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Date : 20180410


Dossiers : T‑1070‑16

T‑1071‑16

Référence : 2018 CF 379

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 avril 2018

En présence de madame la juge Kane

Dossier : T‑1070‑16

ENTRE :

FONDATION DAVID SUZUKI, AMI(E)S DE LA TERRE CANADA, ONTARIO NATURE et WILDERNESS COMMITTEE

demandeurs

et

MINISTRE DE LA SANTÉ, SUMITOMO CHEMICAL COMPANY LIMITED, BAYER CROPSCIENCE et VALENT CANADA

défendeurs

Dossier : T‑1071‑16

ET ENTRE :

FONDATION DAVID SUZUKI, AMI(E)S DE LA TERRE CANADA, ONTARIO NATURE et WILDERNESS COMMITTEE

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE LA SANTÉ ET SYNGENTA CANADA INC.

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Les défenderesses (Bayer et Sumitomo/Valent pour le dossier T‑1070‑16 et Syngenta pour le dossier T‑1071‑16) sollicitent l’autorisation de faire admettre de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de leur appel relatif à l’ordonnance datée du 13 juillet 2017 par laquelle la protonotaire Mandy Aylen a rejeté leur requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire. Le ministre de la Santé défendeur ne s’oppose pas à cette requête. La Cour a entendu l’appel les 15 et 16 novembre 2017 et elle n’avait pas encore rendu sa décision au moment où les défendeurs lui ont demandé de formuler une directive au sujet de la mise au rôle de la présente requête.

[2]  L’ordonnance et les motifs concernant l’appel relatif à l’ordonnance de la protonotaire ont été publiés séparément dans la décision David Suzuki Foundation et al c Ministre de la Santé et al, 2018 CF 380 [Suzuki 2].

[3]  Pour les motifs qui suivent, la requête en admission de nouveaux éléments de preuve est rejetée. L’admission de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un appel est une mesure exceptionnelle. Les nouveaux éléments de preuve ne satisfont pas au critère d’admission établi dans la jurisprudence. En particulier, ils n’aideront pas la Cour, en ce sens qu’ils auront une incidence sur le règlement de l’appel, car ils ne changent pas de manière suffisante le fondement factuel à partir duquel la protonotaire est arrivée à sa conclusion.

I.  Le contexte

[4]  Le vaste contexte énoncé dans la décision Suzuki 2 décrit la situation de manière plus détaillée. Pour les besoins de la présente ordonnance, les renseignements qui suivent établissent le contexte nécessaire.

[5]  Les demandeurs allèguent que l’Agence de règlementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), qui rend des décisions au sujet des produits antiparasitaires (PA) pour le compte du ministre de la Santé défendeur, s’est livrée pendant plusieurs années à une conduite illégale en procédant successivement à l’homologation ou à la modification de l’homologation de certains PA (qui contiennent tous les principes actifs suivants : la clothianidine ou le thiaméthoxame [TMX]), sans disposer de renseignements suffisants sur les risques environnementaux que présentent les PA pour les insectes pollinisateurs, notamment les abeilles. Ils soutiennent que cette conduite est contraire aux exigences de la Loi sur les produits antiparasitaires, LC 2002, c 28 (LPA), laquelle exige que l’ARLA ait une « une certitude raisonnable que l’exposition ou l’utilisation d’un pesticide ne présentera aucun danger pour la santé humaine, les générations futures ou l’environnement » avant qu’un PA soit homologué (article 8). Ils allèguent que l’ARLA a eu systématiquement pour approche d’homologuer les PA et d’exiger après l’homologation que des données soient fournies conformément à l’avis visé à l’article 12, des données qui auraient dû être fournies et examinées avant cette homologation. Ils sollicitent le contrôle judiciaire de cette conduite prétendument illégale.

[6]  Les défendeurs ont déposé une requête conjointe en vue de faire radier les demandes de contrôle judiciaire, soutenant que ces demandes violaient le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F7 et l’article 302 des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106) [les Règles]. Ils ont fait valoir que la demande ciblait 79 décisions d’homologation distinctes, plutôt qu’une « conduite », et qu’il existait un autre recours adéquat, soit les processus d’examen établis par l’ARLA en vue d’examiner l’innocuité des PA en litige, des processus qui, était‑il prévu, seraient terminés en décembre 2018 et seraient assortis d’un rapport ou d’une décision préliminaire qui, prévoyait‑on, seraient produits en décembre 2017. La protonotaire a appliqué la jurisprudence relative aux requêtes en radiation et a déterminé qu’elle n’était pas convaincue qu’il y avait une conduite en litige ou qu’il existait un autre recours adéquat. Concluant que ces deux questions étaient discutables, elle a refusé de radier les demandes. Elle a fait remarquer qu’il faudrait que les questions en litige soient réglées par le juge chargé des demandes de contrôle judiciaire. Elle a rendu sa décision le 13 juillet 2017, après deux jours d’audience.

[7]  Dans le cadre de l’appel de l’ordonnance de la protonotaire, lequel a été entendu les 15 et 16 novembre 2017, les défendeurs ont fait valoir que cette dernière avait commis une erreur de fait et de droit et qu’il fallait donc que la Cour radie les demandes. Un grand nombre des arguments soumis à la protonotaire ont été présentés de nouveau à la Cour. Celle‑ci a remis à plus tard sa décision [il s’agit aujourd’hui de la décision Suzuki 2].

[8]  Le 19 décembre 2017, l’ARLA a produit les décisions préliminaires ou les projets de décision que l’on anticipait au sujet du statut d’homologation des PA qui sont en litige dans la présente demande, ainsi que les projet de décision que l’on anticipait au sujet de la réévaluation plus générale de la clothianidine et du TMX.

[9]  Les défendeurs sont d’avis qu’il faudrait admettre les projets de décision en tant que nouveaux éléments de preuve dans le cadre de l’appel. Ces décisions, ajoutent‑ils, soulignent, d’une part, que les processus que l’ARLA a entrepris sont d’autres recours adéquats par rapport à un contrôle judiciaire et, d’autre part, que les antécédents et le statut des PA, relativement à leur homologation, sont des décisions distinctes qui comportent de nombreuses différences et qui ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire en tant que conduite. Ils font valoir que les nouveaux éléments de preuve aideront la Cour à déterminer si la protonotaire a commis une erreur en refusant de radier la demande.

II.  Les nouveaux éléments de preuve que les défendeurs souhaitent faire admettre

[10]  Les défendeurs présentent les affidavits de M. Jeffrey Parsons, au sujet des PA contenant de la clothianidine (T‑1070‑16), et de Mme Nancy Tout, au sujet du TMX (T‑1071‑17). Les deux déposants joignent en tant que pièces les quatre décisions ou rapports en litige, qui ont été produits le 19 décembre 2017. Voici un résumé des renseignements fournis.

  • Projet de décision d’homologation [PDH] pour certaines utilisations de la clothianidine et des préparations commerciales apparentées. À l’heure actuelle, la clothianidine a obtenu l’homologation complète pour certaines utilisations de niveau structurel. Les autres utilisations de la clothianidine et des préparations commerciales apparentées (traitement des semences, traitement foliaire et traitement du sol) sont homologuées à titre conditionnel, sous réserve de la production, par les titulaires, de données sur les risques que ces produits présentent pour les insectes pollinisateurs. Les défenderesses Bayer et Sumitomo/Valent ont présenté des données et demandé que leurs homologations conditionnelles soient transformées en des homologations complètes. Le PDH du 19 décembre 2017 répond à ces demandes; il y est conclu qu’« [e]n ce qui concerne la clothianidine et les préparations commerciales apparentées, les conditions d’homologation relatives à la présentation des renseignements requis […] ont été remplies ». Le PDH ajoute que toutes les préparations commerciales indiquées, sauf une, ne présentent aucun « risque inacceptable », au sens de la LPA. Il y est donc proposé que les PA homologués à titre conditionnel (à l’exception du Sepresto 75 WS) obtiennent l’homologation complète, conformément à l’article 8 de la LPA, et ce, pour une période de trois ans.
  • Projet de décision de réévaluation [PDR] pour la clothianidine et la totalité des préparations commerciales apparentées. Cette réévaluation, qui est en cours depuis 2012, porte sur les risques potentiels de la clothianidine pour les insectes pollinisateurs (principalement les abeilles). Elle est menée en vertu de l’article 16 de la LPA. Elle concerne la clothianidine et la totalité des préparations commerciales apparentées qui sont en litige dans la présente demande. Le PDR conclut qu’on ne s’attend pas à ce que certaines utilisations actuelles aient une incidence sur les abeilles, contrairement à d’autres, auquel cas des mesures d’atténuation sont requises. Le PDR propose donc le maintien de l’homologation des produits contenant de la clothianidine, de pair avec la mise en place de certaines mesures d’atténuation des risques pour quelques utilisations.
  • PDH pour l’utilisation du TMX dans le traitement des semences. Certaines utilisations du TMX sont homologuées à titre conditionnel, sous réserve de la présentation de données concernant les risques qu’il présente pour les abeilles. Sygenta a présenté des données et a demandé que l’on convertisse son homologation conditionnelle concernant le traitement des semences en une homologation complète. Il est conclu dans ce PDH que, d’après les données présentées, ces PA ne présentent pas un risque inacceptable pour les insectes pollinisateurs. Le PDH propose donc une homologation complète pour trois ans.
  • PDR pour le TMX et toutes les préparations commerciales apparentées. Ce processus réévalue les risques potentiels du TMX et de toutes les préparations commerciales apparentées pour les insectes pollinisateurs. À l’instar du PDR concernant la clothianidine, ce PDR propose le « maintien de l’homologation » des PA, sous réserve de la prise de certaines mesures d’atténuation des risques.

[11]  Les déposants expliquent aussi que les PDH concernant la clothianidine et le TMX sont assujettis à une période de consultation de 90 jours, conformément à l’alinéa 28(1)c) de la LPA. Les PDH ne sont donc pas assujettis au processus d’avis d’opposition qui est décrit au paragraphe 35(1) de la LPA. Les PDR sont assujettis à une période de consultation de 90 jours, aux termes de l’alinéa 28(1)b). [Bien que les déposants ne l’aient pas indiqué, les PDR seraient assujettis au processus d’avis d’opposition que prévoit l’article 35.]

III.  Les questions en litige

[12]  La requête soulève deux questions : la Cour est‑elle compétente pour admettre de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un appel relatif à la décision d’un protonotaire, et la Cour devrait‑elle admettre les nouveaux éléments de preuve dans le cadre du présent appel?

IV.  La Cour est compétente pour admettre de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un appel relatif à l’ordonnance d’un protonotaire

[13]  Les défendeurs reconnaissent que les Règles ne traitent pas de l’admission de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un appel relatif à l’ordonnance d’un protonotaire. Ils soutiennent toutefois que ces nouveaux éléments de preuve sont admissibles, soit parce que les documents figurent dans le dossier public, soit par analogie avec l’article 351 des Règles, qui régit l’admission de nouveaux éléments de preuve en appel.

[14]  Les défendeurs ajoutent que la Cour a reconnu qu’elle peut admettre de nouveaux éléments de preuve dans des contextes semblables, en recourant à des principes semblables à ceux établis sous le régime de l’article 351 des Règles (James River Corp. of Virginia c Hallmark Cards, Inc., [1997] ACF no 152 (QL), 126 FTR 1 (1re inst.) [décision James River, citée dans ACF]).

[15]  Les demandeurs répliquent que le silence des Règles sur l’admission de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un appel relatif à la décision d’un protonotaire dénote qu’une requête visant à produire de nouveaux éléments de preuve est une dérogation à la pratique de la Cour et qu’il n’y a pas lieu de l’encourager. De façon plus générale, les requêtes et les instances judiciaires visées à l’article 51 sont conçues pour se dérouler par voie sommaire.

[16]  Je conviens qu’il ressort de la jurisprudence que de nouveaux éléments de preuve peuvent être admis dans le cadre d’une requête visée à l’article 51 des Règles en vue de porter en appel l’ordonnance d’un protonotaire dans des circonstances exceptionnelles (Tahmourpour c Canada (Commission des droits de la personne), 2013 CF 1131, aux par. 35 et 36, 442 FTR 159 [Tahmourpour], Carten c Canada, 2010 CF 857, au par. 23 [Carten], [2010] ACF no 1063 (QL), Graham c Canada, 2007 CF 210, au par. 12, [2007] ACF no 282 (QL) [Graham], James River, au par. 33).

[17]  Dans la décision James River, la Cour a fait remarquer, au paragraphe 32, que l’appel de la décision d’un protonotaire, et toute nouvelle audience, sont fondés sur la preuve déposée devant le protonotaire. La Cour a ajouté, au paragraphe 33 :

Malgré cette apparente ambiguïté dans les Règles de la Cour fédérale, le processus qui y est établi consiste selon moi, comme je l’ai mentionné plus haut, en un appel fondé sur la preuve déposée devant le protonotaire, ce qui est compatible avec les décisions Woods Canada Ltd. c. Harvey Woods Inc. (30 novembre 1994), A.C.F. no 1795, et Symbol Yachts Ltd. c. Pearson, [1996] 2 C.F. 391, 107 F.T.R. 295. Dans certaines situations, de nouvelles preuves peuvent évidemment être prises en considération – voir la règle 1102 des Règles de la Cour fédérale et la jurisprudence portant sur celle‑ci – mais ce n’est pas le cas en l’espèce.

[Non souligné dans l’original.]

[18]  Dans la décision Graham, la Cour a énoncé le même principe, en faisant état des critères d’admission de nouveaux éléments de preuve, au paragraphe 12 :

Exceptionnellement, de nouveaux éléments de preuve peuvent être admissibles dans les cas suivants : ils n’auraient pas pu être communiqués à une date antérieure; ils serviront l’intérêt de la justice; ils aideront la Cour; ils ne causeront pas de préjudice grave à la partie adverse : Mazhero c. Conseil canadien des relations industrielles (2002), 292 N.R. 187 (C.A.F.). En l’espèce, aucun de ces critères n’est rempli.

[19]  Dans la décision Carten, la Cour a cité la même jurisprudence et réitéré les mêmes principes, en indiquant, au paragraphe 23 :

En général, l’appel intenté contre une ordonnance d’un protonotaire doit se décider sur ce qui se trouvait déjà devant le décideur; aucune nouvelle preuve n’est admise; James River Corporation c. Hall mark Cards Inc. [1997] 72 C.P.R. (3e) 157 (C.F. 1re inst.). Exceptionnellement, il est possible d’admettre de nouvelles preuves dans les circonstances où : elles n’auraient pas pu être disponibles auparavant; elles serviront les intérêts de la justice; elles aideront la Cour; elles ne porteront pas gravement atteinte à l’autre partie (Mazhero c. Canada (Conseil canadien des relations industrielles) (2002) 292 N.R. 187 (C.A.F.); Graham c. Canada, 2007 CF 210, au paragraphe 12; Sanbiford c. Canada, 2007 CF 225).

[20]  Je conviens aussi avec les défendeurs que même si l’appel a été entendu, la Cour n’a pas rendu sa décision et, de ce fait, elle n’est pas dessaisie de l’affaire et peut trancher la présente requête.

[21]  Il n’est pas nécessaire de donner suite à l’observation qu’ont formulée les défendeurs, en invoquant la décision Apotex Inc. c Wellcome Foundation Ltd., 2003 CF 1229, 241 FTR 174 [Wellcome], à savoir que la Cour peut prendre en compte ou examiner des documents qui font partie du dossier public, qu’ils aient été officiellement admis ou non. En l’espèce, étant donné que les déposants ont fourni les documents et que les parties ont présenté des observations au sujet de leur importance pour le présent appel, et ce, que les nouveaux éléments de preuve soient admis ou non, la Cour les a forcément pris en compte.

V.  Faut‑il admettre les nouveaux éléments de preuve?

A.  Les observations des défendeurs

[22]  Les défendeurs soutiennent que, conformément aux décisions Carten et Graham, de nouveaux éléments de preuve peuvent être admis dans le cadre d’un appel interjeté en vertu de l’article 51 des Règles. De plus, les facteurs dont il faut tenir compte pour l’admission de nouveaux éléments de preuve dans un appel interjeté devant le tribunal d’appel devraient s’appliquer. Ces facteurs sont les suivants : si les éléments de preuve sont crédibles, si les éléments de preuve n’auraient pas pu être découverts ou communiqués auparavant sans faire preuve de diligence raisonnable, si les renseignements sont « pertinents », en ce sens qu’ils ont une incidence sur une question décisive ou potentiellement décisive, ou qu’ils sont « pour ainsi dire déterminants » quant à une question dans l’appel, ou utiles à la Cour, et si leur admission retarderait indûment l’instance ou causerait un préjudice.

[23]  La défenderesse Syngenta soutient que les mots « pour ainsi dire déterminants » ne sont pas synonymes de « décisif », mais signifient plutôt que les éléments de preuve « influeraient probablement sur la décision » (citant l’arrêt BC Tel c Bande indienne de Seabird Island (C.A.) 2002 CAF 288, 216 DLR (4th) 70 [BC Tel]). Syngenta est d’avis que la question consiste à savoir si les éléments de preuve seraient utiles pour présenter la version des « faits, circonstances et événements » la plus complète possible à la Cour afin de faciliter sa tâche (BC Tel).

[24]  Les défendeurs sont par ailleurs d’avis que la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire résiduel d’admettre de nouveaux éléments de preuve, même si l’on ne satisfait pas au critère applicable, surtout si cela contribuerait à l’efficacité du système judiciaire (citant l’arrêt BC Tel).

[25]  Les défendeurs estiment que les nouveaux éléments de preuve satisfont à tous les critères d’admission et ne peuvent faire autrement qu’aider la Cour. Ils n’ont pris naissance que le 19 décembre 2017 et n’auraient donc pas pu être disponibles plus tôt. Ils sont crédibles et pertinents et, de pair avec les autres éléments de preuve, ils sont déterminants pour ce qui est de répondre aux principales questions soulevées en appel. Ils ajoutent que l’admission des éléments de preuve ne retardera pas le règlement de la demande de contrôle judiciaire, car un calendrier a été établi pour les prochaines étapes. L’admission des éléments de preuve ne causera pas non plus aux demandeurs un préjudice qu’il serait impossible d’indemniser par l’adjudication de dépens.

[26]  Les défendeurs soutiennent que les éléments de preuve sont des plus pertinents, notamment pour ce qui est de la question de l’autre recours adéquat. Ils soulignent la préoccupation de la protonotaire selon laquelle « ces autres procédures ne seront pas expéditives […] [et les] demandes seront instruites avant » la conclusion des réévaluations. Ils ajoutent que les nouveaux éléments prouvent que les préoccupations de la protonotaire sont [traduction« manifestement erronées ».

[27]  Les défendeurs soutiennent aussi que la préoccupation de la protonotaire à propos du processus d’avis d’opposition – notamment qu’il ne semblait pas s’agir d’un processus expéditif, vu l’expérience qu’en avaient les demandeurs – n’est plus valable. Les PDH indiquent clairement qu’il y aura des consultations publiques, conformément à l’alinéa 28(1)c) de la LPA, qui ne sont pas assujetties au processus d’avis d’opposition. Il est donc possible de soumettre les PDH à un contrôle judiciaire dès que la décision sera finale, ce qui, prévoit‑on, aura lieu en décembre 2018.

[28]  Les défendeurs soutiennent également que les nouveaux éléments de preuve seront pour ainsi dire déterminants car ils auraient changé l’issue de l’affaire s’ils avaient été soumis à la protonotaire. Le PDH et le PRD concernant la clothianidine et le TMX répondent de manière complète à la contestation des demandeurs, étant donné que la totalité des études portant sur les risques pour les insectes pollinisateurs ont maintenant été examinées. Pour ce qui est de l’observation des demandeurs selon laquelle une demande de contrôle judiciaire concernant la version finale des PDH serait nettement différente de la présente demande, les défendeurs soutiennent que les deux seront forcément axées sur le fait de savoir si l’ARLA avait en main les renseignements scientifiques nécessaires pour étayer ses décisions. Ils ajoutent que les PDH, une fois qu’ils seront définitifs, donneront lieu à l’homologation complète des produits en litige. C’est donc dire que toute déclaration portant que la délivrance d’avis visés à l’article 12 était illégale n’aura aucune incidence pratique sur les homologations.

[29]  Les défendeurs allèguent de plus que les nouveaux éléments de preuve sont pertinents pour ce qui est de la question de savoir si la protonotaire a commis une erreur en concluant que l’existence d’une conduite était un point discutable. Ils soutiennent que les nouveaux éléments de preuve font ressortir les nombreuses différences qui existent entre les PA qui sont en litige dans la présente demande, ce qui souligne davantage la raison pour laquelle chaque PA devrait être examiné séparément, et non en tant que conduite.

B.  Les observations des demandeurs

[30]  Selon les demandeurs, les défendeurs cherchent à utiliser ces nouveaux éléments de preuve pour renforcer leurs observations antérieures. Ils allèguent que les nouveaux éléments de preuve ne satisfont pas au critère relatif à l’admission de nouveaux éléments de preuve; ils sont d’une pertinence négligeable et ne pourraient avoir une incidence sur l’issue de l’appel.

[31]  Les demandeurs signalent que la protonotaire a pris en compte plusieurs facteurs pour ce qui est du caractère adéquat de l’autre recours et qu’elle a fait état de préoccupations particulières, dont l’une était la célérité des autres processus. La protonotaire s’est inquiétée aussi en particulier du fait que l’autre recours – le processus de réévaluation de l’ARLA (aujourd’hui le PDR) et les demandes de conversion (aujourd’hui le PDH) – ne constituerait pas la « principale réparation » que les demandeurs souhaitent obtenir, soit une déclaration d’illégalité quant à la conduite de l’ARLA.

[32]  Les demandeurs sont d’avis que le seul changement qu’entraînent les nouveaux éléments de preuve a trait à la durée du délai qu’aurait pu créer le processus d’avis d’opposition. Mais ce changement ne revêt aucune importance. Même si la décision finale sur les PDH peut maintenant faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire, sans un avis d’opposition délivré dans l’intervalle, il n’y aura toujours pas de décision finale avant la date visée de décembre 2018. Les préoccupations de la protonotaire au sujet de la célérité des processus étaient de nature plus générale, et le processus d’avis d’opposition était un facteur, parmi d’autres, qui était à l’origine de ces préoccupations. Les demandeurs signalent de plus que, comme l’a conclu la protonotaire, la demande dont il est question en l’espèce sera entendue en décembre 2018; cela n’a pas changé.

[33]  Les demandeurs ajoutent que, pour ce qui est de l’examen du caractère adéquat d’un autre recours dans le contexte d’une requête en radiation, les circonstances de l’espèce diffèrent de celles dont il est question dans la jurisprudence. Les défendeurs demandent aux demandeurs de considérer un contrôle judiciaire à venir au sujet d’autres décisions à venir comme un autre recours par rapport au présent contrôle judiciaire, qui porte sur une conduite prétendument illégale. Cet autre recours ne traitera pas de cette conduite. De plus, il se peut que la nature du contrôle judiciaire des PDH et, jusqu’à un certain point, du PDR, soit différente. Une contestation de fond des éléments scientifiques ayant servi de fondement aux décisions serait différente de la demande actuellement soumise à la Cour et dans laquelle les demandeurs souhaitent obtenir une déclaration de conduite illégale.

[34]  Les demandeurs soutiennent que les nouveaux éléments de preuve vont, tout au plus, dans le même sens que les éléments de preuve existants, relativement à la question de la conduite, et qu’ils n’auraient pas d’incidence sur l’issue de l’appel. Ils signalent que les parties ont présenté des arguments détaillés à la protonotaire et en appel à propos de la nature des décisions, ainsi que des similitudes et des différences. Les nouveaux éléments de preuve ne changent pas les faits sous‑jacents dont la protonotaire a tenu compte.

[35]  Les demandeurs soutiennent par ailleurs qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’admettre les éléments de preuve, signalant que les demandes de contrôle judiciaire sont censées être de nature sommaire et que les Règles n’envisagent pas la tenue de requêtes postérieures à une audience en vue de la production de nouveaux éléments de preuve. Les PDH et les PDR peuvent être examinés par le juge chargé de la demande de contrôle judiciaire, et celui‑ci peut déterminer l’incidence que ces documents peuvent avoir sur les demandes.

VI.  Les nouveaux éléments de preuve ne sont pas admis

[36]  Il n’en demeure pas moins, de façon générale, qu’un appel relatif à une ordonnance d’un protonotaire doit être tranché sur le fondement des éléments qui lui ont été soumis (James River, au par. 32). Ce n’est que dans des circonstances « exceptionnelles » que l’on peut admettre de nouveaux éléments de preuve (Carten, au par. 23).

[37]  La démarche décrite dans les décisions Carten et Graham, qui avaient toutes deux trait à la question de savoir s’il y avait lieu d’admettre de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un appel relatif à la décision d’un protonotaire au sujet d’une requête en radiation d’une déclaration, s’applique tout particulièrement dans les circonstances. De nouveaux éléments de preuve peuvent être admissibles à titre « exceptionnel » dans les cas suivants : ils n’auraient pas pu être disponibles auparavant, ils serviront les intérêts de la justice, ils aideront la Cour, et ils ne porteront pas sérieusement préjudice à la partie adverse (Graham, au par. 10; Carten, au par. 23; Shaw c Canada, 2010 CF 577, au par. 9, [2010] ACF no 684 (QL)).

[38]  Bien que l’examen de la question de savoir si les nouveaux éléments de preuve aideront la Cour dénote l’existence d’un seuil assez faible, on relève d’autres indications dans la jurisprudence. Par exemple, dans la décision Graham, au paragraphe 13, la Cour a analysé si les éléments de preuve pouvaient « influer sur l’issue ». Dans la décision Carten, au paragraphe 24, la Cour a examiné si la preuve « aurait une incidence quelconque sur le bien‑fondé de cet appel ». Les arrêts des cours d’appel étayent également l’existence d’un seuil supérieur. Dans l’arrêt Brace c Canada, 2014 CAF 92, au paragraphe 11, 68 CPC (7th) 81 (Brace), la Cour d’appel a fait remarquer, au sujet de l’examen de la pertinence, que la preuve devrait :

[…] porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès […] [et pour ce qui est de l’incidence] qu’[e]lle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.[…]

[Souligné dans l’original.]

[39]  L’argument qu’invoque Syngenta, en se fondant sur l’arrêt BC Tel, à savoir que la Cour devrait admettre de nouveaux éléments de preuve dans les cas où il serait « intéressant pour la Cour d’avoir […] la version des faits […] complète […] » (BC Tel, au par. 31), ne constitue pas, selon moi, un élément du critère relatif à l’admission de nouveaux éléments de preuve. Dans le passage cité, la Cour expliquait pourquoi elle invoquait son pouvoir discrétionnaire résiduel pour admettre de nouveaux éléments de preuve dans des circonstances où elle avait pour tâche d’interpréter un document en se fondant sur un dossier factuel qui, notait‑elle, était lacunaire.

[40]  En l’espèce, il est évident que les éléments de preuve n’auraient pas pu être disponibles plus tôt car ils n’existaient pas avant le 19 décembre 2017. La protonotaire a entendu la requête en radiation des demandes en juillet 2017 et la Cour a entendu l’appel en novembre 2017. Au moment du dépôt de la requête et de l’audition de l’appel, les décisions préliminaires de l’ARLA étaient attendues à la fin de décembre 2017. Les défendeurs ont tenté d’introduire les nouveaux éléments de preuve peu après la publication des décisions.

[41]  La principale question consiste à savoir si les nouveaux éléments de preuve aideront le tribunal, en ce sens qu’ils pourraient avoir une incidence sur le bien‑fondé du présent appel, qui a trait à la décision par laquelle la protonotaire a refusé de radier les demandes de contrôle judiciaire. Il faut se rappeler que le critère à respecter pour pouvoir accorder une requête en radiation d’une demande est rigoureux. Comme il a été mentionné plus tôt, la protonotaire a appliqué les principes bien établis de la jurisprudence et a conclu qu’il était permis de se demander si, d’une part, la conduite prétendument illégale était bel et bien une conduite et, d’autre part, s’il existait un autre recours adéquat.

[42]  L’accent est mis sur la question de savoir si les nouveaux éléments de preuve ont une incidence sur la manière dont la Cour évalue le fait de savoir si la protonotaire a commis une erreur en concluant que ces deux questions sont discutables. La protonotaire a examiné en détail les observations détaillées des parties sur les deux questions et a pris en considération une volumineuse preuve documentaire, ce qui, dans le cas d’une requête en radiation, n’est pas la norme. Cet examen comprenait des éléments de preuve liés à l’historique des homologations des PA, ainsi que les PDH et les PDR à venir.

[43]  La protonotaire a examiné si les processus administratifs en cours (le PDH ou le PDR) constitueraient un autre recours adéquat par rapport aux demandes de contrôle judiciaire dont il est question en l’espèce. Elle a fait remarquer qu’elle avait pris en compte un éventail de facteurs, et elle a conclu qu’elle n’était pas convaincue que l’autre recours serait adéquat.

[44]  Pour conclure que cette question était discutable, la protonotaire s’est dite « particulièrement préoccupée » par le fait que les autres recours proposés ne seraient pas expéditifs et ne permettraient pas d’obtenir la « principale réparation [que les demandeurs cherchent à obtenir] » (au par. 48). Les nouveaux éléments de preuve n’ont trait qu’à la préoccupation relative à la célérité, et ce, uniquement en lien avec les PDH.

[45]  Les demandeurs reconnaissent que certains des éléments de preuve qui ont été soumis à la protonotaire à propos de la célérité du processus d’avis d’opposition ont maintenant changé, parce qu’il n’y aura plus de processus d’avis d’opposition à l’égard des PDH. Au lieu de cela, une partie intéressée pourrait solliciter le contrôle judiciaire des PDH dès qu’on y aura mis la dernière main, ce qui, prévoit‑on, aura lieu en décembre 2018. Cependant, les préoccupations de la protonotaire au sujet de la célérité du processus ne se limitaient pas aux PDH, ni au processus d’avis d’opposition.

[46]  La protonotaire se souciait également de la célérité des PDR. Ces derniers, une fois qu’on y aura mis la dernière main, seront assujettis au processus d’avis d’opposition. C’est donc dire que tout contrôle judiciaire des PDR aurait lieu après décembre 2018, date de l’achèvement de ce processus. Les nouveaux éléments de preuve ne changent pas la situation.

[47]  De plus, la préoccupation de la protonotaire n’était pas axée seulement sur le processus d’avis d’opposition. Elle se souciait du fait que, indépendamment de tout processus d’avis d’opposition, aucune décision finale ne serait prise dans les PDH ou les PDR avant décembre 2018. Elle a fait remarquer que la demande de contrôle judiciaire serait entendue avant la publication de l’une ou l’autre des décisions finales. Les nouveaux éléments de preuve ne changent pas cette situation.

[48]  Le processus d’avis d’opposition est un facteur, parmi d’autres, qui a amené la protonotaire à se préoccuper de la question de la célérité. Le processus d’avis d’opposition n’était pas la question décisive, pas plus que la célérité n’était la question décisive au sujet du caractère adéquat de l’autre recours. Les nouveaux éléments de preuve ne confèrent pas de certitude à une question décisive, comme l’affirment les défendeurs.

[49]  Le moment où se déroulerait l’autre processus, ou sa célérité, n’était pas la seule raison pour laquelle la protonotaire n’était pas convaincue que l’autre recours était adéquat. Comme il a été mentionné plus tôt, elle se souciait particulièrement aussi du fait que les autres processus ne constitueraient pas la réparation centrale – c’est‑à‑dire, la déclaration de conduite illégale – que les demandeurs cherchaient à obtenir. Cela n’a pas changé.

[50]  À mon avis, avec les nouveaux éléments de preuve, la question du caractère adéquat de l’autre recours demeurerait discutable. Les nouveaux éléments de preuve ne permettent pas de dire avec certitude que l’autre recours sera adéquat. Il faudrait donc que la question soit tranchée par le juge qui entendra les demandes de contrôle judiciaire en se fondant sur le dossier complet, y compris les nouveaux éléments de preuve.

[51]  Pour ce qui est de l’argument des défendeurs selon lequel la version finale des PDH donnera lieu à l’homologation complète des PA en litige et que, en conséquence, la demande des demandeurs en vue d’obtenir des déclarations portant que la délivrance des avis visés à l’article 12 était illégale n’aura aucune incidence sur les homologations, il faut se souvenir que les demandes visent à obtenir une réparation plus large.

[52]  Pour ce qui est des observations des défendeurs selon lesquelles les nouveaux éléments de preuve sont également pertinents à l’égard de la décision par laquelle la protonotaire a conclu qu’il y avait lieu de se demander si une conduite était en litige, les nouveaux éléments de preuve ne changent pas suffisamment les faits. Les arguments des défendeurs selon lesquels les demandes ciblaient un certain nombre de décisions distinctes et différentes ont été abondamment invoqués à l’audience tenue devant la protonotaire ainsi qu’à l’audition du présent appel. Les nouveaux éléments de preuve sont davantage du même type. La protonotaire a conclu qu’il y avait lieu de se demander si les décisions pouvaient être considérées comme une conduite après avoir pris en compte tous ces arguments. Les PDH et les PDR sont des preuves semblables au sujet des décisions d’homologation qui font partie de la conduite alléguée. Comme le signalent les demandeurs, une preuve « allant dans le même sens » ne correspond pas au seuil requis pour admettre de nouveaux éléments de preuve (BBM Canada c Research In Motion Ltd, 2012 CAF 292, aux par. 8 et 9, 441 NR 207; voir aussi Korki c Canada, 2011 CAF 287, au par. 13, 207 ACWS (3d) 597; et Carten, au par. 22). Les PDH et les PDR n’éclaircissent pas la question de savoir si l’on peut considérer les décisions comme une conduite. La question demeure discutable et il faudrait donc qu’elle soit tranchée par le juge qui entendra les demandes de contrôle judiciaire.

[53]  Pour ce qui est du facteur de l’intérêt de la justice, comme le signalent les demandeurs, il n’y a aucun risque d’erreur judiciaire et les parties peuvent traiter de l’importance des PDH et des PDR au stade de la demande de contrôle judiciaire. À l’évidence, l’intérêt de la justice n’exige pas que l’on admette les éléments de preuve. Cependant, il ne serait pas non plus contraire à l’intérêt de la justice de le faire.

[54]  Quant au facteur du préjudice causé, l’admission des nouveaux éléments de preuve ne retardera pas davantage le règlement de l’appel, car ce dernier a déjà été retardé jusqu’à un certain point par le fait que la Cour a convenu d’entendre la présente requête. L’audition de la demande de contrôle judiciaire ne sera pas retardée par l’admission de nouveaux éléments de preuve, dans la mesure où les parties continueront de suivre le calendrier établi. Comme le signalent les défendeurs, le préjudice causé aux demandeurs, notamment par la nécessité de répondre à la présente requête, peut être indemnisé par l’adjudication de dépens.

[55]  Comme nous l’avons vu, la question qui est en litige dans la présente requête consiste à savoir si les nouveaux éléments de preuve auraient eu une incidence sur les conclusions que la protonotaire a tirées et, partant, sur la décision de la Cour quant au fait de savoir si la protonotaire a commis une erreur.

[56]  En résumé, en appliquant la jurisprudence régissant la question de savoir s’il y a lieu d’admettre de nouveaux éléments de preuve en appel, je conclus, d’une part, que les nouveaux éléments de preuve n’auraient pas pu être communiqués à la protonotaire, que les éléments de preuve sont crédibles et pertinents et que la réception des éléments de preuve n’aurait pas été contraire à l’intérêt de la justice. D’autre part, les nouveaux éléments de preuve ne seraient pas « pour ainsi dire déterminants » à l’égard d’une question en appel, pas plus qu’ils n’aideront la Cour, en ce sens qu’ils auront une incidence sur le règlement de l’appel, parce qu’ils ne changent pas suffisamment le fondement factuel qui a permis à la protonotaire de conclure, au moment de déterminer s’il y avait lieu de radier la demande de contrôle judiciaire et d’appliquer la jurisprudence pertinente, que les deux questions étaient discutables. L’admission de nouveaux éléments de preuve en appel étant une mesure exceptionnelle, l’application de tous les facteurs mène à la conclusion qu’il n’y a pas lieu d’admettre les nouveaux éléments de preuve.

[57]  Les nouveaux éléments de preuve ne satisfont pas au critère relatif à leur admission, et ils ne seront donc pas admis, mais quelques observations sont de mise. Contrairement à la plupart des autres requêtes visant à admettre de nouveaux éléments de preuve, la Cour avait déjà entendu l’appel avant le dépôt de la requête concernant l’admission des nouveaux éléments de preuve. Dans cette requête, la Cour a été saisie des nouveaux éléments de preuve, elle a reçu les affidavits, qui expliquent les nouveaux éléments de preuve, et elle a entendu les observations de toutes les parties quant à la raison pour laquelle ces éléments de preuve auront – ou non – une incidence sur l’issue de l’appel. À l’audition de l’appel, des arguments détaillés ont été invoqués au sujet des deux questions que la protonotaire avait considérées comme discutables. Ces arguments ont été réexaminés – forcément – dans le contexte de la question de savoir si les nouveaux éléments de preuve pourraient avoir une incidence sur l’issue de l’appel. En réalité, même si les nouveaux éléments de preuve ne sont pas admis, on les a pris en considération.

[58]  Si j’étais arrivée à une conclusion différente au sujet de l’admission des nouveaux éléments de preuve, ou si j’avais conclu qu’on avait affaire ici à l’un des « cas les plus manifestes » qui justifieraient que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire résiduel pour admettre les nouveaux éléments de preuve (Shire c Canada, 2011 CAF 10, au par. 89, 414 NR 270), la conclusion tirée dans la décision Suzuki 2 ne changerait pas. La protonotaire n’a pas commis d’erreur.

[59]  En conclusion, la requête des défendeurs en vue de faire admettre de nouveaux éléments est rejetée. Les demandeurs ont droit aux dépens liés à la présente requête, lesquels seront fixés de pair avec les dépens liés à l’appel de la décision de la protonotaire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.  La requête est rejetée.

2.  Les demandeurs ont droit aux dépens, lesquels seront déterminés de pair avec les dépens liés à l’appel de la décision de la protonotaire.

« Catherine M. Kane »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS


DOSSIER :

T‑1070‑16

 

INTITULÉ :

FONDATION DAVID SUZUKI, AMI(E)S DE LA TERRE CANADA, ONTARIO NATURE ET WILDERNESS COMMITTEE c MINISTRE DE LA SANTÉ, SUMITOMO CHEMICAL COMPANY LIMITED, BAYER CROPSCIENCE INC ET VALENT CANADA INC

 

ET DOSSIER :

T‑1071‑16

 

INTITULÉ :

FONDATION DAVID SUZUKI, AMI(E)S DE LA TERRE CANADA, ONTARIO NATURE ET WILDERNESS COMMITTEE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE LA SANTÉ ET SYNGENTA CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 FÉVRIER 2018

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 AVRIL 2018

 

COMPARUTIONS :

Charles Hatt et Laura Bowman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

W. Grant Worden et Jeremy Opolsky

 

POUR LA DÉFENDERESSE
(Bayer Cropsience Inc.)

 

Matthew Fleming et Dina Awad

 

POUR LES DÉFENDERESSES
(Sumitomo Chemical Company et Valent Canada)

 

John P. Brown et Stephanie Sugar

 

POUR LA DÉFENDERESSE
(Syngenta Canada)

 

Michael H. Morris et Andrew Law

 

POUR LES DÉFENDEURS
(le procureur du Canada et le ministre de la Santé)

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

EcoJustice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Tory LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE
(Bayer Cropsience Inc.)

 

DENTONS LLP CANADA

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES
(Sumitomo Chemical Company et Valent Canada)

 

McCarthy Tétrault LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE (Syngenta Canada)

 

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS
(le procureur du Canada et le ministre de la Santé)

 

 

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