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Date : 20180501


Dossier : IMM-4467-17

Référence : 2018 CF 468

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 1er mai 2018

En présence de monsieur le juge Grammond

ENTRE :

EDWIN CARLOS MERINO ORTEGA

demandeur

et

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  À son arrivée au Canada, le demandeur, M. Merino Ortega, un citoyen du Salvador, a déclaré qu’il avait été un membre du Frente Farabundo Martí para la liberación nacional [FMLN]. Sur ce fondement, une déléguée du ministre défendeur a renvoyé l’affaire à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié afin de décider si
M. Merino Ortega était interdit de territoire au Canada pour avoir fait partie d’une organisation se livrant au terrorisme ou à la subversion. M. Merino Ortega demande maintenant le contrôle judiciaire de ce renvoi. Il prétend que ses droits procéduraux ont été violés dans le cadre du processus de renvoi, puisque le décideur ne lui a pas fourni les éléments de preuve sur lesquels la décision est fondée, le privant ainsi de l’occasion de présenter des observations pertinentes. Je rejette sa demande, puisque le décideur s’est conformé aux exigences de l’équité procédurale énoncées par la Cour d’appel fédérale et qu’il n’y avait aucune attente légitime que le décideur aille au‑delà de ces exigences.

[2]  L’article 34 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [la Loi], prévoit qu’un étranger est interdit de territoire au Canada s’il est, entre autres, l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement ou s’il s’est livré au terrorisme, ou s’il a déjà été membre d’une organisation qui s’est livrée à de telles activités. Les décisions concernant l’interdiction de territoire sont prises par la Section de l’immigration. Le processus par lequel une affaire est renvoyée à la Section de l’immigration est établi à l’article 44 de la Loi. Premièrement, le paragraphe 44(1) indique qu’un agent qui estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire peut établir un rapport circonstancié. Il s’agit de ce qu’on appelle un rapport d’interdiction de territoire. Le rapport est alors transmis au ministre ou à son délégué. Deuxièmement, le paragraphe 44(2) indique que, si le ministre, ou, en pratique, son délégué, estime que le rapport est « bien fondé », il peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête.

[3]  Dans Sharma c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 319, [2017] 3 RCF 492, la Cour d’appel fédérale a discuté de la portée de l’obligation d’équité procédurale dans le contexte d’un renvoi en vertu de l’article 44 de la Loi. Le juge Yves de Montigny résume la portée de cette obligation comme suit (au paragraphe 34) :

Il ressort de toutes les décisions pertinentes de la Cour fédérale qu’il est justifié d’accorder un degré relativement faible de droits de participation dans le contexte des paragraphes 44(1) et (2), et que l’équité procédurale n’exige pas que l’on communique le rapport de l’agent à la personne en cause pour lui donner une autre possibilité de répondre avant que l’affaire soit déférée à la SI en vertu du paragraphe 44(2). Dans la mesure où la personne est informée des faits qui ont déclenché le processus, a la possibilité de présenter des éléments de preuve et de faire des observations, obtient un entretien après qu’on lui a fait part de l’objet de cette mesure et des conséquences possibles, a la possibilité de demander l’assistance d’un avocat et reçoit un exemplaire du rapport avant la tenue de l’enquête, on satisfait aux exigences de l’obligation d’équité.

[4]  C’est le 12 septembre 2017 que M. Merino Ortega a été informé qu’un rapport d’interdiction de territoire avait été préparé. Le même jour, son avocat a refusé de se présenter à une entrevue à Montréal, demandant que l’entrevue se tienne plutôt à Ottawa ou à Gatineau. Compte tenu de ce qu’elle croyait être un refus de présenter des observations, la déléguée du ministre a renvoyé l’affaire à la Section de l’immigration le même jour.

[5]  Toutefois, l’histoire ne se termine pas ici. M. Merino Ortega a retenu les services d’un nouvel avocat. Accompagné de son avocat et d’un interprète, il s’est présenté le 11 octobre 2017 à une entrevue avec un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] à Ottawa. On lui a alors remis une copie du rapport d’interdiction de territoire. On lui a également dit qu’il pouvait présenter des observations. Dans la correspondance qui a été envoyée à l’avocat de M. Merino Ortega le 17 octobre 2017, la déléguée du ministre a réitéré que des observations pouvaient être présentées et a fait savoir qu’elle était disposée à revenir sur sa décision de renvoyer l’affaire à la Section de l’immigration si les observations le justifient. Elle a cependant refusé de communiquer les éléments de preuve qui ont servi à préparer le rapport d’interdiction de territoire.

[6]  M. Merino Ortega n’a jamais présenté d’observations en réponse au rapport d’interdiction de territoire. Il a plutôt introduit la présente demande de contrôle judiciaire le 19 octobre 2017.

[7]  Le processus suivi par la déléguée du ministre était conforme avec l’arrêt Sharma de la Cour d’appel fédérale. M. Merino Ortega avait reçu une copie du rapport, qui l’informait de la substance des allégations qui pèsent contre lui. Il a eu la possibilité de répondre, même s’il ne s’est pas prévalu de cette possibilité. Il n’avait pas le droit d’obtenir plus de documents. Il a bénéficié de l’équité procédurale.

[8]  M. Merino Ortega soutient en outre qu’il avait une attente légitime qu’on lui fournisse les éléments de preuve documentaire qui sous-tendent le rapport d’interdiction de territoire, en se fondant sur des promesses faites par l’ASFC. J’arrive à la conclusion que les trois déclarations qu’il invoque ne donnent lieu à aucune attente.

[9]  Premièrement, il invoque le libellé de son avis de convocation pour la réunion du 11 octobre 2017, qui inclut la déclaration suivante :

[traduction]

Le défaut de comparaître à une procédure en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection du statut de réfugié entraînera l’examen de toutes les circonstances et de tous les éléments de preuve pertinents en votre absence par la déléguée du ministre afin de décider si le rapport est bien fondé.

[10]  Cette déclaration ne peut pas être interprétée comme une promesse expresse qu’on lui remettrait la copie des éléments de preuve documentaire. Il s’agissait simplement d’un avertissement qu’une décision serait prise s’il ne se présentait pas à l’entrevue.

[11]  Deuxièmement, il cite un appel téléphonique entre son avocat et un agent de l’ASFC, le 10 octobre 2017, dont le but était apparemment de régler des instructions divergentes concernant le calendrier. Il prétend qu’on a dit à son avocat que les éléments de preuve documentaire lui seraient remis à la réunion prévue pour le lendemain. Cependant, la seule preuve de cette conversation est l’affidavit de M. Merino Ortega, qui constitue du ouï-dire. Des éléments de preuve plus précis sont nécessaires pour établir qu’il y avait une attente légitime.

[12]  Troisièmement, M. Merino Ortega s’appuie sur une note rédigée sur un papillon adhésif (communément appelé « post-it ») que l’agent qui a mené l’entrevue le 11 octobre 2017 a donnée à son avocat. Cette note comporte le numéro de télécopieur de la déléguée du ministre, ainsi que les mots [traduction] « observations écrites ». Une fois de plus, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une promesse qui donne lieu à une attente légitime. Il ne s’agit que d’une indication sur la façon de transmettre les observations écrites, ce que M. Merino Ortega a refusé de faire.

[13]  Par conséquent, M. Merino Ortega a bénéficié de l’équité procédurale quand la déléguée du ministre a rendu la décision faisant l’objet du contrôle. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

IMM-4467-17

 

INTITULÉ :

EDWIN CARLOS MERINO ORTEGA c. MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 AVRIL 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1er MAI 2018

COMPARUTIONS :

Me Kehinde Olalere

Pour le demandeur

Me Abigail Martinez

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Olalere Law Office

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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