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Date : 20180328


Dossier : T-2174-16

Référence : 2018 CF 351

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

SEARA ALIMENTOS LTDA.

demanderesse

et

AMIRA ENTERPRISES INC.

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE HENEGHAN

I.  INTRODUCTION

[1]  Seara Alimentos Ltda (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de deux décisions rendues par la Commission d’opposition des marques de commerce (la Commission), ayant rejeté ses demandes d’enregistrement de marques de commerce. Les deux décisions sont datées du 10 octobre 2016.

[2]  La première décision, 2016 COMC 167, concerne la demande de marque de commerce no 1 511 822 pour la marque de commerce « SEARA » (la marque). Elle fait l’objet de la cause no T-2175-16.

[3]  La deuxième décision, 2016 COMC 168, concerne la demande de marque de commerce de la demanderesse no 1 504 296, pour « SEARA et dessin » (le dessin) et fait l’objet de la cause no T-2174-16.

[4]  Dans chaque décision, la Commission a rejeté les demandes d’enregistrement au motif que la marque crée de la confusion avec la marque enregistrée existante « SERA » (la marque enregistrée), numéro d’enregistrement LMC 769 140, dont est titulaire Amira Enterprises Inc. (la défenderesse).

[5]  Suivant le jugement rendu le 19 février 2018, les appels ont été rejetés pour les motifs qui suivent et sans adjudication des dépens.

II.  RÉSUMÉ DES FAITS

[6]  Les faits suivants sont tirés des dossiers de la demande déposés par la demanderesse et des dossiers du tribunal préparés par la Commission pour les deux demandes d’enregistrement. La défenderesse n’a pas participé à l’élaboration de ces demandes de contrôle judiciaire et n’a pas déposé de dossier de demande.

[7]  La demanderesse a inclus les affidavits de Mme Fernanda Ramirez Gallo Pires et de Mme Genny Tremblay dans les dossiers de demande qu’elle a déposés pour le présent appel.

[8]  Mme Gallo Pires est la directrice des ventes à l’exportation de la demanderesse. Mme Tremblay est une détective privée qui a mené certaines recherches sur Internet.

[9]  La demanderesse est une société brésilienne qui produit des produits de viande et des mets préparés. Elle vend une variété de produits de volaille directement aux distributeurs canadiens, destinés à la vente dans l’industrie de la restauration.

[10]  La demanderesse a déposé sa demande d’enregistrement pour le dessin le 18 novembre 2010. Elle a déposé sa demande d’enregistrement pour la marque le 19 janvier 2011. Les deux demandes concernent l’utilisation de la marque et du dessin relativement aux produits alimentaires, plus particulièrement :

viande, le poisson, volaille et gibier; extraits de viande; fruits et légumes en conserve, congelés, secs ou cuits; gelées, confitures, compotes; œufs, lait et produits laitiers; huiles et graisses alimentaires; repas préparés à base de plats de viande (bœuf, porc et volaille); repas mi-préparés à base de plats de viande (bœuf, porc et volaille).

[11]  La défenderesse est titulaire de la marque enregistrée depuis le 1er septembre 1998. Cet enregistrement concerne les aliments décrits comme produits alimentaires turcs, nommément :

fruits transformés, nommément fruits séchés et confitures, noix, pois chiches; légumes transformés, nommément okra, aubergine, chou, légumes prêts à manger, marinades, pâte de piments, feuilles de vigne; aromatisants, nommément sirops, lokoums, halva, produits de boulangerie-pâtisserie, nommément yafca (pâte phyllo).

III.  INSTANCES DEVANT LA COMMISSION

[12]  La défenderesse a contesté les deux demandes d’enregistrement de la demanderesse devant la Commission pour les mêmes motifs.

[13]  Premièrement, elle allègue que la marque et le dessin de la demanderesse ne peuvent être enregistrés au motif qu’ils créent de la confusion, conformément à l’alinéa 38(2)b) de la Loi. Deuxièmement, elle allègue que la demanderesse n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement conformément à l’alinéa 38(2)c) de la Loi. Troisièmement, elle allègue que la marque et le dessin de la demanderesse ne sont pas suffisamment distincts, conformément à l’alinéa 38(2)d) de la Loi.

A.  Le dessin-marque

[14]  Les éléments de preuve dont était saisie la Commission à l’égard du dessin-marque consistaient en un affidavit souscrit par Jill Roberts le 16 octobre 2014 et de deux affidavits souscrits par Jennifer Stecyk le 13 septembre 2013 et le 14 novembre 2014. L’affidavit de Mme Roberts a été déposé au nom de la demanderesse et les affidavits de Mme Stecyk ont été déposés au nom de la défenderesse, l’opposante aux demandes d’enregistrement. Seule la demanderesse a présenté des observations écrites à la Commission.

[15]  Mme Roberts a été engagée par la demanderesse dans le cadre de la procédure d’opposition en matière de marque de commerce. Dans son affidavit, elle fait état de ses recherches sur le site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC ») pour trouver les demandes et les enregistrements de marques de commerce actifs pour le terme « serra » qui comprennent le terme « aliment » dans les marchandises et services. Elle en a trouvé trois et en a fourni les détails. Cette recherche a été menée le 7 octobre 2014.

[16]  Mme Roberts fait aussi état de ses recherches, qui ont été menées le 7 octobre 2014, pour toutes les demandes d’enregistrement et tous les enregistrements de marques de commerce actifs pour le terme « sera »qui comprennent le terme « aliment » dans les marchandises et services. Elle en a trouvé cinq et en a fourni les détails.

[17]  En outre, Mme Roberts a recherché le terme « sera » dans sept dictionnaires en ligne comprenant les termes « sera », « serra » et « seara ». Elle n’a trouvé aucune entrée pour le terme « seara ».

[18]  Mme Stecyk est une spécialiste en recherche de marques de commerce employée par la défenderesse, l’opposante dans la procédure d’opposition en matière de marque de commerce. Une copie certifiée conforme de la marque de commerce « SERA », LMC 769 140 est jointe en annexe à son premier affidavit. Les résultats d’une recherche sur Google pour l’expression « Seara Brazil » sont joints en annexe à son deuxième affidavit.

B.  Le mot servant de marque

[19]  Le dossier de preuve présenté à la Commission à l’égard du mot servant de marque consiste en un affidavit souscrit par Mme Roberts le 15 juin 2015 au nom de la demanderesse et en un affidavit souscrit par Mme Stecyk le 12 février 2015 au nom de la défenderesse, l’opposante en l’espèce. Là encore, seule la demanderesse a déposé des observations écrites.

[20]  Dans son affidavit concernant le mot servant de marque, Mme Roberts fournit les résultats de ses recherches sur le site de l’OPIC qu’elle a menées le 9 juin 2015. Elle a cherché dans toutes les demandes d’enregistrement et tous les enregistrements de marques de commerce actifs pour le terme « serra » et n’a inclus que les marques qui comprenaient les termes « aliments » ou « nutrition » dans les marchandises et services. Cette recherche a généré neuf entrées pour lesquelles Mme Roberts a fourni les détails.

[21]  Mme Roberts affirme aussi que le 9 juin 2015, elle a mené des recherches pour toutes les demandes d’enregistrements et tous les enregistrements de marques de commerce actifs pour le terme « Sera » qui comprenait le terme « aliment » dans les marchandises et services. Elle en a trouvé cinq et en a fourni les détails.

[22]  Le 9 juin 2015, Mme Roberts a également mené une recherche dans la banque de données de Canada411 pour trouver les personnes avec le nom de famille « Sera » au Canada. Elle a obtenu 65 résultats et a joint une copie de ses résultats de recherche en annexe à son affidavit.

[23]  Le même jour, Mme Roberts a mené une recherche sur Google pour le site Web d’« Amira ». Elle a fourni les détails de cette recherche, y compris les renseignements sur les produits offerts par Amira. « SERA Products »est une de leurs gammes de produits.

[24]  Mme Roberts mentionne également une recherche sur Google pour « Sera Foods » que l’on trouve à l’adresse www.serafood.com/en et a joint en annexe un tableau énumératif des 384 produits offerts par Sera Foods.

[25]  Finalement, Mme Roberts a déclaré qu’elle s’est rendue au Mid-East Food Centre, situé au 1010, Belfast Road, Ottawa (Ontario), le 10 juin 2015. Elle y a cherché et trouvé des produits de la gamme Sera Products et s’est acheté un échantillon « représentatif » des produits. Une copie du reçu de vente est jointe en annexe. Les produits qu’elle s’est achetés comprennent des biscuits, des concombres marinés, de la confiture et des piments farcis.

[26]  L’affidavit de Mme Stecyk présenté pour le mot servant de marque est effectivement la fusion des deux affidavits qui ont été produits relativement au dessin-marque et comprend, en annexe, une copie certifiée conforme de l’enregistrement de la marque de commerce « Sera », et les résultats d’une recherche effectuée sur Google de l’expression « Seara Brazil ».

[27]  Dans sa réponse écrite au rapport de l’examinateur, datée du 14 novembre 2011, la demanderesse a fait valoir que la prononciation correcte de la marque « Seara » était « SEE » « ARE » « A ». L’affidavit de Mme Roberts n’aborde pas la prononciation de la marque.

IV.  LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[28]  Le 10 octobre 2016, la Commission a rendu deux décisions différentes, rejetant l’enregistrement de la marque et du dessin pour le premier motif soulevé en opposition par la défenderesse. La Commission a conclu que les marques de commerce ne pouvaient être enregistrées.

[29]  Le paragraphe 6(5) de la Loi énonce les éléments dont il faut tenir compte dans une analyse relative à la confusion et prévoit ce qui suit :

Éléments d’appréciation

What to be considered

 

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

 

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

 

c) le genre de produits, services ou entreprises;

 

(c) the nature of the goods, services or business;

 

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

[30]  Dans les deux décisions, la Commission a conclu que les marques ne pouvaient être enregistrées, car elles étaient susceptibles de créer de la confusion avec la marque enregistrée.

A.  La marque

[31]  En refusant l’enregistrement de la marque dans la décision Amira Enterprises Inc. c Seara Alimentos S.A., 2016 COMC 176, la Commission a tenu compte de chaque facteur établi au paragraphe 6(5) séparément.

[32]   La Commission est arrivée à la conclusion que le caractère distinctif inhérent, énoncé à l’alinéa 6(5)a), ne favorisait aucune partie en particulier. Elle a conclu que la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, conformément à l’alinéa 6(5)b), ne jouait pas en faveur de l’une ou de l’autre des parties et a souligné que l’absence de preuve de « l’emploi réel de la marque de commerce de l’une ou l’autre des parties » signifie que ce facteur ne favorise aucune partie.

[33]  La Commission a conclu que la nature des marchandises, abordée à l’alinéa 6(5)c), jouait « clairement » en faveur de la défenderesse. Elle a aussi conclu que la nature du commerce, abordée à l’alinéa 6(5)d), favorisait aussi « clairement » la défenderesse, faisant remarquer que la demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve du commerce auquel elle s’adonne.

[34]  Finalement, la Commission est arrivée à la conclusion selon laquelle le degré de ressemblance abordée à l’alinéa 6(5)e) jouait en faveur de la défenderesse. La Commission a invoqué l’arrêt Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., [2011] 2 RCS 387, dans laquelle la Cour suprême du Canada affirme que le degré de ressemblance pourrait être l’élément le plus important dans la liste du paragraphe 6(5) de la Loi. La Commission n’a pas exprimé de préoccupations concernant les éléments de preuve relatifs à ce facteur, mais a conclu qu’elle jouait en faveur de la défenderesse en raison de la similarité entre les prononciations des mots « SEARA » et « SERA ».

B.  Le dessin

[35]  En refusant la demande d’enregistrement du dessin dans la décision Amira Enterprises Inc. c Seara Alimentos S.A., 2016 COMC 168, la Commission a de nouveau examiné chacune des dispositions du paragraphe 6(5).

[36]  En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a), elle a conclu que le caractère distinctif inhérent favorisait la défenderesse.

[37]  En ce qui concerne l’alinéa 6(5)b), la Commission a observé qu’« [en] l’absence de preuve de l’emploi réel de la marque de commerce de l’une ou l’autre des parties, le facteur énoncé à l’article 6(5)b) ne favorise ni l’une ni l’autre des parties ».

[38]  La Commission a conclu, aux termes de l’alinéa 6(5)c), que la nature des marchandises favorisait « clairement » la défenderesse.

[39]  En ce qui concerne l’alinéa 6(5)d), la Commission est arrivée à la conclusion que la nature du commerce favorisait « clairement » la défenderesse. Une fois de plus, la Commission soulève des préoccupations quant à la preuve, soit que la demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve au sujet de ses activités commerciales. Elle remarque aussi que la demanderesse n’a abordé ni la nature des marchandises ni la nature du commerce dans ses observations écrites.

[40]  Dans le cadre de l’analyse de l’alinéa 6(5)e), la Commission a conclu que le degré de ressemblance favorisait la défenderesse.

V.  APPEL DE LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[41]  La demanderesse a interjeté appel à l’encontre des deux décisions, conformément au paragraphe 56(1) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

56 (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

 

56 (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

 

[42]  La demanderesse a soumis des éléments de preuve additionnels, conformément au paragraphe 56(5) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

Preuve additionnelle

 

Additional evidence

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

 

VI.  LES NOUVEAUX ÉLÉMENTS DE PREUVE

[43]  Dans le présent appel, la demanderesse a déposé les affidavits de Mme Fernanda Ramirez Gallo Pires et de Mme Genny Tremblay afin de combler les lacunes de la preuve mise de l’avant par la marque.

[44]  Mme Gallo Pires a déclaré que la marque est enregistrée et utilisée dans plusieurs pays. Elle a déclaré dans son témoignage qu’on retrouve la gamme Seara Products au Brésil, en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et en Europe.

[45]  Mme Gallo Pires a déclaré que les produits de la demanderesse sont vendus chez Walmart, Burger King et McDonalds. Elle a affirmé que la valeur des ventes au Canada dépassait les 92 millions de dollars américains sur une période de 10 ans.

[46]  De plus, Mme Gallo Pires a déclaré qu’il n’y a jamais eu de confusion entre les produits de la défenderesse et ceux qui sont vendus sous la marque « SERA ».

[47]  Mme Tremblay témoigne qu’elle a mené une recherche sur Google du site « Amira.ca » en portant une attention particulière aux produits alimentaires importés. Elle a effectué ses recherches en utilisant l’expression « SERA Products ». Des imprimés de ses recherches sont joints en annexe à son affidavit.

[48]  Mme Tremblay déclare également que, à la demande des avocats de la défenderesse, elle s’est présentée au Njaim Mid-East Food Centre d’Ottawa le 23 janvier 2017. Elle y a acheté deux produits de la marque SERA. Elle a joint des photos de ces produits en annexe à son affidavit. Mme Tremblay a aussi acheté un paquet de biscuits de la marque « SARA ».

[49]  Mme Tremblay déclare aussi que, le 20 janvier 2017, elle a communiqué avec certains distributeurs canadiens des produits de la demanderesse. Elle a déterminé que ces sociétés ne distribuaient pas de produits de la gamme SERA Products.

VII.  OBSERVATIONS

[50]  La demanderesse soutient que les éléments de preuve additionnels joints aux affidavits de Mme Gallo Pires et de Mme Tremblay sont importants, puisqu’ils comblent les lacunes de la preuve initiale présentée à l’origine par les parties.

[51]  La demanderesse soutient que ces nouveaux éléments de preuve, particulièrement ceux joints à l’affidavit de Mme Gallo Pires, répondent aux préoccupations de la Commission à l’égard du manque d’éléments de preuve concernant l’emploi réel de la marque par rapport à l’alinéa 6(5)b) de la Loi, et comme une preuve de la nature du commerce auquel elle s’adonne au Canada relativement au facteur énoncé à l’alinéa 6(5)d).

[52]  La demanderesse s’appuie également sur l’affidavit de Mme Gallo Pires pour répondre aux conclusions de la Commission concernant l’alinéa 6(5)e) selon lesquelles le degré de ressemblance favorise la défenderesse.

[53]  En règle générale, la demanderesse soutient que les nouveaux éléments de preuve sont [traduction] « importants » et qu’ils justifient un nouvel examen de l’ensemble des éléments de la preuve par la Cour, ainsi que l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en sa faveur pour ses demandes d’enregistrement de marque et de dessin.

VIII.  ANALYSE

[54]  Le présent appel soulève deux questions. Premièrement, les nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse sont-ils « importants »? S’ils étaient importants, ces éléments de preuve changeraient-ils la conclusion selon laquelle il y a confusion?

[55]  Une partie interjetant appel d’une décision de la Commission a le droit, aux termes du paragraphe 56(5) de la Loi, de présenter de nouveaux éléments de preuve lors de cet appel. Je renvoie à la décision Lewis Thomson et Sons Ltd. c Rogers, Bereskin et Parr (1989), 21 CPR (3e) 483 (C.F. 1re inst.).

[56]  Il ressort de la décision prise dans l’affaire McDowell c The Body Shop International PLC, 2017 CF 581 et Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2003] 3 RCF 145 (C.A.), qu’il appartient à la Cour de déterminer si les éléments de preuve additionnels auraient [traduction« influé de manière importante sur la décision de la Commission ».

[57]  Si les nouveaux éléments de preuve ne sont pas importants, dans la mesure où ils n’ont aucun effet sur les conclusions de fait, alors, la Cour doit alors appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable; voir la décision dans l’affaire Kabushiki Kaisha Mitsukan Group Honsha c Sakura-Nakaya Alimentos Ltda., 2016 CF 20, au paragraphe 17.

[58]  Selon la décision de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] RCS 190, la norme de la décision raisonnable exige qu’une décision soit transparente, justifiable et intelligible et qu’elle appartienne aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[59]  Les éléments de preuve seraient importants s’ils avaient changé l’issue de l’instance devant la Commission. Si les nouveaux éléments de preuve sont « importants », alors la Cour doit réexaminer l’ensemble des éléments de preuve, y compris ceux dont la Commission était déjà saisie, à titre d’audience de novo.

[60]  Je me réfère à la décision Brasseries Molson, précitée, aux paragraphes 47 à 51, dans lesquels la Cour a déclaré ce qui suit :

[47] Lors de l’appel sous le régime de l’article 56, le dossier constitué devant le registraire forme la base de la preuve devant le juge de la Section de première instance qui est saisi de l’appel; les parties peuvent ajouter à cette preuve. Bien que le terme procès de novo soit devenu d’utilisation courante pour décrire l’appel de l’article 56, il n’est pas tout à fait approprié pour décrire la nature de cet appel. Le fait que l’appel de l’article 56 n’est pas un procès de novo au sens strict a déjà été signalé par le juge McNair dans la décision Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (no. 1)14.

[48] Un appel sous le régime l’article 56 implique, du moins en partie, une révision des conclusions du registraire. Du fait que les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues, ses décisions méritent une certaine déférence. Dans l’affaire Benson & Hedges (Canada) Limited v. St. Regis Tobacco Corporation15, le juge Ritchie a déclaré ceci à la page 200 :

[traduction] À mon avis la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion doit être considérée comme étant d’un grand poids et la conclusion d’un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien, doit rendre des décisions sur ce point et sur d’autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère, mais comme l’a déclaré le juge Thorson, alors président de la Cour de l’Échiquier, dans l’affaire Freed and Freed Limited c. The Registrar of Trade Marks et al :

[...] le fait de se fonder sur la décision du registraire portant que deux marques se ressemblent au point de créer de la confusion ne doit pas aller jusqu’à décharger le juge qui entend l’appel de cette décision de l’obligation de trancher la question en tenant dûment compte des circonstances de l’espèce.

[...]

[50] La décision McDonald’s Corp. c. Silcorp Ltd., rendue en 1989, est bien antérieure à la jurisprudence récente de la Cour suprême établissant le continuum moderne des critères de contrôle, à savoir la décision correcte, la décision raisonnable simpliciter et la décision manifestement déraisonnable; voir Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc.18. Du fait que le juge Strayer était disposé à faire preuve d’une certaine déférence à l’égard du registraire, je ne considère pas que l’utilisation qu’il fait du terme “correct” reflète la norme de contrôle sans retenue et rigoureuse qui est de nos jours associée aux termes “correct” ou “décision correcte”.

[51] Je pense que l’approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald’s Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s’il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d’un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l’objet d’une certaine déférence. Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

[61]  La demanderesse, au moyen de l’affidavit de Mme Gallo Pires, a présenté des éléments de preuve précisant son usage de la marque et du dessin au Brésil, sur le plan international et au Canada, en s’appuyant sur ses chiffres de vente et ses campagnes de promotion.

[62]  Les nouveaux éléments de preuve présentés en réponse au manque d’éléments de preuve devant la Commission au sujet des facteurs énoncés aux alinéas 6(5)b), 6(5)d) et 6(5)e) de la Loi, soit la période pendant laquelle la marque et le dessin ont été employés au Canada; la nature du commerce de la demanderesse et le degré de ressemblance entre la marque projetée et le dessin de la demanderesse et la marque enregistrée, respectivement.

[63]  Les éléments de preuve concernant l’emploi de la marque au Brésil et dans des régions autres que le Canada ne montrent pas l’usage de la marque au Canada et ne sont donc pas « importants » aux fins du présent appel.

[64]  La Commission a souligné qu’elle recherchait un « emploi significatif et continu de la marque ».

[65]  Dans la décision Distribution Prosol PS Ltd. c Custom Building Products Ltd., 137 CPR (4th) 32, au paragraphe 46, la Cour a observé que « [l]es factures et les documents servant à faire de la promotion peuvent effectivement indiquer un usage fréquent d’un produit, ce qui fait augmenter la probabilité que les consommateurs le reconnaissent ».

[66]  De même, dans la décision McDowell c Laverana GmbH et Co. KG, 2017 CF 327, aux paragraphes 24 à 29, la Cour s’est appuyée sur des éléments de preuve relatifs aux chiffres de vente et aux coûts des matériels publicitaires et promotionnels pour établir l’« emploi continu » d’une marque.

[67]  Les paragraphes 18 à 27 de l’affidavit de Mme Gallo Pires traitent des activités de la demanderesse au Canada. La demanderesse a commencé à exploiter son entreprise en 2003, exploitation qui s’est poursuivie jusqu’en 2010, quand l’entreprise fut acquise par un nouveau propriétaire qui vendait déjà ses produits au Canada sous une autre marque.

[68]  Il semblerait que l’entreprise de la demanderesse ait ensuite été vendue à un autre propriétaire qui ne vendait pas ses produits au Canada. La vente des produits de la demanderesse a été suspendue jusqu’en 2014.

[69]  Au Canada, la demanderesse vendait principalement ses produits à des distributeurs qui, à leur tour, les revendaient aux consommateurs finaux, principalement des restaurants.

[70]  Mme Gallo Pires a déclaré que les ventes de 2003 à 2010 et de 2014 à 2017 étaient d’une valeur supérieure à 92 millions de dollars américains. Ces chiffres ne concernent que les produits de volailles.

[71]  Les annexes jointes aux paragraphes 18 à 25 de l’affidavit de Mme Gallo Pires comprennent une liste des produits de volailles vendus au Canada, une liste des distributeurs canadiens, des copies des étiquettes qui figurent sur les produits destinés à la vente au Canada et des copies des factures indiquant que des produits vendus au Canada portent la marque de la demanderesse. Le dessin de la demanderesse figure sur les étiquettes et sur les factures.

[72]  Je ne suis pas convaincue que ces éléments de preuve soient importants. L’utilisation de la marque et du dessin projetés au Canada était discontinue. Les ventes de la demanderesse au Canada sont plus limitées qu’elles ne le sont sur le plan international, comme l’a admis la demanderesse elle-même dans ses observations écrites.

[73]  Je me penche maintenant sur le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)d) de la Loi concernant la nature du commerce auquel s’adonne la demanderesse.

[74]  Dans ses décisions COMC 167 et COMC 168, la Commission a déclaré que la demanderesse « n’a produit aucune preuve du commerce réel qu’elle exerce ». Elle a affirmé que les imprimés joints à l’annexe C de l’affidavit de Mme Stecyk avaient « peu de valeur probante » concernant l’emploi au Canada de la marque et du dessin projetés.

[75]  Les nouveaux éléments de preuve produits par la demanderesse indiquent qu’elle se livre principalement au commerce en gros de produits de volailles au Canada à des distributeurs qui les revendent à d’autres distributeurs.

[76]  Selon Mme Gallo Pires, à ce jour, la vente des produits de volailles est au cœur des activités de la demanderesse au Canada; voir les paragraphes 18 et 24 de son affidavit. Le but commercial est la vente de ces produits à des distributeurs qui les revendent à des [traduction« consommateurs finaux », comme l’indique le paragraphe 22.

[77]  La défenderesse, à titre d’opposante devant la Commission, a fourni des éléments de preuve au moyen des affidavits de Mme Stecyk indiquant les marchandises pour lesquelles elle a obtenu une marque enregistrée. Selon ces affidavits, la marque enregistrée se rapporte à une vaste gamme de produits alimentaires turcs. La volaille ne figure pas parmi les marchandises désignées.

[78]  Je ne suis pas convaincue que les nouveaux éléments de preuve soient suffisants pour satisfaire aux exigences de la norme de l’importance, de sorte qu’un examen de novo de l’ensemble des éléments de preuve dont était saisie la Commission soit nécessaire concernant la nature du commerce auquel s’adonne la demanderesse.

[79]  Selon Mme Gallo Pires, les ventes de la demanderesse au Canada sont [traduction« limitées, pour l’instant, aux produits de volailles pour le marché des services alimentaires », mais ses demandes d’enregistrement pour la marque et pour le dessin visent un large éventail de produits alimentaires, y compris la viande et les produits de viande et les fruits et les légumes, comme il est mentionné plus haut.

[80]  La Commission a souligné que les produits de la demanderesse et ceux de la défenderesse « se recoupent clairement ». Elle a conclu qu’il « existe une possibilité de recoupement des voies de commercialisation des parties ».

[81]  Bien que l’affidavit de Mme Gallo Pires établit que la demanderesse fait affaire au Canada, au moyen de documents relatifs à ses volumes de vente au Canada, je ne suis pas convaincue que ces éléments de preuve auraient eu un effet sur la conclusion de la Commission selon laquelle il y a des risques de confusion.

[82]  Selon la jurisprudence, l’examen de la nature du commerce exige une évaluation des différents marchés visés par les produits de la demanderesse et de la défenderesse. Dans la décision Mr. Submarine Ltd. c Amandista Investments Ltd., [1988] 3 CF 91, au paragraphe 27, le juge en chef Thurlow s’est exprimé ainsi :

[traduction]

c) La nature des marchandises est la même en ce qui concerne les sandwichs. La seule différence est que la défenderesse vend aussi de la pizza. La nature des services rendus diffère dans la mesure où l’appelante n’offre pas de service téléphonique et de livraison, ce que la défenderesse fait. La nature de l’entreprise, celle de la vente d’aliments cuisinés, est la même.

d) La nature du commerce, à mon avis, est la vente au détail ou au consommateur d’aliments cuisinés, dans le cadre d’un restaurant pour l’appelante et à l’adresse où l’acheteur désire se faire livrer sa nourriture dans le cas de la défenderesse. Dans les deux cas, l’étendue du secteur dans lequel l’une ou l’autre des entreprises trouve sa clientèle est relativement petite, quoique sans doute, un peu plus grande pour l’entreprise de la défenderesse en raison de son service de livraison.

[83]  Au paragraphe 29 de cette décision, le juge en chef Thurlow expose sa conclusion :

Compte tenu des circonstances révélées, j’arrive à la conclusion, et ce malgré le fait important, mentionné par le juge de première instance, que, dans les dix années d’exploitation des deux entreprises dans la région de Dartmouth, antérieurement à l’instruction de l’action, aucun cas de confusion réelle ne s’était révélé, que l’emploi par la défenderesse de ses marques de commerce ou noms commerciaux MR. SUBS’N PIZZA et MR. 29 MIN. SUBS’N PIZZA et l’emploi de la marque MR. SUBMARINE par l’appelante dans la même région sont susceptibles de faire conclure que les marchandises et services de la défenderesse sont vendus ou exécutés par la même personne que ceux vendus par l’appelante.

[84]  Dans l’arrêt Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc, [2006] 1 RCS 772, le litige était entre un restaurant nommé « Barbie’s » et le fabricant de la poupée « Barbie ». En parlant du facteur de « ressemblance », le juge Binnie a énoncé ce qui suit au paragraphe 65 :

La ressemblance n’est manifestement pas une exigence prévue à l’art. 6. Au contraire, en ajoutant à la loi les termes « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale », le législateur a exprimé son intention, non seulement de ne pas exiger une « ressemblance » avec les marchandises et services particuliers en cause, mais encore de ne pas exiger que les marchandises ou services commercialisés par l’opposante en liaison avec sa marque et les marchandises ou services commercialisés par la requérante en liaison avec la marque visée par sa demande appartiennent à la même catégorie générale.

[Souligné dans l’original.]

[85]  À mon avis, les nouveaux éléments de preuve exposés dans l’affidavit de Mme Gallo Pires ne montrent pas une distinction nette entre les produits de la demanderesse et ceux de la défenderesse.

[86]  Dans la décision COMC 167, au paragraphe 33, la Commission a dit que la demanderesse n’avait fourni « aucune preuve du commerce réel qu’elle exerce ». Dans la décision COMC 168, au paragraphe 33, la Commission fait une observation semblable.

[87]  Je ne suis pas convaincue que les nouveaux éléments de preuve de la demanderesse répondent adéquatement à la question.

[88]  Le témoignage de Mme Tremblay porte sur ses recherches effectuées sur Google et ses achats dans un magasin d’alimentation à Ottawa. À mon avis, cela ne constitue pas un élément de preuve important au sens de l’alinéa 6(5)d).

[89]  Le témoignage de Mme Tremblay semble être de la même nature que celui présenté au départ à la Commission au moyen de l’affidavit de Mme Roberts, en ce qui concerne les recherches sur Internet.

[90]  Le témoignage de Mme Tremblay concernant le fait qu’elle s’est rendue au Njain Mid-East Food Centre à Ottawa et les achats de produits alimentaires qu’elle y a effectués ne répondent pas aux conclusions de la Commission relativement à la période pendant laquelle la demanderesse a utilisé la marque et le dessin projetés au Canada et ne précise pas la nature de ses activités commerciales au Canada.

[91]  Je n’estime pas que le témoignage de Mme Tremblay soit un élément de preuve « important ».

[92]  Finalement, il y a la question de la ressemblance entre les marques enregistrées et la marque de la demanderesse. Ce facteur relève de l’alinéa 6(5)e) de la Loi.

[93]  La demanderesse a produit des observations au sujet de la prononciation de sa marque dans le cadre de sa réponse au rapport de l’examinateur; cette observation est datée du 14 novembre 2011. La demanderesse a reconnu qu’il y avait une ressemblance entre sa marque et celle de la défenderesse. Elle a déclaré que sa marque se prononce « SEE ARE A ».

[94]  Mme Gallo Pires a déclaré que la marque se prononce « say AHR a ».

[95]  Il s’agit d’un nouvel élément de preuve qui contredit les observations initiales de la demanderesse à l’égard de la prononciation de la marque. La Commission, au paragraphe 42 de sa décision, déclare ce qui suit :

[42] Il n’est pas nécessaire que les marques de commerce soient identiques pour qu’il y ait ressemblance. Je suis d’avis que, considérées dans leur ensemble, il existe des similitudes importantes dans la présentation entre la marque de commerce SERA de l’Opposante et la Marque, SEARA.

[96]  Il n’est pas nécessaire que les marques de commerce soient identiques pour qu’il y ait ressemblance. Je suis d’avis que, considérées dans leur ensemble, il existe des similitudes importantes dans la présentation entre la marque de commerce SERA de l’opposante et la marque, SEARA.

[97]  Je ne suis pas convaincue que le nouvel élément de preuve soit important. Il ne s’agit que d’une prononciation différente de la marque, sans explication sur la raison pour laquelle la demanderesse propose maintenant une nouvelle prononciation.

[98]  Selon la décision dans l’arrêt Masterpiece Inc., précité, au paragraphe 49, c’est le facteur du « degré de ressemblance » énoncé à l’alinéa 6(5)e) qui importe plus dans l’analyse de la confusion et devrait être le point de départ de l’analyse.

[99]  Finalement, Mme Gallo Pires a exprimé l’avis que rien ne prouvait qu’il y ait confusion réelle entre la marque projetée et les marques enregistrées. Elle a exprimé l’avis que la marque et le dessin projetés peuvent coexister avec les marques enregistrées.

[100]  Je prends note de cet avis, mais la question en litige dans le présent appel repose sur les critères juridiques pertinents et non sur l’opinion du témoin de la demanderesse.

[101]  Comme je ne suis pas convaincue que les nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse soient « importants », rien ne justifie que l’on mène un examen de novo et la décision de la Commission est assujettie à la norme de la décision raisonnable. Comme il en a été question dans l’arrêt Dunsmuir, précité, cette norme exige que la décision soit transparente, justifiable et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[102]  La Commission a conclu que rien ne prouvait qu’il y avait eu « emploi réel de la marque de commerce de l’une ou l’autre des parties »et, par conséquent, le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)b) ne favorise aucune partie.

[103]  Les nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse incluent des renseignements quant à ses chiffres d’affaires au Brésil et sur le plan international. Ils ne montrent rien quant à l’utilisation de la marque au Canada.

[104]  La Commission a tenu compte de la jurisprudence pertinente dans son évaluation des facteurs et, puisque je ne suis pas convaincue que les nouveaux éléments de preuve soient importants, rien ne justifie de modifier la conclusion de la Commission. La Commission a examiné les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) qui traitent, respectivement, de la nature des produits et la nature du commerce.

[105]  La demanderesse a présenté de nouveaux éléments de preuve portant sur la nature de son commerce, mais n’a rien présenté en particulier sur la nature de ses produits. J’en conclus que les nouveaux éléments de preuve ne sont pas importants et, par conséquent, les conclusions de la Commission sur cette question sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable.

[106]  En traitant de l’alinéa 6(5)d) de la Loi sur la nature du commerce, la Commission s’est appuyée sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

Marque de commerce enregistrable

When trade-mark registrable

12 (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

12 (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

[...]

[...]

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

(d) confusing with a registered trade-mark;

[107]  La Commission a décrit les produits alimentaires pour lesquels la défenderesse est titulaire des marques enregistrées. Elle a ensuite décrit les produits pour lesquels la demanderesse demande l’enregistrement.

[108]  En l’absence de nouveaux éléments de preuve importants, rien ne justifie la modification des conclusions de la Commission. J’aimerais faire remarquer que la Commission a déclaré que la demanderesse ne lui avait présenté aucune observation concernant les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi et que ni la marque enregistrée de la défenderesse, ni la demande d’enregistrement de la demanderesse de la marque et du dessin projetés « ne contien[nent] de restriction en ce qui a trait aux voies de commercialisation des parties ».

[109]  En se penchant sur le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) de la Loi portant sur le degré de ressemblance entre la marque et le dessin projetés de la demanderesse, la Commission a déclaré ce qui suit aux paragraphes 42, 43 et 44 de sa décision concernant le dessin :

[42] En ce qui concerne le son, compte tenu des similitudes entre les mots SERA et SEARA, je suis d’avis qu’il pourrait y avoir une certaine ressemblance entre eux lorsqu’ils sont prononcés par le consommateur canadien moyen.

[43] Enfin, en ce qui a trait aux idées suggérées, je souligne qu’il n’y a aucune preuve que la marque de commerce de l’Opposante suggère un prénom féminin, ou qu’elle serait ainsi perçue ou entendue par le consommateur canadien moyen. Au contraire, la preuve de la Requérante même démontre que SERA est le pluriel du mot « serum » [sérum] et est aussi une forme conjuguée au futur du verbe « être » en français. À titre comparatif, la preuve de l’Opposante démontre que l’élément nominal de la Marque est le nom d’un lieu géographique au Brésil et n’a aucune autre signification en anglais ou en français. Compte tenu des significations liées aux mots en question ainsi que de l’élément graphique de la Marque, je suis d’avis qu’il n’y a pas de similitude entre les idées suggérées par la Marque et celles suggérées par la marque de commerce de l’Opposante.

[44] En dernière analyse, ce facteur favorise l’Opposante.

[110]  Dans sa décision sur la marque projetée, la Commission a déclaré ce qui suit aux paragraphes 42, 43, 44 et 45 :

[42] Il n’est pas nécessaire que les marques de commerce soient identiques pour qu’il y ait ressemblance. Je suis d’avis que, considérées dans leur ensemble, il existe des similitudes importantes dans la présentation entre la marque de commerce SERA de l’opposante et la marque, SEARA.

[43] En ce qui concerne le son, compte tenu des similitudes entre les mots SERA et SEARA, je suis d’avis qu’il pourrait y avoir une certaine ressemblance entre eux lorsqu’ils sont prononcés par le consommateur canadien moyen.

[44] Enfin, en ce qui a trait aux idées suggérées, je souligne qu’il n’y a aucune preuve que la marque de commerce de l’Opposante suggère le prénom féminin « Sara », ou qu’elle serait ainsi perçue ou entendue par le consommateur canadien moyen, étant donné que le mot SERA est un mot d’usage courant en anglais et en français, en plus de son importance comme nom de famille. À titre comparatif, la preuve de l’Opposante démontre que la Marque est le nom d’un lieu géographique au Brésil et n’a aucune autre signification en anglais ou en français. En dernière analyse, je suis d’avis qu’il n’y a pas de similitude entre les idées suggérées par la Marque et celles suggérées par la marque de commerce de l’Opposante.

[45] Compte tenu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante.

[111]  J’ai déjà déterminé que les nouveaux éléments de preuve produits par la demanderesse ne sont pas importants, dans la mesure où ils ne justifient pas un examen de novo de l’ensemble des éléments de preuve dont était saisie la Commission. Par conséquent, la question de savoir si la Commission a conclu raisonnablement que ce facteur favorisait la demanderesse subsiste.

[112]  À mon avis, sa conclusion satisfait au critère du caractère raisonnable. La marque est composée de trois syllabes. Il y a peu de façons de prononcer ces syllabes.

[113]  La Commission a conclu que le dessin « n’est pas particulièrement frappant ou unique ». Il n’y a pas lieu d’intervenir à l’égard de cette conclusion.

[114]  La demanderesse, dans le présent appel, ne conteste pas la conclusion de la Commission selon laquelle la marque enregistrée de la défenderesse « possède un caractère distinctif inhérent relativement plus marqué que celui de la Marque ». La Commission est arrivée à la même conclusion pour le dessin proposé par la demanderesse.

[115]  La demanderesse soutient maintenant que peu importe la conclusion de la Commission concernant le caractère distinctif inhérent de sa marque et de son dessin projetés, ceux-ci ont tout de même acquis un caractère distinctif. Elle présente l’argument suivant à l’égard de sa marque et de son dessin projetés :

[traduction]

La validité de l’enregistrement de la défenderesse n’est pas en litige dans la présente affaire. Cependant, le caractère distinctif de la marque enregistrée est très pertinent à la question de la confusion et, par conséquent, le fait que l’enregistrement de la marque enregistrée est susceptible d’être invalide parce que non distinctive favorise fortement une conclusion d’absence de confusion.

[116]  Le présent argument, à mon avis, n’est pas bien fondé et n’est pas non plus pertinent aux questions déterminantes dans le cadre du présent appel.

IX.  CONCLUSION

[117]  Comme j’ai déterminé que les nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse ne sont pas importants, il s’ensuit que la décision de la Commission est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable examinée dans l’arrêt Dunsmuir, précité.

[118]  Je conclus, après avoir examiné les éléments de preuve dont était saisie la Commission, y compris la preuve produite par l’opposante, que les conclusions de la Commission sont conformes à la norme de contrôle applicable, soit la norme de la décision raisonnable.

[119]  La demanderesse n’a pas obtenu gain de cause dans son appel interjeté à l’encontre des décisions de la Commission. La défenderesse n’a pas pris part à la présente instance. Il est donc approprié que la demanderesse s’acquitte de ses propres dépens.

« E. Heneghan »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 28 mars 2018

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour d’avril 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2174-16

INTITULÉ :

SEARA ALIMENTOS LTDA. c AMIRA ENTERPRISES INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDITION :

Le 17 août 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

Le 28 mars 2018

COMPARUTIONS :

Jaimie Bordman

Aleksandra Gracia

Pour la demanderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Moffat & Co. – Macera & Jarzyna LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour la demanderesse

 

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