Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180321


Dossier : T-1856-16

Référence : 2018 CF 325

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2018

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

CLARENCE PAPEQUASH, CLINTON KEY ET GLENN PAPEQUASH

demandeurs

et

RODNEY BRASS, DAVID COTE,

MYRNA O’SOUP, COLLEEN BRASS,

DALE BRASS, FERLYN BRASS,

JESSE BRASS, JOSEPH BRASS,

MELODY BRASS, ROBERT BRASS, SHANNON BRASS, SHIRLEY BRASS, ANGELA DESJARLAIS,

GILDA DOKUCHIE-CRANE,

KENNETH HATHER, SIDNEY KESHANE, ALLAN O’SOUP, FERNIE O’SOUP,

GLEN O’SOUP, IVY O’SOUP,

MARLENE BRASS, PERCY O’SOUP, MARCELLA PELLETIER, BURKE RATTE ET PREMIÈRE NATION DE KEY

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La présente demande est déposée en application des articles 31 et 35 de la Loi sur les élections au sein de premières nations (LC 2014, c 5), en vue d’annuler l’élection du chef et des conseillers de la Première Nation de Key tenue le 1er octobre 2016. Les allégations au cœur de cette demande concernent des pratiques électorales contraires à l’éthique généralisées, y compris l’utilisation abusive des fonds de la Bande pour acheter des votes ou persuader des candidats de ne pas se présenter à l’élection. Les allégations formulées initialement contre le président d’élection ont été retirées. L’autre question à trancher en l’instance est un appel interjeté par les défendeurs d’une ordonnance de la protonotaire chargée de la gestion de l’instance, Martha Milczynski, datée du 21 août 2017. La protonotaire Milczynski a ordonné la radiation des affidavits des défendeurs Rodney Brass, Sidney Keshane, Glen O’Soup, et Angela Desjarlais. Les défendeurs demandent que ces affidavits soient rétablis dans leur dossier de demande, car sans ces affidavits, les défendeurs n’ont aucun élément de preuve important leur permettant de contester la demande sous-jacente.

[2]  Un litige extrêmement acrimonieux entre les demandeurs et les défendeurs est au cœur de la présente instance. La conduite des parties et de leur avocat respectif dans le cadre de la présente instance laisse beaucoup à désirer et, en ce qui concerne certains aspects, mérite une réprimande. Il est important de préciser que le contenu des affidavits déposés par les deux parties et la correspondance entre les avocats contenaient trop fréquemment des allégations calomnieuses, non pertinentes et non factuelles qui n’ont pas leur place dans un litige. Il convient également de préciser que dans ce genre d’affaires, ce n’est pas le rôle de l’avocat d’envenimer délibérément une situation déjà tendue dans la collectivité. Dans la mesure du possible, l’avocat devrait tenter de résoudre les désaccords, particulièrement dans le cas de litiges inutiles qui touchent la procédure. De plus, l’avocat ne doit jamais oublier qu’en fin de compte, ce sont les membres de la bande qui payent les factures juridiques pour les choix et les recommandations dans le cadre de leur litige. Je me demande également s’il était judicieux que la Première Nation de Key soit représentée par le même avocat que les autres défendeurs dans la présente instance. Compte tenu des allégations d’inconduite qui visent certains de ces défendeurs, il ne fait aucun doute que la bande aurait dû être représentée par un avocat indépendant distinct, dont le seul mandat serait de défendre les intérêts de la Première Nation et de ses membres.

I.  L’appel

[3]  Les défendeurs contestent l’ordonnance de la protonotaire principalement en raison de ce qui s’est produit après la délivrance de son ordonnance. Pour faire avancer l’instance, ils ont déposé des affidavits qui présentaient en détail les efforts qu’ils ont déployés afin de remédier aux erreurs de nature procédurale qui sont à l’origine de l’ordonnance de la protonotaire. Ils affirment que l’appel devrait être accueilli sur la foi des nouveaux éléments de preuve et en raison du préjudice extrême qu’ils subiront si leurs affidavits ne sont pas rétablis. Il va sans dire que les demandeurs s’opposent à l’admission de ces nouveaux éléments de preuve, car selon eux, les défendeurs ne sont pas en mesure de satisfaire au critère relatif à leur admissibilité et parce qu’ils ne sont pas pertinents pour déterminer si la protonotaire a commis une erreur manifeste et dominante en radiant les affidavits des défendeurs.

II.  Contexte procédural

[4]  Une bonne partie de l’historique de la procédure qui traite de l’ordonnance de la protonotaire figure dans les motifs qu’elle a formulés. Il convient de souligner que cette procédure a fait l’objet d’une gestion d’instance très active depuis la nomination de la protonotaire le 19 décembre 2016 jusqu’à la date de son ordonnance contestée qui a été délivrée plus de huit [8] mois plus tard.

[5]  Le dossier précise que la protonotaire Milczynski était au courant des audiences et des requêtes nombreuses et a délivré plusieurs directives et ordonnances. La protonotaire était vraiment plongée dans la procédure et était très consciente des manquements de nature procédurale qui ont mené à l’ordonnance dont il est fait appel. Cette appréciation se reflète dans le texte suivant tiré de l’ordonnance de la protonotaire Milczynski :

La présente instance a été retardée et ne s’est pas rendue à la fin des contre-interrogatoires en raison d’une incapacité ou d’un manquement de la part des défendeurs Rodney Brass, Sidney Keshane, Glen O’Soup et Angela Desjarlais, chacun ayant déclaré sous serment ou affirmé solennellement dans le cadre de la présente demande, de se conformer aux assignations à comparaître. Les assignations ont été signifiées de façon appropriée le ou vers le 1er mars 2017 et exigeaient que chaque auteur d’un affidavit produise des documents au moment de son contre-interrogatoire ou avant. Certains documents ont été produits, mais la majeure partie, c’est-à-dire ceux qui figuraient dans l’avis de requête des requérants, ne l’a pas été. Il s’agit de documents pertinents (relevés et documents bancaires); ils sont au cœur du présent litige, notamment savoir s’il y a eu achat de votes dans le cadre de l’élection du chef et du conseil de la Première Nation de Key tenue le 1er octobre 2016. À cet égard, je fais allusion aux paragraphes 9 à 18 des observations écrites des demandeurs en ce qui concerne la description des allégations d’achat de votes, étant donné qu’elles se rapportent aux documents demandés.

La question de ces productions a fait l’objet de nombreuses téléconférences de gestion d’instance et requêtes. Il était entendu dès le départ que les documents seraient fournis. Par la suite, cette entente a été ensuite rejetée et la production des documents a fait l’objet d’une requête visant la dispense de production en application du paragraphe 94(2) des Règles des Cours fédérales. Cette requête a été entendue puis rejetée en avril 2017 en raison de l’absence ou du manque d’éléments de preuve au dossier voulant que les documents demandés n’existaient pas, ne pouvaient pas être obtenus, n’étaient pas pertinents ou qu’il était onéreux de les obtenir. Par la suite, les dates limites fixées pour la production de ces documents ont été dépassées et il semble y avoir eu un certain malentendu quant à l’obligation de déployer des efforts pour obtenir les documents s’ils étaient facilement accessibles (par exemple en demandant des copies à une institution financière). Quelques documents ont été fournis au compte-gouttes.

Par conséquent, les demandeurs ont déposé une requête pour une ordonnance de justification, alléguant un outrage de la part des défendeurs pour ne pas avoir produit les documents en conformité avec l’ordonnance, de façon à procéder aux contre-interrogatoires. En ce qui concerne cette requête, des observations ont été formulées au sujet de l’incertitude et de la confusion du côté des défendeurs et des avocats à propos de ce qui était demandé et de ce qu’il fallait faire pour obtenir certains documents, mais qu’il n’y a eu aucun effort délibéré pour faire fi de l’ordonnance ou entraver la procédure et que d’autres efforts étaient déployés. La Cour a été informée que les documents pouvaient être produits et qu’ils le seraient bientôt. De vagues affirmations ont été formulées concernant des expéditions de pêche, mais une fois de plus, aucun élément de preuve n’a été présenté pour aider la Cour à conclure que ce qui était demandé était non pertinent, déraisonnable ou non accessible. Néanmoins, compte tenu des assurances des défendeurs quant aux efforts qu’ils continuaient de déployer, la Cour a accordé le bénéfice du doute aux défendeurs et, en conséquence, la requête a été rejetée sans préjudice. De nouvelles dates limites ont été fixées en vue de la production et de l’achèvement des contre-interrogatoires. De plus, d’autres téléconférences de gestion de l’instance portant sur les retards subséquents ont eu lieu.

En conséquence, dans le cadre de la présente requête, les demandeurs sollicitent la radiation des affidavits des personnes qui n’ont pas respecté les assignations à comparaître. Une fois de plus, les défendeurs n’ont pas déposé d’éléments de preuve pouvant fournir une explication appropriée du retard. Les avocats des défendeurs ont présenté des observations (en réponse aux questions de la Cour) qui laissaient entendre que des efforts constants étaient déployés et que d’autres documents étaient sur le point d’être envoyés, mais aussi que d’autres obstacles pouvaient surgir. Cependant, ces renseignements ne figuraient pas au dossier, et aucune demande n’a été présentée pour l’ajournement de l’instruction de la requête et aucune information n’a été fournie quant au moment où les assignations à comparaître allaient être respectées.

Par conséquent, la Cour dispose de peu d’options et se trouve dans une fâcheuse position. La présente demande a été présentée il y a environ 10 mois et elle n’est même pas parvenue à la conclusion des contre-interrogatoires. La gestion d’instance n’a pas réussi à maintenir cette procédure sur la bonne voie, malgré les nombreuses téléconférences de gestion d’instance, les assignations, les délais ainsi que les comparutions liées aux requêtes. Environ 15 téléconférences et comparutions liées aux requêtes ont eu lieu.

Ainsi, les demandeurs sollicitent une ordonnance en application de l’article 97 selon laquelle si une personne refuse, entre autres, de produire un document, la Cour peut ordonner la radiation de la totalité ou d’une partie des éléments de preuve de cette personne, y compris ses affidavits. Il s’agit d’une mesure rare et sérieuse que la Cour peut prendre. De nombreux facteurs doivent être pris en considération dans ce cas : la progression lente de la procédure, l’équité envers les parties, la conduite des parties, les nombreuses possibilités accordées pour se conformer ou pour fournir une explication au dossier et l’omission de présenter un plan concret et de le suivre. Dans les circonstances, j’estime que le redressement demandé doit être accordé.

[6]  Les défendeurs soutiennent que la protonotaire Milczynski a commis une erreur en négligeant d’apprécier tous les efforts déployés en coulisse pour se conformer à ses multiples assignations. Ils prétendent également qu’ils n’étaient pas certains de la potée des renseignements qu’ils devaient fournir aux demandeurs.

[7]  Les excuses des défendeurs comportent au moins deux problèmes fondamentaux. Le premier est que, comme l’a souligné clairement la protonotaire, les défendeurs n’ont présenté aucun élément de preuve par affidavit des efforts qu’ils disent avoir déployés pour se conformer. Le deuxième est que ces efforts étaient au mieux négligeables. En effet, le 24 juillet 2017, la protonotaire Milczynski a signifié une assignation dans laquelle elle reprochait aux avocats des défendeurs d’avoir produit de la correspondance en retard et ordonnant que la production des documents [traduction] « doit être faite séance tenante ». Le 26 juillet 2017, la protonotaire a délivré une ordonnance rejetant, sans préjudice, une requête pour outrage présentée par les demandeurs. Dans ses motifs connexes, la protonotaire a réprimandé les deux avocats pour avoir refusé de respecter les échéances et pour leur mépris à l’égard du processus de gestion d’instance. La protonotaire Milczynski a également observé que les défendeurs n’avaient pas réussi à présenter des éléments de preuve en vue de [traduction] « permettre à la Cour de déterminer si les documents n’étaient pas accessibles ou n’étaient pas pertinents ou pourquoi les défendeurs devraient être dégagés de l’obligation de les produire ». La requête a été rejetée, car la protonotaire n’était pas convaincue que les défendeurs, à ce stade, se moquaient délibérément de l’ordonnance de la Cour visant la production. Elle a également conseillé aux deux avocats de faire un effort pour communiquer ensemble de façon productive.

[8]  Le dossier dont je suis saisi révèle que jusqu’au début d’août, les efforts déployés par les défendeurs pour se conformer à leurs obligations de divulgation qui dataient de longtemps étaient minimes. Ce n’est qu’à ce moment que les défendeurs ont fini par présenter une demande officielle pour obtenir une grande partie de leurs relevés bancaires [voir DRD0047, 0048, 0049] et même alors, des [traduction] « lacunes importantes » persistaient [voir DRD0053]. De plus, il est troublant de savoir que l’auteure d’un affidavit des défendeurs, Melissa Brietkopf, a présenté un affidavit trompeur selon lequel tous les documents demandés avaient été produits, alors qu’aucun fait ne lui permettait de formuler une telle affirmation [voir DRD0074 et suivants]. Les avocats des défendeurs étaient sans doute au courant de cette déclaration trompeuse au moment du dépôt de l’affidavit.

[9]  Dans le dossier dont je suis saisi, je ne constate aucune erreur dans l’ordonnance de la protonotaire Milczynski visant la radiation des affidavits des défendeurs. Avec ou sans les « nouveaux éléments de preuve », les défendeurs, au mieux, ont fait preuve d’indifférence à l’égard de leurs obligations de produire. En effet, il semble plus probable qu’ils aient délibérément retardé et entravé le litige en omettant de se conformer aux directives de la protonotaire.

[10]  En ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve des défendeurs, ils sont manifestement non pertinents pour ce qui est de l’appel et ne satisfont pas au critère d’admissibilité. Une partie ne peut pas s’abstenir de présenter des éléments de preuve dans un premier temps, pour ensuite demander l’autorisation de les présenter dans le cadre d’un appel : voir Shire Canada Inc c Apotex, 2011 CAF 10, aux paragraphes 17 et 18, 414 NR 270, et Shaw c Canada, 2010 CF 577, aux paragraphes 8 et 9, [2010] ACF no 684 (QL).

[11]  Les défendeurs doivent accepter les conséquences de leur omission de produire un dossier de preuve valable devant la protonotaire et de leurs efforts nettement insuffisants sur une période de nombreux mois pour remplir leurs obligations en matière de production.

[12]  Par conséquent, l’appel des défendeurs est rejeté.

[13]  À la lumière de la décision de la protonotaire de radier les affidavits des défendeurs, les affidavits des demandeurs sont à peu près tout ce qui reste dans la preuve dont je suis saisi en ce qui concerne la demande d’annulation de l’élection tenue le 1er octobre 2016 au sein de la bande de la Première Nation de Key. Les affirmations et les faits importants contenus dans ces affidavits sont reproduits ci-dessous.

III.  Affidavit de Clarence Papequash

[14]  Clarence Papequash a été élu au poste de conseiller de bande lors de l’élection contestée. Indépendamment du succès de sa candidature, M. Papequash a contesté l’élection.

[15]  L’affidavit de M. Papequash en date du 3 décembre 2016 fait état des questions particulièrement préoccupantes suivantes :

  • a) Le 24 septembre 2016, au cours du vote par anticipation qui s’est tenu à l’hôtel Ramada à Regina, il a vu Rodney Brass donner 300 $ à un électeur pour acheter son vote.

  • b) Le 23 septembre 2016, lors d’une réunion avec Glen O’Soup à Regina, M. Papequash s’est vu offrir 5 000 $ pour retirer sa candidature et aider à solliciter des votes pour Rodney Brass et son équipe de candidats.

IV.  Affidavit d’Esther Papequash

[16]  Esther Papequash est membre de la Première Nation de Key et elle a agi à titre d’agente électorale lors de l’élection au sein de la bande. Son affidavit, présenté sous serment le 4 décembre 2016, atteste des irrégularités dans les processus de scrutin et déclare s’être vu offrir un emploi au sein de la bande par Rodney Brass advenant son élection au poste de chef.

V.  Affidavit de Kristin Raphael

[17]  Kristin Raphael est membre de la Première Nation de Key et électrice lors de l’élection au sein de la bande. Dans son affidavit en date du 4 décembre 2016, elle soutient qu’au cours du scrutin par anticipation du 24 septembre 2016 à Regina, Rodney Brass lui a donné 100 $ en argent comptant sans qu’elle demande quoi que ce soit et sans explications. Elle signale également que le 30 septembre 2016, elle a été témoin d’un versement semblable de M. Brass à sa grand-mère. Le 1er octobre 2016, elle signale un paiement de 40 $ en argent comptant fait par M. Brass apparemment pour « de l’essence ».

VI.  Affidavit de Vanessa Brass

[18]  Vanessa Brass est membre de la Première Nation de Key. Son affidavit, présenté sous serment le 13 décembre 2016, comporte les affirmations suivantes :

  • a) Quelques jours avant l’élection au sein de la bande, Rodney Brass et Colleen Brass se sont présentés à l’improviste à sa résidence de la Cote First Nation. Elle n’avait jamais eu de contact avec eux auparavant. Ils faisaient campagne en prévision de l’élection et convoitaient les postes de chef et de conseillère de bande, respectivement. M. Brass a donné 60 $ en argent comptant à Mme Brass [traduction] « pour aider à payer le transport et les repas ».

  • b) Le jour de l’élection, Mme Brass a rencontré Angela Desjarlais (candidate au poste de conseillère). Mme Desjarlais lui a demandé de voter pour Rodney Brass et pour elle et a donné une somme non sollicitée de 100 $ en argent comptant à Mme Brass. Mme Desjarlais a ensuite proposé à Mme Brass de se rende à la résidence de son frère (Sidney Keshane) où, en présence de Rodney Brass, elle a obtenu une somme de 300 $ en argent comptant en échange de ses votes.

VII.  Affidavit de Myrna O’Soup

[19]  Myrna O’Soup est membre de la Première Nation de Key. Elle briguait aussi le poste de chef lors de l’élection au sein de la bande, mais a été défaite. Son affidavit, présenté sous serment le 14 décembre 2016, indique que le 25 août 2016, Glen O’Soup, Sidney Keshane et Rodney Brass se sont présentés sans invitation à la résidence de son frère, dans la réserve de la Première Nation de Key. En présence des frères de Mme O’Soup, M. O’Soup lui a offert un emploi au sein de la bande si elle acceptait de retirer sa candidature. Elle a refusé l’offre.

VIII.  Affidavit de William Papequash

[20]  William Papequash est membre de la Première Nation de Key. Dans son affidavit en date du 2 février 2017, il déclare que lorsqu’il a pris part au scrutin anticipé à l’hôtel Ramada de Regina en septembre 2016, Rodney Brass lui a donné 60 $ et lui a demandé de voter pour lui.

IX.  Affidavit de Clinton Key

[21]  Clinton Key est membre et conseiller de bande de la Première Nation de Key et l’un des demandeurs dans la présente procédure. Il a été élu en tant que candidat indépendant au sein de la bande dans le cadre de l’élection de 2016. Dans son affidavit en date du 20 février 2017, il déclare qu’alors qu’il se trouvait au bureau de scrutin d’Edmonton, il a vu Rodney Brass, Sidney Keshane et Glen O’Soup donner des sommes de 100 $ et de 200 $ en argent comptant à environ 30 membres de la bande en échange de promesses d’appui lors de l’élection.

[22]  Après la fermeture du bureau de vote d’Edmonton, M. Key a reçu un appel de Rodney Brass et il a appris que M. Brass avait obtenu de 73 à 75 votes et qu’il avait [traduction] « fait un balayage à Edmonton ».

[23]  Selon M. Key, un modèle d’achat de votes semblable a été constaté à Regina où Rodney Brass et Glen O’Soup ont versé des sommes à environ 10 membres pour qu’ils votent pour eux. Le 1er octobre 2016, M. Key a vu Angela Desjarlais donner 40 $ à un électeur qui cherchait à vendre son vote.

X.  Affidavit de Desiree Brass

[24]  Desiree Brass est membre de la Première Nation de Key. Dans son affidavit du 27 février 2017, elle indique que Sidney Keshane lui a offert 300 $ en échange de son vote lors de l’élection au sein de la bande. Le jour de l’élection au bureau de vote de Key, elle a obtenu une somme de 200 $ en argent comptant de Sidney Keshane qui lui a dit de voter pour le groupe de Rodney Brass, Angela Desjarlais, Melody Brass, Glen O’Soup et Sidney Keshane. Au même moment, elle a vu Rodney Brass interagir d’une manière douteuse avec d’autres membres de la bande, avant que les membres passent au vote.

XI.  Affidavit de Maria Diamond

[25]  Maria Diamond est une Aînée de la Première Nation de Key. Le 26 septembre 2016, Mme Diamond et plusieurs autres électeurs ont été conviés à un souper au Lee’s Buffet à Brandon, au Manitoba, afin de discuter de l’élection imminente au sein de la bande. Pendant le repas, M. Brass a mentionné aux personnes présentes qu’advenant son élection, chaque membre de la bande recevrait une prime de Noël de 1 000 $. Bien que M. Brass ait été élu chef, les sommes promises n’ont jamais été versées.

XII.  Affidavit de Marcella Pelletier

[26]  Marcella Pelletier est membre de la Première Nation de Key et elle a posé sa candidature pour le poste de conseillère de bande lors de l’élection du 1er octobre 2016. Dans son affidavit, elle indique que le 21 septembre 2016, à Edmonton, elle a vu Rodney Brass ordonner à Glen O’Soup de verser 100 $ à Gabe Brass en échange de son vote. De plus, le 24 septembre 2016, Mme Pelletier a entendu Rodney Brass promettre à sept membres de la bande qu’il déposerait par virement électronique une somme de 200 $ à chacun des sept membres qui s’étaient réunis dans une résidence à Regina dans le but déclaré qu’ils votent pour un ensemble désigné de candidats.

XIII.  Affidavits supplémentaires de Clarence Papequash, Clinton Key et Glenn Papequash

[27]  Clarence Papequash, Clinton Key et Glenn Papequash ont présenté sous serment des affidavits supplémentaires le 22 avril 2017. Chacun de ces affidavits a trait aux tentatives de Rodney Brass de mettre fin au présent litige en échange de sommes considérables en argent comptant.

[28]  Clarence Papequash affirme que M. Brass a offert de lui verser 25 000 $ annuellement durant les quatre prochaines années, apparemment pour la prestation de services consultatifs d’un Aîné. Cette proposition est corroborée par un chèque de 25 000 $ tiré sur le compte en fiducie de la bande de Key à l’ordre de Clarence Papequash, ainsi que par deux soi-disant ententes de renouvellement confirmant les quatre paiements annuels « à verser à condition que le chef reçoive une confirmation par la Cour fédérale du retrait de la demande d’appel ». Les ententes ont été signées par Rodney Brass et Clarence Papequash le 16 mars 2017.

[29]  Selon l’affidavit de Clinton Key, Rodney Brass a offert d’injecter une somme de 10 000 $ dans la compagnie de M. Key (Key Skid Steer & Trucking) et d’établir des contrats de travail si, en échange, il abandonne le présent litige. L’affidavit de M. Key corrobore également le témoignage de Clarence Papequash au sujet de leur réunion avec Rodney Brass le 16 mars 2017 lors de laquelle M. Brass a offert de l’argent à chacun d’eux pour abandonner leur appel lié à l’élection. Un chèque de 10 000 $ tiré sur le compte en fiducie de la bande de Key à l’ordre de Key Skid Steer & Trucking corrobore le témoignage de M. Key.

[30]  L’affidavit de Glenn Papequash fait état d’une version semblable à celle que les autres demandeurs ont fournie. Selon Glenn Papequash, au cours d’une réunion à Saskatoon le 16 mars 2017, Rodney Brass lui a offert une somme de 5 000 $ pour qu’il donne 10 leçons de guitare dans la Première Nation de Key en échange de l’abandon de l’appel lié à l’élection.

[31]  Lors d’une réunion ultérieure avec Rodney Brass et Clarence Papequash le 18 mars 2017, Glenn Papequash a reçu un chèque de 5 000 $ tiré sur le compte en fiducie de la bande de Key, accompagné d’une soi-disant entente de renouvellement du contrat pour trois paiements annuels au même montant pour des leçons de musique. Il est indiqué que ces paiements sont conditionnels au retrait de l’appel lié à l’élection. Des copies du chèque et de l’entente signée par Glenn Papequash et Rodney Brass sont reproduites dans l’affidavit de M. Papequash.

XIV.  Dispositions législatives applicables

[32]  Les demandeurs contestent l’élection au sein de la bande de la Première Nation Key tenue le 1er octobre 2016 en application de l’article 31 et du paragraphe 35(1) de la Loi sur les élections au sein de premières nations, précitée. Ces dispositions autorisent la Cour à annuler une élection au sein d’une bande si des éléments satisfaisants prouvent qu’un manquement à la Loi ou au Règlement est susceptible d’avoir influé sur le résultat de l’élection. Les points suivants font partie des interdictions qui sont énumérées à l’article 16 de la Loi :

16 Nul ne peut, relativement à une élection :

 

16  A person must not, in connection with an election,

 

a) voter ou tenter de voter sachant qu’il est inhabile à voter;

 

(a) vote or attempt to vote knowing that they are not entitled to vote;

 

b) inciter une autre personne à voter sachant que celle-ci est inhabile à voter;

 

(b) attempt to influence another person to vote knowing that the other person is not entitled to do so;

 

c) faire sciemment usage d’un faux bulletin de vote;

 

(c) knowingly use a forged ballot;

 

d) déposer dans une urne un bulletin de vote sachant qu’il n’y est pas autorisé par règlement;

 

(d) put a ballot into a ballot box knowing that they are not authorized to do so under the regulations;

 

e) par intimidation ou par la contrainte, inciter une autre personne à voter ou à s’abstenir de voter, ou encore à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat donné;

 

(e) by intimidation or duress, attempt to influence another person to vote or refrain from voting or to vote or refrain from voting for a particular candidate; or

 

f) offrir de l’argent, des biens, un emploi ou toute autre contrepartie valable en vue d’inciter un électeur à voter ou à s’abstenir de voter, ou encore à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat donné.

 

(f) offer money, goods, employment or other valuable consideration in an attempt to influence an elector to vote or refrain from voting or to vote or refrain from voting for a particular candidate.

[Je souligne]

[Emphasis added.]

[33]  Les demandeurs assument le fardeau de la preuve qui nécessite d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’un manquement à la Loi susceptible d’avoir influé sur le résultat de l’élection a eu lieu : voir McNabb c Cyr, 2017 SKCA 27, au paragraphe 36, [2017] SJ no 132. Lorsque des éléments suffisants prouvant la corruption ont été présentés, le fardeau de la preuve peut être transféré aux défendeurs.

[34]  Ce ne sont pas tous les manquements à la Loi ou au Règlement qui justifient l’annulation d’une élection au sein d’une bande. Il n’est pas rare qu’une distinction soit faite entre les affaires comportant des irrégularités de forme et celles qui traitent de fraude ou de corruption. Dans la première situation, il est possible qu’une approche mathématique prudente (p. ex. le critère du nombre magique inversé) soit nécessaire pour établir la probabilité d’un résultat différent. Cependant, lorsque le résultat d’une élection a été faussé par une fraude au point de remettre en question l’intégrité du processus électoral, une annulation peut être justifiée, peu importe le nombre de votes valides prouvé. L’une des raisons de l’adoption d’une approche plus rigoureuse en cas de corruption électorale est qu’il pourrait être impossible de confirmer l’ampleur exacte de l’inconduite, ou il se peut que la conduite soit mal interprétée. Cela est particulièrement vrai lorsque des allégations d’achat de votes sont soulevées et lorsque les deux parties à l’opération sont coupables et ont souvent tendance à agir secrètement : voir Gadwa c Kehewin First Nation, 2016 CF 597, [2016] ACF no 569 (QL).

[35]  Dans Opitz c Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55, 351 DLR (4th) 579, la Cour a examiné le libellé dans la Loi électorale du Canada (LC 2000, c 9) qui est très semblable à celui de l’article 31 de la Loi sur les élections au sein de premières nations, précitée. En décrivant le fondement de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour dans les affaires qui concernent des irrégularités de forme ou la fraude, voici ce que la Cour avait à dire :

[22]   Aux termes de ces dispositions, le tribunal doit constater la nullité de l’élection du candidat si le motif visé à l’al. 524(1)a) est établi (inéligibilité du candidat élu). Dans ce cas, c’est comme si aucune élection n’avait eu lieu. En revanche, si c’est le motif visé à l’al. 524(1)b) (irrégularité, fraude, manœuvre frauduleuse ou acte illégal ayant influé sur le résultat de l’élection) qui est établi, le tribunal peut prononcer l’annulation de l’élection. Dans cette situation, le tribunal doit décider si l’élection qui a été tenue a été compromise à un point tel que son annulation est justifiée.

[23]   Pour décider s’il y a lieu d’annuler une élection, il faut tenir compte d’une considération importante, soit celle de savoir si le nombre de votes contestés est suffisant pour jeter un doute sur l’identité du véritable vainqueur de l’élection ou si les irrégularités sont telles qu’elles mettent en question l’intégrité du processus électoral. Puisque les électeurs canadiens votent par scrutin secret, cette analyse ne peut porter sur le choix qu’ils ont réellement fait. Si le tribunal est convaincu que le rejet de certains votes laisse planer un doute sur la victoire du candidat élu, il serait déraisonnable que le tribunal n’annule pas l’élection.

[36]  Compte tenu de ce qui précède, on ne peut pas vraiment douter de la possibilité qu’une fraude électorale grave puisse fausser le résultat d’une élection. Cependant, il ne faut pas négliger la mise en garde de la Cour selon laquelle une cour de révision se réserve le droit de refuser d’annuler une élection, même dans des cas de fraude ou d’autres formes de corruption. Ce point a été soulevé récemment dans McEwing c Canada (Procureur général), 2013 CF 525, [2013] 4 RCF 63, lorsque le juge Richard Mosley a mentionné ceci :

[81]   La réponse à la question de savoir ce qui peut constituer un effet corrosif sur l’intégrité du processus électoral dépendra des faits de chaque affaire. Je ne crois pas que les commentaires que la majorité a formulés au paragraphe 43 de l’arrêt Opitz permettent de dire que la Cour peut annuler le résultat d’une élection dans chaque cas où une fraude, une manœuvre frauduleuse ou un acte illégal a été établi. Dans ce paragraphe, la Cour suprême du Canada a cité Cusimano c Toronto (City), 2011 ONSC 7271, [2011] OJ no 5986 (QL), au paragraphe 62 : [traduction] « Une élection ne sera annulée que lorsque l’irrégularité viole un principe démocratique fondamental ou permet de se demander si le résultat recueilli reflète la volonté des électeurs. »

[82]   Au paragraphe 48 de l’arrêt Opitz, la majorité a prévenu que l’annulation d’une élection priverait de leur droit de participer au scrutin non seulement les personnes dont les votes sont rejetés (dans le contexte d’une allégation d’irrégularité), mais également tous les électeurs qui ont voté dans la circonscription. Cela signifie, à mon sens, que la Cour ne devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à annuler une élection que lorsqu’il existe une raison sérieuse de croire que les résultats auraient été différents si la fraude n’avait pas été commise ou lorsqu’un candidat ou son agent officiel a participé à la fraude.

[37]  L’observation du juge Mosley voulant qu’en général, il convienne de traiter plus sévèrement la corruption du processus électoral commise par un candidat ou un agent est aussi prise en compte dans le passage suivant de la décision de la juge Cecily Y. Strickland dans Gadwa c Kehewin First Nation, précitée :

[88]   Il faut d’abord mentionner qu’un candidat qui tente d’acheter des voix tente en fait de corrompre le processus électoral. Par conséquent, sans égard au nombre de voix que le candidat a acheté ou tenté d’acheter et peu importe si le candidat remporte l’élection avec un plus grand écart que le nombre de voix ayant été acheté, le candidat ne peut être sauvé et son élection demeure viciée. Une fraude, une manœuvre électorale frauduleuse ou un acte illégal sont des inconduites graves (arrêt Opitz, au paragraphe 43).

[38]  Ce que l’on peut retenir des autorités pertinentes est que les tentatives par des candidats à une élection ou leurs agents d’acheter le vote des électeurs constituent une pratique insidieuse qui affaiblit et compromet l’intégrité d’un processus électoral.

[39]  En l’espèce, il y a une preuve évidente d’une vaste activité d’achat de votes entreprise ouvertement par Rodney Brass, Glen O’Soup, Sidney Keshane et Angela Desjarlais. Aucun des nombreux auteurs d’affidavit ayant été témoins de ces événements n’a été contre-interrogé et leurs éléments de preuve demeurent incontestés à ce jour. Le fait que Rodney Brass ait tenté de soudoyer les demandeurs pour qu’ils abandonnent la présente demande en offrant à chacun une importante somme d’argent en échange d’offres d’emploi douteuses est aussi un aspect important. Ces agissements ont été soulevés après l’élection et ils ne sont pas directement liés aux questions soulevées dans la présente demande. Cependant, ces éléments de preuve sont pertinents pour ce qui est de la crédibilité de M. Brass. Ils sont également corroborés par les documents qu’il a signés.

[40]  Compte tenu des éléments de preuve dont je suis saisi, je suis convaincu que l’inconduite de Rodney Brass, Glen O’Soup, Sidney Keshane et Angela Desjarlais a porté atteinte à l’intégrité de l’élection au sein de la bande de la Première Nation de Key tenue le 1er octobre 2016, que les résultats de l’élection doivent être annulés et que la tenue d’une nouvelle élection est nécessaire. Je tiens à ajouter que les pratiques corrompues employées par plusieurs des défendeurs au cours de l’élection au sein de la bande en 2016 semblent refléter une tradition de longue date et une acceptation par certains membres de l’achat de votes et d’autres tentatives malhonnêtes d’influer sur les résultats du processus électoral. Il semble que ces pratiques soient si enracinées qu’il faudra redoubler d’efforts pour veiller à l’intégrité du processus.

[41]  Les demandeurs souhaitent que des dépens soient adjugés sur la base avocat-client. Je diffère ma décision en attendant la réception des observations écrites des parties d’au plus dix [10] pages. Les observations des demandeurs doivent être déposées dans les dix [10] jours du présent jugement. Par la suite, les défendeurs auront sept [7] jours pour répondre.

[42]  Conformément au paragraphe 35(2) de la Loi sur les élections au sein de premières nations, précitée, la Cour fera parvenir une copie de la présente décision au ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1856-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. L’appel interjeté par les défendeurs le 21 août 2017 à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire Martha Milczynski est rejeté.

  2. La présente demande est accueillie et l’élection au sein de la bande de la Première Nation de Key tenue le 1er octobre 2016 est annulée.

  3. Une copie de la présente décision sera envoyée au ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord.

  4. La question des dépens est différée jusqu’à ce que la Cour ait reçu d’autres observations des parties.

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1856-16

 

INTITULÉ :

CLARENCE PAPEQUASH, CLINTON KEY ET GLENN PAPEQUASH c RODNEY BRASS,

DAVID COTE, MYRNA O’SOUP, COLLEEN BRASS,

DALE BRASS, FERLYN BRASS,

JESSE BRASS, JOSEPH BRASS,

MELODY BRASS, ROBERT BRASS,

SHANNON BRASS, SHIRLEY BRASS,

ANGELA DESJARLAIS, GILDA DOKUCHIE-CRANE,

KENNETH HATHER, SIDNEY KESHANE,

ALLAN O’SOUP, FERNIE O’SOUP,

GLEN O’SOUP, IVY O’SOUP,

MARLENE BRASS, PERCY O’SOUP,

MARCELLA PELLETIER, BURKE RATTE ET

PREMIÈRE NATION DE KEY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 novembre 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 mars 2018

COMPARUTIONS :

Nathan Phillips

Mervin Phillips

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Stephanie C. Lavallée

Donald E. Worme

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Phillips & Co.

Regina (Saskatchewan)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Semaganis Worme Legal

Saskatoon (Saskatchewan)

Pour les défendeurs

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.