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Date : 20180412


Dossiers : IMM-2977-17

IMM-2229-17

IMM-775-17

Référence : 2018 CF 396

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 12 avril 2018

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS,
AMNISTIE INTERNATIONALE,
CONSEIL CANADIEN DES ÉGLISES,
ABC, DE (REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE ABC),
FG (REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE ABC),
MOHAMMAD MAJD MAHER HOMSI,
HALA MAHER HOMSI,
KARAM MAHER HOMSI,
REDA YASSIN AL NAHASS
ET NEDIRA MUSTEFA

demandeurs

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Par une requête déposée le 28 juillet 2017, la demanderesse dans le dossier IMM-2229‑17, Nedira Mustefa, sollicite l’octroi d’une ordonnance en application de la Règle 105a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), afin que sa demande de contrôle judiciaire soit réunie aux demandes IMM-2977-17 et IMM-775-17 (et IMM-2229-17, les procédures connexes). Les procédures connexes, trois demandes distinctes de contrôle judiciaire, contestent chacune la constitutionnalité des dispositions législatives du Canada sur les « tiers pays sûrs » en matière d’immigration.

[2]  Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu qu’une telle réunion de ces instances renforcerait grandement l’efficacité des procédures connexes sans causer de préjudice à l’une ou l’autre des parties. Par conséquent, la requête de Mme Mustefa est accueillie.

II.  L’historique des procédures

[3]  La présente requête concerne trois affaires, notamment, IMM-775-17, présentée par Mohammad Majd Maher Homsi et ses trois enfants [Homsi], la demande de Mme Mustefa, IMM‑2229‑17, dans le cadre de laquelle la présente requête en réunion été présentée [Mustefa], et IMM-2977-17, présentée par le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie Internationale, le Conseil canadien des Églises (ensemble, les organisations), et une mère salvadorienne et ses deux enfants, dont les noms sont protégés par une ordonnance de confidentialité (CCR).

[4]  L’historique procédural de ces affaires est résumé sous forme de tableau à l’annexe A, de la présente ordonnance et des présents motifs. Il est important pour deux raisons.

[5]  Premièrement, l’état actuel des procédures connexes a une incidence sur leur éventuelle réunion.

[6]  Deuxièmement, il n’a pas été statué sur la requête de Mme Mustefa, huit mois après sa présentation, ce qui soulève naturellement la question de savoir pourquoi. La réponse est qu’elle était en suspens dans l’attente de la résolution des demandes d’autorisation dans les procédures connexes (si l’autorisation avait été refusée, la présente requête en réunion aurait été théorique). L’autorisation ayant maintenant été accordée dans les trois instances, la présente requête peut être instruite.

III.  Analyse

[7]  Dans l’arrêt Coote c Lawyers’ Professional Indemnity Company, 2013 CAF 143 [Coote], le juge Stratas avait souligné le fait que les cours doivent éviter de gaspiller les ressources judiciaires :

[13]  D’autres principes guident la Cour dans l’exercice de sa plénitude de compétence pour gérer et régler les procédures. Si aucune partie ne subit un préjudice déraisonnable et qu’il est dans l’intérêt de la justice — des considérations essentielles dont on doit toujours tenir compte — la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire afin d’éviter de gaspiller les ressources judiciaires. Une certaine déférence s’impose à l’égard des fonds publics et des contribuables. Aussi, les affaires sont liées les unes aux autres : une affaire se retrouve avec des centaines d’autres affaires qui doivent être examinées. Consacrer des ressources à une affaire sans bonne raison en prive les autres affaires sans bonne raison.

[8]  Même si le commentaire du juge Stratas a été fait dans le contexte d’une décision portant sur la suspension de deux appels réunis (paragraphes 8 à 17), à mon avis, les principes cités éclairent aussi les décisions réunies. Il en est ainsi, car les objectifs stratégiques sous‑tendant une ordonnance en réunion sont a) d’éviter la multiplication des instances et b) de favoriser un règlement rapide et efficient de ces instances (Global Restaurant Operations of Ireland Ltd c Boston Pizza Royalties Ltd Partnership, 2005 CF 317, au paragraphe 11).

[9]  Lorsque la réunion permet d’atteindre ces objectifs stratégiques et qu’elle ne cause aucun préjudice à l’une ou l’autre des parties, la Cour peut aussi réunir des procédures de sa propre initiative (Bande de Montana c Canada, [1999] ACF no 1824 (Cour fédérale du Canada – Section d’appel)). Dans l’arrêt Coote, la Cour avait réuni deux instances en raison « des similarités factuelles et juridiques des deux appels, de l’absence de préjudice à l’égard de l’une ou l’autre des parties et des avantages évidents comme l’efficacité et la minimisation des coûts » (au paragraphe 7).

[10]  Dans la décision Sanofi-Aventis Canada Inc c Novopharm Ltd, 2009 CF 1285 [Sanofi], le juge Snider avait résumé la jurisprudence sur la réunion, concluant qu’il était important a) qu’il y ait des parties en commun, b) qu’il y ait des questions de droit et de fait en commun, c) que la réunion des instances ne porte atteinte à l’une des parties ni ne cause une injustice à l’une ou l’autre des parties d) que la réunion constitue le recours le plus efficace pour résoudre les questions en litige (au paragraphe 16).

[11]  En l’espèce, les procédures connexes ont des parties en commun (les défendeurs). Chaque demande soulève aussi la question juridique commune de savoir si les dispositions sur les tiers pays sûrs de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) violent les droits personnels des demandeurs prévus aux articles 7 ou 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

[12]  Cependant, les défendeurs s’opposent à la réunion au motif qu’elle engendrera des inefficiences et des préjudices. Par conséquent, j’aborderai maintenant les arguments qu’ils soulèvent.

A.  Les diverses étapes des procédures connexes

[13]  Dans leurs observations écrites déposées le 8 août 2017, les défendeurs affirment qu’ils subiraient un préjudice en raison de la réunion, car les procédures connexes en étaient à des étapes bien différentes. L’autorisation n’avait toujours pas été accordée dans les décisions CCR et Mustefa et, de même, la qualité pour agir dans l’intérêt public des organisations dans la décision CCR n’avait pas encore été établie.

[14]  Comme il a été résumé dans l’historique procédural (annexe A des présents motifs), il y a eu beaucoup de changements depuis le dépôt de la requête en réunion de Mme Mustefa. Les organisations ont obtenu la qualité d’agir pour l’intérêt public. De plus, l’autorisation a été accordée pour les trois procédures connexes. Des dossiers certifiés du tribunal ont aussi été délivrés dans chaque instance. Les parties ont convenu d’un calendrier selon lequel ces demandes seraient entendues en janvier 2019.

[15]  Par conséquent, les préoccupations initiales des défendeurs selon lesquelles les procédures connexes en étaient à des étapes procédurales différentes ne sont plus pertinentes.

B.  Les différences juridiques et factuelles

[16]  Les défendeurs maintiennent que les procédures connexes portent sur des questions juridiques et factuelles différentes empêchant la réunion. Ils soutiennent que les demandeurs dans les décisions Mustefa et CCR n’avaient pas présenté une demande d’asile aux États-Unis et que Mme Mustefa est maintenant possiblement frappée d’une prescription de le faire. De plus, les défendeurs affirment que les procédures connexes invoquent différents motifs de discrimination en application de l’article 15 de la Charte.

[17]  Je suis d’accord avec Mme Mustefa qui soutient qu’il n’est pas nécessaire de présenter des questions de droit ou de fait « communes » pour réunir deux ou plusieurs procédures, « mais simplement que certaines de ces questions le soient » (Fibreco Pulp Inc c Star Shipping A/S, [1998] ACF no 297 (Cour fédérale du Canada – Section de première instance), au paragraphe 42).

[18]  En l’espèce, les questions de fait et de droit sous-jacentes des procédures connexes sont semblables, pour l’essentiel, de diverses façons. Premièrement, il a été conclu que les demandes d’asile des demandeurs étaient irrecevables au Canada. Deuxièmement, dans toutes les procédures connexes – même s’il existe certaines nuances parmi leurs prétentions constitutionnelles – il est allégué que les droits de ces demandeurs en application des articles 7 ou 15 de la Charte sont violés par les dispositions sur les tiers pays sûrs de la LIPR et du Règlement. Troisièmement, les demandeurs ont tous l’intention de présenter des éléments de preuve sur la détention par les services de l’immigration aux États-Unis, le processus de décision des États-Unis en matière d’asile, les décisions relatives aux demandes fondées sur le sexe aux États-Unis et les changements apportés au processus de décision des États-Unis en matière d’asile à la suite de l’adoption en janvier 2017 des décrets-lois par le président des États-Unis.

[19]  Cet ensemble d’éléments de preuve, qui sera exhaustif, selon les indications des parties à la Cour, devrait être présenté et examiné par la Cour une seule fois, de façon coordonnée, plutôt que trois fois par de multiples audiences.

[20]  Par conséquent, contrairement aux assertions des défendeurs, le caractère commun des questions de droit et de fait joue considérablement en faveur de la réunion des instances.

C.  Gestion des instances

[21]  Les défendeurs affirment qu’il n’est pas nécessaire de réunir les instances, car la gestion des instances (à laquelle les procédures connexes sont actuellement assujetties) permettra à la Cour d’ajuster les processus pour régler de façon efficace ces questions [traduction] « comme ce serait le cas si les procédures étaient réunies ».

[22]  Je ne souscris pas à la thèse voulant que la réunion des instances fasse double emploi avec la gestion des instances. La réunion d’instances a pour effet que ces dernières sont traitées comme si elles ne formaient qu’une seule instance, aux fins de l’application des Règles (Venngo Inc c Concierge Connection Inc) [Perkopolis] 2016 CAF 209, au paragraphe 9). En termes pratiques, le fait de trancher des questions sur la foi d’un dossier permet de réduire la quantité de documents devant être produits et d’instruire toutes les instances ensemble (Janssen Inc c Abbvie Corporation, 2014 CAF 176, aux paragraphes 7 et 8).

[23]  Certes, un juge responsable de la gestion d’instance a beaucoup de latitude et peut, comme le prescrit l’alinéa (1)a) de la Règle 385, « donner toute directive ou rendre toute ordonnance nécessaire pour permettre d’apporter une solution au litige qui soit la plus juste, la plus expéditive et la plus efficiente possible ». De plus, la Cour peut ordonner la gestion conjointe des instances dans le but de promouvoir l’efficacité globale des procès où la réunion n’est pas appropriée (Sanofi, aux paragraphes 34 et 36).

[24]  Mais les défendeurs n’ont pas expliqué la raison pour laquelle, en l’espèce, la Cour ne devrait ou ne pourrait pas réaliser de telles efficiences par la réunion des instances plutôt que sous l’égide du pouvoir de gestion d’instance de la Cour. La possibilité de l’instruction conjointe des instances ne milite pas, en soi, contre la réunion des instances. Au contraire, les outils judiciaires liés à la gestion des instances et à leur réunion se complémentent et favorisent l’atteinte des objectifs de la Règle 3, soit le règlement le plus juste, expéditif et économique possible des instances liées sur le fond.

D.  Instances futures

[25]  Les défendeurs affirment que si les procédures connexes sont réunies, il deviendra plus complexe pour notre Cour, du point de vue procédural, d’instruire des demandes futures soulevant des questions de droit et de fait semblables.

[26]  À mon avis, le fait que des instances futures soulevant des questions de fait et de droit semblables puissent être soumises à l’examen de la Cour n’est pas pertinent. En effet, j’ai récemment ordonné que les dossiers IMM-4549-17 et IMM-558-17 (deux récentes demandes contestant aussi la constitutionnalité des dispositions sur les tiers pays sûrs) soient mis en suspens en attendant la décision finale dans les procédures connexes, tout en refusant de soumettre ces deux dossiers à la gestion commune des instances des procédures connexes en l’absence d’une requête formelle. Si une requête en réunion ou en audience commune devait en effet être présentée en l’espèce ou dans le cadre d’une instance future, elle pourrait être instruite de façon efficiente, peu importe si les procédures connexes sont réunies.

E.  Souplesse en matière de réparation

[27]  Les défendeurs affirment que si la requête de Mme Mustefa est accueillie, la Cour perdra la souplesse en matière de réparation dont elle disposerait si les procédures connexes étaient instruites séparément.

[28]  Premièrement, je note que les trois procédures connexes sollicitent que les dispositions sur les tiers pays sûrs soient déclarées inopérantes par application de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. En d’autres termes, aucun des demandeurs ne cherche de réparation individuelle au titre du paragraphe 24(1) de la Charte. Par conséquent, si je comprends bien, les défendeurs se préoccupent de la « souplesse en matière de réparation » parce qu’il existe certaines différences dans les motifs et les autres caractéristiques des violations de la Charte alléguées dans les procédures connexes.

[29]  Je retiens les nuances de certains des arguments juridiques des demandeurs, mais je ne suis pas convaincu que les pouvoirs réparateurs de notre Cour seraient diminués par la réunion des instances. Il est généralement vrai que le fait que des redressements différents soient sollicités milite contre la réunion des instances (Association des crabiers acadiens Inc c Canada (Procureur général), 2009 CAF 357, au paragraphe 65). La Cour n’est cependant pas contrainte à ne tirer que des conclusions ou ordonner des mesures de réparation s’appliquant à tous les demandeurs d’une instance réunie. Par exemple, dans l’affaire Monemi c Canada (Procureur général), 2004 CF 1648, le juge Gauthier s’est exprimé comme suit sur les conséquences d’une réunion des instances :

[40]  [...] Suivant cet article, des actions distinctes qui demandent des redressements différents seront instruites conjointement ou successivement si elles se rapportent à des questions de fait et de preuve identiques ou similaires. Après une audience à l’égard d’actions réunies, la Cour évaluera la preuve présentée, y compris la crédibilité du témoin, et appréciera la preuve documentaire seulement une fois avant d’établir les droits distincts résultant de ses conclusions quant aux faits.

[30]  Et malgré les différences dans les mesures de redressement demandées par les divers demandeurs, le juge MacKay a réuni deux instances dans la décision Bande de Montana :

[35]  Je considère qu’en l’occurrence les circonstances justifient la réunion d’instances. Cela évitera la multiplicité des instances et favorisera, contrairement à des actions distinctes, une procédure plus rapide et moins coûteuse pour trancher les questions sur lesquelles les parties s’opposent. On trouve, dans les deux actions telles qu’elles sont présentement formulées, les mêmes parties, une grande similarité quant aux questions de droit et de fait invoquées par les parties à l’appui de leurs demandes, les deux actions étant en outre fondées en grande partie sur des preuves communes ou analogues, les différences au niveau des mesures de redressement sollicitées de la Cour se rattachant à des causes précises découlant d’un seul et unique ensemble de circonstances.

[31]  De plus, la décision Bande de Montana indiquait au paragraphe 32 que les Règles prévoient suffisamment de souplesse pour aborder les complications potentiellement préjudiciables susceptibles de découler de la réunion des instances, y compris les Règles 106 et 107, qui permettent à la Cour d’ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

[32]  La jurisprudence récente de la Cour d’appel fédérale confirme aussi la prérogative de la Cour d’ordonner des mesures de redressement distinctes à l’égard de questions litigieuses différentes après la réunion des instances. En avril 2016, le juge Stratas a réuni les affaires A‑186‑15 et A‑178‑15, deux contrôles judiciaires portant sur la Loi sur les mesures spéciales d’importation, LRC (1985), c S-15. La réunion des instances avait été ordonnée malgré le fait que deux parties à ces procédures étaient les demandeurs dans le cadre de l’un des contrôles judiciaires et les défendeurs dans le cadre de l’autre.

[33]  Le juge Stratas a ordonné cette réunion, parce que les affaires a) portaient sur la même procédure administrative b) soulevaient des questions communes, et que c) cela éviterait ainsi la duplication et d) qu’il était important qu’un seul tribunal détermine, d’un seul trait, la légalité de la procédure administrative. Les différences entre les parties et les arguments ont eu comme seul résultat que la Cour d’appel fédérale a, en fin de compte, produit des motifs distincts pour chaque demande (Prudential Steel ULC c Borusan Mannesmann Boru Sanayi ve Ticaret AS, 2017 CAF 173, au paragraphe 3, et SeAH Steel Corporation c Evraz Inc NA Canada, 2017 CAF 172, au paragraphe 3).

[34]  Je conclus que la Cour ne serait pas limitée, concernant le redressement ou autrement, si la réunion des instances était ordonnée et que par conséquent, les différences dans les motifs sous-tendant les allégations de discrimination ne l’emportent pas sur la réunion des instances.

F.  Préjudice

[35]  Dans la décision Sanofi, notre Cour a conclu que la question du préjudice éventuel constitue le facteur le plus important dans le cadre d’une requête en réunion d’instances et qu’il incombe à la partie qui présente la requête de prouver a) que le fait de poursuivre les actions séparément lui serait préjudiciable ou constituerait un abus de procédure et b) que la réunion d’instances ne serait pas préjudiciable à la partie intimée (aux paragraphes 11 et 25). Les défendeurs affirment que Mme Mustefa ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

[36]  Comme mentionné plus tôt cependant, je n’ai pas été convaincu que la réunion des instances serait préjudiciable aux défendeurs. De plus, je souscris à l’observation de Mme Mustefa qui soutient que même si le fardeau de prouver qu’aucun préjudice ne découlerait de la réunion des instances, en termes pratiques, cela ne signifie pas qu’elle doit présager et aborder toute forme de préjudice éventuel que les défendeurs n’ont pas eux-mêmes reconnu.

[37]  De plus, comme c’était le cas dans la décision Bande de Montana, je suis convaincu que, à la lumière du volume des éléments de preuve déjà produits et de ce que les parties affirment avoir l’intention de présenter, un abus potentiel de procédure découlerait du fait de traiter les procédures connexes comme des demandes distinctes. Tout comme dans la décision Bande de Montana, si ces affaires étaient instruites séparément, « il faudrait établir un même ensemble de faits, et […] de nombreux documents » pour chaque instance (au paragraphe 30). En l’espèce, cela signifierait d’établir et de présenter la preuve et les arguments juridiques à trois reprises.

[38]  Je note que plusieurs des objections des défendeurs à la réunion des instances découlent de l’argument voulant que la gestion conjointe des instances soit plus efficiente. Toutefois, lors de l’audience de cette requête, l’avocat de Mme Mustefa a exhorté notre Cour à interpréter les préoccupations d’efficience des défendeurs avec un certain scepticisme, sous-entendant que les défendeurs s’opposaient à des questions pour lesquelles les demandeurs avaient déjà fait des concessions.

[39]  À mon avis, les efficiences potentielles de la réunion des instances sont évidentes. Les demandeurs pourront communiquer de façon plus efficace entre eux, ils pourront s’appuyer sur un dossier commun et adopter les observations des autres demandeurs. On pourra ainsi éviter la duplication de la preuve et des arguments. L’audience sera par conséquent abrégée, le dossier, simplifié, et il n’y aura qu’un seul mémoire. Cela permet d’atteindre les objectifs stratégiques mentionnés plus tôt, ainsi que les objectifs fondamentaux établis à la Règle 3, soit de promouvoir l’administration efficace de la justice et d’en faciliter l’accès.

[40]  Enfin, il ne devrait échapper à personne que les questions communes soulevées au cours de ces procédures revêtent une importance nationale et transcendent les intérêts immédiats de chacune des parties (Conseil canadien pour les réfugiés c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1131, au paragraphe 74). Par conséquent, il est important qu’elles soient examinées, d’un trait, par un seul juge de notre Cour, ce qui permettra de mieux atteindre les objectifs fondamentaux de l’administration de la justice.

IV.  Conclusion

[41]  En résumé, je conclus que les procédures connexes devraient être réunies. Les parties ont convenu d’un calendrier pour les prochaines étapes menant à une date d’audience en janvier 2019. J’espère sincèrement que les parties tenteront maintenant de régler ces importantes questions de fond, dans l’esprit de la Règle 3 des Règles des cours fédérales, qui anime la présente ordonnance et les présents motifs.


ORDONNANCE DANS LES DOSSIERS IMM-2977-17, IMM-2229-17 ET IMM-775-17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. Les demandes des dossiers IMM-2977-17, IMM-2229-17 et IMM-775-17 seront réunies;

  2. La demande du dossier IMM-2977-17 sera considérée comme la demande principale;

  3. L’intitulé de la présente ordonnance et des motifs sera celui de la présente instance réunie.

  4. Tout autre élément de preuve produit dans le cadre de la présente instance réunie devra a) arborer l’intitulé établi dans la présente ordonnance et les présents motifs et b) être versé seulement au dossier IMM-2977-17.

  5. Le tout sans dépens.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de décembre 2019

Lionbridge


Annexe A : Historique procédural

20 février 2017

Homsi

Dépôt de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

28 février 2017

Homsi

Dépôt d’un avis de comparution dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

1er mai 2017

Homsi

Dépôt d’un dossier de demande dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

17 mai 2017

Mustefa

Dépôt de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

19 mai 2017

Mustefa

Dépôt d’un avis de comparution dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

31 mai 2017

Homsi

Dépôt du mémoire des défendeurs dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

12 juin 2017

Homsi

Dépôt du mémoire de réponse des demandeurs dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

5 juillet 2017

CCR

Dépôt de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

5 juillet 2017

CCR

Dépôt de la requête en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi des demandeurs

6 juillet 2017

CCR

Dépôt des documents d’opposition des défendeurs à la requête en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi

6 juillet 2017

CCR

Audience de la requête en sursis des demandeurs

6 juillet 2017

CCR

Promulgation d’une ordonnance accordant un sursis de l’exécution de la mesure de renvoi et protégeant l’identité des demandeurs individuels

6 juillet 2017

CCR

Dépôt d’un avis de comparution dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

25 juillet 2017

Homsi

Ordonnance accordant l’autorisation et fixant l’audience au 23 octobre 2017

26 juillet 2017

Mustefa

Dépôt au greffe des documents de la requête en réunion des instances accompagnés d’une lettre demandant qu’ils soient déposés sous pli scellé en raison de l’ordonnance de confidentialité prononcée dans l’instance CCR

27 juillet 2017

Mustefa

Édiction d’une directive selon laquelle Mme Mustefa doit présenter sa demande de confidentialité par requête formelle

28 juillet 2017

Mustefa

Dépôt d’une requête de confidentialité en ajout aux documents de la requête en réunion des instances

28 juillet 2017

Homsi

Dépôt d’une lettre en appui à la requête en réunion de l’instance Mustefa

31 juillet 2017

CCR

Dépôt d’une lettre en appui à la requête en réunion de l’instance Mustefa

8 août 2017

Mustefa

Dépôt des documents d’opposition des défendeurs à la réunion des instances

8 août 2017

CCR

Dépôt de la lettre d’opposition des défendeurs à la lettre en appui à la réunion des demandeurs

9 août 2017

Homsi

Réception du dossier certifié du tribunal

14 août 2017

Mustefa

Dépôt du mémoire de réponse des demandeurs au dossier de requête en réunion des défendeurs

14 août 2017

Mustefa

Dépôt d’une lettre des demandeurs expliquant l’intention de Mme Mustefa de demander la prorogation du délai pour parfaire sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire après la décision rendue relativement à sa requête en réunion des instances

14 août 2017

CCR

Dépôt d’une lettre des demandeurs adoptant les observations en réponse de la requête en réunion de l’instance Mustefa

17 août 2017

Mustefa

Dépôt de la version non confidentielle de la requête en réunion des instances

18 août 2017

Mustefa

Promulgation d’une ordonnance accueillant la requête de confidentialité de Mme Mustefa lui permettant de déposer sa requête en réunion des instances nunc pro tunc

18 août 2017

Mustefa

Promulgation d’une ordonnance concluant que la requête en réunion de Mme Mustefa était prématurée, car les demandes Mustefa et CCR n’avaient pas encore été mises en état. Elles sont donc mises en suspens, en attendant qu’une décision soit rendue sur la demande d’autorisation dans ces dossiers

5 septembre 2017

CCR

Dépôt d’une requête des défendeurs en vue d’obtenir une ordonnance radiant les organisations en tant que parties

11 septembre 2017

CCR

Dépôt des documents des demandeurs en opposition à la requête en radiation des défendeurs

11 septembre 2017

CCR

Réception de la lettre des demandeurs demandant une prorogation de délai pour déposer le dossier de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en attendant la disposition de la requête en radiation des défendeurs

15 septembre 2017

CCR

Dépôt du mémoire de réponse des défendeurs dans le cadre de la requête en radiation

15 septembre 2017

Mustefa

Dépôt de la requête de prorogation de délai des demandeurs pour déposer le dossier de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

25 septembre 2017

Mustefa

Dépôt des documents des défendeurs en opposition à la demande de prorogation de délai de Mme Mustefa

29 septembre 2017

Mustefa

Dépôt du mémoire de réponse des demandeurs dans le cadre de la demande de prorogation de délai

5 octobre 2017

Mustefa

Promulgation d’une ordonnance accordant la prorogation de délai et donnant à la demanderesse jusqu’au 15 septembre 2017 pour déposer le dossier de demande nunc pro tunc.

19 octobre 2017

Procédures connexes

Promulgation d’une ordonnance nommant un juge de gestion d’instance

20 octobre 2017

Homsi

Édiction d’une directive ajournant sine die l’audience de la demande de contrôle judiciaire.

30 octobre 2017

Procédures connexes

Tenue d’une conférence de gestion d’instance

1er novembre 2017

CCR

Promulgation d’une ordonnance fixant l’audience de la requête en radiation des défendeurs au 16 novembre 2017 et accueillant la demande de prorogation de délai des demandeurs

1er novembre 2017

Homsi

Promulgation d’une ordonnance mettant l’instance Homsi en suspens dans l’attente des décisions dans les décisions CCR et Mustefa

6 novembre 2017

Mustefa

Dépôt du dossier des défendeurs dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

10 novembre 2017

CCR

Édiction de directives concernant la compétence de la Cour pour accorder les redressements demandés dans le cadre de la requête en radiation des défendeurs

14 novembre 2017

CCR

Dépôt d’observations supplémentaires des défendeurs dans le cadre de la requête en radiation

15 novembre 2017

CCR

Dépôt d’observations supplémentaires des demandeurs dans le cadre de la requête en radiation

16 novembre 2017

Mustefa

Dépôt du mémoire de réponse des demandeurs dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

16 novembre 2017

CCR

Audience de la requête en radiation des défendeurs

11 décembre 2017

CCR

Promulgation d’une ordonnance rejetant la requête en radiation des défendeurs et accordant aux organisations la qualité pour agir dans l’intérêt public

11 décembre 2017

Mustefa

Promulgation d’une ordonnance accordant l’autorisation de contrôle judiciaire et reportant l’établissement du calendrier

11 décembre 2017

Procédures connexes

Tenue d’une conférence de gestion d’instance

13 décembre 2017

CCR

Demande d’autorisation des demandeurs pour déposer un mémoire de plus de 30 pages dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

14 décembre 2017

Mustefa

Promulgation d’une ordonnance exigeant que le dossier certifié du tribunal soit produit au plus tard le 22 janvier 2018

14 décembre 2017

Procédures connexes

Promulgation d’une ordonnance prévoyant une nouvelle conférence de gestion d’instance le 5 mars 2018 à l’occasion de laquelle les parties pourront présenter verbalement des arguments relatifs à la question de la réunion (on a aussi donné aux parties l’occasion de présenter de nouvelles observations; aucune d’entre elles ne s’est prévalu de cette possibilité)

2 janvier 2018

CCR

Lettre des défendeurs ne prenant aucune position par rapport à la demande des demandeurs de présenter un mémoire plus long dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

2 janvier 2018

CCR

Promulgation d’une ordonnance accordant aux demandeurs l’autorisation de présenter un mémoire ne devant pas dépasser 40 pages dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

8 janvier 2018

CCR

Dépôt d’un dossier de demande dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

18 janvier 2018

Mustefa

Réception du dossier certifié du tribunal

7 février 2018

CCR

Dépôt du mémoire des arguments des défendeurs dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

19 février 2018

CCR

Dépôt du mémoire de réponse des demandeurs dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

28 février 2018

CCR

Promulgation d’une ordonnance accordant l’autorisation de contrôle judiciaire et reportant l’établissement du calendrier

5 mars 2018

Procédures connexes

Tenue d’une conférence de gestion d’instance où notre Cour a entendu, avec le consentement des parties, d’autres observations relatives à la question de la réunion des instances

5 mars 2018

Procédures connexes

Présentation d’un échéancier sur consentement par les parties

21 mars 2018

CCR

Réception du dossier certifié du tribunal

12 avril 2018

Mustefa

Promulgation d’une ordonnance accueillant la requête en réunion des instances


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM-775-17, IMM-2229-17, IMM-2977-17

INTITULÉ :

CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS ET AL. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET AL.

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 mars 2018

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

DATE DES MOTIFS :

12 avril 2018

COMPARUTIONS :

Prasanna Balasundaram

 

Pour les demandeurs

NEDIRA JEMAL MUSTEFA, ABC,

DE (REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE )

FG (REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE )

 

Joshua Blum

 

POUR LES DEMANDERESSES

MOHAMMAD MAJD MAHER HOMSI

HALA MAHER HOMSI

KARAM MAHER HOMSI

REDA YEASSIN AL NAHASS

 

Andrew Brouwer

Kate Webster

Erin Simpson

 

POUR LES DEMANDEURS

CONSEIL CANADIEN DES ÉGLISES

CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS

AMNISTIE INTERNATIONALE

 

Martin Anderson

David Knapp

Charles Jubenville

Lucan Gregory

 

Pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Downtown Legal Services

Avocats

TORONTO (ONTARIO)

 

POUR LE DEMANDEUR

NEDIRA MUSTEFA

ABC

DE (REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE )

FG (REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE )

 

Bureau du droit des réfugiés

Avocats

TORONTO (ONTARIO)

 

POUR LES DEMANDEURS

CONSEIL CANADIEN DES ÉGLISES

CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS

AMNISTIE INTERNATIONALE

 

Jared Will & Associates

Avocats

TORONTO (ONTARIO)

 

POUR LES DEMANDEURS

MOHAMMAD MAJD MAHER HOMSI

HALA MAHER HOMSI

KARAM MAHER HOMSI

REDA YEASSIN AL NAHASS

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)

 

Pour les défendeurs

 

 

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