Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180308

Dossier : IMM-626-17

Référence : 2018 CF 272

[TRADUCTION FRANÇAISE]

À Ottawa (Ontario), le 8 mars 2018

En présence de monsieur le juge en chef

ENTRE :

EMMANUEL LESLY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La question centrale soulevée dans la présente demande est de savoir si des arguments apparemment solides pour une demande de contrôle judiciaire devraient l’emporter sur des arguments faibles pour l’octroi d’une prorogation de délai pour déposer une demande d’autorisation afin de solliciter un contrôle judiciaire.

[2]  La réponse à cette question doit dépendre des faits particuliers en cause. Dans la présente demande, les faits n’appuient pas l’octroi d’une prorogation de délai au demandeur.

[3]  Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour d’accorder une prorogation de délai pour déposer une demande d’autorisation afin de solliciter un contrôle judiciaire, la longueur du délai est un facteur d’une éventuelle importance à prendre en compte. Plus le délai est long, plus cela peut jouer en faveur du non-octroi de la prorogation de délai. En l’espèce, le délai d’environ cinq ans et demi a servi à renforcer un fondement déjà solide pour rejeter la demande de prorogation de délai du demandeur.

I.  Contexte

[4]  Le demandeur, aussi appelé « B001 », est un citoyen du Sri Lanka de 43 ans. Il fait partie des 492 personnes qui sont arrivées au Canada le 13 août 2010 à bord du navire Sun Sea. À son arrivée, il a présenté une demande d’asile fondée sur sa crainte d’être persécuté au Sri Lanka, vu son appartenance à la minorité tamoule de ce pays. Même s’il est parfois appelé M. Lesly, je comprends que son nom de famille est Emmanuel.

[5]  En avril 2011, avant l’examen de la demande d’asile de M. Emmanuel, un délégué du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a recommandé que le cas du demandeur soit déféré en vue d’une enquête. Cette recommandation a fait suite à un rapport d’un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Le rapport se fondait sur des allégations selon lesquelles M. Emmanuel était le « capitaine » du navire Sun Sea.

[6]  En septembre 2011, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que M. Emmanuel était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR. Elle est arrivée à cette conclusion après avoir conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Emmanuel est un étranger qui s’est livré, dans le cadre de la criminalité transnationale, au « passage de clandestins ». Par conséquent, une ordonnance d’expulsion a été émise, mais n’a pas encore été mise en application.

[7]  Pour arriver à sa conclusion, la Section de l’immigration a soutenu que les éléments que le ministre est tenu de démontrer pour établir qu’une personne s’est livrée à un « passage de clandestins » aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR étaient les mêmes que ceux que la Couronne est tenue de démontrer pour établir l’infraction de « passage de clandestins » en vertu de l’article 117 de cette loi. À cet égard, la Section de l’immigration a conclu que ces éléments consistaient à « sciemment organiser l’entrée dans un pays d’une ou plusieurs personnes non munies des documents – passeport, visa ou autre – requis par la présente loi ou d’inciter, d’aider ou d’encourager une telle personne à entrer dans ce pays ». La Section de l’immigration a spécifiquement conclu que le ministre n’avait pas à démontrer l’élément supplémentaire selon lequel la personne en question s’était livrée au présumé passage de clandestins afin d’obtenir, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel. Par conséquent, elle n’a pas vérifié si M. Emmanuel avait accepté d’être capitaine du navire Sun Sea afin d’obtenir un tel avantage.

[8]  Dans B010 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58, aux paragraphes 5 et 76 [B010], la Cour suprême du Canada a par la suite conclu le contraire. Dans une décision unanime rendue en novembre 2015, la Cour a conclu que l’alinéa 37(1)b) de la LIPR « s’applique uniquement aux personnes qui posent des gestes pour assurer l’entrée illégale de demandeurs d’asile dans un pays afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel dans le cadre de la criminalité organisée transnationale » (au paragraphe 5, je souligne).

[9]  La Cour suprême dans B010 a ajouté que les personnes peuvent échapper à l’interdiction de territoire prévue à l’alinéa 37(1)b) « s’ils ont simplement aidé d’autres réfugiés ou demandeurs d’asile à entrer illégalement au pays alors qu’ils tentaient collectivement d’y trouver refuge » (B010, précité, au paragraphe 72). En d’autres termes, la Cour suprême a conclu que le sens du passage de clandestins dans cette disposition ne s’étend pas à l’entraide, à l’aide aux membres de la famille ou à une conduite uniquement motivée par des motifs d’ordre humanitaire. Dans la décision connexe de R c Appulonappa, 2015 CSC 59, aux paragraphes 34 et 84 [Appulonappa], rendue le même jour, la Cour suprême est arrivée à une conclusion semblable en ce qui concerne l’article 117 de la LIPR. Cela est important pour M. Emmanuel, parce qu’il a témoigné devant la Section de l’immigration qu’il n’avait jamais eu l’intention de travailler à bord du navire Sun Sea et qu’il avait seulement accepté d’aider à piloter le navire après avoir embarqué et que l’équipage thaïlandais de départ avait abandonné le cargo. Il a déclaré que, lorsque cela s’est produit, plusieurs passagers l’avaient supplié de diriger le bateau vers le Canada, et lui avaient dit qu’ils ne pouvaient pas retourner au Sri Lanka. Il a ajouté qu’il considérait cela comme une [traduction] « question de vie ou de mort ».

[10]  Compte tenu de ce qui précède, M. Emmanuel soutient qu’il a été interdit de territoire au Canada en raison d’un critère erroné. Il affirme que si la Section de l’immigration avait appliqué le critère énoncé dans B010, précité, elle aurait probablement tiré une conclusion différente en ce qui concerne son admissibilité au Canada.

[11]  En juin 2012, environ sept mois après qu’il a été déclaré interdit de territoire au Canada, M. Emmanuel a été accusé en application du paragraphe 117(1) de la LIPR. Cette disposition érige en infraction le fait de « sciemment organise[r] l’entrée au Canada d’une ou plusieurs personnes non munies des documents — passeport, visa ou autre — requis par la présente loi ou incite[r], aide[r] ou encourage[r] une telle personne à entrer au Canada ». Il semble que son procès ainsi que ceux de ses coaccusés ont ensuite été ajournés sur consentement en attendant l’émission de la décision de la Cour suprême dans Appulonappa, précité. Finalement, le 25 janvier 2017, M. Emmanuel a été déclaré non coupable des accusations portées en vertu du paragraphe 117(1).

[12]  Environ trois semaines plus tard, le 10 février 2017, M. Emmanuel a présenté une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision d’interdiction de territoire rendue par la Section de l’immigration en septembre 2011.

[13]  Par ordonnance datée du 4 juillet 2017, la juge Strickland a autorisé le dépôt de la présente demande, sous réserve de la décision du juge d’audience concernant la demande de prorogation de délai de M. Emmanuel pour déposer la demande. Son ordonnance précisait qu’une telle demande serait entendue immédiatement avant le contrôle judiciaire.

II.  Dispositions législatives applicables

[14]  Afin de décider s’il faut accueillir la demande de prorogation de délai de M. Emmanuel pour déposer une demande d’autorisation de contrôle judiciaire, les dispositions législatives pertinentes sont énoncées aux alinéas 72(2)b) et 72(2)c) de la LIPR.

[15]  Conformément à l’alinéa 72(2)b), un avis de demande doit être déposé auprès de la Cour dans les 15 jours suivant la date à laquelle le demandeur a été avisé ou a eu connaissance de l’objet de la demande.

[16]  Conformément à l’alinéa 72(2)c), « le délai peut toutefois être prorogé, pour motifs valables, par un juge de la Cour ».

[17]  Le texte intégral du paragraphe 72(2) est inclus dans l’Annexe 1 des présents motifs de jugement. L’alinéa 37(1)b) et l’article 117, qui sont pertinents pour ce qui est du fondement de la demande de contrôle judiciaire de M. Emmanuel, sont également inclus dans l’Annexe 1.

III.  Discussion

A.  Principes généraux

[18]  Les délais applicables aux instances devant la Cour ne sont pas capricieux. Ils existent « dans l’intérêt public, afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif et puissent aussi être exécutées sans délai, apportant la tranquillité d’esprit à ceux qui observent la décision ou qui veillent à ce qu’elle soit observée, souvent à grands frais » (Canada c Berhad, 2005 CAF 267, au paragraphe 60 [Berhad]. Voir également Cornejo Arteaga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 868, aux paragraphes 13 et 14 [Arteaga]).

[19]  Pour déterminer s’il y a des raisons particulières de justifier l’autorisation d’une prorogation de délai pour déposer et signifier une demande devant la Cour, les principaux facteurs à prendre en compte sont de savoir si le demandeur a démontré :

  1. le bien-fondé de sa demande;

  2. l’existence d’une explication raisonnable pour justifier le retard;

  3. qu’il y a une intention constante de poursuivre sa demande;

  4. que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai;

(Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999 CanLII 8190 (CAF), au paragraphe 3 [Hennelly], Canada (Développement des ressources humaines) c Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 32 [Hogervorst].)

[20]  De plus, la période pour laquelle une prorogation de délai est demandée peut être importante (Grewal c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] ACF no 144, à la page 277 [Grewal]; Hogervorst, précité, aux paragraphes 41 et 47), et l’explication donnée pour le retard doit le justifier pour toute la période en cause (Arteaga, précité, au paragraphe 16; Guevara Villatoro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 705, au paragraphe 27 [Villatoro]).

[21]  Par ailleurs, tout laxisme ou toute omission de présenter une demande avec autant de diligence que ce à quoi on pourrait logiquement s’attendre militera fortement contre l’octroi d’une prorogation (Westinghouse Canada Inc. c Canada (Tribunal du commerce extérieur), 1989 CarswellNat 722, au paragraphe 6, [1989] ACF no 540 (CAF) [Westinghouse]; Grewal, précité).

[22]  La considération essentielle pour déterminer s’il faut accorder une prorogation de délai afin de signifier et de déposer une demande est de veiller à ce que la justice soit rendue entre les parties (Grewal, précité, page 272; Hogervorst, précité, paragraphe 33). Cela garantit qu’une prorogation de délai peut toujours être accordée même si l’un des quatre critères susmentionnés n’est pas satisfait (Hogervorst, précité, au paragraphe 33).

[23]  Toutefois, le bien-fondé de la demande sous-jacente, même s’il est très solide, ne constitue pas nécessairement une base suffisante pour accorder la prorogation. S’il en était autrement, cela « aurait pour effet d’abolir le délai applicable dans tous les cas comme celui-là et de garantir les prorogations recherchées, sans tenir compte du principe voulant que le jugement d’un tribunal, à un point donné, doive devenir définitif » (Grewal, précité, à la page 280). Autrement dit, « le délai prévu pour le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire n’était pas censé viser uniquement les causes “faibles” » (Zen c Canada (Revenu national), 2008 CF 371, aux paragraphes 52 et 53; Chen c (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 899, au paragraphe 33 [Chen]).

[24]  En plus de veiller à ce que justice soit rendue entre les parties, il peut aussi être pertinent de tenir compte des intérêts généraux de la justice, y compris des effets sur les tiers (Grewal, précité, aux pages 273 et 274, examinant Berkeley, Re, Borrer v Berkeley, [1944] 2 All ER 395 (CA)). À mon avis, cela peut inclure l’équité à l’égard des tiers qui ont agi avec diligence lors du dépôt de leur demande et de tout appel qui en découle et, par conséquent, ne peuvent plus bénéficier du même changement de fond dans la loi qui peut constituer le fondement d’une demande.

[25]  Dans tous les cas, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour pour accorder une prorogation de délai dépendra des faits propres à chaque cas (Hennelly, précité, au paragraphe 4, Grewal, précité, à la page 272, Chen, précité, aux paragraphes 33 et 34).

[26]  Sous réserve de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour d’accorder une prorogation de délai en vertu de l’alinéa 72(2)c) de la LIPR, la décision sous-jacente à l’égard de laquelle une demande de contrôle judiciaire peut être sollicitée est considérée comme étant la chose jugée après l’expiration du délai de 15 jours prévu à l’alinéa 72(2)b) (Yeager c Day, 2013 CAF 258, au paragraphe 10, Rogers Communications Partnership c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), 2016 CAF 28, au paragraphe 86, autorisation d’interjeter appeler à la CSC refusée, 36907 (le 23 juin 2016)). Autrement dit, à moins qu’une prorogation ne soit accordée, les évolutions survenues dans la common law n’ont pas d’effet rétroactif sur les décisions qui ont acquis le statut de « définitif » (Ipex Inc. c Lubrizol Advanced Materials Canada, 2015 ONSC 6580, aux paragraphes 22 à 25). C’est l’approche adoptée en matière de condamnations pénales dans les affaires qui ne sont plus « dans le système », même si la disposition en vertu de laquelle l’accusé a été déclaré coupable est ultérieurement déclarée inconstitutionnelle (R c Sarson, [1996] 2 RCS 223, aux paragraphes 25 à 27); R c Wigman, [1987] 1 RCS 246, à la page 248; R c Thomas, [1990] 1 RCS 713, aux pages 715 et 716).

B.  Application des principes généraux aux faits en l’espèce

[27]  M. Emmanuel soutient que les circonstances particulières de son affaire sont si exceptionnelles et atténuantes que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de lui accorder la prorogation de délai qu’il a demandée pour déposer sa demande de contrôle judiciaire de la décision d’interdiction de territoire de la Section de l’immigration.

[28]  Je ne suis pas d’accord. Après examen des facteurs d’évaluation énumérés au paragraphe 19 ci-dessus, je suis d’avis qu’il ne serait pas approprié d’accorder cette prorogation de délai. Je crois également qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de le faire.

1)  Le bien-fondé de la demande de M. Emmanuel

[29]  M. Emmanuel soutient que le bien-fondé de sa demande de contrôle judiciaire est solide. En effet, la Section de l’immigration a essentiellement appliqué la même interprétation de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR qui a été jugée erronée dans B010, précité. À la lumière de cette erreur, l’affaire B010 ainsi que celles de ses coappelants ont été renvoyées à la Section de l’immigration pour réexamen conformément à l’interprétation plus restrictive de cette disposition qui a été énoncée par la Cour suprême. M. Emmanuel soutient que le résultat de sa demande devrait être le même, étant donné que la Section de l’immigration n’a pas examiné la question de savoir s’il assumait les fonctions de « capitaine » du navire Sun Sea en vue d’obtenir un avantage financier ou autre avantage matériel.

[30]  Au cours de l’audience de cette demande de prorogation, le défendeur a reconnu que la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Emmanuel concernant la décision de la Section de l’immigration semble bien fondée. Cependant, il a soutenu que ce bien-fondé n’est pas aussi solide que M. Emmanuel le suggère. À cet égard, le défendeur a affirmé que, contrairement au demandeur dans B010, précité, M. Emmanuel n’a pas fait valoir devant la Section de l’immigration que l’alinéa 37(1)b) prévoit qu’une personne doit avoir été impliquée dans le passage de clandestins en vue d’en tirer un avantage financier ou un autre avantage matériel (B010 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 569, au paragraphe 17 [B010 CF]). Par conséquent, la Section de l’immigration n’a pas examiné s’il avait reçu, ou s’attendait à recevoir, un tel avantage. De plus, le défendeur a fait référence à des éléments de preuve dans le dossier qui laissent entendre que M. Emmanuel aurait effectivement reçu, ou qu’on lui avait promis, un avantage financier en échange de son acceptation d’être capitaine du navire Sun Sea (dossier certifié du tribunal, à la page 539).

[31]  Nonobstant ce qui précède, je conviens avec M. Emmanuel que le fond de sa requête semble solide, du moins à première vue, parce que la Section de l’immigration n’a pas déterminé expressément ou implicitement si M. Emmanuel était d’accord pour être capitaine du navire Sun Sea en échange d’un avantage financier direct ou indirect ou de tout autre avantage matériel (Gechuashvili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 365, aux paragraphes 22 et 23, Vashakidze c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1144, au paragraphe 23, Handasamy c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1389, au paragraphe 42).

2)  La justification du retard de M. Emmanuel

[32]  La Section de l’immigration a rendu sa décision le 8 septembre 2001. Toutefois, M. Emmanuel a attendu environ cinq ans et demi avant de demander, le 10 février 2017, une autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

[33]  L’explication qu’a donnée M. Emmanuel pour ce retard était qu’il faisait l’objet d’une enquête pour des accusations criminelles liées à la même conduite que celle qui était en cause lors de son audience devant la Section de l’immigration. Bien que les accusations contre lui n’aient été portées que le 4 juin 2012, il a déclaré qu’il savait beaucoup plus tôt qu’il faisait l’objet d’une enquête de la GRC et que des accusations « seraient probablement » portées. Étant donné qu’une condamnation en vertu de l’article 117 [traduction] « aurait aussi impliqué une conclusion d’interdiction de territoire en vertu de l’article 37 », il a estimé qu’il serait logique d’attendre l’issue de son procès criminel avant de contester la décision de la Section de l’immigration. Son opinion à cet égard a été renforcée par son évaluation selon laquelle une condamnation en vertu de l’article 117 aurait également entraîné son interdiction de territoire en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR pour grande criminalité. Il affirme que cela aurait entraîné les mêmes conséquences en matière d’interdiction de territoire, rendant ainsi tout autre litige concernant la conclusion d’interdiction de territoire de la Section de l’immigration [traduction] « dénué de sens et théorique ».

[34]  Une fois que la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation dans B010 et Appulonappa, précités, les accusations portées contre lui, ainsi que contre ses trois coaccusés, ont été suspendues en attendant le prononcé des décisions dans ces affaires, ce qui est arrivé le 27 novembre 2015. La suspension a alors été levée et il a finalement été acquitté le 25 janvier 2017. Trois semaines plus tard, il a déposé sa demande auprès de la Cour afin d’obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de l’immigration en septembre 2011.

[35]  M. Emmanuel a déclaré que sa situation a été compliquée davantage par le fait qu’il était mis en détention par l’immigration et qu’il devait se préparer à plaider pour sa libération tous les 30 jours à compter de son arrivée au Canada. De plus, il a passé beaucoup de temps à préparer une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), qu’il a soumise peu après son audience devant la Section de l’immigration, en septembre 2011, et qui apparemment est toujours en instance.

[36]  Compte tenu de tout ce qui précède, M. Emmanuel soutient que les questions soulevées dans ses procédures relatives à la criminalité et à l’interdiction de territoire étaient non seulement complexes, mais aussi fondamentalement liées, de sorte qu’il était tout à fait raisonnable selon lui d’avoir voulu attendre que la Cour suprême rende ses décisions dans B010 et Appulonappa, précités, avant de déterminer s’il y a lieu de s’opposer davantage à la décision d’interdiction de territoire de la Section de l’immigration. Il affirme que sa position à cet égard était renforcée par le fait qu’il avait des [traduction] « moyens limités ».

[37]  À mon avis, les explications que M. Emmanuel a fournies relativement à son très long retard pour demander l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard de la décision d’interdiction de territoire de la Section de l’immigration ne sont pas raisonnables.

[38]  M. Emmanuel disposait de neuf mois pour préserver ses droits relativement à cette décision, avant que des accusations ne soient portées contre lui en juin 2012. Il ne l’a cependant pas fait. Son explication selon laquelle il croyait que des accusations seraient « vraisemblablement » portées est incompatible avec son propre témoignage devant la Section de l’immigration selon lequel cela relevait [traduction] « de la conjecture » quant à savoir si une [traduction] « incarcération ou une déclaration de culpabilité en l’espèce » s’ensuivrait. Malheureusement, M. Emmanuel n’a déposé aucune preuve par affidavit pour apporter d’autres précisions à ce sujet. De plus, lors de l’audience tenue devant moi, l’avocate de M. Emmanuel a reconnu que ce dernier avait été libéré avant d’être accusé. À partir de ce moment, il n’était plus limité dans sa capacité à solliciter l’autorisation de demander un contrôle judiciaire de la décision de la Section de l’immigration, en raison de sa détention.

[39]  En effet, comme le défendeur l’a noté, nombre d’autres passagers ou membres de l’équipage à bord du navire Sun Sea qui ont fait l’objet d’une décision d’interdiction de territoire de la part de la Section de l’immigration ou de la Section d’appel de l’immigration ont sollicité l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire dans le délai prescrit. Cela incluait B010 et d’autres qui avaient soulevé l’argument selon lequel l’alinéa 37(1)b) exige la démonstration « d’un avantage financier ou d’un autre avantage matériel », tel qu’énoncé dans le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer (voir B010 CF, précité, aux paragraphes 13 à 18). La décision de la Cour dans B010 CF, qui abordait cette question en détail, a été rendue en mai 2012, environ un mois avant que les accusations contre M. Emmanuel soient portées. Dans cette décision, le juge Noël a certifié la question suivante :

Aux fins de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, est‑il approprié de définir l’expression « passage de clandestins » sur le fondement de l’article 117 de ladite loi plutôt que sur la base de la définition contenue dans un instrument international dont le Canada est signataire?

[40]  À partir de cette période environ, l’avocate de M. Emmanuel aurait dû être au courant de la question grave de portée générale qui a été soulevée à l’égard de l’interprétation restrictive de l’alinéa 37(1)b) de la part de la Section de l’immigration en l’espèce. Cela est d’autant plus vrai qu’il y avait une personne qui travaillait à l’aide juridique et qui a travaillé sur chacun des 492 cas présentés par des personnes qui étaient à bord du navire Sun Sea. (Cela a été noté en passant par la personne qui représentait M. Emmanuel à l’audience tenue devant moi.) Dans tous les cas, aucune mesure n’a été prise pour préserver son droit de contester cette décision, en sollicitant l’autorisation de demander un contrôle judiciaire devant la Cour et en sollicitant, par la suite, un ajournement en attendant le résultat de B010 en appel, comme cela est souvent fait dans des circonstances semblables.

[41]  La preuve par affidavit déposée au nom de M. Emmanuel indique qu’il a gardé un contact constant avec les représentants du cabinet d’avocats Exelmans & Co depuis sa procédure concernant son interdiction de territoire devant la Section de l’immigration. Cependant, une autre preuve par affidavit faisant la lumière sur les raisons du retard de M. Emmanuel et expliquant en quoi ses « moyens limités » différaient des autres membres de l’équipage et des passagers qui étaient aidés par l’aide juridique et qui ont eu à traiter de questions semblables, n’a pas été déposée.

[42]  En plus de tout ce qui précède, M. Emmanuel a omis de demander l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour pendant une période d’environ quinze mois après que la décision dans B010, précité, a été rendue, décision sur laquelle il s’appuie maintenant. À mon avis, cette omission n’était pas raisonnable, compte tenu notamment des précisions fournies par la Cour suprême dans cette affaire et dans Appulonoppa, précité, à l’égard de l’alinéa 37(1)b) et de l’article 117 de la LIPR, respectivement. Cela veut dire que l’explication de M. Emmanuel selon laquelle il attendait la fin de son procès criminel avant de contester la décision de la Section de l’immigration devant la Cour n’est pas raisonnable. Cela est particulièrement vrai compte tenu de sa position selon laquelle il n’a reçu aucun avantage financier ou autre avantage matériel en échange de son acceptation de prendre les commandes du navire Sun Sea. Quoi qu’il en soit, si de longues prorogations de délai pour déposer une demande d’autorisation étaient permises chaque fois qu’un demandeur fait face à des accusations criminelles en instance, cela compromettrait l’intérêt public pour que les « décisions administratives acquièrent leur caractère définitif et puissent aussi être exécutées sans délai » (Berhad, précité).

[43]  J’ajouterai simplement en passant que le fait que M. Emmanuel n’a pas contesté la décision d’interdiction de territoire de la Section de l’immigration plus rapidement contraste vivement avec le demandeur dans Grewal, précité, qui avait sollicité l’autorisation de demander un contrôle judiciaire relativement à une décision d’interdiction de territoire de la Section d’appel de l’immigration dès qu’il a pris connaissance de la décision de la Cour suprême du Canada dans Singh c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 RCS 177.

[44]  L’absence d’une explication raisonnable concernant le défaut de M. Emmanuel de poursuivre la présente demande avec autant de diligence que ce à quoi on pouvait logiquement s’attendre, et aussi diligemment que d’autres passagers et membres de l’équipage du navire Sun Sea, milite contre l’octroi de la prorogation qu’il a demandée (Grewal, précité, à la page 277, Westinghouse, précité, au paragraphe 6).

3)  M. Emmanuel avait-il l’intention constante de poursuivre sa demande?

[45]  Lors de l’audience devant moi, M. Emmanuel a reconnu que c’est un facteur faible pour lui. Il reconnaît qu’il [traduction] « n’a pas gardé à proprement parler l’intention de poursuivre la présente demande, vu les circonstances juridiques uniques et complexes » de la présente affaire. Cependant, il soutient qu’il a démontré une intention continue de contester les allégations de passage de clandestins formulées contre lui, aussi bien dans le cadre de l’immigration que dans celui de la criminalité, et qu’il a toujours soutenu qu’il n’avait pas bénéficié matériellement de ses actions.

[46]  Nonobstant ce qui précède, M. Emmanuel n’a produit aucun élément de preuve indiquant qu’il avait l’intention de contester la décision d’interdiction de territoire de la Section de l’immigration à un moment quelconque pendant la période de cinq ans et demi entre le moment où elle a été rendue et le moment où il a déposé sa demande. Son défaut de déposer une telle preuve est un autre facteur qui pèse lourdement contre l’octroi de la longue prorogation de délai qu’il demande maintenant relativement à la présente demande (MacDonald c Canada (Procureur général), 2017 CF 2, au paragraphe 14, Pfizer Canada Inc. c Canada (Santé), 2010 CF 1236, aux paragraphes 20 et 21). Le fait qu’il avait peut-être l’intention de poursuivre sa demande d’ERAR et de contester les accusations criminelles qui étaient portées contre lui n’est pas particulièrement pertinent dans ce contexte.

[47]  M. Emmanuel a également affirmé que sa [traduction] « décision de demander le présent contrôle judiciaire ne s’est pas posée jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada ait rendu sa décision dans B010 et jusqu’à ce qu’il soit acquitté des accusations pour presque le même acte sous-jacent en vertu de l’article 117 de la LIPR le 25 janvier 2017». Toutefois, B010 et d’autres passagers du navire Sun Sea ont demandé un contrôle judiciaire des décisions d’interdiction de territoire rendues par la Section de l’immigration en 2011 et en 2012, en raison du défaut de la Section de l’immigration d’examiner si elles s’étaient livrées au passage de clandestins en échange « d’un avantage financier ou d’un autre avantage matériel » (voir, par exemple, B010 CF, précité, au paragraphe 17, J.P. c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 1466, au paragraphe 24, Hernandez c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 1417, aux paragraphes 1 à 3 et 58 à 72). Contrairement au demandeur dans Grewal, précité, M. Emmanuel n’a pas laissé entendre qu’il ignorait ce fondement sur lequel la décision de la Section de l’immigration pouvait être attaquée.

[48]  De plus, même si l’affirmation de M. Emmanuel devait être acceptée, cela n’expliquerait pas son défaut de demander un contrôle judiciaire de la décision de la Section de l’immigration immédiatement après que la Cour suprême a rendu sa décision dans B010, précité. Compte tenu de l’intervalle de quinze mois entre le moment où la décision B010 a été délivrée et le moment où M. Emmanuel a effectué une demande d’autorisation auprès de la Cour, ce défaut en lui-même milite fortement contre l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire d’accorder la prorogation qu’il a demandée (Arteaga, précité, au paragraphe 16, Villatoro, précité, au paragraphe 27).

4)  Le défendeur subira-t-il un préjudice si la prorogation est accordée?

[49]  M. Emmanuel soutient que le retard, à lui seul, ne cause pas nécessairement un préjudice au défendeur, même si le retard est de cinq ans et demi. À cet égard, il invoque Canada c Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 CF 425, 1993 CarswellNat 855, au paragraphe 108. La majorité des juges de la Cour d’appel fédérale a laissé entendre qu’il ne serait pas approprié de se fier [traduction] « uniquement à son intuition pour décider qu’un retard excessif se traduit nécessairement par un préjudice grave ». Il doit plutôt y avoir preuve de préjudice (Ferguson c Arctic Transportation Ltd., [1996] ACF no 1074, aux paragraphes 30 à 33).

[50]  Le défendeur n’a pas déposé une telle preuve. Au lieu de cela, il s’appuie sur le long retard, en soi. Pour appuyer sa position, il s’est référé à la décision de la Cour dans Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines) c Gattellaro, 2005 CF 883, aux paragraphes 16 et 17 [Gattellaro]. La juge Snider a laissé entendre qu’un retard de plus de sept ans pourrait être très préjudiciable au ministre, même si le dossier ne révélait aucun élément de preuve concernant cette question. La Cour craignait, entre autres, que le fait de laisser une affaire se poursuivre, [traduction] « sans raisons convaincantes, longtemps après l’expiration du délai entraîne l’incertitude et l’absence de caractère définitif tant pour le ministre que pour toutes les parties à l’instance » (au paragraphe 17).

[51]  Dans le contexte du long retard en cause dans la présente demande, je comprends bien les points de vue susmentionnés exprimés par la juge Snider dans Gattellaro, précité. Cependant, je suis lié par Aqua Gem, précité, qui ne semble pas avoir été porté à l’attention de la juge Snider.

[52]  Par conséquent, je considère que l’absence d’une preuve de l’existence d’un préjudice de la part du défendeur devrait jouer en faveur de l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire d’accorder la prorogation qu’a demandée M. Emmanuel. En ce qui concerne les faits particuliers en l’espèce, je suis d’avis qu’il est plus approprié de prendre en compte la longue période de retard pour déterminer le poids à accorder au manque d’intention de M. Emmanuel de contester la décision d’interdiction de territoire de la Section de l’immigration devant la Cour pendant plusieurs années.

5)  Résumé et intérêt de la justice

[53]  En résumé, le bien-fondé de prime abord de la demande de M. Emmanuel, de même que le manque de preuve de l’existence d’un préjudice pour le défendeur, jouent en faveur de l’octroi de la prorogation demandée par M. Emmanuel. Cependant, l’absence d’explication raisonnable de son retard et son manque d’intention de contester la décision d’interdiction de territoire de la Section de l’immigration pendant plusieurs années militent fortement contre l’octroi de cette prorogation.

[54]  Une autre considération qui milite contre l’octroi de cette prorogation est l’intérêt de la justice. Comme le défendeur l’a noté, beaucoup d’autres passagers du navire Sun Sea ont déposé une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’interdiction de territoire rendue par la Section de l’immigration, dans le délai prescrit. À cet égard, le défendeur a déposé un affidavit souscrit par Kathryn Cowman, qui a déclaré avoir eu connaissance de 18 passagers ou membres de l’équipage de ce cargo qui avaient eu des audiences d’interdiction de territoire devant la Section de l’immigration. Sur ces 18 personnes, 12 ont présenté une demande de contrôle judiciaire de décisions de la Section de l’immigration ou de la Section d’appel de l’immigration, où elles avaient été jugées interdites de territoires en vertu de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR. Toutes ces demandes, sauf une, ont été déposées dans le délai imparti, cette dernière ayant été déposée environ trois jours après la date limite. Dans la mesure où ces procédures ont été tranchées et que toutes les voies d’appel ont été épuisées, les demandeurs ne peuvent plus profiter de la modification de la loi résultant de la décision rendue dans B010, précité. À mon avis, permettre à M. Emmanuel de le faire maintenant serait très injuste envers ces autres personnes. En effet, cela permettrait à M. Emmanuel de bénéficier de sa décision consciente de faire fi, pendant une très longue période, du délai prévu à l’alinéa 72(2)b) de la LIPR, alors que ses co-passagers qui ont respecté ce délai n’auraient pas un tel recours. À mon avis, cela ne serait pas dans l’intérêt de la justice (Grewal, précité, à la page 272, Gattellaro, précité).

[55]  En revanche, refuser la demande de prorogation de délai de M. Emmanuel le placera dans la même situation que ses coéquipiers et ses co-passagers susmentionnés, y compris en ce qui concerne d’autres mécanismes possibles pour éviter l’expulsion du Canada, comme la sollicitation d’un ERAR (ou en attendre le résultat) et la sollicitation d’une exemption ministérielle en vertu de l’article 42.1 de la LIPR.

IV.  Conclusion

[56]  Pour les motifs exposés ci-dessus, la prorogation de délai demandée par M. Emmanuel pour déposer la présente demande ne sera pas accordée.

[57]  Lorsqu’on lui a demandé s’il y avait une question à certifier, l’avocat du défendeur a répondu par la négative. Cependant, l’avocate de M. Emmanuel a d’abord suggéré une question dans le sens de la question de savoir si une cause particulièrement solide sur le fond pourrait l’emporter sur un très long retard dans le dépôt d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire. Après réflexion, l’avocat de M. Emmanuel a rapidement convenu qu’il est bien établi que chaque affaire portera sur ses faits particuliers (Hennelly, précité, au paragraphe 4, Grewal, précité, à la page 272 et Chen, précité, aux paragraphes 33 et 34).

[58]  À mon avis, aucune question sérieuse d’importance générale ne découle de cette demande. En conséquence, il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-626-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. Une prorogation de délai pour présenter la présente demande ne sera pas accordée. Par conséquent, la présente demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour de février 2020

Lionbridge


ANNEXE 1 – Lois applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Activités de criminalité organisée

Organized criminality

37 (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

37 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of organized criminality for

a) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d’un tel plan;

(a) being a member of an organization that is believed on reasonable grounds to be or to have been engaged in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of an offence punishable under an Act of Parliament by way of indictment, or in furtherance of the commission of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute such an offence, or engaging in activity that is part of such a pattern; or

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

(b) engaging, in the context of transnational crime, in activities such as people smuggling, trafficking in persons or laundering of money or other proceeds of crime.

(...)

(...)

Application

72 (2) Les dispositions suivantes s’appliquent à la demande d’autorisation :

Application

72 (2) The following provisions govern an application under subsection (1):

a) elle ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées;

(a) the application may not be made until any right of appeal that may be provided by this Act is exhausted;

b) elle doit être signifiée à l’autre partie puis déposée au greffe de la Cour fédérale — la Cour — dans les quinze ou soixante jours, selon que la mesure attaquée a été rendue au Canada ou non, suivant, sous réserve de l’alinéa 169f), la date où le demandeur en est avisé ou en a eu connaissance;

(b) subject to paragraph 169(f), notice of the application shall be served on the other party and the application shall be filed in the Registry of the Federal Court (“the Court”) within 15 days, in the case of a matter arising in Canada, or within 60 days, in the case of a matter arising outside Canada, after the day on which the applicant is notified of or otherwise becomes aware of the matter;

c) le délai peut toutefois être prorogé, pour motifs valables, par un juge de la Cour;

(c) a judge of the Court may, for special reasons, allow an extended time for filing and serving the application or notice;

d) il est statué sur la demande à bref délai et selon la procédure sommaire et, sauf autorisation d’un juge de la Cour, sans comparution en personne;

(d) a judge of the Court shall dispose of the application without delay and in a summary way and, unless a judge of the Court directs otherwise, without personal appearance; and

e) le jugement sur la demande et toute décision interlocutoire ne sont pas susceptibles d’appel.

(e) no appeal lies from the decision of the Court with respect to the application or with respect to an interlocutory judgment.

(...)

(...)

Organisation d’entrée illégale au Canada

Human Smuggling and Trafficking

Entrée illégale

Organizing entry into Canada

117 (1) Il est interdit à quiconque d’organiser l’entrée au Canada d’une ou de plusieurs personnes ou de les inciter, aider ou encourager à y entrer en sachant que leur entrée est ou serait en contravention avec la présente loi ou en ne se souciant pas de ce fait.

117 (1) No person shall organize, induce, aid or abet the coming into Canada of one or more persons knowing that, or being reckless as to whether, their coming into Canada is or would be in contravention of this Act.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

IMM-626-17

 

INTITULÉ :

EMMANUEL LESLY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 OCTOBRE 2017

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 mars 2018

COMPARUTIONS :

Erica Olmstead

Pour le demandeur

 

Mark East

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Erica Olmstead, avocate

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique) 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.