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Date : 20180509


Dossiers : IMM-4026-17

IMM-4079-17

Référence : 2018 CF 496

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2018

En présence de madame la juge Strickland

Dossier : IMM-4026-17

ENTRE :

AI YANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

Dossier : IMM-4079-17

ET ENTRE :

AI YANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Il s’agit des contrôles judiciaires visant deux décisions concernant la demanderesse. Le premier contrôle judiciaire est un examen des risques avant renvoi (ERAR) défavorable effectué par un agent d’immigration principal (« agent responsable de l’ERAR ») aux termes du paragraphe 112 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Le deuxième contrôle judiciaire est un refus effectué par un agent d’exécution de la loi au Canada (agent d’exécution de la loi) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) d’accueillir la demande de la demanderesse, aux termes du paragraphe 238(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR) de retourner volontairement à Antigua-et-Barbuda (Antigua).

Énoncé des faits

[2]  La demanderesse est une citoyenne d’Antigua. Elle détient également un passeport de la République populaire de Chine (Chine). Cependant, elle affirme qu’elle n’est plus une citoyenne de Chine. Le 6 mars 2016, la demanderesse est entrée au Canada et a appris qu’une notice rouge d’Interpol était publiée contre elle en lien avec une allégation de fraude contractuelle en Chine. Craignant d’être renvoyée en Chine, elle a demandé l’asile le même jour.

[3]  Le 13 mars 2016, sa demande d’asile a été suspendue dans l’attente de rendre une décision quant à son interdiction de territoire pour grande criminalité aux termes de l’alinéa 36(1)c) du Règlement. Le 31 mars 2016, la demanderesse a retiré sa demande d’asile pour le motif qu’elle ne craignait pas de retourner à Antigua et, le 16 avril 2016, la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) a indiqué qu’elle ne procèderait pas à une audience d’interdiction de territoire.

[4]  L’ASFC a encore demandé le renvoi de la demanderesse du Canada en raison d’une mesure de renvoi prise à son encontre le 18 mars 2016 qui était liée à un autre motif d’interdiction de territoire, le défaut de se conformer à la LIPR. Plus particulièrement, il s’agissait du fait d’entrer au Canada sans le visa de résident permanent requis (LIPR, alinéas 41a), 20(1)a); RIPR, article 6).

[5]  La demanderesse a acheté un billet d’avion pour retourner à Antigua le 18 mai 2016 et a demandé que l’ASFC lui renvoie son passeport et l’autorise à voyager. L’ASFC a rejeté sa demande, citant les alinéas 238(2)b) et c) du RIPR. Elle a plutôt décidé de renvoyer la demanderesse en Chine. La demanderesse a demandé un ERAR le 7 juin 2016, mais il a été rejeté, car elle avait retiré sa demande d’asile. Après une demande de report de son renvoi, l’ASFC a annulé le renvoi de la demanderesse et, aux termes de l’article 25.1 de la LIPR, elle lui a accordé une dérogation à l’interdiction de 12 mois relative à l’ERAR. Son ERAR a été refusé le 7 juillet 2017 (décision d’ERAR).

[6]  Le 21 septembre 2017, la demanderesse a de nouveau demandé que l’ASFC l’autorise à se conformer à la mesure de renvoi prise à son encontre en retournant à Antigua, mais cette demande a été refusée par courriel le 25 septembre 2017, sur la base de l’alinéa 238(2)c) du RIPR (décision de renvoi volontaire). Avant la date de renvoi prévue du 6 octobre 2017, la demanderesse a déposé des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision d’ERAR (IMM-4026-17) et de la décision de renvoi volontaire (IMM-4079-17). Elle a aussi demandé des suspensions de renvoi en attendant l’issue des deux demandes. Dans une décision datée du 5 octobre 2017, la Cour a accordé les suspensions dans les deux affaires.

[7]  Il s’agit des contrôles judiciaires de la décision d’ERAR et de la décision de renvoi volontaire qui ont été tous les deux entendus le 29 mars 2018.

ERAR (IMM-4026-17)

Décision faisant l’objet du contrôle

[8]  L’agent responsable de l’ERAR a examiné deux lettres datées du 11 juillet et du 21 novembre 2016, de Mme Jiarui Ye, une avocate criminaliste en Chine, que la demanderesse a déposées à l’appui de son ERAR. Cependant, en raison des omissions et incohérences décelées, l’agent responsable de l’ERAR leur a accordé peu d’importance.

[9]  L’agent responsable de l’ERAR a mentionné l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle serait exposée à un risque de poursuites judiciaires inappropriées si elle revenait en Chine, étant donné que les poursuites seraient intentées dans une province qui n’a pas compétence à l’égard des crimes présumés. L’agent responsable de l’ERAR a aussi souligné l’observation de la demanderesse selon laquelle l’une des entreprises agissant à l’encontre de la demanderesse entretient des liens étroits avec le gouvernement à Jiangxi et qu’elle pourrait avoir influencé le bureau des poursuites pour qu’il engage des procédures à son encontre, mais il a conclu que cette déclaration était de nature purement spéculative. L’agent responsable de l’ERAR a reconnu, relativement à l’allégation de la demanderesse selon laquelle le système de justice pénale est entaché de corruption et porterait atteinte à son droit à un procès équitable, que les éléments de preuve documentaire établissaient l’existence de lacunes et de problèmes dans le système judiciaire en Chine et avec la règle de droit dans ce pays. Cependant, l’agent responsable de l’ERAR a conclu que ce renseignement était de nature trop générale et n’établissait pas un lien direct avec la situation personnelle de la demanderesse et que, tout bien pesé, les cours en Chine sont indépendantes et suivent les procédures judiciaires établies. L’agent responsable de l’ERAR a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir que la demanderesse pourrait être la victime d’un verdict rendu à l’avance par un appareil judiciaire corrompu.

[10]  Quant au risque allégué de la demanderesse d’être détenue sans qu’aucune accusation ne soit portée et de subir de mauvais traitements, des abus et de la torture en détention, pendant que l’enquête est menée, l’agent responsable de l’ERAR a fait observer que parmi les quatre personnes impliquées dans la même affaire que la demanderesse, trois personnes ont été détenues puis libérées sous caution en attente d’un procès. La quatrième personne a été mise en détention le 3 juillet 2015, mais les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir que cette détention serait indéterminée. L’agent responsable de l’ERAR a conclu que la preuve présentée n’évoquait pas que les cocomploteurs de la demanderesse n’avaient pas bénéficié de l’application régulière de la loi ou qu’ils avaient été traités d’une manière inéquitable ou abusive pendant qu’ils étaient visés par une enquête ou que la demanderesse serait traitée différemment ou serait détenue indéfiniment.

[11]  Quant à l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle risquerait de subir un traitement cruel et inhabituel en étant détenue dans des conditions inadéquates et de surpeuplement pendant l’enquête, l’agent responsable de l’ERAR a reconnu que les documents concernant les conditions du pays présentés par la demanderesse établissaient que les conditions dans les prisons étaient dures et que des cas de mauvais traitements, y compris l’utilisation de la torture pour obtenir des confessions, ont été signalés. Cependant, l’agent responsable de l’ERAR a souligné que la demanderesse avait 40 ans, qu’elle était instruite, qu’elle occupait auparavant un poste de direction et, qu’elle aurait donc probablement les moyens de retenir les services d’un avocat pour assurer l’application régulière de la loi. En outre, après avoir examiné la recommandation de poursuite du procureur et la mise en accusation qui l’accompagne, il était évident que les éléments de preuve à l’encontre de la demanderesse étaient variés, nombreux et très complexes. Par conséquent, les faits allégués par les procureurs chinois contre la demanderesse ne seraient pas fondés sur des éléments de preuve fabriqués obtenus sous la contrainte au cours d’une détention administrative quelconque. De plus, les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir que les deux cocomploteurs de la demanderesse qui avaient fait des confessions avaient été contraints de les faire.

[12]  L’agent responsable de l’ERAR a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée à plus qu’une simple possibilité de persécution et qu’il était fort probable qu’elle ne serait pas exposée à un risque de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle retournait en Chine.

Questions en litige et norme de contrôle

[13]  La seule question en l’espèce consiste à déterminer si la décision de l’agent responsable de l’ERAR était raisonnable. Plus précisément :

  (i)  Le traitement des lettres de l’avocat chinois par l’agent responsable de l’ERAR a-t-il été raisonnable?

  (ii)  L’agent responsable de l’ERAR a-t-il évalué de manière raisonnable le risque pour la demanderesse d’une détention indéterminée et de traitements cruels et inusités pendant sa détention?

[14]  La norme de raisonnabilité s’applique aux demandes d’ERAR, car il s’agit de demandes axées sur les faits qui impliquent la pondération des éléments de preuve et l’expertise d’un agent dans l’évaluation des risques (Mohamed c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 619, au paragraphe 12; Korkmaz c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1124, au paragraphe 9; Adetunji c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 708, au paragraphe 22; Raza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1385, au paragraphe 10). Selon cette norme, la Cour interviendra seulement si la décision n’a pas les attributs de la justification, de la transparence ou de l’intelligibilité, et qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 [Khosa]).

i)  Le traitement des lettres de l’avocat chinois par l’agent responsable de l’ERAR a-t-il été raisonnable?

[15]  L’agent responsable de l’ERAR a examiné deux lettres, de Mme Jiarui Ye, une avocate criminaliste en Chine, datées du 11 juillet 2016 (lettre du mois de juillet) et du 21 novembre 2016 (lettre du mois de novembre), respectivement. L’agent responsable de l’ERAR a fait remarquer que dans la lettre du mois de novembre, Mme Ye expliquait qu’elle était l’avocate de l’une des entreprises que la demanderesse gérait en Chine, mais que cela n’était pas mentionné dans la lettre du mois de juillet. L’agent responsable de l’ERAR a déclaré que rien n’indiquait clairement comment Mme Ye avait pris connaissance du dossier de la demanderesse en juillet 2016, quels éléments de preuve elle avait examinés ou comment elle avait obtenu ces éléments de preuve. L’agent responsable de l’ERAR a également fait remarquer des différences de mise en page entre les deux lettres. Plus précisément, par rapport à la lettre du mois de juillet, la lettre du mois de novembre était sans en-tête. Or, selon l’agent responsable de l’ERAR, il aurait été raisonnable de s’attendre à voir figurer un en-tête sur un document rédigé par un professionnel du droit. En outre, la lettre du mois de juillet n’était pas accompagnée d’une traduction certifiée conforme, tandis que la lettre du mois de novembre était fournie dans les deux langues. En raison de ces « omissions et incohérences », l’agent responsable de l’ERAR a accordé peu d’importance aux lettres.

[16]  La demanderesse soutient que le fondement de son allégation au titre de l’article 97 était qu’elle était exposée à un risque de poursuites judiciaires inappropriées qui pourraient entraîner une détention indéterminée sans qu’aucune accusation ne soit portée et une exposition à des abus et de la torture pendant que l’enquête est menée. Les lettres fournissent l’opinion d’un expert sur les lois chinoises et le fonctionnement du système judiciaire chinois. Elles sont essentielles à l’allégation de la demanderesse, car elles exposent les faits sur lesquels se fonde sa crainte. Les lettres établissent également un lien entre la situation personnelle de la demanderesse et les éléments de preuve documentaire concernant les lacunes dans le système de justice chinois. Bien que les agents puissent remettre en question le témoignage d’un expert, leurs évaluations doivent être raisonnables et rejeter cavalièrement ces opinions est une erreur. La demanderesse soutient que les motifs de l’agent responsable de l’ERAR pour rejeter ces éléments de preuve fondamentaux démontrent le rejet cavalier et déraisonnable de l’opinion d’un professionnel.

[17]  À cet égard, je fais observer que la Cour a conclu que lorsque des éléments de preuve d’experts sont présentés et pris en compte par le décideur, ils méritent de faire l’objet d’une analyse réfléchie et approfondie (Shariaty c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 986, au paragraphe 38 [Shariaty], citant Naeem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1375, au paragraphe 24 [Naeem]). Cependant, contrairement à l’arrêt Shariaty où le rapport a été généré par un professeur d’université dont les publications, l’expérience et l’expertise étaient connues et dont les qualifications avaient été auparavant reconnues par la Cour, dans la présente affaire, les éléments de preuve comprennent deux lettres brèves d’un auteur, dont les compétences, hormis sa déclaration selon laquelle elle exerce le droit criminel en Chine depuis 2010, ne sont pas connues. Aucun curriculum vitæ ou aucun autre renseignement quant à ses antécédents professionnels n’a été fourni. Elle n’est pas non plus une tierce partie indépendante puisqu’elle s’identifie comme l’avocate d’une entreprise liée à la demanderesse dans la lettre du mois de novembre. À mon avis, bien que les lettres soient des éléments de preuve fournis à l’appui de l’allégation de la demanderesse, elles ne peuvent pas être caractérisées comme des « éléments de preuve substantiels » (Naeem au paragraphe 24) et elles ne doivent pas être traitées de cette manière.

[18]  En ce qui concerne le contenu des lettres, la lettre du mois de juillet indique que les Bureaux de la sécurité publique dans trois autres provinces de Chine, où les infractions criminelles alléguées sont survenues, n’avaient pas poursuivi l’affaire, bien qu’ils avaient compétence pour le faire. Bien que la province de Jiangxi n’ait pas eu compétence en droit, les accusations ont été portées dans cette province. Mme Ye déclare : [traduction] « Je crois que si les procédures intentées n’avaient pas été de leur ressort, les Bureaux dans ces villes n’auraient probablement pas conclu que les arguments sont suffisamment solides ». Elle ajoute que la peine encourue pour les accusations, si la demanderesse était condamnée, serait l’emprisonnement à perpétuité. Dans la lettre du mois de novembre, il est indiqué que la demanderesse n’a pas été officiellement accusée, mais qu’elle est une suspecte dans l’affaire. Les personnes soupçonnées, comme la demanderesse, sont emprisonnées, sans qu’aucune accusation ne soit portée, pendant qu’elles font l’objet d’une enquête. Elles peuvent être détenues pendant une période indéterminée jusqu’à ce que l’enquête soit terminée. En cas d’accusation, compte tenu du niveau de contrôle de la demanderesse sur les entreprises connexes, elle serait probablement emprisonnée jusqu’à ce qu’un verdict soit rendu. Mme Ye affirme qu’une autre personne impliquée dans la procédure, Fei Yang, est emprisonnée depuis le 3 juillet 2015 et à l’heure actuelle, aucune date de procès n’a été établie. Dans cette lettre, Mme Ye déclare que si elle est reconnue coupable, la peine de la demanderesse pourrait être un emprisonnement d’au moins dix ans ou à perpétuité.

[19]  L’agent responsable de l’ERAR s’est préoccupé du lien de Mme Ye avec les questions abordées dans ses lettres. Bien qu’il soit vrai que la lettre du mois de juillet ne met pas en évidence un lien entre Mme Ye et la demanderesse, Mme Ye a indiqué son lien avec la demanderesse dans la lettre du mois de novembre. Dans la lettre du mois de juillet, elle allègue qu’elle exerce le métier d’avocate criminaliste en Chine depuis 2010 et qu’elle avait examiné les détails de la preuve du procureur contre Hangzhou Hanxiang Industrial Limited (HHIL) et la demanderesse en tant que responsable et exploitante de cette entreprise et que c’est ainsi qu’elle a pris connaissance des éléments concernant lesquels elle a fait une déposition. Le document Public Security Bureau, Jiangxi Province, Written Recommendation for Prosecution (« recommandation de poursuite »), daté du 31 août 2015, qui se trouve au dossier et sur lequel se fonde l’agent responsable de l’ERAR dans ses motifs, désigne HHIL comme une entreprise soupçonnée de crime et mentionne les responsables et exploitants de l’entreprise comme étant la demanderesse et Debao Liang. Dans la lettre du mois de novembre, Mme Ye déclare qu’elle est l’avocate de Hangzhou Tengxiang Supplies Limited (HTSL). La recommandation de poursuite indique également que HTSL est soupçonnée de crime, que ses deux actionnaires sont la demanderesse et Daoquan Shen et que ses responsables et exploitants sont la demanderesse et Debao Liang. En tant qu’avocate de HTSL et la demanderesse ayant été nommée comme une actionnaire et responsable/exploitante de HTSL, ainsi que comme une responsable/exploitante de HHIL, il n’est pas impossible que Mme Ye connaisse les détails des procédures engagées par le procureur et qu’elle y ait accès, comme elle le déclare. Dans ces circonstances, il ne me semble pas évident que le fait que Mme Ye ait omis de s’identifier comme étant une avocate dans la lettre du mois de juillet ou d’expliquer pourquoi elle était en possession des procédures engagées par le procureur équivaut à des [traduction] « omissions et incohérences » qui auraient une incidence sur la valeur probante des renseignements fournis dans les lettres.

[20]  Quant à l’utilisation d’un en-tête, la lettre du mois de juillet est sur un papier à en-tête qui comprend le nom « JiangSu Contemporary & Peace Law Firm » et les numéros de téléphone. L’en-tête semble être en anglais et en chinois. La lettre du mois de novembre ne contient pas d’en-tête. La demanderesse reconnaît que la lettre d’un avocat serait habituellement rédigée sur un papier à en-tête, mais elle soutient que cela n’est pas nécessaire, que son contenu est encore présumé véridique et que l’agent responsable de l’ERAR n’a pas expliqué pourquoi l’absence d’un en-tête donnerait moins d’importance à la lettre. Cependant, je remarque que l’agent responsable de l’ERAR a expliqué qu’en raison des omissions et incohérences, auxquelles l’en-tête faisait partie, il a accordé moins d’importance à la lettre. En outre, la présomption de véracité ne porte que sur le témoignage sous serment d’un demandeur généralement, dont la présomption s’applique sauf s’il existe des éléments de preuve qui la contredisent (Maldonado c. Canada, [1980] 2 CF 302 (CAF), au paragraphe 5). Les lettres de Mme Ye ne sont pas des témoignages sous serment.

[21]  Cela étant dit, il semble que la préoccupation de l’agent responsable de l’ERAR porte sur la forme, plutôt que sur le fond, des lettres. Si l’absence d’en-tête sur l’une des deux lettres semblait indiquer à l’agent responsable de l’ERAR que les lettres ne provenaient pas de la même personne ou que l’une des deux lettres ou les deux ne provenaient pas en fait d’un avocat et que, par conséquent, les éléments de preuve n’étaient pas authentiques, alors l’agent responsable de l’ERAR aurait dû tirer une conclusion claire à cet égard (voir Sitnikova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1082, au paragraphe 20; Oranye c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 390, au paragraphe 27).

[22]  Quant à la traduction, l’agent responsable de l’ERAR a affirmé que la lettre du mois de juillet n’était pas accompagnée d’une traduction certifiée conforme et, par contre, la lettre du mois de novembre était fournie dans les deux langues. En effet, aucune lettre n’était accompagnée d’une traduction certifiée conforme et les deux lettres étaient fournies dans les deux langues. La lettre du mois de juillet semble être une lettre rédigée dans les deux langues, d’abord en anglais puis, à la fin de la version anglaise, vers la moitié de cette même page, la version chinoise commence. Il n’existe pas de traduction officielle ou de traduction distincte en tant que telle. La lettre du mois de novembre est également fournie dans les deux langues, cette fois sur deux pages distinctes, l’une en anglais et l’une en chinois. La dernière ligne de la version anglaise de la lettre indique « La présente lettre a été rédigée dans les deux langues. En cas de contradictions entre les deux versions, le chinois prévaudrait ». À mon avis, bien que la présentation des deux lettres varie légèrement, il est difficile de voir comment cela équivaudrait à une omission ou à une incohérence substantielle qui aurait une incidence négative sur l’importance des lettres.

[23]  Le défendeur, en revanche, soutient que le contenu des lettres est également incohérent et, par conséquent, il justifiait le peu de poids qu’il leur a été accordé pour ce motif. Plus précisément, la lettre du mois de juillet indique que la demanderesse avait été accusée criminellement, mais la lettre du mois de novembre mentionne que la demanderesse n’avait pas encore été officiellement accusée. En outre, la recommandation de poursuite indique que la demanderesse a été accusée de fraudes contractuelles en série avec les autres cocomploteurs ce qui, selon le défendeur, établit que la lettre du mois de novembre est inexacte et par conséquent, peu fiable. La demanderesse estime que le défendeur tente d’étayer les motifs de l’agent responsable de l’ERAR, car cet argument ne se trouve à aucun endroit dans la décision de l’agent responsable de l’ERAR et, quoi qu’il en soit, l’incohérence alléguée est simplement une clarification, étant donné que l’affaire évoluait.

[24]  À mon avis, les éléments de preuve au dossier ne montrent pas clairement si la demanderesse a été ou non accusée. La lettre du mois de juillet fait mention d’accusations à l’encontre de HTSL, HHIL, Greenest Group Company Limited (GGCL) et de leur responsable et exploitante, la demanderesse. Elle conclut [traduction] « En ce qui concerne la peine encourue pour ces accusations [...], si Ai Yang est reconnue coupable, elle sera condamnée à une peine d’emprisonnement à vie ». La lettre du mois de novembre indique que des accusations criminelles sont à l’heure actuelle portées à l’encontre de HTSL, HHIL, GGCL et de quatre personnes et que la demanderesse est soupçonnée dans l’affaire et recherchée pour être interrogée, mais qu’elle n’a pas encore été officiellement accusée. La recommandation de poursuite ne mentionne pas la demanderesse comme l’une des personnes soupçonnées de crime. Cependant, elle indique que l’[TRADUCTION] « affaire d’escroquerie » de HTSL et des entreprises connexes a été signalée à l’Economic Investigations Squadron par une autre entreprise et que le Bureau de la sécurité publique chinois [traduction] « a décidé d’accuser Ai YANG et ses [sic] cocomploteurs de fraudes contractuelles en série et a commencé à mener des enquêtes » après l’examen initial du rapport. Elle précise ensuite que [traduction] l’« enquête de fraudes contractuelles en série du groupe Ai YANG » est terminée et expose les conclusions. Le document intitulé Jiang xi Province Nachang People’s Procuratorate Indictment (« mise en accusation »), figurant également au dossier, ne mentionne pas la demanderesse comme étant une personne mise en accusation. Il fait référence à un [traduction] « crime de fraude contractuelle » en indiquant que [traduction] « Depuis 2014 [sic] Dabaoe LIANG, Ai YANG (poursuivie dans une autre affaire) étaient les responsables factuels… » des entreprises mentionnées. Dans son affidavit déposé à l’appui des contrôles judiciaires, la demanderesse allègue que sa situation en Chine est très confuse. Elle pensait, à l’origine, qu’elle avait été accusée par contumace, mais elle comprend maintenant, par l’intermédiaire des avocats de l’entreprise, qu’elle est recherchée pour être interrogée et qu’elle n’a pas été officiellement accusée.

[25]  À mon avis, les éléments de preuve au dossier ne montrent pas clairement si la demanderesse a été accusée individuellement ou si elle fait simplement l’objet d’une enquête. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec la demanderesse que l’agent responsable de l’ERAR n’a pas relevé cette incohérence alléguée pour expliquer pourquoi il a accordé moins d’importance aux lettres.

[26]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus que l’analyse et l’évaluation des lettres par l’agent responsable de l’ERAR ne sont pas intelligibles en raison des omissions ou incohérences relevées.

ii)  L’agent responsable de l’ERAR a-t-il évalué de manière raisonnable le risque pour la demanderesse d’une détention indéterminée et de traitements cruels et inusités pendant sa détention?

Position de la demanderesse

[27]  La demanderesse soutient que les conclusions de l’agent responsable de l’ERAR ne répondent pas adéquatement au risque soulevé en vertu de l’article 97 de la LIPR. Plus précisément, l’agent responsable de l’ERAR a conclu que l’article 97 n’était pas en cause, car la demanderesse avait les moyens de retenir les services d’un avocat pour assurer l’application régulière de la loi et le gouvernement a suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’il y a matière à plainte sans fabriquer des éléments de preuve ou obtenir une confession par la torture. L’agent responsable de l’ERAR n’a pas examiné la question de savoir si la demanderesse sera maintenue en détention sans accusation et, si tel est le cas, s’il est probable qu’elle subisse des actes de torture ou des traitements cruels et inusités. Le fait qu’elle puisse se payer un avocat ne l’exemptera pas d’une détention pendant une période indéfinie et Mme Ye a affirmé que les personnes comme la demanderesse sont emprisonnées pendant qu’elles font l’objet d’une enquête. En outre, il ne s’agit pas d’une question d’équité de la procédure, étant donné que même l’application appropriée d’une procédure judiciaire peut entraîner une détention. De même, l’agent responsable de l’ERAR n’a pas abordé le risque principal auquel la demanderesse sera confrontée, à savoir des traitements cruels et inusités en détention. Il fait plutôt valoir que parce que les autorités ont déjà établi la preuve contre la demanderesse, elles n’ont pas besoin d’utiliser la torture pour obtenir des aveux. Cependant, même si la demanderesse n’est pas torturée, le risque demeure que les conditions en prison s’assimilent à un niveau de peines cruelles et inusitées. L’agent responsable de l’ERAR a reconnu que les conditions étaient difficiles, mais il n’évalue pas si elles nécessitent une protection en vertu de l’article 97. En outre, les conclusions de l’agent responsable de l’ERAR sont purement présumées et ne sont pas fondées sur des éléments de preuve. Les seuls éléments de preuve cités par l’agent responsable de l’ERAR soulignent que la torture est habituelle et aucun autre élément de preuve n’est mentionné pour réfuter cette affirmation.

Position du défendeur

[28]  Le défendeur soutient que les éléments de preuve documentaire fournis par la demanderesse indiquaient que trois des cocomploteurs de la demanderesse, dans le cadre de l’enquête criminelle, ont été arrêtés, détenus pendant une courte période, puis libérés sous caution en attente d’un procès. En supposant qu’elle recevra le même traitement que les cocomploteurs, cela répondait pleinement à la question de savoir si elle serait maintenue en détention sans que des accusations soient portées. Quant au risque d’être torturée, l’agent responsable de l’ERAR a souligné que les éléments de preuve à l’encontre de la demanderesse ont déjà été présentés et la conclusion de l’agent sur cette question était raisonnable.

Analyse

[29]  Pour commencer, je remarque qu’en ce qui concerne l’observation de la demanderesse selon laquelle le système de justice pénale en Chine est entaché de corruption, ce qui porterait gravement atteinte à son droit à un procès équitable, l’agent responsable de l’ERAR a reconnu les éléments de preuve documentaire cités par la demanderesse, qui exposaient des problèmes liés aux procédures établies qui régissent un procès, aux procédures juridiques officielles et à l’équité judiciaire. L’agent responsable de l’ERAR a reconnu que des lacunes et problèmes existent dans le système judiciaire et la règle de droit en Chine, mais il a conclu que ces renseignements étaient de nature trop générale et n’établissaient pas un lien direct avec la situation personnelle de la demanderesse. L’agent responsable de l’ERAR a conclu, tout bien pesé, que les cours en Chine sont habituellement soucieuses de saisir une autorité judiciaire compétente indépendante, conformément aux procédures judiciaires établies et, en outre, que les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir que la demanderesse pourrait être la victime d’un verdict rendu à l’avance par un appareil judiciaire corrompu.

[30]  D’après le contenu du dossier qui m’a été présenté, il est difficile de voir comment l’agent responsable de l’ERAR a conclu, tout bien pesé, que les cours en Chine sont habituellement soucieuses de saisir une autorité judiciaire compétente indépendante, conformément aux procédures judiciaires établies. Par exemple, le document produit par le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni  intitulé Country Information and Guidance, China: Background Information, including actors of protections and internal relocation (Information sur le pays et lignes directrices, Chine : renseignements généraux sur la protection et la réinstallation interne) (version 1.0, septembre 2015) (rapport du ministère de l’Intérieur), citant le rapport de Freedom House 2015, Freedom in the World Report, indique que le Parti communiste chinois (PCC) détient le pouvoir judiciaire. Les comités juridiques du parti politique supervisent les activités de la Cour à tous les niveaux et autorisent les dirigeants de parti à exercer une influence sur les verdicts et les peines. La supervision du PCC est particulièrement flagrante dans des affaires délicates sur le plan politique. Citant un article de la revue The Economist, le rapport du ministère de l’Intérieur fait remarquer que les juges dépendent généralement des intérêts locaux. Ils sont embauchés et promus par la volonté du secrétaire du parti du pays (ou des personnes qui relèvent de lui), ils ont moins de pouvoir dans leurs localités que la police ou les procureurs ou même que les hommes d’affaires locaux ayant des contacts politiques. Citant les rapports 2014 Human Rights Practices Reports (Rapports sur les pratiques liées aux droits de l’homme en 2014) du Département d’État américain (26 juin 2015), le rapport du ministère de l’Intérieur fait remarquer ce qui suit :

[traduction] Bien que la loi édicte que les tribunaux doivent exercer un pouvoir judiciaire de manière indépendante, sans intervention d’instances administratives, d’organisations sociales et de personnes, l’appareil judiciaire n’exerçait pas en effet un pouvoir judiciaire de manière indépendante. Les juges recevaient régulièrement une direction politique sur des affaires en cours, y compris des instructions sur la manière de statuer, de la part du gouvernement et du PCC, notamment dans le cas d’affaires délicates sur le plan politique. Le comité politique et judiciaire du PCC a le pouvoir d’examiner et d’influencer les activités d’un tribunal à tous les niveaux de l’appareil judiciaire.

La corruption a souvent influencé les décisions des tribunaux, étant donné que les protections contre la corruption judiciaire étaient vagues et mal appliquées. Les gouvernements locaux nomment et rémunèrent des juges de cours locales et, ainsi, ont souvent exercé une influence sur les décisions de ces juges.

Un comité contrôlé par le PCC statue sur la plupart des affaires majeures et la fonction de juges de première instance et de cours d’appel est de façonner une justification légale à la décision du comité.

[31]  De même, un document du Département d’État américain, The Country Reports on Human Rights Practices for 2015 (Rapports sur la pratique des droits de l’homme en 2015, par pays) (rapports par pays) indique que les juges recevaient régulièrement une direction politique sur des affaires en cours, y compris des instructions sur la manière de statuer, de la part du gouvernement et du PCC, notamment dans le cas d’affaires délicates sur le plan politique. Le comité politique et judiciaire du PCC a le pouvoir d’examiner et d’influencer les activités d’un tribunal à tous les niveaux de l’appareil judiciaire. En outre, les rapports par pays soulignent que la corruption influençait souvent les décisions des tribunaux. Bien que la loi modifiée sur les procédures pénales réaffirme la présomption d’innocence, le système de justice pénale demeurait biaisé en faveur d’une présomption de culpabilité, notamment dans des affaires connues et délicates sur le plan politique. Selon un rapport cité, près de 1,2 million de personnes ont été condamnées en 2014 et seules 778 personnes ont été acquittées. Ce faible taux d’acquittement inférieur à 1 % a perduré pendant plusieurs années. Les tribunaux punissaient souvent les défendeurs qui refusaient de reconnaître qu’ils étaient coupables en les condamnant à des peines plus sévères que ceux qui faisaient des aveux et la procédure d’appel infirmait rarement les condamnations et n’offrait pas suffisamment de moyens de recours.

[32]  En outre, comme la demanderesse le souligne, la lettre de Mme Ye exposait une allégation de poursuites inappropriées, fondées sur le mépris apparent du droit en matière de compétence judiciaire, ce qui établissait un lien entre la situation personnelle de la demanderesse et les éléments de preuve documentaire. L’agent responsable de l’ERAR a accordé peu de poids aux lettres et a conclu que les éléments de preuve selon lesquels la demanderesse aurait été la victime d’un verdict rendu à l’avance par un appareil judiciaire corrompu sont insuffisants. Par conséquent, le traitement par l’agent responsable de l’ERAR de la lettre du mois de novembre pourrait avoir eu une incidence sur cette conclusion.

[33]  Quant à la question de savoir si la demanderesse serait détenue pendant une période indéfinie et subirait de la torture ou des peines cruelles et inusitées, l’agent de l’ERAR a déclaré que selon les éléments de preuve, trois des quatre individus impliqués dans la même affaire que la demanderesse avaient été détenus, puis libérés sous caution en attente d’un procès et rien n’indiquait qu’ils n’avaient pas bénéficié de l’application régulière de la loi ou qu’ils avaient été traités d’une manière inéquitable ou abusive pendant qu’ils étaient visés par une enquête. Quant au quatrième intéressé, bien qu’il ait été mis en détention le 3 juillet 2015, les éléments de preuve objectifs étaient insuffisants pour établir que sa détention s’était poursuivie indéfiniment.

[34]  Cependant, la preuve dont l’agent responsable de l’ERAR disposait était la lettre du mois de novembre, qui indiquait que Fei Yang avait été arrêté le 3 juillet 2015, qu’il était toujours en détention et qu’aucune date de procès n’avait été établie. La recommandation de poursuite a confirmé que Fei Yang avait été arrêté le 3 juillet 2015 et qu’il était maintenu en prison, tandis que les trois autres suspects avaient été libérés sous caution en attente d’un procès. L’agent responsable de l’ERAR ne disposait d’aucune preuve selon laquelle Fei Yang avait été libéré de prison. En outre, la lettre du mois de novembre indiquait qu’en raison du niveau de contrôle des entreprises exercé par la demanderesse, il était probable qu’elle soit emprisonnée jusqu’à ce qu’un verdict soit rendu. Ce critère, qui distingue potentiellement le traitement des trois individus libérés de la manière dont la demanderesse serait traitée, ne semble pas avoir été pris en compte, vraisemblablement parce que l’agent responsable de l’ERAR a accordé peu d’importance à la lettre du mois de novembre. Cela veut dire que l’agent responsable de l’ERAR n’a pas tenu compte de la situation particulière de la demanderesse en tant qu’actionnaire et directrice des entreprises impliquées dans la fraude alléguée. D’après les éléments de preuve dont il disposait, y compris les éléments de preuve documentaire qui indiquent qu’une détention indéterminée avant le procès est habituelle, à mon avis, il était déraisonnable pour l’agent responsable de l’ERAR de conclure que la détention du quatrième intéressé ne s’est pas poursuivie indéfiniment et, par conséquent, que la demanderesse ne subirait pas une période de détention indéterminée pendant que l’enquête est menée.

[35]  Plus important encore, l’agent responsable de l’ERAR a tenu compte du risque de peines cruelles et inusitées découlant de la détention de la demanderesse dans une prison en Chine et a reconnu que les conditions dans ce pays sont difficiles et que des mauvais traitements, y compris le recours à la torture pour obtenir des aveux, ont été signalés. En effet, les éléments de preuve documentaire indiquent que la torture et les mauvais traitements des suspects par la police pendant la détention avant le procès demeurent des préoccupations graves et sont habituels. Cependant, l’agent responsable de l’ERAR a conclu que [traduction] « [l]a [d]emanderesse, âgée de 40 ans, est une personne instruite, perspicace, qui occupait autrefois un poste de direction dans un grand centre urbain et qui aura probablement les moyens de retenir les services d’un avocat afin d’assurer l’application régulière de la loi ». Après examen des éléments de preuve documentaire, je ne peux déterminer clairement comment ces critères, et le fait d’avoir les moyens de retenir les services d’un avocat signifient que la demanderesse bénéficiera d’une application régulière de la loi.

[36]  Bien que l’agent responsable de l’ERAR ait conclu qu’il n’existait pas de preuve selon laquelle les aveux faits par deux des cocomploteurs de la demanderesse ont été obtenus par la contrainte, il semble peu probable que des éléments de preuve existent à cet égard, même s’ils étaient véridiques. Les éléments de preuve au dossier indiquent que même les deux cocomploteurs allégués ayant fait des aveux attendaient encore leur procès (on ignore pourquoi, si des aveux étaient faits, un procès serait nécessaire), que Fei Yang est resté en détention au moment des observations présentées pour l’ERAR et que le troisième cocomploteur allégué avait été libéré sous caution en attente du procès. Le bon sens donne à penser que les cocomploteurs de la demanderesse ne critiqueraient probablement pas leur traitement par la Chine dans de telles circonstances. De plus, il n’existe pas de fondement à la conclusion de l’agent responsable de l’ERAR selon laquelle la force des procédures engagées par le procureur invalide le risque de torture.

[37]  En conclusion, pour les motifs qui précèdent, la décision d’ERAR n’est pas raisonnable.

Décision de renvoi volontaire (IMM-4079-17)

[38]  L’agent d’exécution a rejeté la demande de la demanderesse du 21 septembre 2017 de retourner volontairement à Antigua envoyée par courriel daté du 25 septembre 2017. Elle est libellée ainsi : [traduction]

Bonjour Mme Long,

Après avoir examiné votre demande, l’ASFC adhèrera à notre application de la LIPR/du RIPR en ce qui concerne l’alinéa 238(2)c) de la loi. Vos observations étaient incomplètes en ce qui concerne la citation de l’alinéa 238(2)c) de la LIPR « il cherche à échapper à des contraintes juridiques au Canada ou dans un autre pays ». En outre, Mme Yang a été détenue puis libérée sous conditions. Par conséquent, l’application de l’article 239 du RIPR prendra effet.

Exécution volontaire

238 (1) L’étranger qui souhaite se conformer volontairement à la mesure de renvoi doit comparaître devant l’agent afin que celui-ci vérifie :

  • o a) s’il a les ressources suffisantes pour quitter le Canada à destination d’un pays où il sera autorisé à entrer;

  • o b) s’il a l’intention de se conformer aux exigences prévues aux alinéas 240(1)a) à c) et s’il sera en mesure de le faire.

Choix de destination

(2) L’étranger doit ensuite soumettre à l’approbation de l’agent le pays de destination qu’il a choisi; l’approbation n’est refusée que dans les cas suivants :

  • o a) l’étranger constitue un danger pour le public;

  • o b) il est un fugitif recherché par la justice au Canada ou dans un autre pays;

  • o c) il cherche à échapper à des contraintes juridiques au Canada ou dans un autre pays.

Exécution forcée

239 Si l’étranger ne se conforme pas volontairement à la mesure de renvoi, si une décision défavorable est rendue aux termes du paragraphe 238(1) ou si son pays de destination n’est pas approuvé aux termes du paragraphe 238(2), le ministre exécute la mesure de renvoi.

Questions en litige

[39]  Je formulerais ainsi les questions en litige soulevées dans la présente affaire :

  (i)  Quel était le contenu de l’obligation d’équité dont il convenait de faire preuve à l’égard de la demanderesse et cette obligation a-t-elle été enfreinte?

  (ii)  La décision était-elle raisonnable?

[40]  Bien que la demanderesse ait également soulevé une question préliminaire en cherchant à faire radier l’affidavit de Stephanie Miller, assistante juridique au ministère de la Justice, fait sous serment le 24 novembre 2017, auquel est joint, comme pièce A, la recommandation de poursuite déposée par la demanderesse dans l’ERAR (affidavit de Stéphanie Miller), lors de l’audience devant moi, la demanderesse a indiqué que cette question n’a pas été traitée.

[41]  Le défendeur a soulevé comme question préliminaire la question de savoir si la demanderesse démontrait devant la Cour une attitude irréprochable. Cette position se fonde sur le fait que le 21 septembre 2017, les observations écrites présentées à l’agent d’exécution à l’appui de la demande en application du paragraphe 238(1) indiquent que l’affidavit de la demanderesse, ainsi que tous les documents connexes, ont été fournis. Cependant, le défendeur fait valoir que la demanderesse a, en effet, omis de produire des documents déposés dans l’ERAR qui confirmaient qu’elle avait été accusée de fraude contractuelle en série en Chine. En outre, la demanderesse a soutenu devant notre Cour qu’il n’existait pas de dossier de la preuve présenté à l’agent d’exécution sur lequel la décision en vertu de l’alinéa 238(2)c) pourrait avoir été fondée pour radier l’affidavit de Stéphanie Miller. Le défendeur a fait valoir qu’il serait déraisonnable pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur de la demanderesse, étant donné qu’elle a délibérément tenté de tromper le tribunal.

[42]  Premièrement, je remarque que lorsque la demanderesse est comparue devant moi, elle a abandonné sa position selon laquelle l’agent d’exécution ne pouvait pas se fonder sur les documents d’ERAR, y compris la recommandation de poursuite, qui figurent également dans le dossier certifié du tribunal (DCT) en l’espèce. Deuxièmement, bien que le 21 septembre 2017, les observations écrites indiquant que l’affidavit de la demanderesse comprenait tous les documents pertinents puissent avoir été malhonnêtes, les renseignements omis ont été présentés à l’agent d’exécution, comme cela a été établi dans le DCT. Par conséquent, cette omission n’a pas porté atteinte à la procédure. En effet, le dossier renferme un courriel du 25 juillet 2016 dans lequel la demanderesse a présenté des observations préalables à l’ASFC en demandant de retourner volontairement à Antigua aux termes du paragraphe 238(1), y compris l’affidavit du 11 juillet 2016 de la demanderesse, dont la pièce E était la recommandation de poursuite. Compte tenu des circonstances de la présente affaire et des critères exposés dans l’arrêt Thanabalasingham c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 14, au paragraphe 10, je ne suis pas convaincue que le comportement dénoncé est tel que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et rejeter la demande en raison d’une conduite qui n’était pas irréprochable, sans rendre une décision sur le fond.

Norme de contrôle

[43]  La demanderesse soutient que les questions quant à la partie à laquelle le fardeau de la preuve appartient (c.-à-d. s’il incombe à la demanderesse de démontrer que l’alinéa 238(2)c) ne s’applique pas, ou si le ministre doit démontrer qu’il s’applique) et quant à l’obligation d’équité procédurale qui est nécessaire relativement aux droits de participation en application du paragraphe 238(2) du RIPR doivent être examinées selon la norme de la décision correcte, car il s’agit de pures questions de droit qui ne relèvent pas des connaissances et de l’expertise des agents de renvoi et qui ont de vastes répercussions dans l’ensemble du système juridique (Dunsmuir).

[44]  Le défendeur soutient que la conclusion de l’agent d’exécution selon laquelle la demanderesse échappait aux contraintes juridiques impliquait des questions de droit et de fait et est assujettie à la norme de la décision raisonnable tandis que les questions d’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte (Khosa).

[45]  Il est un fait bien établi que la norme de contrôle pour les questions d’équité procédurale est la norme de la décision correcte (Dunsmuir, au paragraphe 50; Khosa, au paragraphe 43; Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79; Canadian Pacific Railway Company v. Canada (Attorney General), 2018 CAF 69, au paragraphe 34 [Canadian Pacific]) et qu’aucune déférence n’est exigée aux termes de cette norme. En l’espèce, le rôle de notre Cour est de déterminer le contenu de l’obligation d’équité qui est due, puis d’établir si le décideur s’est acquitté de cette obligation ou s’il a manqué à celle-ci. En d’autres termes, si la procédure était équitable compte tenu de toutes les circonstances. La norme de la décision correcte dans le contexte de l’équité procédurale signifie que la cour de révision doit conclure que le droit à une équité procédurale a été respecté (Canadian Pacific, aux paragraphes 49 à 54).

[46]  Il est aussi bien établi que la norme de la décision raisonnable s’applique aux décisions qui soulèvent des questions de droit et de fait. Aux termes de cette norme, la Cour s’en tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47).

i)  Quel était le contenu de l’obligation d’équité dont il convenait de faire preuve à l’égard de la demanderesse et cette obligation a-t-elle été enfreinte?

Position de la demanderesse

[47]  La demanderesse soutient que le libellé de l’article 238 du RIPR prévoit clairement que si un demandeur respecte les exigences des alinéas 238(1)a) et b), alors l’agent « doit » approuver le choix du pays présenté par le demandeur, sauf si l’un des trois critères mentionnés aux alinéas 238(2)a), b) ou c) est démontré. Il incombait au ministre de présenter les éléments de preuve et des arguments à l’appui de la décision de rejeter l’exécution volontaire fondée sur le paragraphe 238(2), ce que le ministre a omis de faire.

[48]  En l’espèce, la demanderesse soutient que les principes de base en matière d’équité procédurale exigent que si le ministre doit rejeter une demande de renvoi volontaire, il doit présenter les éléments de preuve sur lequel il s’appuie en vertu du paragraphe 238(2), offrir au demandeur la possibilité de répondre, puis exposer clairement le raisonnement juridique selon lequel la demande est rejetée, ainsi que les éléments de preuve à l’appui de cette décision. Dans la plupart de ces circonstances, l’interdiction de territoire d’un demandeur serait fondée sur la criminalité déterminée par la SI, aux termes de l’alinéa 36b) ou c) de la LIPR qui offre un niveau élevé de droits de participation avant qu’un agent d’exécution ne décide des modalités de son renvoi. En l’espèce, toutefois, aucune enquête n’a été menée. Par conséquent, le ministre n’a pas présenté des arguments à l’appui de la décision en vertu du paragraphe 238(2) et la demanderesse n’a pas eu la possibilité de répondre à ces arguments.

[49]  L’examen du paragraphe 238(2) dans le contexte des critères exposés dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker] mène à la conclusion selon laquelle un niveau élevé de droits de participation doit être proposé, précisément une audience au cours de laquelle le ministre présente ses arguments complets et offre au demandeur la possibilité de répondre. Au lieu de cela, d’après uniquement la notice rouge d’Interpol, il a été décidé de façon sommaire que la demanderesse échappait à la justice ou était une fugitive. Cependant, une notice rouge d’Interpol, en soi, ne fait pas d’un individu un fugitif recherché par la justice et la demanderesse n’a pas eu la possibilité de contester le fondement de ce rapport.

[50]  En outre, l’affidavit de Janet Lewicki, une parajuriste du ministère de la Justice, assermenté le 29 septembre 2017 et déposé en réponse aux requêtes de la demanderesse demandant un sursis à l’exécution de son renvoi (l’affidavit de Mme Lewicki) indique que [traduction] « [l’]ASFC n’a pas procédé à l’audience sur l’interdiction de territoire, étant donné qu’aucun élément de preuve ne pouvait être divulgué pour appuyer l’allégation d’admissibilité sur le plan judiciaire ». Cela va à l’encontre du paragraphe 238(2) Décision de renvoi volontaire. La décision du ministre de ne pas mener une audience de la SI a ôté à la demanderesse la possibilité de présenter ses arguments et le ministre tente désormais de profiter de cette décision, suggérant que la demanderesse peut retourner en Chine sans protection de l’application régulière de la loi.

[51]  La demanderesse, en outre, soutient que les notices rouges d’Interpol ne font pas l’objet d’un examen minutieux et contiennent simplement les allégations du pays qui les présente. Une décision complète doit être prise selon laquelle, si le crime avait été commis au Canada, il constituerait une infraction à la loi fédérale. L’omission de le faire créerait une situation dans laquelle des individus seraient renvoyés dans des régimes oppressifs pour subir un procès pour des actes qui ne sont pas illégaux au Canada ou pour lesquels il n’existe pas de fondement probatoire pour appuyer en toute légitimité une telle accusation. En l’espèce, les éléments de preuve documentaire établissent que le système judiciaire en Chine n’est pas équitable ou impartial et que selon la demanderesse, elle est la cible d’un contentieux corrompu. Par conséquent, elle n’échappe pas à des contraintes juridiques.

Position du défendeur

[52]  Le défendeur soutient que la LIPR ne reflète pas le processus de décision relativement à l’exécution volontaire des mesures de renvoi, comme l’a exposé la demanderesse. Au lieu de cela, le processus du paragraphe 238(2) du RIPR est très informel et simple. L’étranger qui souhaite se conformer volontairement à une mesure de renvoi doit présenter son choix de destination à l’agent d’exécution qui approuve ce choix sauf si l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique, est un fugitif recherché par la justice au Canada ou dans un autre pays ou s’il cherche à échapper à des contraintes juridiques au Canada ou dans un autre pays. Si l’agent d’exécution n’approuve pas la demande du pays de destination, l’article 239 du RIPR déclenche l’exécution et l’agent d’exécution décide du pays de renvoi.

[53]  En l’espèce, les deux parties ont suivi le processus décisionnel décrit dans le RIPR. La demanderesse a présenté une demande écrite concernant l’endroit où elle souhaitait se rendre et a fourni des observations écrites expliquant pourquoi aucune des exceptions citées au paragraphe 238(2) ne s’appliquait. L’agent d’exécution a examiné sa demande et ses observations, mais n’a pas été convaincu. Par conséquent, il a été contraint de rejeter la demande de renvoi à Antigua. Contrairement aux observations de la demanderesse, l’agent d’exécution n’a pas été tenu de mener une audience ou de conclure que la demanderesse était interdite de territoire pour criminalité en application du paragraphe 238(2) du RIPR.

[54]  En outre, le paragraphe 238(2) du RIPR ne peut être mis en application qu’une fois qu’une mesure de renvoi valide est en place et, en l’espèce, la demanderesse avait déjà une mesure de renvoi valide du Canada rendue à son encontre. La décision d’une interdiction de territoire pour criminalité, en revanche, est habituellement utilisée par la SI pour obtenir une mesure de renvoi. Ce tribunal a un cadre procédural qui s’apparente à ce que la demanderesse soutient. En l’espèce, la demanderesse a bénéficié de l’équité procédurale en demandant un renvoi volontaire et en présentant des observations expliquant pourquoi elle pensait qu’elle n’était pas visée par les exceptions mentionnées. L’agent d’exécution, de son côté, a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux critères énoncés à l’alinéa 238(2)c) du RIPR, faisant remarquer que ses observations sur ce point étaient incomplètes. Le processus de contrôle judiciaire est la tribune pour contester le motif de rejet de l’agent d’exécution de la demande de renvoi volontaire.

[55]  Le défendeur soutient en outre que le fardeau de prouver qu’une mesure d’expulsion valide est un subterfuge ou n’est pas de bonne foi incombe à la partie faisant cette allégation. Ce n’est pas la SI qui décide dans quel pays un étranger retournera, mais le ministre, et l’individu susceptible de renvoi est privé de la possibilité de choisir le pays de destination lorsqu’il est un fugitif recherché par la justice au Canada ou dans un autre pays (Khalifa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 C.F. 1re inst. 1145, aux paragraphes 25, 27 et 28 [Khalifa]).

[56]  Le défendeur soutient que l’agent d’exécution a examiné les éléments de preuve documentaire et les observations de la demanderesse concernant l’alinéa 238(2)c) et qu’il a conclu que ceux-ci n’étaient pas convaincants en ce sens qu’elle n’a pas correctement expliqué dans quelle mesure elle ne cherchait pas à échapper à des contraintes juridiques au Canada ou dans un autre pays. Outre la notice rouge d’Interpol selon laquelle les autorités chinoises souhaitaient incarcérer la demanderesse, celle-ci a fourni la recommandation de poursuite pour appuyer son ERAR. Ce document fait observer que la demanderesse et plusieurs autres individus ont été accusés criminellement de fraude contractuelle en série. Il y avait donc à première vue un élément de preuve documentaire selon lequel la demanderesse échappait à des contraintes juridiques en Chine. La recommandation de poursuite combinée à la notice rouge d’Interpol était un élément de preuve suffisant pour que l’agent d’exécution tire une conclusion en vertu de l’alinéa 238(2)c) du RIPR et la demanderesse connaissait l’existence de ces deux documents.

Analyse

[57]  À mon avis, la première question que notre Cour doit traiter est de savoir quel était le contenu de l’obligation d’équité dont il convenait de faire preuve à l’égard de la demanderesse dans ces circonstances. Une fois que nous aurons répondu à cette première question, la Cour devra ensuite établir si l’obligation a été remplie ou, comme cela est indiqué dans Canadian Pacific, elle devra répondre à la question fondamentale de savoir si la demanderesse connaissait les éléments invoqués contre elle et si elle avait une occasion totale et équitable de répondre (au paragraphe 56). En l’espèce, le RIPR ne prévoit pas des exigences d’équité procédurale précises pour des décisions relatives à des demandes de renvoi volontaires, en dehors du fait qu’un demandeur doit comparaître devant l’agent relativement à son intention et à ses moyens de se conformer à la mesure de renvoi (paragraphe 238(1)), puis présenter son choix du pays de destination à l’agent (paragraphe 238(2)).

[58]  Il est bien établi que la notion d’équité procédurale est variable, que son contenu doit être décidé dans le contexte précis de chaque affaire et que toutes les circonstances de l’affaire doivent être examinées en déterminant le contexte de l’obligation due (Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 RCS 653, à la page 682; Baker, aux paragraphes 20 à 22; Canadian Pacific, au paragraphe 40).

[59]  Le contenu de l’obligation d’équité est déterminé par les facteurs Baker qui ne sont pas exhaustifs (paragraphes 21, 22 et 28). Le premier facteur est la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir. Plus le processus administratif se rapproche du processus judiciaire, plus des garanties procédurales sont nécessaires. En l’espèce, le processus administratif adopté par l’ASFC ne ressemble pas à un processus judiciaire. Par conséquent, ce facteur n’indique pas un niveau élevé d’équité procédurale.

[60]  Le facteur Baker suivant est la nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit le décideur. Le rôle de l’article 238, dans le cadre du régime législatif pertinent, est de faciliter la conformité volontaire à une mesure de renvoi qui est devenue exécutoire (Revich c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 852, au paragraphe 22), sous réserve des exceptions au paragraphe 238(2). La décision détermine le pays dans lequel le demandeur sera renvoyé. Le demandeur n’a pas le droit de faire appel, bien qu’il puisse demander une révision judiciaire de la décision de l’agent d’exécution. À mon avis, ce facteur offre un niveau moyen de protection procédurale.

[61]  Le troisième facteur est l’importance de la décision pour la personne visée. La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker a conclu que plus la décision était importante pour la vie des personnes visées et plus les répercussions sur ces personnes étaient importantes, plus les protections procédurales requises devaient être strictes. En l’espèce, l’importance de la décision pour la demanderesse est très grande. Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la décision d’ERAR était déraisonnable, si son renvoi volontaire à Antigua n’est pas approuvé et si elle est renvoyée en Chine, pays de destination choisi par le ministre, elle retournera dans un pays où elle pense qu’elle est exposée à un risque de poursuites judiciaires inappropriées, à une détention indéterminée et à de mauvais traitements, des abus et de la torture. Ce critère joue fortement en faveur d’un haut degré d’équité procédurale.

[62]  L’arrêt Baker aborde ensuite les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision. Cependant, rien n’indique que la demanderesse s’attendait en toute légitimité à ce qu’un processus particulier soit suivi en l’espèce. Le dernier facteur correspond aux choix de procédure que l’organisme fait lui-même et au respect à l’égard de ces choix. Cela est en particulier le cas lorsque la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures ou lorsque l’organisme possédait l’expertise pour déterminer les processus appropriés aux circonstances. Cependant, comme cela a été souligné dans l’arrêt Canadian Pacific, la déférence dont on peut faire preuve envers le choix de procédure d’un tribunal est seulement un facteur qui aide à calibrer le degré d’équité procédurale requis. En l’espèce, la LIPR et le RIPR sont muets sur la procédure et l’ASFC semble avoir choisi la procédure qu’elle jugeait appropriée, à savoir l’acceptation des observations faites par la demanderesse.

[63]  En l’espèce, certains des facteurs de l’arrêt Baker semblent indiquer un haut degré d’équité procédurale tandis que d’autres proposent des protections à une partie inférieure de l’échelle. Globalement, à mon avis, la demanderesse devait bénéficier au moins du droit de connaître la preuve contre elle et de la possibilité de la réfuter. Comme nous le verrons ci-dessous, elle n’a pas bénéficié de ces protections.

[64]  La demanderesse a demandé qu’elle soit autorisée à se conformer volontairement à la mesure de renvoi et à retourner à Antigua. Conformément au paragraphe 238(2), elle a présenté son choix de destination à l’agent d’exécution. L’agent d’exécution était tenu d’approuver ce choix sauf si la demanderesse était visée par l’une des trois exceptions énoncées aux alinéas 238(2)a), b) ou c). La demanderesse a fait des observations écrites datées du 21 septembre 2017 (les parties ont confirmé à la Cour qu’elles ont été par inadvertance omises du DCT; elles figuraient dans le dossier de la demanderesse). Dans ces observations, elle a présenté son opinion selon laquelle il incombait au ministre de démontrer qu’elle était visée par les exceptions du paragraphe 238(2) et de tels éléments de preuve n’avaient pas été fournis. Elle a soutenu que l’équité procédurale nécessitait que le ministre lui fournisse l’information sur laquelle il s’est appuyé pour prendre la décision en vertu du paragraphe 238(2), lui donne la possibilité de répondre à cette décision et qu’il fournisse les motifs au rejet fondés sur les éléments de preuve. La demanderesse a également abordé les alinéas 238a), b) et c).

[65]  Comme il a été mentionné plus haut, les observations écrites du 21 septembre 2017 de la demanderesse présentées à l’agent d’exécution indiquaient qu’à l’appui de sa demande, elle avait inclus son affidavit également daté du 21 septembre 2017, avec tous les documents pertinents. Elle a demandé que tous les documents sur lesquels l’ASFC s’est appuyée soient fournis et que son avocate soit autorisée à répondre avant qu’une décision soit prise. Les motifs, dans le cas d’une décision défavorable, ont également été demandés. La correspondance dans le DCT indique qu’une demande similaire a été incluse dans les observations du 25 juillet 2016 de la demanderesse et que cette dernière a présenté plusieurs demandes préalables de divulgation.

[66]  Le DCT ne contient aucun document relatif aux accusations criminelles alléguées autres que celles fournies par la demanderesse elle-même. Plus précisément, les renseignements ont été joints aux observations préalables de la demanderesse demandant un renvoi volontaire dataient du 25 juillet 2016 qui étaient jointes à l’affidavit du 11 juillet 2016 de la demanderesse. La pièce D de cet affidavit semble être une copie imprimée du site Web d’Interpol. Elle indique uniquement que la demanderesse est recherchée par l’autorité judiciaire compétente de Chine à des fins de poursuite et pour purger une peine. Aucun autre détail n’est fourni. La pièce E est la recommandation de poursuite; la pièce F correspond aux lettres du mois de juillet et du mois de novembre de Mme Ye et la pièce C contient la demande de divulgation de documents par l’ASFC de l’avocate.

[67]  Outre la recommandation de poursuite, que son avocate a obtenue et qui ne nomme pas la demanderesse en tant que personne soupçonnée de crime, la demanderesse ne connaît pas les arguments auxquels elle va devoir répondre étant donné que l’ASFC n’a pas divulgué d’information à ce sujet. Elle a donc été privée d’une possibilité de répondre à ces arguments. En effet, l’affidavit de Mme Lewicki déposé par le défendeur lorsqu’il s’est opposé à la demande de sursis de la demanderesse indique que l’audience sur l’interdiction de territoire n’a pas eu lieu [traduction] « étant donné qu’il n’existait pas d’éléments de preuve pouvant être divulgués pour appuyer l’allégation d’admissibilité sur le plan judiciaire ». Il est possible qu’Interpol exige que les États participants ne divulguent pas le fondement probatoire fourni pour la publication d’une notice rouge. Cependant, il n’existe pas d’élément de preuve au dossier à ce sujet. Et, dans ce cas, on s’attendrait à ce que l’ASFC fournisse au moins à la demanderesse un résumé ou décrive les éléments de preuve mis à la disposition de l’agent d’exécution et examinés par ce dernier.

[68]  Cependant, l’agent d’exécution n’a pas répondu, de quelque façon que ce soit, à la demande de divulgation de documents de la demanderesse. Aucun motif ou aucune explication n’ont été donnés et, comme cela est mentionné plus haut, le DCT ne contient aucune information autre que celle fournie par la demanderesse sur laquelle l’agent d’exécution pourrait s’être appuyé au moment de prendre sa décision.

[69]  Bien que le défendeur soutienne que la recommandation de poursuite fournit à première vue des éléments de preuve suffisants sur lesquels l’agent d’exécution peut fonder sa décision, ce dernier ne fait aucune référence à ces éléments de preuve ou au fait qu’ils suffisent pour appuyer sa conclusion. La décision indique seulement que les observations de la demanderesse étaient [traduction] « incomplètes en ce qui concerne la citation de l’alinéa 238(2)c) de la LIPR ». Il n’est pas possible de déterminer, à partir du dossier ou de ces motifs, dans quelle mesure les observations étaient incomplètes et si, comme le défendeur le soutient, l’agent d’exécution s’est appuyé sur les documents présentés par la demanderesse lorsqu’il a pris cette décision, qu’il a conclu que seule une preuve prima facie devait être réfutée et que ces documents ont satisfait à cette exigence.

[70]  En l’espèce, la décision Khalifa, sur laquelle s’est appuyé le défendeur, n’apporte pas une aide. Dans cette décision, le demandeur a demandé de surseoir à une audience d’interdiction de territoire en raison d’une partialité, parce qu’il serait contraint de témoigner contre ses intérêts et que l’audience sur l’interdiction de territoire était une audience d’extradition déguisée. Sur ce dernier point, le demandeur a fait valoir que le refus de la CISR d’accepter son offre d’être renvoyé volontairement au Liban était réellement une forme déguisée d’extradition. La Cour a examiné les six principes qui s’appliquent à des affaires où une forme déguisée d’extradition est alléguée. Ils comprenaient les fins d’expulsion. Si l’objectif du gouvernement était de remettre un criminel fugitif à la demande d’un gouvernement étranger, alors cela n’était pas un exercice légitime du pouvoir d’expulsion. Cependant, il incombe au demandeur alléguant l’exercice de pouvoir illégitime de l’établir. La Cour a conclu que le demandeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau. En outre, la décision Khalife a indiqué que la SI ne décide pas de l’endroit où un individu est envoyé après son renvoi. Le ministre prend cette décision après que le demandeur a été déclaré interdit de territoire. Un individu est privé de la possibilité de choisir le pays de destination s’il est un fugitif recherché par la justice en application de l’alinéa 238(2)b).

[71]  Ainsi, si une audience d’interdiction de territoire était tenue et qu’un individu était déclaré interdit de territoire pour criminalité, alors l’enquête, aux termes de cette disposition, y compris la divulgation d’éléments de preuve, s’intéresserait à l’alinéa 238(2)b), étant donné que toute condamnation aurait été confirmée et que si des peines avaient été purgées, elles auraient été connues. Si cela n’était pas le cas, alors cela signifierait que le demandeur est un fugitif recherché par la justice.

[72]  En l’espèce, toutefois, la demanderesse n’a pas fait valoir qu’il s’agissait d’une affaire d’extradition déguisée. Par conséquent, il n’y a pas lieu de s’acquitter d’une obligation d’établir un but illégitime de la part du gouvernement. En outre, le refus ne suivait pas une audience d’interdiction de territoire et les étapes procédurales qu’elle aurait entraînées. Au lieu de cela, il est fondé sur l’alinéa 238(2)c) selon lequel la demanderesse cherche à échapper à des contraintes juridiques en Chine. À mon avis, pour tirer la conclusion selon laquelle l’alinéa 238(2)c) s’appliquait, un fondement probatoire était nécessaire. La demanderesse a eu droit à la divulgation de ces éléments de preuve ou au moins à une explication de l’impossibilité de leur divulgation, si cela était le cas, ainsi qu’à une confirmation selon laquelle l’agent d’exécution avait examiné les éléments de preuve à l’appui dont il disposait et à une description de leur contenu. Cela offrirait à la demanderesse une possibilité de connaître la preuve pesant contre elle et de la réfuter.

[73]  Bien que je ne sois pas d’accord avec la demanderesse selon laquelle une audience sur l’interdiction de territoire ou un processus d’audience similaire était nécessaire, y compris une audience, le contenu de l’équité procédurale requis en l’espèce comprenait le fait que la demanderesse soit avisée de la preuve pesant contre elle, qu’elle soit capable de la réfuter et de faire examiner ces observations intégralement et équitablement. Cela n’était pas le cas et, par conséquent, la décision était inéquitable sur le plan de la procédure et ne peut être maintenue.

ii)  La décision était-elle raisonnable?

[74]  Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la décision a été prise d’une manière inéquitable sur le plan de la procédure, je n’ai pas besoin d’aborder son caractère raisonnable. Cependant, et dans tous les cas, la décision de renvoi volontaire n’était pas raisonnable, car elle manquait de justification, de transparence et d’intelligibilité. Les motifs extrêmement brefs ne permettent pas à la Cour en révision de comprendre pourquoi l’agent d’exécution a décidé que la demanderesse cherchait à échapper à des contraintes juridiques, pourquoi l’agent d’exécution a décidé que les observations de la demanderesse sur ce point étaient « incomplètes » ou comment l’agent d’exécution a abordé les éléments de preuve de la demanderesse selon lesquels les accusations ont été portées malgré un défaut de compétence. L’agent d’exécution ne fait aucune référence à des éléments de preuve établissant comment la demanderesse cherche à échapper à des contraintes juridiques ou aux observations de la demanderesse qui abordaient expressément les trois facteurs du paragraphe 238(2). Bien que l’insuffisance des motifs ne permette pas à elle seule de casser une décision, en l’espèce, les motifs ne me permettent pas de comprendre pourquoi l’agent d’exécution a pris sa décision et de savoir si la conclusion appartient aux issues acceptables. Par conséquent, elle n’est pas raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 à 16; Dunsmuir).

Question à certifier

[75]  Le demandeur propose la question suivante à des fins de certification au titre de l’alinéa 74d) de la LIPR :

Quelle est l’obligation d’équité, relativement aux droits de participation, qui est exigée par les agents prenant des décisions en vertu du paragraphe 238(2) du Règlement?

[76]  La demanderesse soutient que la question est de portée générale, car elle s’applique à toutes les demandes de renvois volontaires faites aux termes du paragraphe 238(2) du RIPR. De telles décisions ont des conséquences extrêmes pour les demandeurs et, étant donné que la jurisprudence actuelle quant à l’obligation d’équité due lors de la prise de telles décisions est clairsemée, les agents sont mal informés sur l’obligation qui est due. La mise en place d’un processus permettrait de s’assurer que de tels demandeurs bénéficient tous des mêmes protections procédurales. Cette question est aussi déterminante, étant donné que le niveau des droits de participation conférés en l’espèce ne satisferait même pas aux exigences minimales de l’arrêt Baker.

[77]  Le défendeur s’oppose à la question proposée, étant donné qu’elle n’est pas déterminante dans l’affaire. La question quant aux droits de participation est de nature théorique et n’est pas pertinente pour les circonstances factuelles de la présente affaire.

[78]  La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lunyamila c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, a récemment revu les critères qui doivent être satisfaits pour la certification d’une question proposée :

[46]  La Cour a récemment réitéré, dans l’arrêt Lewis c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) 2017 CAF 130, au paragraphe 36, les critères de certification. La question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. Cela signifie que la question doit avoir été examinée par la Cour fédérale et elle doit découler de l’affaire elle-même, et non simplement de la façon dont la Cour fédérale a statué sur la demande. Un point qui n’a pas à être tranché ne peut soulever une question dûment certifiée (arrêt Lai c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CAF 21, 29 Imm. L.R. (4th) 211, au paragraphe 10) Il en est de même pour une question qui est quelque peu théorique et dont la réponse dépend des faits qui sont uniques à l’affaire (arrêt Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, 485 N.R. 186, aux paragraphes 15 et 35).

[47]  Malgré ces exigences, la Cour a considéré qu’elle n’est pas limitée dans son analyse par le libellé de la question certifiée, et qu’elle peut la reformuler pour capturer la véritable question juridique présentée (arrêt Tretsetsang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 175, 398 D.L.R. (4th) 685, par le juge Rennie, au paragraphe 5. (motifs dissidents, mais pas sur ce point); arrêt  Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Ekanza Ezokola, 2011 CAF 224, [2011] 3 R.C.F 417, aux paragraphes 40 à 44, confirmé sans remarque sur ce point par l’arrêt Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, [2013] 2 R.C.S. 678). Il est entendu que toute question reformulée doit également satisfaire aux critères applicables à une question dûment certifiée.

[79]  À mon avis, bien que les circonstances de la présente affaire soient quelque peu uniques, étant donné que l’ERAR connexe a été jugé déraisonnable et qu’il n’y a pas eu d’audience d’interdiction de territoire, la question proposée par la demanderesse est appropriée à des fins de certification. Par conséquent, je certifierai la question, légèrement reformulée, comme suit :

Quel est le contenu de l’obligation d’équité procédurale à laquelle les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada sont tenus lorsqu’ils prennent la décision, aux termes des alinéas 238(2)a), b) ou c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, de refuser d’approuver le choix de destination d’un demandeur qui se conforme volontairement à une mesure de renvoi?


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS IMM-4026-17 et IMM-4079-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

IMM-4026-17 (ERAR)

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’agent responsable de l’ERAR est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  2. Aucune question de portée générale n’est proposée par les parties et aucune n’est soulevée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

IMM-4079-17 (décision de renvoi volontaire)

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’agent responsable de l’ERAR est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  3. La question suivante est certifiée :

Quel est le contenu de l’obligation d’équité procédurale à laquelle les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada sont tenus lorsqu’ils prennent la décision, aux termes des alinéas 238(2)a), b) ou c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, de refuser d’approuver le choix de destination d’un demandeur qui se conforme volontairement à une mesure de renvoi?

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4026-17

 

INTITULÉ :

AI YANG c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

ET DOSSIER :

IMM-4079-17

 

INTITULÉ :

AI YANG c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 mars 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 mai 2018

 

COMPARUTIONS :

Aadil Mangalji

 

Pour la demanderesse

 

Michael Butterfield

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Long Mangalji LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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