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Date : 20180420


Dossier : IMM-4422-17

Référence : 2018 CF 425

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 20 avril 2018

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

HADIL A. A. YOUNIS

AHMED A. M. KALLAB

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

(Rendus oralement à l’audience le 17 avril 2018)

[1]  Les demandeurs ont présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR) en septembre 2017 [la décision], dans laquelle la SPR a conclu que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. La présente demande est présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

[2]  Les demandeurs sont un couple marié et sont originaires d’Arabie saoudite. Ils sont des Palestiniens apatrides. Hadil Younis [la demanderesse principale] est âgée de 27 ans et son mari Ahmed Kallab [le codemandeur] a 29 ans. Ils ont une fille qui est née aux États-Unis le 8 juillet 2016 [la fille]. Elle n’est pas visée par la demande d’asile.

[3]  En 2015, le codemandeur a ouvert un restaurant [le restaurant] en partenariat avec un ressortissant saoudien, grâce à de l’argent emprunté à son père (le prêt). Le codemandeur a toutefois été floué par son partenaire et il a perdu la somme qu’il a investie. Dans une instance introduite par le codemandeur, un juge a décidé que le restaurant ne lui appartenait pas. Aucun document permettant de confirmer l’existence du restaurant, du prêt ou de l’instance n’a été présenté à la SPR.

[4]  En janvier 2017, le codemandeur a appris qu’il était licencié; il travaillait alors comme ingénieur architecte au sein d’une société pharmaceutique [le licenciement]. On l’a également informé qu’il serait incarcéré s’il ne quittait pas le pays à la date d’entrée en vigueur du licenciement, soit le 31 mars 2017.

[5]  Le 1er mars 2017, alors que le codemandeur était en voyage d’affaires, la demanderesse principale a pris un taxi pour amener sa fille à l’hôpital. La demanderesse principale soutient que le chauffeur de taxi, qui était également policier, l’a agressée sexuellement et l’a menacée [l’agression]. Elle allègue que le chauffeur lui a montré son arme et lui a dit qu’il tuerait sa famille si elle parlait de l’incident à qui que ce soit ou si elle le signalait à la police. La demanderesse et sa fille sont rentrées chez elles à pied; elle a ensuite téléphoné au codemandeur qui a conduit 300 kilomètres pour retourner à son domicile.

[6]  Les demandeurs ont fui l’Arabie saoudite le 29 mars 2017 et sont arrivés aux États-Unis le lendemain. Ils sont entrés au Canada le 26 avril 2017 et ont présenté leurs formulaires « Fondement de la demande d’asile » le 5 mai 2017.

LA DÉCISION DE LA SPR

[7]  La question déterminante était la crédibilité. Les principales conclusions de la SPR s’énoncent comme suit :

  • Concernant la naissance de leur fille : Les demandeurs allèguent que leur fille est née prématurément, deux mois avant la date prévue, alors qu’ils étaient en vacances aux États-Unis. Ils sont retournés en Arabie saoudite une semaine plus tard. Cependant, ils n’ont présenté aucun document pour prouver que leur fille était née prématurément ou que leur fille était en assez bonne santé pour voyager une semaine après sa naissance prématurée. La SPR a conclu que la naissance de leur fille n’était pas inattendue, en partie parce que la demanderesse principale avait souscrit une assurance maladie pour elle et sa fille avant d’arriver aux États-Unis.

  • Concernant leur défaut de présenter une demande d’asile aux États-Unis : la SPR a conclu que le défaut des demandeurs de présenter une demande d’asile aux États-Unis témoignait d’une absence de crainte subjective. La SPR a rejeté l’explication selon laquelle les demandeurs ont présenté une demande d’asile au Canada, parce que la demanderesse principale a un oncle qui vit à Montréal. La SPR n’a pas retenu cette explication, puisque les demandeurs ont choisi de s’établir à Mississauga.

  • En ce qui concerne le vol des demandeurs à destination des États-Unis : le vol a été réservé le 1er mars 2017, soi-disant à la suite de l’agression ayant eu lieu cette journée-là. Cependant, durant son témoignage, la demanderesse principale a déclaré que l’agression s’était produite tard en soirée, le 1er mars 2017. Or, il a ensuite fallu au codemandeur trois heures pour retourner chez lui en voiture; il ne serait donc arrivé que le 2 mars. La SPR a donc conclu que le vol avait été réservé avant l’agression alléguée. Pour ces motifs, la SPR a conclu que l’agression n’avait pas eu lieu.

  • Concernant les données sur le licenciement du codemandeur : aucun élément de preuve, tel qu’une lettre de congédiement, ne corrobore le licenciement. La SPR a conclu qu’il n’y avait pas eu de licenciement et indiqué ce qui suit : [traduction] « [s]i le mari avait été congédié et qu’il ne pouvait plus rester en Arabie saoudite [...], le tribunal se serait raisonnablement attendu à ce qu’une preuve à cet effet lui soit présentée. Le tribunal tire une conclusion défavorable, faute de documentation ».

[8]  Enfin, la SPR a conclu que, même s’il était vrai que le codemandeur avait perdu l’argent qu’il avait investi dans le restaurant, il s’agit d’une perte économique qui ne justifie pas la présentation d’une demande d’asile ou d’une demande de protection.

Questions en litige

[9]  La question importante à trancher est de déterminer si la décision de la SPR est déraisonnable, la SPR ayant conclu :

  1. Que le codemandeur n’a pas été licencié.

  2. Que le défaut de présenter une demande d’asile aux États-Unis est un élément déterminant qui témoigne d’une absence de crainte subjective.

  3. Que les demandeurs étaient à la recherche du meilleur pays d’asile.

Analyse

[10]  Il convient de préciser que les conclusions principales de la SPR sont raisonnables. Il n’y a pas eu d’agression et la naissance de la fille n’était pas prématurée, comme l’allèguent les demandeurs. À la lumière de ces conclusions, je suis d’avis qu’il était raisonnable pour la SPR d’exiger une preuve corroborante et, ne l’ayant pas obtenue, de conclure qu’il n’y a pas eu licenciement.

[11]  La décision n’est pas pour autant parfaite. En effet, la SPR a omis de tenir compte d’une partie des raisons fournies par les demandeurs pour expliquer pourquoi ils n’ont pas présenté de demande d’asile aux États-Unis, notamment le fait que des membres de la famille du codemandeur vivaient à Mississauga, ce qui expliquait leur décision de s’installer dans cette ville. La SPR a conclu à tort que les seuls membres de la famille en cause étaient l’oncle et les cousins de la demanderesse principale qui vivaient à Montréal. Par conséquent, la conclusion selon laquelle les demandeurs n’ont pu expliquer leur défaut de présenter une demande d’asile aux États-Unis est déraisonnable. Bien que la SPR indique que cette conclusion est déterminante, il ne fait aucun doute que la question déterminante en l’espèce est celle de la crédibilité.

[12]  De plus, la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs étaient à la recherche du meilleur pays d’asile, ce qui dans ce contexte a dû vouloir dire envisager de présenter une demande à la fois au Canada et aux États-Unis est incompatible avec sa conclusion selon laquelle les demandeurs avaient prévu que leur fille naisse au Canada.

Conclusion

[13]  Les erreurs de la SPR, au sujet des explications fournies par les demandeurs pour expliquer leur défaut de présenter une demande d’asile aux États-Unis et concernant la recherche du meilleur pays d’asile, ne sont pas importantes en l’espèce. Le rejet de la demande d’asile est raisonnable, compte tenu des conclusions défavorables quant à la crédibilité de l’agression, du licenciement et de la naissance de la fille.

Question à certifier

[14]  Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

« Sandra J. Simpson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-4422-17

 

 

INTITULÉ :

HADIL A. A. YOUNIS et AHMED A.M. KALLAB c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 avril 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE :

Le 20 avril 2018

 

COMPARUTIONS :

Marc J. Herman

 

Pour les demandeurs

 

Nadine Silverman

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Herman and Herman

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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