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Date : 20180501


Dossier : T-2238-16

Référence : 2018 CF 464

Montréal (Québec), le 1er mai 2018

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

PIERRE FOURNIER (ANCIEN COMBATTANT)

Demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  M. Pierre Fournier, le demandeur, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par le Comité d’appel de l’admissibilité du Tribunal des anciens combattants [le Comité d’appel] lui refusant le droit à une indemnité d’invalidité aux termes de l’article 45 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, LC 2005, c 21 [la Loi].

[2]  M. Fournier plaide que le Comité d’appel a erré dans son interprétation des articles 45 et 2(1) de la Loi en lui imposant le fardeau de démontrer que son invalidité a été causée par la négligence du personnel médical des Forces armées canadiennes [les Forces]. Il soutient essentiellement que l’arrêt Jean-Guy Mérineau c Sa Majesté la Reine [1983] 2 RCS 362 [Mérineau] de la Cour suprême du Canada et la décision du Conseil de révision des pensions de 1978 [Décision I-25] ne doivent pas être suivis et que l’invalidité dont il souffre doit être reconnue comme étant liée au service au sens de l’article 45 de la Loi sans égard à quelque notion de faute, ceci en raison du fait qu’il s’agit d’un effet secondaire causé par un traitement administré sous l’autorité des Forces. M. Fournier soutient subsidiairement que le Comité d’appel a erré dans son application de l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18 [Loi sur le Tribunal] en concluant qu’il ne s’était pas déchargé de son fardeau de démontrer que son invalidité était consécutive à son service militaire et en omettant d’examiner tous les éléments de preuve soumis.

[3]  Le procureur général du Canada [PGC] répond que la condition de M. Fournier résulte d’une condition personnelle qui n’est pas due ou liée à son service militaire. Ainsi, pour que son droit à une indemnité soit reconnu, M. Fournier doit démontrer une négligence commise par un professionnel des Forces dans l’administration des soins, ce qu’il n’a pas réussi. Le PGC soutient donc que la décision du Comité d’appel est raisonnable.

[4]  Pour les motifs exposés ci-dessous, la Cour accueillera la demande de contrôle judiciaire.

II.  Contexte factuel

[5]  De 1981 à 2014, M. Pierre Fournier est membre des Forces. Le 19 juin 2006, alors qu’il se trouve à l’Institut de Cardiologie de Montréal pour une consultation en lien avec une péricardite, le Dr L’Allier, médecin civil, prescrit à M. Fournier 300 mg de sulfate de quinine [quinine] pour son « syndrome des jambes sans repos ».

[6]  Afin de respecter la procédure médicale militaire, M. Fournier présente la prescription reçue du médecin civil au Dr Gaudreau, médecin militaire, qui l’approuve. La pharmacienne à qui M. Fournier présente ensuite sa prescription exprime des réserves et lui indique qu’un test sanguin G6-PD serait nécessaire au préalable. M. Fournier retourne auprès du Dr Gaudreau qui lui confirme que le test précité n’est pas nécessaire (Dossier certifié du Tribunal [DCT], aux pages 115-116). Ainsi, le ou vers le 20 juin, M. Fournier débute donc la prise de sulfate de quinine.

[7]  M. Fournier affirme qu’à partir du 30 juin 2006, il commence à ressentir de la douleur dans les jambes et de la fatigue et que du 1er au 4 juillet 2006, il consulte à l’hôpital militaire. La première mention d’une consultation dans son dossier médical militaire ne date que du 4 juillet 2006, mais à tout évènement, M. Fournier est alors dirigé vers le Centre de santé et des services sociaux [CSSS] de Chicoutimi (Dossier du demandeur, p 24).

[8]  Selon le dossier du demandeur, le 5 juillet 2006, M. Fournier se rend à l’urgence du CSSS de Chicoutimi où un médecin civil constate le purpura sur ses jambes. Le ou vers le 6 juillet, M. Fournier retourne au CSSS pour consulter un médecin concernant son « rash » et le médecin de l’urgence le réfère à la Dre Leclerc, dermatologue. Le 5 et/ou le 6 juillet, M. Fournier consulte Dre Leclerc, et un prélèvement cutané est réalisé aux fins d’examen. Enfin, le 6 juillet, M. Fournier cesse de prendre la quinine (Dossier du demandeur, p 36). Le 14 juillet 2006, les résultats d’une biopsie et le diagnostic de Dr Michel Lessard indiquent une altération histologique suggestive d’un purpura pigmentaire chronique et pas d’évidence de changement vasculitique.

[9]  Le 17 juillet 2006, la Dre Leclerc pose le diagnostic de vasculite médicamenteuse. Sur une fiche d’examen médical du 24 juillet 2006, le Dr Lapointe, médecin militaire, indique le diagnostic de « vasculite sévère médicamenteuse », et note que la quinine serait la coupable et que la prise de ce médicament aurait cessé.

[10]  En septembre 2006, M. Fournier présente une demande de prestations d’invalidité au ministère des Anciens combattants [le Ministère] pour sa vasculite médicamenteuse. Une copie de cette demande se trouve dans le DCT et dans le dossier du demandeur. La demande consiste notamment en un formulaire signé par M. Fournier le 24 août 2006 et des copies de notes médicales confirmant le diagnostic de vasculite posé par la Dre Leclerc (médecin civil) le 17 juillet 2006 et par le Dr Lapointe (médecin militaire) le 24 juillet 2006.

[11]  Le 2 mai 2007, le Ministère rejette la demande de M. Fournier et conclut que « la vasculite médicamenteuse (00739) n’ouvre pas droit à une indemnité d’invalidité en vertu de l’article 45 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (LMRIMVFC), service dans les forces régulières ». Le Ministère accepte le diagnostic de vasculite médicamenteuse, mais considère que la documentation soumise par M. Fournier ne « fournit aucune information permettant d’établir un lien de cause à effet entre l’affection réclamée » et ses fonctions militaires, et conclut que l’affection n’est pas consécutive ou directement rattachée à son service.

[12]   M. Fournier conteste le refus du Ministère auprès du comité de révision de l’admissibilité du Tribunal des anciens combattants Canada [le Comité de révision]. M. Fournier invoque alors la négligence médicale du personnel médical des Forces, et soumet de la nouvelle preuve, notamment une lettre du Dr René Jacques datée du 6 novembre 2013 dans laquelle ce dernier indique que le problème de M. Fournier est la quinine et, qu’à la lecture des indications et des effets adverses, elle ne « devrait pas être prescrite pour le syndrome des jambes sans repos (ce fut le cas en 2006) ». Il soutient que le test pour déterminer le niveau de G6-PD n’a pas de lien avec l’hypersensibilité à la quinine. À l’appui de sa demande de révision, M. Fournier soumet alors aussi un extrait du Bulletin canadien des effets indésirables de Santé Canada sur le sulfate de quinine daté d’avril 2011, une page Wikipédia sur la quinine, ainsi qu’un extrait de la monographie de la quinine datée d’octobre 2006.

[13]  Le ou vers le 29 juillet 2014, le Comité de révision rejette la demande de M. Fournier et confirme la décision du Ministère. Au titre de la question en litige, le Comité de révision considère qu’il doit déterminer si la condition de M. Fournier est consécutive ou directement rattachée à son service dans la force régulière.

[14]  Dans la section traitant de l’analyse et des raisons, le Comité de révision invoque la Décision I-25 et confirme le fardeau imposé au demandeur aux fins de soutenir une allégation de négligence ou de mauvaise administration médicale. Le Comité de révision conclut que l’affection n’ouvre pas droit à une indemnité, car M. Fournier n’a pas prouvé que les soins prodigués par les professionnels de la santé militaire en 2006 ne respectaient pas la norme de service appropriée ni qu’il y avait eu une négligence médicale de leur part. Par ailleurs, le Comité de révision ne répond alors pas à la question qu’il avait posée et n’indique ni dans son analyse ni dans sa conclusion, si l’affection de M. Fournier est, ou non, « consécutive ou rattachée à son service ».

[15]  M. Fournier conteste cette décision devant le Comité d’appel. Il soutient alors essentiellement que le Comité de révision a erré (1) en concluant que la Loi exige la preuve d’une négligence médicale avant qu’un droit à une indemnité puisse être octroyé et (2) en concluant que la preuve au dossier n’a pas établi la présence d’une négligence médicale. Il soutient notamment que la décision Hall c Canada (Procureur général), 2011 CF 1431 [Hall] prévoit qu’il n’est plus nécessaire de faire la preuve de la négligence médicale, que la Décision I-25 ne doit plus être suivie, et qu’il y avait de la preuve au dossier confirmant que la quinine était contre-indiquée pour le traitement du syndrome des jambes sans repos.

[16]  Le 24 novembre 2016, le Comité d’appel rejette l’appel de M. Fournier, confirme la décision du Comité de révision et refuse le droit à une indemnité aux termes de l’article 45 de la Loi. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

III.  Décision du Comité d’appel

[17]  La décision du Comité d’appel est divisée en six sections, soit (1) Introduction; (2) Questions préliminaires; (3) Question en litige; (4) Éléments de preuve et discussion; (5) Analyse/raisons et (6) Décision. Les sections (3) à (6) présentent un intérêt dans le cadre de la présente décision.

[18]  Le Comité d’appel formule la question en litige devant lui en ces termes : « Est-ce qu’il y a lieu d’accorder un droit à une indemnité d’invalidité pour l’affection de vasculite médicamenteuse de l’appelant ? ».

[19]  Au titre des Éléments de preuve et de la discussion, le Comité d’appel reprend les soumissions de l’avocat de M. Fournier, notamment (1) l’argument qu’il y a lieu d’accorder à M. Fournier une indemnité d’invalidité puisque sa vasculite médicamenteuse est consécutive ou directement rattachée à son service militaire dans la force régulière; (2) les faits non contestés; (3) différents éléments de preuve, tels la fiche d’examen du Dr Lapointe du 24 juillet 2006, l’opinion du Dr René Jacques du 6 novembre 2013 et le bulletin de Santé Canada d’avril 2011.

[20]  Le Comité d’appel reprend aussi les arguments de l’avocat de M. Fournier soutenant que le Comité de révision a erré (1) en se référant à la Décision I-25; (2) en concluant que la Loi exige la preuve d’une négligence médicale en l’espèce avant qu’un droit à une indemnité puisse être octroyé; et (3) en concluant que la preuve au dossier n’avait pas établi la présence d’une négligence médicale.

[21]  Le Comité d’appel note les références de l’avocat à la décision de notre Cour dans Hall et à l’argument de M. Fournier voulant que cette décision ait confirmé que la Décision I-25 ne tient plus, qu’il suffit qu’une invalidité résulte des soins reçus de la part du personnel médical militaire afin qu’une indemnisation soit accordée et qu’il n’est ainsi plus nécessaire, pour un membre des Forces, de prouver la négligence médicale pour ouvrir le droit à une indemnité. Il note aussi les arguments de M. Fournier selon lesquels le régime de la Loi en est un « sans faute » et que le demandeur doit démontrer que son affection est consécutive ou directement rattachée à son service, ce qui est le cas en l’espèce puisque l’affection dont souffre M. Fournier résulte directement du traitement qu’il a reçu avec l’approbation des autorités militaires.

[22]  Pour clore la section des Éléments de preuve et discussion, le Comité d’appel réfère à l’argument soulevé par l’avocat de M. Fournier selon lequel, à tout évènement, la négligence médicale a été prouvée, essentiellement par le contenu de la lettre du Dr Jacques du 6 novembre 2013 et par le document australien d’août 2011.

[23]  Dans la section Analyse/Raisons de sa décision, le Comité d’appel rappelle les règles qu’il doit appliquer en matière de preuve en vertu de l’article 39 de la Loi sur le Tribunal et il répond ainsi aux trois questions soumises par l’avocat du demandeur, soit :

  1. L’arrêt (sic) Hall indique-t-il qu’on ne doit plus faire la preuve de négligence médicale ? Non

  2. Est-ce que la décision d’interprétation I-25 est toujours applicable ? Oui

  3. Est-ce que les faits apparaissant au dossier de l’appelant supportent ou non un droit à une indemnité d’invalidité ? Non

[24]  Le Comité d’appel pose comme précepte que c’est la Décision I-25 « qui a adopté l’interprétation de la loi permettant d’indemniser les invalidités découlant des erreurs médicales, qui autrement ne seraient pas couvertes » (décision du Comité d’appel, p 7, nos soulignés).

[25]  Le Comité d’appel examine ensuite de façon particulière les trois volets suivants (1) comment les dossiers de négligence médicales sont tranchés; (2) I-25 défié puis confirmé; et (3) la décision Hall.

[26]  Dans le premier volet, le Comité d’appel traite de la Décision I-25, et rappelle que les soins fournis aux membres des Forces, par le personnel médical des Forces, peuvent parfois engendrer une invalidité et que cette invalidité ouvre droit à une compensation si elle résulte de négligence ou de soins médicaux inadéquats selon la norme édictée.

[27]  Dans le deuxième volet, le Comité d’appel réfère à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Mérineau. Sans préciser les détails relatifs à cette affaire, le Comité d’appel indique notamment que la Cour suprême a alors conclu « que le paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions ne donnait pas droit à un militaire de toucher une pension d’invalidité lorsque son invalidité résultait d’une erreur ou de la négligence du personnel militaire dans le cadre des soins reçus dans un établissement militaire » et qu’« il y a certainement un lien entre l’invalidité du membre et son statut de militaire, mais ce lien est trop éloigné pour que l’on puisse dire que l’invalidité se rattache à son service militaire ». Le Comité d’appel rappelle ensuite que le Conseil de révision des pensions a subséquemment rendu la décision d’interprétation I-31 pour confirmer et maintenir la Décision I-25.

[28]  Ainsi, une indemnité pourra être accordée à un membre des Forces si des éléments de preuve établissent qu’une invalidité résulte des soins médicaux qui ne sont pas conformes à la norme.

[29]  Dans le troisième volet de son analyse, le Comité d’appel examine la décision de notre Cour dans Hall. Selon le Comité d’appel, la Cour « ne modifie pas les principes établis », car dans cette affaire, la question de la négligence n’a pas été invoquée et le Comité d’appel a rejeté la demande d’indemnité parce que le demandeur n’exécutait pas ses fonctions de militaire lorsqu’il recevait des traitements prescrits par son médecin militaire, ce que la Cour a considéré comme une erreur.

[30]  Le Comité d’appel conclut ensuite qu’il n’y a pas, dans le dossier de M. Fournier, d’éléments de preuve crédibles que les soins médicaux qu’il a reçus ne respectaient pas la norme de diligence requise.

[31]  Le Comité d’appel conclut que le « médicament peut avoir causé la vasculite médicamenteuse de l’appelant, mais cela en soi ne permet pas de conclure que cette maladie est consécutive ou rattachée directement à son service dans les Forces » (nos soulignés).

IV.  Position des parties

A.  Position de M. Fournier

[32]  M. Fournier reprend les faits, soumet ses questions en litige et énonce ses propositions. Il demande à la Cour de déclarer nulle ou illégale, ou annuler ou infirmer la décision du 16 novembre 2016 du Comité d’appel et de renvoyer le dossier pour jugement déclarant que la vasculite médicamenteuse dont souffre le demandeur lui donne droit à une indemnité aux termes de l’article 45 de Loi.

[33]  M. Fournier soumet ainsi trois propositions, soit (1) l’interprétation par le Comité d’appel des termes « maladie liée au service » et « consécutive ou rattachée directement au service » des articles 45 et 2(1) de la Loi doit être évaluée selon la norme de la décision correcte, tandis que la question de l’appréciation de la preuve par le Comité d’appel doit être révisée selon la norme de la décision raisonnable; (2) le Comité d’appel a erré en imposant la preuve d’une négligence médicale puisque la Loi ne prévoit pas une telle exigence; et (3) le Comité d’appel a erré dans sa qualification juridique de la preuve.

(1)  Normes de contrôle

[34]  M. Fournier soutient que la norme de la décision correcte s’applique relativement à l’interprétation des termes « maladie liée au service » et « consécutive ou rattachée directement au service » aux articles 45 et 2(1) de la Loi, bien qu’il s’agisse de l’interprétation, par un organisme administratif, d’une loi étroitement liée à son mandat. M. Fournier cite à cet égard la décision Cole c Canada (Procureur général), 2015 CAF 119 [Cole] concernant une demande de pension d’invalidité relative à une affection alléguée de dépression majeure aux termes de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P-6. Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale (CAF) a appliqué la norme de la décision correcte pour évaluer la décision du juge de Montigny de la Cour fédérale dans laquelle il interprétait le libellé « consécutive ou rattachée directement au service » contenu dans la Loi sur les pensions.

[35]  M. Fournier affirme par ailleurs que la question de l’appréciation de la preuve aux termes de l’article 39 de la Loi sur le Tribunal doit être révisée selon la norme de la décision raisonnable.

(2)  Le Comité d’appel a erré en imposant la preuve d’une négligence médicale puisque la Loi ne prévoit pas une telle exigence

[36]  Sous cette proposition, M. Fournier examine les six volets suivants : (a) le cadre législatif et les principes applicables à son interprétation; (b) le lien entre le service militaire et l’invalidité; (c) la décision Hall et le rejet du critère de négligence; (d) la Décision I-25; (e) l’arrêt Mérineau; et (f) le critère et son application en l’espèce.

[37]  En lien avec le premier volet, M. Fournier, après avoir énoncé les articles pertinents de la législation, soutient que la Loi vise à indemniser les militaires ou leurs familles en cas d’invalidité ou de décès et qu’elle doit être interprétée de manière libérale et généreuse en raison de son objet (Canada (Procureur général) c Frye, 2005 CAF 264 aux para 14 à 18 [Frye]; Godbout c Pagé, 2017 CSC 18 au para 38 [Godbout]). Il insiste sur le fait que la Loi ne mentionne aucune exigence de prouver une quelconque négligence puisqu’un militaire doit, pour obtenir une indemnité, simplement démontrer que son invalidité est « liée au service », soit qu’elle est « consécutive ou rattachée directement » à son service. À cet égard, il allègue que le critère de « consécutive » au service militaire est moins rigoureux que celui de « rattachée directement à » (Hall, aux para 35, 37 et 41).

[38]  En lien avec le deuxième volet, M. Fournier soutient essentiellement qu’une invalidité causée par une maladie consécutive à un traitement prodigué, prescrit ou autorisé par les Forces devrait ouvrir droit à une indemnité sans égard à la responsabilité de quiconque en raison essentiellement du système de soins imposé à ses membres par les Forces. Ce système constituerait le « lien » entre l’invalidité et le service exigé par la Loi.

[39]  M. Fournier affirme que le Comité d’appel commet une erreur de droit en exigeant la preuve d’une négligence des professionnels de la santé des Forces pour obtenir une indemnisation d’invalidité comme le prévoit la Décision I-25, car la Loi n’en fait pas mention et cette exigence va à l’encontre de l’interprétation large qui y est prévue. Il soutient également que le Comité d’appel semble utiliser le critère du facteur déterminant en responsabilité civile en common law, ce qui a été rejeté par la CAF pour l’interprétation de « rattachée directement à » (Cole, au para 56). Ainsi, il soutient au contraire qu’il existe un lien suffisant entre son invalidité et son service dans les Forces, car (1) les militaires sont obligés de consulter les professionnels de la santé des Forces; et (2) les Forces participent à l’administration des soins de santé offerts à ses membres. Ainsi, il n’aurait pas à démontrer un lien de causalité direct et immédiat, puisqu’il suffit que son invalidité soit consécutive (« arose out of » dans la version anglaise de la Loi) à son service militaire (Frye, aux para 21 et 29).

[40]  M. Fournier souligne l’importance des arrêts de la Cour suprême du Canada Amos c Insurance Corp. of British Columbia, [1995] 3 RCS 405 (cité dans la décision Frye) et Godbout pour soutenir que l’arrêt Mérineau ne devrait plus s’appliquer.

[41]  En lien avec le troisième volet, M. Fournier examine la décision Hall en soutenant que la Cour y a écarté l’obligation de démontrer la négligence du personnel médical des Forces pour obtenir une indemnisation (Hall, para 48) et qu’elle doit être respectée.

[42]  En lien avec le quatrième volet, M. Fournier soutient que la Décision I-25 ne constitue pas un précédent contraignant et que le Comité d’appel, plutôt que de l’appliquer, aurait dû réexaminer son fondement en faveur de la jurisprudence plus récente qui favorise une interprétation libérale et généreuse du lien entre le service militaire et l’invalidité (Sloane c Canada (Procureur général), 2012 CF 567 au para 27). Ainsi, l’exigence de prouver une négligence médicale n’appartient plus aux issues possibles acceptables pour interpréter l’article 45 de la Loi.

[43]  En lien avec le cinquième volet, M. Fournier soutient que l’arrêt Mérineau ne doit pas être suivi, car il traite d’un autre sujet et entraine l’impression que la Décision I-25 constitue, non pas une interprétation de la Loi, mais qu’elle crée une sorte de bonification. Au surplus, selon M. Fournier, la Cour suprême dans Mérineau ne se serait prononcée que sur le terme « directement rattachée », laissant ouverte l’interprétation du terme « consécutive » qui ne doit pas être interprété restrictivement. En outre, M. Fournier soutient que les arrêts Amos et Godbout de la Cour suprême du Canada, bien que traitant de l’interprétation de régimes d’indemnisation différents, devraient être utilisés pour interpréter l’article 45 de la Loi, aux dépens de l’arrêt Mérineau.

[44]  Enfin, quant au sixième volet, M. Fournier conclut en indiquant que l’obligation pour les membres des Forces de consulter les professionnels de la santé des Forces, ainsi que l’obligation pour ces derniers de fournir des soins médicaux aux militaires, suffit à démontrer le lien entre le service militaire et l’invalidité. Tout effet découlant des soins prodigués, prescrits ou autorisés par les Forces serait « consécutif » au service.

(3)  Le Comité d’appel a erré dans sa qualification juridique de la preuve

[45]  M. Fournier soutient que le Comité d’appel a erré en omettant de procéder à la qualification juridique des faits selon le libellé de l’article 39 de la Loi sur le Tribunal, et en omettant de traiter de la nouvelle preuve présentée par M. Fournier.

[46]  Il affirme que le Comité d’appel n’a pas tenu compte de la nouvelle preuve déposée pour soutenir la position que, dès 2004, la communauté médicale savait déjà que la prise de quinine comportait des risques et était déjà déconseillée en 2006. Il soutient que le Comité n’a pas indiqué la raison de son rejet contrairement à ce qu’exige la jurisprudence (Acreman c Canada (Procureur général), 2010 CF 1331 aux para 35 à 37), car il aurait forcément conclu en faveur de M. Fournier sur des faits importants.

B.  Position du Procureur général du Canada

[47]  Le PGC reprend à son tour les faits, soumet sa question en litige, énonce ses propositions et demande à la Cour de rejeter la demande avec dépens.

[48]  Le PGC aborde les trois volets suivants : (1) la norme de contrôle applicable; (2) le régime législatif applicable; et (3) l’application aux faits.

(1)  Norme de contrôle

[49]  Le PGC répond qu’il s’agit d’une question mixte de faits et de droit et que la Cour doit faire preuve de retenue face à un tribunal administratif qui interprète sa loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat (Loi sur le Tribunal, aux para 18, 25 et 26).

[50]  Le PGC soutient par ailleurs que l’appréciation de la preuve par le Comité d’appel est soumise à la norme de la décision raisonnable (Wannamaker c Canada, 2007 CAF 126 au para 12; Hall, au para 11; Cole, au para 115) et que l’expertise du Tribunal dans son domaine entraine la déférence.

(2)  Régime législatif applicable

[51]  Le PGC présente deux volets sous cette proposition, soit (a) le régime législatif d’une demande d’indemnité pour invalidité; et (b) le régime des soins de santé pour les membres réguliers des Forces.

[52]  Ainsi, sous le premier volet, le PGC énonce l’objet de la Loi, les exigences de l’article 39 de la Loi sur le tribunal précité et il précise que le régime libéral d’indemnisation vise une reconnaissance en lien avec le service militaire. Ainsi, le demandeur doit, pour obtenir une indemnité, démontrer (i) une invalidité et (ii) que cette invalidité est causée par une maladie liée au service, soit dans le cas présent, qu’elle est consécutive ou directement rattachée au service. À cet égard, le PGC prétend notamment que la manifestation d’une condition personnelle n’est pas consécutive au service.

[53]  Ensuite, sous le deuxième volet, le PGC répond à la proposition avancée par M. Fournier que le lien entre l’invalidité et le service réside dans le fait que le « traitement [est] administré sous l’autorité des Forces canadiennes ».

[54]  Il soutient que la structure du régime des soins de santé pour les militaires a deux objectifs : celui d’organiser financièrement la prestation des soins de santé pour les militaires et celui d’assurer l’aptitude des militaires au travail. Ainsi, il est faux de prétendre que n’importe quelle invalidité devient « consécutive » au service militaire en raison de l’obligation pour un militaire de consulter un médecin militaire.

(3)  Application aux faits

[55]  Donc, le PGC soutient que le syndrome des jambes sans repos n’est pas lié au service militaire du demandeur et que le demandeur a eu une réaction secondaire en raison de son hypersensibilité (la vasculite médicamenteuse) après avoir pris la quinine prescrite par un médecin civil. Le PGC insiste sur le fait que la vasculite médicamenteuse de M. Fournier n’est pas due au service.

[56]   Cependant, même après avoir confirmé que l’affection de M. Fournier n’est ni liée ni due à son service, le PGC confirme, au paragraphe 44 de son mémoire, la possibilité pour le demandeur de demander à ce que son droit à l’indemnisation soit reconnu en démontrant qu’une négligence a été commise par un professionnel de la santé des Forces dans l’administration de ses soins.

[57]  Ainsi, évaluant la décision du Comité d’appel, le PGC affirme qu’après un examen du dossier où il a tenu notamment compte de l’avis du médecin traitant, le Comité d’appel a déterminé que les professionnels de la santé des Forces n’avaient pas dérogé à la norme de soins en vigueur à l’époque au Canada. Selon le défendeur, le Comité d’appel a déterminé à juste titre que le demandeur n’avait pas démontré que son invalidité était consécutive au service militaire.

[58]  Le défendeur souligne qu’adhérer à la thèse du demandeur entrainerait une ouverture au droit d’indemnisation pour toute condition personnelle des membres des Forces uniquement parce que les frais de soins de santé des militaires sont assumés par les Forces et que l’aptitude au travail doit être examinée par un médecin militaire.

[59]  Le défendeur conclut que le Comité d’appel n’a pas ajouté de fardeau au demandeur et que ce dernier avait l’obligation d’établir un lien entre le service militaire et l’invalidité.

V.  Questions en litige

[60]  La Cour doit d’abord établir la norme de contrôle appropriée.

[61]  Les parties ont soumis certaines questions en litige dans le cadre de leur exposé. Cependant, comme il en a été discuté avec les parties lors de l’audience, la Cour est d’avis qu’il s’agit de déterminer si le Comité d’appel a ou non erré en se fondant sur la Décision I-25 pour examiner si M. Fournier peut recevoir une indemnité sous l’égide de l’alinéa 45(1)a) de la Loi, ceci en dépit du fait que sa maladie n’est a priori pas liée à son service et en dépit de la conclusion de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mérineau.

[62]  Pour ce faire, il faut examiner de façon particulière la Décision I-25, la position énoncée par la Cour Suprême dans l’arrêt Mérineau, la Décision I-31 et le principe du stare decisis.

[63]  Voyons ces questions plus en détail.

VI.  Norme de contrôle

[64]  Bien qu’il soit habituellement approprié d’utiliser la norme de la décision raisonnable pour évaluer la décision d’un tribunal administratif qui interprète sa loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat, la CAF a précisé que, dans un cas comme celui qui nous occupe et puisqu’il s’agit d’une question de droit distincte susceptible d’être examinée séparément, il faut plutôt évaluer la décision du tribunal à l’aune de la norme de la décision correcte. En effet, la CAF a déterminé que « l’interprétation des mots "consécutive ou rattachée directement à" à l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions est une question de droit qui était controversée devant le Tribunal » et a confirmé qu’il faut appliquer la norme de la décision correcte pour l’interprétation de ces termes (Cole, aux para 44-45).

[65]  Ainsi, la Cour doit évaluer si le Comité d’appel a correctement déterminé que la vasculite médicamenteuse de M. Fournier n’est pas consécutive ou directement rattachée au service militaire au motif qu’il n’a pas démontré le niveau de négligence médicale exigée dans la Décision I-25.

[66]  Pour ce qui est de l’appréciation de la preuve par le tribunal administratif, je me range à l’avis des parties selon lequel la norme de la décision raisonnable s’applique.

VII.  Analyse

A.  Cadre Législatif

[67]  L’article 45 de la Loi prévoit la possibilité pour un membre des Forces de recevoir une indemnité d’invalidité.

45 (1) Le ministre peut, sur demande, verser une indemnité

d’invalidité au militaire ou vétéran qui démontre

qu’il souffre d’une invalidité causée :

45 (1) The Minister may, on application, pay a disability

award to a member or a veteran who establishes that

they are suffering from a disability resulting from

a) soit par une blessure ou maladie liée au service;

(a) a service-related injury or disease; or

b) soit par une blessure ou maladie non liée au service

dont l’aggravation est due au service.

(Nos soulignés)

(b) a non-service-related injury or disease that was

aggravated by service.

[68]  À l’audience, les parties ont confirmé que la vasculite médicamenteuse ne constitue pas l’aggravation d’une autre condition, par exemple, celle du syndrome des jambes sans repos, mais qu’elle constitue une maladie distincte, indépendante. L’alinéa 45(1)a) est donc celui qui s’applique en l’instance. Ainsi, une indemnité pourra être versée sous l’égide de cet alinéa si l’invalidité dont souffre le militaire est causée par une maladie liée au service.

[69]   Le terme « liée au service » est défini à l’article 2 de la Loi :

liée au service Se dit de la blessure ou maladie :

service-related injury or disease means an injury or a disease that

a) soit survenue au cours du service spécial ou attribuable à celui-ci;

(a) was attributable to or was incurred during special duty service; or

b) soit consécutive ou rattachée directement au service dans les Forces canadiennes. (service-related injury or disease)

(Nos soulignés)

(b) arose out of or was directly connected with service in the Canadian Forces. (liée au service)

[70]  Les termes de l’alinéa 45(1)a) et du paragraphe 2(1) de la Loi sont similaires à ceux employés dans l’ancien article 12 de la Loi sur les pensions, SRC 1970, c P-7 en vigueur en 1978, lors de la publication de la Décision 1-25 et en 1983, lorsque la Cour suprême a rendu l’arrêt Mérineau, mais depuis remplacé par l’article 21 de la Loi sur les pensions.

[71]  L’article 12 de la Loi sur les pensions confirmait le droit d’un membre des Forces à une pension lorsque ce membre était touché par une invalidité occasionnée par une maladie ou une blessure, ou son aggravation, consécutive ou directement rattachée au service militaire […]. Le texte de l’article 12(2) abrogé et de l’article 21(2) de la Loi sur les pensions est reproduit en annexe.

[72]  La jurisprudence traitant de ces anciens articles reste donc pertinente puisqu’il s’agit d’interpréter et d’appliquer les mêmes termes que ceux de l’alinéa 45(1)a) de la Loi.

[73]  L’objectif de la Loi est clairement énoncé à son article 2.1. Ainsi, elle doit être interprétée de manière libérale, ce qui est aussi confirmé par l’article 3 de la Loi sur le Tribunal. Au surplus, le Comité d’appel doit respecter l’article 39 de la Loi sur le Tribunal lorsqu’il examine la preuve et doit en tirer les conclusions qui sont les plus favorables possibles au demandeur. Le texte de ces articles est reproduit en annexe.

[74]  Par ailleurs, les membres des Forces sont assujettis à un régime médical particulier. En effet, ils ne sont pas des « assurés » aux termes de la Loi canadienne sur la santé, LRC 1985, c C-6 et des lois régissant les régimes provinciaux d’assurance maladie. Leurs soins de santé sont plutôt assurés par les Forces et ils sont tenus de consulter les professionnels de la santé militaires à moins que la nécessité de consulter des professionnels de la santé civils n’ait été établie (Ordonnance et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), Volume 1 – Administration, chapitre 34 : Services de santé, art 34.07). Le membre des Forces qui a reçu des soins de santé civils doit donc consulter un professionnel de la santé militaire dès son retour à la base. Selon le PGC, ce régime vise à s’assurer que tous les membres des Forces sont aptes à accomplir leurs fonctions.

B.  Décision I-25

[75]  La Décision I-25 est définitivement au cœur de la présente affaire et il importe de l’examiner.

[76]  Dans cette décision de 1978, le Conseil de révision des pensions indique qu’il répond à la demande qui lui a été présentée par la Commission canadienne des pensions de se pencher sur l’interprétation à donner à l’article 12 de la Loi sur les pensions, alors en vigueur. À savoir, « si l’invalidité ou le décès occasionné par des soins médicaux inadéquats, de la négligence et une erreur médicale ouvre droit à une pension » pour les membres des Forces et pour ceux de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Tel que nous l’avons vu plus haut, l’article 12 alors en vigueur exigeait lui aussi qu’une blessure ou maladie soit « consécutive » ou «  rattachée directement » au service afin d’ouvrir le droit à une pension.

[77]  Ainsi, le Conseil revoit d’abord le service des Forces et celui de la GRC, et confirme qu’ils ont chacun leurs propres exigences. Se penchant d’abord sur la situation des membres des Forces, le Conseil confirme que le ministère de la Défense nationale se charge de prodiguer les soins médicaux adéquats à tous les militaires et que c’est son devoir de le faire.

[78]  Le Conseil pose ensuite le problème en ces termes : « Si un membre des forces reçoit des soins à l’égard d’une affectation liée au service, toute complication de cette affection fait partie intégrante de l’affection liée au service. Cependant, lorsqu’une invalidité n’est pas liée au service, mais qu’elle résulte d’un acte de négligence, une distinction doit être établie entre l’invalidité qui résulte de la négligence et l’affection première. L’acte de négligence peut engendrer une nouvelle invalidité ou contribuer à l’aggravation de l’affection à l’égard de laquelle des soins sont prodigués » (Décision I-25, p 2, nos soulignés).

[79]  Le Conseil précise ensuite que le droit à la pension accordé à la suite d’une négligence, de soins médicaux inadéquats ou d’une erreur médicale est lié à l’invalidité ou à cette partie de l’invalidité qui résulte de la négligence.

[80]  Il semble donc clair à la lecture de la Décision I-25 que la possibilité de demander une invalidité en cas de négligence médicale ne s’ouvre que si et lorsque l’invalidité n’est pas liée au service militaire et que cette possibilité est justifiée par le devoir imposé au ministère de la Défense nationale de prodiguer les soins aux membres des Forces.

[81]  Le Conseil confirme par ailleurs que cette possibilité n’est pas ouverte aux membres de la GRC qui n’ont pas le même régime médical.

[82]  Ainsi, un membre des Forces qui réclame une indemnité pour une blessure ou une maladie liée à son service n’a aucune obligation de prouver que sa blessure résulte de négligence médicale ou de soins médicaux inadéquats, quand bien même une telle négligence existerait.

[83]  Selon la Décision I-25, l’exigence d’une preuve médicale de négligence ou de soins inadéquats n’entre en jeu que lorsque la maladie n’est pas liée au service du membre dans les Forces.

[84]  Il s’agirait donc d’un système en deux étapes, la première étape étant de déterminer si la maladie est, ou non, liée au service. Si la maladie est liée au service, le droit à une indemnité/pension s’ouvre de ce fait. Si la maladie n’est pas liée au service, il faut alors déterminer si le personnel médical des Forces a prodigué des soins inadéquats, ce qui ouvre le droit à une indemnité/pension.

[85]  Ceci étant dit, il est difficile de comprendre comment le Conseil de révision des pensions peut inclure ce droit à une indemnité/pension dans le cadre de l’interprétation du paragraphe 12(2) de la Loi sur les pensions alors en vigueur. En effet, l’article 12 de la Loi sur les pensions, tout comme l’actuel alinéa 45(1)a) de la Loi, exige qu’une maladie soit liée (consécutive ou directement rattachée) au service pour ouvrir le droit à une indemnité, alors que, selon la Décision I-25, la prémisse ouvrant un droit d’indemnité en cas de négligence médicale requiert au préalable que la maladie ne soit pas liée au service.

[86]  La lecture de la Décision I-25 nous incite à conclure que le Conseil de révision des pensions a bonifié le système d’indemnisation prévu à la Loi et a créé le droit à une pension même lorsque la blessure, la maladie ou l’invalidité n’est pas liée aux fonctions militaires, à cause du régime particulier des membres des Forces et d’ailleurs, seulement pour eux.

[87]  Madame la Juge Snider semble être arrivée à la même conclusion au paragraphe 20 de la décision Gannon c Canada (Procureur général), 2006 CF 600 :

[19]  Un ancien combattant des Forces armées du Canada – qui a fait partie soit de la réserve, soit de la force régulière – peut être admissible à une pension d’invalidité lorsqu’une affection préexistante s’est aggravée pendant le temps qu’il a passé au sein des Forces armées. Cette aggravation peut être attribuable aux tâches militaires de l’intéressé. En outre, (In addition dans la version anglaise) elle peut être attribuable aux gestes que des fournisseurs de services médicaux ont posés pendant la durée du service militaire. (Nos ajouts et soulignés)

[88]  M. Fournier soulève avec justesse la question de la légalité d’un tel régime de bonification s’il ne découle pas de l’article 45 de la Loi. Cette question n’est cependant pas devant la Cour dans la présente affaire et les parties n’ont pas eu l’occasion de présenter des arguments à cet égard.

C.  L’arrêt Mérineau

[89]  Par ailleurs, en 1983, la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur le droit d’un membre des Forces à une pension pour invalidité lorsque cette invalidité n’est pas rattachée directement au service militaire, mais qu’elle découle d’une faute du personnel médical des Forces.

[90]  En 1976, M. Mérineau est membre des Forces. Après avoir subi une chirurgie dans un hôpital civil, il est admis dans un établissement médical des Forces pour y poursuivre sa convalescence. Il y reçoit une transfusion sanguine comportant le mauvais groupe sanguin et en subit de lourdes conséquences.

[91]  Avant de demander une pension en vertu de l’article 12 de la Loi sur les pensions, M. Mérineau intente une action en dommages contre la Couronne.

[92]  En première instance, et pour soutenir la recevabilité de son action en dommages, M. Mérineau plaide alors ne pas avoir droit à une pension selon l’article 12 précité de la Loi sur les pensions « parce que l’acte dont il a été victime et l’invalidité qui s’ensuivit ne se rattachaient pas à son service militaire, n’ayant pas été causés par ses activités militaires » (Mérineau c La Reine [1981] 1FC 420 à la p 425). Le juge de la Section de première instance de la Cour fédérale rejette cet argument et considère que l’action en dommages n’est pas recevable puisque M. Mérineau a droit à une pension. Le juge précise « [i]l me semble évident que les actes dont il se plaint ont été posés dans le cadre de son service militaire et que l’invalidité qui lui en est résultée et pour laquelle il réclame « était consécutive et se rattachait directement à ce service militaire ».

[93]  La Section d’appel de la Cour fédérale confirme la décision du juge de première instance en indiquant que « l’appelant a droit à une pension parce que l'aggravation de sa maladie se rattachait directement à son service militaire au sens du paragraphe 12(2) de la Loi sur les pensions, SRC 1970, c P-7 » (Mérineau c La Reine [1982] 2 CF 376 [CA]), mais le juge Pratte est dissident.

[94]  Finalement, en 1983, la Cour suprême du Canada retient la position dissidente de la Section d’appel de la Cour fédérale et, reprenant les mots du juge Pratte, confirme qu’« Il y a certainement un lien entre le dommage dont l’appelant demande réparation et son statut de militaire, mais ce lien me parait trop éloigné pour que l’on puisse dire que le dommage se rattache directement à son service militaire ». Il semble évident que la Cour suprême a ici implicitement inclus dans son analyse le terme « consécutive », tel que l’avait mentionné le juge de première instance, puisqu’elle a conclu que M. Mérineau n’avait pas droit à une pension.

[95]  À la suite de l’arrêt Mérineau, le Conseil de révision des pensions rend la Décision I-31 dans laquelle il confirme que la Décision I-25 s’applique toujours. Le Conseil de révision des pensions écarte la conclusion de la Cour suprême dans Mérineau, estimant notamment que cette dernière a jugé per incuriam (Décision I-31 du Conseil de révision des pensions, Dossier du demandeur à la p 281).

[96]  La Cour ne peut évidemment pas entériner ce propos. Au surplus, les parties ne m’ont pas convaincue que l’affaire en l’espèce correspond à l’une des exceptions extraordinaires décrites par la Cour suprême permettant de déroger au principe du stare decisis. La Cour est donc tenue d’appliquer l’arrêt Mérineau aux faits en l’espèce (R c Comeau, 2018 CSC 15 aux para 26 et 31; Canada (Procureur général) c Bedford, 2013 CSC 72 au para 44 et Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5 au para 44).

[97]  Les arrêts Amos et Godbout de la Cour suprême, cités par le demandeur, traitent respectivement de l’interprétation du texte d’une police d’assurance d’un assureur privé et du libellé de la Loi sur l’assurance-automobile du Québec. Or, l’arrêt Mérineau porte précisément sur l’interprétation du libellé de l’art 12 de la Loi sur les pensions qui contient les termes « consécutive ou se rattache directement au service » termes repris dans la Loi actuelle. Au surplus, l’arrêt Mérineau examine particulièrement le droit d’un membre des Forces à une pension, à la lumière du système médical spécial des Forces et lorsqu’une négligence médicale de son personnel est à l’origine de l’invalidité.

[98]  Ainsi, en dépit des représentations habiles du demandeur, la Cour ne peut souscrire à l’argument que les arrêts qu’il a présentés renversent l’arrêt Mérineau. Enfin, les autres arrêts de la CF et CAF cités par le demandeur et le défendeur ne traitent pas spécifiquement du problème soulevé en l’instance.

D.  Discussion

[99]  En 1978, la Décision I-25 ouvre aux membres des Forces la possibilité de recevoir une pension, lorsque leur invalidité n’est pas liée au service, si cette invalidité résulte de soins inadéquats prodigués par le personnel médical des Forces. Cette possibilité est ouverte aux membres des Forces en reconnaissance du régime médical particulier auquel ils sont assujettis.

[100]  Paradoxalement, la Décision I-25 prétend par ailleurs interpréter l’article 12 de la Loi sur les pensions en dépit du fait que la prémisse donnant ouverture à la pension pour négligence médicale exige que l’invalidité ne soit pas liée au service, alors que la Loi exige qu’elle le soit. À cet égard, la décision du Comité d’appel qui fait l’objet du présent contrôle réfère à la Décision I-25, et indique aussi que cette dernière permet « d’indemniser les invalidités qui autrement ne seraient pas couvertes ».

[101]  En 1983, la Cour suprême du Canada indique clairement que le régime médical des Forces, qui oblige ses membres à être traités par le personnel médical des Forces, n’est à lui seul pas suffisant pour lier l’invalidité au service militaire.

[102]  La Décision I-31 confirme la possibilité d’indemnisation offerte par la Décision I-25 et rejette l’arrêt de la Cour suprême du Canada, ce que la Cour ne peut entériner.

[103]  Par ailleurs, la position de M. Fournier qui demande à la Cour d’éliminer l’exigence de la preuve de soins inadéquats pour ouvrir le droit à l’indemnité prévue à la Décision I-25 parait intenable. En effet, l’adoption d’une telle position aurait pour effet d’accorder à TOUS les membres des Forces atteints d’une invalidité le droit à une indemnité, alors même que le législateur a restreint le droit à une indemnité aux cas prévus à l’article 45 de la Loi.

E.  La décision du Comité d’appel est inintelligible et incorrecte

[104]  La décision du Comité d’appel parait incorrecte, car elle ne respecte pas l’arrêt Mérineau de la Cour suprême du Canada.

[105]  De plus, la décision est inintelligible. En effet le Comité d’appel détermine d’abord que la maladie de M. Fournier n’est pas liée à son service militaire afin d’examiner la possibilité d’indemnisation offerte par la Décision I-25, à savoir si M. Fournier a démontré que son invalidité résulte d’une négligence médicale commise par le personnel médical des Forces.

[106]  Puis, paradoxalement, ayant déterminé que la preuve ne permettait pas de conclure à l’existence d’une telle négligence médicale, le Comité d’appel conclut que M. Fournier n’a donc pas prouvé que la maladie est consécutive ou directement rattachée au service, donc qu’elle n’y est pas liée.

[107]  Tel que la Cour l’a mentionné aux parties lors de l’audience, il parait inintelligible pour le Comité d’appel de (1) déterminer que l’invalidité n’est pas liée au service aux fins de recourir à l’option offerte par la Décision I-25 pour ensuite (2) déterminer que M. Fournier n’a pas prouvé la négligence médicale et de ce fait, n’a pas établi que son invalidité est liée à son service.

[108]  Le Comité d’appel doit clarifier la situation. Il doit notamment préciser si le droit à une indemnité prévu à la Décision I-25 se situe (1) dans le cadre de la Loi, en tenant compte de l’arrêt Mérineau, ou (2) à l’extérieur du cadre de la Loi, telle une bonification.

[109]  La Cour retournera donc l’affaire au Comité d’appel afin que ce dernier réexamine la situation à la lumière des présents motifs et permette aux parties de présenter les arguments additionnels qui s’imposent.

F.  La preuve médicale

[110]  La Cour n’a pas à se pencher sur cette question puisque la demande est accordée.


JUGEMENT dans T-2238-16

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de révision judiciaire est accordée.

  2. Le dossier est retourné au Comité d’appel pour un nouvel examen, en tenant compte des présents motifs.

  3. Le tout sans frais.

« Martine St-Louis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2238-16

INTITULÉ :

PIERRE FOURNIER ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 février 2018

JUGEMENT ET MOTIFS:

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 1er mai 2018

COMPARUTIONS :

Me Mark Phillips

Pour le demandeur

Me Véronique Forest

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais

Avocat(s)

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

ANNEXE

 

Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, ch 18, art 3 et 39

Veterans Review and Appeal Board Act (SC 1995, c 18), s 3 and 39

 

3 Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

3 The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

 

39 Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

39 In all proceedings under this Act, the Board shall

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (LC 2005, ch 21), art 2.1

Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act (SC 2005, c 21), s 2.1

 

 

2.1 La présente loi a pour objet de reconnaître et d’honorer l’obligation du peuple canadien et du gouvernement du Canada de rendre un hommage grandement mérité aux militaires et vétérans pour leur dévouement envers le Canada, obligation qui vise notamment la fourniture de services, d’assistance et de mesures d’indemnisation à ceux qui ont été blessés par suite de leur service militaire et à leur époux ou conjoint de fait ainsi qu’au survivant et aux orphelins de ceux qui sont décédés par suite de leur service militaire. Elle s’interprète de façon libérale afin de donner effet à cette obligation reconnue.

2.1 The purpose of this Act is to recognize and fulfil the obligation of the people and Government of Canada to show just and due appreciation to members and veterans for their service to Canada. This obligation includes providing services, assistance and compensation to members and veterans who have been injured or have died as a result of military service and extends to their spouses or common-law partners or survivors and orphans. This Act shall be liberally interpreted so that the recognized obligation may be fulfilled.

 

 

Loi sur les pensions, (SRC 1970, ch P-7), para 12(2) (Abrogé)

Pension Act, (RSC 1970, c P-7), s 12(2) (Repealed)

 

À 1’égard du service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la seconde guerre mondiale et à 1’égard du service militaire en temps de paix, des pensions sont accordées aux membres ou relativement aux membres des forces qui ont subi une invalidité, d’après les taux indiques à 1’annexe A de la présente loi, et relativement aux membres des forces qui sont morts, d’après les taux indiques a 1 annexe B de la présente loi, lorsque la blessure ou maladie ou son aggravation ayant occasionné 1’invalidité ou le décès sur lequels porte la demande de pension, était consécutive ou se rattachait directement à ce service militaire.

In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time, pension shall be awarded to or in respect of members of the forces who have suffered disability, in accordance with the rates set out in Schedule A, and in respect of members of the forces who have died, in accordance with the rates set out in Schedule B, when the injury or disease or aggravation thereof resulting in disability or death in respect of which the application for pension is made arose out of or was directly connected with such military service.

Loi sur les pensions (LRC (1985), ch P-6), para 21(2)

Pension Act (RSC, 1985, c P -6), subs 21(2)

 

21(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

 

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie — ou son aggravation — consécutive ou rattachée directement au service militaire;

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

 

b) des pensions sont accordées à l’égard des membres des forces, conformément aux taux prévus à l’annexe II, en cas de décès causé par une blessure ou maladie — ou son aggravation — consécutive ou rattachée directement au service militaire;

(b) where a member of the forces dies as a result of an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall be awarded in respect of the member in accordance with the rates set out in Schedule II;

 

c) sauf si une compensation est payable aux termes du paragraphe 34(8), la pension supplémentaire que reçoit un membre des forces en application de l’alinéa a), du paragraphe (5) ou de l’article 36 continue d’être versée pendant l’année qui suit la fin du mois du décès de l’époux ou du conjoint de fait avec qui il cohabitait alors ou, le cas échéant, jusqu’au versement de la pension supplémentaire accordée pendant cette année à l’égard d’un autre époux ou conjoint de fait;

(c) where a member of the forces is in receipt of an additional pension under paragraph (a), subsection (5) or section 36 in respect of a spouse or common-law partner who is living with the member and the spouse or common-law partner dies, except where an award is payable under subsection 34(8), the additional pension in respect of the spouse or common-law partner shall continue to be paid for a period of one year from the end of the month in which the spouse or common-law partner died or, if an additional pension in respect of another spouse or common-law partner is awarded to the member commencing during that period, until the date that it so commences; and

 

d) d’une part, une pension égale à la somme visée au sous-alinéa (ii) est payée au survivant qui vivait avec le membre des forces au moment du décès au lieu de la pension visée à l’alinéa b) pendant une période d’un an à compter de la date depuis laquelle une pension est payable aux termes de l’article 56 — sauf que pour l’application du présent alinéa, la mention « si elle est postérieure, la date du lendemain du décès » à l’alinéa 56(1)a) doit s’interpréter comme signifiant « s’il est postérieur, le premier jour du mois suivant celui au cours duquel est survenu le décès » — d’autre part, après cette année, la pension payée au survivant l’est conformément aux taux prévus à l’annexe II, lorsque, à l’égard de celui-ci, le premier des montants suivants est inférieur au second :

(d) where, in respect of a survivor who was living with the member of the forces at the time of that member’s death,

 

(i) la pension payable en application de l’alinéa b),

(i) the pension payable under paragraph (b) is less than

 

(ii) la somme de la pension de base et de la pension supplémentaire pour un époux ou conjoint de fait qui, à son décès, est payable au membre en application de l’alinéa a), du paragraphe (5) ou de l’article 36.

(ii) the aggregate of the basic pension and the additional pension for a spouse or common-law partner payable to the member under paragraph (a), subsection (5) or section 36 at the time of the member’s death, a pension equal to the amount described in subparagraph (ii) shall be paid to the survivor in lieu of the pension payable under paragraph (b) for a period of one year commencing on the effective date of award as provided in section 56 (except that the words “from the day following the date of death” in subparagraph 56(1)(a)(i) shall be read as “from the first day of the month following the month of the member’s death”), and thereafter a pension shall be paid to the survivor in accordance with the rates set out in Schedule II.

 

 

Ordonnance et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), Volume 1 –Administration, chapitre 34 : Services de santé, para 34.07(1), (2) et (4)

Queen’s Regulations and Orders for the Canadian Forces, Volume 1, chapter 34, Medical Services, subs 34.07(1), (2) and (4)

 

34.07 – Droit aux soins de santé (1) Au Canada, les soins de santé autorisés par le présent article doivent être prodigués :

34.07 – Entitlement to medical care (1) In Canada, medical care authorized in this article shall be provided:

 

a) dans une installation médicale exploitée par les Forces canadiennes ou, lorsque le commandant de l’officier ou du militaire du rang l’autorise sur avis du médecin militaire supérieur compétent, dans une installation médicale exploitée par un autre ministère du gouvernement fédéral ou un organisme civil;

(a) in a medical facility operated by the Canadian Forces or, where authorized by the commanding officer of an officer or non-commissioned member on the advice of the appropriate senior medical officer, in a medical facility operated by another department of the federal government or a civilian medical facility; and

 

b) par un médecin des Forces canadiennes ou, lorsque le commandant de l’officier ou du militaire du rang l’autorise sur avis du médecin militaire supérieur compétent, par un médecin qui est au service d’un autre ministère du gouvernement fédéral, un médecin civil ou par d’autres membres d’un service de santé ainsi que l’autorise le chef d’état-major de la défense.

(b) by a medical officer of the Canadian Forces or, where authorized by the commanding officer of an officer or non-commissioned member on the advice of the appropriate senior medical officer, by a medical doctor employed by another department of the federal government, a civilian medical doctor or such other health care personnel as may be authorized by the Chief of the Defence Staff.

 

(2) Lorsque des soins de santé urgents doivent être administrés et qu’il a été établi que les installations médicales des Forces canadiennes ou les médecins mentionnés à l’alinéa (1) ne sont pas accessibles ou lorsque la gravité de la situation est telle qu’il n’est pas possible de faire une telle vérification, on peut obtenir des soins d’autres sources et le militaire qui reçoit les soins doit le signaler le plus tôt possible à son unité d’appartenance.

(2) Where emergency medical care is required and the Canadian Forces medical facilities or medical personnel described in paragraph (1) have been determined to be unavailable or where the urgency of the situation precludes such a determination, medical care may be obtained from other sources and the receipt of that care shall be reported to the parent unit by the member concerned as soon as possible.

 

(4) Sous réserve des alinéas (5) à (8), les soins de santé sont prodigués aux frais de l’État à un militaire :

a) de la force régulière;

b) de la force spéciale;

c) de la force de réserve;

d) d’une force d’un État Partie au Traité de l’Atlantique Nord qui se trouve au Canada dans le cadre de ses fonctions officielles, lorsque des ententes existent entre les deux pays en ce qui a trait aux soins de santé gratuits prodigués aux frais de l’État;

e) toute autre force militaire ainsi que l’autorise le ministre.

(4) Subject to paragraphs (5) to (8), medical care shall be provided at public expense to a member of:

(a) the Regular Force;

(b) the Special Force;

(c) the Reserve Force;

(d) a force of a North, Atlantic Treaty Organization State in Canada in connection with his official duties, where reciprocal agreements for the provision of free medical care are provided for by that State; or

(e) any other military force, as directed by the Minister.

 

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