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Date : 20180319


Dossier : T-1902-16

Référence : 2018 CF 312

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 mars 2018

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

WELDPRO LIMITED

demanderesse

et

WELDWORLD CORP.

et WILLIAM KOCKEN

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Il s’agit d’une demande présentée conformément aux articles 53.2 et 55 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). La demanderesse, Weldpro Limited (Weldpro), allègue que les défendeurs, Weldworld Corp (Weldworld) et M. William Kocken, se sont livrés à une pratique de commercialisation trompeuse.

[2]  La demanderesse soutient que : 1) l’emploi et la tentative d’enregistrement de la marque de commerce 1-877-WELDPRO par les défendeurs attirent l’attention du public sur les produits des défendeurs d’une manière qui crée de la confusion, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi; 2) les défendeurs font passer leurs marchandises pour celles de Weldpro, en violation de l’alinéa 7c) de la Loi. La demanderesse affirme que la conduite du défendeur, à titre individuel, a été si grave que la Cour devrait lever le voile corporatif et le tenir personnellement responsable des dommages causés. La demanderesse n’a pas donné suite à sa réclamation au titre de l’alinéa 7c) dans des observations écrites ou orales.

[3]  La demanderesse sollicite un jugement déclaratoire et une injonction. Elle sollicite également une ordonnance enjoignant aux défendeurs : 1) d’abandonner l’emploi de la marque 1-877-WELDPRO, d’un autre nom ou d’une marque comportant le mot WELDPRO; 2) de retirer une demande en instance auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour la marque alphanumérique 1-877-WELDPRO; 3) de livrer ou de détruire l’étiquetage qui violerait les droits de Weldpro sur la marque WELDPRO. Enfin, la demanderesse réclame des dommages-intérêts punitifs et des dépens sur une base avocat-client.

[4]  Pour les motifs énoncés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La demanderesse n’a pas établi une violation de l’alinéa 7b) de la Loi.

II.  Résumé des faits

A.  Les parties

[5]  La société du défendeur, Weldworld, est une société privée constituée en vertu de la Business Corporations Act (Alberta), RSA 2000 c B-9. À l’origine, Weldworld a été constituée en société sous le nom de Advanced Industrial Supply Ltd (AIS), mais son nom a été changé pour Weldworld Corp en octobre 2013. Le défendeur, M. William Kocken, est le président de Weldworld.

[6]  La demanderesse a initialement été constituée sous le nom de 1105514 Alberta Ltd. en vertu de la Alberta Business Corporations Act. Elle a changé son nom pour Weldpro Ltd. en mai 2009. L’unique dirigeant et directeur de Weldpro est M. Perry Rideout. M. Rideout a travaillé pour la défenderesse Weldworld (alors AIS) de 2005 à fin août 2009.

B.  Les autres procédures

[7]  Les parties sont des concurrents sur le marché d’Edmonton.

[8]  En 2009, Weldpro a intenté une poursuite contre Weldworld (alors AIS) devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta pour des comptes impayés (les procédures de 2009). Weldworld a présenté une demande reconventionnelle alléguant que Weldpro se faisait passer pour une marque appartenant à Weldworld Corp : le numéro de téléphone 1-877-WELDPRO. La poursuite a été réglée lorsque les parties ont signé une entente de règlement ainsi que des renonciations mutuelles à l’égard de leurs réclamations en mai 2012, qui comprenait la reconnaissance de l’emploi du nom Weldpro par la demanderesse.

[9]  Outre la présente demande, les parties sont également mêlées à un autre litige devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta. Ce litige porte sur des allégations de rupture de contrat et de manquement aux obligations fiduciaires. Ces allégations ont trait au fait que M. Gilbert Taylor est passé d’un poste de représentant principal aux ventes externes auprès de Weldworld à un poste de vendeur auprès de Weldpro, en janvier 2015.

C.  Le différend portant sur la marque de commerce

[10]  Les parties ne contestent pas que Weldworld, qui a d’abord fait affaire sous le nom d’AIS et, depuis 2013, sous le nom de Weldworld Corp., avait employé la marque 1-877-WELDPRO en liaison avec ses activités commerciales aux environs de 1999. Les parties ne contestent pas non plus que Weldworld employait la marque 1-877-WELDPRO depuis 2011 : je note que l’entente de règlement concernant le litige de 2009 a été signée pendant cette période, en mai 2012. Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si et dans quelle mesure Weldworld a employé la marque 1-877-WELDPRO entre 2001 et 2011.

[11]  En mars 2015, la défenderesse Weldworld a demandé l’enregistrement de la marque de commerce « 1-877-WELDPRO ». En septembre 2015, la demanderesse Weldpro a demandé l’enregistrement de la marque de commerce « Weldpro ».

[12]  L’Office de la propriété intellectuelle du Canada s’est opposé à la demande de Weldpro parce qu’elle créait de la confusion avec la demande « 1-877-WELDPRO » antérieurement produite par Weldworld. Weldpro a engagé des procédures d’opposition contre l’enregistrement de Weldworld. Ces procédures d’opposition sont en cours. Par la suite, en novembre 2016, Weldpro a introduit la présente demande en invoquant la commercialisation trompeuse.

III.  Dispositions législatives applicables

[13]  Le délit de commercialisation trompeuse en common law est codifié à l’alinéa 7b) de la Loi, qui dispose ce qui suit :

7 Nul ne peut :

[…]

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

7 No person shall

[…]

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

[14]  Les trois éléments nécessaires à une action en commercialisation trompeuse ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120, au paragraphe 132, 95 DLR (4th) 385 (Ciba Geigy) : « l’existence d’un achalandage, la déception du public due à la représentation trompeuse et des dommages actuels ou possibles pour la demanderesse ». La jurisprudence reconnaît que l’action en commercialisation trompeuse a pour objectif de protéger la « propriété » d’un commerçant ou d’un fabricant, le nom commercial ou l’apparence d’un produit (Ciba Geigy, au paragraphe 134).

IV.  Questions en litige

[15]  Dans leurs observations, les parties ont formulé les questions suivantes, notamment : 1) la demanderesse a-t-elle établi la commercialisation trompeuse? 2) Si la commercialisation trompeuse a été établie, quelles doivent être les réparations à accorder, et M. Kocken devrait-il être tenu personnellement responsable? Le montant des dépens en faveur de la partie ayant obtenu gain de cause est également une question en litige.

[16]  Après avoir examiné les observations écrites des parties et avoir entendu leur plaidoirie, les seules questions auxquelles je dois répondre sont les suivantes :

  1. Weldpro a-t-elle démontré les trois éléments nécessaires pour établir la commercialisation trompeuse et une violation de l’alinéa 7b) de la Loi?

  2. Les dépens.

V.  Discussion

A.  Weldpro a-t-elle démontré les trois éléments nécessaires pour établir la commercialisation trompeuse et une violation de l’alinéa 7b) de la Loi?

[17]  La demanderesse soutient que les éléments de preuve présentés à la Cour suffisent à établir les trois éléments du critère de la commercialisation trompeuse : l’achalandage, la probabilité de méprise et les dommages.

1)  Achalandage

[18]  La demanderesse fait valoir que l’achalandage de Weldpro, ce qui n’est pas contesté, est [traduction] « l’avantage que procurent la renommée, la réputation et les relations d’une entreprise » qui attire les clients vers les produits ou services de son propriétaire plutôt que vers ceux de ses concurrents (Asbjorn Horgard A/S v Gibbs/Nortac Industries Ltd, [1987] 3 FC 544, 38 DLR (4th) 544 (CAF), au paragraphe 24). En adoptant cette position, la demanderesse souligne le témoignage de M. Kocken pour établir : 1) l’utilisation et la réputation du nom Weldpro; 2) la capacité d’attirer des clients dans le marché d’Edmonton; 3) l’utilisation du nom Weldpro sur son enseigne et ses camions.

[19]  Malgré le témoignage de M. Kocken sur le fait qu’il était au courant de la présence de Weldpro sur le marché, les défendeurs ont sans équivoque affirmé que [traduction« l’achalandage ou la réputation dans l’esprit du public » n’a pas été établi par la demanderesse. La question de l’achalandage est contestée, contrairement à la position adoptée par la demanderesse.

[20]  Pour établir l’achalandage, la demanderesse doit démontrer que l’achalandage ou la réputation « est reconnu par le public comme constituant un caractère distinctif des produits ou services du demandeur » (Ciba Geigy, au paragraphe 132, citant Reckitt & Colman Products Ltd v Borden Inc¸ [1990] 1 Tous ER, 873 à 880). Je suis incapable de conclure que le témoignage de M. Kocken peut être invoqué pour établir l’achalandage ou la réputation dans [traduction]« l’esprit du public consommateur » pour un certain nombre de raisons.

[21]  Premièrement, M. Kocken est le président du concurrent de Weldpro sur le marché d’Edmonton et, à ce titre, il est mêlé à d’autres poursuites contre Weldpro dans au moins deux autres instances. Dans ces circonstances, il serait malhonnête d’attribuer la connaissance qu’a M. Kocken de Weldpro à l’achalandage rattaché à la marque Weldpro. Même en l’absence de l’historique de la procédure contentieuse, il m’est difficile de conclure que la connaissance d’un concurrent direct peut normalement être considérée comme étant représentative de la connaissance du public consommateur ou comme établissant cette connaissance. Bien que je ne conclurais pas que la connaissance d’un concurrent ne peut jamais suffire à établir l’existence de l’achalandage, en l’espèce, la connaissance de M. Kocken, en l’absence d’autres éléments, ne suffit pas.

[22]  Deuxièmement, la demanderesse se fonde sur l’arrêt Vancouver Community College v Vancouver Career College (Burnaby) Inc, 2017 BCCA 41 (Vancouver Community College) pour faire valoir qu’il ne lui est pas nécessaire de présenter des éléments de preuve relatifs aux campagnes publicitaires ou aux budgets pour établir l’achalandage. Je ne suis pas en désaccord. Cependant, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a également souligné qu’une enquête sur l’achalandage comporte une enquête sur [traduction] « les perceptions qui ont cours sur le marché pertinent » (Vancouver Community College, au paragraphe 44). L’arrêt Vancouver Community College reconnaît que, même si un demandeur peut établir l’achalandage de différentes façons, il doit néanmoins le faire en fonction des perceptions qui ont cours sur le marché. Dans l’arrêt Vancouver Community College, la Cour a souligné l’existence traduction] « d’éléments de preuve importants sur la question de l’achalandage », y compris l’emploi de la marque en cause sur des brochures, des calendriers et autres documents, en tant que nom de domaine et que certains éléments de preuve provenaient de sondages sur la notoriété du nom (Vancouver Community College, aux paragraphes 42 à 49). Aucun élément de preuve de cette nature n’est présent en l’espèce.

[23]  La demanderesse n’a pas établi le volet de l’achalandage en matière de commercialisation trompeuse et n’a donc pas réussi à démontrer que les défendeurs ont agi contrairement à l’alinéa 7b) de la Loi.

[24]  À la lumière de ma conclusion sur l’achalandage, il n’est pas nécessaire d’aborder les deux autres volets du critère de la commercialisation trompeuse, mais je commenterai brièvement les questions portant sur la représentation trompeuse ou la méprise ainsi que la question des dommages.

2)  Représentation trompeuse ou méprise

[25]  La demanderesse soutient que les parties ont établi l’achalandage concomitant dans des marques semblables à Edmonton : l’achalandage de la demanderesse concerne la marque « Weldpro », une marque qu’elle a commencé à employer en 2009. L’achalandage du défendeur concerne la marque « 1-877-WELDPRO ».

[26]  La demanderesse soutient que, dans le contexte de l’emploi concomitant, il n’y avait aucune probabilité de méprise lorsque la marque 1-877-WELDPRO était exclusivement associée à la dénomination sociale AIS, car cela suffisait à distinguer la marque de celle de « Weldpro ». La demanderesse soutient que cette situation a changé en 2013, lorsque la dénomination sociale du défendeur a été remplacée par Weldworld, un nom similaire à celui de Weldpro, et que la société du défendeur a pris des mesures pour accroître la visibilité de la marque 1-877-WELDPRO.

[27]  Il n’y avait aucun élément de preuve de confusion devant la Cour à la suite de ces événements. Dans sa plaidoirie, la demanderesse a soutenu que l’hypothèse d’une probabilité de confusion suffisait à établir le volet de la représentation trompeuse dans une action en commercialisation trompeuse. Une fois de plus, je ne suis pas d’accord.

[28]  À l’appui de sa thèse, la demanderesse se fonde sur l’arrêt Law Society of British Columbia v Canada Domain Name Exchange Corporation, 2004 BCSC 1102, conf. par 2005 BCCA 535 (Law Society of British Columbia) pour faire valoir que [traduction] « La confusion pourrait renforcer le fait qu’il y a eu représentation trompeuse, mais elle n’est pas nécessaire en l’espèce où la représentation trompeuse est tellement évidente que le fait qu’elle existe n’est qu’une question de bon sens » (Law Society of British Columbia, au paragraphe 29). Bien que je convienne qu’il y aura des circonstances où la méprise est évidente conformément au bon sens et qu’aucun autre élément de preuve ne sera requis, encore une fois, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[29]  L’affirmation de la demanderesse selon laquelle le nom de la société du défendeur est passé d’AIS à Weldworld brouillant la distinction entre la dénomination sociale Weldpro et le numéro de téléphone alphanumérique 1-877-WELDPRO n’est pas évidente. La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de cette conclusion, se fondant plutôt sur des affirmations simples et demandant à la Cour d’admettre que la possibilité théorique de méprise et de confusion suffise à établir la représentation trompeuse et la méprise. L’avocat de la demanderesse n’a pas été en mesure de citer une jurisprudence pendant sa plaidoirie visant à étayer l’argument selon lequel l’hypothèse d’une confusion ou d’une méprise suffisait à établir le deuxième volet du critère de la commercialisation trompeuse.

[30]  Dans une lettre ultérieure, l’avocat de la demanderesse a cité la décision Bonus Foods Ltd v Essex Packers Ltd, [1965] 1 R.C.É. 735, 49 DLR (2d) 320 (Bonus Foods) à l’appui de cette proposition. J’ai examiné la décision Bonus Foods et noté qu’elle traite de la contrefaçon éventuelle d’une marque de commerce enregistrée conformément à l’article 20 de la Loi ainsi que de l’interprétation de l’expression « est réputé être violé », utilisée dans cet article (Bonus Foods, au paragraphe 753). Cela n’est d’aucun secours lorsqu’il s’agit d’interpréter les éléments nécessaires à une action en commercialisation trompeuse en ce qui a trait à une marque non enregistrée conformément à l’alinéa 7b) de la Loi, la question en l’espèce.

[31]  La demanderesse se fonde également sur une jurisprudence qui porte sur l’utilisation d’un nom de famille lorsque des droits concomitants à l’achalandage sont transmis à deux entités commerciales distinctes qui découlent d’une division dans l’entreprise familiale initiale (J & A McMillan Ltd c McMillan Press Ltd ( 1989), 27 CPR (3d) 390, 99 NBR (2d) 181 (Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, Sir Robert McAlpine Limited v Alfred McAlpine Plc, [2004] EWHC 630 (Ch), WS Foster & Son Limited v Brooks Brothers UK Limited, [ 2013] EWPCC 18, Edward Chapman Ladies ‘Shop Limited v Edward Chapman Limited, 2007 BCCA 370). Il ne s’agit pas de l’un de ces cas. Il s’agit plutôt d’un cas où il existe une similitude entre un nom d’entreprise et un numéro de téléphone alphanumérique. Il n’y a pas d’antécédents communs ou de dénomination sociale commune et, à ce titre, la jurisprudence portant sur les droits concomitants sur laquelle se fonde la demanderesse n’est guère utile.

[32]  La demanderesse n’a pas démontré que les [traduction] « limites du comportement commercial approprié ont été dépassées [à son] détriment » (Vancouver Community College, au paragraphe 54). La méprise ou la représentation trompeuse n’a pas été établie.

3)  Préjudice

[33]  En ce qui concerne le troisième volet, bien que la demanderesse affirme que les actions des défendeurs ont [traduction] « nui à la valeur du nom et aux activités de Weldpro », elle n’a présenté aucune preuve de préjudice. « Un dommage réel ou éventuel est un élément nécessaire à une conclusion selon laquelle il y a une responsabilité suivant l’alinéa 7b). En l’absence de preuve à cet égard, la Cour ne peut pas conclure à l’existence d’une responsabilité » (Nissan Canada Inc. c BMW Canada Inc, 2007 CAF 255, au paragraphe 35). N’ayant pas présenté de tels éléments de preuve, la demanderesse n’a clairement pas établi le préjudice.

[34]  Comme je suis arrivé à la conclusion qu’aucun des éléments du critère de la commercialisation trompeuse n’a été établi, il n’y a pas de violation de l’alinéa 7b) de la Loi. Comme aucune réparation n’est due, il n’est pas nécessaire que j’examine les observations de la demanderesse selon lesquelles le voile corporatif doit être levé et que M. Kocken doive être tenu personnellement responsable. Je me vois encore dans l’obligation de formuler certains commentaires.

B.  Levée du voile corporatif

[35]  Le critère applicable à la levée du voile corporatif est élevé. La nature d’une grave inconduite qui a justifié un tel résultat a visé notamment des administrateurs de sociétés qui ont menti à la Cour (642947 Ontario Ltd. c Fleischer et al (2001), 56 O.R. (3d) 417, 209 DLR (4th) 182 (ON CA), le détournement de fonds par des administrateurs de sociétés (Shoppers Drug Mart v 6470360 Canada Inc., faisant affaire sous la raison sociale Energyshop Consulting Inc./Powerhouse Energy Management Inc.), 2014 ONCA 85) ou le transfert d’une entreprise à une société dans le seul but de se soustraire à un jugement par défaut (Asics Corporation c 9153-2267 Québec Inc, 2017 CF 257). Le dossier de la demanderesse ne révèle aucun élément de preuve de cette nature. Même si l’action en commercialisation trompeuse avait été fondée, il n’y a aucun élément de preuve d’inconduite grave qui justifierait la levée du voile corporatif et l’attribution de la responsabilité personnelle à M. Kocken.

C.  Dépens

[36]  Les parties ont présenté de nombreuses observations sur la question des dépens.

[37]  Les défendeurs demandent des dépens sur une base avocat-client en soutenant que la demande était sans fondement, que les éléments de preuve présentés par la demanderesse étaient mensongers, que les arguments étaient à bien des égards sans fondement et que la réclamation contre de M. Kocken à titre personnel était totalement injustifiée. Les défendeurs soutiennent que la demande n’était pas nécessaire compte tenu de la procédure d’opposition à la marque qui avait été engagée avant la demande.

[38]  La position de la demanderesse relativement aux dépens a évolué. Dans ses observations présentées pour la première fois à la Cour sous couvert d’une correspondance en date du 27 octobre 2017, la demanderesse soutient avoir eu gain de cause dans la cadre de sa demande, puisque le défendeur a fait des aveux compatibles avec les éléments du jugement déclaratoire demandé. La demanderesse soutient, en se fondant sur les admissions des défendeurs, que les parties ont chacune eu partiellement gain de cause et que chaque partie devrait assumer ses propres dépens. À titre subsidiaire, la demanderesse sollicite qu’une directive soit donnée pour que les dépens soient évalués selon l’échelon supérieur de la colonne III, et elle a présenté un projet de mémoire de frais reflétant cette position.

[39]  Le 31 octobre 2017, la demanderesse a présenté un deuxième projet de mémoire de frais sollicitant l’adjudication des dépens sur une base avocat-client. Aucune observation n’a été présentée à l’appui de ce deuxième projet de mémoire de frais, même s’il était indiqué qu’il avait simplement été omis des observations du 27 octobre 2017. Dans une autre lettre datée du 31 octobre 2017 répondant à une lettre du défendeur en date du 30 octobre 2017 qui contestait le projet de mémoire de frais de la demanderesse sollicitant l’adjudication des dépens sur une base avocat-client, l’avocat de la demanderesse affirme que l’article 420 des Règles des Cours fédérales, DORS/98- 106 (Règles) est invoqué pour faire avancer le projet de mémoire de frais sollicitant des dépens sur une base avocat-client.

[40]  J’ai examiné attentivement les observations de la demanderesse sur la question des dépens voulant que les parties aient chacune eu partiellement gain de cause en l’espèce. Je ne suis pas de cet avis. L’omission des défendeurs de contester certains faits ou leur reconnaissance du fait qu’une erreur typographique avait été commise relativement à l’identificateur numérique (1-800 au lieu de 1-877) ne peut être qualifiée de gain de cause par la demanderesse. Je note également que la demanderesse n’a pas abordé la question de savoir si l’une des questions à l’égard desquelles il a été reconnu qu’elle a eu gain de cause dans ses observations écrites aurait pu être traitée plus efficacement dans le cadre de la procédure d’opposition en cours. Dans ses observations, la demanderesse mentionne que la procédure d’opposition à la marque a été engagée avant le dépôt de la présente demande.

[41]  Dans la présente demande, la question en litige est la commercialisation trompeuse et la demanderesse n’a pas gain de cause sur cette question. Les défendeurs auront droit à leurs dépens. Je suis d’avis qu’une partie qui a gain de cause ne devrait pas être pénalisée pour avoir réduit les points à débattre et avoir reconnu des faits non contestés au cours d’une instance.

[42]  Les défendeurs ont présenté deux projets de mémoire de frais dont le premier est fondé sur la colonne III du tarif B et dont le montant s’élève à 12 370,74 $, y compris les débours et les taxes et le second, sur une base avocat-client d’une somme de 113 646,99 $, y compris les débours et les taxes.

[43]  La question des dépens relève des pouvoirs discrétionnaires de la Cour. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la Cour peut prendre en considération les facteurs énoncés à l’article 400 des Règles. Ces facteurs comprennent, entre autres, l’issue et la complexité de l’instance ainsi que la conduite des parties.

[44]  Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai conclu qu’il n’y avait pas gain de cause partiel ou partagé en l’espèce. Je remarque que les questions en jeu sont relativement simples. Je souscris aux observations des défendeurs selon lesquelles l’argument de la demanderesse relatif à l’achalandage concomitant a compliqué inutilement la procédure, qui, à première vue, démontrait peu de chances de succès. Je note qu’en menant plus loin la présente demande et pour des raisons qui n’ont pas été abordées dans la procédure, la demanderesse n’a pas présenté le meilleur élément de preuve dont elle disposait à l’appui de sa thèse, soit celui du directeur de Weldpro, M. Rideout. Je note que la demanderesse a allégué une inconduite personnelle de la part de M. Kocken, une allégation qui n’était guère plus qu’une affirmation dénuée de fondement dans ses observations écrites et qui n’a été soulevée d’aucune manière au cours des plaidoiries.

[45]  Bien que la conduite de la demanderesse ait été discutable et même troublante, je ne peux conclure qu’elle est assimilable à une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante qui justifierait exceptionnellement l’adjudication de dépens sur une base avocat-client. Je suis d’avis que l’adjudication de dépens sur la base avocat-client serait excessive en l’espèce.

[46]  Toutefois, je suis également d’avis qu’il est approprié d’octroyer un montant supérieur aux dépens taxés selon la colonne III du tarif B. Je suis d’avis que des dépens de 25 000 $, y compris les débours et les taxes, à l’exception des frais de déplacement de M. Kocken dont il est question ci-après, doivent être adjugés. Pour arriver à ce montant, j’ai été guidé dans l’ensemble par les colonnes IV et V du tarif B.

[47]  Dans les projets de mémoire de frais des défendeurs, les frais de déplacement de M. Kocken en vue d’assister à l’audition de la présente affaire s’élèvent à de 912,66 $. Il est indiqué que ces dépenses ont été personnellement acquittées par M. Kocken. Les allégations d’inconduite personnelle ont naturellement déclenché l’envie de M. Kocken d’assister à l’audition de la présente affaire. Il a droit à des dépens distincts pour ses frais de déplacement qui s’élèvent à 912,66 $.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. La défenderesse, Weldworld Corp, a droit à ses dépens, y compris les débours et les taxes d’un montant fixe de 25 000 $.

  3. 3. Le défendeur William Kocken, a droit à ses dépens d’un montant fixe de 912,66 $, y compris les débours et les taxes.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1902-16

 

INTITULÉ :

WELDPRO LIMITED c WELDWORLD CORP. ET WILLIAM KOCKEN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 OCTOBRE 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 MARS 2018

 

COMPARUTIONS :

Bayo Odutola

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Scott Miller

Erin Creber

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OLLIP P.C.

Intellectual Property and Technology Law

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

MBM

Intellectual Property Law LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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