à un élément essentiel de l’invention (Illinois Tool Works Inc. c. Cobra Fixations Cie Ltée – Cobra Anchors Co Ltd., 2002 CFPI 829, aux paragraphes 94 et 95, conf. par 2003 CAF 358), en gardant à l’esprit qu’il ne suffit pas que la caractéristique fasse l’objet du mémoire descriptif ou soit essentielle au brevet (Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemical Company, 2016 CAF 216, au paragraphe 50).

[248]  En l’espèce, Bauer se concentre sur le composant « élément de fixation » et sur le fait qu’il est absent de la revendication indépendante 1 du brevet MIPS 542.

[249]  Bauer a examiné les rapports d’essai de MIPS établis avant la date de dépôt du 3 mai 2011 et soutient que ces rapports révèlent que les éléments de fixation sont un élément essentiel de l’invention, car ils absorbent principalement l’énergie de rotation.

[250]  Bauer invoque le rapport d’essai 1112 de MIPS (RCD-1082), qui décrit des essais effectués sur un prototype où du ruban en Téflon a été utilisé comme dispositif facilitant le coulissement et où deux sangles en caoutchouc (éléments de fixation) ont été utilisées pour attacher le dispositif de fixation à la couche d’absorption d’énergie. L’énergie a été absorbée par les deux sangles en caoutchouc et le casque a révélé une réduction importante de l’énergie de rotation transmise à la tête.

[251]  Bauer s’appuie également sur d’autres résultats d’essai qui soulignent que l’objectif du dispositif facilitant le coulissement est de permettre au dispositif de fixation de glisser avec une friction minime. Les prototypes utilisés pour ces essais comprenaient au moins une sangle en caoutchouc.

[252]  Cependant, au procès, M. Lanner a décrit une vidéo d’une mise à l’essai d’un casque datant d’octobre 2010 (RCD-226) qui montrait un casque Trabec de POC avec une maquette de couche de faible friction mesurée selon une configuration d’impact latéral. Il a expliqué que le casque montré dans la vidéo était [traduction] « un de ces premiers prototypes où nous avons posé à la main une couche à faible friction dans le casque sans aucun élément de fixation, sans quoi que ce soit d’autre, juste pour nous assurer que le casque démontrait un mouvement relatif par rapport au casque conventionnel sans couche à faible friction à l’intérieur » (transcription du procès, vol. 7, page 1274, lignes 22 à 27 de la transcription).

[253]  M. Thiel et M. Halldin ont également confirmé que, avant la date de dépôt, les essais avaient été effectués avec et sans élément de fixation, puisque le but consistait à créer un mouvement relatif entre deux surfaces. M. Thiel a expliqué ceci : [traduction] « Si vous ne pouvez pas créer ce mouvement, alors vous aurez de la difficulté à réduire la tension sur le cerveau » (transcription du procès, vol. 5, page 861, lignes 26 à 28).

[254]  Par conséquent, au moyen d’essais effectués avant la date de dépôt, MIPS a démontré qu’un casque sans élément de fixation pour relier le dispositif de fixation à la couche d’absorption d’énergie a révélé une réduction de la vitesse de rotation et de l’accélération de rotation.

[255]  Ces résultats d’essai révèlent, conformément à ma conclusion sur le rôle de la friction dans le brevet MIPS 542 tel qu’il a été discuté ci-dessus, que la friction constitue un moyen d’absorber l’énergie dans l’invention divulguée par le brevet MIPS 542 et que les éléments de fixation ne sont pas un aspect essentiel ou un élément clé du brevet.

[256]  Je suis donc d’avis que Bauer ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet MIPS 542 est invalide pour cause d’antériorité et d’évidence, et parce que ses revendications ont une portée excessive par rapport à l’invention créée.

G.  Brevets Bauer

[257]  MIPS prétend que les brevets Bauer sont invalides pour cause d’évidence en raison de la divulgation publique de MIPS et de la vente de casques contenant la technologie MIPS II avant que Bauer n’ait déposé une demande de brevet à l’égard de laquelle les brevets revendiquent une priorité.

[258]  MIPS prétend en outre que les trois brevets qui ont suivi le brevet Bauer 316 ne comportent pas d’« éléments brevetables distincts » et sont donc invalides parce qu’ils contreviennent à la règle interdisant le double brevet.

[259]  Les experts des parties sont d’accord pour que la personne versée dans l’art à laquelle les brevets Bauer s’adressent soit la même que la personne versée dans l’art pour le brevet MIPS 542. Les connaissances générales courantes attribuables à cette personne seraient également les mêmes généralement parlant. Toutefois, les brevets Bauer se concentrent plus étroitement sur les casques réglables pour le hockey et la crosse.

[260]  Comme c’est le cas pour les questions de contrefaçon et de validité concernant le brevet MIPS 542, la première étape pour déterminer l’étendue des droits en matière de brevet Bauer consiste à interpréter les brevets Bauer.

[261]  Dans la présente section, l’attention n’est pas portée sur les casques RE-AKT et RE-AKT 100, puisqu’ils ne représentent que les réalisations de l’invention ou des inventions divulguées dans les brevets Bauer. L’attention est centrée sur les revendications des brevets Bauer.

[262]  Par souci de clarté, je vais faire comme MIPS a fait et je vais me concentrer sur les revendications importantes du brevet Bauer 316.

(1)  Interprétation des brevets de Bauer

(a)  Revendication 1 du brevet Bauer 316

[263]  La revendication 1 du brevet Bauer 316 se lit comme suit, avec les éléments importants énoncés en caractères gras, afin d’insister sur leur importance :

[traduction]

Un casque de sport pour la protection de la tête d’un utilisateur, comprenant :

a) une coque externe comprenant une surface externe dudit casque de sport;

b) un rembourrage intérieur disposé entre ladite coque externe et la tête de l’utilisateur lorsque ledit casque de sport est utilisé, ledit rembourrage interne prévoyant une cavité pour recevoir la tête de l’utilisateur;

c) un dispositif de protection contre les impacts par rotation installé entre ledit rembourrage interne et la tête de l’utilisateur lorsque ledit casque de sport est porté;

d) un mécanisme d’ajustement pouvant être actionné par l’utilisateur pour modifier le volume interne de ladite cavité pour ajuster ledit casque de sport sur la tête de l’utilisateur;

dans lequel ladite coque externe comprend un premier élément de la coque et un second élément de la coque qui sont mobiles l’un par rapport à l’autre une fois que ledit mécanisme d’ajustement est actionné par l’utilisateur pour modifier ledit volume interne de ladite cavité;

dans lequel ledit dispositif de protection contre les impacts par rotation comprend une surface mobile par rapport à ladite surface externe dudit casque de sport en réponse à un impact par rotation sur ladite coque externe pour absorber l’énergie de rotation provenant de l’impact par rotation;

dans lequel ledit dispositif de protection contre les impacts par rotation comporte une partie qui subit un déplacement lorsque ledit premier élément de la coque et ledit second élément de la coque se déplacent l’un par rapport à l’autre.

[264]  M. Willinger et M. Lowe sont d’avis que cette revendication – ou plutôt la caractéristique du dispositif de protection contre les impacts par rotation qui y est divulguée – porte sur le désaccouplement qui permet un déplacement relatif entre la tête et la surface externe afin d’absorber l’énergie de rotation. Les connaissances générales courantes établissent que lorsqu’on recherche une protection contre les impacts par rotation, un désaccouplement a lieu le long de la surface coulissante. MM. Willinger et Lowe estiment qu’une personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre qu’on pourrait produire un mouvement relatif en plaçant un dispositif de protection contre les impacts par rotation à l’intérieur du rembourrage d’un casque à deux pièces. Ils sont d’avis que la revendication 1 est complète et n’apporte rien qui n’a pas déjà été divulgué dans l’art antérieur.

[265]  En revanche, M. Withnall est d’avis que les expressions « dispositif de protection contre les impacts par rotation » et « pour absorber l’énergie de rotation provenant de l’impact par rotation » que l’on retrouve dans la revendication 1 du brevet Bauer 316 ne seraient pas immédiatement comprises par la personne versée dans l’art, qui se pencherait donc sur le mémoire descriptif pour comprendre leur signification. Il cite plusieurs paragraphes de la « Description détaillée des réalisations » du brevet Bauer 316 » (voir RCD -1229, à la page 11), tels que les suivants : i) la description de la doublure flottante 50, qui « permet un certain degré de liberté de mouvement » (RCD-1229, à la page 14); ii) le fait que le mouvement entre le rembourrage intérieur 15 et le rembourrage flottant 50 crée une friction qui dissipe l’énergie de rotation, en plus d’induire une déformation élastique de la doublure flottante 50 et qui s’étire de façon à courber dans la direction de la force de rotation (RF) pour absorber l’énergie de rotation associée à l’impact par rotation; et iii) le fait que la doublure flottante 50 fournit également une protection contre les impacts radiaux par compression (RCD-1229, aux pages 20 et 21). La figure 59 du brevet Bauer 316 illustre ces différents composants :

[266]  La réponse de M. Willinger à cette opinion est que la revendication 1 ne désigne tout simplement pas les trois mécanismes d’absorption d’énergie dont il est fait mention ailleurs dans le brevet (friction, étirement et compression) et qu’une telle désignation n’est pas nécessaire pour donner un sens à la revendication. À son avis, M. Withnall intègre les revendications dépendantes – ou les réalisations préférentielles de l’inventeur – dans la revendication indépendante 1, qui va à l’encontre des directives de la jurisprudence en la matière. Il insiste sur ce point de compression en particulier, car la compression concerne l’impact linéaire, et non l’impact par rotation tel qu’il est discuté dans la revendication 1.

[267]  Je suis d’accord avec MIPS qu’une personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre la revendication 1 du brevet Bauer 316 comme n’incluant pas précisément la compression et l’étirement comme mécanismes d’absorption de l’énergie. Je conviens également que les revendications dépendantes 9, 11, 14 et 16 ne devraient pas être utilisées dans le but d’interpréter la revendication 1. Le seul mécanisme d’absorption d’énergie divulgué dans la revendication 1 provient du mouvement entre la surface externe du casque de sport et la surface du dispositif de protection contre les impacts par rotation en réponse à un impact par rotation. Tel qu’il a été discuté ci-dessus, lorsque deux surfaces glissent l’une contre l’autre, la résistance crée une friction. Ce qui était vrai pour le dispositif de fixation mentionné dans la revendication 1 du brevet MIPS 542 est également vrai pour le dispositif de protection contre les impacts par rotation indiqué dans la revendication 1 du brevet Bauer 316 : il n’est pas nécessaire de mentionner expressément la friction à la personne versée dans l’art pour que celle-ci comprenne que la friction est la résistance créée lorsque deux surfaces glissent ou tendent à glisser l’une contre l’autre.

[268]  Il est vrai que M. Willinger et M. Lowe ont convenu en contre-interrogatoire que le mémoire descriptif fournit des détails sur l’utilisation d’une combinaison des mécanismes d’étirement, de frottement et/ou de compression. Toutefois, le fait qu’il soit question d’une caractéristique ou d’une réalisation particulière dans le mémoire descriptif ne signifie pas nécessairement que cette caractéristique est un élément essentiel d’une revendication particulière.

[269]  S’il est inapproprié de se fonder sur la description pour modifier la portée d’une revendication, il n’est pas inapproprié de considérer les revendications dépendantes comme une aide à l’interprétation de ces revendications. Toutefois, [traduction] « [une] restriction figurant dans une revendication ne peut être interprétée comme une autre revendication n’ayant pas une telle restriction » (Hughes, précité, 318).

[270]  Pourtant, les revendications dépendantes 9, 11, 14 et 16 du brevet Bauer 316, qui seront examinées ci-après, introduisent de telles restrictions : le dispositif de protection contre les impacts par rotation qui est une doublure flottante; l’étirement de la doublure flottante absorbant au moins une partie de l’énergie de rotation; la compression de la doublure flottante absorbant l’énergie radiale en plus de l’énergie de rotation; et l’interface entre la doublure flottante et le rembourrage interne ayant un coefficient de friction d’au moins 0,2.

[271]  Le principe de la différenciation des revendications dispose qu’« on doit poser comme hypothèse de départ la différenciation des revendications » (Ratiopharm Inc. c. Canada (Santé), 2007 CAF 83, au paragraphe 33). Si une restriction ne peut être considérée comme faisant partie d’une revendication afin d’éviter la contrefaçon (Halford, précité, aux paragraphes 91 à 96), elle ne peut pas non plus être considérée à ce titre pour gonfler l’idée originale divulguée dans une revendication afin d’éviter l’invalidité pour cause d’évidence. La différenciation des revendications est une présomption réfutable, mais une forte présomption lorsque la restriction constatée dans la revendication dépendante est la seule différence importante entre une revendication indépendante et une revendication dépendante (Halford, précité, au paragraphe 94).

[272]  Là encore, les revendications constituent le point de départ dans l’interprétation d’un brevet. Elles définissent le monopole du breveté. La revendication 1 doit être interprétée de manière à ne pas exiger que : i) le dispositif de protection contre les impacts par rotation soit un revêtement flottant; ii) l’étirement est un mécanisme qui absorbe au moins une partie de l’énergie de rotation; iii) la doublure flottante soit compressible pour absorber également l’énergie radiale; et iv) l’interface entre la doublure flottante et le rembourrage interne aient un coefficient de friction d’au moins 0,2.

(b)  Revendication 9 du brevet Bauer 316

[273]  La revendication 9 introduit la doublure flottante qui a été abondamment discutée ci-dessus et qui est mentionnée dans les revendications 11, 14 et 16, lesquelles doivent également être interprétées. La revendication est libellée comme suit :

[traduction]

9. Le casque de sport de l’une ou l’autre des revendications 1 à 4, dans lequel ledit dispositif de protection contre les impacts par rotation est une doublure flottante installée entre ledit rembourrage interne et la tête de l’utilisateur lorsque ledit casque de sport est porté;

[274]  Je suis d’accord avec les experts que la personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre que la doublure flottante est un « dispositif de protection contre les impacts par rotation » plus précis et moins général. Je suis également d’accord que cette personne serait d’autre part en mesure d’interpréter le terme « doublure flottante » comme étant essentiellement une doublure de confort qui comporte un certain degré de liberté de mouvement par rapport au rembourrage interne du casque. La doublure est « flottante » en ce qu’elle est mobile par rapport à un ou plusieurs autres composants du casque en réponse à un impact par rotation sur la coque externe.

[275]  Toutefois, je ne suis pas d’accord avec M. Withnall que la « doublure flottante » doit nécessairement inclure dans sa propre structure les trois mécanismes d’absorption d’énergie qu’il a considérés comme faisant partie de la revendication 1.

(c)  Revendication 11 du brevet Bauer 316

[276]  La revendication 11 introduit la possibilité que la doublure flottante soit faite de matière extensible et que l’énergie de rotation soit absorbée par l’étirement de cette matière.

[277]  La personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre qu’une « matière extensible » est un matériau élastique qui se déforme relativement facilement.

[278]  En ce qui concerne l’absorption de l’énergie de rotation, la description du brevet Bauer 316 stipule ce qui suit : [traduction] « En outre, le mouvement de la coque externe 12 et du rembourrage interne 15 par rapport à la doublure flottante 50 induit une déformation élastique de la doublure flottante 50. Plus particulièrement, dans cette réalisation, la doublure flottante 50 s’étire de manière à se courber dans une direction de la force de rotation RF. Cet étirement de la doublure flottante 50 absorbe l’énergie de rotation associée à l’impact de rotation RL » (RCD-1229, à la page 21). La personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre qu’un étirement de cette nature ne se produirait que si la doublure flottante est fixée au rembourrage interne à sa périphérie.

(d)  Revendication 14 du brevet Bauer 316

[279]  La revendication 14 se réfère à une compression de la doublure flottante due à un composant de force d’impact radial d’un impact par rotation. Elle définit la doublure flottante comme remplissant une fonction de compression additionnelle, en plus du rôle de mouvement de rotation qui est mentionné dans la revendication 1.

(e)  Revendication 16 du brevet Bauer 316

[280]  La revendication 16 porte sur le frottement selon les termes suivants :

[traduction]

16. Le casque de sport de l’une ou l’autre des revendications 9 à 15, dans lequel ladite doublure flottante a une surface interne qui fait face à la tête de l’utilisateur et une surface externe qui fait face audit rembourrage interne, ladite surface externe et ladite doublure flottante étant maintenues par friction avec ledit rembourrage interne en réponse à l’impact par rotation, de telle sorte qu’au moins une partie de l’énergie de rotation est dissipée par friction entre ledit rembourrage interne et ladite surface externe de ladite doublure flottante, ladite surface externe de ladite doublure flottante ayant un coefficient de friction avec ledit rembourrage interne d’au moins 0,2 mesuré selon le guide G115-10 de l’ASTM.

[281]  MIPS souligne le fait que cette revendication ne limite pas l’absorption d’énergie du mouvement de rotation qui même au coulissement vers un système à friction élevée (c.-à-d. un coefficient de friction de plus de 0,3). MIPS souligne également qu’au moment où la demande de Bauer a été déposée, il y avait des casques sur le marché qui utilisaient la friction comme mécanisme d’absorption d’énergie.

(2)  Validité des brevets Bauer

(a)  Évidence

[282]  Bauer a déposé une première demande de brevet provisoire le 27 juillet 2011, et une deuxième demande de brevet provisoire, ajoutant le concept de friction comme mécanisme d’absorption d’énergie, le 16 janvier 2012 (entre-temps, Bauer avait mené d’autres essais concluants sur la friction). Comme sa demande de brevet normale au Canada a été déposée au cours de la période de douze mois suivant sa première demande de brevet provisoire, Bauer revendique la priorité sur sa première demande provisoire, à l’exception de la revendication 16 du brevet Bauer 316 qui porte expressément sur la friction. Dans ce dernier cas, Bauer réclame la date du 16 janvier 2012 comme date de priorité, de sorte que le brevet MIPS 542 publié le 10 novembre 2011 serait admissible relativement à la question de l’évidence.

[283]  Je suis d’avis que l’idée originale divulguée dans la revendication 1 du brevet Bauer 316 est un dispositif de protection contre les impacts par rotation pour un casque de sport à deux coques réglables qui permet un déplacement relatif entre la tête et la coque externe au cours d’un impact oblique, et absorbe l’énergie par friction (selon tout coefficient). L’aspect clé est que le dispositif de protection contre les impacts par rotation est situé entre le rembourrage interne et la tête de l’utilisateur.

[284]  Cela dit, je ne vois aucune différence marquée, ou aucune différence qui nécessiterait un certain degré d’inventivité, entre l’idée originale de cette revendication et l’art antérieur. La seule nouveauté serait que le dispositif de protection contre les impacts par rotation est conçu pour être mis en place dans un casque à deux coques.

[285]  La promotion de l’art antérieur et les ventes des casques MIPS II ont été le point central de la preuve au procès. Il a été démontré que MIPS a fait la promotion de ses casques de technologies P-Nut de Lazer et HiFi MIPS II de Burton lors de salons professionnels et ailleurs en 2010 et 2011. Un grand nombre d’exemples de la façon dont MIPS a mis sa technologie MIPS II à la disposition du public avant le dépôt de la demande par Bauer le 27 juillet 2011 ont été fournis à la Cour par M. Thiel et par des présentations PowerPoint, des photographies et des vidéos.

[286]  Il aurait été évident pour la personne versée dans l’art d’intégrer la doublure jaune du casque P-Nut de Lazer ou HiFi de Burton dans un casque de hockey ou de crosse à deux coquilles. En fait, c’est l’une des raisons pour lesquelles Bauer a d’abord communiqué avec MIPS et les parties n’ont jamais vraiment abandonné l’idée de mettre en œuvre la technologie MIPS II dans les casques de hockey de Bauer.

[287]  Au procès, l’avocat de MIPS a fait une démonstration lors des plaidoiries. Me Stratton a pris un casque Bauer 7500, y a inséré le dispositif de fixation du casque de vélo P-Nut de Lazer et a fait valoir que tous les éléments de la revendication 1 du brevet Bauer 316 étaient présents. Je suis d’accord avec lui.

[288]  Cependant, j’estime que l’idée originale divulguée dans les revendications dépendantes 9, 11, 14 et 16 est suffisamment différente de l’art antérieur au point de ne pas être évidente pour une personne versée dans l’art. Les étapes supplémentaires qui y sont divulguées exigent un certain degré d’inventivité.

[289]  En ce qui concerne la revendication 9, aucune des antériorités n’a utilisé le rembourrage de confort du casque comme système de protection contre les impacts par rotation à la date pertinente. Les casques P-Nut de Lazer et HiFi de Burton sont dotés de rembourrages de confort distincts de leur doublure jaune.

[290]  En ce qui concerne la revendication 11, aucune des antériorités n’a divulgué un dispositif qui s’étire en réponse à un impact oblique et qui absorbe lui-même l’énergie de rotation causée par l’impact oblique.

[291]  La revendication 14 est également nouvelle, puisqu’aucune doublure flottante antérieure n’a été faite à partir de cette matière compressible qui absorbe également l’énergie à partir d’un impact radial ou du composant radial d’un impact oblique.

[292]  Enfin, la revendication 16 s’écarte de l’art antérieur qui accroît la capacité de coulissement pour réduire la résistance entre les surfaces, réduisant ainsi la friction, en exigeant que le coefficient de friction entre la doublure flottante et le rembourrage interne se situe à au moins 0,2 (mais de préférence entre 0,5 et 0,6).

[293]  Le développement des casques RE-AKT et RE-AKT 100, qui est le résultat d’essais et d’erreurs, et les nombreux problèmes de fabrication et d’ajustement rencontrés par l’équipe de recherche et développement de Bauer confirment les étapes inventives nécessaires pour passer de l’art antérieur à l’invention divulguée dans le brevet Bauer 316 lu dans son ensemble.

[294]  Pour ces motifs, je conclus que seule la revendication 1 du brevet Bauer 316 est invalide pour cause d’évidence.

(b)  Double brevet

[295]  Le paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets 36 (1) dispose qu’« [u]n brevet ne peut être accordé que pour une seule invention [...] » En d’autres mots, comme l’a reformulé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Whirlpool (précité, au paragraphe 63), l’inventeur n’a droit qu’à « un » brevet pour chaque invention. Si une demande de brevet décrit plus d’une invention, la Loi sur les brevets prévoit un mécanisme permettant au demandeur de limiter les revendications à une seule invention et de faire de toute autre invention divulguée l’objet d’une « demande divisionnaire ».

[296]  L’examen pertinent porte sur une comparaison des revendications des deux brevets afin de déterminer si ce qui est revendiqué dans le deuxième brevet : i) est « identique » aux revendications du premier brevet; ou ii) aurait été évident ou ne comporterait pas d’« éléments brevetables distincts » des revendications du brevet antérieur. En d’autres termes, le deuxième brevet ajoute-t-il au premier brevet de fanfreluches qui ne comportent aucun aspect inventif?

[297]  MIPS soutient qu’il n’y a pas de renseignements substantiellement nouveaux fournis dans les brevets Bauer 540, 103 et 669 qui ne sont pas déjà dans le brevet Bauer 316, et qu’il n’y a pas d’aspects nouveaux et inventifs divulgués.

[298]  MIPS résume les différences de conception de M. Willinger et de M. Withnall des idées originales dans les brevets Bauer comme suit :

Willinger – Brevet 316, revendication 1 :

Un composant pour un casque de sport réglable qui absorbe l’énergie de rotation par un mouvement relatif entre le composant et la coque externe au cours d’un impact oblique; le composant étant situé entre le rembourrage interne et la tête, et la taille du composant s’ajuste au même moment que la cavité formée par le rembourrage interne est ajustée.

Withnall – Brevet 316, revendication 1 :

Le nouveau dispositif de protection contre les impacts par rotation (p. ex. la doublure flottante) pour un casque de sport à deux pièces réglable qui permet un déplacement relatif entre la tête et la coque externe pendant un impact oblique, et qui absorbe l’énergie par étirement, friction et/ou compression; le dispositif étant situé entre le rembourrage interne et la tête, et la taille d’une partie du dispositif s’ajuste lorsque la taille de la cavité formée par le rembourrage interne est ajustée par l’utilisateur au moyen du mécanisme de réglage du casque.

Willinger – Brevet 540, revendication 1 :

Un moyen permettant d’absorber l’énergie de rotation durant un impact oblique sur un casque de sport réglable; le moyen étant situé entre la coque externe et la tête, et la taille du moyen s’ajuste au même moment que la cavité formée par le rembourrage interne est ajustée.

Withnall – Brevet 540, revendication 1 :

Un nouveau moyen de protection contre les impacts par rotation pour un casque de sport réglable qui réduit l’accélération de rotation pendant un impact oblique par étirement, friction et/ou compression; le composant étant situé quelque part entre la coque externe et la tête, et le moyen de protection contre les impacts par rotation et la taille du rembourrage contre les impacts linéaires s’ajustent simultanément lorsque le casque est ajusté pour s’adapter à la tête de l’utilisateur.

Willinger – Brevet 103, revendication 1 :

Un dispositif qui comprend une matière mince et souple permettant d’absorber l’énergie de rotation durant un impact oblique sur un casque de sport réglable; le dispositif étant situé entre la coque externe et la tête, et la taille du dispositif s’ajuste au même moment que la cavité formée par le rembourrage interne est ajustée.

Withnall – Brevet 103, revendication 1 :

L’utilisation novatrice d’un matériau d’amortissement de l’énergie mince et souple dans un dispositif de coussinage contre les impacts par rotation (qui fait partie d’un système d’amortissement qui comprend également un dispositif de coussinage à impact linéaire et qui est situé n’importe où entre la coque externe et la tête de l’utilisateur) pour un casque de hockey ou crosse qui se déforme ou s’étire pour absorber l’énergie provenant d’un impact par rotation ou oblique, et réduit ainsi l’accélération de rotation de la tête; un mécanisme de réglage est configuré pour permettre un changement dimensionnel du dispositif de coussinage contre les impacts par rotation ou linéaires lorsque le casque est ajusté.

Willinger – Brevet 669, revendication 1 :

Un dispositif qui comprend une matière élastique qui s’étire pour absorber l’énergie de rotation durant un impact oblique sur un casque de sport réglable; le dispositif étant situé entre la coque externe et la tête, et la taille du dispositif s’ajuste au même moment que la cavité formée par le rembourrage interne est ajustée.

Withnall – Brevet 669, revendication 1 :

L’utilisation novatrice d’un matériau élastique dans un dispositif de coussinage contre les impacts par rotation (qui est situé quelque part entre la coque externe et la tête de l’utilisateur) pour un casque de hockey réglable, qui s’étire pour absorber l’énergie provenant d’un impact par rotation ou oblique, et réduit ainsi l’accélération de rotation de la tête; le dispositif de coussinage étant situé à certains endroits sélectionnés autour de la tête de l’utilisateur, et des parties du dispositif de coussinage se déplacent par rapport à d’autres parties du dispositif lorsque le casque est ajusté par l’utilisateur au moyen d’un mécanisme d’ajustement.

[299]  Je note tout d’abord que les interprétations respectives de MM. Willinger et Withnall de l’idée originale des brevets 103 et 669 de Bauer sont quelque peu semblables, avec un libellé légèrement plus large utilisé par M. Willinger.

[300]  M. Withnall a témoigné sur les principales différences non évidentes entre les premières revendications indépendantes de chacun des brevets Bauer. Il a en fait été contre-interrogé sur les différences entre la revendication 1 du brevet Bauer 316 et la revendication 1 du brevet Bauer 540, mais non sur les différences entre la revendication 1 du brevet Bauer 316 et la revendication 1 des brevets Bauer 103 et 669. Bauer m’a convaincue qu’il existe des différences non évidentes entre les idées originales du brevet 316 et chacun des brevets Bauer 103 et 669. Les deux derniers brevets introduisent l’idée d’un dispositif de coussinage qui est absent du brevet Bauer 316.

[301]  Je suis également d’accord avec Bauer qu’il existe une différence non évidente suffisante entre le brevet Bauer 316 et le brevet Bauer 540. Et c’est la même différence non évidente qui existe entre les concepts MIPS I et MIPS II : l’emplacement du dispositif de protection contre les impacts par rotation.

[302]  Cela dit, la question du « double brevet » est en quelque sorte théorique dans une affaire comme celle dont je suis saisie où tous les brevets revendiquent la même date de priorité. À ce titre, les brevets divisionnaires de Bauer qui revendiquent la même date de priorité que son brevet 316 ne constituent pas un « renouvellement à perpétuité » ou une tentative de prolonger le monopole accordé sur le premier brevet en déposant de nouveaux brevets à une date ultérieure (Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 119, au paragraphe 26).

[303]  À mon avis, Bauer a légitimement utilisé des demandes divisionnaires pour faire en sorte que l’objet des inventions supplémentaires divulgué dans sa demande initiale fasse l’objet des demandes divisionnaires et, par conséquent, la contestation par MIPS de la validité des brevets Bauer pour cause de « double brevet » doit être rejetée.

IV.  Conclusion

[304]  Je suis par conséquent d’avis que le brevet MIPS 542 est valide parce qu’il ne se heurte pas à une antériorité, il est non évident lorsque l’art antérieur et les connaissances générales courantes sont pris en considération, et que ses revendications n’ont pas une portée excessive par rapport à l’invention créée. Je suis également d’avis qu’aucune des revendications du brevet MIPS 542 n’est contrefaite par les casques RE-AKT et RE-AKT 100 de Bauer, et que ces casques utilisent une technologie différente pour réduire l’énergie de rotation transmise au cerveau par un impact par rotation.

[305]  En ce qui concerne le brevet Bauer 316, je conclus que la revendication indépendante 1 est invalide pour cause d’évidence; la personne versée dans l’art intègrerait facilement et sans ingéniosité la doublure jaune du casque P-Nut de Lazer ou HiFi de Burton (le dispositif de protection contre les impacts par rotation) dans un casque de hockey ou de crosse à deux coques et en arriverait avec la revendication 1 du brevet Bauer 316. Les autres revendications ne sont pas évidentes et sont donc valables.

[306]  Les parties ont demandé que la Cour réserve son jugement sur les dépens (y compris l’effet éventuel de l’article 420 des Règles) et que les parties soient autorisées à présenter des observations écrites sur la question dans les 30 jours suivant la délivrance du présent jugement et des motifs. C’est ce que je vais faire.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-56-15

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La requête de la demanderesse est accueillie en partie;

  2. Le brevet canadien no 2 798 542 est valide et n’est pas contrefait par les casques RE-AKT et RE-AKT 100 de Bauer;

  3. La revendication 1 du brevet canadien no 2 784 316 est invalide pour cause d’évidence; les autres revendications du brevet canadien no 2 784 316 sont valides;

  4. Les brevets divisionnaires no 2 821 540, 2 838 103 et 2 847 669 sont également valides;

  5. La Cour réserve son jugement sur les dépens et demande que les parties présentent des observations écrites sur la présente question dans les 30 jours suivant la délivrance du présent jugement et des motifs.

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-56-15

INTITULÉ :

MIPS AB c. BAUER HOCKEY LTD. ET AUTRES

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATES DE L’AUDIENCE :

du 5 au 8, du 11 au 14, du 18 au 21 et du 25 au 26 septembre, du 2 au 5 et du 16 au 19 octobre 2017

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS :

LA JUGE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

Le 7 mai 2018

COMPARUTIONS :

Bruce W. Stratton

Geoffrey D. Mowatt

Bentley Gaikis

Pour la demanderesse

François Guay

Jean-Sébastien Dupont

Jeremy Want

Pour les défenderesses

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DLA Piper (Canada) LLP

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

Pour les défenderesses

 

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